lun 06 mai 2024 - 14:05

Serait-ce le signe du déclin de la Franc-maçonnerie… ou sa mutation ?

C’est en observant les signaux faibles que les mutations à venir se font sentir. La Franc-maçonnerie n’échappe certainement pas à cette règle. Pour preuve, les propos de Roger Dachez dans une interview de Jacques Carletto passée ce jour dans nos colonnes, ou encore le récent ouvrage de Franck Fouqueray : « Les clés d’une nouvelle Franc-maçonnerie par le corps ». La rédaction a déniché un article issu d’un blog catholique dont la teneur mérite le détour. Chacun se fera son idée…

Pourquoi nous sommes entrés dans une ère « post-maçonnique »

Nous vivons, nous disent les sociologues, philosophes, politiciens et même hommes d’Eglise, à l’ère post-industrielle, post-chrétienne, post-communiste (???), et bientôt post-humaine, intelligence artificielle oblige. Tout cela peut évidemment être discuté, ou au moins nuancé, et d’autres sont évidemment bien plus qualifiés que moi et mes faibles lumières pour le faire. Plus surprenant, l’affirmation que nous serions dans une ère post-maçonnique, en un moment où les idéaux des Loges semblent triompher partout. Justement…

C’est ce qui semblait ressortir d’un ouvrage paru récemment en Italie sous le titre La tiara e la loggia. La lotta della Massoneria contro la Chiesa (ed. Fede & Cultura, 2023), préfacé par don Nicola Bux (liturgiste très apprécié de Benoît XVI). L’auteur, Gaetano Masciullo, jeune philosophe catholique et journaliste free lance s’en défend, et affirme avoir été mal compris, dans une mise au point que je trouve particulièrement originale, et intéressante même pour quelqu’un qui n’a pas/ne lira pas le livre, et qu’AM Valli publie aujourd’hui.

La cause finale de la franc-maçonnerie a été atteinte, et la franc-maçonnerie est de fait « inutile », dans le sens où il y a beaucoup d’institutions qui travaillent à développer la gnose et le socialisme sans être initiées dans les loges.

Aujourd’hui, toutes les institutions (écoles , universités , cinémas , médias, etc.) pensent comme des francs-maçons sans tablier.

Sul libro “La tiara e la loggia” / In che senso siamo in un tempo post massonico

Dans mon livre récemment publié, La tiara e la loggia. La lotta della Massoneria contro la Chiesa [La Tiare et la Loge. La lutte de la franc-maçonnerie contre l’Église], j’affirme que la période historique dans laquelle nous vivons peut être définie comme la « période post-maçonnique » par opposition à la période maçonnique proprement dite, ou « du triomphe maçonnique », comme je la définis dans le texte, et que j’ai grossièrement datée de 1717 – année de la fondation de la franc-maçonnerie spéculative – à 1945. Certains lecteurs ont été déconcertés par cette datation, interprétant mal, à mon avis, la signification philosophico-historique qu’elle comporte.

Ce malentendu est dû, je crois, à une mauvaise compréhension du préfixe « post » dans l’expression « post-maçonnique ». En effet, dire que nous vivons dans une période post-maçonnique ne signifie pas que la franc-maçonnerie est morte, qu’elle n’est plus opérante, qu’elle ne s’occupe plus d’activités culturelles, politiques ou économiques. Cela signifie simplement – comme je l’ai écrit dans le texte – que la cause finale (ce pour quoi une chose donnée existe, et donc la raison d’être de cette chose) de la franc-maçonnerie a été atteinte.

Quelle était la cause finale de la franc-maçonnerie ? Dans mes recherches, j’esquisse au moins trois directives à cet effet : le remplacement de la culture catholique par une culture de matrice gnostique ; la diffusion politico-économique du socialisme (que j’utilise ici comme synonyme d’étatisme) ; le retrait du pouvoir temporel à l’Église catholique, entendue comme seule garante de la libertas Ecclesiae d’enseigner la vérité, contre les tentations incessantes des pouvoirs séculiers de s’ériger en autorité morale de l’humanité. Ces trois directives, que l’on peut résumer par une seule expression latine d’origine virgilienne, très en vogue dans les loges, novus ordo saeclorum (« nouvel ordre mondial »), ont été réalisées.

Le « nouvel ordre mondial », attention, n’est pas le mondialisme : ce n’est qu’un effet. Quiconque connaît la philosophie aristotélico-thomiste sait bien comment distinguer, dans l’examen d’une entité quelconque, la cause formelle, la cause finale et les effets de celles-ci. Par exemple, si je dis que la cause formelle de l’homme est sa rationalité, il s’ensuit que la cause finale de l’homme ne peut être recherchée loin de là, et en effet la cause finale de l’homme (ce pour quoi l’homme existe) est la sagesse, qui avec le christianisme prend cette dimension particulière qui porte le nom de sainteté. Mais la rationalité de l’homme est suivie de certains effets qui ne sont pas la cause finale de l’homme : puisqu’il est rationnel, il s’ensuit certainement qu’il est le seul animal capable de rire, ou le seul capable d’habileté manuelle, donc le seul capable de manipuler la nature et de construire des objets à son avantage. Celui qui confond un effet quelconque de la forme d’une chose avec la cause finale de cette chose s’apparente à un philosophe qui enseigne que la cause finale de l’homme est d’être un travailleur, plutôt que d’être savant (ce n’est pas un exemple au hasard, c’est celui que je fais, car dans la franc-maçonnerie il y a eu des gens qui ont enseigné cette erreur philosophique à maintes reprises : voir, à sa manière, Hegel). De même, ceux qui pensent que le mondialisme est le nouvel ordre mondial, c’est-à-dire la fin de la franc-maçonnerie, confondent l’effet de la fin avec la fin elle-même.

Certes, la franc-maçonnerie existe et fonctionne encore (à des degrés divers), à la fois pour préserver la Révolution et pour produire ces effets. Mais la cause finale de la franc-maçonnerie a été atteinte, et la franc-maçonnerie est de fait « inutile », dans le sens où il y a beaucoup d’institutions qui travaillent à développer la gnose et le socialisme sans être initiées dans les loges. Il y en a d’autres qui peuvent très bien travailler à la place des francs-maçons, et qui sont tout aussi organisées, si ce n’est plus.

Lorsqu’une institution devient inutile parce qu’elle a atteint son but, sa mort, sa disparition, n’est pas automatique. Nous sommes pleins d’institutions inutiles, obsolètes, mais toujours vivantes. Les bersaglieri et les gardes suisses en sont deux exemples frappants.

Aujourd’hui, toutes les institutions (écoles , universités , cinémas , médias, etc.) pensent comme des francs-maçons sans tablier. Cela ne signifie pas pour autant que la Révolution est terminée. L’erreur qui est très souvent commise, et qui peut être à l’origine du malentendu que je veux dissiper ici, est de confondre et d’amalgamer la Révolution avec la Franc-maçonnerie, en oubliant que la Franc-maçonnerie n’est qu’un instrument, certainement le plus efficace, de la Révolution.

Comme je l’écris dans le livre, l’épée de la Révolution est maintenant confiée à d’autres entités en dehors de la franc-maçonnerie, principalement la composante moderniste de l’Église catholique. Quand on comprend que la Révolution est un phénomène bien plus grand que la Franc-maçonnerie, on comprend pourquoi je parle d’une période maçonnique et d’une période post-maçonnique. Et si l’on veut, on pourrait parler d’une période pré-maçonnique, si l’on considère que la Révolution a été préparée dès les premiers siècles après Jésus-Christ avec la montée des sectes gnostiques, qu’elle a été fécondée au cours du Moyen-Âge avec la naissance de nombreux mouvements culturels qui ont vu leur matrice dans le gnosticisme (alchimie, catharisme, kabbalisme), et qu’elle a connu sa première vraie victoire avec la révolution luthérienne, des siècles avant la naissance de la Grande Mère Loge de Londres.

En fait, la Révolution, qui est la clé avec laquelle il faut lire le phénomène maçonnique pour le comprendre, a une cause finale très différente, qui se cache dans le nom même de « révolution » (comme l’enseigne saint Thomas, les noms suggèrent souvent la finalité) : le bouleversement de l’homme dans son rapport avec la réalité.

C’est pour cela que la Révolution a ses directives propres, au nombre de cinq, parce qu’il y a cinq rapports de l’homme à la réalité : religieux, politique, économique, social et anthropologique. L’ordre n’est pas aléatoire. Comme je l’ai écrit dans le livre, si nous considérons l’homme comme une citadelle, le mur extérieur est celui de la religion, tandis que le mur intérieur est celui de l’anthropologie, c’est-à-dire celui qui nous dit ce qu’est l’être humain. L’assiégeant a commencé par détruire le mur extérieur, le contre-révolutionnaire doit au contraire reconstruire à partir du mur intérieur.

Si nous analysons les moments où les cinq phases de la Révolution se sont réalisées, nous constatons que la franc-maçonnerie n’a travaillé directement que pour l’une de ces phases. Or ces cinq phases sont la révolution luthérienne qui a agi dans le domaine religieux, la révolution française dans le domaine politique, la révolution soviétique dans le domaine économique, la révolution de 1968 dans le domaine social et la révolution du genre dans le domaine anthropologique.

La franc-maçonnerie n’a agi directement que sur la phase politique de la Révolution, et moins directement sur la révolution soviétique, comme je l’explique longuement dans mon livre. Ce n’est pas un hasard. Les francs-maçons des XVIIIe et XIXe siècles ont bien compris que pour détruire l’ordre catholique, il fallait instiller une nouvelle vision du cosmos dans l’esprit de l’élite politique. Le fait que les francs-maçons aient contribué à la victoire de la révolution soviétique, de la révolution de 1968 et de la révolution du genre ne signifie pas que ce qui a été dit jusqu’ici est faux.

Une dernière remarque pour souligner la différence entre la révolution et la franc-maçonnerie, et la relation de type ministériel que cette dernière assume par rapport à la première.
Considérons l’événement historique de la Révolution italienne (ou, comme on l’appelle plus communément dans les manuels scolaires, le Risorgimento italien). Du point de vue de la Révolution, il s’agissait d’un appendice, d’un effet de la révolution politique, c’est-à-dire de la Révolution française.

Mais du point de vue de la franc-maçonnerie, c’était une priorité, car – comme on l’a dit – parmi les objectifs maçonniques figurait la mission de priver le pape de son pouvoir temporel légitime.

Avec la naissance de l’État italien, et en particulier avec l’exil du Saint-Père au Vatican, cet objectif a été atteint et, ce faisant, la porte infernale a été ouverte à l’entrée de la pensée gnostique dans la théologie catholique. Les papes qui ont régné entre 1870 et 1962 se sont efforcés d’enseigner aux catholiques (évêques et théologiens) la nécessité du pouvoir temporel papal pour défendre l’Église de l’infiltration moderniste, mais ils n’ont pas été écoutés, peut-être même pas compris. Si le pape était resté roi du royaume papal, ce que j’ai rapporté dans mon autre recherche, L’ariete del modernismo, 2022 [Le bélier du modernisme], ne serait jamais arrivé.

Et aujourd’hui, nous n’aurions pas le pape François.

Article issu du blog benoit-et-moi.fr

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