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Conte maçonnique du grand…

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Les couvreurs on une fonction qui quelque fois, dans le rituel du déroulement d’une Tenue maçonnique, donne un aspect un peu théâtral à la soirée et notamment avec les moments qui abordent le « tuilage ».

Ce frère ou cette sœur sont là pour nous préserver d’éventuels intrus et faire en sorte que nous puissions travailler dans la concorde entre nous francs-maçons.

De ce fait nous nous prêtons au jeu pour répondre à leurs demandes. C’est aussi parfois l’occasion de se remémoriser, entres autres, « des mots de passe ou signes et attouchements.

« LES FRANCS-MAÇONS REÇOIVENT LE GRAND ARCHITECTE DE L’UNIVERS »

Vénérable Maître

Je me prépare, pour une tenue importante, actualité oblige. Ce soir notre loge reçoit le Grand Architecte de l’Univers.

Vous allez le découvrir dans la partie audiovisuelle de cet article à travers un texte humoristique que m’a trouvé un frère, fidèle lecteur de notre journal, et amateur de commentaires souvent bien vus par sa plume bienveillante mais aussi aiguisée !

Je reprends grâce à sa complicité ce « conte » qui d’ailleurs ne nous appartient pas, ni à lui, ni à moi car tous deux ne sommes que des passeurs chargés de transmettre. 

C’est aussi pour cette raison que j’ai choisi une interprétation avec un petit clin d’oeil à ce grand conteur qu’était  l’immense Henri Gougaud et à qui ce texte peut-être aurait plu.

 En attendant j’espère que le frère couvreur me laissera rentrer après le tuilage de rigueur…

Guillaume Trichard serait-il inquiet par une future candidature de Daniel Keller à la Grande Maîtrise ?

Au soir du 13 juin 2024, un courrier était adressé aux membres du GODF par le Grand Maître Trichard. Il faisait suite à une interview donnée deux jours plus tôt par l’ancien Grand Maître Daniel Keller à l’Opinion – Internationale. Pourtant, ce même 13 juin, dans une seconde interview, ce dernier appelait à faire barrage au Rassemblement National.

Ce courrier d’un Grand Maître en charge (voir ci-dessous), écrit à chaud, adressé aux membres de l’Obédience, sans réflexion préalable, sans consultation formelle du Conseil de l’Ordre, menace un ancien Grand Maître dans des termes à peine voilés, des foudres de la Justice Maçonnique. Tout cela est totalement étranger à la tradition maçonnique.

Daniel Keller

Aucune explication n’a été demandée au frère Daniel Keller, en violation de la fraternité élémentaire. Ce courrier envoyé aux membres du GODF passe outre la souveraineté de la Loge qui veut que le Grand Maître ne s’adresse pas directement aux membres de l’Obédience mais aux Vénérables des Loges.

Aucun débat préalable au Conseil de l’Ordre, une adresse directe aux membres de l’Obédience, comme si le Grand Maître faisant fi du débat contradictoire mettait le Conseil de l’Ordre comme l’Obédience devant un fait accompli : à savoir la traduction du frère Daniel Keller en Justice maçonnique au nom de sacro-saints principes.

Accuser Daniel Keller d’un soutien quelconque au RN, alors qu’il ne fait qu’exprimer ses craintes que la France ne bascule dans le chaos si d’aventure le RN gagnait les élections, est tout simplement ubuesque, alors qu’il en appelait à lui faire barrage dans son second interview

Et si les sacro-saints principes cachaient d’autres desseins ?

Les Francs-Maçons travaillant en Loge bleue jusqu’au 3ème degré, s’interrogeront sur une telle précipitation. Les arrière-Loges de la rue Cadet savent que l’actuel Grand Maître n’a plus que quelques semaines de fonctions, avant de devoir quitter sa charge au convent de Lille.

Guillaume Trichard votant aux élections européennes de 2024

 Ils constateront que Guillaume Trichard a deux préoccupations aujourd’hui :

  • La première est l’adoption de son rapport moral quelque peu compromis par des déficits financiers tant au GODF qu’à la SOGOFIM qu’il a dirigée depuis 2022, ainsi que par quelques décisions de justice récentes concernant la Fondation.
  • La deuxième est sa succession à la Grande Maîtrise, car lors de son rasage matinal, le rêve de Guillaume Trichard est de se succéder à lui-même au plus vite et pour trois ans.

Le successeur préféré de Guillaume Trichard, n° 4, secrétaire général adjoint de l’UNSA serait Nicolas Pénin, actuel Garde des Sceaux – actif procureur du Conseil de l’Ordre auprès de la Chambre Suprême de Justice Maçonnique (CSJM) – conseiller principal d’éducation bénéficiant lui aussi d’une décharge syndicale UNSA à qui il reste une année de mandat possible et qui, lui aussi, se verrait bien faire trois ans de Grande Maîtrise après Guillaume Trichard.

Ainsi l’UNSA aura pleinement réussi son OPA sur le GODF qui de républicaine sera devenue une obédience sous influence syndicale. Par ailleurs, le mandat de Grand-Maître du GODF étant nécessairement exercé à temps plein, la question se pose du sort des fonctions occupées au sein de l’UNSA, dont le site internet fait encore mention à ce jour de la présence de Guillaume TRICHARD dans l’équipe du Secrétariat National. Les fonctions de responsabilité au sein d’un syndicat sont-elles compatibles avec celles de Grand-Maître, sans même aborder le sujet sensible des rémunérations ou indemnités perçues lors de l’exercice desdites fonctions syndicales, qui peuvent provenir de l’union syndicale ou de l’entreprise de rattachement, selon les cas ?

Le frère Daniel Keller a le tort de ne pas être adhérent à l’UNSA, ni de jouir sans contrôle d’une délégation syndicale. Il est connu pour sa liberté de parole, pour ses engagements profondément républicains et pour avoir fait vivre au GODF une grande maîtrise exemplaire, prolongée par celle de Christophe Habas qu’il avait suscité.

Le frère Daniel Keller a le tort d’avoir une possibilité de Grande Maîtrise de trois ans en 2025, en 2028, en 2031. Tous les Francs-Maçons attentifs auront compris que Daniel Keller est un empêcheur de tourner en rond dans l’entre-soi des arrières-Loges de la rue Cadet.

Il n’est donc pas étonnant que le Grand Maître Trichard n’ait pas invité Daniel Keller le 27 mai 2024 à la tenue commémorative du 2ème anniversaire de la disparition de Christophe Habas dont il était l’ami très proche.

Le Grand Maître Trichard craint tant le potentiel retour de Daniel Keller qu’il utilise tous les moyens propres à le marginaliser, le minimiser puis l’écarter.

Christophe Habas

Le frère Daniel Keller avait déjà subi cet ostracisme de la part du Grand Maître de 2018. Le GM Foussier, fort marri de n’avoir fait qu’une année de Grande Maîtrise à cause de celle de Christophe Habas , avait outrageusement favorisé l’attribution d’un poste de conseiller de l’Ordre à une autre région que celle de Daniel Keller. Il ouvrait ainsi la Grande Maîtrise à un Jean-Philippe Hubsch dont la deuxième année fut pour le moins cahotique.

Les Francs-Maçons du GODF seront surpris d’apprendre que :

  • Le Grand Maître Trichard réserve sa communication exclusivement au Blog Hiram-be alors que Gérard Plumecocq était suspendu pour 3 ans de ses droits maçonniques par la CSJM depuis le 25 juillet 2023, pour violation du secret maçonnique. Sous l’influence active du Grand Maître Trichard, Gérard Plumecocq a été réintégré comme par enchantement.

Ils émettront sans doute quelques réserves au courrier (ci-dessous) du Grand Maître Trichard qui a tendance à oublier la citation d’Antoine de Saint-Exupéry figurant au pied des escaliers menant aux étages du « 16 Cadet ».

 « Si tu diffères de moi frère, loin de me léser tu m’enrichis »

Dans cette période troublée, les Francs-Maçons disposent dans leurs loges d’outils fraternels et intellectuels qui leur permettront de déchiffrer et de pacifier le monde à venir. Gageons que les Soeurs et les Frères du GODF feront les bons choix empreints de Fraternité.

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« Salix », la voix des Rencontres Écossaises d’Angers

C’est avec une joie immense et un plaisir non dissimulé que nous chroniquons pour la première fois Salix-La revue des Rencontres Écossaises. Ce numéro 52 a pour titre « Dire l’indicible ».

450.fm saisit cette occasion précieuse pour exprimer sa profonde gratitude à tous les auteurs, éditeurs et obédiences qui nous accordent leur confiance pour présenter leurs revues et ouvrages. Aujourd’hui, c’est au tour du Suprême Conseil pour la France (S.C.P.L.F.) d’être mis à l’honneur. Qu’il soit, ici et maintenant, remercié pour cette opportunité enrichissante, au plus grand profit et plaisir de nos fidèles lecteurs.

Ce moment marque une étape significative dans notre engagement à offrir des contenus de qualité, et nous espérons que cette chronique saura captiver et inspirer chacun d’entre vous. En ces lignes, nous souhaitons également saluer l’excellence et le dévouement des contributeurs de Salix, dont les œuvres continuent d’éclairer et d’enrichir notre compréhension de la franc-maçonnerie, en général, du Rite Écossais Ancien et Accepté, en particulier, et de ses profondes traditions.

Nous débuterons donc par une présentation de Salix, une revue qui a pleinement su embrasser les défis et opportunités du XXIe siècle. Elle est aujourd’hui la revue des Rencontres Écossaises et propose, dans son numéro 52 d’avril 2024, un retour sur les 39e Rencontres Écossaises à Angers 2023, organisées par le S.C.P.L.F.

Salix s’est distinguée par sa capacité à évoluer et à répondre aux aspirations contemporaines des francs-maçons. Elle ne se contente pas de refléter les traditions et les rituels du passé; elle se positionne comme un pont entre l’héritage maçonnique et les réflexions modernes. À travers des articles approfondis, des analyses érudites et des contributions variées, Salix offre une plateforme pour discuter et explorer les mystères de l’art royal sous un éclairage nouveau.

Cette revue se veut un espace d’échange intellectuel et spirituel, où les idées les plus complexes peuvent être discutées et où l’indicible trouve une forme d’expression. La transformation de Salix pour s’adapter aux exigences du nouveau millénaire démontre son engagement à rester pertinent et inspirant pour ses lecteurs. En alliant tradition et modernité, la revue continue de servir de guide et de source d’inspiration pour tous ceux qui cherchent à comprendre et à participer à la grande aventure de la franc-maçonnerie.

Un peu d’histoire…

Salix est la revue officielle du Suprême Conseil pour la France du Rite Écossais Ancien et Accepté (R.E.A.A.). Elle publie les conférences présentées lors des Rencontres Écossaises, des événements annuels où les membres discutent et partagent des connaissances sur divers aspects de la franc-maçonnerie.

La revue Salix a été établie pour diffuser les travaux et les idées échangées au sein du Suprême Conseil. Elle constitue une archive précieuse des discours et des conférences tenus lors des Rencontres Écossaises.

Chaque numéro de Salix comprend des articles, des études et des recherches sur les hauts grades du Rite Écossais Ancien et Accepté. La revue met en avant les traditions, les rituels et l’évolution historique de la franc-maçonnerie écossaise.

Les anciens numéros de Salix peuvent être commandés en ligne via le site du Suprême Conseil pour la France. Cela permet aux membres et aux chercheurs de consulter les travaux publiés lors des conférences précédentes.

La revue Salix est un outil essentiel pour le partage des connaissances et la préservation des traditions maçonniques au sein du Suprême Conseil pour la France

Claude Guichard

Retour sur l’éditorial signé Claude Guichard

L’éditorial commence par souligner l’importance de la réflexion intellectuelle et de l’exploration des idées sans limite. Il critique la pensée simpliste et conditionnée, appelant à une libération de l’intelligence pour favoriser la découverte et l’interprétation.

Les 39e Rencontres Écossaises d’Angers et le colloque de Bordeaux ont mis en lumière la maçonnerie comme un espace non élitiste, favorisant l’éveil, l’enrichissement et l’interrogation perpétuelle. Ces rencontres ont été un exercice de discernement, crucial pour l’expérience initiatique.

Trinh Xuan Thuan, en 2015 – Wikimedia Commons

À Angers, l’astrophysicien Trinh Xuan Thuan a abordé la complexité de « Dire l’indicible », évoquant l’univers comme un ensemble harmonieux et beau, compréhensible par l’intelligence et l’humilité.

Chaque année, les Rencontres Écossaises favorise l’échange des pensées scientifiques, philosophiques et littéraires sans hiérarchie des valeurs, inciter à la réflexion profonde et au questionnement continu sur des idées nouvelles et des discours et maintienne la pensée vivante en gardant une pensée évolutive et en harmonie avec le monde.

Claude Guichard, éditeur de Salix, conclut en soulignant l’importance de se questionner et de participer activement au monde, rappelant que la réflexion et l’échange sont essentiels pour la croissance personnelle et collective.

Ce numéro introduit aussi une nouvelle rubrique « Variations », explorant les thèmes des Rencontres Écossaises à travers les expériences de différents membres.

La juste et parfaite question que peut se poser est que faut-il entendre par l’expression « Dire l’indicible ». Ne renvoie-t-elle pas à l’effort de communication et de transmission de concepts, expériences et vérités qui transcendent les capacités habituelles du langage. Cela passe-t-il par l’expérience initiatique, le symbolisme et le rituel, une connaissance ésotérique, une philosophie et/ou métaphysique ?

Jack Chopin-Ferrier

« Un désir universel et naturel de l’humain », titre de l’introduction de Jack Chopin-Ferrier, président des Rencontres Écossaises et Grand Commandeur du Suprême Conseil pour la France, est particulièrement éclairante. Il revient sur l’objet d’étude 2023, « Dire l’indicible ». Cette thématique est une extension de la précédente, issue de Clermont-Ferrand, qui portait sur les Ordo ab chao. Elle vise à comprendre la nature de l’indicible et comment la maçonnerie peut aider à le saisir.

Il aborde la question de l’éveil personnel, initiatique et constant qui est au cœur des réflexions. Les pratiques initiatiques doivent permettre de faire émerger des techniques et une conscience qui transcendent le niveau de connaissance antérieur.

Il souligne la nécessité d’unir la rationalité discursive avec la réflexion symbolique et mythique. La science et la poésie doivent coexister pour offrir une compréhension plus profonde de l’indicible.

C’est ainsi que les Rencontres visent à harmoniser les différents langages humains, incluant ceux de la science, de l’art, et des rituels maçonniques. L’objectif est de créer un dialogue enrichissant et de construire une compréhension commune.

Jack Chopin-Ferrier met en avant l’importance de la philosophie et de la science moderne, et comment elles interrogent les traditions maçonniques pour offrir des perspectives nouvelles.

Il souligne que l’émerveillement face à l’univers et aux mystères dépassent notre compréhension rationnelle est une partie essentielle du thème. Trinh Xuan Thuan, astrophysicien, illustre cette idée par son concept de « Désir d’infini ».

Il insiste sur la nécessité de maintenir une réflexion active et vivante, évitant la simplification et la vulgarisation excessive du discours.

Pour lui, La franc-maçonnerie doit rester vigilante face aux simplifications et aux approches binaires de la pensée, en cherchant toujours à explorer la complexité et la profondeur des idées. Un bel exercice de lucidité !

Il nous faut aussi respecter et s’ouvrir aux traditions tout en restant attentif aux évolutions du monde est un équilibre crucial à maintenir.

Jack Chopin-Ferrier déclare que les enseignements historiques et les rituels maçonniques doivent être pratiqués avec sincérité et engagement, transformant les idées pour les adapter aux défis contemporains.

Les Rencontres Écossaises offrent un espace d’échange et d’ouverture, favorisant une pensée évolutive et un engagement actif dans le monde moderne. Jack Chopin-Ferrier conclut en remerciant les participants pour leur engagement et en soulignant l’importance de continuer à explorer et à exprimer l’indicible, tout en restant ouverts et curieux face aux mystères de l’univers. Les Rencontres Écossaises sont un espace où ces réflexions peuvent s’épanouir, contribuant à la vitalité et à la richesse de la franc-maçonnerie contemporaine.

Le sommaire du numéro 52 d’avril 2024 :

Rencontres Écossaises d’Angers des 7 et 8 octobre 2023 : « Dire l’indicible »

1. Introduction par Jack Chopin-Ferrier – Présente les thématiques des Rencontres Écossaises sous le thème « Un désir universel et naturel de l’humain ».

2. Trinh Xuan Thuan – « D’autres fenêtres pour regarder le réel » : une exploration scientifique et philosophique.

3. Positivisme, scientisme et romantisme au XIXe siècle – Analyse des courants intellectuels du XIXe siècle.

4. Faire advenir l’indicible – Discussion sur les moyens de percevoir et d’exprimer ce qui est difficilement communicable.

5. Le geste artistique – Examen du rôle de l’art dans la transmission de l’indicible.

6. Surréalisme et inconscient – Étude des mouvements artistiques et leur lien avec l’exploration de l’inconscient.

7. Intelligence et intuition – La complémentarité entre la pensée rationnelle et intuitive.

8. Les mots de nos rituels, une espèce en danger ? – Réflexion sur la pérennité et l’évolution des rituels maçonniques.

9. La tradition, socle d’une cathédrale de fraternité – Importance des traditions dans le renforcement des liens fraternels.

10. 2e édition du Prix littéraire des Rencontres Écossaises – Présentation des lauréats et de leurs œuvres.

11. Variations sur l’indicible – Diverses perspectives sur l’expression de l’incommunicable.

Colloque de Bordeaux du 13 mai 2023 : « Discerner et rassembler ce qui est épars »

12. Du discernement en temps d’apocalypse – Réflexions sur la lucidité en période de crise.

13. Lumières écossaises pour un monde post-moderne – Les enseignements du Rite Écossais pour le présent et l’avenir.

14. Discernement écossais et part naturelle de l’humain – Comment le discernement maçonnique enrichit l’expérience humaine.

Autres sections :

15. La librairie de Salix – Sélection de livres recommandés.

16. D’hier est d’aujourd’hui – Exploration des continuités et des changements dans les traditions maçonniques.

17. Déjà parus – Rétrospective des précédentes éditions de Salix.

Soulignons, dès la page 3, l’hommage qu’Alain Chaize rend au regretté Michel Nahon (1936-2023), figure pionnière et influente des Rencontres Écossaises et un grand maçon, de par ces activités caritatives.

Cette édition de Salix offre une richesse de réflexions sur la capacité de la maçonnerie à aborder et exprimer les concepts les plus complexes et souvent inaccessibles par des moyens traditionnels. Elle met en avant l’importance de la tradition, de la créativité et du discernement dans le parcours initiatique et l’expérience humaine.

Salix-La revue des Rencontres Écossais

Dire l’indicible

Suprême Conseil pour la France, N° 52, Avril 2024, 160 pages, 18 €

À commander sur AGAPAE.

« Salix », la 4e de couverture

3 raisons de visiter la cathédrale de Poitiers (Par Laurent Ridel)

Par Laurent Ridel et son site decoder-eglises-chateaux.fr

Heureusement, une porte se met toujours à s’ouvrir et j’ai la surprise de voir un visiteur sortir. La voie est libre !   
Une architecture gothique à la sauce angevine.
Cette cathédrale de construction assez ambitieuse vous fera réviser les classiques de l’architecture gothique :– des portails abondamment sculptés (vous venez de les voir) – des voûtes à croisée d’ogives – des vitraux gigantesques
Mais ce gothique est mis à la sauce angevine. Déjà les voûtes vous surprendront par leur bombement exagéré : les clés de voûte sont placées haut. Ensuite, les bas-côtés de la nef sont presque aussi élevés que le vaisseau central. La nef en paraît plus large et aussi ouverte qu’une halle. 
Les plus anciennes stalles de France ?
Alors que je filmais des vues générales de l’église, j’étais gêné par deux visiteurs qui se trouvaient dans le champ de ma caméra : ils photographiaient au flash des détails dans le chœur.  Je me suis approché. Leur intérêt se portait sur les stalles. Datées du XIIIe siècle, elles seraient les plus anciennes de France. C’est possible. De construction un peu fruste, il est tentant de les balayer du regard et de passer à autre chose.  Mais nos deux photographes avaient remarqué les attachantes sculptures au haut des stalles. Précisément, les écoinçons (les coins des arcs) accueillent une multitude de personnages et animaux : dragon affrontant un lion, vierge à l’enfant attendrissante, architecte au travail, anges porteurs de couronnes… 
Résultat, j’ai fait comme les deux autres visiteurs : je me suis mis à photographier.
Le vitrail d’Aliénor
Dans le chœur, le service de la cathédrale a eu la bonne idée d’installer un écran. Un film vous détaille un merveilleux vitrail, celui que vous avez en face de vous, mais à une hauteur assez décourageante pour vos yeux. 
C’est l’un des plus anciens vitraux de France. Daté des années 1160-1170, il représente une gigantesque crucifixion et une Résurrection. Comme tout vitrail roman, le dessin est maladroit et peu réaliste, et le bleu pâle.  Le bas du vitrail est caché par une balustrade. Seul le film vous permet de vous révéler ce qu’il y a derrière : les deux donateurs, Henri II Plantagenêt, roi d’Angleterre et sa femme Aliénor d’Aquitaine.  Je précise ce détail, car, depuis ma dernière vidéo sur l’abbaye de Fontevraud, j’ai remarqué qu’un certain nombre d’entre vous se mettaient dans les pas d’Aliénor en visitant tous les lieux liés à sa mémoire. N’oubliez donc pas la cathédrale de Poitiers.

Nos erreurs si humaines, si gênantes ?

Un tour de piste de notre connaissance des mécanismes d’erreur amène à une philosophie de vie. 

Sigmund Freud, grand promoteur de l’inconscient, serait-il de la même étoffe que nos complotistes contemporains ? On peut se poser la question. Cette entité cachée nommée Inconscient, peu définie, et que les IRM les plus puissants n’ont pas réussi à débusquer dans nos crânes, tirerait les ficelles de nos esprits. De temps en temps, telle Nessie dans le loch Ness, elle pointerait son museau pour lâcher un lapsus, révélateur de son existence occulte. Occulte mais quasiment insaisissable, sauf à s’infliger d’interminables cures analytiques pour en comprendre le contenu en partie, grâce à d’éclairantes interprétations, à des profondeurs progressives.  

Les neuropsychologues étudient la question des erreurs que nous commettons à une fréquence élevée. Toutes ne sont pas les lapsus révélateurs qui nous font tant rire. Sébastian Dieguez nous en brosse un florilège dans son récent «  la force de nos bugs ». Sébastian était présent à Lyon lors d’un séminaire qui eut un retentissement certain en 2020, organisé par le GODF, et centré sur la réhabilitation de la science. Il y défendait, avec bec humoristique et ongles, les apports de la science, expérimentale et factuelle, face aux diverses théories. Ces théories sont tentantes mais n’ont d’autre force que d’ être orientées conformément à nos envies.

Les erreurs de parole sont les premières bien entendu : les lapsus et autres glissements de langage, mais aussi les mots « sur le bout de la langue ». Les doigts nous font également des fautes de frappe. Pourtant,  nos cerveaux se sont réservé le niveau sémantique, et ont délégué les gestes précis à un niveau de pure dextérité manuelle donc « locale » , sans remontée d’infos détaillées vers le cerveau.

 D’ailleurs, la main gauche ignore ce que fait la droite, comme dans l’expression.

Quelques autres erreurs sont imputables à une tache aveugle que nous avons tous sur la rétine, à l’emplacement où le nerf optique se raccorde dessus. Il y a également les illusions que notre cerveau crée à partir de reflets dans un miroir. Le déjà vu nous crée aussi des sentiments d’étrangeté.

Diverses confusions permettent de s’approcher des mécanismes à la base des croyances complotistes.

L’âge a cet effet : augmenter la quantité de souvenirs stockés sous notre crâne, et par suite aussi les problèmes de qualité ou quantité des souvenirs restitués. Cela a déclenché une industrie florissante du maintien de la mémoire des seniors, afin de calmer les angoisses de perte de mémoire. Les résultats scientifiquement prouvés restent maigrichons.

Même les plus jeunes sont sujets au vagabondage mental, pendant lequel la personne est absente, ce qui induit plusieurs pertes et risques. Tous nous souffrons du syndrome du poisson rouge, manipulés que nous sommes par les algorithmes bien pensés pour nous retenir sur nos écrans. Enfin, les gaffes sont omniprésentes dans nos comportements journaliers.

En très grand résumé, force est tout de même de constater que s’il existe des approches théoriques afin d’expliquer les observations, tout cela reste très proche du niveau descriptif.

Les mécanismes neuropsychologiques correspondants restent largement à découvrir.

En passant, la liaison directe et permanente lapsus / inconscient de la psychanalyse n’a pas récolté de preuves. Au contraire, les études autour des biais cognitifs montrent ( biais téléologique ) que la recherche active d’intentions ou finalités derrière tous les phénomènes est le mode de pensée par défaut des humains. C’est le mode de pensée qui également rejette l’existence du hasard. L’hypothèse de l’inconscient à la base de toutes les erreurs est dans ce courant de pensée. Elle est ainsi antérieure à la psychanalyse, ce qui explique le succès de l’idée, mais sans la démontrer de manière scientifique.

Les ressources à notre disposition sont toutes faillibles, pas étonnant que la fiabilité de l’ensemble soit inférieure à 100%. Mais, « en échange », nous disposons d’un système d’une grande flexibilité pour l’adaptation à des situations imprévues. Paul Federn, disciple de Freud, en déduisait une notion d’ « investissement du moi », le moi incluant des objets ou représentations d’objets de manière changeante avec le temps. Le sentiment d’étrangeté signalé dans plusieurs cas ( ex :  le déjà vu ) serait lié à ces inclusions/exclusions. Pour Federn, « l’acte manqué est une irruption de la vie privée dans la vie sociale », et il résulte le plus souvent « d’un décalage entre la vie intérieure et les exigences du monde extérieur ». La raison qui sous-tend l’espèce de malaise éprouvé après un acte manqué a à voir avec l’angoisse générée par le fait de se trouver brutalement confrontés à nos fragilités et imperfections, et souvent en public. Federn conclut alors que « la meilleure protection contre les actes manqués est la bienveillance des interlocuteurs l’un envers l’autre ». 

Voilà qui sonne maçonnique, non ?

Dans le monde profane l’excuse «  je n’ai pas fait exprès » est souvent utilisée, mais est parfois rejetée. Le motif de rejet est que c’est justement le défaut de contrôle qui est l’objet du reproche. Nous connaissons tous le cas du bébé oublié dans une voiture au soleil. Le parent oublieux ne va pas avancer qu’il n’a pas fait exprès. Nos erreurs sont en grande majorité évitables. Le blâme a souvent pour objet d’inciter celui qui a commis l’impair à mieux se surveiller à l’avenir, afin de réduire le risque de récidive.

Mais revenons dans le temple. La bienveillance n’empêche pas de réfléchir aux moyens d’améliorer les processus et d’en éliminer les erreurs. La sérénité favorise la qualité de ces réflexions, l’action collective permet d’éviter les « angles morts », au service de l’idéal de perfection ! Ce sera plus agréable et le résultat sera meilleur que sous la pression de personnages qui se placent en surplomb. 

Cela me remémore un séminaire professionnel placé sous les auspices de la qualité totale : « bienvenue aux problèmes » était notre slogan, car les problèmes fournissent l’occasion de progresser. Acceptons ces rappels incessants de notre finitude. Boostons notre créativité, notre goût pour l’humour et l’art tout en tordant le cou à plein d’imperfections.

Restons conscients que ces dernières font partie du cadeau que l’évolution nous fit :  la vie !

La garde du couvreur

À la porte du Temple…

Le couvreur garde « un lieu retiré et très secret connu des seuls vrais maçons, sur la plus haute colline ou dans la vallée la plus profonde, là où on n’entend ni un chien aboyer ni un coq chanter ». (Extrait – Livre Tuileur 1er degré ROS)

C’est bien au couvreur en début de Tenue de vérifier, dans les parvis, que le lieu est bien clos et la loge à couvert. Alors, comme tout maçon(ne) fort(e) de ses obligations, c’est en pleine conscience qu’il (ou elle) s’engage sur la voie initiatique pour travailler en toute circonstance ALGDGADLUEALRDGO ! Mais, quelquefois, il (elle) prend son temps…

La garde en escrime : Posture d’équilibre la plus favorable que prend le tireur pour être prêt à l’offensive, à la défensive ou la contre-offensive (Source Glossaire de l’escrime sportive 2022).

Chasser les mouches : Parer au hasard.

Dans l’épreuve, multiplions les preuves !

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(Les « éditos » de Christian Roblin paraissent le 1er et le 15 de chaque mois.)

Une devise de la franc-maçonnerie me trotte dans la tête, depuis quelque temps : c’est celle du Rite Écossais Ancien et Accepté (REAA) : Ordo ab Chao. « Vous avez dit bizarre, mon cher Frère. Comme c’est bizarre… » Certes, cette locution latine signifiant « l’ordre tiré du chaos » ne peut s’entendre comme d’un ordre arbitraire plaqué sur la société mais bien comme d’une injonction à retrouver l’ordre sous-jacent au chaos même du vivant.

Pourtant, sur bien des fronts, l’on en est à redouter de voir renverser les précautions d’usage à la compréhension des choses : ne valent plus alors que des interprétations brutes voire brutales, toute formule lapidaire pouvant désormais frapper littéralement comme un jet de pierre, incarner un mot d’ordre qui, au lieu d’être de chair, devient de sang, passant du sensible au terrible !

Il faut donc faire attention à ce que l’on dit et s’assurer que l’on est bien compris, ce qui devient de plus en plus compliqué, dans la polarisation aux extrêmes de la société, dans l’hystérisation du débat public. Plus que jamais sans doute doit-on s’attacher à l’esprit de mesure et de tempérance que nous révérons comme vertu. Nous connaissons les dangers des passions collectives et des démagogies réductrices. Dans des secteurs opposés et puissants de l’opinion – que l’on ne saurait, pour autant, rabattre l’un sur l’autre sans une expéditive malhonnêteté –, soufflent violemment des vents hostiles aux idéaux de la franc-maçonnerie, celle-ci prônant la compréhension de l’autre et la « transigeance », ce mot déjà rare, désormais près d’être banni du vocabulaire comme tous ceux qui fleurent un tant soit peu la nuance et la concession.

Toujours est-il que le franc-maçon, porté à la découverte de l’autre et soucieux de progressivité dans son appréhension constante du monde, est rudement mis à l’épreuve, ces temps-ci. Eh oui, le franc-maçon est mis au pied du mur, du mur de l’incompréhension et de l’intolérance. Le monde qui l’entoure – et non plus celui dont il avait l’habitude et qui, à bon compte, je le concède, lui paraissait lointain – s’enflamme ou se ferme, à la moindre occasion. Il est à craindre que son humanisme ne soit vu comme une lâcheté. Or la vraie lâcheté ne serait plus seulement d’étouffer son cri, mais de faire taire sa raison. Dans cette ivresse à tout régler d’un trait, le petit ringard de franc-maçon, si ridiculement démodé voire démonétisé, risque d’être regardé, plus encore que comme un médiocre, comme un incapable. Même si on ne le pourchasse pas, on l’ignorera et ce n’est guère mieux…

Alors, mes Sœurs et Mes frères, haut les cœurs ! Gardez le cap et le calme. Ne mollissez ni ne faiblissez pas. Expliquez aussi tranquillement que possible ce qui vous paraît juste et adapté ! Non point à tout bout de champ (ce serait bientôt une satisfaction morale aussi vaine qu’épuisante) mais en choisissant à bon escient les causes et les circonstances. Donnez, en tout cas, partout où c’est primordial, sa chance à l’Homme !

Le monde vous pèse et c’est bien normal. Répétez-vous inlassablement : Dans l’épreuve, multiplions les preuves !

Baruch Spinoza : Genial garnement theologico-politique !

« Le temple même a degenerÉ en thÉÂtre »

Spinoza (Traité théologico-politique) 

Un test original pourrait se pratiquer en Franc-Maçonnerie : demander aux Frères quel est le symbole auquel ils se sont littéralement accrochés lors de leur initiation, quand on leur ôtait le bandeau et que la lumière venait éclairer une forêt de nouveaux symboles inconnus au préalable ?

Accroche liée à des motifs inconscients sans doute, mais aussi combattre l’angoisse que cette nouvelle situation générait. Une sorte d’objet-fétiche que nous conserverons ensuite au cours de notre vie maçonnique et qui émerge de nouveau, de temps à autre, dans des temps d’épreuves ou de joies.

En confidence, nous allons vous dévoiler le nôtre ! Le regard fut fasciné par le delta lumineux où cet œil énigmatique nous fixait, nous rappelant celui qui était familier dans les églises, ancrant ainsi, d’office, dans le religieux la première vision maçonnique que nous pouvions en avoir. Cela nous conduira, par la suite, à déterminer ce qu’il en était de la nature de ce que nous avions appris être le « Grand Architecte de l’Univers » et d’en chercher l’origine. Tel un limier sur la piste, nous découvrîmes que le concept avait été influencé par le philosophe irlandais John Toland, lui-même fasciné par Baruch Spinoza, au point d’inventer pour résumer son œuvre le terme « Panthéisme ». Bien entendu, un conflit permanent va s’instaurer entre le christianisme et le panthéisme, et la Maçonnerie, compte-tenu de ses origines réformées, y est autant concernée. Tentons de faire le point…

I – JOHN TOLAND (1670-1722), UN PHILOSOPHE IRLANDAIS ENTRE PANTHEISME ET GRAND ARCHITECTE DE L’UNIVERS.

Le 24 juin 1717 à Londres, quatre loges s’assemblaient au lieu de réunion de l’une d’entre elles à la « Taverne de l’oie et du Gril », les lieux de rencontre des autres loges étant : « La Taverne de la Brasserie et de la Couronne », « Le Grand Verre et les Raisins » et « La taverne du Pommier ». Le but de cette réunion étant de fédérer et d’officialiser ce qui allait s’appeler la « Grande Loge Unie d’Angleterre ». Mais, au-delà de cette volonté de « rassembler ce qui est épars », se posait le problème de trouver un point d’accord religieux à l’intérieur du monde déchiré des réformés protestants britanniques, cela excluant d’emblée le catholicisme et le judaïsme du débat. Cette question des antagonismes religieux (surtout entre anglicans et calvinistes) avait causé un climat de tension permanente dans la société britannique, parfois de véritables guerres civiles se conjuguant à la géographie des îles britanniques : l’Ecosse, Le Pays de Galle et l’Irlande du Nord s’étant ralliés au calvinisme grâce à l’influence du réformateur presbytérien John Knox (mort en 1572) ; l’Angleterre conservant la structure de l’anglicanisme, bien que traversée par des courants divergents (« High Church » de tendance catholique, « Low Church » allant dans le sens de l’évangélisme protestant ; « Broad Church » se vivant comme une orientation libérale de l’interprétation biblique) ; l’Irlande restait, quant à elle, catholique (exceptée la partie nord où les protestants implantés par Cromwell étaient nombreux) qui n’était nullement concernée, voire totalement rejetée par la naissance de la Franc-Maçonnerie et sa mission de concilier les différents courants de la Réforme. Quelques groupes religieux minoritaires se trouvaient aussi concernés indirectement par les questions que leurs croyances soulevaient : les Quakers et leur fonctionnement religieux démocratique, crée par Georges Fox (1624-1691) à partir de la sortie de l’Église anglicane, ou les Unitariens (1), antitrinitaires, constitués au moment de la Réforme au 16e siècle, en reprenant et en élargissant la pensée hérétique d’Arius (25O-336), condamnée par l’Église et dont le représentant en France le plus célèbre sera Michel Servet (1511-1553), qui finira brûlé à Genève sur l’ordre de Jean Calvin !

Les querelles religieuses contrarient les affaires et la composition sociologique des Créateurs de la Maçonnerie et dévoilent leur appartenance à la bourgeoisie protestante qui apparaîtra très nettement dans les « Constitutions d’Anderson » par le refus d’admettre dans l’institution : les femmes, les serviteurs, les gens de couleur, toute personne qui ne vit pas dans de « bonnes moeurs » (sous-entendu irréligieux). A ces interdits s’ajoute, en contrepartie, la très calviniste « Gloire au travail » ! Qui, évidemment, trouve un écho favorable. Cependant, demeure en suspens la question théologique de la définition de Dieu et de Jésus qui puisse être reconnue par des courants réformés qui ne partagent pas forcément le même regard sur l’Ancien et le Nouveau Testament. C’est surtout sur la question de Jésus que porte la polémique, d’où l’intérêt pour l’Ancien Testament dans un désir de conciliation et dans la mise en place des rituels. A ces réunions constitutives sont conviées des personnes proches et amies. C’est ainsi qu’est présent le philosophe d’origine irlandaise John Toland, connu pour sa passion pour l’œuvre se Spinoza. C’est lui qui va d’ailleurs inventer le mot « Panthéisme » pour synthétiser la pensée du célèbre philosophe et créer ainsi un néo-spinozisme. Ses idées progressistes républicaines et sa critique du christianisme le conduiront à prôner un retour au paganisme : ainsi, le 22 septembre 1717, il préside une réunion à la « Taverne du Pommier » qui va fédérer des groupes panthéistes sous le titre de « Druid Order », qui ont peu du druidisme que l’on ne connaît pas, mais doivent beaucoup à la pensée de Spinoza ! Très souvent et ce, jusqu’à nos jours en Grande-Bretagne, une double appartenance a lieu : rappelons-nous la célèbre photo de notre Frère Winston Churchill se faisant initier au Druid Order ! John Toland aura une incontestable influence sur la Maçonnerie et le Druid Order en Grande-Bretagne, bien que son appartenance à la Maçonnerie n’ait jamais été prouvée. En revanche, c’est lui qui va influencer l’adoption du concept de « Grand Architecte de l’Univers », largement influencé par la pensée spinoziste ou de celle de Leibnitz (« Il résulte de la perfection suprême de Dieu qu’en produisant l’univers, il a choisi le meilleur plan possible »).

D’origine irlandaise (d’où, sans doute, son engouement pour le druidisme !), John Toland fut d’origine catholique et se convertira au protestantisme, mais va évoluer rapidement vers une contestation du christianisme. Il ira faire ses études en Ecosse, à Glasgow où il montre des dons certains pour la vie intellectuelle. C’est là qu’il découvre les ouvrages de Locke, Giordano Bruno et surtout Spinoza. C’est en 1696 qu’il va publier son livre, « Christianisme sans mystère », qui va obtenir immédiatement un énorme succès, mais il effraie Locke lui-même par le dépassement de la pensée de Spinoza et il va prendre ses distances avec le philosophe naissant, d’autant que ce dernier va se lancer dans des écrits pro-républicains et sur la liberté de conscience. Ce qui l’amène à une célébrité dérangeante. C’est en 1705, qu’il s’avoue panthéiste. Discrètement, en Hollande en 1712, il fit paraître son « Traité des trois imposteurs, Moïse, Jésus, Mahomet », précédé d’une biographie de Spinoza et, en 1714, il publie « Raison de naturaliser les Juifs » qui est une dénonciation de l’antisémitisme. En 172O, après des textes où il défend notamment la philosophe Hypatie d’Alexandrie et la cause des femmes, il publie « Clidophorus » (Le porte-clefs) qui est considéré comme l’un de ses textes les plus importants, où il explique que dans toute spiritualité existe deux formes d’expression : l’une exotérique et l’autre ésotérique. Durant cette période, il sort aussi son célèbre « Pantheisticon », couronnement de sa pensée et qui prône le discernement : « Le sage panthéiste soumettra toutes choses au raisonnement qui les entourera comme d’une haie pour discerner le vrai du faux, et il connaîtra par cet art et cette science ce qui suit nécessairement d’une chose et ce qui lui est opposé ». Le rôle que jouera John Toland durant la période des Lumières sera considérable dans toute l’Europe et, à coup sûr, son influence sur les orientations naissantes de la Franc-Maçonnerie fut capitale par l’introduction de son concept de Grand Architecte de l’Univers, tellement inspiré par la pensée spinoziste. Il sera aussi le créateur d’une « Société Socratique » avec des rituels et une pensée qui est très voisine à la Maçonnerie, ce qui interroge sur les influences réciproques des deux courants qui restaient liés fortement.

 Ce qui nous amène à aborder maintenant la pensée même de Spinoza, au-delà de John Toland, son fidèle diffuseur.

II – UN GEANT DANS L’HISTOIRE DES IDEES.

Baruch Spinoza

Dans un ouvrage de réflexion clair et profond, le Père Jésuite Henri Laux, enseignant aux facultés jésuites de Paris Loyola (ex-Centre Sèvres) et spécialiste de Spinoza, nous cite une lettre du futur cardinal Henri de Lubac (1896-1991) adressée à l’un de ses jeunes confrères jésuites, étudiant en philosophie, Yves de Moncheuil (Résistant, aumônier du maquis du Vercors, fusillé par les nazis le 11 août 1944), où il lui donne son opinion sur le grand philosophe. Cette missive nous paraît importante pour notre propos et, bien que longue, nous la reproduirons (2) : « Travaillez-le beaucoup (Spinoza) : c’est le plus important de tous ; lui et Kant, mais lui d’abord, je me persuade de plus en plus, que ce sont les deux hommes à connaître. Je dit « lui d’abord », parce que je crois qu’en fait son influence fut beaucoup plus étendue et profonde, en même temps que plus néfaste. C’est le grand homme et le principal fondateur, qu’on le sache ou non, de la « pensée moderne » et de la « libre pensée ». Ce ne sont pas de vagues déistes ni des poliçons comme furent beaucoup de gens du XVIIIe s., ni de pâles scientistes, qui auraient suffi à déchristianiser la pensée. Spinoza est le grand coupable. Il n’y a que deux attitudes foncières en présence : la chrétienne et la panthéiste. Panthéisme et naturalisme, c’est tout un. Les solutions intermédiaires ne vivent un temps que par ce qu’elles empruntent à l’une ou l’autre : par ex., la philosophie laïque de Descartes, ou l’éclectisme du siècle dernier, ou le moralisme de Kant. On a beaucoup disserté sur ce thème : « Pascal et Descartes » ; un thème beaucoup plus intéressant, et qui permettrait des vues plus profondes, serait celui-ci : « Pascal et Spinoza ». Encore aujourd’hui, il s’agit de savoir, des deux, qui l’emportera. Même dans les matières où l’on a le plus dénoncé l’influence kantienne, v.g., en exégèse, ou dans le modernisme en général, c’est bien d’avantage celle de Spinoza qui est prépondérante. Vous avez donc raison de vouloir le lire de près, et surtout son Traité théologico-politique : c’est le bréviaire du naturalisme et du rationalisme, il importe de le connaître à fond et de savoir que lui opposer : après cela, on peut répondre à tout ».

Analyse fondamentale et d’une lucidité implacable : nous sommes ainsi suspendus au choix fondamental, loin des demi-mesures, entre christianisme et panthéisme, entre Spinoza et Pascal le janséniste. Personne ne peut échapper à cet « Exercice Spirituel », si cher à Ignace de Loyola, pas même, et surtout peut-être, à la Franc-Maçonnerie ! La pensée éthique et métaphysique de Spinoza couvre de nombreux champs du savoir : anthropologie, sociologie, psychanalyse, politique, économie, écologie, biologie, etc. Mais elle fut surtout un terrain d’affrontement théologique avec le christianisme, en particulier avec Rome qui condamna très tôt la pensée spinoziste (3), qui fut présentée comme l’ennemi le plus dangereux du christianisme. Rome sera rejointe par un certain nombre de calvinistes et luthériens qui refusaient ce qui portait atteinte à leur foi. Réfuter Spinoza devint un devoir théologique : signalons que dans les universités allemandes, durant tout le XVIIIe siècle, on commençait une carrière de philosophe ou de théologien par une dissertation contre Spinoza ! Il va être, d’emblée, assimiler à l’athéisme, alors qu’il était panthéiste.

La première question que Spinoza va traiter est naturellement, « De Deo » celle de Dieu ! Dans l’éthique, il le définit ainsi « Par Dieu j’entends un être absolument infini, c’est-à-dire une substance consistant en une infinité d’attributs, dont chacun exprime une essence éternelle et infinie ». Dieu est la substance, donc la totalité et l’infinité des attributs, la totalité et l’infinité des formes d’être. Dieu existe nécessairement et l’affirmation de son existence est pleine et absolue, mais à-travers la fameuse formule : « Deus sive Natura », « Dieu, donc la nature » ! Bien entendu, le judaïsme et le christianisme entrent en opposition avec cette formule : Dieu n’est pas créateur de façon permanente car dans la création il fait exister en dehors de lui des choses qui ne sont pas lui et qui ne relève pas du miracle. Mais pour Spinoza, les attributs et les modes qui en découlent ne sont pas une réalité distincte de lui. L’idée de création est inintelligible puisque tout est Dieu. Nous pourrions utiliser là une formule célèbre de « nature naturante » et de « nature naturée ». Ainsi, la nature se déploierait grâce et à partir d’un verbe qui n’existe pas ! Dieu n’a pas crée l’homme pour qu’il lui rende hommage, car il n’a pas de passions, ne se venge pas, n’éprouve ni colère ni jubilation et ne poursuit pas de projet particulier. Il n’y a pas à rechercher ses intentions, donc toute théologie est inutile. En fait, Dieu n’est pas créateur. La liberté divine est la puissance de tout ce qui est : Dieu, c’est-à-dire la nature est à comprendre, de façon symétrique, avec l’histoire, dans l’enchaînement infini de ses modalités finies. Par-delà les siècles, il préfigure la réflexions d’Albert Camus quand il écrit dans « Le mythe de Sisyphe » en 1942 : « On connaît l’alternative : ou nous ne sommes pas libres et Dieu tout-puissant est responsable du mal. Ou nous sommes libres et responsables mais Dieu n’est pas tout-puissant. Toutes les subtilités d’écoles n’ont rien ajouté ni soustrait au tranchant de ce paradoxe »

La réflexion de Spinoza s’effectue naturellement dans un milieu où tentent de cohabiter, avec plus ou moins de succès, des courants divers du christianisme et il va traiter la question christique en lui accordant un statut singulier : pour lui, le Christ a eu une connaissance « vraie et adéquate » de Dieu, contrairement aux prophètes de la Bible qui ont perçu et transmis les révélations de Dieu au-moyen de l’imaginaire. Mais, comme le Dieu substance-Nature, infinie totalité du réel n’a rien en dehors de lui, il ne crée pas, ni n’engendre, donc le Christ est homme, non pas Dieu. Il n’y a pas de divinité du Christ ni incarnation et surtout pas de résurrection, ou faut-il le comprendre alors de manière spirituelle allégorique. Existe, dès lors, une rupture totale avec le christianisme qui souligne que la liberté n’a plus de repères puisqu’elle n’a plus à s’ordonner à la recherche d’une vie conforme au bien puisque celui-ci n’existe plus comme norme transcendante et que la nature humaine, corrompue par le péché est en attente de rédemption. La réponse de Spinoza est que, d’une certaine façon, l’éthique doit remplacer la morale de type religieux.

Existe aussi pour le philosophe, le problème de l’interprétation des Ecritures, dans laquelle il va jouer un rôle décisif à l’époque moderne dans l’établissement d’une méthode d’interprétation. Pour lui, les théologiens déforment les textes pour justifier leurs arguments, ils les altèrent et les falsifient avec ce que cela suppose comme conséquences dans l’ordre public : haine, superstition qui conduit à mépriser la nature et la raison. C’est pour faire barrage à ces « préjugés théologiques » qu’il va établir une méthode d’interprétation des Ecritures, que l’on appellera deux siècles plus tard « historico-critique ». Il ne manquera pas non plus de critiquer l’impact de la pensée religieuse sur le fonctionnement de l’État lorsque les Eglises prétendent se substituer au souverain : il est insupportable pour lui la notion d’ « Etats chrétiens », faisant du christianisme une religion d’État après l’Edit de Milan de Constantin, en 323.

Bien entendu, la théologie contemporaine sera confrontée au Spinozisme et tous ses grands noms, catholiques ou protestants, vont tenter de faire face à celui qui apparaît encore comme un adversaire fondamental. Nous pouvons citer quelques figures notoires. Par exemple, le pasteur calviniste Karl Barth (1886-1968) n’hésite pas à attaquer les Lumières en pensant que la pensée de Spinoza les a depuis longtemps noyautées. Le Dieu de Spinoza, sans transcendance ni personnalité, ni incarnation ne pouvait être que rejeté par Barth. De son côté, le théologien catholique, Urs von Balthasar (1905-1988) pense que Spinoza est un successeur de Descartes qui n’a pas su penser les éléments qui lui auraient permis d’affronter un panthéisme et un « athéisme logique, où toute espèce de gloire antique ou chrétienne disparaît au profit d’un sujet universel solipsiste, dans lequel liberté et nécessité doivent coïncider ». Henri de Lubac (1896-1991), l’un des plus célèbres théologiens de l’Église catholique du XXe siècle, reconnaît une place unique dans l’histoire des idées à Spinoza, mais qu’il est non seulement dangereux, mais « coupable » d’avoir développé une doctrine panthéiste, naturaliste et rationaliste. C’est le pasteur et philosophe, Paul Tillich (1886-1965) qui manifestera une certaine sympathie pour Spinoza en écrivant que « l’affirmation de soi, selon Spinoza, est participation à l’affirmation de soi divine » et que son Ethique amène à une ultime conséquence : « Le courage d’être est possible parce qu’il est participation à l’affirmation de soi de l’être même » Tillich aura aussi des échanges avec Albert Einstein, profondément influencé par la pensée de Spinoza et le panthéisme qui répondra à la question « Croyez-vous en Dieu ? » : « Je crois dans le Dieu de Spinoza qui se révèle lui-même dans l’harmonie ordonnée de ce qui existe, non pas en un Dieu qui s’occupe de la destinée et des actions des êtres humains ». Nous découvrons, chez le théologien catholique, Joseph Moingt (1915-2020) une certaine sympathie nouvelle, assez contraire aux milieux ecclésiastiques. Pour lui, Spinoza, permet de penser Dieu autrement. C’est pour le théologien une inspiration pour revendiquer la liberté du croyant au coeur de la modernité et cette liberté invite alors à penser toujours plus profondément, là même où il en va de la question de Dieu. Mais, il va également être connu pour son soutien à Pierre Teilhard de Chardin dans le conflit qui l’oppose à L’Église et à la « Compagnie », des jésuites, à laquelle il appartenait. Le conflit portait précisément sur le concept de panthéisme auquel Theilard va faire appel couramment et donc avoir des connivences de fond avec Spinoza, sans qu’on puisse parler d’influences directes. Nous pourrions dire que nul mieux qu’un spinoziste n’est incliné à devenir teilhardien ! Joseph Moingt prendra la défense du mot panthéisme au sein de l’Église en le christianisant (4) : « Le mot « panthéisme » est la traduction littérale du nom de Dieu-Tout, de Dieu-Plérôme. A t-il de quoi effaroucher une religion fondée sur l’incarnation de Dieu, une Eglise qui s’intitule fièrement Corps-du-Christ ? A-t-il de quoi scandaliser quand il est appliqué à la vision, non de ce monde dans son état présent, mais d’un univers spiritualisé, devenu incorruptible et projeté dans l’éternité de la vie de Dieu ? Il ne signifie pas que Dieu est constitué des éléments du monde, dilué en toutes choses. Il signifie l’état d’achèvement que se donne à la fois en lui-même et dans l’humanité du Christ le Dieu amour ». Belle démonstration dialectique qui, hélas, n’emportera ni l’adhésion des théologiens ni celle des panthéistes spinoziens ! Dans une conférence de 1923 intitulée « Panthéisme et christianisme » Teilhard se propose de rapprocher les deux doctrines « en dégageant ce qu’on pourrait appeler l’âme chrétienne du Panthéisme ou la face panthéiste du Christianisme ». Il va jusqu’à énoncer que le panthéisme est une tendance légitime de l’âme humaine reposant sur « la préoccupation religieuse du Tout »(5). L’Ethique n’est pas une accumulation de concepts mais est le mouvement de la substance qui se déploie dans l’organicité du réel. L’orientation christique, essentielle chez Teilhard, rejoint chez Spinoza une orientation vers le Tout, saisi dans son unité et éprouvé par l’homme comme désir infini de persévérer dans l’être. De très rares théologiens iront vers un ralliement total à la pensée spinoziste. Nous citerons cependant Stanislas Breton (1912-2005), religieux de la « Congrégation de la Passion » et philosophe qui déclarera son entière adhésion à la pensée Spinozienne (6) : « Roche sédimentaire, roche activement éruptive, roche métaphorique : dureté du plus brillant et du plus limpide des minéraux, ce diamant, qui n’a jamais pu faire partie d’une couronne, est toujours là à nous attendre ». Exceptionnelle déclaration chez un théologien chrétien !

Pour le christianisme, Spinoza, reste dans l’ensemble quelqu’un de peu fréquentable, de même que beaucoup d’autres penseurs, quand ce n’est pas la philosophie, jugée suspecte ou inutile. Même dans les courants de la théologie les plus en lien avec la culture, il reste un marginal car il illustre toujours certaines dérives panthéistes. A bien des égards, il reste ce monument que l’on respecte en le tenant à distance faute de le comprendre. Pour le christianisme, demeure également le « péché » lié à l’idée que le Christ est seulement homme : il n’y a chez lui ni incarnation de Dieu, ni Résurrection, donc, il ne reste pas grand-chose du témoignage des Ecritures ! Pas grand-chose non plus de l’amour de Dieu pour ses créatures : « Dieu, à proprement parler n’aime personne et n’a personne en haine. Car Dieu n’est affecté d’aucun affect de joie ni de tristesse, et par conséquent, il n’aime personne et n’a personne en haine » (Ethique IV, page 28). Ou encore : « Qui aime Dieu ne peut faire effort pour que Dieu l’aime en retour » (Ethique V, page 19). Pour Spinoza, la projection de l’homme sur une figure paternelle est nulle et sans appel ! Nous reste alors, dans le rapport avec Dieu, de nous saisir nous-mêmes en tant qu’existants dans et à-travers Dieu, saisir Dieu, ou la totalité à-travers telle singularité, à-travers le singulier concret que nous sommes nous-mêmes, et de percevoir que nous existons en Dieu et que Dieu existe à-travers nous. Cette démarche s’accompagne alors d’une joie intense qui est celle de connaître et de se connaître parfaitement, au principe même de l’être, « Nous sentons et nous faisons l’expérience que nous sommes éternels » (Ethique V, page 23). Avec Spinoza, la théologie garde sa liberté d’interprétation, mais la confrontation de la théologie avec lui pose la question plus générale du rapport de la philosophie et de la théologie, alors que Spinoza défend leur séparation pour éviter la subordination de l’une à l’autre et veut défendre l’autonomie de ces deux disciplines en évitant ainsi que l’on condamne une opinion à partir d’une autorité extérieure.

III – LA FRANC-MACONNERIE, A LA CROISÉE DES CHEMINS, A-T-ELLE UNE VISION APAISÉE DES CHOSES ?

Les deux orientations nous donnent un choix dans une vision de l’homme qui n’est pas sans conséquences sur la vision que la Maçonnerie peut en avoir : soit un regard qui dévalorise la nature humaine dans le sens d’une théologie augustinienne, protestante ou janséniste, ou seule la grâce sauve le pécheur de la damnation et où l’on s’en remet à la prédestination ; ou une option plus humaniste qui ne s’illusionne pas sur la pureté de la nature humaine mais qui pense que l’homme peut, sans figure divine, dépasser des morales impossibles au profit de l’éthique. D’où la nécessité d’expliquer au lieu de corriger, ce qui amène à trouver l’équilibre entre fermeté et générosité. Ce qu’écrit Spinoza dans don Traité Théologico-politique (scolie de la proposition 59) : « Par fermeté j’entends le désir par lequel chacun s’efforce de conserver son être sous le seul commandement de la Raison. Tandis que par générosité j’entends le désir par lequel chacun s’efforce sous le seul commandement de la Raison d’aider les autres hommes et de les joindre à lui d’amitié ». Il ne s’agit pas ici de charité, marque d’une supériorité, mais d’une collaboration raisonnable avec l’autre, teintée d’amitié et d’égalité, et ce, en cheminent vers l ‘ « autonomie de soi-même », car il ne s’agit pas de participer à la transcendance de Dieu, mais d’être partie nécessairement de Dieu dans son immanence. Demeure l’analyse des affects qui sont incarnés et ne restent pas seulement des manifestations intellectuelles de notre Raison : devançant la psychanalyse avec génie, Spinoza va comprendre comment ils sont complexes et travaillent à notre insu dans ce qui n’est pas encore nommé « inconscient » et combien sont relatifs et trompeurs les sentiments. Ce qui amène à la tolérance devant la vacuité même du monde et des individus. S’y ajoute donc la conclusion de la liberté de pensée, car les Eglises n’ont ni à se substituer à l’état, ni à entrer en concurrence avec lui. Elles doivent exercer leur autorité dans le cadre des lois, dans le respect du droit commun. Propos nettement en avance sur son époque et qui ébauche déjà largement le concept de « Laïcité » !

Bible et 3 grandes Lumières

La Maçonnerie se pensait tenue à l’écart de ce type de débat, mais en fait de ses origines religieuses chrétiennes et de l’influence du spinozisme, elle se retrouve à la pointe de la réflexion sur l’opposition fondamentale entre christianisme et panthéisme. Le panthéisme est défini par Régis Blanchet de la manière suivante (6) « C’est une philosophie métaphysique et sociale, c’est un espace, un au-delà, de toutes les religions, une vision personnelle et presque sensuelle du monde, un amour intense de la nature qui guide l’homme jusqu’à un amour de l’Être infini ». Nous percevons chez l’auteur, panthéiste convaincu, des accents qui ressemblent à ceux de Teilhard de Chardin !

Bien entendu, la Franc-Maçonnerie dans son idéal de tolérance, ne peut que laisser à chaque Maçon sa liberté d’orientation spirituelle, mais elle ne peut, indéniablement, que constater que l’homme a un besoin de transcendance, sous réserve que pour « tourner rond » il ne convient pas de « tourner en rond » ! Le cheminement métaphysique, à laquelle la Maçonnerie peut apporter dans certains cas son appui, ne nécessite pas forcément l’apport théologique, comme nous le rappelle le poète mystique indien Kabir (7) : « Frère ne te laisse pas prendre aux erreurs du monde. La création est dans le Créateur, le Créateur dans la création : en tous lieux, Il demeure ». Presque une déclaration de foi panthéiste !

Tout cela n’arrange guère notre réflexion de départ sur le « Delta Lumineux » : me rappelle-t-il à l’existence d’un Principe créateur en relation avec sa créature ou le reflet de moi-même en tant que cellule d’un Tout, donc Dieu moi-même à travers l’éternité de la matière ?…

 NOTES

(1) Baron Michel : Les Unitariens. Paris. Editions de l’Harmattan. 2004.

(2) Laux Henri : Spinoza et le christianisme. Paris. PUF. 2022. (page 12).

(3) Condamnations romaines de Spinoza : l’Ethique fut inscrite à l’ « Index librorum prohibitorum » par deux décrets successifs, le premier émanant de la Sacrée Congrégation de l’Index des livres interdits le 13 mars 1679, sous le pontificat d’Innocent XI ; le second émis le 29 août 1690 durant le pontificat d’Alexandre VIII. Dans ce second document était renouvelé la condamnation du « Tractatus theologico-politicus ».

(4) Laux Henri : Idem (page 139)

(5) Teilhard de Chardin Pierre : Comment je crois. Paris. Editions du Seuil. 1969. (page 73)

(5) Breton Stanislas : Spinoza, théologie et politique. Paris. Editions Desclée de Brouwer. 1977. (page 5).

(6) Blanchet Régis : Le panthéisme maçonnique. Rouvray. Editions du Prieuré. 1994. (page 88).

(7) Kabir : Au cabaret de l’amour. Paris. Editions Gallimard. 1959. (page 177)

 BIBLIOGRAPHIE

– Alain : Spinoza. Paris. Editions Gallimard. 1949.

– Bénichou Paul : Morales du grand siècle. Paris. Editions Gallimard. 1948.

– Colerus/ Lucas : Vies de Spinoza. Paris. Editions Allia.1999.

– Dagron Tristan : Toland et Leibniz-L’invention du néo-spinozisme. Paris. Ediions Vrin. 2009

– Deleuze Gilles : Spinoza et le problème de l’expression. Paris. Editions de Minuit. 1968.

– De Lubac Henri : Le drame de l’humanisme athée. Paris. Editions du Cerf. 1998.

– De Sacy Samuel : Descartes par lui-même. Paris. Editions du Seuil. 1968.

– Fraisse Jean-Claude : L’oeuvre de Spinoza. Paris. Librairie philosophique J. Vrin. 1978.

– Gueroult Martial : Spinoza-Dieu (Ethique 1). Paris. Editions Aubier-Montaigne. 1968.

– Kant Emmanuel : Oeuvres philosophiques. Editions Gallimard/La Pléiade. 1980.

– Lagrée Jacqueline : Spinoza et le débat religieux. Rennes. Presses Universitaires de Rennes. 2004.

– Macherey Pierre : Introduction à l’éthique de Spinoza. Paris. PUF. 1998.

– Moreau Pierre-François : Problèmes du spinozisme. Paris. Editions Vrin. 2006.

– Moreau Pierre-François : Spinoza et le spinozisme. Paris. PUF. 2003.

– Moreau Pierre-François : Spinoza. Paris. Editions du Seuil. 1975.

– Pascal Blaise : Oeuvres complètes. Paris. Editions du Seuil. 1963.

– Pintard René : Le libertinage érudit dans la première moitié du XVIIe siècle. Genève. Editions Slatkine. 1983.

– Rodis-Lewis : Descartes et le rationalisme. Paris. PUF. 1966.

– Scala André : Spinoza. Paris. Editions Perrin. 2009.

– Spinoza : Oeuvres complètes. Paris. Editions Gallimard/Pléiade. 1954.

– Toland John : Clidophorus. Paris. Editions Allia. 2992.

– Toland John : Lettres à Serena et autres textes. Paris. Editions Champion.

2004.

– Toland John : Le christianisme sans mystères. Paris. Editions Champion. 2005.

– Urs von Balthasar Hans : La gloire et la croix. Paris. Editions Aubier. 1983.

– Vernière Paul : Spinoza et la pensée française avant la Révolution. Paris. PUF. 1954.

– Zac Sylvain : La morale de Spinoza. Paris. PUF. 1959.

Archives antimaçonniques : Histoire de la Franc-Maçonnerie

Enregistrement audio du cours donné par Bernard Faÿ (1893-1978) au Séminaire d’Écône.

Bernard Faÿ, né le 3 avril 1893 à Paris et mort le 31 décembre 1978 à Tours, est un historien et essayiste français. Professeur au Collège de France, il se rallie dès 1940 au maréchal Pétain et est administrateur général de la Bibliothèque nationale sous le régime de Vichy. Condamné en 1945 à l’emprisonnement à perpétuité et à l’indignité nationale pour collaboration avec l’occupant allemand, il est gracié en 1959 par le président René Coty.

En 1940 il est nommé par son ami le Maréchal Pétain Administrateur Général de la Bibliothèque Nationale, puis chef du Service des Sociétés Secrètes.
Bernard Faÿ est donc chargé sous l’occupation de recueillir, de classer et d’étudier l’ensemble des archives saisies dans les loges maçonniques et autres sociétés secrètes.

Il est arrêté en 1945, condamné aux travaux forcés à perpétuité, mais parvient à s’évader en 1951 pour se réfugier en Suisse, puis fût gracié en 1959. A son décès, la messe de requiem fut célébrée en l’église Saint-Nicolas-du-Chardonnet par Mgr Ducaud-Bourget, en présence de Mgr Lefebvre

[NDLR : Bernard Faÿ et la FM, une drôle de relation…

Bernard Faÿ est une figure historique dont le parcours et les actions ont laissé une empreinte durable, notamment au sein de la communauté maçonnique. Historien reconnu et essayiste prolifique, Bernard Faÿ a également joué un rôle majeur dans la persécution des francs-maçons sous le régime de Vichy, un aspect de sa vie qui reste particulièrement controversé et pertinent pour un lectorat maçonnique.

Avant de devenir une figure controversée, Bernard Faÿ s’est fait connaître pour ses travaux sur les relations franco-américaines et la franc-maçonnerie. Son livre La Franc-maçonnerie et la Révolution intellectuelle du XVIIIe siècle, publié en 1935 – l’illustration est celle de la réédition de 2022 dans la collection « Documents pour l’histoire » chez Deterna – , est un ouvrage de référence qui explore l’influence de la franc-maçonnerie sur les mouvements intellectuels et politiques du XVIIIe siècle. À travers ses recherches, Bernard Faÿ s’intéresse particulièrement aux réseaux maçonniques et à leur impact sur la société européenne et américaine.

L’année 1940 marque un tournant décisif dans la vie de Bernard Faÿ. Avec l’occupation de la France par les forces allemandes et l’instauration du régime de Vichy sous la direction du maréchal Pétain, Bernard Faÿ se rallie rapidement à ce nouveau pouvoir. Il est nommé administrateur général de la Bibliothèque nationale de France, une position qu’il utilise pour promouvoir les idéaux du régime et, surtout, pour mener une campagne active contre la franc-maçonnerie.

Portrait officiel de Philippe Pétain. 1941 photographie de propagande imprimerie Draeger

Sous Vichy, Bernard Faÿ devient l’un des principaux artisans de la politique antisémite et antimaçonnique du régime collaborationiste. Il dirige le Service des sociétés secrètes, une organisation créée spécifiquement pour traquer et persécuter les francs-maçons. Bernard Faÿ utilise ses connaissances approfondies de la franc-maçonnerie pour identifier, arrêter et faire interner de nombreux maçons. Les archives maçonniques sont saisies et utilisées pour justifier les persécutions, et plusieurs francs-maçons sont envoyés dans des camps de concentration.

Bernard Faÿ a également été impliqué dans la publication de pamphlets et d’articles destinés à discréditer la franc-maçonnerie, accusée de complots et de subversion contre l’État français. Son zèle et son efficacité dans la persécution des francs-maçons lui ont valu une réputation sinistre au sein de la communauté maçonnique.

Après la Libération en 1944, Bernard Faÿ est arrêté et jugé pour collaboration avec l’occupant allemand. En 1945, il est condamné à l’emprisonnement à perpétuité et à l’indignité nationale. Cependant, son histoire prend un tournant inattendu en 1959, lorsque le président René Coty lui accorde une grâce. Cette décision suscite des réactions mitigées, certains voyant en Bernard Faÿ un traître impardonnable, tandis que d’autres considèrent sa contribution intellectuelle.

Emblème officiel du maréchal Pétain en tant que chef de l’État.
Emblème officiel du maréchal Pétain en tant que chef de l’État.

Pour la communauté maçonnique, Bernard Faÿ reste une figure ambivalente. D’une part, ses travaux historiques sur la franc-maçonnerie continuent d’être étudiés pour leur rigueur et leur profondeur. D’autre part, ses actions sous le régime de Vichy rappellent une période sombre de l’histoire maçonnique, marquée par la persécution et la répression.

Le parcours de Bernard Faÿ invite à une réflexion sur la manière dont les intellectuels peuvent être utilisés par les pouvoirs politiques et sur les dangers de l’instrumentalisation des connaissances pour des fins idéologiques. Pour les francs-maçons, il est également un rappel de l’importance de la vigilance face à toute forme de persécution et de la nécessité de défendre les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité ! D’actualité, non ?]

Le dernier JOABEN : Au cœur de l’Humanité, entre Lumière et ombre…

Avant de plonger dans ce dernier numéro à la thématique passionnante intitulée « L’humain, l’inhumain, l’humanité », mots que nous étudierons, ci-dessous, de façon profane mais surtout maçonnique, entrons dans les voies qui nous sont pénétrables, à savoir de constater que de très belles plumes sont retenues sous terminologie de « personnalités qualifiées ». Elles apportent chacune une expertise unique et précieuse aux discussions et études sur la franc-maçonnerie, enrichissant ainsi les travaux et publications de JOABEN-La Revue.

À commencer par Gérard Contremoulin, auteur spécialiste du Rite Français, entre autres, essayiste et conférencier renommé, spécialisé dans l’histoire et la philosophie de la franc-maçonnerie. Il est reconnu pour ses contributions aux débats sur l’humanisme et les valeurs maçonniques. Et par ordre alphabétique, nous trouvons :

Laurent Kupferman
  • Christophe Devillers, historien de l’art et chercheur spécialisé dans les symboles et les rituels maçonniques. Ses travaux explorent l’intersection entre l’art, la culture et la franc-maçonnerie ;
  • Laurent Kupferman, écrivain et essayiste, coauteur de plusieurs ouvrages sur la franc-maçonnerie et l’humanisme. Il est actif dans la promotion des valeurs maçonniques à travers ses écrits et ses interventions publiques et ets à l’origine de la panthéonisation de Joséphine Baker ;
  • Dominique Lamoureux, une figure importante dans le monde de la recherche maçonnique, connue pour ses études approfondies sur les rites et les traditions maçonniques. Il contribue régulièrement à des publications spécialisées. Chacun  se souvient encore de son discours lors du 1er mai dernier à l’occasion du rassemblement en hommage aux Martyrs de la Commune de Paris, pour la République et la Laïcité devant la sépulture d’Oscar Wilde.
  • Colette Léger, est une auteure et conférencière, spécialisée dans l’histoire de la Franc-maçonnerie féminine et la place des femmes dans les loges maçonniques. Elle a écrit plusieurs livres et articles sur ce sujet. Elle est honoré du prix littéraire IMF 2018, catégorie « Histoire » pour  « Les 81 grades qui fondèrent au siècle des Lumières le Rite Français » (Éd. Conform) ;
  • Pierre Mollier, historien et archiviste, expert en histoire de la franc-maçonnerie. Il est directeur de la bibliothèque du Grand Orient de France et a publié de très nombreux ouvrages sur les rituels et les symboles maçonniques.
  • Cécile Révauger, Professeure des universités, agrégée d’anglais, docteur de IIIe cycle et docteur d’État, auteure et historiographe reconnue dans les domaines de la franc-maçonnerie et des Lumières. Elle œuvre sans cesse pour la promotion des idées de liberté, d’égalité et de fraternité.
Philippe Guglielmi

JOABEN s’ouvre, comme c’est l’usage, par l’éditorial de Philippe Guglielmi, directeur de publication.

Philippe Guglielmi, Très Sage & Parfait Grand Vénérable, introduit son éditorial en affirmant que la franc-maçonnerie s’inscrit dans un courant profond de l’Humanisme. Les francs-maçons du Grand Orient de France et de son Grand Chapitre Général-Rite Français considèrent cet engagement humaniste comme le cœur de leur action.

L’éditorial commence par souligner que l’engagement maçonnique est avant tout une recherche. Il explique que paradoxalement, l’homme est un mystère pour lui-même. Dans le monde actuel, les humains ont toujours tenté de comprendre et de résoudre ce mystère en projetant leurs espoirs et leurs croyances dans les cieux. Cependant, avec le temps, les humains ont appris à se tourner vers eux-mêmes pour trouver des réponses. La Franc-maçonnerie, en répétant les gestes symboliques lors de l’initiation, invite les membres à projeter la lumière intérieurement.

La franc-maçonnerie,selon Philippe Guglielmi, balise ce chemin de recherche avec des repères symboliques. Elle invite chacun à découvrir et à comprendre l’humain avec lucidité. Cette exploration révèle à la fois les merveilles de l’humanité lorsqu’elle s’élève et ses horreurs lorsqu’elle tombe dans l’inhumain. La Franc-maçonnerie souligne l’importance de l’humanité au pluriel, mettant en valeur la singularité de chaque individu et les particularités culturelles qui les façonnent.

Philippe Guglielmi insiste sur le fait que la franc-maçonnerie encourage l’universalisation de cette diversité humaine non par la violence ou l’uniformisation, mais par la concorde. Il s’agit de construire une humanité commune tout en respectant les différences individuelles, un idéal symbolisé par les Ordres du Rite Français.

L’éditorial met également en lumière l’importance du travail maçonnique. Il s’agit d’un travail intérieur pour chaque individu, mais aussi un travail collectif pour renforcer les liens de fraternité et améliorer la société. Les maçons sont appelés à être « des hommes de bien et loyaux ou des hommes d’honneur et de probité », conformément aux Constitutions de 1723.

Enfin, Philippe Guglielmi parle de l’engagement humaniste des francs-maçons du Grand Chapitre Général-Rite Français du Grand Orient de France comme un combat contre l’ignorance, l’hypocrisie et le fanatisme. Cet engagement vise à émanciper l’humain des obscurantismes et des logiques mercantiles, et à l’orienter vers la sagesse et la compréhension.

L’éditorial se termine sur une note de réflexion profonde : permettre à l’humain de se porter à son meilleur, repousser l’inhumain et construire une humanité éclairée est le chantier des Maçons de Rite Français.

Pierre-Yves Beaurepaire

Retenons le premier article intitulé « La Franc-maçonnerie : un nouvel humanisme au siècle des Lumières », de Pierre-Yves Beaurepaire, historien français spécialisé dans l’histoire culturelle et intellectuelle de l’Europe moderne, particulièrement de la Franc-Maçonnerie et des Lumières. Professeur à l’Université Côte d’Azur, il est membre de l’Institut Universitaire de France et auteur de nombreux ouvrages, dont L’Europe des francs-maçons, XVIIIe-XXIe siècle. Ses recherches éclairent les réseaux de sociabilité et les dynamiques transnationales au XVIIIe siècle.

Pierre-Yves Beaurepaire explore comment la franc-maçonnerie a évolué et s’est adaptée aux idées humanistes qui ont émergé pendant le siècle des Lumières. Ce mouvement intellectuel et culturel, qui s’est épanoui en Europe au XVIIIe siècle, a été marqué par une valorisation de la raison, de la science et de la quête du progrès, tout en promouvant des idées de liberté, d’égalité et de fraternité.

L’article commence par un aperçu historique de la franc-maçonnerie avant le siècle des Lumières. Initialement, les loges maçonniques étaient des associations de tailleurs de pierre, évoluant progressivement pour inclure des membres de diverses professions et pour se concentrer sur des objectifs philosophiques et spirituels plutôt que purement opératifs.

Avec l’avènement des Lumières, la franc-maçonnerie a subi une transformation significative. Les loges maçonniques ont commencé à attirer des intellectuels, des scientifiques, des philosophes et des réformateurs sociaux. Ces nouveaux membres ont apporté avec eux les idéaux des Lumières, transformant la franc-maçonnerie en un espace de réflexion et de débat sur des questions sociales, politiques et philosophiques.

Pierre-Yves Beaurepaire explique comment la franc-maçonnerie a embrassé les principes humanistes des Lumières. Les loges sont devenues des lieux où les idées de rationalité, de progrès et de réforme pouvaient être discutées librement. La franc-maçonnerie a adopté une vision de l’humanisme qui valorisait la dignité humaine, la liberté individuelle et la fraternité universelle.

Couverture 3D, Conform édition

L’article détaille également comment les rituels maçonniques ont été adaptés pour refléter ces nouvelles valeurs. Les symboles et les allégories utilisés dans les cérémonies maçonniques ont été réinterprétés pour promouvoir la quête de la connaissance, l’amélioration de soi et le perfectionnement moral. La franc-maçonnerie a encouragé ses membres à travailler non seulement à leur propre élévation spirituelle, mais aussi à l’amélioration de la société dans son ensemble.

Un aspect crucial abordé dans l’article est l’impact de la franc-maçonnerie sur le progrès social et politique du siècle des Lumières. Les loges maçonniques ont souvent servi de foyers pour les réformes politiques et sociales. Elles ont joué un rôle clé dans la promotion des idées démocratiques, la tolérance religieuse et les droits de l’homme.

Pierre-Yves Beaurepaire illustre cette influence en mentionnant des figures historiques emblématiques qui étaient membres des loges maçonniques et qui ont contribué à des réformes majeures. Il discute également des réseaux maçonniques internationaux qui ont facilité la diffusion des idées des Lumières à travers l’Europe et au-delà.

L’article conclut en soulignant que la franc-maçonnerie, en s’adaptant aux idées humanistes des Lumières, a non seulement transformé ses propres pratiques et objectifs, mais a également eu un impact durable sur la société européenne. En adoptant et en diffusant les idéaux des Lumières, la franc-maçonnerie a contribué à façonner le monde moderne, en promouvant les valeurs de raison, de progrès, de liberté et de fraternité.

Ainsi, Pierre-Yves Beaurepaire démontre que la franc-maçonnerie a joué un rôle crucial en tant que vecteur de l’humanisme éclairé, en soutenant et en propageant les principes qui ont conduit à de nombreux progrès sociaux et politiques.

Revenons sur l’intérêt d’avoir choisi cette thématique de « L’humain, l’inhumain, l’humanité », car ces mots résonnent profondément au cœur du maçon.

L’humain désigne l’ensemble des caractéristiques qui définissent l’être humain, tant sur le plan physique que moral et intellectuel. Cela inclut les capacités cognitives, émotionnelles, et sociales qui permettent aux individus de penser, ressentir, et interagir avec autrui. L’humain englobe également les valeurs de compassion, de solidarité, et de respect qui sont souvent associées à l’humanité. En somme, l’humain se réfère à ce qui est propre à l’espèce humaine, incluant la complexité de ses comportements et de ses cultures.

Dans une perspective maçonnique, l’humain désigne non seulement les caractéristiques physiques et mentales qui définissent l’être humain, mais aussi les valeurs éthiques et morales que la franc-maçonnerie cherche à cultiver. L’humain en maçonnerie est celui qui poursuit un travail constant de perfectionnement personnel et de développement spirituel. Il incarne les vertus de la vérité, de la justice, et de la fraternité. La quête maçonnique vise à éveiller la conscience humaine à travers les rituels et les symboles, encourageant ainsi chaque franc-maçon à devenir un être éclairé, capable de réfléchir par lui-même et de contribuer positivement à la société.

L’inhumain représente tout ce qui va à l’encontre des valeurs et des caractéristiques qui définissent l’humanité. Cela inclut des comportements, des actions, ou des attitudes qui déshumanisent les individus ou les groupes, leur retirant leur dignité et leur essence humaine. L’inhumain se manifeste par la cruauté, la violence, la barbarie, et la négation des droits fondamentaux. Les actes inhumains sont souvent ceux qui causent souffrance et détresse, et qui montrent un mépris total pour la vie et la dignité humaine.

4e de couv., détail

Avec un regard maçonnique, l’inhumain se réfère à tout ce qui contredit les valeurs fondamentales de la franc-maçonnerie. Il s’agit des comportements et des actions qui renient la dignité humaine, tels que la cruauté, l’injustice, et l’intolérance. Dans le contexte maçonnique, l’inhumain est souvent vu comme une conséquence de l’ignorance et du fanatisme, que la maçonnerie cherche activement à combattre par l’éducation, la diffusion de la connaissance, et la promotion des valeurs humanistes. Les francs-maçons s’engagent à identifier et à éradiquer les manifestations de l’inhumain, tant dans leur propre comportement que dans la société.

L’humanité a une double acception. D’une part, elle désigne l’ensemble des êtres humains pris comme un tout global. C’est la communauté des hommes et des femmes qui peuplent la Terre, avec leurs diversités culturelles, sociales, et individuelles. D’autre part, l’humanité fait référence à la qualité d’être humain, c’est-à-dire les vertus de compassion, de bienveillance, et d’altruisme. Cette dimension morale de l’humanité renvoie à la capacité des individus à se montrer empathiques et solidaires, à agir pour le bien commun, et à promouvoir la justice et la paix.

L’humanité, dans une perspective maçonnique, représente à la fois la communauté globale des êtres humains et l’idéal éthique de fraternité universelle. Pour les francs-maçons, l’humanité est un concept sacré qui implique une responsabilité collective de promouvoir la paix, la justice, et la solidarité. La franc-maçonnerie considère l’humanité comme un chantier où chaque membre doit œuvrer à son amélioration continue, en étant un exemple de tolérance et de bienveillance. L’engagement maçonnique envers l’humanité se manifeste par des actions concrètes pour le bien commun, la protection des droits de l’homme, et la lutte contre les inégalités et les injustices.

En explorant ces trois termes, la revue examine les différentes facettes de ce qui constitue notre nature humaine, les dérives possibles vers l’inhumain, et la quête constante pour une humanité meilleure et plus éclairée.

Mais JOABEN, en intégrant ces termes avec un regard maçonnique, analyse non seulement les dimensions philosophiques et éthiques de ce qui constitue notre nature humaine, mais aussi les engagements pratiques et spirituels que chaque franc-maçon est appelé à embrasser. La revue invite ses lecteurs à réfléchir sur comment la Franc-maçonnerie peut continuer à être un bastion de l’humanisme face aux défis contemporains de l’inhumanité.

1re de couv., détail

Le sommaire, commenté

1. La Franc-maçonnerie : un nouvel humanisme au siècle des Lumières – Pierre-Yves Beaurepaire. Un article qui discute de l’évolution de la Franc-maçonnerie et son adaptation aux idées humanistes des Lumières.

2. Tu ne tueras point – Voyage dans les tréfonds de l’inhumanité – Alain Bauer. Il explore les profondeurs de l’inhumanité et les implications morales et éthiques de cette exploration.

3. Primo Levi : surmonter l’épreuve de l’inhumanité – Charles Coutel. Une très belle réflexion sur l’œuvre de Primo Levi et comment il a affronté et dépassé l’inhumanité à travers ses écrits.

4. Francs-Maçons : ne faut-il pas repenser « l’Humain Universel » ? – Aline Kotlyar, Michel Papaud, Jean-Francis Dauriac. Un débat sur la nécessité de redéfinir le concept de l’Humain Universel à la lumière des défis contemporains.

5. L’Humanité partagée – comment le Rite des Modernes a construit la démocratie sociale – Jean-Christophe Garrigues. Une analyse de la contribution du Rite des Modernes à la construction de la démocratie sociale.

6. Le mouvement n’est pas la guerre, c’est la paix – Antoine Godbert. Une exploration des idéaux pacifistes au sein de la Franc-maçonnerie et leur application pratique.

7. L’Humanité – Gérard Contremoulin. Il propose une réflexion sur la nature de l’humanité et ses multiples facettes.

8. L’humain et le non-humain : conscience humaine ou intelligence artificielle ? – Laurent Defillion. Une étude sur les intersections entre la conscience humaine et l’intelligence artificielle.

Notes de lecture – Didier Molines, Jean-Michel Gelin. Une série de critiques littéraires sur des ouvrages récents concernant la Franc-maçonnerie, la mixité, la grandeur, et les découvertes des temples maçonniques en France.

Les 5 ordres de Sagesse

Jean-Michel Gelin est le rédacteur en chef de JOABEN. Sous sa direction, la revue traite des thèmes profonds et contemporains liés à la Franc-maçonnerie. Le dernier numéro, intitulé « L’humain, l’inhumain, l’humanité », explore les frontières de l’humanisme, les dérives de l’inhumanité, et la quête de l’humanité idéale. Gelin apporte une perspective éclairée et une rigueur intellectuelle, guidant les lecteurs à travers des réflexions sur l’histoire, la symbolique, et l’éthique maçonniques.

Le dernier numéro de JOABEN, intitulé « L’humain, l’inhumain, l’humanité », offre une réflexion profonde et diversifiée sur les multiples facettes de l’humanité. Cette édition se distingue par la richesse et la pertinence de ses contributions, explorant des thèmes aussi variés que la moralité, l’inhumanité, l’éthique, et l’évolution des idées humanistes au sein de la Franc-maçonnerie.

Les articles et les notes de lecture nous guident à travers des voyages intellectuels et historiques qui mettent en lumière la capacité de la franc-maçonnerie à s’adapter et à répondre aux défis éthiques et moraux de chaque époque. De l’exploration des idéaux des Lumières par Pierre-Yves Beaurepaire à la plongée dans les tréfonds de l’inhumanité par Alain Bauer, chaque contribution offre une perspective unique et enrichissante.

Les réflexions sur la pédagogie maçonnique, la mixité, et la découverte des temples maçonniques, ainsi que les débats sur la place de Dieu dans la maçonnerie, illustrent la diversité des sujets abordés et l’importance accordée à la compréhension et à la tolérance. Ces discussions révèlent l’engagement constant des francs-maçons à promouvoir un humanisme éclairé, ancré dans la tradition mais résolument tourné vers le progrès et la fraternité universelle.

Il est important de noter que JOABEN n’est pas réservée exclusivement aux frères et sœurs des hauts grades du Rite Français. Cette revue est accessible à tous les francs-maçons, y compris ceux des loges Bleues. Cette inclusivité permet à un large public de profiter des réflexions et des analyses présentées, favorisant ainsi un échange d’idées enrichissant au sein de la communauté maçonnique.

En somme, ce numéro de JOABEN ne se contente pas de décrire les enjeux de l’humanité et de l’inhumanité; il appelle à une introspection et à un engagement renouvelé envers les valeurs maçonniques de liberté, d’égalité et de fraternité. Il démontre que la Franc-maçonnerie, par ses rituels, ses symboles et ses réflexions, reste un pilier de la recherche humaniste et un acteur crucial dans la construction d’un monde plus juste et plus humain.

Ce numéro se révèle donc indispensable pour tous ceux qui s’intéressent à la philosophie maçonnique, à l’histoire et à l’évolution des idées humanistes, et à la manière dont ces concepts peuvent nous guider pour relever les défis contemporains.

JOABEN-La Revue « L’humain, l’inhumain, l’humanité »

Grand Chapitre Général du Grand Orient de France – Rite Français 1729-1786

Conform édition, N°23 – Juin 2024, 96 pages, 14 €

À commander chez Conform édition et/ou disponible chez DETRAD.