dim 20 avril 2025 - 08:04
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Pavillon jaune

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Je voulais aller en Loge hier, mais en raison des circonstances, les obédiences ont du fermer leurs locaux (de même que les musées et théâtres du centre de Paris, sur rive droite) en raison des éventuels débordement de la manifestation dite des «Gilets jaunes». Je ne crois pas utile de revenir sur les débordements de ces événements prétendument inédits. Plusieurs morts et plusieurs centaines de blessés, des actes de violence et même des incendies… Bref, un avant-goût de révolution, mais aussi de quelque chose de plus noir.

J’aimerais partager une analyse, qui n’engage bien évidemment que moi (et qui me vaudra sûrement de me faire encore des amis).
Le mouvement serait né sur ces fichus réseaux sociaux, du ras-le-bol de quelques-uns qui se sentent (sûrement à juste titre) étouffés par l’augmentation des taxes sur le diésel et qui pour manifester leur colère, ont décidé de bloquer les routes, du moins les ronds-points sur différents axes routiers. Soit. On appréciera la logique: l’essence est trop chère, donc bloquons les automobilistes. Hum, il y a quelque chose qui m’échappe, mais soit.
Nous nous sommes bien évidemment fait bloquer ma compagne et moi sur la route. La gamine qui nous a arraisonnés (car c’en était une, vu que j’aurais pu être son père) nous a reproché de ne pas arborer le gilet jaune. Soit. Mais au nom de qui ou de quoi peut-on se permettre de bloquer un rond-point? Pour qui se prennent ces gens, dont l’action grotesque n’aura pas d’autre effet que de nuire à d’autres citoyens qui font ce qu’ils peuvent pour s’en sortir? 
Par ailleurs, j’ai appris que dans la région de mes parents, certains manifestants réclameraient, je cite, une «contribution volontaire» à leur mouvement. Du racket? Quelle mauvaise foi! Plutôt un genre de péage indépendant, en fait. J’espère que ce n’est qu’une rumeur, sinon, la situation serait très grave. Certes moins grave que les incendies. Mettre le feu n’est pas un acte anodin, loin de là, et en dit long sur la mentalité des gilets jaunes.

Donc, nous avons un mouvement sans leader connu, né spontanément sur les réseaux sociaux de gens très mécontents qui bloquent la liberté de circuler au nom de leur ressentiment ou de leur colère. Le problème est que sans leader, il n’y a pas de responsable, ni de responsabilité. Donc, du point de vue de la philosophie, les «casseurs» arborant un gilet jaune sont donc assimilables au mouvement des gilets jaunes. Non, ce n’est pas une tautologie. Le fait qu’il y ait dilution de la responsabilité porte la responsabilité sur chacun des membres. Et comme il n’y a pas de responsabilité, il n’y a personne avec qui dialoguer… Pas pratique, n’est-ce pas?
Certes, les personnes interrogées par les journalistes condamnent bien ces violences, et sont présentées comme de braves gens. Interrogeons Freud, et sa Psychologie des Masses et analyse du Moi. En très gros, des braves gens mis ensemble peuvent rentrer dans un délire collectif et faire des choses que leur surmoi (NB: Freud n’avait pas encore défini le surmoi à cette époque) réprouve, parce que la responsabilité est diluée. Tiens, tiens, c’est intéressant, ça. Allons donc plus loin: le savant Boris Cyrulnik expliquait dans De chair et d’âme sensiblement la même chose, avec des arguments de neurologie. Un individu plein de ressentiment entre dans la masse, et partage son ressentiment avec les autres, qui sont dans le même cas. Le ressentiment entre dans un phénomène d’auto-entretien, très valorisant pour les individus constituant la masse. Avec la dilution de la responsabilité, leur surmoi s’effondre et ils se retrouvent à exprimer leur pulsion de mort ou à croire les rumeurs les plus folles qui les confortent dans leur position de victime. Il y a déjà eu des phénomènes similaires à travers l’Histoire, comme le lynchage atroce d’Alain de Moneys, à Hautefaye (en Dordogne), dont l’histoire est racontée par Jean Teulé.

Comme les raisins, la colère a sûrement ses raisons. Et je crains qu’elles ne manquent pas: baisse du niveau de vie, insertion toujours plus dure dans le monde professionnel, exacerbation de la violence, à tous les niveaux, et fiscalité lourde pour les classes moyennes et populaires. Les inégalités s’accroissent, au point que certains polémistes voient en la France un futur pays du Tiers-monde. Diagnostic excessif, mais selon les lieux, on peut se poser la question…
Il devient en effet très difficile de se faire soigner à l’hôpital, l’école est en crise grave -en fait, elle l’a toujours été, mais suite à l’indiscrétion d’un élève, ça se sait officiellement. 
On évoque le durcissement de la société, surtout en partie urbaine, alors que le lien social se résume de plus en plus à une relation marchande, telle que celle, très pratique mais ô combien déshumanisée établie par le service «Lulu dans ma Rue», à Paris.

Pour en revenir au Gilets Jaunes, si je devais résumer en deux mots, je parlerais d’injonction paradoxale. Et c’est un phénomène particulièrement destructeur.
Ainsi, on demande à ceux qui n’ont pas le choix de ne pas utiliser leur voiture, on les sanctionne financièrement s’ils le font (on lira à ce propos le scandale du malus écologique) dans un pays qui a fait le choix du tout automobile il y a une quarantaine d’années, donc sans infrastructure de transport suffisamment dense et adaptée aux besoins de la population. Infrastructure qui tend à se dégrader faute d’entretien, voire à fermer pour raisons d’économie… Le ressentiment face à cette violence est réel, mesurable, et la colère compréhensible.
Et pourtant, quelque chose ne va pas avec ce mouvement. Dans la forme et dans le fond.

Dans la forme, faire adhérer des gens quasiment de force et qui n’ont rien à voir avec un mouvement au dit mouvement, ça porte un nom. La violence. Celle-ci est omniprésente en ce moment. Par exemple, violence des plus riches, qui par le biais de la fraude fiscale, ne paient pas l’impôt, avec la complicité de la caste au pouvoir. Violence de l’administration qui compense un manque à gagner sous couvert de taxe pour l’écologie. Violence sociale aussi, puisque de plus en plus de concitoyens ont du mal à joindre les deux bouts et en ont assez de voir augmenter impôts, charges, taxes ou CSG. Violence d’état contre les collectivités, dont les budgets baissent régulièrement, en dépit des paroles des caciques de Bercy. Je ne parlerai même pas des violences faites aux femmes. Donc, une violence de classe dominante sur les autres classes. Et comme toute action entraîne réaction, cela implique donc la violence de la réponse attribuée au peuple: ce mouvement sans réel leader, sans réels idéaux, mais sur lequel planent des ombres politiques aux idéologies rances.
On aurait juste des gens préoccupés par le prix du litre du diésel et qui s’indignent en prétendant vouloir bloquer le pays et donc la libre circulation des citoyens. Le problème, c’est que, bloquer la circulation, c’est un délit, passible de prison. Donc, si l’on suit la loi stricto sensu, ces gens sont des délinquants, non? Et puis, les usagers de la route subissent aussi la hausse du diésel. Un blocage est tout simplement absurde. Je ne reviendrai pas sur les violences urbaines, qui nuisent au tourisme et aux commerçants ou employés, qui souffrent aussi, mine de rien.
Ceci dit, tout ce petit monde se trompe de combat. Si le diésel augmente, c’est que l’Etat a besoin d’argent pour tenter de faire tourner les infrastructures, telles que les hôpitaux, les dernières lignes de train, les écoles. Et l’argent manque. Pourquoi? La réponse se trouve dans un rapport parlementaire, celui rédigé par le sénateur Eric Bocquet (https://www.senat.fr/notice-rapport/2013/r13-087-1-notice.html), qui parle de fraude fiscale. La fraude fiscale coûte à la collectivité 60 à 80 milliards d’Euros par an. Oui, 60 multipliés par 10 élevé à la puissance 9. Ca en fait, des investissements et de l’entretien. Voilà une bonne raison de s’indigner, non?

Même si cette violence, je la subis tous les jours en tant que fonctionnaire (en effet, on nous a augmenté le point d’indice au détriment des primes, mais aussi les impôts, ce qui fait qu’en fait d’augmentation, nous avons subi plutôt une diminution…) et en tant que citoyen quand je vois nos services publics se dégrader lentement, même si je ressens cette colère contre nos institutions que nous avons installée et qui nous détruisent, je ne peux pas adhérer ni même sympathiser avec un mouvement irrationnel, basé sur la colère et dont les représentants, dans le fond, ne valent pas mieux que ceux qu’ils prétendent combattre. Nietzsche disait que «la plus perfide façon de nuire à une cause, c’est de la défendre avec de mauvais arguments». Je pense qu’on est exactement dans ce cas en métropole: bloquer la population, dégrader l’espace public, ou commettre des actes de délinquance au nom d’un problème ou d’une cause ne peut que nuire à ladite cause (n’est-ce pas, les vegans?). Qui plus est, je ne puis pas adhérer à un mouvement dont des militants affichent leur anti-maçonnisme.

Toutefois, cette raison ne me suffit pas. Quelque chose d’autre dans ce mouvement me met mal à l’aise. Plus subtil, plus diffus. Un problème de fond. Je me suis donc renseigné et j’ai relu l’Histoire, oeuvre de l’historien antique Polybe. Polybe, inspiré par Lycurgue, législateur de Sparte avait compris que l’histoire des civilisations fonctionnait par cycles, de trois régimes et de leurs trois perversions (tiens, le chiffre 3, éminemment important pour nous, Maçons). Le premier régime est la monarchie, qui dérive en autocratie ou dictature. La dictature est ensuite suivie par l’aristocratie, issue du renversement de l’autocratie. L’aristocratie dérive elle-même en oligarchie. La démocratie, suite logique de l’oligarchie renversée a elle aussi une dérive: l’ochlocratie. Mais qu’est-ce donc? Tout simplement le gouvernement par une foule déchainée et irrationnelle. Polybe évoque de «régime dans lequel on gouverne par la force et les voies de fait». Tiens, tiens, tiens. Est-ce que ça ne ressemble pas à nos sympathiques gilets jaunes, un mouvement gouverné par la force de quelques uns et agissant par voies de fait?

Je crains que les réseaux sociaux, ainsi que les Mauvais Compagnons de l’homme, à savoir pour nous les Francs-maçons, l’Ignorance, le Fanatisme et l’Ambition ne nous aient fait entrer dans la dernière étape du cycle décrit par Polybe, l’ochlocratie. Un retour à la loi de la jungle.
Si la Franc-maçonnerie a été créée pour rassembler les plus hautes valeurs morales, il serait peut-être temps de sortir de nos temples et de répandre un peu de cette Lumière et de ces valeurs dont nous nous gargarisons.

Dans le roman national, nous avons gardé l’image du peuple opprimé par les nobles et les puissants fermiers généraux, qui eux-même spéculaient sur le prix du blé quand le peuple crevait de faim. Nous avons gardé l’image de l’Affaire du Collier de la Reine, cette fake news du XVIIIe siècle qui a exacerbé la colère populaire. Et on nous a enseigné la révolte du peuple en 1789, symbolisée par la prise de la Bastille. Malgré les efforts de l’Education Nationale, nous avons encore quelques notions d’histoire. Et en période de crise, pour paraphraser Victor Hugo, je dirais que ce ne sont plus des idées qui traversent les têtes du peuple, mais des événements…
Peut-être que les cols blancs qui nous dirigent devraient se rappeler cette maxime attribuée au 3e président des Etats-Unis, Thomas Jefferson: «people should not be afraid of their governments, governments should be afraid of the people». 
Et pour ceux qui veulent vraiment se rebeller, cultivez-vous. Etudiez le système, ses forces comme ses faiblesses, ainsi que son histoire. C’est en le comprenant en subtilité, avec ses interactions complexes qu’on arrivera peut-être à le changer. Pas en détruisant des villes, des vitrines ou en comportant en barbare. Du gilet jaune à la chemise noire, il n’y a qu’un pas. Ne le franchissons pas.

Déchiffrer des maux

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J’étais en Loge hier soir, et nous avons parlé nombres. Il est vrai qu’en Franc-maçonnerie, nous avons un certain nombre de symboles derrière les chiffres en complément des idées derrière la lettre. Et comme souvent, nous avons refait la planche aux Agapes. Et de chiffres, nous sommes passés aux nombres, dont certains donnent un vertige très désagréable. Et ce n’était pas l’infâme piquette que nous sert notre prestataire de restauration collective. Fort des idées échangées, je rentrais chez moi, l’esprit encore en ébullition. Après une nuit agitée de rêves de chiffres, de nombres et d’additions, je me suis levé, et j’ai entendu les nouvelles. Il y était question de gilets jaunes mais aussi de M. Ghosn, arrêté au Japon dans les circonstances que l’on connaît. On pourra se référer à l’analyse du Canard Enchaîné, comme toujours aussi pertinente qu’inquiétante.
Dans le flot continu d’informations, un chiffre a retenu mon attention: le salaire annuel de M. Ghosn. Celui-ci s’élève à 16 millions d’Euros annuels, soit plus d’un million d’Euros mensuels. En termes de jours, incluant dimanches et jours fériés, cela revient à 43 835 Euros quotidiens. Si on ramène ce salaire en termes d’heures (je compte toutes les heures, pas les 35 heures de travail), cela fait 1826 Euros de l’heure. Intéressant quand on sait que le salaire médian mensuel brut est de l’ordre de 1600 Euros et le salaire minimum de l’ordre de 1498 Euros mensuels bruts…
Donc, si mes calculs sont bons, M. Ghosn gagnerait à chaque heure l’équivalent du salaire mensuel d’un français qui gagne plutôt bien sa vie. Autrement dit, M. Ghosn, quand il exécute une fonction organique de type manger, dormir ou toute autre chose de cet ordre là, gagne l’équivalent d’un mois de salaire d’une personne du haut de la classe moyenne. J’ai vraiment du mal à comprendre ce qui justifie que dans notre pays, il puisse y avoir une différence de facteur de l’ordre de 8000, autrement dit qu’un homme puisse gagner 8760 fois le salaire d’un autre.
Allons plus loin et intéressons-nous à une autre population: les doctorants. Vous savez, ces jeunes qui réfléchissent, qui font des découvertes ou réalisent des inventions dont ils ne voient jamais la retombée, comme des recherches historiques, scientifiques ou médicales… Je vous aide : des gens qui cherchent des remèdes contre le cancer ou la maladie d’Alzheimer. 
Ces jeunes ne font qu’augmenter le savoir humain. Occupation bien dérisoire à notre époque, j’en ai peur. Un doctorant, selon la bourse dont il bénéficie (sous réserve qu’il en bénéficie bien d’une) gagne péniblement (en moyenne) 1600 Euros par mois, pendant 3 ans.
Autrement dit, quelqu’un qui travaille à augmenter le patrimoine du savoir de l’humanité gagne en un mois (sans compter ses heures, parce que la recherche, ce n’est malheureusement pas compatible avec les 35 heures) ce que M. Ghosn gagne en une heure. Des chiffres très intéressants, surtout à l’heure où nous devons donner une journée de salaire pour les personnes âgées et dépendantes…
N’allez surtout pas penser que j’accable M. Ghosn. Ce raisonnement est aussi valable avec les superstars du football, les hommes politiques ou d’autres grands patrons du CAC40. Ainsi, M. Bernard Arnault gagnerait 15 000 Euros de la minute (ce qui ferait passer M. Ghosn pour un gagne-petit). De la même façon, Mme Laurence Parly, actuelle aurait gagné 52 000 Euros mensuels pendant son mandat à la SNCF, soit l’équivalent d’une bourse de thèse de 3 ans. J’ai renoncé à faire ce calcul avec le salaire des stars d’Arsenal, du Real Madrid ou du PSG (ma calculatrice n’avait pas assez de chiffres à l’écran).

En Loge, nous avons différentes formules pour désigner le salaire qui est dû à chacun. L’idée est que l’on est payé selon son grade et ses efforts. D’ailleurs, un de nos mythes fondateurs raconte l’assassinat du plus grand des maçons par trois mauvais compagnons qui voulaient s’approprier ses secrets et le mot de passe à donner pour recevoir le salaire des maîtres. Avec ces considérations, on peut réellement se demander pourquoi une heure de la vie d’un patron lui rapporte autant qu’un mois de travail peut rapporter à un salarié de la classe moyenne (salarié homme, car à travail égal, les salariées gagneront toujours moins qu’un salarié).
Ces chiffres, quand on sait les lire, disent des choses graves de notre société: certains gagnent des fortunes simplement en respirant. Ces montants viennent d’une part de la force de travail achetée aux travailleurs, mais aussi de la spéculation boursière, où l’argent crée de l’argent. Ces montants nous parlent de la pulsion de mort des grands patrons, qui ne font que siphonner les ressources disponibles transformées en flux monétaires mais aussi de cette pulsion d’accumulation des richesses, déjà dénoncée par Aristote quand il parlait de chrématistique. Le fric, du fric, du fric, du fric, toujours plus de fric. Si pour certains, avoir assez d’argent pour vivre simplement est devenu difficile, que dire de ces très, (trop?) hauts salaires? Outre la jouissance matérielle, quel est l’intérêt de gagner en une heure autant que ce que des gens ordinaires gagnent en un an?
Ces chiffres nous racontent encore autre chose: travailler à augmenter le savoir de l’humanité n’est ni rentable ni bien vu en France, surtout quand on connaît les difficultés d’un docteur à s’insérer professionnellement. On voit ainsi les priorités de notre société et de ses institutions: des hauts salaires pour les dirigeants et les administrateurs, les miettes pour ceux qui restent, et l’humiliation pour ceux qui essaient de faire avancer les choses comme le savoir ou la transmission. À ce propos, trois économistes avaient tenté une hypothèse (qui semble se vérifier): l’utilité sociale d’un emploi ou d’un travail est inversement proportionnelle à sa considération salariale ou autre. Autrement dit, une femme de ménage qui nous évite de tomber malade par contamination effectue un travail peu rémunéré par rapport à un trader qui va faire fermer une usine pour assurer une rentabilité éclair quelque part et qui va toucher un montant mirobolant pour ça. 
Ces travaux sont disponibles sous la référence: Lavler, Kersky et Steed, «A bit rich. Calculating the real value to society of different professions»)…
Ah, dernier point: oui, je suis marxiste et ouvertement keynesianiste. Et non, ce ne sont pas des gros mots. Contrairement aux âneries de Friedman et des tenants de l’école néo-libérale, les hypothèses de Keynes ont toujours été vérifiées et validées. Mais ça, nous en parlerons plus tard.
En attendant, si certains chiffres peuvent donner le vertige, il en est d’autres qui me donnent la nausée…

Carte et Territoire

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J’étais en Loge un soir, et j’ai eu l’occasion d’écouter un Frère faire un exposé aussi brillant que complexe sur la sémantique générale. Mais qu’est-ce donc que cette sémantique générale ? Faisons un peu d’histoire. Nous sommes à la fin de la Première Guerre Mondiale, les Bolcheviks ont pris le pouvoir en Russie et les aristocrates des pays « protégés » par la Russie fuient. Parmi eux, un homme très particulier, le Comte Alfred Korzibsky. Le Comte Korzibsky est un brillant aristocrate, polymathe. Il occupe la difficile position de chef des télécommunications de l’armée prussienne. Autant dire que sa position lui a permis de lire absolument tous les télex, télégrammes, courriers, etc. échangés par toutes les parties. En fuyant l’invasion russe, il emporte le résultat de ses recherches et finit par atteindre la Californie. C’est dans cet Etat qu’il établira ce qu’il pense être les causes de la guerre en Europe. En effet, après avoir analysé l’ensemble des messages échangés, il en déduit que la cause principale de la guerre en Europe est intimement liée au 3e principe d’Aristote, le principe de tiers-exclus. Autrement formulé, c’est le principe qui établit que si un énoncé est vrai, son contraire est obligatoirement faux. Adapté à une position religieuse ou politique, cela peut entraîner la guerre pour la conversion forcée ou l’élimination de celui qui pense différemment… 
Le Comte Korzibsky a également émis l’hypothèse que l’être humain se fonde essentiellement sur ses représentations mentales, qui ne sont pas forcément la bonne perception de la réalité. 
Fort de ses travaux et hypothèses, le Comte Korzibsky a donc créé un système de pensée, écrit ¬A, prononcé « non-A ». Il est ainsi devenu le fondateur d’une discipline nommée Sémantique Générale. Si cette discipline devait être résumée en quelques mots, ces mots seraient « la carte n’est pas le territoire ». Un énoncé simple, mais aux interprétations multiples. En voici une : nos constructions mentales, nos modèles rendent compte de ce que nous percevons, mais notre perception étant limitée, nous ne pouvons pas avoir de carte totale. 
Une autre interprétation est qu’il existe plusieurs manières d’avoir raison, en se basant sur des valeurs propres à chacun. Ce type de postulat suppose d’accepter l’ambivalence de la pensée humaine. Etrangement, en acceptant qu’un énoncé est à la fois vrai et faux, on accepte beaucoup mieux l’hypothèse de la double nature de la lumière (corpusculaire et ondulatoire) et les avancées de la physique quantique.
La bonne question qu’il faut se poser, en tant que Franc-maçon, est : pouvons-nous accepter un tel système de pensée ? La réponse est paradoxalement, oui. Certes, nous réfléchissons et pensons à l’Européenne, nous connaissons la logique, la rhétorique, la poésie, la grammaire, la musique, les mathématiques et la poésie, ce qui ferait plutôt de nous des aristotéliciens. Et pourtant, le devoir de Fraternité nous incite à ne jamais juger notre prochain. En fin de compte, peut-être que la sémantique générale nous permet d’accueillir l’autre en frère, dans son altérité. Elle permet aussi de tous nous mettre au niveau, en nous faisant admettre qu’il n’y a pas non une, mais bien plusieurs façons d’avoir raison. Nos politiques et les leaders d’opinion en général devraient peut-être garder ce paradigme en tête, qui éviterait le recul de civilisation que nous connaissons ces derniers temps…

La liberté? À voir. L’égalité? Personne n’en veut!

La liberté? Que de croyances, voire de certitudes ne mettons-nous pas derrière cette valeur universelle. Stephan Lau, un scientifique vint d’en débusquer une :Plus de choix, moins de liberté ? 

Alors je me pose une question en tant que très ancien Franc-maçon : Le rituel, le règlement de l’obédience (pour ceux et celles pour lesquels, elle est importante) ne laissent aucun choix. Conclusion : ils ont développé chez moi mon  sentiment de liberté! Paradoxe insoutenable; je me sens diminué. Lis plutôt l’expérience de Stephan Lau:

Les  choix variés ou complexes nous laissent le sentiment d’être bloqués ou entravés. À l’inverse les choix très simples dont l’issue est heureuse nous donne l’impression d’être libres comme l’air. Notre sentiment de liberté nous trompe : il correspond généralement à une liberté moins étendue. Lorsque le résultat d’un choix, même trivial, nous est profitable, nous aimons penser que nous avons décidé librement. C’est plus flatteur !.15% de satisfaction en plus pour 80% de liberté en moins. C’est le surcroît de bien-être chez des personnes devant choisir un chocolat parmi 6 au lieu de faire leur sélection dans une boîte de 30. (2000)

Dans les années 80, le neurophysiologiste Benjamin Libet a découvert que le cerveau déclenche nos mouvements avant que nous ayons pris conscience de sa décision, le plus souvent prise à notre insu. L’attente d’un résultat positif contribue au sentiment de liberté.  Ça c’est intéressant pour les trois maillets.

Les personnes qui remettent en question l’existence du libre-arbitre  ont plus souvent des comportements égoïstes, agressifs ou malhonnêtes. Croire au libre-arbitre réduirait le stress et augmenterait la satisfaction globale dans la vie mais pousserait à des jugements plus sévères vis-à-vis des personnes qui enfreignent la loi. En quelque sorte l’important c’est d’y croire.  (Roy Baumeister et Lauren Brewer). En quelque sorte, les inconditionnels du respect sourcilleux du rituel croient au libre-arbitre mais ne laissent pas les autres de la loge l’exercer à leur gré. C’est compliqué, l’Homme! Heureusement je ne veux plus être que Couvreur!

Je suis stupéfait par ces résultats provisoires. Je ressens le contraire !Mais tu n’as pas tout lu. Voici la chasse à la croyance “Nous sommes tous, ou devrions être, tous égaux”.
Et bien non, pas du tout. C’est même l’inverse a étudié Sébastien Bohler :Les inégalités rassurent notre cerveau. Trop c’est trop pour moi, initié qui honore l’égalité. Je me laisserais donc avoir par mes désirs enfouis? Lis plutôt :

La plupart d’entre nous se disent opposés aux inégalités. Mais en réalité nous répugnons à les remettre en question, car elles nous rassurent.

Expérience : un individu, Pierre, a reçu beaucoup plus d’argent que son voisin Paul. Les participants peuvent, s’ils le veulent, corriger cette situation en reversant une partie de l’argent de Pierre à Paul, ce qui produit une solution plus égalitaire mais conduit à attribuer un peu plus de ressources à Paul qu’à Pierre. Ou bien ils peuvent maintenir le statu quo. La plupart des gens s’en tiennent à la situation initiale car elle ne modifie pas l’ordre hiérarchique. (Arquéphilie)

Le maintien des inégalités s’expliquerait par notre attachement aux hiérarchies. Car elles semblent faciliter le traitement de l’information. Nous aurions plus de facilité à mémoriser deux visages si l’un dégage une impression d’autorité et l’autre, une impression de soumission. Les employés ont le sentiment d’être plus efficaces au sein d’entreprises dont ils identifient aisément l’organisation hiérarchique et des tâches collectives indépendantes. Meilleures performances s’il y a une hiérarchie claire. Performances meilleures dans les groupes où certains membres ont un taux de testostérone (marqueur de dominance) élevé et d’autres au taux plus faible. Qui donc, dans ta Loge a-t-il, (elle, plus rarement) un taux de testostérone élevé. Celui qui attend d’éteindre calife à la place du calife?

CERVEAU ET PSYCHO

N° 92 octobre 17

“L’Art royal révélé” ou la Voie maçonnique demain

Cet ouvrage d’Alain Subrebost serait-il insupportable pour la plupart de nos Frères, de nos Sœurs . Moi, Je renonce ! Je ne puis faire une recension de ce livre qui soit à la hauteur de mon enthousiasme. Enfin un ouvrage qui ne réduit pas notre quête au respect tatillon d’une certaine Tradition, qui ne résume pas les tenues à des débats bavards, qui ne se roule pas dans les délices obscures de symboles réputés gros de sens occultes. Pas du tout ! Voici un ouvrage qui clame haut et fort ,pour nous et pour nos descendants, que notre quête maçonnique est une voie incomparable de développement personnel ; et impersonnel aussi ! Ce qui fait sa puissance sur le psychisme, ajoute l’auteur. Que n’avance-t-il pas qui ne soit un régal ? Petit échantillon : nous sommes et le chantier et les officiers, au profonds de notre être .Ou encore, ce lien superbe entre les outils et notre corps :où placer, dans notre chair,  l’équerre, le levier, la perpendiculaire…au front, dans les jambes… ? ? Ainsi les pages défilent, rêveuses et concrètes ; elles font miroir avec notre vécu. Non,  plus loin : notre vie. D’ailleurs, le livre ne nous laisse pas passifs : à un rythme soutenu, des questions nous sont posées ; elles nous happent, nous fatiguent parfois puis allument en notre cerveau-cœur-corps des lumignons pour éclairer notre chemin . En soutien à ce compagnonnage, des tableaux, des dessins, des grisés, des ombres et des pages claires. Dans l’écrin d’une couverture invitante. Au fond le titre même pointe que , ce qui est révélé dans celui-celle qui veut être roi, c’est…A vous la réponse pendant votre lecture. Il est un mot de la Renaissance qui sera le mot de la fin : « psychagogie » soit la pédagogie de la spiritualité vécue. « L’Art royal révélé » est un des fort  rares livres actuels qui  posent la question ; « Comment, pratiquement, faire éclore en nous nos symboles pour grandir et se développer personnellement ? Le mot de la fin revient au Frère Alain : « Je ne suis pas franc-maçon ; je pratique la franc-maçonnerie ! ». Dont acte !

 

Manuel de Secours pour Vénérable Maître… très seul en Loge

  •  Date de parution : 01/06/2018
  •  Pages : 128
  •  ISBN : 978-2-9557 120-7-8
  •  EAN : 9782955712078
  •  Présentation : Broché
  •  Poids : 0,25 Kg
  •  Dimensions : 16,0 cm × 24,0 cm × 0,7 cm
  •  Editions LOL : www.editions-lol.com

Commander = http://www.manuel-de-secours.com/commandez-le-manuel.html

La France compte plus de 4500 Loges maçonniques, soit un minimum de 45 000 officiers. Calculez maintenant le nombre de combinaisons possibles de conflits et de désaccords au sein de cet athanor maçonnique. Une Loge peut être saine en septembre et explosive en décembre. Ce Manuel propose des moyens simples pour gérer ces frictions humaines dans l’Atelier, afin qu’elles deviennent riches en enseignement.

Une Loge a besoin de communiquer à l’interne pour maintenir l’harmonie et à l’externe pour garnir ses colonnes. Comment agir discrètement mais efficacement pour promouvoir le sacré ? Quels outils utiliser et avec quelle fréquence ? Si les Rituels ont très peu évolué, les méthodes de communication du XXI e siècle, quant à elles, ne sont plus du tout les mêmes.

Cet ouvrage est le premier Manuel pratique pour Vénérable Maître qui aborde de manière simple les aspects inattendus de la gestion de sa Loge. Vous tenez entre les mains l’outil idéal pour cela.

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Le premier ouvrage que j’ai écrit était destiné aux Apprentis déçus qui souhaitaient démissionner[1]. Retenir les jeunes pousses avec des arguments solides et vérifiables était louable. Il m’a semblé assez rapidement que la racine du mal venait du manque de transmission initiatique et surtout de l’absence d’exemplarité de certains Maîtres. J’ai alors écrit un deuxième ouvrage sous la forme d’un manuel d’instruction[2]. Il était associé à un service Internet gratuit qui propose aux Maîtres volontaires de tutorer les Apprentis maçons orphelins[3]. La troisième étape fut de prendre le problème à la base : « Informer et préparer les profanes en amont pour éviter les déceptions ». C’est ainsi qu’un troisième ouvrage vit le jour pour répondre aux questions des futurs candidats à l’Initiation[4]. Lorsqu’on observe l’évolution de la Franc-maçonnerie à travers le monde, on constate qu’il n’existe pas une, mais de nombreuses Francs-maçonneries. Elles ont deux choses en commun, tout d’abord l’Initiation et ensuite la Fraternité, car personne ne pratique seul. C’est avec ce deuxième point que les problèmes du Franc-maçon commencent sérieusement. Comme l’écrit Jean-Paul Sartre dans sa pièce de théâtre Huis clos[5] : « L’enfer, c’est les autres ». Pourtant, c’est grâce à eux que nous pouvons grandir et nous élever, de ce fait, ils sont aussi notre paradis.

Certains maçons déclarent que la version d’origine anglo-saxonne de la Franc-maçonnerie est actuellement mise à mal. Cela entraînerait une inexorable baisse des effectifs ayant pour cause l’affaiblissement de la voie initiatique au profit d’une logique de club service. En résumé, ils pensent que lorsqu’un art devient un club social, il ne faut pas s’étonner que ses membres s’enfuient les uns après les autres.

D’autres Frères plus informés de ce qui se passe outre-Manche[6], affirment haut et fort que c’est très inexact, que ce propos est typiquement français, et qu’il s’agit d’une idée reçue qui oppose les Frères du R∴E∴A∴A∴ à la maçonnerie anglaise pour entretenir la querelle. Il semblerait donc que 87% des maçons anglais estiment que l’essentiel se trouve dans l’étude du symbolisme et de la morale[7]. Ce qui semble créer la confusion, c’est que la maçonnerie anglo-saxonne est basée sur la bienfaisance, à ne surtout pas confondre avec le service. L’action caritative est donc au cœur de la pratique. Elle figure d’ailleurs dans les fondamentaux de la Franc-maçonnerie. Le « Masonic Charity Foundation » de Londres est un organisme qui participe à la direction de la maçonnerie anglaise.

Est-ce le cas en France ? Bien entendu, non. Il ne faut pas oublier que chez nous, durant plus d’un siècle, la maçonnerie n’existait pratiquement plus. Elle était diluée dans la politique, comme aujourd’hui on la retrouve parfois diluée dans… l’ésotérisme, la philosophie, la politique, le syndicalisme.

Nous sommes tous d’accord : la maçonnerie du XXIè siècle ne possède plus les pouvoirs politiques des siècles passés. Cela ne remet aucunement en question les combats menés et les victoires acquises, mais l’actuel Art Royal évolue dans une société qui a changé et s’est complexifiée. Si la Franc-maçonnerie que nous pratiquons aujourd’hui en France trouve son intérêt dans une forme de renaissance initiatique, c’est qu’elle donne du sens à la « Fraternité » et au « Vivre ensemble ». Il faut surtout observer qu’elle se régénère grâce à la promesse du « bien vivre avec soi-même ».

Tout groupement maçonnique cherchant à se substituer aux nombreuses plateformes sociales et politiques du pays engendre des désillusions chez les candidats fraîchement initiés. Quand une société base toutes ses valeurs sur le matérialisme et l’action, il est facile de comprendre le succès grandissant d’un Art qui donne la place au sens de la vie et à l’être dans son essence.

La majorité des organisations maçonniques repose actuellement sur les deux éléments que sont la Loge avec ses membres et l’Obédience (avec son autorité). Certaines Loges sont dites libres (sans Obédience) ; dans cette dernière configuration, la Loge est seule et totalement autonome. Une chose est cependant certaine, dans tous les cas, la Loge se doit impérativement d’être souveraine. Comme le rappelle l’adage : « Ce n’est pas la queue qui remue le chien ». La Loge est à la base de l’Obédience mais certainement pas le contraire. En théorie, une Loge peut vivre et se développer seule, une Obédience certainement pas. En pratique, on se rend compte en France que de nombreuses Loges sont aux ordres de leur Obédience.

La Loge ne peut pas vivre sans son Vénérable Maître, car il en est le centre. Il reste à définir quelle sorte de Vénérable il souhaite être, car l’avenir et la pérennité d’une Loge dépendent aussi de l’attitude de son V∴M∴. Nous voyons parfois des Loges s’effondrer à cause de l’orgueil démesuré ou de l’incompétence du Premier Maillet de l’Atelier. Nous voyons aussi des Loges s’épanouir par l’exemplarité du V∴M∴ et le travail sérieux du collège.

Pour bon nombre de Francs-maçons, devenir Vénérable Maître est une forme de quête du Graal, l’atteindre est une consécration. Ils oublient cependant qu’il ne s’agit pas d’une récompense, d’un grade ou de l’étape obligée d’un cursus professionnel. Cette fonction se nomme d’ailleurs une charge. C’est un poids à supporter et une expérience temporaire qu’il faut intégrer dans son chemin initiatique. Il faut ensuite se préparer à transmettre le flambeau pour le bien de la Loge et du Vénérable lui-même, pour éviter qu’il ne vampirise son atelier et le condamne à court terme.

Cette épreuve, car il en est ainsi, comporte trois étapes majeures :

  1. La première se caractérise par l’avant-montée en charge. Cette période d’élection crée parfois de sérieux remous. Enfin, elle se concrétise par la cérémonie d’installation qui parachève la première phase.
  2. La deuxième est constituée du mandat et des diverses épreuves qu’il comprend.
  3. La troisième est pour certains la plus initiatique. Il s’agit de la descente de charge, qui comprend la transmission au successeur. Cette dernière phase peut se montrer éprouvante, car il s’agit de lâcher prise avec l’illusion du pouvoir. Ce travail final consacre le mandat du Vénérable élu. Nous connaissons tous des Vénérables (cela s’applique aussi à certains Grands Maîtres) qui passent à l’Orient Éternel avec leur sautoir et leur équerre autour du cou, tant ils se sont identifiés à ce petit promontoire que nous nommons l’Orient. Ils n’ont jamais pu descendre de charge. Quelle tristesse pour eux, quel drame pour tous !

Si vous tenez ce livre entre vos mains, c’est que vous vous posez certaines questions. Cela est bien légitime, car les épreuves du V∴M∴ sont très nombreuses. Aussi allons-nous en évoquer quelques-unes dans cet ouvrage. Nous tenterons d’aborder les moyens d’y faire face, afin de transformer cette lecture en moment constructif. Nous verrons aussi comment dynamiser un Atelier pour le rendre plus vivant. Je vous souhaite une belle aventure. Ouvrons les travaux, il est midi…

UTILITÉ DE CE MANUEL DE SECOURS

Posez la question à n’importe quel Apprenti fraîchement initié, il affirmera avec conviction que le chemin initiatique en Loge se termine par la consécration suprême : « devenir Vénérable Maître ». Il faut dire que cette fonction est à l’Apprenti ce que la mère poule est au poussin. C’est la première personne qu’il voit, trônant avec son maillet à la main. Il représente le pouvoir et l’autorité de sa « Loge Mère ». Durant tout son apprentissage, il n’aura de cesse d’admirer cet être qui a tous pouvoirs. Nous avons tous plus ou moins rêvé de nous faire appeler Vénérable Maître avec déférence et respect. Il est naturel que cette fonction cristallise quelques fantasmes chez certains. Une fois arrivé à la fonction suprême de la Loge, des problèmes insoupçonnés apparaissent. Ils ne viennent pas toujours par là où on les attendait. La solitude du pouvoir amplifiant les sensations d’altitude à l’Orient, le Vénérable Maître est souvent très isolé. C’est donc dans un esprit de partage d’expérience que cet ouvrage abordera lesdites épreuves et tentera de proposer des solutions, ou du moins, des façons différentes d’envisager les choses. Les nœuds sont parfois tellement serrés qu’il peut être difficile de retrouver l’harmonie autrement qu’en séparant ou en mettant en sommeil la Loge. Autrement dit, le remède peut tuer le malade tant la pathologie est ancrée.

Rassembler ce qui est épars

Il est bien difficile de dynamiser un Atelier dont les tiraillements internes mobilisent l’énergie et l’esprit de toute la loge. C’est pourquoi la première partie de ce Manuel sera consacrée à la remise en ligne, à la rectification et aux soins de la Loge. L’Apprenti démarre sa vie maçonnique par le travail de rectitude et de silence avant de pouvoir s’exprimer et de voyager. Il me semble qu’il en est de même avec la Loge. Il faut qu’elle soit saine pour pouvoir ensuite s’exprimer pleinement. C’est donc en seconde partie que seront abordées les techniques destinées à dynamiser et renforcer les effectifs. En résumé, on restaure l’équilibre et la bonne entente. Ensuite, on renforce les effectifs. Puis, on travaille sur les racines pour pérenniser l’Atelier et maintenir la stabilité aussi longtemps que possible. Toute la construction de ce livre repose sur cette logique d’évolution.

Quelques chiffres

La France compte environ 180 000 maçons[8], dont 35 000 femmes, soit 20 % des effectifs. Il existe chez nous plus ou moins 5 000 loges maçonniques, pour un total approximatif de 300 Obédiences. Il s’en crée et s’en détruit tous les mois, car certaines structures sont absolument microscopiques et ne représentent que l’ego de leur fondateur. Sachant que les six premières Grandes Loges françaises représentent à elles seules 85 % du total, les 294 restantes se partagent les 26 000 membres restants. Cette organisation typiquement gauloise nous permet de prendre conscience que nous ne sommes pas face à un bloc monolithique, mais bien devant un écosystème très complexe. Cette organisation est unique au monde. Cela fait de la maçonnerie française une curiosité dans le paysage maçonnique mondial.

La cellule appelée Loge est le tronc commun à tout cet ensemble. Nous allons justement travailler sur cet élément. Cette Loge est dite souveraine, car seule la Chambre du Milieu[9] prend les décisions. Partant de ce principe communément reconnu, la tâche est simplifiée, car la majeure partie des problèmes de la Loge sera plus facilement identifiable. En effet, il est rare que les conflits viennent de l’extérieur. Si cela arrive, il s’agira de cas singuliers ou ponctuels.

[1] « Manuel de survie pour Apprenti maçon voulant démissionner » www.manuel-de-survie.com – Editions LOL – 2014

[2] « Manuel de sauvetage pour Apprenti maçon sans instructeur » www.manuel-de-sauvetage.com – Editions LOL – 2016

[3] www.adopte-un-apprenti.com

[4] « Ma Franc-maçonnerie mise à nu… pour les profanes » www.ma-franc-maconnerie.com – Editions LOL – 2016

[5] Rédigée à la fin de l’année 1943, elle est représentée pour la première fois le 27 mai 1944 au théâtre du Vieux-Colombier, à Paris. Cette pièce est symbolique de l’existentialisme, mouvement littéraire du début du xxe siècle où l’être humain est défini par ses gestes et ses non-gestes.

[6] Commentaire de Philippe Martin (Membre de la Rudyard Kipling Lodge) : « Proportionnellement, il y a plus de maçons en Angleterre qu’en France. Toutes obédiences confondues, peu nombreuses heureusement (GLUA, DH, OWF, etc.), ils sont 225 000 membres. Voici un pourcentage de comparaison : France : 0,25% de maçons par rapport à sa population. Angleterre : 0,5%. Écosse : 1%. Il s’agit d’une régulation démographique. Il y a 70 ans en France, la maçonnerie était descendue à 0% pour cause d’interdiction de pratique. Elle ne pouvait donc que progresser au retour du Général de Gaulle. Il est difficile d’affirmer que c’est uniquement grâce à la voie initiatique. La GLUA ne communique pas sur ses effectifs et parle généralement de plus de 200 000 maçons, mais le décompte des Loges provinciales permet une consolidation qui se rapproche de 225 000. Le Mark Masonic Charity Fund affiche 180 000 membres. Or, tous les maçons anglais ne sont pas à la Grande Loge de la Marque (Apprentis, Compagnons, autres…), mais tous les Maçons de la Marque anglaise sont anglais. Ainsi, les effectifs de la GLUA ont plus augmenté ces dernières années que le GOdF, la GLdF et la GLNF réunies. Si l’on regarde les statistiques d’appartenance anglaises ou américaines, les périodes de crises sont propices à l’adhésion, les périodes de conflits mondiaux correspondent à des pics très importants, jusqu’à 800 000 membres, et les périodes de paix entraînent une baisse. Actuellement, la période de tensions, mais aussi d’ouverture, est favorable et les effectifs augmentent. »

[7] Source « Freemasons For Dummies » by Christopher Hodapp

[8] Certains affirment que nous sommes 160 000 pratiquants. Il est difficile d’obtenir des statistiques précises sur ce point, car les Obédiences communiquent difficilement sur leurs effectifs.

[9] Chez les anglo-saxons, c’est le conseil des Passés Maîtres de la loge qui prend les décisions. Le conseil de maîtres (ou Chambre du Milieu) devient alors un organe de ratification, mais surtout pas un lieu où l’on s’écharpe.

Ma Franc-maçonnerie mise à nu… pour les profanes

  •  Date de parution : 9/06/16
  •  ISBN : 978-2-9557120-0-9
  •  EAN : 9782955712009
  •  Présentation : Broché
  •  Poids : 0,420 Kg
  •  Dimensions : 16,0 cm × 24,0 cm × 1,4 cm
  •  Editions L’O.L. www.editions-lol.com

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Avant-propos : pourquoi ce livre ?

Avec plus de 11 000 ouvrages édités à son sujet, tout a été dit ou écrit concernant la Franc-maçonnerie, le meilleur comme le pire. Pour certains, les Francs-maçons sont associés aux Illuminati, « ils égorgent des vierges lors de rituels sataniques du vendredi soir ! », ou encore, « ils gouvernent le monde en secret. Ils sont impliqués dans tous les scandales financiers ! ». Pour d’autres, tout le folklore des « Frères la gratouille » (expression inventée par François Mitterrand) n’est qu’une manifestation nostalgique et désuète des temps anciens. Rares sont ceux qui reconnaissent dans l’Art Royal (Ce nom est utilisé jusqu’au XVIIIème siècle comme synonyme de Franc-maçonnerie), une voie d’éveil spirituel et surtout, un chemin qui conduit vers la Sagesse et la Tempérance.

Quelques questions reviennent régulièrement :

– « Pourquoi regroupe-t-elle autant de personnalités et de célébrités ? »

– « Combien sont-ils et surtout, qui sont-ils ? »

– « Quels secrets cachent-ils et quels pouvoirs ont-ils réellement ? »

Dans ce climat de mystère, chaque candidat aborde son entrée dans la Fraternité maçonnique comme une épreuve de sélection à Harvard. En somme, être reçu comme Franc-maçon est un grand honneur, être refusé peut être vécu par certains comme une profonde humiliation.

Certains postulants entrent avec la croyance que leur prochaine appartenance va leur donner des super pouvoirs, un carnet d’adresses bien garni et surtout, le privilège d’appartenir à la caste des puissants de ce monde. Or, il arrive trop fréquemment que des déceptions naissent dès la cérémonie d’accueil terminée.

Sur presque cinq mille Loges maçonniques que compte notre pays, combien de Frères ou de Sœurs peuvent déclarer avoir utilisé leur Loge comme ascenseur social ou financier ? Très peu, car la Loge n’est certainement pas l’endroit propice pour faire des affaires. Posez cette même question à des pratiquants de golf, des anciens d’HEC ou des membres du « Siècle »[1] et vous aurez une vraie idée du peu d’influence politique de la Franc-maçonnerie contemporaine, du moins, par rapport à d’autres réseaux nettement mieux organisés pour le succès social ou financier. Sous la Troisième République, environ un homme politique sur deux était Frère. Aujourd’hui, un élu sur dix porte le tablier[2]. C’est la preuve évidente du lent déclin de la maçonnerie politique et sociale. Il est certain que la Franc-maçonnerie joue encore, dans certains cas, un rôle d’incubateur d’idées, comme le furent les salons du XVIIIème siècle, mais certainement pas de groupe d’influence comme se plaisent à l’affirmer les pourfendeurs des enfants de la veuve et de l’orphelin[3]. Pour paraphraser Marc Giget[4], s’inspirant d’une célèbre émission de France Télévision pour expliquer le conservatisme français en matière de technologie : « La taille des racines de la Franc-maçonnerie française empêche ses ailes de pousser ». En d’autres termes, l’Art Royal est à une période charnière de sa longue existence. Il doit se réinventer pour répondre aux besoins d’une époque inquiétante et spirituellement apathique.

Version de couverture de 2016

La réelle nature de la Franc-maçonnerie est trop peu connue, car beaucoup trop marquée par son glorieux passé de pseudo-lobbyiste des affaires publiques de l’Etat français.

Il est vrai qu’au-delà de la fonction politique et sociale, jouée durant une certaine période par la maçonnerie, il existe des scandales, des abus et des dérives. Un chapitre y sera d’ailleurs consacré dans ce livre. Cela constitue une infime partie visible de l’iceberg d’honnêteté, d’implication et de Fraternité qu’on trouve généralement dans les Loges (le lieu de travail du maçon) de toutes les Obédiences (structures qui regroupent les Loges de chaque organisation maçonnique).

Ainsi, la question de fond est : « Pourquoi entrer en Franc-maçonnerie ? »

La réponse est plurielle, car chaque candidat trouve en chemin des résonances avec ses propres attentes conscientes ou inconscientes. Il ne le sait jamais en arrivant, mais les expériences qu’il va vivre durant son chemin maçonnique seront en parfaite synchronicité avec sa vie personnelle. Tout cela n’est pas très rationnel, mais existe bel et bien.

Dans ce livre, chacun trouvera des réponses aux questions qui sont habituellement posées aux candidats à l’Initiation[5] maçonnique. Même si en fin d’ouvrage, je vous propose de participer à un questionnaire pour faire le point, le but n’est pas de préparer des profanes à l’examen d’entrée en Loge, ni de nourrir la curiosité de ceux qui pensent que tout doit passer par la réflexion intellectuelle et l’analyse rationnelle.

Intégrer une Loge est un peu comme une cérémonie de mariage : avant de dire oui, il est plus prudent de s’informer de ses droits, devoirs et engagements. Rassurez-vous, le « divorce » est toujours possible avec sa Loge Mère[6], soit de façon « complète », soit pour se « remarier » avec une Loge plus « Fraternelle ». Avouez qu’il est quand même plus constructif de bien démarrer sa vie maçonnique, afin de se concentrer pleinement sur l’enseignement qu’on y reçoit. Un maçon heureux est un bon ambassadeur pour la Franc-maçonnerie, car il rayonnera dans tous les sens du terme. En revanche, un maçon déçu et trompé est un véritable fléau, car il diffusera ensuite une information correspondant à son vécu. Ā une époque où chaque citoyen, équipé d’un Smartphone, se connecte à plus d’informations que le Président des Etats-Unis en avait en 1995, croyez-moi, les bonnes comme les mauvaises nouvelles se propagent extrêmement vite.

Ce livre a pour vocation principale d’éviter l’erreur d’aiguillage lors du démarrage. Il est possible qu’après quelques chapitres, un effet secondaire apparaisse chez certains lecteurs : la désacralisation de la Franc-maçonnerie.

En tout état de cause, si cet ouvrage peut encourager les profanes à devenir maçons, ce sera une victoire. Si je voulais être légèrement taquin, j’ajouterais que la Franc-maçonnerie serait très heureuse si cette saine lecture pouvait donner aux maçons affairistes ou opportunistes l’envie de fuir.

Donc, ne vous étonnez surtout pas si mes propos sont parfois provocateurs. Si votre démarche est motivée par un profond désir de Fraternité et d’Harmonie, rassurez-vous, c’est la bonne adresse, ne lâchez surtout pas ce livre. Permettez-moi d’être votre guide tout au long des pages qui vont suivre !

Qu’est-ce que la Franc-maçonnerie ?

Si vous consultez Wikipédia sur cette question, voici la réponse : « Le mot Franc-maçonnerie désigne un ensemble d’espaces de sociabilité sélectifs, formé de phénomènes historiques et sociaux très divers. Le recrutement des membres est fait par cooptation et pratique des Rites initiatiques[7] se référant à un secret maçonnique et à l’art de bâtir. » Pour ne rien vous cacher, j’ai relu trois fois cette définition et je ne comprends pas plus que vous ce que cela signifie.

Il faut reconnaître qu’un historien de la maçonnerie ne vous donnera pas la même définition qu’un autre Frère féru de politique, ni qu’une Sœur adepte des activités maçonniques sociales. Une fois que vous aurez interrogé ces trois maçons, vous pourrez aussi consulter un pratiquant de la Franc-maçonnerie symboliste. Là encore, vous obtiendrez une autre explication qui vous donnera l’impression de parler de tout autre chose. En résumé, la maçonnerie peut prendre des formes diverses pour répondre à des attentes aussi variées qu’il existe de candidats.

Pour l’exprimer autrement, la Franc-maçonnerie pourrait être comparée aux arts martiaux. Certains les pratiquent pour se protéger, d’autres pour le bien-être physique ou mental, ou encore pour se distraire… Il existe une multitude de formes martiales différentes et les résultats obtenus sont tous variés et complémentaires. Pourtant, ce regroupement de techniques de combat ou de santé porte le même nom !

Alors, sans avoir encore répondu à votre question, je peux déjà vous dire que la maçonnerie n’est pas : un club de rencontres, un réseau d’affaires, l’antichambre du pouvoir, une filiale des Illuminati, un parti politique, un think tank, un cercle de philosophie, un centre d’entraînement à la parole, une officine religieuse, un cabinet de thérapie… et je dois très certainement en oublier.

Avant de nourrir totalement votre curiosité en répondant clairement à la question, il est bon de savoir que la Franc-maçonnerie est un corps social d’environ 180 000 membres en France, vivant et surtout évolutif. Si elle est née dans la forme que nous connaissons actuellement, il y a environ quatre siècles[8], son action sur la société n’a pas toujours été la même.

On peut affirmer que la Franc-maçonnerie est une voie initiatique[9]. Il serait utile de compléter cette définition en déclarant qu’elle travaille au bien-être et à la bienveillance des humains qui la pratiquent. Ā ce jour, nous ne connaissons qu’un seul cas de maçon qui aurait pu être assassiné par ses Frères[10]. Nous reparlerons de cela dans les prochaines pages. Si je complète mon propos en vous disant que la Franc-maçonnerie a pour but d’élever l’Humain dans ses qualités intrinsèques de Sagesse et de l’encourager à se mettre en Harmonie avec la vie, il me semble que nous aurons déjà une belle toile de fond. Il est important d’ajouter que le travail du Franc-maçon s’effectue essentiellement sur lui-même, afin que rendu meilleur, il puisse ensuite rayonner de toute sa puissance sur la société. C’est ainsi que la Franc-maçonnerie influence le monde. Elle agit en révélant les qualités de ses membres. Du moins, c’est le postulat de base, car la réalité est parfois plus complexe, comme nous le verrons.

Il me reste maintenant à compléter ce début de définition en vous disant que ce travail s’effectue en pratiquant dans chaque Loge le Rite[11] qui est le sien. Nous reviendrons un peu plus tard, sur ce fameux Rite, qui s’appuie sur un Rituel. Pour le moment, retenez juste qu’un Rite est un cérémonial qui comprend des gestes, un langage, des déplacements et une attitude mentale.

Après avoir posé les bases d’une présentation avantageuse, certains penseront que ces propos prosélytes ont pour but d’appâter le chaland. D’autres s’imagineront qu’il s’agit de faire l’éloge de notre Art Royal, sans parler de ses côtés obscurs.

Vous aurez l’occasion d’ici quelques chapitres de constater que je peux être sans concession et parfaitement capable de dénoncer les dérives et travers, lorsque cela s’impose. Ma définition de la Franc-maçonnerie est issue d’une pratique de longues années, de l’observation de tous les Rites rencontrés dans toutes les Loges où j’ai été invité et cela avec des Frères et Sœurs de nombreux pays. Je ne prétends évidemment pas connaître les quatre millions de Francs-maçons de notre planète, mais je crois avoir suffisamment voyagé et observé, pour partager avec vous mon opinion sur ce que j’ai vu et vécu.

Lorsque se pose la question de la définition de la Franc-maçonnerie, il est quasiment impossible de donner une réponse simple et rapide. L’ensemble des diverses pratiques Franc-maçonniques du monde est uni par un tronc commun : « l’Initiation ». Cependant, les pratiques en question peuvent différer, ce qui peut devenir très troublant au départ pour celui qui cherche à comprendre avec sa logique intellectuelle. La réalité est que la maçonnerie ne se comprend pas, elle se pratique et se ressent. On n’apprend pas la Franc-maçonnerie, on l’imprime de manière cellulaire dans son corps. Elle agit en nous telle une catharsis. Grâce au travail d’épuration de nos passions, elle nous conduit vers la connaissance de notre être intérieur. Le leitmotiv de la Franc-maçonnerie est « Connais-toi toi-même »[12]. L’objectif est sans conteste de cheminer vers notre intériorité jusqu’à l’harmoniser avec notre univers, du moins celui que nous percevons autour de nous. Pour résumer mon propos avec les mots de Mohandas Karamchand Gandhi[13], je dirais que : « Le bonheur, c’est lorsque ce que tu penses, ce que tu dis et ce que tu fais sont en Harmonie ». On peut dire sans se tromper que le but de la maçonnerie est de placer le pratiquant dans un état de recentrage et d’équilibrage permanent. Ce n’est pas un hasard si un de ses symboles fétiches est le Fil à Plomb. La Franc-maçonnerie est la quête du juste milieu. Ce principe du juste n’a rien à voir avec le bien et le mal de la morale. Il s’agit de trouver, en soi et au dehors, le principe de justesse et de justice de toutes choses.

C’est certain, la Franc-maçonnerie sert à s’approcher au plus près de qui nous sommes. Ā contrario, le principe de base d’une secte est de pousser les membres à photocopier un modèle préconçu. C’est précisément l’inverse qui se produit en Franc-maçonnerie. Il n’y a aucune imitation d’identité possible, aucune reproduction, ni dogme quant à la personnalité. Comme l’affirmait Pindare[14] : « Deviens ce que tu es ». Le Franc-maçon qui travaille son Art est un besogneux qui chemine sur la voie de la Sagesse. Il est en quête de lui-même. Il se nourrit et il s’enrichit des autres grâce à son travail.

Nous venons ainsi de dresser l’esquisse de l’Art Royal sous son aspect spirituel. Ā la lumière de ce premier chapitre, vous commencez certainement à mieux comprendre à quel point nous sommes loin des clichés véhiculés par les médias. Imaginez un instant que le Point ou l’Express titre demain : « Pourquoi la Franc-maçonnerie est spirituelle ? ». Quel serait le succès d’un tel numéro qui n’intéresserait personne ? J’ai personnellement participé à de nombreux articles de presse pour vulgariser la Franc-maçonnerie spirituelle. Selon vous, combien ai-je reçu de courriers de profanes qui souhaitaient me rencontrer pour approfondir le sujet ? Aucun, bien évidemment. Seuls les avions qui s’écrasent intéressent le grand public. Chaque scandale où un Franc-maçon est impliqué enflamme aussitôt les voyeurs et autres adeptes de la théorie du complot judéo-maçonnique. Compte tenu du nombre d’articles dénonçant les « affaires », je suis étonné du peu d’ouvrages en librairie qui traitent des méfaits de ces maçons aux doigts crochus. Pour rétablir un minimum de vérité, deux auteurs de talent[15] se sont attelés à la tâche en rédigeant un pavé de presque trois cents pages intitulé : “Ce que la France doit aux Francs-maçons… et ce qu’elle ne leur doit pas[16]. Je subodore que ce genre d’étude n’intéresse que les initiés. La grande masse a d’autres intérêts. Comme l’écrivait déjà au XIXème siècle Victor Hugo, lorsqu’il parlait de la foule : « Est-ce qu’elle n’a pas ri sur le passage de Jésus, devant le bûcher de Savonarole et de Bruno et de Jean Huss et de Jeanne d’Arc ? Est-ce qu’elle n’a pas craché sur la face fracassée de Robespierre ? »

En résumé, le candidat Franc-maçon a la lourde tâche de faire un choix clair et surtout très personnel pour décider, s’il doit oui ou non, rejoindre une Loge. Cette mission est difficile, car pour choisir, il faut être informé.

Le mystère est savamment entretenu autour de la Franc-maçonnerie. Les habitants de l’extérieur se demandent très légitimement ce qu’on peut bien faire à l’intérieur. Pourquoi autant de secrets s’il ne s’y passe vraiment rien de mystérieux ? En d’autres mots : « Il n’y a pas de fumée sans feu ! »

Dans un prochain chapitre, nous aborderons le sujet positif des bonnes raisons pour lesquelles il faudrait entrer en Loge. Il est évident que chacun des chapitres ne se voudra exhaustif. Il sera un survol d’arguments et de réponses à des questions, que bon nombre de profanes se posent avant de se jeter à l’eau… à l’air et au feu.

Dans le cadre de mes activités passées, lorsque j’étais Président de Loge (celui qu’on nomme le Vénérable Maître), j’ai reçu lors d’entretiens privés, des dizaines de candidats. Lors de nos échanges préliminaires, je posais des questions à ces profanes, afin d’étudier la pertinence de leur entrée dans notre Loge. Pour sa part le postulant tentait d’assouvir sa curiosité en m’interrogeant sur des points qu’il jugeait importants. J’ai construit cet ouvrage en m’inspirant de tous ces échanges avec ces futurs Frères et Sœurs, dont certains sont devenus à leur tour des Maîtres maçons !

[1] Club d’influence fondé en 1944 par Georges Bérard-Quélin. Cette association mondaine regroupe nombre des principaux dirigeants politiques, économiques, culturels et médiatiques de France. www.lesiecle.asso.fr.

[2] Source le JDD du 4/09/2015 http://tinyurl.com/sourceLeJDD

[3] Nom donné parfois aux Francs-maçons

[4] Marc Giget, Président de l’Institut Européen de Stratégies Créatives et d’Innovation. Grand spécialiste français des technologies et de l’innovation.

[5] Voir au chapitre « Petit glossaire rapide pour compléter ses connaissances » le sens précis de ce mot que vous aurez souvent l’occasion de retrouver dans cet ouvrage.

[6] La Loge Mère est celle dans laquelle on est initié.

[7] Pour bien comprendre le sens de ce mot, se référer au chapitre « Petit glossaire rapide pour compléter ses connaissances » en fin d’ouvrage.

[8] Première trace de la maçonnerie avec les Statuts Schaw de 1598

[9] Dans son sens étymologique, « Initiation » renvoie à l’idée de « commencer un chemin ». Celui-ci étant intérieur. Une voie initiatique est donc un travail intérieur sur la voie spirituelle.

[10] Il ne s’agit que de meurtre dans le cadre stricte de la maçonnerie. Je ne tiens pas compte des guerres et autres querelles politiques, où des maçons étaient des deux côtés (ex : Pinochet – Allende / Montcalm – Wolfe / Maçons monarchistes – Maçons républicains…)

[11] Voir la définition dans le petit Glossaire en fin d’ouvrage.

[12] En grec ancien : “Gnothi seauton“. Selon Platon, il s’agit du plus ancien des trois préceptes qui furent gravés à l’entrée du temple de Delphes.

[13] Dirigeant politique (né en 1869 – assassiné en 1948), important guide spirituel de l’Inde et du mouvement pour l’indépendance de ce pays.

[14] Poète lyrique du vème siècle AEC.

[15] Laurent Kupferman et Emmanuel Pierrat.

[16] « Ce que la France doit aux Francs-maçons… et ce qu’elle ne leur doit pas ». Edition First (2012).

Manuel de sauvetage pour Apprenti maçon… sans instructeur

  •  Date de parution : 30/09/16
  •  ISBN : 978-2-9557120-5-4
  •  EAN : 9782955712054
  •  Présentation : Broché
  •  Poids : 0,25 Kg
  •  Dimensions : 16,0 cm × 24,0 cm × 0,7 cm
  •  Editions LOL : www.editions-lol.com

Selon le journaliste de l’Express François Koch, en 2013 la plus grande Obédience maçonnique de France comptait 2 869 nouveaux membres. Pourtant dans cette même année, on dénombrait 2 385 démissions et décès. Fort de ce constat d’impuissance à répondre aux besoins des Apprentis, il était urgent de redonner du sens à la pratique maçonnique. C’est précisément la force de ce Manuel d’instruction.

Pour la première fois, les Apprentis sans instructeur peuvent rester dans leur Loge mère. Sans démissionner, ils poursuivent leur instruction grâce au tutorat des Maîtres volontaires. Ces derniers se sont inscrits sur  www.adopte-un-apprenti.com afin de se rendre utile. Ils s’engagent à transmettre leur expérience pour le bien de la Franc-maçonnerie symboliste. Ce livre est un ouvrage interactif et instructif. L’auteur signe ainsi son troisième opus destiné aux déçus de l’Art Royal, car selon lui c’est dans l’instruction que se trouve le secret d’une Franc-maçonnerie durable et qualitative.

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Faisons connaissance avant l’instruction

Si vous lisez actuellement ces lignes, c’est que votre chemin maçonnique n’est pas de tout repos. Lorsqu’on est membre d’un atelier dont l’instruction est complète et harmonieuse, il est assez rare qu’on acquiert un « Manuel de sauvetage pour Apprenti… ». Votre initiative est louable car elle démontre que vous recherchez à vous élever, à vous instruire. Je vous assure que vous n’allez pas le regretter. Ce livre est construit comme un programme d’instruction d’Apprentis. De plus, il est interactif et vous allez pouvoir travailler comme en Loge. C’est-à-dire avec des Maîtres qui vont interagir avec vous pour vous aider à cheminer.

Je vais tenter de vous guider comme je le ferais si j’étais votre Second Surveillant[1]. L’objectif de notre expérience sera de vous préparer au grade suivant, celui de Compagnon avec un vrai travail sur le Symbole. Vous avez demandé à recevoir La Lumière pour des raisons multiples, mais quoi de plus frustrant que de constater que votre Atelier n’arrive pas à vous apporter la connaissance désirée. Il existerait bien la possibilité de vous faire inviter aux réunions d’instruction d’une autre Loge, mais avouez que c’est un peu comme aller manger en cachette chez la voisine, ce n’est pas très maçonnique comme attitude. C’est surtout très frustrant pour vos Frères et Sœurs qui apprennent que vous leur faites des infidélités en allant chercher chez d’autres ce qu’ils ne peuvent pas vous offrir.

Alors, je vous propose dans un premier temps de nous promettre d’être transparents autant que possible. Je ne dirai jamais de mal de votre Loge et vous, de votre côté, vous vous engagerez à suivre jusqu’à la fin le programme d’instruction.

Un bon instructeur n’est pas un maçon qui vous montre à quel point il sait plus de choses que vous, c’est un maçon qui vous fait sentir à quel point vous allez devenir quelqu’un de meilleur grâce à son partage et ses enseignements. En somme, c’est une personne qui vous explique très simplement que tout ce qu’il sait aujourd’hui, c’est grâce aux enseignements qu’il a reçus de maçons plus anciens que lui. C’est un peu comme la flamme de la bougie que vous devrez transmettre aux suivants lorsque vous serez Maître maçon. Le Maître maçon se doit donc d’être en tout temps respectueux, encourageant, bienveillant et plein d’amour. Il doit être un modèle de Fraternité et doit vous donner envie de lui ressembler. Il n’est pas né maçon, il a tout appris grâce à des Maîtres instructeurs, il en sera de même pour vous.

En revanche, une chose est certaine, je ne connais personne qui a doublé la taille de ses muscles en regardant la télévision. Il en est de même avec la Franc-maçonnerie. C’est en maçonnant qu’on devient un bon maçon. Nous allons donc travailler et je dirais même mieux… travailler très fort ! La bonne nouvelle, c’est que nous allons faire cela dans la joie et avec du plaisir s’il vous plait. Car rien ne peut durer si le bien-être n’est pas la toile de fond du travail.

Vous le savez très certainement, le mot travail vient du nom d’un petit tabouret romain à trois pieds qui servait à la torture « le tripalium ». Ainsi, le travail trouverait sa source étymologique dans un concept très éloigné du bonheur. Pour ma part, je considère qu’on ne peut pas œuvrer durablement si notre cœur est dans la souffrance permanente ou encore, dans l’attente de la rédemption de nos péchés. Le maçon ne peut rayonner que s’il est lui-même porteur des valeurs qu’il prétend diffuser au dehors de la Loge. C’est pourquoi la rigueur du travail ne sera pas antinomique avec la joie que nous allons avoir à cheminer ensemble.

Comme je le rappelais dans l’avant-propos, mon premier ouvrage maçonnique s’intitulait « Manuel de survie pour Apprenti maçon voulant démissionner ». Vous imaginez bien que je connais la problématique des déceptions en Loge. Celles-ci débutent parfois dès la première Tenue. Prenons mon exemple, ma Loge mère s’est volatilisée à la Tenue suivant celle de mon Initiation. Avouez que ce n’est quand même pas banal ! Certains passent leurs jours à s’apitoyer sur leur sort quant aux malheurs passés, alors que d’autres profitent de cette opportunité pour rebondir et dessiner la vie maçonnique de leurs rêves.

Ce que je vous propose dans ce « Manuel de sauvetage… », c’est précisément de sortir la boîte de crayons de couleurs et de dessiner votre futur maçonnique. J’en entends déjà certains s’interroger : « Mais pourquoi fait-il cela ? Qu’a-t-il à gagner dans l’affaire ? » Pour tout vous dire, à chacune de mes visites dans des Loges où la recette d’instruction s’est perdue, je me dis : « Quel drame, quel gâchis ! » Chaque Apprenti ou Compagnon qui ne reçoit pas une saine et juste instruction devient un maçon déçu, lorsqu’il ne démissionne pas ou pire… lorsqu’il ne devient pas un mauvais Maître ! C’est la raison pour laquelle je pense très sincèrement que si nos échanges studieux permettent de donner un peu de sens et de symbolisme aux FF∴ et SS∴ orphelins d’instruction, ce sera un pari gagné pour moi, et surtout pour la Franc-maçonnerie.

Bon, maintenant que les présentations sont faites, je vous propose qu’on se mette au boulot, vous êtes prêts ?

Au fond, c’est quoi la Franc-maçonnerie ?

Pour avancer dans la même direction, il serait utile de définir ensemble ce que nous entendons par Franc-maçonnerie. Pour certains, il s’agit d’un groupe d’influence puissant, pour d’autres d’un substitut à la famille. Certains viennent y chercher des secrets antiques et d’autres échanger sur les mystères des bâtisseurs de cathédrales. Je dois vous avouer que la partie historique de la Franc-maçonnerie ne m’amuse que quelques minutes. On ne devient pas maçon en apprenant les livres d’histoire. Cela permet dans le meilleur des cas de mieux comprendre que certaines mises en place ou certains éléments d’étude symbolique, qui  sont  présentés comme des fondamentaux de la maçonnerie, sont bien souvent issus de décisions opportunistes, sociales ou politiques. Vous pouvez passer dix années dans la bibliothèque maçonnique du Grand Orient de France rue Cadet[2] à Paris, cela ne fera pas de vous un maçon accompli, mais tout au plus un maçon instruit et cultivé.

Maintenant, essayons du côté de la philosophie. Changez de bibliothèque et rendez-vous à la Bibliothèque Nationale François Mitterrand[3]. Vous y trouverez tous les ouvrages sur les philosophes anciens ou contemporains. Vous pourrez passer une autre dizaine d’années à tous les disséquer, cela ne fera pas de vous un Franc-maçon. Vous serez devenu tout au plus un prof de philo !

Quittons la BNF et allons maintenant nous inscrire au cursus d’Astronomie et Astrophysique à l’Université Paris Diderot-Paris 7[4]. Vous allez ainsi connaître notre Univers et ses lointaines galaxies. Pourtant, rien de ce que vous apprendrez là-bas ne fera de vous un Maître maçon.

Attardons-nous maintenant à un dernier domaine, celui du social et de la politique. Combien de maçons pensent pouvoir changer la société et pourquoi pas l’Univers, en participant à des travaux d’une Loge dite sociétale. De nombreux Ateliers passent leurs Tenues à débattre de sujets variés (OGM, laïcité, fin de vie…), participant ainsi à la réflexion sur l’évolution de la vie de la Cité, avec l’Homme comme valeur centrale. Ainsi, il convient de souligner que les Francs-maçons « adogmatiques et libéraux » ont été à la pointe de nombreux combats qui ont profondément transformé notre société (la séparation de l’Église et de l’État en 1905, le droit à l’avortement en 1974, l’abolition de la peine de mort en 1981) ou en ont massivement soutenu d’autres (le pacs et le mariage pour tous par exemple). Ils sont aussi des gardiens vigilants de la laïcité. Ces engagements progressistes et libéraux leur ont souvent valu l’oppression des régimes les plus dictatoriaux : nazisme, maoïsme, communisme, etc. La Franc-maçonnerie demeure interdite dans de nombreux pays, le plus souvent où l’Islam est la seule religion d’État. L’engagement de ses Frères et Sœurs est donc infiniment respectable.

Si ces travaux participent sans conteste à l’amélioration de la société et donc par extension de l’Humanité, ils ne permettent pas à eux-seuls l’élévation de l’Humain. Cette dernière n’est possible que par l’étude et la réflexion sur les Symboles, qui nous conduisent peu-à-peu à révéler ce que nous sommes… c’est-à-dire nous-mêmes !

Dans le chapitre suivant, nous aborderons donc le symbolisme. Nous pourrions envisager que la Franc-maçonnerie soit un mélange d’études des divers thèmes que sont la physique, la philosophie, l’architecture et la musique… sans oublier un peu de social et de politique. On ajouterait à ce programme quelques cours sur les Symboles de la Loge et hop ! La soupe est prête ! Laissons mijoter à feu doux pendant vingt ans et nous obtenons un maçon normalement sage. Or, il n’en est rien. Si l’Apprenti maçon ne suit pas le programme d’instruction symbolique dont nous allons parler, il deviendra un piètre Compagnon. Un ou deux ans plus tard, il sera pourvu de son tablier de Maître, totalement ignorant, bien incapable du moindre progrès sur la voie du travail du cœur, celui de la sagesse. Il restera alors coincé dans son action dualiste habituelle pour préserver son orgueil et sauver les apparences. Il confondra sagesse et titres honorifiques. C’est malheureusement ce qui gangrène une partie de la Franc-maçonnerie actuellement. Des maçons dont le travail initiatique a été remplacé par une course aux grades et aux décors. Une forme de consumérisme maçonnique qui voudrait que les Loges remboursent les membres en cas de non-résultat et offrent un SAV aux Frères et Sœurs qui s’imaginent intégrer un club service !

Durant la rédaction de cet ouvrage, j’ai eu un échange avec mon Frère et ami Aymeric Durandy à propos de la confusion qui existe entre le savoir, la connaissance en Franc-maçonnerie et la conscience. Mais surtout, l’échange a porté sur la pertinence de cultiver le symbolisme avant l’enseignement des savoirs. Je vous livre son propos pour ouvrir encore plus le débat et peut-être de nouvelles pistes de réflexion :

« Je comprends ce que tu souhaites partager avec les plus jeunes de nos Frères. Je conviens que le seul savoir encyclopédique, empilé comme autant de livres non lus ou mal assimilés, est insuffisant pour développer sa conscience et que, comme tu le défends, la base de tout travail maçonnique débute par un recentrage de l’Apprenti. Je serai plus nuancé quand tu écris que : « Tous ceux qui accumulent des savoirs sans avoir préalablement préparé le berceau de la Sagesse me font penser à la phrase de Victor Hugo concernant les arrivistes qui accumulent des livres pour se donner l’impression d’être instruits ». Tout d’abord, il ne faut pas oublier que le travail maçonnique ne se fait pas seul, contrairement à ce qu’accomplit un ermite, mais au contraire au contact, avec et au milieu de ses Frères. Le respect que nous leur devons est au moins d’avoir « travaillé », recherché ce que l’on ne sait pas, enrichi sa pensée à des fins de partage plutôt que d’ânonner des choses mille fois entendues. C’est ainsi que mon propre cheminement maçonnique m’a conduit à entamer un DU d’astronomie à l’Observatoire de Paris. Tout d’abord, j’ai pris conscience peu à peu de l’importance des éléments composant l’Univers dans notre Symbolique (Soleil, Lune, Étoile du Compagnon, Voûte étoilée, etc.) quels que soient les rites. Ensuite, j’ai découvert que plusieurs fondateurs de la F∴M∴ étaient des astronomes (et non des astrologues) à l’instar de Jean-Théophile Desaguliers. Je souhaitais, en marchant ainsi dans leurs pas, tenter de percevoir ce qui les avait animés et ce qu’ils avaient pu ressentir. Qu’en avaient-ils retiré ? Je ne fus pas déçu. L’étude de l’Astronomie, je devrais sans doute dire de sa vulgarisation, m’a donné des clés qui ont ouvert de nouveaux champs de conscience que je n’avais même pas, et que je n’aurais pas pu imaginer autrement. Pour faire simple, les grandes lois qui régissent l’Univers et la matière en général sont si finement et si précisément réglées pour permettre à chaque étape l’apparition et l’existence de la vie, de la complexité, de l’intelligence et de la conscience que, si une seule avait été légèrement différente, notre univers n’aurait tout simplement pas existé sous sa forme actuelle, ou aurait été tout à fait stérile, ou bien dépourvu de toute chose indispensable à l’apparition de la vie, telle que nous la connaissons : pas d’étoile, pas de planète, pas de cellule, pas de cerveau, pas de conscience…

Ensuite, la science permet de s’interroger sur la nature même de la Conscience que nous nous efforçons d’éveiller. Quel est le fondement de notre conscience ? Je sais que je suis moi uniquement parce que j’ai la mémoire de moi-même, de tout ce qui m’est arrivé, jusqu’à aujourd’hui. Je ne suis que la mémoire de moi-même ! Cette mémoire se loge dans le cerveau, stockée dans les cellules, qui font partie de mon corps. Et c’est là tout le problème. Lorsque mon corps meurt, les cellules de ma mémoire cessent d’être alimentées en oxygène et périssent également. Ainsi s’éteindrait ma mémoire ? Et ma conscience ?

Mon cerveau est une fabuleuse machine électrochimique qui fonctionne de manière similaire à celle d’un ordinateur et ma conscience, cette notion que j’ai de mon existence, est une sorte de programme. D’une certaine façon, le cerveau serait le hardware, et la conscience le software

Si les ordinateurs ne sont pas encore aussi intelligents que les hommes, bien que la victoire d’Alphago sur le champion du monde de jeu de Go[5] laisse cette affirmation en suspens, ils le sont assurément déjà plus qu’une mouche. Qu’est-ce qui distingue l’intelligence humaine de celle d’une mouche ? La complexité ! Notre cerveau est beaucoup plus complexe que le sien. Tous deux obéissent aux mêmes principes sauf que le cerveau humain est incommensurablement plus complexe que celui de la mouche. Le secret de la vie, de la conscience, de l’intelligence ne réside pas dans les atomes qui constituent la molécule mais dans son organisation complexe !

Je pourrais aussi évoquer l’argument de l’intentionnalité qui nous interpelle sur la notion du GADLU ou les expériences d’Alain Aspect[6], qui a démontré dans son laboratoire que l’Univers est composé de liens invisibles et que les choses à l’échelle microscopique sont reliées entre elles d’une manière insoupçonnée qui fait que deux particules situées d’une part et d’autre de l’Univers vont ”communiquer” entre elles, instantanément. Il ne s’agit pas de communication comme nous l’entendons mais plutôt du fait qu’elles constituent une même réalité unique. Cela ne te rappelle-t-il pas le « Tout est Un, Un est en tout » ? En fait, cela serait plutôt le Tout est quantique !

La recherche de la connaissance est aussi un moyen d’ouvrir ta conscience, ou plus exactement d’ouvrir ta conscience à des univers que tu n’aurais pu imaginer par ta seule réflexion ou méditation. En grossissant le trait, je pousserai le tablier à dire qu’il n’y a pas de Maître Maçon qui ne se serait adonné à l’étude de l’Astronomie et des sciences ! Trinh Xuan Thuan, l’astrophysicien bouddhiste, l’a joliment résumé[7] : « Science et spiritualité se complètent, elles sont comme deux fenêtres différentes regardant le réel. L’être humain a besoin de toutes les fenêtres possibles pour accéder à cette réalité ultime. ». A la conscience de l’Univers ! »

Comme le précise André Comte-Sponville[8] : « Les philosophes grecs différenciaient la sagesse théorique (sophia) de la sagesse pratique (phronèsis) : la vraie sagesse serait la conjonction des deux ». Nous sommes alors dans la complémentarité entre la Sagesse spéculative et la Sagesse opérative. Les deux sont en effet indissociables. Le travail sur le symbole et la verticalité au degré d’Apprenti sert à l’ancrage durant le chemin initiatique. L’étude des Sciences et des Arts au degré suivant sert au rayonnement pour rendre le Franc-maçon fertile et ouvert au travail sur l’horizontalité, la matière en somme. Pour résumer, il s’agit de l’union de l’esprit et de la matière. Mais il me semble impossible de commencer le chemin par l’étude de la matière seule.

Si la Franc-maçonnerie a traversé les siècles, chacun comprend naturellement que sa seule raison trouve sa source dans les valeurs initiatiques de l’Art Royal. C’est pourquoi il convient de s’imprégner de cette connaissance, afin de se nourrir et ensuite de rayonner au dehors de la Loge, comme nos Rituels nous l’enseignent.

[1] Si nous étions dans une Loge anglais, ce serait votre Parrain (appelé mentor), car c’est lui qui est le garant de votre entrée et de votre comportement dans la Loge. C’est aussi une sorte de confident.

[2] 16 Rue Cadet, 75009 Paris – www.godf.org

[3] Quai François Mauriac, 75013 Paris – www.bnf.fr

[4] www.univ-paris-diderot.fr

[5] AlphaGo, le système d’intelligence artificielle (IA) mis au point par Google DeepMind, a vaincu le 15 mars 2016 et pour la quatrième fois Lee Sedol, un des meilleurs représentants mondiaux de jeu de Go. La difficulté centrale pour une IA au jeu du Go réside dans le nombre de combinaisons possibles qui s’élèvent à 10170, soit plus que le nombre d’atomes se trouvant dans l’univers observable (1080). Les observateurs ont noté qu’AlphaGo avait tiré des enseignements de ses parties précédentes et avait su faire preuve d’innovation et d’imagination.

[6] Alain Aspect est un physicien français, né en 1947, connu notamment pour avoir conduit le premier test concluant portant sur un des paradoxes fondamentaux de la mécanique quantique, le paradoxe Einstein-Podolsky-Rosen.

[7] Dans Le Monde des Religions, n° 71, mai-juin 2015.

[8] André Comte-Sponville : né le 12 mars 1952 à Paris, est un philosophe français. Il est plutôt classé au rang des matérialistes et des humanistes.

Manuel de survie pour Apprenti maçon voulant démissionner

  •  Date de parution : 21/11/14
  •  ISBN : 978-2-955712-047-3
  •  EAN :  97829557120473
  •  Présentation : Broché
  •  Poids : 0,25 Kg
  •  Dimensions : 16,0 cm × 24,0 cm × 0,7 cm
  • Editions L’O.L. www.editions-lol.com

Commander : http://www.manuel-de-survie.com/commandez-le.html

Combien d’Apprentis franc-maçons fraîchement initiés (et parfois même des Compagnons… quand il ne s’agit pas de Maîtres) pensent qu’ils se sont trompés de loge ou d’obédience ? Les déceptions se succèdent, les regrets apparaissent et il devient urgent de changer d’atelier ou de démissionner. Ce manuel de survie propose, avec plein de lucidité  et d’humour, des pistes pour profiter de ces expériences de manière maçonnique. Comme l’explique l’auteur : « Si vous êtes entré en loge sans aucune attente, la déception ne peut pas exister ! ». Il convient donc de redonner du sens à son initiation et au travail sur sa pierre brute. Vous reconnaitrez sans peine des Frères et Sœurs croisés en loge grâce aux « 14 portraits de franc-maçons types ». Les propositions de l’auteur sont issues d’une expérience de deux mandats de Vénérable Maître qui lui ont permis d’initier des dizaines de profanes, et de « sauver » bon nombre de ses Frères et Sœurs, qui ont pu ainsi trouver le chemin initiatique. La seconde partie de l’ouvrage est constituée d’anecdotes qui illustrent les situations parfois insolites que vivent certains Apprentis franc-maçons en loge. En conclusion, avant d’envoyer votre demande de démission, lisez vite ce manuel, prenez ensuite quelques respirations profondes et attendez 3 jours…

Utilité de ce manuel de survie ?

” Il y a des choses que l’intelligence seule est capable de chercher, mais que par elle-même elle ne trouvera jamais. Ces choses, l’instinct seul les trouverait, mais il ne les cherchera jamais. ” (Henri Bergson)

Rassurez-vous, à l’heure où vous lisez ces lignes, vous n’êtes pas le seul franc-maçon à vous dire « c’est pire que dans le monde profane, j’arrête tout ! ». Car avouez-le, avant votre Initiation, vous aviez de hautes attentes quant à la Franc-maçonnerie. Très rares sont les franc-maçons qui sont entrés en Loge l’esprit totalement vierge d’attentes et d’illusions. En règle générale, chacun de nous a intellectualisé, pour ne pas dire fantasmé, le moment de son Initiation. Quel que soit notre état d’esprit, cette épreuve reste d’ailleurs un moment inoubliable de notre vie, même si le Vénérable Maître et son Collège étaient un tantinet maladroits quant à la théâtralité de cette épreuve.

Souvenez-vous de ce moment tant attendu, lorsque le Tablier vous fut passé, puis que les Gants Blancs vous furent enfin remis. Souvenez-vous le jour de votre Initiation, vous avez eu peur de mal faire. Juste un léger excès de politesse avec ceux qui savent, les gradés, les anciens en somme. Vous étiez impressionnés et enfin, vous avez reçu la Lumière. Quel souvenir mémorable… avant de déchanter !

Car les mois ont passé, les habitudes se sont installées. Vous avez fini par retrouver au sein de la Loge ce que vous déploriez au dehors, les mêmes problèmes, les mêmes défauts et pire… les mêmes individus. En d’autres termes, les premières déceptions sont apparues. Tout cela s’est produit sans que vous ne vous en rendiez compte. Tout a commencé par l’écart de langage d’un Maître, ou peut-être une instruction annulée par le Second Surveillant, juste une heure avant la réunion, sans que vous ne soyez préalablement prévenu. Il s’est peut-être aussi agi d’un jumeau ou d’une jumelle qui échappe systématiquement aux corvées lors des travaux de table, sans que votre Surveillant commun ne le lui fasse remarquer. Les raisons sont certainement nombreuses et totalement recevables. Il n’en fallut pas plus pour commencer à éveiller vos soupçons et faire naître quelques méfiances envers ce qui promettait d’être un monde idéal de Fraternité et de Solidarité. Le monde rêvé en somme, celui du « Un ». Celui que tant de maçons recherchent… celui de la fusion.

« On m’avait dit que la Franc-maçonnerie était un réseau de gens puissants, je m’attendais donc à autre chose ! ». Qui n’a jamais entendu ce propos désabusé dans la bouche d’un Frère ou d’une Sœur dont la bavette est encore levée ? Les réponses des anciens sont invariablement les mêmes : « Si tu travailles, tu comprendras. C’est toujours comme ça quand on commence, il faut être patient, tu es Apprenti. » Or, les mois passent et parfois les choses empirent. Il faut donc agir vite, fuir ou réagir. Alors, sans rien dire aux anciens de la Loge, on a toujours un bon copain, membre d’une Loge tellement plus fraternelle, qui nous invite à lui rendre visite pendant ses travaux, très discrètement bien entendu. C’est vrai que sa Loge est beaucoup plus agréable. Il m’avait prévenu avant d’arriver, « Tu verras, tout le monde s’entend bien et se respecte. Les Apprentis font même un travail très profond sur le symbolisme. D’ailleurs, une fois par mois ils présentent une planche à leur Surveillant, lors de la réunion d’instruction. ».

Commencent alors à naître les regrets. Vous vous dites : « Mais que diable suis-je allé faire dans cette fraternelle galère ? » en songeant que votre Loge n’est certainement pas celle que vous méritez. Le directeur de casting a certainement dû se tromper. Pourquoi les trois enquêteurs ne vous ont-ils rien dit ? Il est maintenant temps de migrer chez votre ami au plus vite. Vous savez, cette magnifique Loge où tout le monde s’entend bien. Car une fois que vous serez là-bas, vous pourrez enfin trouver ce que vous êtes venu chercher : la réelle Fraternité !

Si cette question vous hante depuis quelque temps, pas de panique, cela se soigne. Ce petit guide va vous aider à survivre dans cet environnement hostile, qui résulte de ce que vous croyez être une  erreur d’aiguillage. Je parle bien entendu de votre arrivée dans votre Loge mère. Les réponses ne seront peut-être pas celles que vous attendez, mais comme le disait une Sœur, qui avait traversé son Afrique natale pour venir s’asseoir à mes côtés : « On ne peut pas remplir un bol qui est déjà plein ». En d’autres termes, ouvrez votre esprit et laissez-vous surprendre par des points de vue encore inconnus ou inattendus. De toutes les façons, vous n’avez rien à perdre et vous avez même songé à démissionner. Alors asseyez-vous, restez dans le silence de l’Apprenti, respirez par le nez et savourez ces quelques pages que vous allez parcourir. Il est possible que votre parachutage initial ne soit pas si mauvais que cela, mais il est encore trop tôt pour en parler…

 

986 IDEOLOGIE d’importation

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Mon amie gynéco fait des conférences expertes et passe à la TV. Mais mesure, dans son cabinet, combien le médecin d’aujourd’hui remplace le confesseur d’autrefois. La révolution sexuelle de 68 aurait ébranlé les certitudes de la gente masculine. Pourtant la gente  féminine du XXI e siècle s’en plaint en consultation. C’est la philosophe Bérénice Levet qui scrute le problème dans son dernier ouvrage :   « libérons-nous du féminisme » Essai qui dénonce la guerre des sexes – face cachée de comportements d’importation américaine. Une idéologie  qui victimise la femme et criminalise les hommes. Les jeunes garçons, n’auront-ils plus  qu’un seul objectif  pour se construire : «  devenir une fille comme les autres » ? Sur Internet des centaines de citations féministes fleurissent . Une seule,   de Philippe Sollers,  parle de guerre des sexes ! Pour regretter que ce ne soit,  peut-être,   qu’ « une illusion sociale imposée ». JC