jeu 24 avril 2025 - 09:04

Le « Grand Tour » et l’origine du mot « tour » : une odyssée européenne aux racines compagnonniques

Inspiré par notre confrère Julien Damon, Le Point

L’idée d’offrir à chaque jeune Européen un « Grand Tour », comme le propose un récent débat, sonne comme une ambition aussi audacieuse que séduisante. Ce concept, riche d’une histoire aristocratique et romantique, nous invite à plonger dans les origines du mot « tour », qui a donné naissance à « tourisme » et « touriste ». Ce terme, loin d’être anodin, nous ramène à une tradition de voyage initiatique, incarnée notamment par les compagnons artisans, dont l’héritage résonne encore aujourd’hui.

Le « tour » : une racine linguistique et culturelle

Le mot « tour » tire ses origines du latin tornus, lui-même dérivé du grec tornos, désignant un outil de rotation ou un mouvement circulaire. Ce sens originel, lié à l’idée de « tourner » ou de « parcourir », s’est progressivement élargi pour englober l’acte de voyager, de découvrir des horizons nouveaux. Dès le Moyen Âge, le « tour » prend une connotation spécifique dans le contexte des corporations artisanales, notamment chez les compagnons du devoir. Ces jeunes artisans, après leur apprentissage, entreprenaient un « Tour de France », un périple formateur à travers les villes et les chantiers, où ils perfectionnaient leur métier tout en s’ouvrant à d’autres savoirs et cultures.

Ce « tour » compagnonnique n’était pas un simple déplacement : c’était un rite de passage, un voyage initiatique qui forgeait l’identité professionnelle et personnelle. Les compagnons, en parcourant des routes souvent incertaines, incarnaient une quête de savoir et d’excellence, tout en tissant des liens fraternels. Ce modèle, bien que réservé à une élite artisanale, préfigure l’idée du « Grand Tour » aristocratique qui émergera plus tard.

Le « Grand Tour » : une tradition aristocratique

À partir du XVIIe siècle, le « Grand Tour » devient une pratique emblématique des jeunes nobles européens, principalement britanniques, français et allemands. Ce voyage, qui durait parfois plusieurs années, avait pour but de parfaire l’éducation des futures élites. De Paris à Rome, en passant par Venise ou Florence, ces jeunes aristocrates découvraient les trésors artistiques, les idées philosophiques et les cercles intellectuels du continent. Montesquieu, Buffon, Fragonard, Condorcet, ou encore Stendhal : autant de figures illustres qui ont été marquées par cette expérience.

Le « Grand Tour » n’était pas qu’un loisir : il s’agissait d’une véritable pérégrination académique, mêlant érudition, découverte culturelle et formation du caractère. Ce voyage, souvent accompagné par des précepteurs, renforçait le sentiment d’appartenance à une Europe unie par ses racines culturelles, malgré les rivalités politiques. Cependant, réservé aux très riches, le « Grand Tour » restait un privilège, loin de toute démocratisation.

Du « tour » compagnonnique au tourisme moderne

570 Compagnons du devoir, menuisiers et ébénistes, de 16 à 82 ans, se sont donné rendez-vous pour leur congrès annuel à Vannes (Morbihan), samedi 27 et dimanche 28 mai 2023. | OUEST-FRANCE

Si le « Grand Tour » aristocratique a périclité au XIXe siècle, concurrencé par l’essor des voyages organisés et l’émergence du tourisme de masse, le mot « tour » a continué d’évoluer. De sa racine latine, il a donné « tourisme » et « touriste », termes apparus au tournant du XIXe siècle pour désigner une pratique plus accessible, portée par les révolutions industrielles et les progrès des transports. Pourtant, l’esprit du « tour » – cette idée d’un voyage qui transforme et enrichit – perdure, que ce soit dans les échanges Erasmus ou dans les aspirations des jeunes générations à découvrir le monde.

Le lien avec les compagnons reste frappant. Leur « Tour de France », bien que moins glamour que les pérégrinations des nobles, partageait la même ambition : faire du voyage un outil de formation et de connexion. Aujourd’hui, l’idée d’un « Grand Tour » pour tous les jeunes Européens pourrait réconcilier ces héritages, en offrant à chacun l’opportunité de s’ouvrir à la diversité culturelle et historique du continent.

Une ambition pour l’Europe d’aujourd’hui

Femme qui marche dans la nature
Femme qui marche

Proposer un « Grand Tour » moderne, comme le suggère l’article du Point, serait une manière de raviver cette tradition tout en la rendant inclusive. Un tel projet pourrait non seulement renforcer le sentiment d’appartenance européenne, mais aussi renouer avec l’esprit compagnonnique : un voyage qui ne se contente pas de divertir, mais qui éduque, inspire et unit. À l’heure où l’Europe cherche à se réinventer, quoi de mieux qu’un « tour » pour rappeler que notre force réside dans nos échanges et notre curiosité mutuelle ?

En somme, le mot « tour », de ses origines latines à son écho dans le tourisme contemporain, porte en lui une promesse : celle d’un voyage qui transforme. Des compagnons artisans aux jeunes nobles du « Grand Tour », cette tradition de découverte continue d’inspirer. Offrir à chaque jeune Européen la chance de faire son « tour » serait une manière de bâtir, comme les compagnons d’antan, un avenir plus solide et plus fraternel.

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Erwan Le Bihan
Erwan Le Bihan
Né à Quimper, Erwan Le Bihan, louveteau, a reçu la lumière à l’âge de 18 ans. Il maçonne au Rite Français selon le Régulateur du Maçon « 1801 ». Féru d’histoire, il s’intéresse notamment à l’étude des symboles et des rituels maçonniques.

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