La fête de la Saint-Jean d’été est traditionnellement marquée par de grands feux de joie, appelés Ignés jucunditatis en latin ou Nied Fyr, « Feux de Joie » dans le dialecte des Francs. Aussi connus sous le nom de feux de la Saint-Jean. Le solstice d’été est célébré depuis longtemps, à l’origine en lien avec le culte du soleil.
Pendant le Moyen Âge, les feux solsticiaux païens étaient allumés aux croisements des chemins et dans les champs pour empêcher le passage des sorcières et magiciennes durant cette nuit. On y brûlait parfois les herbes cueillies le jour de la Saint-Jean pour se protéger de la foudre, du tonnerre et des orages, et on croyait que ces fumigations repoussaient les démons et les tempêtes.
Les fêtes des solstices, tirant leur nom de « sol » (soleil) et « stare » (s’arrêter), célèbrent deux moments clés de la course de l’astre dans le ciel. Ces fêtes, dédiées au soleil et à la lumière, sont aujourd’hui symbolisées par les feux nocturnes de la Saint-Jean d’été et par la bûche dans l’âtre autour de la Saint-Jean d’hiver ou de Noël. Ces symboles, à la fois riches et anciens, sont étroitement liés à l’accomplissement de l’être.
La soirée se terminera par un repas convivial – PAF : 15 €/personne.
Renseignements pratiques :
Conférence publique et gratuite de la Saint-Jean d’été – Samedi 22 Juin 2024 à 10h30/62 rue Haute Saint Maurice 37500 CHINON (Indre-et-Loire, région Centre-Val de Loire) INSCRIPTION OBLIGATOIRE – Contact au 06 44 00 03 69
Par mesure de sécurité l’ouverture de la porte sera de 10h à 10h30 – Monter au 2e étage
[NDLR : Les feux de la Saint-Jean, également connus sous le nom de feux de joie ou feux solsticiaux, trouvent leur origine dans des traditions païennes anciennes liées au culte du soleil et aux cycles naturels. Nous vous livrons quelques éléments clés sur leur origine, tel un retour vers le passé.
Culte du Soleil : les feux de la Saint-Jean sont associés au solstice d’été, le jour le plus long de l’année, célébré en l’honneur du soleil. Dans de nombreuses cultures anciennes, le soleil était vénéré comme une divinité, et le solstice était considéré comme un moment de puissance maximale de cette divinité solaire.
Rituels païens : avant l’ère chrétienne, les peuples européens célébraient le solstice d’été par des feux de joie pour marquer le point culminant de l’année solaire. Ces feux symbolisaient la lumière, la chaleur et la fertilité, et ils étaient censés renforcer le pouvoir du soleil pendant sa période de déclin qui suivait le solstice.
Protection et purification : au Moyen Âge, les feux solsticiaux avaient aussi des fonctions protectrices et purificatrices. On croyait que ces feux pouvaient éloigner les mauvais esprits, les sorcières et les forces maléfiques. Les herbes cueillies le jour de la Saint-Jean étaient souvent brûlées dans ces feux pour conjurer les tempêtes, la foudre et le tonnerre.
Intégration chrétienne : Avec la christianisation de l’Europe, ces traditions païennes ont été intégrées dans les célébrations chrétiennes. L’Église a associé les feux de la Saint-Jean à la fête de la nativité de Saint Jean-Baptiste, célébrée le 24 juin, afin de christianiser cette coutume populaire tout en conservant son caractère festif.
Ainsi, les feux de la Saint-Jean sont un mélange de traditions païennes et chrétiennes, représentant à la fois la célébration de la lumière et du soleil et des pratiques de protection et de purification. Ces célébrations ont perduré à travers les siècles et continuent d’être observées dans de nombreuses régions du monde.
La Saint-Jean, pour le franc-maçon en particulier
Cette fête a une signification particulière et symbolique, ancrée dans les traditions et les enseignements de la franc-maçonnerie. En 5 points, justes et parfaits !
Saint Jean-Baptiste et Saint Jean l’Évangéliste : les francs-maçons célèbrent deux saints patrons : Saint Jean-Baptiste, dont la fête est le 24 juin (solstice d’été), et Saint Jean l’Évangéliste, dont la fête est le 27 décembre (solstice d’hiver). Ces deux figures représentent symboliquement le cycle de la lumière et des ténèbres, le commencement et la fin, la dualité et l’équilibre.
Solstice et lumière : le solstice d’été, marqué par la fête de la Saint-Jean-Baptiste, représente la période où la lumière atteint son apogée avant de commencer à décliner. Pour les francs-maçons, cela symbolise la quête de la lumière et de la connaissance. Le solstice d’hiver, avec la fête de Saint Jean l’Évangéliste, marque le moment où la lumière commence à croître à nouveau, symbolisant l’espoir et le renouveau.
Symbolisme de la lumière : Dans la franc-maçonnerie, la lumière est un symbole central représentant la connaissance, la vérité et la sagesse. Les feux de la Saint-Jean, en tant que symboles de lumière, sont donc particulièrement significatifs. Ils représentent l’illumination de l’esprit et la dissipation de l’ignorance.
Rituels et réunions : Les loges tiennent souvent des réunions spéciales pour célébrer les fêtes des deux Saint-Jean. Ces réunions sont l’occasion de réflexions profondes, de méditations et de cérémonies symboliques. Elles permettent aux membres de renforcer leurs liens fraternels et de réfléchir aux enseignements et aux valeurs de la franc-maçonnerie.
Renouvellement et continuité : la fête de la Saint-Jean d’été marque des moments de renouvellement et de continuité dans le cycle annuel. Pour les francs-maçons, elle est l’ occasion de renouveler leur engagement envers les idéaux maçonniques et de réfléchir à leur parcours personnel et collectif.
Pour un initié, la Saint-Jean est bien plus qu’une simple fête traditionnelle ; elle est un moment de profonde signification symbolique, de réflexion spirituelle et de célébration des principes fondamentaux de l’art royal.]
Comme l’écrit Christian Roblin, dans son dernier EDITO, on se gargarise parfois de mots en Franc-maçonnerie. Au-delà de ces petits défauts, en émerge un, beaucoup plus insidieux : « le manque d’assiduité ». Heureusement l’HOSPITALIER sait panser les manques et excuser les oublis. Une véritable Assistance Fraternelle … à défaut d’être Sociale.
Jean-Louis Cottigny, vous êtes Grand Maître et Président du Conseil Fédéral de la Grande Loge Indépendante et Souveraine des Rites Unis (GLISRU), une obédience maçonnique distincte qui se démarque dans le paysage français par son engagement envers la mixité, la diversité des rites, et une approche résolument humaniste.
Sous votre gouvernance, dans la continuation de l’action de vos illustres prédécesseurs, la GLISRU s’engage à promouvoir les valeurs de fraternité, d’égalité, et de liberté, tout en offrant un espace de réflexion et de développement personnel à ses membres, qu’ils soient hommes ou femmes, dans un esprit d’ouverture et de respect mutuel.
La GLISRU se présente donc non seulement comme un pilier dans la tradition maçonnique mais aussi comme une force progressive, tournée vers l’avenir et l’innovation dans le respect de ses principes fondateurs.
Très cher frère, très cher Jean-Louis, nous vous remercions d’avoir bien voulu répondre à 450.fm, permettant ainsi à nos lecteurs de mieux vous connaître ainsi que votre obédience.
Jean-Louis Cottigny, Grand Maître de la GLISRU
450.fm : Pouvez-vous vous présenter, tant sur le plan profane que maçonnique ?
Jean-Louis Cottigny : Sur le plan profane, je m’appelle Jean-Louis Cottigny. Ma carrière a débuté en tant qu’ouvrier, puis en tant qu’assistant régional où je me suis fortement engagé dans le syndicalisme. J’ai également occupé la fonction de secrétaire fédéral du Parti Socialiste du Pas-de-Calais, dédié aux entreprises, et j’ai eu l’honneur de servir en tant que conseiller prud’homal et président du conseil de prud’hommes d’Arras. En politique, j’ai exercé les fonctions de maire de Beaurains, conseiller général du Pas-de-Calais et député européen, où j’ai œuvré pour l’emploi et les affaires sociales. J’ai finalement été élu président du Conseil d’Administration de Pas de Calais Habitat, où je continue de m’investir.
Sur le plan maçonnique, mon parcours est le reflet de mes engagements profanes, caractérisé par un dévouement aux principes de fraternité, d’égalité et de liberté. J’ai suivi le parcours classique jusqu’à la maîtrise dans mon rite, le REAA. En tant que Grand Maître et Président du Conseil Fédéral de la Grande Loge Indépendante et Souveraine des Rites Unis, j’ai fait un premier mandat de 3 ans qui a été renouvelé par tranches d’un an depuis 2 ans et pourra l’être si le Conseil Fédéral le décide encore une année. Après, je descendrai de charge. Mon objectif au cours de ce mandat est de guider notre obédience à travers un humanisme actif, encourageant un espace de réflexion et de croissance personnelle pour tous nos membres, dans un esprit de diversité et de mixité. Mon rôle est d’insuffler ces valeurs au sein de notre communauté, en promouvant une Franc-Maçonnerie qui est à la fois ancrée dans sa riche histoire et résolument tournée vers l’avenir.
450.fm : Pouvez-vous nous raconter l’histoire de la création de la GLISRU et ce qui a motivé sa fondation ?
J.-L. C. : La Grande Loge Indépendante et Souveraine des Rites Unis est une obédience maçonnique française qui trouve son origine dans la Grande Loge Nationale Française OPÉRA, aujourd’hui connue sous le nom de GLTSO. La GLISRU s’est établie en avril 1968 quand trois Loges, deux à Neuilly-sur-Seine et une à Lille, se sont séparées pour former une nouvelle fédération sous le nom de Loge Nationale Française. Ces Loges étaient dépositaires des Rites fondamentaux comme le Rite Moderne Français Rétabli, le Rite Écossais Rectifié et le Rite Anglais Style Émulation.
Elle s’est distinguée par un important travail de recherche dans les domaines de l’histoire de la franc-maçonnerie, l’étude du symbolisme maçonnique et l’analyse des rituels anciens. En 1975, deux branches principales se séparent, l’une à Paris à tendance plus théiste (qui perdure à ce jour sous le nom de Loge Nationale Française – LNF) et l’autre à Lille à orientation plus humaniste, mais toutes deux conservant la tradition de la Maçonnerie de Métier.
En 1973, sous la direction de Jacques MARTIN, la LNF de Lille intègre une Loge mixte, « Le Temple de la Paix Céleste », et change de nom pour devenir l’Ordre Maçonnique Universel Humanitas pour les Pays de Langue Française – GLISRU. Par la suite, la GLISRU réserve le titre pour les Loges symboliques ou bleues, tandis que les ateliers supérieurs se regroupent sous le titre « HUMANITAS ».
Depuis 1993, la GLISRU s’est structurée démocratiquement avec des Convents annuels et un Conseil fédéral de dix Grands Officiers élus, présidé par un Grand Maître élu tous les trois ans, pouvant être reconduit annuellement pour un total maximum de six ans. Elle a été dirigée successivement par plusieurs Grands Maîtres, dont Arlette GUYS, Mathieu BERDIX, Christian ROBERT, Jean-Claude HOURDE, Aude BEN MOHA, Claude SERVANTON, Stéphane BANŮLS, Renato GIURCA et depuis septembre 2019, par Jean-Louis COTTIGNY. La GLISRU continue de promouvoir les valeurs de mixité, diversité rituelle, et un humanisme résolu.
Ancien blason
450.fm : En quoi la GLISRU se distingue-t-elle des autres obédiences maçonniques, notamment en ce qui concerne la pratique de la mixité et la pluralité des rites ?
J.-L. C. : La GLISRU se distingue principalement par son engagement en faveur de la mixité et la pluralité des rites.
La GLISRU a intégré la mixité comme un de ses principes fondateurs, permettant ainsi aux femmes et aux hommes de travailler ensemble au sein de l’ordre. Cette pratique de la mixité est significative car elle reflète un engagement envers l’égalité et l’harmonie entre les sexes, ce qui peut différer d’autres obédiences qui maintiennent des loges séparées pour les hommes et les femmes ou qui sont exclusivement masculines ou féminines. La mixité permet à l’obédience de bénéficier des perspectives et des talents de tous ses membres, enrichissant ainsi le travail maçonnique et la réflexion collective. Néanmoins, nous avons aussi des Loges masculines mais elles ont pour obligation d’accepter la visites des Sœurs.
D’autre part, la GLISRU accueille en son sein et depuis sa création, une diversité de rites maçonniques, ce qui était à l’époque assez remarquable dans le paysage maçonnique. Dès sa formation, elle a été détentrice de rites tels que le Rite Moderne Français Rétabli, le Rite Écossais Rectifié, le Rite Anglais Style Émulation et le REAA qui est le rite référence de notre obédience. Cette pluralité de pratiques rituelles offre à ses membres une richesse d’expériences maçonniques et une profondeur symbolique. Les membres peuvent ainsi explorer divers cheminements spirituels et initiatiques au sein de la même obédience, ce qui renforce l’unité dans la diversité et favorise une approche plus personnelle et individualisée de la recherche maçonnique. Elle a intégré en son sein également le Rite Opératif de Salomon et les Rites Égyptiens (Rite Oriental de Misraim et Rite Ancien et Primitif de Memphis Misraïm). Elle a en cours une demande pour le Rite Français Philosophique détenu par le Grand Orient de France.
Ces deux caractéristiques (mixité et pluralité de rites) font de la GLISRU une obédience unique qui respecte les traditions maçonniques tout en s’adaptant aux besoins contemporains de ses membres et en s’engageant activement dans l’évolution de la société. Enfin, pour la GLISRU, les Loges sont Souveraines. Nos Règlements Généraux sont assez larges afin de pouvoir s’adapter aux différents rituels et les Loges ont leurs propres Règlements Intérieurs, leurs garantissant une vraie Souveraineté dans leurs décisions.
450.fm : Quels sont les principaux objectifs et la vision que vous souhaitez porter en tant que Grand Maître de la GLISRU ?
J.-L. C. : La GLISRU est une obédience de plus de 50 ans d’existence, reconnues par toutes les Grandes Obédiences Françaises. Mais notre obédience s’est faite quelque peu oubliée depuis ces dernières années par manque de communication avec les autres grandes obédiences françaises et nous avons à une époque, presque disparus des radars de la Maçonnerie Française. Mon travail et celui du Conseil Fédéral consiste aujourd’hui à réinstaller notre obédience à la place qu’elle mérite de par son ancienneté et son sérieux en terme de travail maçonnique et ses spécificités qui restent encore aujourd’hui uniques.
450.fm : Comment l’engagement humaniste de la GLISRU se traduit-il concrètement dans les activités et les initiatives de l’obédience ?
J.-L. C. : La GLISRU tient à former en premier des Hommes et des Femmes en leurs permettant de tailler leurs pierres afin de pouvoir ensuite s’engager individuellement dans des actions propres à défendre nos valeurs. Nous avons signé un appel à voter aux élections européennes pour lutter contre l’intolérance et le repli des structures extrémistes qui tentent de prendre le pouvoir en Europe pour mieux la détruire. Ce manifeste est signé par de nombreuses autres obédiences, sur une initiative de la GLMU que nous remercions pour nous avoir associés avec eux.
450.fm : Vous mentionnez que dix rites sont pratiqués au sein de la GLISRU. Pourriez-vous nous donner des exemples de ces rites et expliquer leur importance pour la diversité de l’obédience ?
J.-L. C. : Les principaux rites pratiqués à la GLISRU sont le Rite Ecossais Ancien et Accepté, le Rite Écossais Rectifié, le Rite Opératif de Salomon, le Rite Français, le Rite Oriental de Misraim, Le Rite Ancien et Primitif de Memphis Misraïm (Vous trouverez la liste complète des rites de la GLISRU sur notre site web). Certains rites sont plutôt considérés comme symboliques, d’autres plus humanistes, d’autres se réfèrent plutôt à la tradition Hermétique, cabbalistique, d’autres plutôt Christiques… C’est cette diversité qui permet d’une part à nos membres de pratiquer un rite conforme à leur idéal de recherche de la Lumière et par cette diversité nos membres bénéficient d’une vision très large de notre Ordre. Tous ces rites donnent chacun un éclairage différent sur la Franc-maçonnerie et ses valeurs et s’enrichissent les uns et les autres, se complètent et donne ainsi un éclairage plus précis du chemin initiatique.
450.fm : La mixité est une spécificité de la GLISRU. Comment cette pratique influence-t-elle la dynamique et les échanges au sein des loges ?
J.-L. C. : La mixité permet de rassembler des points de vue variés et complémentaires, tant masculins que féminins, ce qui enrichit les discussions et les travaux. Cela conduit à une meilleure compréhension des sujets traités et peut aider à atteindre une vision plus équilibrée des enseignements maçonniques comme c’est le cas aussi avec la pluralité de nos rites.
De plus, l’égalité des sexes est une valeur fondamentale dans les sociétés démocratiques modernes, et la pratique de la mixité par la GLISRU renforce cet idéal au sein de l’ordre. Cela promeut un sentiment de fraternité et de solidarité parmi tous les membres, indépendamment de leur sexe.
La mixité peut être vue comme une modernisation des pratiques maçonniques traditionnelles. Elle peut aider l’obédience à être plus pertinente et accessible à une société qui valorise l’inclusivité et la diversité.
Les hommes et les femmes ont des expériences de vie différentes, et la mixité offre à chacun l’opportunité de s’enrichir personnellement à travers les expériences des autres, favorisant ainsi un développement personnel plus équilibré.
La présence des deux sexes crée une atmosphère harmonieuse et équilibrée qui est bénéfique pour le travail rituel et symbolique, permettant à tous les membres de travailler dans un espace qui reflète l’équilibre des énergies.
En somme, la mixité est plus qu’une simple caractéristique organisationnelle pour la GLISRU ; c’est une pratique qui imprègne la culture et l’identité de l’obédience, et qui influence de manière positive la manière dont ses membres interagissent, apprennent et grandissent ensemble sur leur chemin maçonnique.
450.fm : Selon vous, quel rôle la franc-maçonnerie, et spécifiquement la GLISRU, peut-elle jouer dans la société contemporaine ?
J.-L. C. : La Franc-Maçonnerie, et spécifiquement la Grande Loge Indépendante et Souveraine des Rites Unis joue plusieurs rôles essentiels dans la société contemporaine.
La GLISRU continue à être un défenseur des valeurs universelles de fraternité, d’égalité, et de liberté, en encourageant le dialogue et la tolérance dans une société de plus en plus diversifiée.
Elle offre un chemin de développement personnel et spirituel à ses membres, leur permettant de s’améliorer et de contribuer positivement à la société en général.
La GLISRU s’engage dans des actions sociales et philanthropiques en local au niveau des régions, mettant en pratique ses principes humanistes pour l’amélioration de la communauté.
En tant que lieu de réflexion, elle aide à approfondir la compréhension des enjeux éthiques modernes et encourage ses membres à agir comme des citoyens responsables et engagés.
La pratique de la mixité et la diversité des rites sont en eux-mêmes un exemple de dialogue et d’acceptation de la diversité, ce qui peut servir de modèle pour le respect mutuel dans la société.
D’un point de vu plus global, la franc-maçonnerie doit offrir une contribution intellectuelle à travers des conférences, des publications et des débats sur des sujets pertinents pour la société contemporaine.
En étant ouverte à l’innovation et au changement, elle devrait pouvoir aider à façonner les réponses aux défis sociaux et technologiques actuels, tout en restant ancrée dans ses principes fondamentaux.
En prônant l’unité au-delà des différences individuelles, la franc-maçonnerie peut être un facteur de cohésion sociale dans un monde où les divisions semblent se renforcer.
En résumé, la GLISRU, fidèle à ses principes fondateurs et ouverte aux innovations, a le potentiel de jouer un rôle significatif en tant que force morale et éthique dans la société, contribuant ainsi à un avenir où la compréhension, la tolérance et le développement personnel sont valorisés et encouragés.
450.fm : Quels sont les principaux défis auxquels la GLISRU fait face aujourd’hui, et quelles sont les perspectives pour votre obédience ?
J.-L. C. : L’un des principaux défis à mon sens de notre ordre en général est de garder une franc-maçonnerie contemporaine et pertinente dans un monde en constante évolution, tout en préservant l’essence des traditions maçonniques.
Il nous faut attirer et retenir des membres, particulièrement des jeunes générations qui ont de nombreuses autres options pour le développement personnel, social et spirituel semble également un défit de taille pour l’ensemble de notre ordre.
Il s’agit aussi de naviguer entre la nécessité de plus de transparence pour dissiper les malentendus concernant la franc-maçonnerie et le besoin de confidentialité inhérent aux sociétés initiatiques,
Concernant plus spécifiquement la GLISRU, nous devons continuer à développer la diversité de nos loges tant sur leurs compositions que sur leurs rites au sein de l’obédience comme un atout pour l’enrichissement mutuel et l’évolution des pratiques maçonniques.
Bien sûr, il nous faut également mettre l’accent sur l’éducation et la formation continue des membres pour approfondir la compréhension des symboles et des rituels maçonniques.
Nous devons nous engager également plus sur un dialogue constructif avec le public pour une meilleure compréhension des contributions de la maçonnerie à la société et des valeurs de notre Obédience.
L’utilisation des technologies modernes pour améliorer la communication entre les membres et avec le public, tout en préservant la discrétion nécessaire semble également une piste à creuser.
Nous sommes tant à la GLISRU (ainsi que dans l’ensemble des obédiences à mon sens) confrontés à l’équilibre entre la tradition et la modernité, la discrétion et la transparence, tout en cherchant à rester dynamiques et évolutifs pour s’adapter aux réalités contemporaines pour maintenir une influence positive et constructive dans la société.
450.fm : Comment la GLISRU gère-t-elle sa communication et son ouverture vers le grand public, étant donné le caractère traditionnellement discret de la franc-maçonnerie ?
J.-L. C. : Nous avons mis depuis longtemps en place plusieurs vecteurs de communication au sein de notre obédience mais qui n’ont pas toujours étés optimisés à fond. Nous restons une obédience modeste avec des moyens limités qui ne nous ont pas toujours permis de développer la communication de manière optimale. Néanmoins, nous utilisons un site web officiel (glisru.eu) pour communiquer nos valeurs, notre histoire, et des informations sur nos activités. Les réseaux sociaux et particulièrement notre page facebook sont aussi utilisés pour partager des contenus informatifs et d’être en lien direct avec nos membres mais aussi tous ceux qui désirent en savoir plus sur notre obédience et nos loges. Nous sommes très réactifs sur ces sujets.
Nous sommes également en train de réfléchir pour participer ou organiser des conférences publiques en association avec les autres obédiences avec lesquelles nous avons des traités d’amitié pour promouvoir la franc-maçonnerie mixte et universelle afin de susciter des demandes auprès des profanes intéressés par ces sujets.
Nous souhaitons nous rapprocher des organes de publications comme les vôtres, qui sont essentiels dans ce PMF (Paysage Maçonnique Français) pour communiquer plus souvent sur nos actions, nos valeurs, nos évènements. Je tiens d’ailleurs à vous remercier pour cette tribune que vous nous avez offerte si fraternellement.
Nous souhaitons nous engager plus également auprès d’associations comme Mathusalem.
Nous avons également décidés de participer à nouveau aux Salons du livre maçonnique et nous serons présents à Tours les 1er et 2 juin prochain. Même si nous n’avons aucune Loge sur ce territoire pour l’instant, il s’agit pour la GLISRU d’être présente à travers ces différents salons d’autres obédiences, des éditeurs, des Sœurs et Frères qui organisent ces salons et de se réinscrire dans ce PMF que nous avions quelque peu délaissés ces dernières années.
L’implantation de la GLISRU
450.fm : Vous invitez les curieux à se manifester via votre site. Quel message souhaiteriez-vous adresser à ceux qui s’intéressent à la franc-maçonnerie mais qui hésitent encore à franchir le pas ?
J.-L. C. : À tous ceux qui sont curieux de la Franc-Maçonnerie et qui envisagent de rejoindre nos rangs, je voudrais dire que la Grande Loge Indépendante et Souveraine des Rites Unis vous accueille avec bienveillance. L’entrée dans la Franc-Maçonnerie est un pas significatif, marquant une volonté d’engagement dans un chemin de développement personnel et spirituel qui se poursuit toute la vie.
Nous comprenons que ce pas puisse être accompagné d’hésitations et de questions.
La Franc-Maçonnerie offre une expérience unique d’apprentissage, de partage et de croissance, mais elle demande aussi un engagement sérieux envers soi-même et envers les autres membres de la fraternité.
Si vous cherchez une communauté qui valorise la réflexion profonde, le travail sur les symboles, et qui promeut l’égalité, la liberté, et la fraternité, alors la GLISRU pourrait être le chemin que vous recherchez.
Notre obédience est particulièrement fière de sa mixité et de son respect pour la pluralité des rites, ce qui nous permet d’embrasser une large diversité de perspectives et d’expériences.
Nous vous encourageons à nous contacter à travers notre site ou de nos réseaux sociaux pour toute question ou pour commencer un dialogue. La recherche de la connaissance, l’amélioration de soi et le service à la communauté sont des voyages qui gagnent à être partagés.
La Franc-Maçonnerie peut être cette communauté de partage et d’entraide que vous cherchez, et la GLISRU se tient prête à vous guider sur ce chemin initiatique.
N’ayez pas peur de poser des questions et d’exprimer vos doutes. Chaque maçon a commencé son voyage par une curiosité similaire et une volonté d’explorer l’inconnu. Si vous ressentez cet appel, nous vous invitons à venir et à voir par vous-même ce que la Franc-Maçonnerie peut offrir. Laissez votre curiosité être le compas qui vous guide vers une expérience enrichissante et transformante.
Date prochain Convent de la GLISRU : 5 octobre 2024 à Arras.
Au nom de toute l’équipe de 450.fm, je tiens à vous exprimer, mon très cher frère Jean-Louis Cottigny,notre sincère gratitude pour l’honneur que vous nous avez fait en acceptant notre invitation à cet interview. Votre disponibilité et votre générosité à partager vos connaissances et vos perspectives sur la Grande Loge Indépendante et Souveraine des Rites Unis (GLISRU) ont grandement enrichi notre contenu et éclairé nos lecteurs.
« La poésie semble donc bien devoir rester le seul point de hauteur d’où l’homme puisse encore, et pour la suprême consolation de ses misères, contempler un horizon plus clair, plus ouvert qui lui permette de ne pas complètement désespérer. Jusqu’à nouvel ordre Jusqu’au nouveau et peut-être définitif désordre c’est dans ce mot qu’il faut aller chercher le sens que comportait autrefois celui de liberté »Pierre Reverdy (La Fonction Poétique-1950)
« Faute avouée, faute à-demi pardonnée » dit-on. Bon alors, je vais y aller de ma petite confession : l’adolescence fut pour moi la naissance de l’émerveillement sensuel en regardant les représentations féminines de Mucha. Mais, je finis par me dire qu’elles étaient trop belles pour être vraies ! Donc que cachaient-elles et vers quels mondes nous entraînaient-elles ? C’est ainsi que je fis mon entrée dans l’univers de l’artiste et que, dans ce labyrinthe, j’en cherche encore la sortie ! …
Alphonse Maria Mucha (1860-1939) voit le jour dans cette Europe centrale, tellement bousculée par les guerres napoléoniennes et la naissance du réveil des nations. Sa petite ville natale, Ivancice, est placé au sud de la Moravie, sous administration autrichienne. Son père est huissier de justice dans cette ville mais, en 1872, la famille va s’installer à Brno, alors capitale de la Moravie où le jeune Alphonse va devenir pensionnaire du Slovanské Gymnasium.
Comme toutes les vocations, le hasard joue un rôle déterminant en éveillant ce qui sommeille déjà à l’intérieur du sujet : c’est en visitant une église de la ville d’Usti Nad Orlici que Mucha va être impressionné, voire bouleversé, par les fresques de Jan Umlauf (1825-1926), et détermine définitivement son orientation vers la peinture, mais en 1878 sa candidature à l’Académie des Beaux-Arts de Prague est refusée et il participe alors, comme amateur, à des spectacles de théâtre en tant qu’acteur, metteur en scène, et surtout décorateur. Ce qui lui permet d’aller à Vienne l’année suivante et de travailler comme apprenti pour une entreprise spécialisée dans les décors de théâtre. Il perdra malheureusement son emploi à la suite de l’incendie du Ringtheater, le meilleur client de son employeur.
Déjà connu, le comte Eduard Khuen fait appel à lui pour décorer son château d’Emmanhof et aidera financièrement Mucha quand, à l’automne 1885, il commence des études à l’Académie des Beaux-Arts de Munich. Se lançant dans l’aventure, il s’installe à Paris, en 1887, pour étudier à l’Académie Julian, toujours avec le soutien financier du comte Eduard. Il devient président du « Lada Club », association d’étudiants tchèques, polonais et russes. Il écrit : « L’artiste doit rester fidèle à lui-même et à ses racines nationales ». Né en pleine renaissance nationale tchèque, il aspire profondément à une nation indépendante de l’empire austro-hongrois. Déjà adolescent, il illustrait des magazines satiriques. A Paris, alors capitale européenne des arts, artistes et étudiants affluent de tous pays et se regroupent en communauté. Après la présidence du Lada Club, il deviendra président de la « Besada », qui regroupe essentiellement la communauté tchèque.
Durant deux ans, il suit les cours de l’Académie Julian, puis de l’Académie Colarossi. Mais, au début de 1889, le comte, sans doute exaspéré par les engagements nationaliste de Mucha, cesse de le soutenir financièrement et le « Bohémien à Paris » est contraint de travailler pour gagner sa vie !
Il commence à travailler comme illustrateur pour des éditeurs de Paris et de Prague et, en 1890, il participe à un cercle d’artistes comprenant Paul Sérusier et ceux que l’on appelle les « Nabis » qui se réunissent dans la crèmerie de madame Charlotte Caron, rue de la Grande Chaumière ! C’est en 1891 que Mucha rencontre Paul Gauguin avec lequel il nouera une longue amitié et qu’il appelle le « violent sauvage » ! Il commence aussi à travailler pour l’éditeur parisien Armand Colin. Parallèlement, il donne des cours de dessin dans son atelier qui deviendront les « Cours Mucha » à l’Académie Colarossi. Mais, c’est le 1er janvier 1895 que son succès voit une accélération : il fait paraître l’affiche de « Gismonda », pièce où joue Sarah Bernhardt et signe un contrat de six ans avec elle, pour concevoir les décors, les costumes et les affiches de ses productions. Il rejoint le « Salon des Cent », groupe d’artistes défendus par la revue « La Plume » et signe un contrat d’exclusivité avec l’imprimeur Champenois et crée ses premières séries de panneaux décoratifs : « Les saisons ». En 1897, au Salon des Cent, une exposition personnelle est organisée et La Plume lui consacre un numéro spécial. La notoriété frappe à sa porte !
Cependant, Mucha ressent le manque d’une dimension spirituelle à son talent. Il va la trouver avec sa rencontre avec le célèbre dramaturge suédois August Strindberg (« Mademoiselle Julie », « Le songe », « Le père », « La danse de la mort »), ami de Paul Gauguin. Strindberg (1849-1912) est passionné par le mysticisme, l’occultisme et la théosophie. Ils vont discuter régulièrement sur la philosophie, ce qui fera naître chez Mucha la conviction qu’il existe des « Forces mystérieuses » qui guident la vie des individus. Cet échange avec Strinberg va le conduire à demander son entrée au Grand Orient De France et il est initié le 25 janvier 1898. Pour lui, la Franc-Maçonnerie est l’aboutissement d’une recherche spirituelle où prône l ‘« amélioration de l’humanité » et la « conscience de la liberté », autour de trois vertus « La Beauté, la Vérité et l’Amour » qui représentent pour lui les « pierres angulaires » de la condition humaine par son travail, il pense contribuer au progrès de l’humanité. Au travers des paroles du « Notre-Père » illustrées et commentées, publié en 1899.
Ce livre adresse aux générations futures un message sur la manière dont l’homme peut atteindre la vérité universelle. Mucha conservera une grande fidélité à la Maçonnerie et, de retour chez lui, il sera membre fondateur de la première loge maçonnique tchécophone et, nous constatons qu’en 1923, il sera élu « Souverain Grand Commandeur » du Suprême Conseil tchèque. La Franc-Maçonnerie va exercer aussi sur lui des influences surprenantes, notamment dans son regard sur les femmes dans lesquelles, au-delà de la sexualité, il cherchait une dimension spirituelle, qui va le conduire à se réapproprier l’amour courtois dans ses composantes.
Chez le peintre qui était, très « Sitz im Leben » comme disent les Allemands, très ancré dans la réalité, sous l’influence de son vécu maçonnique sans doute et de ses fréquentations, il va orienter de plus en plus son art vers le dépassement de la simple représentation pour amener son public vers une dimension spirituelle. Et ce, surtout dans le domaine de l’image de la féminité : l’attirance que nous ressentons ne nous conduit pas fatalement au désir sexuel, mais nous oriente vers « quelque chose » qui est « plus loin ». Etrangère pour nous ,l’idée que Mucha fut un ascète évaporé : sa vie sentimentale est largement évocatrice du contraire ! Il met en mouvement l’idée que, comme chez Platon dans le « Banquet » ou dans les peintures de Botticelli, le « Beau », nous fait dépasser le corps de l’autre pour diriger ses pas vers « L’Idée ». Ce qui amène la distinction fondamentale entre une sexualité vécue et l’attirance qui n’est qu’un fil conducteur vers l’ « Innommable ». Il nous propose d’entrer dans la distinction du corps et de l’âme, sans faire le rejet de l’un ou l’autre. Il écrit : « La mission de l’art est d’exprimer les valeurs esthétiques de chaque nation conformément à la beauté de son âme. La mission de l’artiste est d’enseigner au peuple à aimer cette beauté ».
En fait, Alphonse Mucha, à travers sa représentation du féminin, s’inscrit dans un retour à l’ « amour courtois », un discours où la femme existe dans le corporel mais aussi dans la transcendance de l’insaisissable. Rappelons qu’au début du XIe siècle à la fin du XIIIe siècle, l’amour courtois va être le véhicule du sentiment chez les chevaliers et les poètes ; troubadours dans le midi de la France, « Minnensänger » dans l’aire germanique. Cet amour courtois est le successeur du « De Arte Amandi » d’Ovide et est une scolastique de l’amour malheureux ou, en tout cas, d’un amour de l’insatisfaction qui conduit à la poursuite du désir, car l’objet de l’attention est inatteignable. En fait, c’est l’amour de l’absolu qui s’incarne dans un objet sans finalité, qui demeure une attirance provisoire pour atteindre l’Idéal. Cet objet transitoire est, par excellence, « La Dame ». Mais il n’y a pas possibilité de chanter la Dame, sans le présupposé d’une barrière qui l’entoure et l’isole (comme le « Saint des saints » !). Elle se présente donc avec des caractères dépersonnalisés : l’objet, « Das Ding » (la «Chose ») est transformée en une fonction symbolique. Elle devient alors une sublimation qui est privée de quelque chose de réel et qui amène ainsi à un désir permanent car jamais assouvi. Il y a tension permanente vers cet objet mais jamais satisfaction avec lui. Il n’est que le relais dans la tentative de fusion avec l’Autre qui est le véritable objet. L’amour, dans la vision de l’amour courtois, c’est l’amour de l’Autre à travers l’amour de l’autre. Jacques Lacan écrit (1) : « Cet acte, cette fusion, nous ne pouvons jamais savoirs’il s’agit d’union mystique, de reconnaissance distante de l’autre, ou d’autre chose.
Dans bien des cas il semble qu’une fonction comme celle du salut, de la salutation soit pour l’amoureux de l’amour courtois le don suprême. Le signe de l’Autre comme tel, et rien de plus. Cela a été l’objet de spéculations qui ont été fort loin, jusqu’à identifier ce salut avec celui qui réglait le consolamentum, les rapports des grades les plus élevés de l’initiation cathare ». Dans l’amour courtois, s’adresser à un objet est, en fait, avoir un dialogue avec un Autre objet symbolique « au-delà », « beyond », et d’en attendre la réponse sous forme d’approbation ou de réprobation, tel un père ou une mère symbolique. L’objet de l’amour courtois est le point de jonction qui s’opère entre moi et cet Absolu transcendant, dont j’espère la réponse et ne constate que le silence, lui, le « Trésor des signifiants » qui serait pourtant le lieu de l’origine de la parole et de la loi.
L’objet convoité est donc toujours de l’ordre de l’imaginaire, qui nous sert seulement à aller vers un Autre encore plus inconnu. Ce qui fait dire à Pascal Quignard que le désir est un douloureux phantasme (2) : « Le désir est une chose beaucoup plus « noire », beaucoup plus atroce que les sociétés modernes ne se le présentent. Le fond du désir est un « rayon de ténèbres ». Cicéron a défini le désir dans Tusculum IV : Desiderium est libido vivendi ejus qui non adsit. Le désir est la libido de voir quelqu’un qui n’est pas là : la desideratio est la joie de voir l’absent. Le latin dediderium se traduit le plus souvent en français par les mots souvenir ou regret ou mélancolie ou désespoir… Le désir est l’appétit de voir l’absent ». Saint-Augustin écrivait aussi : « Qu’est qu’un homme ? Des yeux et des fantômes ». Cette prise de conscience pourrait nous amener à ce que Jacob Boehme appelait en allemand, le « Ewig nichts », le « Rien éternel » qui serait le fondement ultime du réel ou le désenchantement qu’évoque le psychanalyste Georges Favez (3) : « On n’apprend rien de l’illusion et tout au plus qu’elle est illusion. On apprend que la désillusion ». A moins qu’au cours du voyage dans cet amour courtois nous tombions, par hasard, sur ce que nous cherchions, comme l’évoque Marcel Jouhandeau (4) : « Enfin le regard qu’on cherchait depuis le commencement du monde on le rencontre : il y a là quelque chose d’unique, de caché derrière des murs et des murs qu’il faut prendre l’initiative et se donner la peine de franchir à ses risques et dommages, pour mériter la confidence disputée, le droit d’entrer dans le secret des secrets, le Saint des saints, c’est un être vivant ou mort, quel qu’il soit, si humble soit il »…
En 1899, le gouvernement autrichien passe une commande à Mucha pour l’exposition universelle de Paris de 1900, notamment pour la décoration du pavillon de la Bosnie-Herzégovine. Ce qui lui vaudra, en 1901, de recevoir la légion d’honneur pour sa contribution et est élu membre de l’Académie Tchèque des Sciences et des Arts. Sur un plan affectif, il rencontre en 1903, Maruska Chytilova, étudiante tchèque en art et qu’il épousera à Prague en 1906. Deux enfants naîtront de cette union : sa fille Jaroslava en 1909 et son fils Jiri en 1915.
Va débuter une période américaine dans sa vie à la suite de rencontres amicales et professionnelles : en 1904, il fait un premier séjour aux U.S.A. où il peint des portraits de notables et fait la connaissance de Richard Crane (1858-1939) qui sera le mécène de l’oeuvre future de Mucha intitulée l « Epopée Slave ». Il retournera en Amérique du Nord en 1906, où il commence à enseigner à l’ « Art Institute of Chicago ». Mais, il ressent le besoin d’un retour aux sources de l’Europe centrale et, en 1910, il revient à Prague pour travailler aux fresques murales de la Maison Municipale et, un an plus tard, s’installe avec sa famille au château de Zbiroh, en Bohème occidentale et commence à travailler sur ce qu’il voit comme l’œuvre de sa vie : l’épopée slave. La première guerre mondiale va bouleverser la vision traditionnelle de Mucha : en 1918, la Tchécoslovaquie voit le jour à la suite de la dissolution de l’Empire austro-hongrois. C’est d’ailleurs Mucha qui va concevoir les premiers timbres-poste et billets de banque du nouvel état !
C’est en 1928 qu’il termine le cycle complet de l’épopée slave qu’il offre officiellement à la ville de Prague. Cette œuvre est un appel à l’unité, destiné à inspirer tous les slaves. Mucha choisit vingt grands épisodes qui, selon lui, ont marqué ces peuples d’un point de vue religieux, philosophique ou culturel. Pour se faire, Mucha avait travaillé de façon considérable : consultations de savants, voyages en Croatie, Serbie, Bulgarie, Monténégro, Pologne, Russie et Grèce. Durant ces voyages, il dessine, photographie et étudie les coutumes et les traditions locales. L’Europe va lui rendre hommage : Paris organise, en 1936, une rétrospective de son œuvre au Musée du Jeux de Paume à Paris, et une autre exposition a lieu au Musée Morave des Arts Décoratifs à Brno.
Et de nouveau la guerre…Les Allemands envahissent la Tchécoslovaquie et Mucha est arrêté et interrogé par la Gestapo. N’ayant rien pour le suspecter, il est remis en liberté, mais sa santé se dégrade vite et il meurt à Prague le 14 juillet 1939. Il est enterré au Slavin (Le Panthéon tchèque) au cimetière de Vysehrad en tant qu’héros national.
Quel étrange cheminement que celui de notre Frère Mucha ! Ce « plus grand artiste décoratif du monde » comme l’appelaient les Américains, créateur de l’Art Nouveau à travers l’Art Décoratif, influencé par Gustave Doré, Puvis de Chavannes, l’art japonais, passionné par la photo et le cinéma naissant des frères Lumière n’était pas un bricoleur de génie, mais un authentique chercheur d’une dimension spirituelle, une sorte de mystique en mouvement permanent dans le sens que lui donne le jésuite Michel de Certeau, en nous citant Angelus Silesius (5) : « Est mystique celui ou celle qui ne peut s’arrêter de marcher et qui, avec la certitude de ce qui lui manque, sait de chaque lieu et de chaque objet que ce n’est pas ça, qu’on ne peut résider ici ni se contenter de cela ».
Vers quel Saint-Jacques de Compostelle marchait donc notre Frère Alphonse Mucha ?..
NOTES
(1) Lacan Jacques : Le Séminaire-Livre VII- L’Ethique de la psychanalyse. Paris. Editions du Seuil. 1980. (page 182).
(2) Quignard Pascal : La nuit sexuelle. Paris. Editions J’ai Lu. 2009. (pages 161 et 162).
(3) Favez Georges : Psychanalyste où es tu ?. Toulouse. Editions Privat. 1986.
(4) Jouhandeau Marcel : Carnets de Don Juan (Ecrits secrets II). Paris. Editions Arléa. 1988. (page 14).
(5) Dosse François : Michel de Certeau-Le marcheur blessé. Paris. Editions de la Découverte. 2007. (page 638).
BIBLIOGRAPHIE
– Abraham Karl: Psychanalyse et culture. Paris. Editions Payot. 1968.
– Chasseguet-Smirgel Janine : Pour une psychanalyse de l’art et de la créativité. Paris. Editions Payot. 1971.
Revenons, dans un premier temps, sur le parcours si particulier de Lazare-Républicain Lenain (1793-1877), bouquiniste, ouvrier du textile amiénois et candidat « démocrate ouvrier » aux élections législatives d’avril 1848, une figure notable de l’occultisme français du XIXe siècle.
Il est particulièrement reconnu pour son œuvre La Science cabalistique, ou l’art de connaitre les bons Génies (1823). Cette publication a joué un rôle significatif dans la diffusion et la popularisation des concepts de la cabale, notamment les Soixante-douze anges de la Cabale.
Né en 1793, dans une période postrévolutionnaire en France, L.-R. Lenain grandit dans un climat intellectuel où les idées ésotériques et mystiques attiraient un intérêt croissant. Son éducation et ses influences précises restent en grande partie obscures, mais il est clair qu’il a été profondément influencé par les traditions mystiques et ésotériques de son époque.
Il s’est fait donc connaître principalement grâce à son ouvrage La Science cabalistique, une étude approfondie des 72 anges de la cabale, où l’auteur décrit non seulement leurs noms mais aussi leurs fonctions et les moments propices pour les invoquer.
Cet ouvrage a eu un impact majeur sur la perception et l’application des principes cabalistiques en Europe. L.-R. Lenain y propose une méthode systématique pour l’invocation et l’interaction avec les entités angéliques. Les 72 anges de la cabale, chacun associé à une vertu spécifique et à un segment particulier du temps, sont détaillés de manière à permettre aux pratiquants de les invoquer efficacement.
Outre La Science cabalistique, L.-R. Lenain a produit divers autres écrits ésotériques, souvent sous forme de placards ou de feuilles volantes. Ces publications incluent des hymnes et des invocations, enrichissant le corpus de textes mystiques disponibles à son époque.
Le Rit cabalistique, que nous propose l’éditeur Amici Librorum, signifiant Les Amis des Livres, est un grimoire magique unique, se différenciant des grimoires traditionnels par son approche méditative. Conçu pour être utilisé sur une période d’un an, il intègre des invocations journalières et hebdomadaires, avec des pentacles et carrés magiques pour la méditation.
Diplôme de maître de Lenain – Source RT N° 195-196, juillet-octobre 2019
Concernant son appartenance à la fraternité, bien que son nom n’apparaisse pas sur les tableaux de la loge « La Parfaite Sincérité » du GODF qui lui a donné la lumière, à l’orient d’Amiens, Lazare-Républicain Lenain atteint le grade de maître maçon en mai 1818. La Bibliothèque nationale possède son diplôme de maître (BnF FM5 1385). Chacun peut imaginer que sa qualité de membre de l’art royal ait pu indiquer une possible influence maçonnique sur ses travaux ésotériques. Le Rit cabalistique pourrait ainsi avoir été destiné à des maîtres maçons désireux d’explorer les pratiques magiques des grimoires plus en profondeur.
L.-R. Lenain a laissé une empreinte durable dans le domaine de l’occultisme et de la cabale. Ses travaux continuent d’être étudiés et respectés par les praticiens et les chercheurs en ésotérisme.
L’édition contemporaine de ses œuvres, annotées et introduites par des experts comme Stephan Hoebeeck, témoigne de l’intérêt soutenu pour ses contributions et de leur pertinence continue dans l’étude, la compréhension et la pratique des mysticismes angéliques et cabalistiques en Europe.
La réédition de Rit cabalistique est grandement enrichi d’une introduction éditoriale.
L’ouvrage est un grimoire magique exceptionnel. L’orthographe particulière de « Rit » sans « e » final souligne son lien avec la maçonnerie traditionnelle.
Le livre est précédé de l’« Hymne ou invocation à Dieu, Dédiée aux amateurs de la vérité » (Amiens, 1829). Ce texte est une œuvre spirituelle de Lazare-Républicain Lenain, écrite pour ceux qui recherchent la vérité divine. Elle reflète les croyances ésotériques et mystiques de l’époque, mettant l’accent sur la quête de sagesse et la dévotion à Dieu. Comme un appel à la guidance divine et à la purification de l’âme est destiné aux Amateurs de la Vérité, encourageant une vie de foi et de dévotion. Il conclut par « la mort ouvre la porte à la vue éternelle… »
L’ouvrage comprend des premières invocations aux neuf hiérarchies célestes, des oraisons des heures du jour et de la nuit, des anges des signes, les soixante-douze attributs de Dieu, en l’honneur de la Très Sainte Trinité, des combinaisons cabalistiques, des orainsons à l’ange gardien.
Source https://www.abebooks.fr/
Le livre publie le manuscrit dudit Rit. Nous avons particulièrement apprécié les illutations du manuscrit traduit ainsi que celles reproduites d’après l’Origine de tous les cultes ou religion universellede Charles-François Dupuis (1742-1809), archéologue membre de l’Institut, ami de l’astronome Jérôme de Lalande. Lalande, fondateur en 1776 de la loge des « Neuf Sœurs », du Grand orient de France.
L’Origine de tous les cultes ou religion universelle est un ouvrage de la plus grande importance pour l’étude des religions et des mythologies primitives. L’auteur, qui était d’une immense érudition – que l’on dit maçon, une assertion toutefois à vérifier – s’est efforcé de montrer l’utilité du dogme sous la multiplicité des symboles et des allégories qu’il rapporte au phénomène de la nature.
L’ouvrage s’achève en présentant l’esprit d’Amici Libororum, les Amis des Livres, suivi de tous les livres de l’éditeur disponible sur Amazon dans les domaines suivants : alchimie, hermétisme, théosophie, art, curiosa, folklore, franc-maçonnerie et martinisme, gnosticisme, islam, soufisme et domaine arabo-musulman, judaïsme/cabale, littérature et occultisme.
4e de couv., détail
Le Rit cabalistique de Lazare Lenain par Stephan Hoebeeck qui fournit une transcription fidèle du manuscrit original, accompagnée d’une introduction et de notes explicatives, est un ouvrage indispensable pour les passionnés de cabale et de magie. Sa structure unique et sa richesse de contenu en font un guide précieux pour la méditation et la pratique rituelle, en particulier pour les maîtres maçons et les étudiants en ésotérisme. La combinaison de textes historiques et de commentaires contemporains enrichit l’expérience de lecture et offre un accès approfondi à la pensée cabalistique de Lazare-Républicain Lenain.
LE RIT CABALISTIQUE par Lazare LENAIN
Introduction, transcription du manuscrit et notes par Stephan HOEBEECK
Amici Librorum, 2024, 160 pages, 24 € (disponible sur Amazon)
Le dossier spécial de la revue Humanisme intitulé « Le sport sous influences » traite d’un sujet d’une importance capitale et d’une brûlante actualité pour plusieurs raisons – intérêts financiers colossaux, corruption, influences politiques et géopolitiques, pressions religieuses et sociales, santé et dopage, technologie (VAR, assistance vidéo à l’arbitrage) et médias.
En abordant le thème « Le sport sous influences », Humanisme explore un sujet au cœur des préoccupations contemporaines. Ce dossier offre une analyse approfondie des forces qui façonnent le sport aujourd’hui, soulignant la nécessité de préserver les valeurs d’équité, de respect et d’universalité qui devraient être au cœur de toute pratique sportive.
Mais avant de le traiter, nous souhaitons revenir sur l’historique d’Humanisme-Revue des francs-maçons du Grand Orient de France
Humanisme est donc une revue trimestrielle publiée par le Grand Orient de France (GODF), la principale obédience maçonnique en France. Créée en 1953, Humanisme s’inscrit dans une tradition de réflexion et de diffusion des idées maçonniques, philosophiques et sociales. La revue a pour objectif de promouvoir les valeurs de la franc-maçonnerie, telles que la liberté, l’égalité, la fraternité, la laïcité, et de contribuer au débat public sur des sujets contemporains.
1980
Les débuts (1953-1970)
La revue voit le jour en 1953, dans un contexte de reconstruction et de modernisation de la société française après la Seconde Guerre mondiale. Elle est fondée pour servir de plateforme de discussion et de réflexion pour les membres du GODF, mais aussi pour un public plus large intéressé par les idées humanistes et progressistes.
1999
Expansion et influence (1970-2000)
Au cours des décennies suivantes, Humanisme élargit son audience et gagne en influence. La revue publie des articles de personnalités éminentes du monde intellectuel, philosophique et politique. Elle aborde des sujets variés, allant de l’histoire de la franc-maçonnerie à des questions contemporaines comme les droits de l’homme, la justice sociale et la laïcité.
2009
Modernisation et diversification (2000-2020)
Entrant dans le XXIe siècle, Humanisme s’adapte aux nouvelles réalités du monde éditorial et des médias. La revue modernise sa présentation, développe sa présence en ligne et diversifie ses formats de publication. Elle continue de traiter des grands enjeux de société, notamment les défis liés à la mondialisation, à l’environnement, à la démocratie et à l’éducation.
2018
Aujourd’hui
Humanisme est aujourd’hui reconnu comme une voix majeure dans le paysage des revues intellectuelles françaises. Elle continue de publier des dossiers thématiques approfondis, des articles de fond, des entretiens et des critiques littéraires. La revue reste fidèle à sa mission de promouvoir les valeurs maçonniques et de contribuer au débat public, tout en s’adaptant aux évolutions de la société et des attentes de ses lecteurs.
2024
Éditions et thèmes récents
Les éditions récentes d’Humanisme ont abordé des thèmes variés et contemporains, comme la place de la science dans la société, les défis de la laïcité, les questions de genre et d’égalité, et bien sûr, comme dans le numéro de mai 2024, l’influence du sport sur la société. Chaque numéro est conçu pour offrir une réflexion approfondie sur un sujet particulier, tout en restant accessible à un public large et diversifié.
Depuis sa création en 1953, Humanisme a su évoluer et s’adapter, tout en restant fidèle à ses valeurs fondatrices. La revue continue de jouer un rôle clé dans la diffusion des idées maçonniques et humanistes, contribuant ainsi à enrichir le débat public et à promouvoir une société plus libre, égalitaire et fraternelle.
Entrons, maintenant, dans le dossier principal « Le sport sous influences » de ce numéro 343 de mai 2024.
L’éditorial de ce numéro, rédigé par Christophe Devillers, nous plonge dans une réflexion sur la relation entre la franc-maçonnerie et la pratique sportive. Historiquement, la sociabilité maçonnique s’est souvent manifestée à travers le sport, notamment en Grande-Bretagne avec des activités comme le tir à l’arc, le golf, et le rugby. En Europe continentale, les sociétés de gymnastique ont joué un rôle clé dans la transformation sociale, visant à contrebalancer l’influence cléricale.
Aujourd’hui, malgré une vie maçonnique principalement orientée vers la pensée et la parole, la revue « Humanisme » aborde rarement le thème du sport. Cependant, l’édition actuelle ne pouvait ignorer le sujet au vu de l’impact du sport à l’échelle mondiale. Devillers souligne les influences néfastes de l’argent et de la religion sur le sport, menaçant son essence humaniste et universelle.
Couv. 3D – Conform édition
Le sommaire
1. Vitriol :
– Charles Coutel explore la notion de « Culture » ?
2. Actualité des Lumières :
– J-Michel Muglioni discute l’infinitude des Lumières
3. Idées :
– Renaud Dély analyse la République sous pression
– René Rampnoux met en question l’Universel
4. Pro Fanum :
– Alexander Query traite de l’Ukraine et de la lutte pour la liberté
5. Dossier – Le sport sous influences :
– Introduction par Aline Girard et William Gasparini
– Jacques Defrance : L’origine du sport moderne, entre fraternité et égalité
– Samuël Tomei : Gymnastique et République – Comment façonner des hommes
– Jean-Paul Callède : Un siècle de politiques sportives des Jeux Olympiques de Paris 1924 à 2024
– Michaël Attali : Les valeurs et dépendances du sport et de l’olympisme
– Annie Sugier et Linda Weil-Curiel : L’islamisme et le sport féminin aux Jeux Olympiques
– F. Cormier-Bouligeon : Le sport comme outil républicain – une lutte incertaine
– Entretien avec Frédéric Thiriez : « Ne jamais baisser la garde »
– William Gasparini : Le sport comme terrain d’influence islamiste dans les quartiers populaires
– William Gasparini et J. Nervi-Gasparini : Laïcité et neutralité dans le sport.
6. Le grand entretien :
– Virginie Tournay : « Il faut avoir le sentiment d’appartenir à la même société », propos recueillis par Dominique Papon
7. Littérature :
– Damien Cesselin discute de « Pot-Bouille » dans la fresque humaniste des Rougon-Macquart
8. Chroniques humanistes :
– Charles Conte revient sur les origines du Mucem
9. 7e art :
– Benoît Graisset-Recco décrit « Compartiment n° 6 », un conte ferroviaire et initiatique
10. Musique :
– Jean Kriff explore les années de formation de Beethoven (1770-1792)
11. Livres :
– Critiques de plusieurs ouvrages :
– Christian Eyschen sur Marc Blondel.
– Philippe Foussier sur Manuel Boucher et François Cavaignac.
– Naudot Taskin sur Yascha Mounk.
Ce numéro d’Humanisme propose une enquête approfondie sur les influences actuelles pesant sur le sport, notamment financières et religieuses. Le dossier met en lumière comment ces forces peuvent compromettre les valeurs humanistes et universelles du sport, thème particulièrement pertinent à l’approche des Jeux Olympiques de 2024. Les articles et entretiens offrent une diversité de perspectives et d’analyses, enrichissant la réflexion sur le rôle et l’impact du sport dans nos sociétés contemporaines.
Cette édition se distingue par son engagement à défendre une vision du sport comme espace de fraternité et d’égalité, tout en alertant sur les dérives possibles. Les francs-maçons du Grand Orient de France y trouvent une matière à réflexion qui résonne avec leurs valeurs de liberté, égalité et fraternité.
Dossier – Le sport sous influences
Introduction par Aline Girard et William Gasparini
Le dossier « Le sport sous influences » explore les multiples dimensions et enjeux contemporains du sport, notamment les influences financières et religieuses qui remettent en question ses valeurs humanistes fondamentales. À travers une série d’articles et d’analyses, ce dossier propose une réflexion profonde sur la manière dont le sport, autrefois symbole de fraternité et d’égalité, est aujourd’hui soumis à des pressions extérieures qui en altèrent la nature et la mission.
Jacques Defrance : L’origine du sport moderne, entre fraternité et égalité
Jacques Defrance retrace l’histoire du sport moderne, mettant en lumière ses racines philosophiques et sociales. Il examine comment le sport est né comme un vecteur de fraternité et d’égalité, prônant des valeurs de coopération et de fair-play. Cet article offre un panorama historique qui permet de mieux comprendre les défis actuels.
Samuël Tomei : Gymnastique et République – Comment façonner des hommes
Samuël Tomei explore le rôle de la gymnastique dans la construction de la République. Il analyse comment, au-delà du simple exercice physique, la gymnastique a été utilisée comme un outil pour forger des citoyens républicains, incarnant les idéaux de discipline, de force morale et d’unité nationale.
Jean-Paul Callède : Un siècle de politiques sportives des Jeux Olympiques de Paris 1924 à 2024
Jean-Paul Callède retrace un siècle de politiques sportives en France, en se focalisant sur les Jeux Olympiques de Paris de 1924 et de 2024. Il examine les continuités et les ruptures dans les politiques publiques, et comment celles-ci ont cherché à promouvoir un sport humaniste face aux diverses influences économiques et politiques.
Michaël Attali : Les valeurs et dépendances du sport et de l’olympisme
Michaël Attali aborde les valeurs fondamentales du sport et de l’olympisme, ainsi que les dépendances qui les menacent. Il discute des idéaux de l’olympisme tels que l’excellence, l’amitié et le respect, tout en mettant en garde contre les dérives liées à la commercialisation et à la politisation du sport.
Annie Sugier, Présidente de la Ligue du Droit International des Femmes et membre du comité scientifique de Sport & Citoyenneté
Annie Sugier et Linda Weil-Curiel : L’islamisme et le sport féminin aux Jeux Olympiques
Cet article écrit à quatre mains analyse l’influence de l’islamisme sur le sport féminin, notamment aux Jeux Olympiques. Elles examinent comment les pressions religieuses peuvent entraver la participation des femmes aux compétitions sportives internationales et discuter des défis pour maintenir l’égalité des sexes dans le sport.
F. Cormier-Bouligeon : Le sport comme outil républicain – une lutte incertaine
Il examine le rôle du sport comme outil de promotion des valeurs républicaines en France. Il explore les tensions et les défis dans l’utilisation du sport pour renforcer la cohésion sociale et les principes de laïcité, face à des influences diverses et parfois contradictoires.
Entretien avec Frédéric Thiriez : « Ne jamais baisser la garde »
Dans cet entretien, Frédéric Thiriez partage ses réflexions sur les enjeux actuels du sport. Il insiste sur l’importance de rester vigilant face aux menaces qui pèsent sur les valeurs fondamentales du sport et discute des stratégies pour préserver son intégrité et son rôle éducatif.
William Gasparini : Le sport comme terrain d’influence islamiste dans les quartiers populaires
Le rédacteur explore comment l’islamisme utilise le sport comme un moyen d’influence dans les quartiers populaires. Il analyse les stratégies mises en œuvre pour capter les jeunes par le biais du sport et les implications de ces dynamiques pour la cohésion sociale et la laïcité.
William Gasparini et J. Nervi-Gasparini : Laïcité et neutralité dans le sport
Ils discutent de la nécessité de laïcité et de neutralité dans le sport. Ils examinent les défis posés par les influences religieuses et politiques et plaident pour des mesures visant à garantir que le sport reste un espace neutre, inclusif et fidèle à ses valeurs universelles.
Ce dossier offre une analyse exhaustive et critique des influences actuelles sur le sport, soulignant la nécessité de préserver ses valeurs humanistes face aux multiples pressions extérieures.
Humanisme – Les sports sous influences
Revue des francs-maçons du Grand Orient de France
Conform édition, N° 343, mai 2024, 128 pages, 13 € – 16 € port inclus
Si nous admettons que la franc-maçonnerie peut être assimilée par certains aspects à un réseau, alors j’opte pour la qualifier de réseau social. Pour continuer les comparaisons, certes hasardeuses, c’est une sorte de Facebook bien avant l’heure, sans la technologie électronique.
La franc-maçonnerie se replie dès sa création dans des loges, avec ses membres pour échanger, tout comme vont le faire plus tard les réseaux sociaux que nous connaissons avec des pseudos et des codes qui peuvent eux aussi les rendre fermés et réservés, en créant des groupes et des sous groupes parfois privés
Il me vient à l’esprit, une fois n’est pas coutume, cette chanson que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître et où le chanteur Guy Béart parle de cette attrait pour les hommes à vouloir sans cesse créer des groupes.
Sur les réseaux sociaux d’aujourd’hui, ouverts à tous, nous francs-maçons, sommes régulièrement interpellés comme si nous agaçons de ne pas ouvrir nos portes, en restant dans le secret ou la discrétion et en limitant nos membres pour ainsi dire.
Alors en réaction peut être, nous avons créé et développé une façon de communiquer avec l’humour dont je suis moi-même un des protagonistes. Oui nous communiquons de plus en plus vers l’extérieur avec plus ou moins de réussite et toutes les sœurs et tous les frères peuvent le faire sur les réseaux sociaux.
La porte s’entrouvre ou s’ouvre, la parole circule. Nos propos sur les réseaux sociaux se mélangent aux vidéos, voire aux réels que nous diffusons, à tel point que nous pouvons croire que nous sommes devenus tous des sœurs et frères d’obédiences facebook, instagram ou autres et que nous travaillons à la Gloire du Grand Google
Cependant à mon avis il n’en est rien, notre solidarité, notre fraternité, notre égalité et toutes les valeurs que nous vivons, recherchons et pouvons diffuser passent par notre « réseau », physique concret qui s’appuie sur nos réunions, nos contacts, nos échanges d’une vie de Famille et comme je le dis souvent où le partage ne se limite pas seulement aux clics…
Je vous laisse car je dois terminer ma video humoristique !!!
Il y a 40 ans, Roger Leray, Grand Maître du GODF, faisait le pari de la Paix et s’engageait !
Faisant la leçon aux loges de Nouméa, il prit le parti de la Paix et de la décolonisation !
Quelle belle espérance nous avons vécu à cette époque ! La franc-maçonnerie apparaissait au public dans toute sa beauté ! Elle était respectée et écoutée !
Aujourd’hui les émeutiers canaques s’en sont pris au temple maçonnique de Nouméa ! La colère après tant d’années de déception !
L’histoire est une succession d’événements manqués !
Mais l’histoire est aussi faite de personnalités fortes qui, un jour, se lèvent et s’engagent !
Ainsi fut Roger Leray !
A rebrousse poil de caciques locaux, dont de nombreuses personnalités maçonniques, il a reconnu le droit à la Justice du peuple canaque !
Après lui, ce fut le grand vide : Grand Maître après Grand Maître, la banalité des discours, l’absence d’engagement, l’incompétence ont fat leur œuvre !
Il faut dire que l’incapacité des différents gouvernements français à assumer la parole donnée par Michel Rocard et Roger Leray de s’engager vers la décolonisation complète de la Nouvelle Calédonie n’a pas facilité les choses !
Et puis il y a eu le refus des caldoches à s’engager dans une indépendance maîtrisée où les communautés auraient été capables de s’entendre dans une relation de soutien avec l’ex-puissance coloniale.
Comment s’étonner, qu’après la provocation inique de changer les règles du jeu, la violence apparaisse, pour ce peuple bafoué, comme la seule voie qui lui reste ?
Tristesse que tout cela suscite !
Quelles leçons en tirer ?
Pour le peuple français : le respect de l’identité des peuples anciens ne se négocie pas !
Pour les francs-maçonnes et les francs-maçons : La grande maîtrise n’est pas faite pour des mollassons baratineurs !
Il faut donner au Grand Maître une indépendance et le temps minimum pour connaître les enjeux !
La franc-maçonnerie est belle lorsqu’elle offre le visage de la cohérence avec la Paix et la fraternité universelle comme objectifs prioritaires !
Quand Aristote indique ce qu’est la spécificité de la philosophie, à l’opposé de la doxa, l’opinion, il précise que c’est la capacité de savoir poser des questions. Savoir poser bellement des questions. Ce fut, par après, ce que développa, tout au long des 12e et 13e siècles, siècles de lumière s’il en fut, l’université en son moment naissant : la « disputatio ». La question comme piété de la pensée ! Tout cela, évidemment, contre l’intolérance et l’attitude inquisitoriale en étant la conséquence.
De bons auteurs ont rappelé que ce fut, quelques siècles plus tard, le fil rouge du chemin initiatique qu’emprunta la Franc-Maçonnerie tout au long du 18e siècle. Luttant contre les divers dogmatismes du moment, elle fut en phase avec ce que ce Franc-Maçon que fut Hegel nomma, un peu plus tard, « l’esprit du temps ». Tolérance et liberté d’esprit, voilà les caractéristiques essentielles d’une F. M. authentique.
N’est-ce point cette sensibilité théorique qui s’exprime dans la phrase connue de Saint Exupéry : « Si tu diffères de moi mon frère, loin de me léser, tu m’enrichis ». On la trouve d’ailleurs affichée dans l’escalier central du siège du Grand Orient de France, à Paris. C’est cette sensibilité que nous avions en commun qui m’unissait à mon grand ami et F :.Charles Porset. Tout, théoriquement, nous séparait. Il était un rationaliste passionné. Ce que je ne suis pas. Ayant une conception « clubiste » de la maçonnerie, ce que je me suis employé à critiquer.
Auberge Goose and Gridiron « L’Oie et le Grill »
Et pourtant, que de discussions passionnantes eûmes-nous ensemble, en descendant quelques bouteilles de Whisky. Ce whisky qui était son péché mignon. Mais nous évoquions à cet égard l’étymologie du mot « symposium » signifiant « boire ensemble », qui du Banquet de Platon aux Agapes maçonniques, sans oublier les partages arrosés de « L’Oie et le Grill » (1717) à Londres, est loin d’être négligeable dans l’élaboration de l’idéal communautaire caractérisant la F.M. Cette « reliance » (terme utilisé par Marcel Bol de Balle, F.M. belge d’envergure) lui tenait à cœur. Et il n’était pas étranger à ce besoin de piété nous tarabustant et qu’il voyait comme cette « religion séculière » caractérisant la « Franc-maçonnerie »[1].
Ami également de Bruno Étienne, avec lequel nous échangeâmes, très souvent, et qui me fit l’honneur de me citer fréquemment dans ses divers livres. Je mis un point d’honneur à rendre possible une rencontre entre lui et Porset, qui était, également aux antipodes de ses positions. C’est ainsi que je pus, en son temps, organiser un débat entre eux, en Sorbonne. Qui se termina, également, par une beuverie d’envergure.
Assemblée nationale en France
Le fond de ce débat reposait sur l’audacieuse analyse de B. Étienne, rappelant que le fait de considérer la F.M. comme société initiatique est parfois refusée au sein même de certaines obédiences faussaires. Tel est le cas de ceux qu’il nomme les « clubistes » du Grand Orient. Et qu’il critique parce que s’éloignant de plus en plus de la Tradition maçonnique. Ainsi cette remarque, frappée au coin du bon sens : « mon regret principal concerne aussi ma paroisse : le Grand Orient de France est en train de manquer le tournant du siècle/millénaire qui avait pu faire de la F.M. une piste comme elle le fut en d’autres temps, mais ces temps-là sont révolus »[2].
Chose curieuse, alors que les partis politiques et les syndicats sont en complète dégénérescence, on voit certaines obédiences tenter de prendre leur place. Et ainsi perdre leurs spécificités. Les syndicalistes dont on sait qu’ils ne représentent plus les « travailleurs » comme ces politiques de série B, qui n’ont même pas pu se confronter au suffrage universel, trustent les divers conseils et instances programmatiques et bureaucratiques de ce qui n’est plus qu’un rassemblement de « cinquante nuances de gris ». Tant il est vrai que les jeunes générations n’adhèrent plus à ces organisations d’une autre époque. Ou les désertent rapidement.
Et à quoi s’activent ces obédiences, sinon à édicter ou à faire appliquer servilement les oukases des pouvoirs publics. Ce fut le cas lors de la dernière psycho-pandémie. En reprenant les termes mêmes des organisations paragouvernementales, par exemple l’accusation de « complotisme ». Ce terme était fort à la mode dans les élites déphasées qui, devant le risque de sécession du peuple, reprend la tactique de l’inquisition. Ont été qualifiés de complotistes, les individus et les médias ne se satisfaisant plus des lieux communs officiels.
Procédé accusatoire on le voit fort éloigné la liberté d’esprit que j’ai évoquée plus haut. En ce sens oui : les Lumières sont éteintes. Elles sont devenues on ne peut plus « clignotantes ». Et , curieusement, le dogmatisme renait au sein même d’obédiences dont la raison d’être était de le combattre . En termes soutenus on nomme cela : « énantiodromie » . C’est ce que Héraclite analyse lorsqu’il montre que, au fil du temps, tout ce qui existe évolue vers son contraire. C’est le ruban de Möbius : quelque-chose et son opposé devenant une seule et même réalité !
Et pourtant il y a une rupture fondamentale entre ce qu’un Franc-maçon attend de son appartenance à une communauté initiatique et ce qu’offre de nos jours cette voie dévoyée, « substituée » qu’est devenue une F.M politiste. Je reprends l’expression « voie substituée » ( qui a été substituée à la vraie voie) au livre classique de Jean Baylot[3]. Il y rappelle qu’il existe de nombreux « travestissements » de la maçonnerie : le carbonarisme, Buonarotti, révolutionnaires professionnels, l’anthithétisme, et les multiples « maçonneries hors tradition ». Le tout, selon son expression, à « tonalité socialisante » et se fondant sur des prétentions scientifiques et un moralisme sectaire.
C’est en se coupant d’un Ordre immémorial qu’une obédience devient un « club » politiste ou un syndicat sans intérêt.
Toute ressemblance avec nos politiques etc.
Ne sachant plus réconcilier le passé et l’avenir en un présent vécu intensément. Dés lors, pour reprendre une expression utilisée par les marxistes, dont ils sont très familiers, et témoignant par là de ce qu’ils sont eux-mêmes devenus, ils sont voués aux « poubelles de l’Histoire » ! Cette « voie substituée » résulte du fait que la société initiatique a été dénaturée par l’infiltration en son sein d’éléments n’ayant aucune qualification spirituelle, culturelle ou intellectuelle. Ce sont surtout des gens avides de pouvoir, ayant la plupart du temps mal réussi leur vie professionnelle et s’employant à faire de la communauté initiatique un groupuscule politique plein de ressentiment. D’une manière simiesque, ils imitent. Utilisant des mots justes d’une manière fausse. Ils sont, tout simplement, des tricheurs !
Gilbert Durand
Pour ma part, j’ai toujours refusé cela. Et pratiquant ce que m’avait enseigné mes maître, tel notre Frère Gilbert Durand : la neutralité axiologique, j’ai accepté l’invitation des présidents de la République, de nombreux députés ou divers ministres, quel que soit leur bord politique . C’est dans le même ordre d’idées que je vais dans quelqu’émission que ce soit, en rappelant aux organisateurs que poussant à l’extrême la distinction entre le « savant et le politique » ( Max Weber) je n’ai jamais voté de ma vie. (Ce qui n’est que partiellement vrai, il m’est arrivé de voter à des élections municipales villageoises.)
La neutralité dont je viens de faire état est, tout simplement, la caractéristique des esprits libres. Caractéristique par excellence des Francs-Maçons fidèles à la Tradition initiatique. Fort éloignés du moralisme de la bienpensance, ils font leur la devise de ce grand Franc-Maçon qu’était Goethe : « Contre vents et marées, savoir se maintenir ».
[1] Charles Porset, Du bon Usage du symbolisme, Postface à Jean-Charles Nehr, Symmbolisme et franc-maçonnerie, ed. À l’Orient, 2008, p. 197
[2] Bruno Étienne, Une Grenade entrouverte, Ed. de l’Aube, 1999, p. 21 et L’Initiation, éd. Dervy, 2002, pp.10-11.
[3] Jean Baylot, La Voie substituée. Recherche sur la déviation de la franc-Maçonnerie (1968) rééd. Dervy, 2024
Comment peut-on considérer l’existence du mal dans un monde dont le Créateur est Bon par essence ? D’où vient le mal que l’on voit ici-bas ? Arrive-t-il sans la volonté de Dieu ? C’est une question classique de théologie à laquelle je propose ici une réponse selon ma tradition juive.
En hébreu, le mal se nomme raˁ, mot basé sur la racine trilittère r-ˁ-ˁ dont le champ sémantique est “mauvais, méchant, mal”. Face à lui, le bien se dit ṭôv, du radical ṭ-w-b dont le sens est “bonté, agréable, gentil”.
Au niveau absolu de Dieu, il n’existe pas de mal bien sûr, car Dieu est ipséiquement Bon par définition. De même, il n’y en a pas au niveau des Anges (Mal’âkhîm), car ils ne possèdent pas de libre arbitre. Le bien et le mal dans leur antagonisme dualistique n’existent qu’au niveau humain.
Lune et Soleil sur fond bleu
Ainsi, vu qu’il n’y a pas de dualité dans l’Absolu, il n’existe pas non plus d’« Opposant » divin (ou d’« Adversaire ») qui incarnerait ontologiquement le Mal (à l’opposé d’un certain discours tenu dans d’autres tradition religieuses). Par contre, le mal peut être personnifié de manière symbolique – même s’il n’existe que dans l’Homme –, comme il est dit (T. Bâvâ Batrâ 16a, au nom de Ribbî Shimˁôn ben Lâqîsh) : « Le Satan, le Serpent (han-Nâḥâsh), le Mauvais Penchant (Yéṣer hâ-Râˁ) et l’Ange de la Mort sont tous la même chose. »
Satan n’est qu’un ange parmi les autres. Il joue le rôle de l’accusateur céleste (ou du procureur) auprès de Dieu (cf. Midrâsh Rabbâ, Shemôt XVIII:5 ; ibid. XLIII:1) – ce qui apparaît dans son nom, provenant de la racine hébraïque ś–ṭ-n dont le champ sémantique est “accuser, reprocher, dénigrer”. Il est dénonciateur (cf. Midrâsh Rabbâ, Estêr VII:13), tentateur (cf. Midrâsh Tanḥûmâ, Berêshît XIII ; ibid. Wayyêrâ XXII), éprouveur (cf. Livre de Job), séducteur (cf. T. Bâvâ Batrâ 16a), et occasionnellement porteur des âmes humaines à leur Créateur (cf. Midrâsh Rabbâ, Devârîm XI:10) – tout cela sous les ordres du Seigneur des Mondes.
Dans notre tradition mystique (Qabbâlâ), l’Ange de la Mort s’appelle également Semâ’él. Il incarne le mal, représenté symboliquement par la qelippâ (l’écorce, l’enveloppe), qui ne peut exister qu’en s’alimentant de la sainteté (i.e. du bien). La qelippâ n’a pas d’existence propre, mais n’existe que par le fait des mauvaises décisions humaines.
Comme le mal est perçu au niveau humain relatif, cela signifie que Dieu le laisse exister ici-bas comme s’Il l’avait créé. Ainsi, il est écrit (Isaïe XLV:7) : « Je forme la lumière et Je crée les ténèbres, Je fais la paix et Je crée le mal ; Moi, l’Éternel, Je fais toutes ces choses. » De même (Ecclésiaste VII:14) : « Car Dieu a fait l’un [le mal] comme l’autre [le bien]. »
De la même manière que l’obscurité est en fait l’absence de lumière (et donc n’existe pas en tant que telle, même si elle est nommée [ḥoshekh] dans la Torah), ainsi le mal n’est que l’absence de bien (cf. Maïmonide, Guide des Égarés III, 10) – ; et la Torah ne le nomme que parce qu’elle utilise le langage dualistique des êtres humains (T. Berâkhôt 31b, T. Nedârîm 3a, etc.) : « La Torah parle la langue des Hommes. »
La Torah nous exhorte à faire le bien, comme il est écrit (Deut. XXX:15) : « Regarde, Je mets aujourd’hui devant toi la vie (ha-ḥayyîm) et le bien (haṭ-ṭôv), la mort (ham-mâwet) et le mal (hâ-râˁ). » ; et (ibid. 19) : « Choisis la vie. » Cette injonction est également répétée deux fois dans le Livre des Psaumes (Ps. XXXIV:15 et XXXVII:27) : « Éloigne-toi du mal, et fais le bien. »
Cette lutte entre le bien et le mal ne se passe que dans l’être humain, au niveau de la pensée (maḥshâvâ), de la parole (dibbûr), et de l’acte (maˁasè) : c’est la lutte du yéṣer (penchant, dessein) – aussi appelé yéṣer hâ-râˁ (mauvais penchant, inclinaison au mal) –, de la racine y-ṣ-r dont le champ sémantique est “former, façonner, créer”. La liberté de suivre la volonté de Dieu ou choisir le mal n’existe qu’au niveau de l’Homme. C’est ce que rapporte Ribbî Baḥyâ Ibn-Paqûda (XIe siècle, Espagne) dans son “Livre des Devoirs du Cœur” (section Yéḥûd ham-Maˁasè, chapitre V) : « Un Sage dit à des guerriers revenant du combat : “Vous êtes revenus du petit combat, préparez-vous au grand combat.” “Quel est-il ?” lui demandèrent-ils. “Le combat du yéṣer et de ses armées,” leur répondit-il. »
Statue sur Notre Dame – diabolique
Cette liberté de choix – ce libre arbitre (beḥîrâ ḥofshît) –, Dieu l’a placé sous la forme de ce yéṣer dans le cœur de l’être humain, comme il est écrit (Genèse VIII:21) : « Le dessein du cœur de l’Homme est mauvais dès sa jeunesse. » Ainsi, notre tradition de rapporter (T. Qiddûshîn 30b) : « [Dieu dit] : Mes enfants, J’ai créé le mauvais penchant et Je lui ai créé la Torah [comme] remède. » Et nos Sages d’ajouter (ibid.) : « Si ce menuwwâl (tordu, pervers – i.e. le yéṣer) te rencontre en chemin, entraîne-le vers la maison d’étude. » Car il est dit (Proverbes III:18) : « Elle est [la Torah] un arbre de vie pour ceux qui la saisissent. » Les fruits de la Torah (et de son étude) contrent les fruits de l’Arbre de la Connaissance du Bien et du Mal.
Ceci est illustré par un apologue talmudique sur Hillel l’Ancien (T. Shabbât 31a) : « Quelqu’un demanda à Hillel (Ier siècle avant EC) de résumer la Torah en se tenant sur un seul pied. Celui-ci dit alors : “Ce que tu détestes, ne le fais pas à l’autre. Ceci est toute la Torah, le reste n’est que son commentaire ; va donc étudier !” » Le bien (haṭ-ṭôv), c’est donc ce qui respecte les principes absolus de la Vie et de l’Amour.
Ici-bas, l’être humain a de la peine à différencier le mal (« être mal ») et la douleur (« avoir mal »), et donc attribue souvent un jugement péjoratif à l’épreuve (nissâyôn) douloureuse.
Dépression
Mais l’épreuve par la souffrance (appelée aussi « malédiction [qelâlâ] ») – envoyée par Dieu – peut avoir un rôle spirituel, selon la métaphore de l’âne (ḥamôr) utilisée par nos Sages. Pour faire avancer un âne, il existe deux manières : la carotte et le bâton. Les épreuves sont le bâton pour faire avancer cet âne vers le bien, au même titre que la carotte. C’est le sens profond (sôd) de la fête de Pûrîm, prescrite par le livre d’Esther, dans laquelle nous devons boire (le-ibbassômé) jusqu’à ne plus distinguer entre la malédiction de l’impie (le bâton) et la bénédiction du juste (la carotte).
Ainsi, tout ce qui arrive à l’être humain est pour son bien – tout a un sens – rien n’arrive pour rien – car tout vient de Dieu, l’Unique, le Maître des Univers. C’est ce qu’affirme Job (Job II:10) : « Quoi ! nous recevons de Dieu le bien, et nous ne recevrions pas aussi le mal ?! ». C’est pour cela que nos Sages décrètent (Mishnâ Berâkhôt IX:5) : « l’Homme est obligé (ḥayyâv) de “bénir” (le-vârékh) [i.e. de reconnaître la bénédiction divine] dans le mal (ˁal hâ-râˁâ) de la même manière qu’il le fait dans le bien (ˁal haṭ-ṭôvâ). » Ceci revêt la forme d’une bénédiction à réciter lors d’une épreuve douloureuse (décès, perte personnelle importante, calamité naturelle, etc.) : « Tu es Source-de-bénédiction, ô Éternel, notre Dieu, Roi du monde, Juge de Vérité (Dayyân hâ-Èmèt). » De tout “mal” découle un bien.
C’est ainsi que se résout le problème du juste souffrant, personnifié dans la Bible par Job (Iyyôv). À propos de l’Ange – nommé en hébreu Sâṭân (« Procureur, Accusateur ») – obligé d’éprouver Job, il est dit (T. Bâvâ Batrâ 16a, au nom de Râv Yiṣḥâq) : « La douleur du Satan est plus grande que celle de Job –, à l’image d’un esclave auquel son maître a ordonné de briser la jarre, mais de garder son vin. »
Incidemment, plus une âme est universelle (kôlèlet) – celle d’un saint, par exemple –, plus elle prend sur elle-même (par amour) les épreuves des autres – vu que ces autres ne sont qu’elle-même, en fait. Ainsi, un juste peut “souffrir” pour sa ville – une autre manière de dire que le mérite (zekhût) du ṣaddîq (saint) protège le lieu où il réside.
Sortir de la dualité, c’est éviter de juger, d’attribuer un jugement moral là où ce n’est pas nécessaire. Le lion est-il mauvais quand il chasse la gazelle ? Fait-il le mal ? Que pense la mouche de l’araignée ? La mort n’est pas mauvaise en elle-même (ni la souffrance), mais constitue avec la naissance le grand cycle de la Vie.
Ceci dit – et c’est important d’insister là-dessus –, il faut aussi éviter de tomber dans un relativisme nauséabond qui réfuterait la pertinence éthique du mal face au bien. Ainsi, l’être humain doit être (Ps. I:3) « comme un arbre planté près d’un courant d’eau, » dont le faîte touche le ciel – i.e. sa conscience se réalise dans l’Absolu de Dieu – et dont les racines sont ancrées dans le sol – i.e. ses actes ici-bas sont le fruit d’une grande attention aux détails relatifs les plus fins. Réalisant de ce fait (Nombres XXXII:22) : « Vous serez sans reproche vis-à-vis de l’Éternel et vis-à-vis d’Israël, » et (Proverbes III:4) : « Tu acquerras ainsi de la grâce et une raison saine, aux yeux de Dieu et des Hommes. »
En choisissant le bien, l’être humain devient le shuttâf (partenaire, associé) – ou le co-créateur – avec Dieu de ce monde-ci à parfaire (T. Shabbât 119b, 10a, etc.). Ce concept est développé à partir du commentaire sur le verset (Genèse II:3) : « […] ashèr bârâ Èlôhîm “la-ˁasôt” ([…] qu’Il avait créée “pour être faite”). » – où l’expression « la-ˁasôt (pour être faite) » est apparemment superflue et ne changerait pas le sens du verset par son absence. Se réalise alors en l’Homme cet aphorisme mishnaïque, au nom de Rabban [notre Maître] Gamlî’él (Mishnâ Âvôt II:4) : « Fais tienne Sa volonté (reṣônô) afin qu’Il fasse Sienne ta volonté (reṣônâkh). » Il réalise sa nature divine en l’embrassant pleinement. Il devient enfin l’être divin dont toutes les actions correspondent au plan prévu par Dieu pour Sa création. La volonté de la créature et celle du Créateur ne font plus qu’une. L’Amant (Ôhév), l’Aimé (Âhûv) et l’Amour (Ahavâ) ne font plus qu’Un dans l’Absolu.
Bien sûr, ce libre choix ne s’effectue que dans les paramètres octroyés préalablement par Dieu – tels que la taille, le genre, la race, l’époque, etc. –, comme le verset le suggère (Job XLI:11) : « Qui M’a devancé [alors que] J’ai payé ? » Le Midrash (ad loc.) explique que Dieu dit à l’Homme : « Ne t’ai-Je demandé de donner la dîme si Je ne t’avais accordé la récolte avant ; ne t’ai-Je demandé de circoncire ton fils si Je ne t’avais donné un fils avant ; ne t’ai-Je demandé de poser une mezûzâ si Je ne t’avais octroyé une maison avant ; etc. »
Bref, Dieu est l’origine de l’être humain et de ses épreuves ici-bas, ainsi que sa finalité (Isaïe XLV:22) : « Tournez-vous vers Moi, et vous serez sauvés, vous tous qui êtes aux extrémités de la terre. » Que s’accomplisse en nous ici-bas le verset (Psaumes CXXXIII, 1) : « Qu’il est bon et qu’il est agréable le séjour des frères ensemble. »