Quand Aristote indique ce qu’est la spécificité de la philosophie, à l’opposé de la doxa, l’opinion, il précise que c’est la capacité de savoir poser des questions. Savoir poser bellement des questions. Ce fut, par après, ce que développa, tout au long des 12e et 13e siècles, siècles de lumière s’il en fut, l’université en son moment naissant : la « disputatio ». La question comme piété de la pensée ! Tout cela, évidemment, contre l’intolérance et l’attitude inquisitoriale en étant la conséquence.
De bons auteurs ont rappelé que ce fut, quelques siècles plus tard, le fil rouge du chemin initiatique qu’emprunta la Franc-Maçonnerie tout au long du 18e siècle. Luttant contre les divers dogmatismes du moment, elle fut en phase avec ce que ce Franc-Maçon que fut Hegel nomma, un peu plus tard, « l’esprit du temps ». Tolérance et liberté d’esprit, voilà les caractéristiques essentielles d’une F. M. authentique.
N’est-ce point cette sensibilité théorique qui s’exprime dans la phrase connue de Saint Exupéry : « Si tu diffères de moi mon frère, loin de me léser, tu m’enrichis ». On la trouve d’ailleurs affichée dans l’escalier central du siège du Grand Orient de France, à Paris. C’est cette sensibilité que nous avions en commun qui m’unissait à mon grand ami et F :.Charles Porset. Tout, théoriquement, nous séparait. Il était un rationaliste passionné. Ce que je ne suis pas. Ayant une conception « clubiste » de la maçonnerie, ce que je me suis employé à critiquer.
Et pourtant, que de discussions passionnantes eûmes-nous ensemble, en descendant quelques bouteilles de Whisky. Ce whisky qui était son péché mignon. Mais nous évoquions à cet égard l’étymologie du mot « symposium » signifiant « boire ensemble », qui du Banquet de Platon aux Agapes maçonniques, sans oublier les partages arrosés de « L’Oie et le Grill » (1717) à Londres, est loin d’être négligeable dans l’élaboration de l’idéal communautaire caractérisant la F.M. Cette « reliance » (terme utilisé par Marcel Bol de Balle, F.M. belge d’envergure) lui tenait à cœur. Et il n’était pas étranger à ce besoin de piété nous tarabustant et qu’il voyait comme cette « religion séculière » caractérisant la « Franc-maçonnerie »[1].
Ami également de Bruno Étienne, avec lequel nous échangeâmes, très souvent, et qui me fit l’honneur de me citer fréquemment dans ses divers livres. Je mis un point d’honneur à rendre possible une rencontre entre lui et Porset, qui était, également aux antipodes de ses positions. C’est ainsi que je pus, en son temps, organiser un débat entre eux, en Sorbonne. Qui se termina, également, par une beuverie d’envergure.
Le fond de ce débat reposait sur l’audacieuse analyse de B. Étienne, rappelant que le fait de considérer la F.M. comme société initiatique est parfois refusée au sein même de certaines obédiences faussaires. Tel est le cas de ceux qu’il nomme les « clubistes » du Grand Orient. Et qu’il critique parce que s’éloignant de plus en plus de la Tradition maçonnique. Ainsi cette remarque, frappée au coin du bon sens : « mon regret principal concerne aussi ma paroisse : le Grand Orient de France est en train de manquer le tournant du siècle/millénaire qui avait pu faire de la F.M. une piste comme elle le fut en d’autres temps, mais ces temps-là sont révolus »[2].
Chose curieuse, alors que les partis politiques et les syndicats sont en complète dégénérescence, on voit certaines obédiences tenter de prendre leur place. Et ainsi perdre leurs spécificités. Les syndicalistes dont on sait qu’ils ne représentent plus les « travailleurs » comme ces politiques de série B, qui n’ont même pas pu se confronter au suffrage universel, trustent les divers conseils et instances programmatiques et bureaucratiques de ce qui n’est plus qu’un rassemblement de « cinquante nuances de gris ». Tant il est vrai que les jeunes générations n’adhèrent plus à ces organisations d’une autre époque. Ou les désertent rapidement.
Et à quoi s’activent ces obédiences, sinon à édicter ou à faire appliquer servilement les oukases des pouvoirs publics. Ce fut le cas lors de la dernière psycho-pandémie. En reprenant les termes mêmes des organisations paragouvernementales, par exemple l’accusation de « complotisme ». Ce terme était fort à la mode dans les élites déphasées qui, devant le risque de sécession du peuple, reprend la tactique de l’inquisition. Ont été qualifiés de complotistes, les individus et les médias ne se satisfaisant plus des lieux communs officiels.
Procédé accusatoire on le voit fort éloigné la liberté d’esprit que j’ai évoquée plus haut. En ce sens oui : les Lumières sont éteintes. Elles sont devenues on ne peut plus « clignotantes ». Et , curieusement, le dogmatisme renait au sein même d’obédiences dont la raison d’être était de le combattre . En termes soutenus on nomme cela : « énantiodromie » . C’est ce que Héraclite analyse lorsqu’il montre que, au fil du temps, tout ce qui existe évolue vers son contraire. C’est le ruban de Möbius : quelque-chose et son opposé devenant une seule et même réalité !
Et pourtant il y a une rupture fondamentale entre ce qu’un Franc-maçon attend de son appartenance à une communauté initiatique et ce qu’offre de nos jours cette voie dévoyée, « substituée » qu’est devenue une F.M politiste. Je reprends l’expression « voie substituée » ( qui a été substituée à la vraie voie) au livre classique de Jean Baylot[3]. Il y rappelle qu’il existe de nombreux « travestissements » de la maçonnerie : le carbonarisme, Buonarotti, révolutionnaires professionnels, l’anthithétisme, et les multiples « maçonneries hors tradition ». Le tout, selon son expression, à « tonalité socialisante » et se fondant sur des prétentions scientifiques et un moralisme sectaire.
C’est en se coupant d’un Ordre immémorial qu’une obédience devient un « club » politiste ou un syndicat sans intérêt.
Ne sachant plus réconcilier le passé et l’avenir en un présent vécu intensément. Dés lors, pour reprendre une expression utilisée par les marxistes, dont ils sont très familiers, et témoignant par là de ce qu’ils sont eux-mêmes devenus, ils sont voués aux « poubelles de l’Histoire » !
Cette « voie substituée » résulte du fait que la société initiatique a été dénaturée par l’infiltration en son sein d’éléments n’ayant aucune qualification spirituelle, culturelle ou intellectuelle. Ce sont surtout des gens avides de pouvoir, ayant la plupart du temps mal réussi leur vie professionnelle et s’employant à faire de la communauté initiatique un groupuscule politique plein de ressentiment. D’une manière simiesque, ils imitent. Utilisant des mots justes d’une manière fausse. Ils sont, tout simplement, des tricheurs !
Pour ma part, j’ai toujours refusé cela. Et pratiquant ce que m’avait enseigné mes maître, tel notre Frère Gilbert Durand : la neutralité axiologique, j’ai accepté l’invitation des présidents de la République, de nombreux députés ou divers ministres, quel que soit leur bord politique . C’est dans le même ordre d’idées que je vais dans quelqu’émission que ce soit, en rappelant aux organisateurs que poussant à l’extrême la distinction entre le « savant et le politique » ( Max Weber) je n’ai jamais voté de ma vie. (Ce qui n’est que partiellement vrai, il m’est arrivé de voter à des élections municipales villageoises.)
La neutralité dont je viens de faire état est, tout simplement, la caractéristique des esprits libres. Caractéristique par excellence des Francs-Maçons fidèles à la Tradition initiatique. Fort éloignés du moralisme de la bienpensance, ils font leur la devise de ce grand Franc-Maçon qu’était Goethe : « Contre vents et marées, savoir se maintenir ».
[1] Charles Porset, Du bon Usage du symbolisme, Postface à Jean-Charles Nehr, Symmbolisme et franc-maçonnerie, ed. À l’Orient, 2008, p. 197
[2] Bruno Étienne, Une Grenade entrouverte, Ed. de l’Aube, 1999, p. 21 et L’Initiation, éd. Dervy, 2002, pp.10-11.
[3] Jean Baylot, La Voie substituée. Recherche sur la déviation de la franc-Maçonnerie (1968) rééd. Dervy, 2024
bruno étienne doit se retourner dans sa tombe et voyant le godf devenir sous couvert de laïcité très opposé à l’islam
Le Yin et le Yang
Le “Yang ” est le principe masculin, actif, créateur, lumineux qui est associé au ciel, au soleil. Le ” Yin “est le principe féminin, passif, existentiel, obscur, qui est associé à la terre, à la lune.
Les deux principes Yin et Yang sont présents dans toutes choses et s’équilibrent continuellement de façon dynamique. De nombreuses pièces de monnaie anciennes de Chine sont rondes avec au milieu un trou carré, et beaucoup d’histoires mythiques ou légendaires de ce pays tournent autour de ces deux figures géométriques dont l’une, le carré ( qui peut être dessiné avec… une équerre), représente la Terre, le monde matériel, le Yin, et l’autre, le cercle (qui peut être dessiné avec… un compas), le Ciel, le monde spirituel, le Yang.
Dans Yang il y a Yin et vice versa dans Yin il y a Yang. Il n’existe pas de Yang absolu ni de Yin absolu, et cela est figuré très justement par la “Roue de Lao Tseu” qui est “le ruban de Moebius”. Prenez un ruban par les deux bouts, et collez ceux-ci en les retournant, c’est le ruban de Moebius. A tout niveau du ruban, on constate la présence des deux faces, comme Yin et Yang sont présents dans chaque aspect de la vie et de ce qui est créé.
Tout ce qui existe peut être décrit en terme de Yin et Yang car ceux-ci se trouvent en toute chose en trois types de relation: (1) en relation d’Opposition tout en sachant que l’un porte en lui le germe de l’autre, (2) en relation d’Interdépendance, car l’un ne se conçoit pas sans l’autre, l’excès ou la déficience de l’un entraînant des conséquences sur l’autre ainsi qu’un déséquilibre de l’ensemble, et (3) en relation d’Engendrement et de Mutation de l’un en l’autre.