Réunir ce qui est épars consiste à (re)former un tout à partir d’éléments composites, similaires ou distincts qui, pour une raison ou pour une autre, se trouvent divisés, éclatés, séparés les uns des autres. On pourrait dire que la manifestation universelle est formée par des lettres séparées correspondant à la multiplicité de ses éléments, et que, en les réunissant, on la ramène par là même au logos, à son principe.
François-Timoléon Bègue Clavel relate au XIXe siècle dans Histoire pittoresque de la Franc-Maçonnerie et des sociétés secrètes anciennes et modernes : « Vers l’an 712 avant notre ère, Numa institua à Rome des collèges d’artisans (collegia arlificum), en tête desquels étaient les collèges d’architectes (collegia fabrorum). On désignait aussi ces agrégations sons les noms de sociétés, de fraternités (sodalilaies, fralernitales). De la même époque datait, à Rome, l’établissement des libérales, ou fêtes de Bacchus. Lorsque les corporations franches se constituèrent en une seule grande association ou confrérie, dans le but d’aller exercer leur industrie au-delà des Alpes, les papes secondèrent ce dessein : il leur convenait d’aider à la propagation de la foi par le majestueux spectacle des vastes basiliques et par tout le prestige des arts dont ils entouraient, le culte. Ils conférèrent donc à la nouvelle corporation, et à celles qui se formèrent par la suite avec le même objet, un monopole qui embrassait la chrétienté tout entière, et qu’ils appuyèrent de toutes les garanties et de toute l’inviolabilité que leur suprématie spirituelle leur permettait de lui imprimer. Les diplômes qu’ils délivrèrent à cet effet aux corporations leur accordaient protection et privilège exclusif de construire tous les édifices religieux ; ils leur concédaient le droit de relever directement et uniquement des papes. Les membres des corporations eurent le privilège de fixer eux-mêmes le taux de leurs salaires, de régler exclusivement, dans leurs chapitres généraux, tout ce qui appartenait à leur gouvernement intérieur.»
On consultera pour compléter cet aperçu le chapitre premier – Origine de la Franc-maçonnerie – du susdit ouvrage ainsi que le chapitre Histoire Critique de la Franc-Maçonnerie et sectes mystiques. À partir de la page 134 de l’ouvrage Histoire des religions et des mœurs de tous les peuples du monde. Tome 6, 1819
Si la signification ésotérique de l’expression, « rassembler ce qui est épars », apparaît surtout au 3e degré, dès les Constitutions d’Anderson de 1723, il est dit que « la Franc-Maçonnerie a été fondée pour réunir les hautes valeurs morales qui, sans elle, auraient continué de s’ignorer, et pour être le centre de l’Union.»
C’est la fraternité qui rend possible une telle démarche, le symbolisme en est son outil par excellence, elle est un but d’harmonisation du vivre ensemble. L’assemblage des pierres taillées pour l’édification du temple en est la métaphore des rites de constructeurs. Réunir ce qui est épars serait donc en premier lieu, de nouer une amitié fidèle entre les hommes de hautes valeurs morales et pour être le centre de l’union entre eux afin de les mettre en pratique.
En second lieu, la Franc-maçonnerie, par les influences subies à caractère chevaleresque, hermétique, alchimique, kabbalistique, compagnonnique, a conservé et rassemblé différentes traditions et ésotérismes. «Voilà trois siècles que nous nous enrichissons de toutes les traditions spirituelles du monde, pourvu qu’elles ne soient pas contraires à nos principes de tolérance et de libre-pensée», résume Marc Henry, passé Grand Maître de la Grande Loge de France. La Franc-Maçonnerie est un centre d’union rassemblant ce qui est épars.
La franc-maçonnerie, c’est donc un projet, une « intention » : réunir les êtres humains porteurs de hautes valeurs morales et enrichir la Tradition spirituelle.
Pour réussir ce challenge, trois conditions ont été proposées par les initiateurs :
– Une bienveillance mutuelle fondée sur le respect, l’écoute et la recherche personnelle,
– Un rituel permettant de structurer un temps de méditation,
– Un lieu la loge : c’est l’atelier de la rencontre et du partage pour le temps d’apprentissage de cet amour fraternel, en dehors des contraintes de la vie profane.
La Franc-Maçonnerie est une voie qui ne peut que proposer la lumière, lumière qui fera, ou pas, ensuite son chemin dans l’intériorité de chacun. Et c’est la somme des êtres ayant reçu la lumière qui fera évoluer l’humanité.

Dans la réalité, la multiculture idéale due aux migrations semble compromise avec les options des idéologies radicales d’un certain islam qui veut dominer, d’un catholicisme qui se veut universel, de l’intégration totale et rationaliste qui veut être une loi républicaine. Pour Régis Debray, les cultures fractionnent l’espèce humaine en forgeant des identités. La science et la technique ont un rôle de confluence, de rassemblement de ce qui est épars.
«Réunir ce qui est épars» signifie surtout se réconcilier avec son propre «en soi». «Rassembler ce qui est épars» semble aussi relever de l’individuel, de l’intériorité, et implique, par analogie, le retour au Un. Ce «Un» (aleph) s’est fragmenté dans le deux (Beth), inhérent à la Création. La maçonnerie appliquerait alors ce retour vers l’unité. L’union retrouvée n’est donc pas un pur retour à un état précédent, mais quelque chose de plus complexe où le répétitif s’allie à la prise de conscience d’une modification.
De nombreux articles parus sur le journal ont abordé peu ou prou ce sujet que l’on peut, sans être exhaustif, retrouver selon plusieurs approches.
En somme « rassembler ce qui est épars » exprime des concepts fondamentaux et primordiaux sous-jacents à la symbolique maçonnique.