ven 13 décembre 2024 - 04:12

Le tétramorphe, une allégorie spirituelle maçonnique

Du grec tétra, quatre et morphé, la forme, le tétramorphe montre quatre formes allégoriques : l’humain, le lion, le bœuf et l’aigle. On le trouve dans diverses civilisations de l’Antiquité. 

Son origine remonte à la nuit des temps. À Babylone, il représentait quatre divinités secondaires, il figurait les quatre points cardinaux et en astrologie, science inventée par les civilisations mésopotamiennes, il symbolisait les quatre signes fixes du zodiaque.

Les quatre bannières représentant un bœuf, un homme, un lion, un aigle, étendards de tête des quatre divisions de l’armée d’Israël, ont une signification universelle. Elles ont inspiré les armoiries de toutes les plus grandes familles en Europe.

 

On ne peut manquer la référence  à la vision du prophète Isaïe, dans cette célèbre théophanie où les anges, au milieu des cercles de feu, présentent quatre faces : une face d’homme, celle d’un taureau, celle d’un aigle, et celle d’un lion. Ces quatre symboles se retrouvent présents, non sans raisons, en Franc-maçonnerie dans les armoiries de la Grande Loge des Anciens et sont donc toujours en bonne place dans les armoiries de la Grande Loge unie d’Angleterre. Le taureau ou le bœuf est symbole de sacrifice et de fertilité. On sait que dans le pays de Canaan, celui de Melkisédeq vraisemblablement, Dieu était El, représenté par le taureau de la fertilité, encore appelé le Compatissant. Le bœuf Apis a le même rôle dans la mythologie égyptienne. Éphraïm est de même un symbole de fertilité. L’aigle avec son œil qui voit évoque le prophétisme. L’aigle représente la tribu de Dan, qui veut dire juge. Les Juges, comme les Prophètes sont en communication directe avec Dieu ; l’aigle exprime la rapidité et la promptitude avec lesquelles les volontés de Dieu sont exécutées. L’homme est dans la plénitude de ses pouvoirs adamiques : royal, prophétique et sacerdotal. Il peut parfois se présenter comme un ange. Mais, l’homme est au-dessus des anges, car il a son libre arbitre. Il est ainsi représenté comme Ruben, dans toute son humanité, dans sa grandeur comme dans sa petitesse. Le lion couché est l’emblème de la tribu princière de Juda, de la lignée royale de David et donc du Christ. Dans le Degré de Chevalier de l’Épée, attenant à l’Arche Royale, citons le rêve de Cyrus : Dans mon rêve, j’ai vu un lion prêt à m’attaquer et à me dévorer et à quelques pas de là Nabuchodonosor et Beltshazzar se tenaient enchaînés. Ils étaient comme frappés d’admiration devant une Gloire évoquant la splendeur du mot sacré que les maçons donnent au Grand Architecte de l’Univers. Dans les cieux, apparut un aigle tenant dans ses serres un ordre : ”Rends la liberté aux captifs sinon tu perdras ton trône.” Cette association de l’aigle et du lion peut être sujet de réflexion. Le lion est le symbole de Babylone, mais aussi des Perses. La louve romaine, le coq gaulois, le léopard normand sont des restes de ces attributs.

À Babylone, comme à Persépolis, les représentations des lions, taureaux, aigles, etc… sont multiples, associant souvent celles-ci en des animaux mythiques, sphinx, griffons, licornes. Les Assyriens, grands astronomes, symbolisaient les quatre points cardinaux par quatre divinités astrales : Mardouk le taureau ailé, Nébo à figure humaine, Nergal le lion, ailé lui aussi, et Ninourta l’aigle. Les Chérubins qui gardent l’entrée du Jardin d’Éden sont parfois représentés sous forme de taureaux ailés. Les Égyptiens eux-mêmes présentent leurs dieux avec des têtes d’animaux. Si, effectivement, le lion représente la royauté; le taureau, exprimant la fertilité comme animal de sacrifice, représente le sacerdoce; l’aigle, indiquant la volonté divine, représente le prophète. Alors, ces trois animaux évoquent les dignités vers lesquelles devrait tendre l’humanité. Ainsi le tétramorphe peut être considéré, dès les anciens temps, comme la représentation d’une spiritualité universelle ou œcuménique.

Le tétramorphe ce sont les 4 créatures qui se trouvent aux 4 coins de la carte du Tarot «Le Monde». Lorsque cette carte s’interprète au plan alchimique comme la 5ème essence, la « quintessence », les créatures racontent l’intégration et la transformation des 4 énergies : du feu, de l’air, de l’eau et de la terre.

Les quatre icônes zodiacales associées aux quatre Évangiles chrétiens canoniques constituent collectivement un des plus anciens et plus compacts symboles en occultisme. Ils prennent naissance  dans les époques primitives du développement humain et trouvent leur forme la plus puissante dans le Sphinx égyptien.

Le choix de quatre évangiles canoniques semble inspiré des quatre vivants d’Ézéchiel et de l’Apocalypse. Le tétramorphe, ou les «quatre vivants», ou encore les «quatre êtres vivants», représente les quatre animaux ailés (les khayoth) tirant le char de la vision d’Ezéchiel (Ez 1, 1-14). Une analyse plus avancée est à suivre dans Petits et Grands Mystères de la Kabbale d’André Benzimra. Les séraphins apparaît dans la Bible comme ayant six ailes, deux pour voler, deux pour se voiler la face parce qu’ils sont tellement proches de Dieu qu’ils se protègent de la lumière, et deux ailes pour se couvrir les pieds pour protéger les anges qui les suivent de la lumière qu’eux-mêmes dégagent.

On les retrouve avec St Jean dans l’Apocalypse 4,7 «Et le premier animal est semblable à un lion; et le second animal, semblable à un veau; et le troisième animal a la face comme d’un homme; et le quatrième animal est semblable à un aigle volant».

Dès le IIe siècle,  Saint Irénée de Lyon a été le premier à identifier ces quatre vivants aux quatre Évangélistes ; au IVe siècle, saint Jérôme de Stridon remarque que la première page de leur texte donne la clé de l’attribution des quatre vivants à chacun des quatre évangélistes :

  • Matthieu et l’homme (l’enfant) : son évangile débute par la généalogie humaine de Jésus.
  • Marc et le lion : dans les premières lignes de son évangile, Jean-Baptiste crie dans le désert
  • Luc et le bœuf : aux premiers versets de son évangile, il fait allusion à Zacharie qui offre un sacrifice à Dieu, or dans le bestiaire traditionnel, le bœuf est signe de sacrifice.
  • Jean et l’aigle : son évangile commence par le mystère céleste.

Ces figures des Quatre Animaux, en raison de leur localisation particulière entre nef et chœur, entre ciel et terre, revêtaient sans aucun doute une forte charge symbolique dans le microcosme que constitue l’église.

Lorsqu’ils symbolisent l’histoire du salut, les quatre vivants se trouvent précisément placés dans cet ordre retenu pour le canon des Écritures.

https://youtu.be/y0qw3ndP2Mg

Le tétramorphe évoquerait les vertus de l’adoration de Dieu : de toute ton âme (aigle), de toute ta force (taureau), de tout ton cœur (lion), de tout ton esprit (homme).

Dans le tétramorphe apparaît la figuration de Jésus dans le tétragramme (יהוה).  L’aigle est le Yod, le père ; le taureau est le premier Hé, l’esprit du père, ou la mère ; le lion est le second Hé, l’esprit du fils, ou la fille ; l’enfant est le Vav, le fils. Le tétramorphe a pu représenter aussi les quatre moments essentiels de la vie du Christ.

Le tétramorphe apparaît sur the arms of most ancient & honorable fraternity of free and accepted masons tel que retenu pour Ahiman Rezon .

Les «4 Vivants» sont les 4 grands mystères par lesquels l’Esprit s’incarne en moi, tissant mon «corps spirituel. Retiens Chevalier, que l’Homme nouveau est celui en qui s’établit la voix solaire. La base de la vie sur terre, à savoir les 4 éléments que je voyais déjà comme les 4 formes de l’expression de l’énergie divine ou autre, le Tétramorphe ou son équivalent, représente l’Information que nous recevons avec laquelle il faut se mettre en relation non pas purifications pour se nettoyer mais se mettre en état de recevoir par la présence… On doit donc transmuter ces énergies pour devenir soi, c’est à dire s’incarner, s’enraciner réellement pour se spiritualiser et trouver la lumière blanche énergie de l’amour, «l’âme aour», pour devenir enfin la synthèse, le chevalier de la lumière“. 

Au Rite Écossais Rectifié, dans les rituels de J. B. Willermoz, lors de la cérémonie de Maître écossais de Saint-André, un tableau est présenté au candidat, figurant un lion couché dans une grotte, jouant avec des instruments d’architecture sous un ciel d’orage. Cette référence au lion est donc une constante caractéristique du candidat sur le chemin de la redécouverte de la parole perdue.

2 Commentaires

  1. Toujours de Solange S. d excellents articles fort documentés et plaisants à lire car on finit ” intelligent ” . Forte et agréable sensation !
    Merci mille fois !🙏

    • Le Tetramorphe était connu des Templiers
      La representation de Mathieu pesant les âmes sur le Chemin de Compostelle est la symbolique de la Kabbale Chrétienne qui unit les deux Evangiles la première et la deuxième…

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Solange Sudarskis
Solange Sudarskis
Maître de conférences honoraire, chevalier des Palmes académiques. Initiée au Droit Humain en 1977. Auteur de plusieurs livres maçonniques dont le "Dictionnaire vagabond de la pensée maçonnique", prix littéraire de l'Institut Maçonnique de France 2017, catégorie « Essais et Symbolisme ».

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