dim 28 avril 2024 - 05:04

Contes, légendes et mythes: des analogies d’Hiram

L’aire géographique de la Maçonnerie, c’est, en gros, le monde de la Bible, ou ce qu’on appelle encore « le monde connu des Anciens », en somme le bassin méditerranéen, avec des prolongements plus ou moins avancés, au nord, dans le continent européen. Les traditions auxquelles la Maçonnerie est « unie par de multiples liens », sont donc, parmi les traditions vivantes, le Judaïsme, le Christianisme et l’Islam, et, parmi les traditions moins répandues, les traditions égyptienne, gréco-latine et celtique. C’est donc là que nous retrouvons des histoires qui racontent l’unité et l’identité fondamentales des traditions qui toutes n’ont pas manqué de soulever la question de la violence, du meurtre et du relèvement de l’assassiné.

L’époptie d’Hiram présentée aux francs-maçons, dès le 3ème degré, soulève également la question de la violence, du meurtre et du relèvement de l’assassiné. C’est pourquoi, je vous propose d’explorer quelques contes, légendes et mythes qui dans leur récit montrent à l’évidence des analogies avec celui d’Hiram.

LE CONTE (ou la fable) est une narration qui se transmet dans le temps par le biais de l’oralité. Il est né de l’oubli progressif du caractère religieux du récit.

Le conte apparaît comme le miroir de l’homme, dévoilant ses défauts et ses haines, mais faisant connaître aussi la force de ses idéaux. Pour Bruno Bettelheim «Tel est exactement le message que les contes de fées, de mille manières différentes délivrent à l’enfant : que la lutte contre les graves difficultés de la vie est inévitable et fait partie intrinsèque de l’existence humaine , mais que si , au lieu de se dérober , on affronte fermement les épreuves attendues et souvent injustes , on vient à bout de tous les obstacles et on finit par remporter victoire.»

Le conte est un récit court appartenant à l’univers de la poésie. Avant le XIXe siècle, il fait partie du registre du merveilleux,  ensuite de celui du fantastique.

Tout ce qui est décor fabuleux ou terrifiant, fées, magie, dragons, génies et elfes, constitue ces contes qui séduisent l’imagination, sans inquiéter plus qu’il n’en faut, pressentant un dénouement heureux. Le conte nous emmène parfois dans des contrées fabuleuses où le temps n’existe pas.

Conte d’Alice aux pays des merveilles

Écrit en 1865 par Charles Lutwidge Dodgson, sous le nom d’emprunt de Lewis Caroll (franc-maçon ?), le conte d’Alice aux pays des merveilles est un texte surréaliste dont une analyse peut être appréciée grâce aux illustrations de l’auteur.

Ce conte peut aussi être interprété comme une suite d’évènements en rapport avec l’initiation maçonnique, dévoilant le parcours intérieur de l’Initié. Une plaisante suggestion herméneutique peut être visionnée comme la suite de la vidéo précédente.

Conte de Blanche-Neige

Blanche-Neige apparaît comme initiée en effectuant les voyages symbolisés d’abord par la fuite au travers de la forêt considérée comme une descente aux enfers, puis par le travail, comme le ménage, dans la maison des nains, ensuite par la mort à laquelle elle échappe grâce à la bonté d’âme du chasseur, enfin par la résurrection sous forme de réveil entouré d’animaux dans un climat rassurant bercé de lumière et de tranquillité.

Lors de sa rencontre avec les sept (7) nains, Blanche-Neige personnifie la domination de l’âme spirituelle sur les facultés de l’âme individuelle représentée par eux.

L’héroïne accède à un niveau spirituel avec sa seconde mort initiatique, lors de son empoisonnement par la reine. La reine, qui apparaît désormais sous l’aspect d’une sorcière, incarne les possibilités infernales de l’être humain, prenant alors une dimension satanique pour disparaître, toutefois, dans le néant (chute dans le ravin, symbole illusoire de telles possibilités) poussée par les nains (symbole des facultés de l’âme humaine pouvant anéantir le mal).

Travaillant dans une mines, les 7 nains ont souvent été considérés comme une représentation alchimique  des sept métaux (l’or, l’argent, l’étain, le cuivre, le fer, le plomb, le mercure). 

Blanche-Neige aura atteint dans un premier temps la mort de l’état profane, au travers de sa fuite dans la forêt et, dans un second temps, la mort de l’individualité en croquant la pomme. Elle renaîtra sous le baiser du cavalier divin, éclairé par les rayons de l’astre de lumière. Quant aux nains, devenus symboles des puissances de l’âme, ils demeurent seuls, dans un monde parallèle, hors d’atteinte.

La reine vaniteuse, jalouse et destructrice, est contrainte de chausser des escarpins rougis au feu et de danser avec eux jusqu’à la mort.

Le conte dit de façon symbolique que si nos passions ne sont pas réfrénées et contrôlées, elles finissent par nous détruire.

Comme de nombreux contes, Blanche-Neige montre que changer c’est devoir abandonner quelque chose dont on a joui jusqu’alors, au prix d’expériences difficiles et douloureuses qui ne peuvent être évitées.

LA LÉGENDE , du latin legenda, est ce qui doit être lu. C’est ce sens du mot légende qui correspond à une explication, un commentaire ajouté à un dessin, un plan. De manière populaire le mot «légende» est devenu  un récit traditionnel où le réel est déformé et embelli,

Contrairement aux contes qui se déroulent dans le monde de l’imaginaire, les légendes ont un caractère vraisemblable et font le récit d’évènements qui ont eu lieu ou qui auraient pu avoir lieu.

La légende contient des éléments du merveilleux et repose dans certains cas sur des faits historiques qui ont été transformés par des croyances, ou par l’imagination populaire, ou par l’invention poétique.

La forme de la légende est simple et son objet essentiel est le miracle.

À  l’origine, la légende racontait la vie des saints. De nos jours, il s’agit de récits merveilleux d’un événement passé fondé sur une tradition authentique mais souvent modifiée au fil du temps. À la différence du mythe, la légende ne repose pas sur les divinités.

Nous ne trouvons que deux fables dans toute la Bible: celle des arbres choisissant un roi (Jug 9:8,15) et celle de l’épine et du cèdre (2Ro 14:9). Mais il existe de nombreuses légendes contenues dans ce que l’on désigne sous le nom de Hagada. “Esdras, ses disciples et leurs successeurs, qu’on désigne par le nom de «Sopherim» (hommes du Livre, commentateurs de la Loi), procédèrent à la rééducation du peuple [les Judéens de retour de l’exil à Babylone] au moyen de lectures publiques de la Bible traduite en araméen et accompagnées d’explications, de commentaires et de paraphrases. Cette lecture de la loi avait lieu toutes les semaines, les jours de fêtes, les samedis et les jours de marchés, afin que les “gens de la campagne” puissent, en s’y rendant, profiter de cet enseignement. En même temps qu’on l’expliquait, on faisait des sermons sur le texte biblique (homélies), on l’illustrait d’anecdotes et de paraboles, dont un grand nombre s’est conservé” (La formation du mariage en droit biblique et talmudique) .

La légende de Bazalliel (ou Betsaléel)

Le Manuscrit Graham de 1726, catéchisme maçonnique, rapporte trois récits légendaires dont celui de Bazalliell qui prend place entre celui de Noé et celui d’Hiram.

Dans les Constitutions d’Anderson de 1738 apparaît un certain constructeur, Betsaléel, qui pourrait bien être le Bazalliell du manuscrit Graham, lequel renverrait alors au Beçalel (nom qui signifie «à l’ombre de Dieu», étonnant quand on sait qu’il aurait sculpté les chérubim qui obombraient l’Arche d’Alliance), artisan expérimenté du Tabernacle et de ses accessoires, de l’Arche, de ses ornements et des vêtements sacerdotaux. Il était doté de la sagesse divine, versé dans la Torah, le Talmud et la science des lettres, ancêtre de Salomon et compagnon d’Oholiav (l’Aholia des Constitutions de 1738 et, peut-être, Alboyn du Graham) avec lequel il a contemplé le sanctuaire céleste sur le Sinaï.

Betsaléel (בְּצַלְאֵל) apparaît dans la Bible (Exode 35, 30 à 35) comme le premier constructeur du temple mobile des Hébreux abritant le tabernacle dans le désert. Le nom de Betsaleël signifie probablement : « à l’ombre de Dieu », ou « sous sa protection ». Celui d’Oholiav : « la tente du père ». Outre sa capacité à exécuter «toutes sortes d’ouvrages, pour concevoir des projets, pour travailler l’or, l’argent et le bronze, pour tailler des pierres à enchâsser, pour sculpter le bois de manière à réaliser toutes sortes d’ouvrages», il savait, dit le Talmud, combiner les lettres par lesquelles furent créés le ciel et la terre. Il eut ainsi la responsabilité de la fabrication du pectoral (poche à oracles qui renfermait l’Ourim et le Toummim, c’est-à-dire les moyens de divination qui guidaient les règnes des rois d’Israël) et de l’éphod du grand prêtre (‘hochen éphod, וְאֵפוֹד חֹשֶׁן). C’est avec le shamir qu’il aurait pu graver le pectoral [sculpture généralement attribuée à Moïse].

Betsaléel est désigné comme le maître d’œuvre de : l’arche de bois de sittim (Ex. 37, 1-9), la table de bois de sittim (10-16), le chandelier d’or pur (17-24), l’autel de l’encens (25-28), l’huile sainte (29), l’autel de l’holocauste (Ex. 38, 1-7), appelé aussi l’autel d’airain (2 Chr. 1, 5), la cuve d’airain (8), le parvis (9-20). Le chandelier d’or pur, la ménorah, fut réalisé selon le modèle montré à Moïse au moment de la révélation du Sinaï (Exode 25,31 : Tu feras un chandelier d’or pur ; ce chandelier sera fait d’or battu; son pied, sa tige, ses calices, ses pommes et ses fleurs seront d’une même pièce). Ce candélabre devait être fait en un seul bloc d’or, seul un artisan hors du commun aurait pu exécuter une telle prouesse.

C’est grâce à trois vertus que le premier temple fut construit par Betsaléel car il est écrit en Exode 31,3 : «Je [dieu] l’ai rempli de l’esprit d’Élohim en sagesse, en intelligence et en savoir», vertus que l’on retrouve en Hiram dans I Roi 7, 14 «rempli de sagesse, d’intelligence et de savoir». On peut rapprocher les capacités de Betsaléel de celles d’Hiram dans le 2ème Livre des Chroniques 12-13 : «je t’envoie donc maintenant un spécialiste doué d’intelligence, Houram-Abi, fils d’une femme danite et d’un père tyrien, qui sait travailler l’or, l’argent, le bronze, le fer, la pierre, le bois, la pourpre, le violet, le lin et le carmin, exécuter toute sculpture et réaliser tout projet qui lui sera confié.»

Sans transition avec la légende de Noé, le Manuscrit Graham (1726) raconte que pendant le règne du roi Alboïn naquit Betsaléel, qui fut appelé ainsi par Dieu avant même d’être conçu dans la matrice. Et ce saint homme sut par inspiration que les titres secrets et les attributs principiels de Dieu étaient protecteurs, et il bâtit en s’appuyant dessus, de sorte qu’aucun esprit infernal et destructeur n’osa prétendre renverser l’œuvre de ses mains. Aussi ses ouvrages devinrent si fameux que les deux plus jeunes frères du roi Alboïn, déjà nommé, voulurent être instruits par lui de sa noble manière de construire. Il y consentit à la condition qu’ils ne la révèlent pas sans que quelqu’un soit avec eux pour composer une triple voix. Ainsi ils s’engagèrent par serment et il leur enseigna les parties théoriques et pratiques de la maçonnerie. Alors les salaires des maçons augmentèrent dans ce royaume, des maçons furent comptés parmi les rois et les princes.

Cependant, Betsaléel à l’approche de la mort voulut être enterré dans la vallée de Josaphat et que fut gravée une épitaphe selon son mérite. Ceci fut accompli par ces deux princes et il fut gravé : “ci-gît la fleur de la maçonnerie, supérieure à beaucoup d’autres, compagnon d’un roi et frère de deux princes. Ci-gît le cœur qui sut garder tous les secrets, la langue qui ne les a jamais révélés.”

Alors, après sa mort les habitants de ce pays crurent que les secrets de la Maçonnerie étaient complètement perdus parce qu’on n’en entendait plus parler car personne ne les connaissait, à part ces deux princes qui s’étaient engagés par serment à ne pas les révéler sans quelqu’un d’autre pour former une triple voix.

L’intérêt de cette légende est l’affirmation que seule fut perdue l’expression de la parole, mais que cette parole existe toujours et que chaque maître en est dépositaire.

L’histoire de Betsaléel présentée dans le  Manuscrit Graham est un prototype de la Légende d’Hiram.

La légende de Maître Jacques

Le compagnonnage du Devoir (ou du Saint-Devoir de Dieu comme on le nomme parfois) prétend avoir été créé par un personnage fabuleux nommé Maître Jacques.

Dans l’antique tradition des Compagnons passants de la fraternité dite des «enfants de Maître Jacques», et chez les actuels Compagnons passants des devoirs,  Jacques est un pyrénéen originaire de Carte. Il fut mandé par Hiram de Tyr, pour le compte du roi Salomon, afin de construire le Temple de Jérusalem aux alentours de 900 avant Jésus-Christ. C’est un jars, un maître tailleur de pierres, initié à la nature de la pierre et la légende note bien qu’il taillait la pierre depuis l’âge de quinze ans. Cette même légende donne Maître Jacques comme responsable de la colonne Jakin et peut-être également de la colonne Boaz du premier Temple de Jérusalem. Pour Perdiguier, il bâtit deux colonnes dodécagones, la colonne Vedrera et la colonne Macaloe. Sur ces colonnes étaient sculptées diverses scènes de l’Ancien Testament : la chute d’Adam et Ève, le songe de David ainsi que des épisodes de la vie de Maître Jacques lui-même.

Certains légendaires racontent que, le Temple achevé, Jacques quitta la Judée en compagnie d’un autre maître, Soubise, avec lequel il se brouilla bientôt et dont il se sépara. Le navire qui portait Soubise aborda à Bordeaux. Jacques débarqua à Marseille avec ses treize compagnons et ses quarante disciples. Il voyagea encore trois années pendant lesquelles il eut à se défendre contre les embûches des disciples de Soubise qui un jour l’assaillirent et le jetèrent dans un marais ; il parvint à se cacher derrière des joncs. Ses disciples arrivèrent et le secoururent. Enfin Jacques se retira en Provence dans l’ermitage de la Sainte-Baume. L’histoire de sa fin paraît avoir été calquée sur le récit de la Passion du Christ. Un de ses disciples, l’infâme Jéron (nommé aussi Jamais), le trahit. Un matin, alors qu’il était en prières dans un lieu écarté, Jéron vint le trouver, lui donna le baiser de la paix, c’était le signal convenu. Cinq assassins se jetèrent sur Maître Jacques et le percèrent de cinq coups de poignard. Il vécut cependant encore quelques heures et put, avant d’expirer, faire ses adieux aux compagnons tardivement accourus. Au moment de mourir, il donna le baiser de paix à ses frères et leur recommanda de le donner aux futurs initiés afin que la tradition ne soit pas interrompue : «s’ils sont fidèles à leur Devoir, je les protègerai.»

Maître Jacques, assimilé à Osiris, fut symboliquement découpé en morceaux, son chapeau alla aux chapeliers, sa tunique aux tailleurs, son manteau aux menuisiers, sa ceinture aux charpentiers, son bourdon aux charrons et ses sandales aux serruriers. Ce qui fut dispersé c’est ce qu’il représentait : tous les corps de métiers.

La légende de Melchisédech

Hénoch, après avoir visité la création et discuté avec Dieu, est retourné auprès de sa famille afin de régler ses affaires et transmettre les livres qu’il a écrits à son peuple. Dieu lui avait donné 30 jours avant de le rappeler à lui. Après moult conseils, préceptes et exhortations, Hénoch parti, ce fut Mathusalem qui devint prêtre et remplaça son père Hénoch. A la mort de Mathusalem  (oui, oui, …), c’est Nir qui devint prêtre.

Ce dernier avait une femme, Sophonim. Celle-ci trop âgée pour enfanter, délaissée par son prêtre d’époux depuis qu’il fut désigné comme prêtre par Dieu, était malgré tout enceinte. Nir finit par le découvrir, échangea quelques mots avec son épouse qu’il accusa, bien sûr, d’infidélité. Celle-ci lui expliqua qu’elle ignorait tout de son état. Elle finit par tomber aux pieds de Nir, morte. Nir, fortement perturbé – on peut le comprendre – appela son frère Noé. Celui-ci rassurant, proposa d’aider Nir à creuser une tombe en secret pour son épouse décédée. Les deux hommes étendirent Sophonim sur un lit, l’habillèrent de noir et partirent creuser une tombe.

Or, de retour dans la pièce où ils avaient laissé le corps de Sophonim, ils découvrirent un jeune enfant. Ce dernier, venant de naître, se tenait assis, parlait et louait Dieu. Les deux hommes lavèrent et habillèrent l’enfant de vêtements de sacerdoce (prêtre). Ils changèrent Sophonim pour la revêtir de plus beaux vêtements, et lui construire un autre tombeau plus glorieux et moi anonyme. Enfin, ils appelèrent l’enfant Melchisédech. “Et Noé dit à son frère : «Garde l’enfant en cachette jusqu’au moment favorable, parce que le peuple est devenu méchant sur toute la terre, et de quelque façon ; le voyant, ils le feront mourir»”.

Nir s’occupa ainsi de Melchisedech. Or, le temps était passé, la destruction promise par dieu étant inéluctable, Nir demanda à dieu de sauver l’enfant du massacre à venir. Dieu – qui était bien plus loquace dans ces temps reculés qu’il ne l’est aujourd’hui – lui répondit

«[…] mais pour l’enfant n’ait pas de souci, Nir, parce que moi, dans peu de temps, j’enverrai mon archistratège Michel, et il prendra l’enfant et le placera dans le jardin d’Eden […] et il sera mon prêtre des prêtres, je le sanctifierai ; et je le changerai en un grand peuple qui me sanctifiera.» Nir bénit dieu – et la précision sur la naissance qu’il donne ne manque pas de piquant : «[…] parce que ta parole a donné un grand prêtre dans la matrice de Sophonim ma femme. Car je n’ai pas de descendance et cet enfant me tiendra lieu de descendance, il deviendra comme mon fils, et tu le compteras parmi tes serviteurs  [….] et Mélchisedech sera la tête des prêtres dans une autre race.»

Quarante jours après cet échange, l’Ange Michel fut envoyé, comme prévu, récupérer l’enfant. Dans un premier temps, Nir ne le reconnut pas, refusa de le remettre craignant que l’enfant soit tué par le «peuple pervers». (Résumé écrit par La Maçonne à partir du texte du Livre des secrets d’Hénoch, Naissance miraculeuse de Melchisédech. page 21) 

La Légende de Noé : voir l’article Les légendes de Noé.

La Légende de Renaud de Montauban

La légende du maître d’œuvre Renaud de Montauban, bâtisseur de la cathédrale de Cologne est très proche du mythe d’Osiris. Trahi et assassiné par des ouvriers, il fut jeté dans le fleuve. Les poissons se rassemblèrent pour sortir son corps hors des eaux, corps illuminé par trois cierges. Une autre légende raconte que ce fut une femme, allusion à Osiris, qui découvrit le corps. Dans le Tiers Livre, Rabelais évoque la légende de Renaud de Montauban qui aurait tué un neveu de Charlemagne. Une miniature célèbre, construite comme un échiquier, montre « comment Renaut occit Berthoulet, le neveu de Charlemagne, en jouant aux échecs ». Puis il se serait réfugié sur le chantier de la future cathédrale de Strasbourg. Il se serait conduit comme un excellent ouvrier mais, victime de la jalousie de ses collègues, aurait été assassiné. Ce thème sera repris dans la Maçonnerie du XVIIIe siècle avec l’allusion au meurtre d’Hiram, l’architecte en chef de Salomon.

La Légende du shamir voir l’article Le mystère du shamir.

La légende d’Œdipe

Le Parricide contrairement au fratricide fait la place à la disparition d’une hiérarchie surplombante. Cette hiérarchie ou cette autorité est une sous-représentation du divin. Hiram est un artifex, tout comme Hiram de Tyr est Rex et Salomon est Rex-Pontifex.

Dans la mythologie grecque, Œdipe était le fils de Laïos et de Jocaste. Pour échapper à la prédiction d’Apollon, qui prétendait qu’il serait tué par son propre fils, Laïos ordonna à un serviteur d’abandonner l’enfant sur le Mont Cithéron, avec ses deux pieds cloués, pour qu’il soit dévoré par les bêtes sauvages. Mais, au lieu de cela, le serviteur le confia à un berger qui plus tard le donna au roi de Corinthe Polybe et à sa femme Mérope, sans descendance. Ils l’appelèrent Œdipe (Oidipous signifiant pieds enflés) et l’élevèrent comme leur fils. Œdipe grandit et des rumeurs laissent entendre qu’il n’est pas le fils de ses parents. Il presse Mérope de lui dire la vérité, mais les réponses de cette dernière sont énigmatiques. Il consulte alors la Pythie de Delphes (son voyage à Delphes, qu’il entreprit seul, avait pour but de lui permettre d’entendre l’oracle d’Apollon, le dieu de la Lumière et de la Vérité) qui prédit, sans lever le secret de ses origines, qu’il tuera son père et épousera sa mère.

Son parcours le conduit ensuite près du Mont Cithéron où il avait été exposé à la mort lorsqu’il était enfant. Ce lieu néfaste représente en réalité la remise en acte de ce qui s’était produit des années auparavant, à cet endroit précis, dans des circonstances qui furent gravées dans sa mémoire de manière ineffaçable. Se rappelant la malédiction fatale de la prophétesse, Œdipe entend résonner la sentence de mort énoncée par son père. Œdipe fut pris de vertige, ce qui confirme l’émergence du traumatisme précoce. En sortant du temple, il revit la dissociation des émotions générées par l’acte brutal, raison pour laquelle il lui sembla que son cœur devenait pierre. Au carrefour, un vieil homme arrogant et vindicatif qui se trouve devant Œdipe n’est autre que Laïos, son bourreau, entouré de ses hommes de main. Le fils est maintenant un guerrier porté par l’énergie de sa rage si longtemps réprimée. Il peut revivre l’extrême violence qui lui fut infligée par ces mêmes protagonistes et résoudre enfin l’origine même de sa névrose. Lorsque son père lève sa main, il se soustrait à la mort en assommant celui-ci et en tuant ses gardes du corps. Son emportement fatal révèle, en fait, la brutale cruauté de l’ordre patriarcal incarné par le père.

Comme Freud, qui pensa Œdipe à partir de celui de Sophocle, le psychiatre japonais Kosawa aborda le complexe d’Ajase à partir d’un mythe tiré d’un récit du moine bouddhiste Shinran qui vécut au XIIe siècle. On y retrouve l’ambivalence, le meurtre, le destin et une notion connue sous l’expression «rancune prénatale».

En reprenant ce type de motif allégué dans ces légendes, les mauvais compagnons, qui tuent le maître, ne seraient-ils pas des travailleurs opprimés par un mauvais patron qui refusait toute augmentation de salaire ? Ne seraient-t-ils pas les révoltés d’un ordre pesant, injuste et fermé ? Les rites de restructuration et de purification ne relèvent-ils pas d’un sentiment de culpabilité, voire d’une psychose obsessionnelle ?

La légende des Quatre couronnés

Ces saints étaient quatre frères dont les noms furent longtemps ignorés. On les appela les Quatre Couronnés parce qu’ils reçurent la palme du martyre et furent couronnés au Ciel en 304. Leur apologie se trouve, entre autre, dans le Manuscrit Régius de 1390 (au quinzième point).

Les Quatre Saints Couronnés de Nanni di Banco façade de l’Orsanmichele à Florence

On les confond souvent avec les saints Claude, Nicostrate, Symphorien et Castorius (et Simplice qu’ils convertirent) qui étaient les merveilleux sculpteurs de Rome et qui furent condamnés, par Dioclétien, au supplice pour avoir refusé de sculpter l’image du dieu Esculape, considérant qu’il s’agissait d’une idole. Les cercueils de plomb, où ils furent enfermés encore vivants, furent retrouvés par un certain Nicomède qui inhuma leurs dépouilles chez lui. Deux ans plus tard, ayant fait édifier un temple dédié au culte d’Esculape, Dioclétien ordonne à ses légionnaires de rendre hommage au dieu de la médecine. Quatre soldats, eux aussi convertis au christianisme, refusent de participer aux sacrifices. Ils sont arrêtés et battus à mort. Leurs noms ne seront connus que plus tard : Second, Sévérien, Carpophore et Victorien. Entre-temps, sculpteurs et soldats auront été inscrits au martyrologue chrétien sous l’appellation des Quatre couronnés (Guy Chassagnard).

Par suite de cette confusion, les premiers sont devenus les patrons des constructeurs et des statuaires et, en général, des maçons, sculpteurs, tailleurs de pierre. On leur donne souvent pour attributs un maillet, une équerre, une règle ou même une couronne sur la tête comme on le voit parmi les enluminures du bréviaire d’Isabelle de Castille (1490, p. f.484v).

Dans toute l’Europe les activités des architectes, tailleurs de pierre et des maçons étaient sous la protection des quatre Saints Couronnés.

Voici comment la Legenda Aurea  (XIIIe siècle) de Jacopo da Varagine nous décrit l’histoire hagiographique des Quatre Couronnés : “Les quatre couronnés furent Sévère, Séverin, Carpophore et Victorin qui, par l’ordre de Dioclétien, furent fouettés à coups d’escourgées de plomb jusqu’à ce qu’ils en moururent. D’abord leurs noms furent inconnus, mais longtemps après Dieu les révéla. On décida donc que leur mémoire serait honorée sous les noms de cinq autres martyrs, Claude, Castorius, Symphorien, Nicostrate et Simplicien, qui souffrirent deux ans après eux.

Or, ces derniers martyrs étaient d’habiles sculpteurs qui ayant refusé à Dioclétien de sculpter une idole, et de sacrifier aux dieux, furent mis vivants, par ordre de cet empereur, dans des caisses de plomb et précipités dans la mer vers l’an du Seigneur 287. Le pape Melchiade ordonna d’honorer sous les noms de ces cinq martyrs les quatre précédents qu’il fit appeler les quatre couronnés, avant que l’on découvrît leurs noms; et l’usage en a toujours prévalu, même quand on eut su comment ils se nommaient réellement”.

Seule la France n’a pas adopté ce patronage pour les corps de métier du bâtiment, ayant choisi comme patron saint Thomas.

La première Loge maçonnique à avoir consacré ses travaux à la recherche maçonnologique porte le nom de Quatuor Coronati Lodge n°2076 ;  elle fut fondée en 1884, sous les auspices de la Grande Loge Unie d’Angleterre.

LE MYTHE vient du grec muthos, récit, fable ou  parole. C’est un récit anonyme et collectif qui remplit une fonction socio-religieuse. Il sert le plus souvent d’élément de cohésion entre les individus d’un groupe. Le mythe met en scène des personnages le plus souvent surhumains qui ont des pouvoirs surnaturels mais avec des comportements et des sentiments humains. Le mythe est une parole, une fable qui se réfère à des événements anciens chargés de sens. Dans les sociétés primitives, il sert d’explication du monde, rapportant comment les choses ont commencé et pourquoi les hommes en sont là aujourd’hui. Il est tenu pour absolument vrai et récité dans des circonstances bien précises, ce qui le distingue de la fable, du conte et de toutes les histoires inventées. Dans sa composition, il est le plus souvent très court et d’un agencement parfait. Chaque détail est chargé d’une signification intense.

Les sociétés industrielles ont relégué les mythes dans le domaine de la poésie et de l’imaginaire. Ils restent cependant l’expression d’une culture, ils expriment les aspirations profondes de l’inconscient humain et mettent en scène des situations éternelles. La pensée scientifique n’a pas réussi à faire disparaître les mythes malgré la tension entre les promesses de sens du potentiel métaphysique des mythes (muthos) et l’exigence de leur validation dans un discours rationnel et cohérent (logos).

On distingue les mythes qui racontent la naissance des dieux (théogonie), ceux qui expliquent l’origine du monde (cosmogonie), ceux qui explorent le sort de l’homme après la mort (eschatologie) et les autres, tels les mythes de la naissance et de la renaissance (éternel retour), les mythes du héros civilisateur ou culturel (Prométhée) ou encore les mythes de fondation (fondation de Rome par Romulus et Remus). Les trois premières catégories entretiennent des rapports étroits avec les religions ; de nombreux rites religieux, en effet, reproduisent certains aspects ou certains détails des mythes. Les mythes qui ne relèvent pas des catégories ci-dessus font l’objet de récits folkloriques, de chants poétiques élaborés, qu’on trouve chez les peuples les plus divers, tels ceux que transmettaient les aèdes dans la Grèce antique ou ceux que continuent de transmettre les griots africains de nos jours. Les Mythes et légendes nous ont été transmises dans les écrits de plusieurs anciens auteurs qui nous restent. Homère et ses Iliade et Odyssée, Hésiode dans sa Théogonie, Ovide dans ses Métamorphoses

Dans les sociétés où les mythes sont encore vivants, les indigènes distinguent soigneusement : les mythes «histoires vraies» des fables ou contes «histoires fausses». Les Anciens considèrent comme histoires vraies toutes celles qui sont relatives aux origines du monde, c’est-à-dire toutes celles qui traitent du sacré ou du surnaturel. Dans les histoires fausses, en revanche, le sujet est profane. C’est la raison pour laquelle on ne peut pas raconter indifféremment les mythes. Dans certaines traditions ils ne peuvent être racontés que devant les initiés. Généralement, les vieux instructeurs communiquent les mythes aux néophytes durant leur période d’isolement, ceci faisant partie de leur initiation.

Le mythe d’Osiris

Une des narrations les plus complètes du mythe d’Osiris est celle de Plutarque, dans son De Iside et Osiride, dont il a eu, on ne sait comment, une connaissance plus complète qu’aucune source égyptienne, y compris celle des Textes des Pyramides. Les autres sources possibles sont : le Livre des Morts, les textes d’une stèle qui se trouve au Louvre, d’autres textes divers de l’Égypte antique, les recherches de spécialistes de l’Égypte ancienne.

Alors qu’il revient victorieux d’une longue campagne de conquêtes, Seth profite des fêtes organisées à cette occasion pour inviter son frère Osiris à un banquet. Au cours de la soirée, il le met au défi de s’allonger dans un grand coffre. Lorsque ce dernier y fut couché, Seth l’enferme et jette le coffre dans le Nil.

Isis, la Sœur-Épouse d’Osiris, part à la recherche de son âme afin de le ramener à la vie. Isis déchire ses vêtements et parcourt le monde à la recherche du coffre dans lequel «le Bienveillant» a été enfermé. Cependant de retour, elle ne ramènera pas Osiris car ceux qui descendent en ces lieux ne peuvent pas revenir et c’est seulement l’amour d’Isis, symbole de la régénération et de la vie éternelle qui permettra de retrouver le corps. Durant le voyage d’Isis aux enfers, le coffre contenant le corps, entraîné par la mer, atteint les côtes de Phénicie où il s’échoue aux pieds d’un acacia, ou d’un tamaris, selon les versions. La quête dura si longtemps que le tronc de l’acacia recouvrit la boite contenant le corps d’Osiris.

Le roi de Byblos, occupé à faire construire son nouveau palais, fait abattre l’arbre afin d’en faire l’une des deux colonnes qui doivent en décorer l’entrée. Isis entend parler de l’odeur qui s’échappait du tronc alors qu’on le coupait. Elle en comprend aussitôt la signification et se rend en Phénicie où on lui remet la colonne prodigieuse. Elle ouvre la colonne de bois et en retire le cercueil de son époux qu’elle arrose de ses larmes. Elle le ramène en Égypte et le cache au fond des marais afin que Seth ignore que le corps a été retrouvé. Mais au cours d’une chasse, ce dernier découvre le coffre. Furieux qu’Osiris soit encore entier malgré le temps écoulé, il décide de découper le cadavre en quatorze morceaux qu’il disperse à travers le pays. Le nombre de morceaux du corps d’Osiris varie selon les sources, de quatorze à quarante-deux. Les deux versions du Papyrus Jumilhac mentionnent quatorze morceaux collectés par Isis en douze jours, ce qui correspond à la durée de la fête du labour. Selon Diodore de Sicile, Typhon (autre nom de Seth, frère d’Osiris, principe du mal, des ténèbres et de la stérilité) découpa le corps de sa victime en vingt-six morceaux, un par conjuré. On donna à chacun une apparence momiforme avant de l’ensevelir. Enfin, la géographie sacrée d’Edfou mentionne autant de morceaux que de nomes (circonscriptions administratives de l’Ancienne Égypte), soit quarante-deux. Le corps démembré d’Osiris, dont l’inondation refait l’unité, se confond ainsi avec la terre d’Égypte. Ici, les quatorze morceaux représentent ceux qui sont retirés à la lune, dans la phase descendante, jusqu’à sa disparition totale. La quête d’Isis et la reconstitution du corps illustrent, au contraire, la phase ascendante, jusqu’à la réapparition de la pleine lune, reconstituée, l’œil oudjat.

Isis se met à la recherche des morceaux. Elle les retrouve tous à l’exception du sexe, dévoré par un oxyrhinque (ou un brochet du Nil). Aidé par Anubis, Thot et Nephtys, elle recompose le corps démantelé en douze parties et le momifie. Ramené à la vie par ces pratiques et désormais à l’abri de la mort, Osiris se retire dans les mondes souterrains, il laisse alors le trône du monde visible à son fils Horus qui deviendra le modèle des rois à venir.

C’est au 17ème jour du mois d’Athyr que la mythologie égyptienne place la mort d’Osiris : c’est l’époque où la pleine lune est surtout visible. Aussi les Pythagoriciens appellent-ils ce jour «interposition», et ont-ils pour le nombre 17 une complète répugnance. En effet, entre le carré seize (4×4) et le rectangle dix-huit (6×3), qui sont les seuls nombres de surfaces planes dont les périmètres se trouvent égaux à leurs aires, vient tomber le nombre dix-sept qui disjoint ces deux nombres, s’interpose entre eux et divise leur rapport en deux parties inégales.

Ainsi, sorti de sa  gangue d’acacia, dépecé et recomposé, avec l’aide de trois autres divinités, Osiris sera relevé et momifié (le papyrus du Livre des Morts d’Ani, découvert à Thèbes en 1887 par Wallis Budge comporte une invocation toute spéciale : Hommage à toi, ô seigneur de l’Acacia). C’est seulement à l’issue de cette restructuration et de cette préparation à l’éternité qu’Osiris pourra reprendre son voyage. Ses os sont d’argent, ses chairs d’or, ses cheveux de lapis-lazuli.

Platon, Thalès, Eudoxe, Apollonius et Pythagore avaient rapporté d’Égypte ce principe, vrai ou faux, que dans l’économie de l’univers la vie sort du sein du trépas ; ce principe fut présenté sous l’allégorie d’Osiris expirant pour renaître sous le nom d’Horus.

Le 3ème grade se nommait en Égypte «porte de la mort». Le cercueil d’Osiris, dont l’assassinat était supposé récent, s’élevait au milieu de l’emplacement où se faisait la cérémonie. On demandait à l’aspirant s’il avait pris part au meurtre d’Osiris. Il était frappé, ou on feignait de le frapper, à la tête d’un coup de hache, il était renversé, couvert de bandelettes de momie, des éclairs brillaient, le mort supposé était entouré de feupuis rendu à la vie (J. M. Ragon, Orthodoxie Maçonnique, 1853, p. 101)

Assimilé à Dionysos, Osiris illustrait la théologie néo-orphique : la cosmogonie conçue comme un autosacrifice de la divinité, comme la dispersion de l’Un dans le Multiple, suivie par la «résurrection», c’est-à-dire par le rassemblement du Multiple dans l’Unité primordiale.C’est ainsi que G. Mackey évoque le rapprochement des Mystères d’Osiris de ceux de la Franc-maçonnerie : <youtu.be/D4ybxRPodCA?t=2898>.

Osiris fut très tôt comparé au grain de blé enseveli (mourant), germant et réapparaissant à la lumière solaire, prêt à être la nourriture essentielle des hommes. De nombreuses illustrations représentent la momie du dieu couverte de grains de blé, ou de jeunes tiges de blé émanant de son corps allongé. Parce qu’il était l’image des cycles de la nature, on creusa dans la pierre des formes d’Osiris que l’on remplissait de terre, et dans lesquelles on répandait des grains de blé afin qu’il pousse dans le secret du tombeau. Ainsi, mis en terre en même temps que le défunt, le blé, symbole vital d’Osiris, était pour le disparu la certitude de sa renaissance future, l’assurance de la continuité de sa vie, puis de sa résurrection lumineuse. C’est pourquoi, dans le papyrus funéraire de Nu, Osiris déclare : «Je suis le Seigneur des hommes qui ressusciteront des morts.» C’est une telle image symbolique qu’utilisera le Christ lorsqu’il se comparera lui-même au grain de blé devant mourir pour renaître et produire de nouveaux grains au centuple. Certains gnostiques utilisèrent cette parole pour affirmer que le Christ avait suivi la totalité du parcours initiatique osirien afin de devenir à son tour un Osiris spirituel, un être de Lumière.

L’initié du 3ème grade des mystères d’Isis était d’abord conduit dans un vestibule au-dessus de l’entrée duquel était écrit «porte de la mort». Des momies et des cercueils étaient figurés sur les murs. Il trouvait bientôt un cadavre. Au milieu du vestibule était placé le cercueil d’Osiris, qui, à cause de son assassinat présumé, était empreint de tâches de sang. On demandait à l’aspirant s’il avait participé à ce meurtre ; à la suite de cette épreuve préparatoire, il passait dans une salle, où tous les initiés étaient habillés en noir ; on lui présentait une couronne qu’il foulait aux pieds, et le chef de l’initiation s’écriait «outrage, vengeance !», et saisissait de suite la hache des sacrifices, en frappaient doucement le candidat à la tête. À l’instant deux initiés le renversaient et l’enveloppaient de bandelettes ; tous ceux qui l’entouraient étaient dans la tristesse ; on le présentait dans cet état de mort apparente devant un tribunal qui déclarait qu’il n’avait point participé au meurtre d’Osiris, et on lui rendait la liberté ; … ; le signe de reconnaissance consistait dans une embrassade particulière (Docteur Pierre Gérard Vassal, Cours complet de Maçonnerie ou Histoire générale de l’Initiation depuis son origine jusqu’à, son institution en France, 1832, p.244 et 245.

Alexandre Lenoir avec l’Explication d’un papyrus égyptien complète le rapprochement que l’on fait entre les meurtres d’Osiris et d’Hiram.

En alchimie, au XVIIe siècle, le mythe d’Osiris est repris par Michael Maier dans son Atalante fugitif qui en fait une fugue, une gravure et un poème sur les thèmes de transformation, de régénération et de renaissance (Patrick Burensteinas, étape 2, Le Voyage alchimique, Chartres, à partir de 20’).

En Grèce, l’homologue d’Osiris est Dionysos-Zagreus. Né d’une union illégitime de Zeus, l’enfant Dionysos encourt la haine d’Héra, qui le fait assassiner et mettre en pièces par les Titans; mais une autre divinité, Apollon ou Athéna, rassemble les membres suppliciés, et le jeune dieu reprend vie ; la biographie d’Atys, parèdre de Cybèle, comporte également castration, mort et renaissance. On n’en finirait pas d’énumérer les dieux dont l’histoire est conforme à cet itinéraire, dans lequel s’inscrit aussi celui d’Hiram.

La mise en œuvre du mythe d’Hiram Abif, dans les rites égyptiens de la Franc-maçonnerie, est une opération de magie opératoire destinée à faire revivre à tous les maîtres maçons ce que les prêtres-initiés égyptiens ritualisaient dans la grande pyramide afin de transférer l’esprit du pharaon défunt (Osiris) au nouveau pharaon désigné pour en faire un nouvel Horus.

La religion égyptienne primitive, probablement d’origine atlante, deviendra dualiste lorsqu’elle opposera le dieu bon Osiris (Oussir) à son mauvais frère Seth (Oussit), tous deux censés être les fils de Ptah, le Dieu suprême. Mais ces dieux eux-mêmes avaient eu une naissance. C’est de l’Océan primordial Noum ou Noun que serait né Atoum ou Aton, le Dieu Soleil, duquel était né à son tour un premier couple divin, Chou et Tefnout. C’est des larmes de joie que versa Atoum lors de cette paternité que seraient issus les hommes. Chou et Tefnout donnèrent naissance à Ghêb, la Terre, et à Nout, le Ciel, lesquels engendrèrent Isis, Osiris et Nephthys. La naissance d’Osiris avait d’ailleurs eu lieu en Amentêt (ou Amenti), le séjour des bienheureux, situé en Occident (il s’agit sans doute de l’Atlantide), où Nout, encore vierge, avait été fécondée par l’Esprit, ce dernier ayant pris la forme d’un ibis. Ce n’est que plus tard, sous l’influence d’envahisseurs sémites, lesquels révéraient notamment Seth, le troisième fils d’Adam et d’Ève, que les égyptiens ajouteront Seth aux enfants qu’aurait engendrés Nout. Et c’est après le départ d’Égypte de ces envahisseurs qu’on fera de Seth (Typhon)  l’esprit du mal, le mauvais frère d’Osiris tel que raconté dans le mythe d’Osiris.

La religion osirienne étant un culte à mystères, il fallait y être initié. Abraham et Melkitsédec le furent probablement et aussi Moïse, qui transmit cette initiation à Josué. Il y aurait donc chez les Hébreux une tradition gnostique, qui serait transmise parallèlement à la doctrine monolâtre officielle, tradition où Osiris devint Adam, dont Seth n’est toutefois pas le mauvais frère, mais au contraire un fils, destiné à remplacer Abel, tué par Caïn le réprouvé. Un des éléments essentiels de la doctrine ésotérique osirienne est le principe des émanations : il n’y a qu’un seul Dieu, lumineux et parfait, mais il peut faire émaner de Lui des êtres qui participent de Lui tout en ayant une personnalité distincte de la sienne. D’où l’apparent polythéisme de la religion égyptienne. D’où aussi les éons et les anges de beaucoup de doctrines gnostiques, et même la Trinité chrétienne, qui serait une variante de la trinité égyptienne et de la Trimourti hindouiste. C’est contre les excès de cette conception et ses conséquences que réagit le pharaon Aménophis IV, lequel changera son nom en Akéhnaton et voulut rétablir un monothéisme plus épuré. Mais, après sa mort, le polythéisme officiel reprendra le dessus, et c’est pourquoi certains font l’hypothèse que Moïse entraînera hors d’Égypte presque tous les Hébreux, suivi aussi par quelques égyptiens initiés et même par quelques étrangers. La religion osirienne ayant évolué en Égypte, elle donnera naissance, à l’époque hellénistique, à la doctrine hermétiste, du nom d’Hermès, dieu grec à qui sera assimilé Thot, l’antique législateur égyptien.

Le mythe de Dionysos

Dionysos est le seul dieu grec né d’une mère mortelle. Dès Homère et Hésiode, il est présenté comme le fils de Zeus et de Sémélé, fille du roi de Thèbes Cadmos et d’Harmonie. Sémélé, poussée par Héra, jalouse, déguisée en sa nourrice, demande à contempler Zeus, dont elle est enceinte, dans toute sa majesté. Zeus, ayant promis, doit se présenter muni de sa foudre qui tue sur le champ Sémélé. Zeus tire alors son fils du ventre de sa mère et, s’entaillant la cuisse, y coud l’enfant pour mener sa gestation à terme. C’est l’origine de l’expression «être né de la cuisse de Jupiter», la cuisse pouvant être une désignation euphémique pour les organes sexuels, Dionysos alors pourrait être considéré comme issu directement du sperme  de Zeus.

Dans une autre version, la version orphique du mythe, Dionysos-Zagreus est le fils de Perséphone et de Zeus. Héra, jalouse, demande aux titans (Cronos, Océan, Japet …) de se débarrasser du nouveau-né. Les géants attirent l’enfant Dionysos-Zagreus avec des jouets (qui resteront mystiques : la toupie, le rhombe, les osselets et le miroir), le massacrent et le découpent en morceaux qu’ils font cuire dans un chaudron et qu’ils consomment. Athéna ramasse pourtant son cœur dans un coffre et le donne à Zeus au moyen duquel il féconde ensuite Sémélé. Dionysos est ensuite ressuscité.  C’est à cette seconde tradition, où il est fils de Zeus et de Perséphone, que se rattache le mythe du démembrement de Dionysos.

Pour une narration plus précise sur le culte à Mystères de Dionysos – La quête de l’extase mystique , regardez Ludovic Richer nous en parler.

À la différence d’Osiris qui ressuscite au pays des morts, de l’inconscient, Dionysos meurt une première fois démembré lui aussi, en l’occurrence par les Titans peu après sa naissance, mais il renaît sur terre en Grèce chez les vivants. Poursuivre avec le texte de Marie-Laure Colonna Dionysos ou le temps retrouvé.

Les dionysies étaient des fêtes marquant les équinoxes. Les cultes à Mystères n’étaient pas des cérémonies bacchanales.

Quelle que soit la version, Dionysos connaît deux naissances, ce qui explique l’une de ses épithètes «le deux fois né».

Il y a une tradition pour dire que la tragédie grecque, dans sa forme la plus ancienne, n’avait pas d’autre objet que les souffrances de Dionysos. Pour Nietzsche, dans son livre La naissance de la tragédie, l’art est en même temps ce qui rend supportable l’horreur face au devenir : «Lui seul est à même de plier ce dégoût pour l’horreur et l’absurdité de l’existence à se transformer en représentations capables de rendre la vie possible

Par sa mort et résurrection, son culte rendu avec du pain et du vin, Dionysos, serait un antécédent païen de l’histoire de Jésus (Gnose Qui était Yeshoua 1

G. Mackey en a exploré les Mystères à lire dans son ouvrage The Symbolism of Freemasonry ou à écouter (en anglais).

Pour une interprétation du Corps morcelé de Dionysos par Frédérique Ildefonse : <journals.openedition.org/ateliers/11498>.

Le Mythe de l’éternel retour

Selon Mircea Eliade, historien des religions, l’univers subit la loi d’un éternel recommencement. L’histoire du monde se déroule de façon cyclique. Les astronomes babyloniens avaient découvert que les révolutions des planètes, les révolutions annuelles du soleil et de la lune sont des sous-ensembles d’une même période commune, la grande année, au terme de laquelle le soleil, la lune et les planètes reprennent leur position initiale par rapport aux étoiles fixes. Ils en avaient conclu que la vie de l’univers repasse éternellement par les mêmes phases.

La notion de cycle va alors imprégner de nombreux mythes qui furent inspirés par l’astronomie et le mouvement des astres. La distinction entre le passé et l’avenir s’efface pour laisser place à une vision plus globale du temps, une vision de l’éternel retour pressenti par ces peuples anciens et contemporains.  

Dans toutes les sociétés, il existe une conception de la fin et du début d’une période temporelle, fondée sur les rythmes biologiques et sur la régénération de la vie. L’homme a besoin de fixer des repères dans l’écoulement du temps. Ainsi, toute nouvelle année est une reprise du temps à son commencement, reproduisant la création du monde, le retour à l’unité primordiale, le passage du chaos à l’ordre. Le passé cesse d’être irréparable, ce qui a été peut être revécu et le monde peut se réenchanter. Cette conception est présente dans l’Égypte ancienne, dans les rites à mystères des Grecs anciens, en Inde et en Extrême-Orient, dans les traditions celtes et en Amérique précolombienne.

L’idée générale de temps cyclique est probablement apparue pour la première fois dans la pensée hindoue. Le Samsâra, l’écoulement, désigne la transmigration des âmes, le cycle des renaissances, dont le principal moteur est le karma.  Les hommes sont alors destinés à renaître perpétuellement jusqu’à ce qu’ils atteignent l’éveil, l’illumination. Dans cette conception de la vie, la mort n’est qu’un simple passage d’une existence à une autre.

La doctrine de la transmigration des âmes était étroitement associée aux orphiques, et aux adeptes du philosophe et mathématicien Pythagore. Selon ses enseignements, l’âme, à peine sortie du corps, se retrouve comme en prison dans un autre corps. Elle est condamnée à se réincarner sans cesse à cause d’une souillure primitive. Le cycle des réincarnations est sans fin pour ceux qui ne sont pas initiés.

Dans L’Égypte ancienne, le mythe de l’éternel retour est celui du disque solaire, des crues du Nil, des jours et des saisons. Même au-delà de la mort, on retrouve ce mythe, car il y a une unité cosmique ; la loi de Thot rapportée par les textes des sarcophages commence ainsi : «Tout est cycle. Je recommence à vivre après ma mort. Je ressuscite après la mort.»

Aujourd’hui encore, de nombreux rites agraires, mimant cette renaissance, perdurent en Europe. Toute la doctrine est présente dans Ainsi parlait Zarathoustra de Nietzsche : «Toutes les choses reviennent éternellement, et nous-mêmes avec elles. Tout s’en va, tout revient ; éternellement roule la roue de l’être. Tout meurt et tout refleurit, éternellement se déroule l’année de l’être.»

La question philosophique, et métaphysique, qui se noue derrière est, d’une part, celle du temps cyclique, indéfini, impensable en sa fin et donc structuré en une circularité qui va d’une création à un chaos ultime, où tout se refond et se refonde figuré par un cercle, d’autre part, celle d’une théologie, d’une finalité terminale, figurée par une progression linéaire. L’entrée dans un temps historicisé est inaugurée d’abord par la transgression d’Adam et Ève, ensuite par la sortie d’Égypte. Parallèlement, la représentation du temps cosmique est maintenue grâce à l’importance accordée aux cycles du calendrier et aux rituels (shabbat, jachère, jubilé). C’est avec la Bible que naît l’idée d’un temps qui se déploie à partir d’un commencement et qui va vers une fin. La théologie chrétienne, dès les premiers conciles, tente de valoriser une linéarité qu’elle oppose aux représentations cycliques des civilisations dites «païennes», ruinant les représentations cycliques agricoles et fondant un temps historique unique. Pour Papus, l’apprenti sera alors la graine qui éclot; le compagnon. la plante qui fleurit; le maître, la plante qui fructifie et le fruit qui tombe pour générer de nouvelles plantes par la fructification qui libère les graines contenues en lui.

L’éternel retour, également, n’est pas exactement un retour au «même». Dans le labyrinthe, la dialectique du «même» et de «l’autre» s’estompe. Le trajet labyrinthique est une progression régressive : la spirale contraint tout «voyageur» à revenir sur ses pas, on ne s’approche donc du centre qu’en s’en éloignant. On avance à coups de mémoire. Sortir du labyrinthe, revenir à la lumière, ne signifie pas retrouver un état antérieur qui soit le même – ce qu’indique la répétition- c’est une nouvelle naissance. On peut parler d’une «régression en avant» dans la mesure où la mémoire, le fil d’Ariane, annonce un futur. Il s’agit d’une mémoire eschatologique, d’une mémoire espérance. (Philippe Borgeaud, Exercice de mythologie, page 36)

On peut dire que le temps cyclique est un temps extérieur (chronos) mesurant le temps des horloges à l’intérieur duquel se vit un temps linéaire irréversible (Kairos) de la vie individuelle. «Chronos met en évidence l’élément quantitatif, calculable et répétitif du processus temporel» ; «Kairos désigne au contraire un élément qualitatif qui se signale par son absolue singularité».

Les Mythes solaires

Une histoire symbolique est une histoire combinée de telle sorte que l’évolution des personnages indique exactement l’évolution de la nature. Les mythologues modernes ont montré que toutes les histoires qui se rapportent aux divinités hindoues, égyptiennes, grecques, romaines et même au Christ n’étaient que des peintures plus ou moins parfaites de la marche du soleil ; de là le nom de “mythes solaires donné” à tous ces récits.

Dans la plupart des mythes ou légendes solaires, il y a un héros frappé à mort par un monstre, un génie, un assassin. Ce héros a une épouse, un fils.  Il est le soleil, sa femme est la terre, son fils l’homme. Malgré leurs divergences de récit, ces mythes arrivent tous à la même finalité : tantôt le héros ressuscite, tantôt il est vengé et remplacé par son fils. Le franc-maçon, en tant que fils de la veuve, est l’enfant qui devient homme en prenant la place d’Hiram.

Avec les heures d’ouverture et de fermeture des tenues, la présence des deux luminaires, le ciel étoilé, les paroles du rituel concernant le Vénérable placé à l’orient pour ouvrir les travaux, le chandelier à sept branches, la Franc-maçonnerie est bien positionnée au cœur d’allégories solaires. La loge est orientée selon la course solaire et les fêtes johanniques sont liées au culte solaire.

En tenue au troisième grade, ceux qui se déplacent à l’intérieur du temple ne marquent plus les angles comme ils le faisaient au grade précédent à l’image de la course du soleil mais aussi à l’image de la vie terrestre qui se précipite d’un seul élan de la naissance à la mort. L’assassinat d’Hiram, pris dans le style figuré ou allégorique, est comme la passion d’Osiris, comme celle d’Adonis, d’Atys, et de Mithra, un fait de l’imagination de prêtres astronomes, qui avaient pour but la peinture de l’absence du soleil sur la terre.

Le mythe d’Innana/Ishtar

Les anciens textes sumériens décrivent plusieurs divinités, masculines et féminines, mais une déesse était vénérée plus que toutes autres divinités, pendant des milliers d’années. C’est Inanna, la Grande Déesse astrale adorée depuis le début de la culture sumérienne. Elle s’est transformée en Ishtar plus tardivement en Mésopotamie akkadienne, en Anat et Atargatis en ancienne Syrie, en Ashtoreth et Astarté à Canaan et Israël, en Aphrodite à Chypre, en Athéna et Aphrodite en Grèce. Mariée à Tammouz (voir ci-dessous le mythe suivant), amoureuse repoussée par Gilgamesh dont elle se vengera.

Un ancien poème provenant de Nipur, un centre culturel et spirituel d’Akkadie, rapporte l’histoire de la descente d’Inanna dans le monde d’en bas. Au milieu de son règne en tant que reine des Cieux et de la Terre, Inanna décide de descendre dans le Monde d’en bas, le royaume de la mort gouverné par sa sombre sœur, Ereshkigal. Prévoyante, elle donne instructions à sa ministre, la déesse Ninshubar, d’attendre son retour dans trois jours. Si au bout de trois jours elle n’était toujours pas revenue, Ninshubar se lamenterait en battant le tambour pour elle. Inanna doit passer par sept portails dans sa descente. À chaque portail, elle est forcée d’abandonner des éléments de construction de son identité culturelle et sociale (ses 7 pouvoirs magiques volés au dieu Enki (qui veut dire qui suis-je ?), fondamentaux de la vie). Lorsqu’elle atteint enfin la dernière chambre caverneuse où se trouve Ereshkigal, elle est complètement nue et abaissée.

Les sept portes à travers lesquelles Inanna passe et descend dans le Monde d’en bas rappellent les sept niveaux de la ziggurat, comme les sept chakras du corps psychique hindou, et représentent les sept niveaux de conscience. Inanna doit descendre du plus haut niveau de sa divinité jusqu’à l’état le plus primitif de conscience.

Ereshkigal et les sept juges du Monde d’en bas entourent l’impuissante déesse et posent leur jugement contre elle. Parce qu’elle a traversé le royaume des morts, elle aussi doit mourir. Elle est tuée et son cadavre est suspendu sur un crochet à viande. Après trois jours et trois nuits, Ninshubar se met à se lamenter, battant son tambour, se plaignant aux dieux afin qu’Inanna revienne. Enki, le dieu de l’eau et de la sagesse, envoie deux esprits asexués qui libèrent Inanna en lui donnant la nourriture et l’eau de vie. Lorsqu’Inanna est ressuscitée, elle peut retourner chez elle, mais à une condition : elle doit trouver quelqu’un pour la remplacer dans le Monde d’en bas.

Sa renaissance préfigure dans les rites de résurrection des cultes à mystères qui ont fleuri dans le monde classique et dans lesquels les initiés recevaient leur vie nouvelle grâce au corps et au sang d’une divinité. Ce concept est symboliquement repris dans les rites de communion chrétiens.

Le mythe de Tammouz

Tammouz ou Tammuz, Dumuzi chez les Sumériens, est le dieu de la végétation, symbole de la mort et de la renaissance de la nature.

Chaque année pendant l’autommne il meurt, entrainé vers les enfers par les sept démons Gallus. Alors, la sécheresse et la désolation règnent sur terre. Mais Ishtar son épouse ira l’y rechercher.

Ishtar, déesse de l’amour et de la guerre, qui régit la vie et la mort, épouse le berger Tammouz qui devint ainsi le souverain de la cité. Un jour, Ishtar (Innana) décide de descendre aux Enfers, séjour des morts, pour supplanter sa sœur aînée, pour y abolir la mort. Elle réussit à pénétrer dans le palais de sa sœur, mais doit se dépouiller de tous ses vêtements et abandonner tout son pouvoir. Sa sœur la fixe alors du regard de la mort et son corps devient inerte. Des messagers venus du monde d’en-haut parviennent à la rejoindre, mais les sept juges de l’enfer la retiennent en disant: «Qui donc, descendu aux enfers, est jamais remonté de l’enfer sans dommage ? Si Ishtar veut remonter des enfers, qu’elle fournisse un remplaçant». Le remplaçant sera son mari Tammouz. Devant les lamentations de Tammouz, la souveraine des enfers, regrettant la perte de son époux, obtient des dieux l’autorisation de son retour cyclique parmi les vivants pour redonner à la vie sa puissance fertile ; il ne restera qu’une moitié de l’année dans le monde des morts et sa sœur le remplacera pour l’autre moitié.

Quand l’agriculture et l’élevage furent des faits acquis, et à mesure que le rôle du mâle dans la génération apparut comme un élément vital, on adjoignit à la Genitrix, qu’elle fut appelée Terre-Mère ou reine des cieux ou autrement, un époux destiné à jouer le rôle essentiel de procréateur, même si en Mésopotamie, il n’était que le serviteur ou le fils de la Déesse, productrice de toute vie. Dans les communautés agricoles comme celles des vallées du Tigre et de l’Euphrate, lorsque le culte de la naissance fut rattaché au cycle saisonnier et aux rites de la végétation, la Déesse-Terre fut considérée comme détenant la fécondité de l’ensemble de la nature et devint ainsi chargée du renouveau périodique du sol, renouveau qui se produisait après les froids de l’hiver ou la sécheresse de l’été. En conséquence, elle prenait la forme d’une déesse aux aspects multiples, au caractère à la fois maternel dont Ishtar n’est que l’un des noms.

La nécessité allégorique exigeait l’union de la déesse qui incarnait la fertilité en général avec le dieu qui personnifiait le pouvoir créateur du printemps. Selon le cycle normal des saisons, il mourait et passait dans le séjour de nuit et de la mort, d’où les mortels ordinaires ne peuvent pas revenir. En Mésopotamie, la terre-mère était la source intarissable de la vie nouvelle. C’est elle qui permettait à la végétation de se renouveler, qui veillait sur les récoltes et qui présidait à la propagation de la race humaine comme à celle des espèces animales. Sous son aspect d’Inanna-Ishtar, par ses noces avec Doummouzi-Tammouz, dieu qui incarnait le renouveau printanier, elle symbolisait et même produisait effectivement le renouveau de la végétation, qui délivrait la terre d’une stérilité néfaste. Mais cette union ne devenait effective qu’après la lutte perpétuellement renouvelée entre les deux forces naturelles opposées : celle de la fécondité et celle de la stérilité. Une fois cette lutte victorieusement terminée par le triomphe du bien, Tammouz sauvé du royaume de la mort et rendu à la lumière dans tout l’épanouissement de sa virilité, la vie se répandait à nouveau sur la terre. C’est du retour de «l’enfant ressuscité» de la Déesse que dépendait l’élan nouveau qui faisait jaillir de la terre desséchée le flux vital.

Ce mythe permettait d’expliquer aux humains la succession des saisons et les différentes modifications de la nature au cours du déroulement de l’année ; à l’automne et en hiver, Tammouz est absent parmi les vivants, à son retour au printemps et en été, la vie réapparaît sur terre. Après sa mort et sa résurrection, il sera mis au rang des dieux. Son culte se répandit en Syrie, en Phénicie et jusqu’en Judée, et il portera alors aussi les noms d’Adonis, Eshmoûn, Simon, Doumouzi.

Le mythe d’Adonis

Adonis est le type de héros de toutes les initiations. Les femmes grecques se faisaient un pieux devoir de pleurer aux cérémonies commémoratives de la mort d’Adonis, tué par un sanglier furieux. Cette légende illustre le rite solaire où le soleil féconde d’abord la nature pendant le printemps et l’été. Après cette époque, cet astre perd ses facultés productives. Voilà pourquoi, dans l’automne, Adonis allant à la chasse, est terrassé par un sanglier (symbole de l’hiver), qui le mutile et le prive de ses facultés génératrices. Avant d’être rendu à Vénus, qui déplore sa perte, ce dieu, dont la mutilation et la mort ne sont qu’une fiction, doit passer les six autres mois de l’année avec la Vénus (ou la nature) de l’hémisphère inférieur, cette femme des constellations, placée sur les sphères, devant le serpent, prœ serpens, d’où vient le nom de Proserpine. Voilà donc le soleil du printemps ou de l’été, mourant en automne, pour revenir au printemps suivant.

Le mythe de Perséphone/Proserpine

Perséphone occupe une place importante dans les cultes de nombreuses villes, en particulier ceux d’Éleusis, de Thèbes et de Mégare, ainsi qu’en Sicile et en Arcadie.

Divinité infernale, elle est aussi à l’origine une déesse du blé, comme sa mère Déméter. Chez les Grecs, la fertilité du sol est étroitement liée à la mort, et les grains de semence sont conservés dans l’obscurité pendant les mois d’été pour la germination, avant les semailles de l’automne. Ce retour de la vie après l’ensevelissement est symbolisé par le mythe de Perséphone, enlevée, puis restituée qui a donné naissance aux rites des mystères d’Éleusis. Pour les fidèles, le retour sur terre de la déesse est une promesse formelle de leur propre résurrection.Ce mythe de l’agriculture est à rapprocher du mythe de Mithra.

La rupture d’une relation naturelle et fusionnelle entre Perséphone et sa mère, la déesse des moissons Déméter, est l’occasion d’une réflexion sur une problématique centrale à tout processus d’émergence : la confrontation à l’éloignement. L’enlèvement de la jeune fille par son oncle, le roi des morts, le refus de la Korê (la jeune fille) de s’unir à lui, le compromis trouvé entre la volonté d’Hadès et les incessantes résistances de la mère et de la fille face à la coupure, conduisent à une interrogation sur le travail du négatif, plus précisément sur la tension entre séparation nécessaire et séparation impossible et sur le sens de cette tension pour le processus créateur.

Le mythe de Déméter-Cérès

Cette déesse est en fait une divinité unique honorée par tout l’univers, mais sous différentes formes, sous divers noms, par différences cérémonies. Les Phrygiens, les premiers nés des hommes l’appellent la Pessinontienne mère des Dieux ; les Athéniens, Minerve Cécropienne ; les Chypriens, Vénus Paphienne ; les Crètois, Diane Dictynne ; les Siciliens, Proserpine Scygienne ; les Éléusiniens, l’ancienne Déesse Cérès ; elle est surnommée Cabiria par les Thébains ; par d’autres, Junon ; par d’autres encore, Bellone ; quelques-uns, Hécate ; quelques autres, Rhamnusie. Mais les Égyptiens, qui sont instruits de l’ancienne doctrine, l’honorent avec des cérémonies qui lui sont propres et l’appellent de son véritable nom, la Reine Isis. Déméter, dont le nom, sans doute une concaténation des mots grecs signifiant «terre et mère», était la déesse de l’agriculture et des moissons. Elle représentait la terre cultivée et féconde contrairement aux autres déesses comme Gaia ou Rhéa qui personnifiait la terre en tant que matière. C’est elle qui facilitait la germination et la pousse des plantes.

Fille de Cronos et Rhéa, elle fait partie des douze Olympiens même si elle préférait résider à Éleusis au contact de la terre plutôt que sur l’Olympe.

Elle fut assimilée par les Romains sous le nom de Cérès qui était une divinité latine très ancienne associée aux moissons. Anciennement en Attique, les morts s’appelaient les céréaliens.

Quand Hadès, souverain des morts, enleva sa fille Perséphone pour en faire son épouse, Déméter partit à sa recherche et négligea les récoltes de la terre. En prenant la forme d’une vieille femme nommée Doso, elle erra pendant neuf (9) jours. Se rendant compte qu’une famine menaçait les mortels, Zeus se décida à envoyer Hermès au royaume d’Hadès pour lui demander de rendre Perséphone à sa mère. Mais Perséphone avait mangé six pépins de la grenade offerte par Hadès, en guise de dernière ruse pour la garder avec lui ; la tradition voulait que quiconque mangerait dans le royaume des morts ne puisse le quitter. Zeus s’entendit pour que Perséphone passe les six mois cultivables sur la terre avec sa mère et les six mois du reste de l’année avec son époux. C’est de ce mythe de Perséphone qu’est né le cycle des saisons dans la mythologie grecque.

Son culte est fondé sur le rythme des saisons; il est à la source des Mystères d’Éleusis. Le secret de ses Mystères était très bien gardé et sa divulgation était punie de la peine de mort ; Eschyle faillit en être condamné.

Démeter était aussi particulièrement vénérée par les femmes, par exemple lors des Thesmophories à Athènes, cérémonie qui reçut son nom de l’épithète de la déesse Thesmophoros (la Législatrice) et qui était réservée aux femmes ; celles-ci rendaient un culte à la fertilité aussi bien pour elles-mêmes que pour la cité ; Aristophane en fait le sujet de sa comédie, Les Thesmophories.

Les temples de Démeter, appelés mégara, se trouvaient souvent dans les forêts.

Bernard Dov Hercenberg remarque,dans son article Le mythe de Déméter et la tension entre la séparation tentée et la séparation impossible, que le mouvement de retour qui est présent dans le mythe de Déméter n’est pas sans rappeler certains paramètres de l’Aufhebung hégélienne et de l’Überwindung nietzschéenne. Non seulement parce que cet éternel retour implique une confrontation au négatif mais parce que ces allers et retours se font par des mouvements de montée et de descente. Car Perséphone est celle qui répétitivement s’enfonce dans le sein de la terre pour aller vers le royaume d’Hadès et répétitivement remonte à ciel ouvert retrouver sa mère. Le mouvement de Perséphone pour faire face à la négativité s’accomplit par d’incessantes montées et descentes qui, en somme, font le tour de la négativité d’une part, de la vie et de la lumière d’autre part. Ces descentes et ces remontées permettent une reconnaissance des différences et une prise en compte du tout. Elles articulent une connaissance dont l’une des caractéristiques est, d’une certaine façon, un «surmontement» du négatif et de la différence. Dans ce sens, elles ne sont pas sans évoquer les montées et les descentes dont parle la philosophie depuis Platon à propos du rapport entre le sensible et le suprasensible. Le mythe shintoïste de la déesse Amaterasu est, à rapprocher de celui de Déméter. Cette divinité féminine aurait introduit la riziculture, la culture du blé et les vers à soie. Dans la légende la plus célèbre à son sujet, elle s’enferme dans une grotte, provoquant des catastrophes sur la terre et dans les cieux.

Le Mythe de Mithra

Mithra est une divinité indo-européenne. Plusieurs documents hittites confirment son existence dès le IIe millénaire avant J.-C.

Le nom Mithra est formé du persan mithri ou mether qui signifie Seigneur, titre que donnent au dieu Mithra quantité d’inscriptions, en particulier Julien l’apostat qui l’appelait tantôt roi de toutes choses, tantôt seigneur, ici témoin, là père et quelque fois protecteur. Les Gaulois avaient la même idée que les Perses et les Romains, ils qualifiaient le soleil de Seigneur de l’Empire romain.

En l’absence de textes sur le mithraïsme, écrits par les adeptes eux-mêmes, les principales sources d’information exploitables sont les images sacrées trouvées dans les mithræa.

Mithra naît d’une roche féconde, la Pétra géneratrix,au pied d’un arbre sacré, près d’une source cultuelle, avec un bonnet phrygien sur la tête, un couteau de chasse dans une main et un flambeau dans l’autre. Des bergers, venus adorer l’enfant dieu, prirent soin de lui et lui offrirent du bétail et des fruits de la terre. Étant nu, il coupe les feuilles d’un figuier et s’en fait un pagne, cueille les fruits et les mange. Puis il se met en marche pour affronter les puissances qui peuplent  l’univers.

Il rencontre le taureau primordial qui paissait dans les montagnes, décide de le monter mais, dans le galop sauvage de la bête, Mithra tombe  et s’accroche aux cornes de l’animal. La bête épuisée, Mithra l’attache et la charge sur ses épaules. Ce voyage avec le taureau se nomme Transitus.

Quand Mithra arrive dans la grotte, un corbeau envoyé par le Soleil lui annonce qu’il devrait faire un sacrifice. Flanqué de deux dadophores (qui portent des torches), Cautès torche levée et Cautopatès torche baissée, représentant respectivement le lever et le coucher du soleil (ou les signes du zodiaque qui marquent l’entrée, le premier dans la saison chaude, le second dans la saison froide)un genou sur le taureau, Mithra plante un couteau dans sa gorge tournant les yeux vers le corbeau, messager du Soleil. Touché au cœur le taureau s’effondre. De la colonne vertébrale du taureau sort du blé, et de son sang coule du vin.

Pour approfondir les origines du mythe, compléter avec le texte de  René P. Bacqué de Balagué, Mithra, un dieu franc-maçon, vraiment ?

Furibond, l’esprit du mal Angra Mayniu se déchaîne contre les bienfaits du taureau qu’il décide d’anéantir, en envoyant des animaux impurs pour détruire la source de la vie. Arrivent alors le chien qui mange le grain, le scorpion qui serre les testicules de la bête avec ses pinces, le serpent  buvant le sang de la blessure. Mais la Lune, fidèle compagne du Soleil, avec son aide, rassemble et purifie la semence du taureau pour parachever le travail de Mithra, donnant naissance à toutes sortes d’animaux utiles. Furieux, Angra Mayniu, dépêche une multitude de calamités contre les hommes  dont un déluge destiné à rayer l’humanité de la création.  Heureusement Mithra veillait et avertit un homme qui construit une arche solide pour sauver les créations terrestres.

À court d’imagination, l’esprit du mal Angra Mayniu, cesse provisoirement toutes tentatives contre les hommes.

Après avoir accompli la mission que le dieu Ahura Mazda lui avait confiée, Mithra participe, avec son vieil ami le Soleil à un dernier banquet solennel, ou il mange le pain et boit le vin. Ensuite il s’élève au ciel où il continuera de vivre veillant sur les hommes et les protégeant du mal.

Quant au taureau sacrifié il fut élevé au ciel où il devint une constellation.

Le Mithraïsme avec Thierry Rodmacq 

Le mythe de Mithra n’est pas sans rappeler des éléments d’autres traditions. Comme il leur est antérieur, on peut se poser la question de l’influence de ce mythe sur ceux du déluge, du solstice, de l’eucharistie, de l’Ascension, de Jésus en somme, et pourquoi pas de la Franc-maçonnerie. (Gnose Qui était Yeshoua 2).

Le mythe d’Odin

Odin est le dieu principal de la mythologie nordique. Son rôle, comme pour la plupart des dieux nordiques, est complexe, étant donné ses fonctions multiples : dieu du savoir, de la victoire et de la mort. Dans une moindre mesure, il est également considéré comme le patron de la magie, de la poésie, des prophéties, de la guerre et de la chasse.

Odin est représenté comme un homme âgé, barbu et borgne. Il est une divinité polymorphe. Il se déplace sur un cheval à huit jambes nommé Sleipnir, armé de sa lance Gungnir. Lorsqu’il est dans son palais, la Valhöll, les deux corbeaux Hugin (la pensée) et Munin (la mémoire) lui racontent à l’oreille ce qu’ils ont vu des neuf mondes. De plus, deux loups, Geri et Freki, restent à ses pieds. Son trône, Hlidskjalf, lui permet de voir tout ce qui existe dans les neuf mondes. Mimir est un géant, incarnation de la mémoire dans la mythologie germanique. «Odin voulait connaître les runes et les révéler. Les runes, ces signes mystérieux, écriture secrète et magique, symboles d’une connaissance interdite auxquelles les dieux n’avaient pas accès. Neuf jours et neuf nuits, il médita dans l’ombre protectrice d’Ygdrasil. Puis il demanda aux autres dieux de réaliser son désir. C’était un véritable sacrilège que de réclamer ce pouvoir interdit aux dieux, aussi refusèrent-ils. Alors Odin demanda l’arbitrage des Nomes (déesses vierges celto-druidiques : Urd : la sœur aînée, enroule les fis autour du fuseau, donnant ainsi la vie en «créant» littéralement de nouvelles destinées. Verdandi : file la laine et choisit la direction que chaque fil de destinée prendra. Skuld : la cadette est associée à la mort qu’elle décide en coupant les fils), les tisseuses qui tissent le destin, symbolisé par le triskèle. Les gardiennes des portes sombres, après réflexion, lui furent favorables, mais elles lui imposèrent de terribles conditions. Odin accepta le sacrifice, en toute connaissance de cause. Il se pencha sur la fontaine de Mimir. Comme il ne voyait rien, il sacrifia son œil droit, qui tomba dans la source sacrée. Alors il vit. Il vit les temps infinis, la profondeur de la mémoire, le passé et le futur des hommes. Puis, il se perça le flanc de sa lance et les dieux le pendirent, la tête en bas, par un pied, sur l’if sacré où il était né. Tous les bourgeons de l’arbre se mirent à saigner. Pendant neuf terribles nuits de souffrance, le dieu borgne resta suspendu à Ygdrasil. Neuf nuits, comme il faut neuf mois pour faire un homme… Alors que les ténèbres cédaient la place au soleil, le dieu fut illuminé par la lumière des runes enfin révélées. En découvrant les runes, Odin devint «le prince du pouvoir gravé». Odin enseigna qu’il faut utiliser les runes dans toutes les circonstances de la vie, car elles sont un guide, une aide, elles sont l’espoir des désespérés, les fidèles compagnes du cœur brisé par la solitude». Il était un Dieu ase de la sagesse et une des deux divinités envoyées en échange de la paix aux Vanes. Mais ces derniers, en réalisant qu’ils avaient été bernés, décapitèrent le Dieu et envoyèrent sa tête aux Ases. Toutefois, Odin l’enduisit d’une mixture d’herbes pour qu’elle ne pourrisse pas et il l’enchanta de sortilèges. Une fois ramenée à la vie, la tête était capable de parler et de révéler des secrets occultes, de nombreuses vérités que personne d’autre ne connaît. Odin la plaça sous les racines d’Yggdrasil près du puits au même nom que la tête momifiée. Il devient ainsi le gardien de la Mimisbrunn, la «source de Mimir», source qui renferme la sagesse et l’intelligence.

Frêne mythologique de la religion scandinave primitive datant de 2500 ans avant J.-C. l’Yggdrasil, l’arbre-monde vient de la mort d’Ymir, le géant primordial né du chaos. Tué par ses fils, il se métamorphosa. Le sang du géant se changea en mer, son crâne se transforma en arc en ciel (le Bifrost), ses poumons en nuages, ses os en montagnes et ses cheveux en arbre-pilier du monde et de toutes natures. Les bouleversements d’Ymir ont créé un Nouveau Monde c’est sa renaissance dans la mort. Il vit dans le monde dont il est la seul source.

Sur lui reposent neuf royaumes. Il aurait trois racines, dont l’une puise à la fontaine d’Urd, là où les Ases tenaient conseil et où les Nornes, vieilles sorcières très sages et craintes des dieux, fixent la durée de la vie  des hommes, versant sur l’arbre l’eau de cette fontaine afin de lui assurer une sève et une verdure perpétuelles. La deuxième racine s’étend vers le pays des géants ; elle puise à la fontaine de Mimir censée contenir la source de toute sagesse ; la fontaine est gardée par un géant et abrite la tête du dieu Mimir qui détient les secrets de l’univers. Quant à la troisième racine, elle  provient de Nieflein, l’enfer scandinave, où elle est constamment rongée par un dragon, Nídhögg, mais où elle se régénère sans cesse.

En d’autres termes, on pourrait dire que l’arbre du monde puise son énergie dans les expériences vécues (la mémoire ancestrale), les connaissances secrètes (les secrets de l’univers et des dieux), et dans la destinée des êtres (l’évolution de la conscience).

Sur la branche la plus élevée d’Yggdrasil se tient un aigle, tandis que d’autres animaux sont perchés sur les autres rameaux : une chèvre, un cerf, de ses cornes ruisselle l’eau qui tombe dans Hvergelmir, un écureuil, Ratatosk, courant sans cesse dans l’arbre, ne cessant de semer la discorde entre le dragon et l’aigle.

Voir l’article de Mircea Eliade : Le mythe d’Yggdrasil, l’arbre cosmique des scandinaves.

Le Mythe des Cabiri

Les Cabiris étaient des dieux dont le culte était d’abord établi dans l’île de Samothrace, où les Mystères de Cabiric étaient pratiqués. Les dieux appelés les Cabiri étaient à l’origine deux, et ensuite quatre, ils sont supposés, par Bryant, faire référence à Noé et à ses trois fils ; les Mystères de Cabiric étant une modification du culte de la déesse-lune (Astartée ou Ishtar) à laquelle on consacrait des arcs en bois d’acacia.

Dans ces mystères, il y eut une cérémonie appelée la «mort cabrique», dans laquelle se représentaient au milieu des gémissements et des larmes et de la réjouissance subséquente des initiés, la mort et la restauration à la vie de Cadmillus, le plus jeune des Cabiri. La légende raconte qu’il avait été tué par ses trois Frères qui s’enfuirent ensuite avec ses parties viriles dans un panier mystique. Son corps, couronné de fleurs, fut enterré au pied du mont Olympus. Clément d’Alexandrie parle de la légende comme du mystère sacré d’un frère tué par ses frères ou dans  l’original comme frater trucidatus a fratribus. Certains auteurs supposent que les trois Cabiri, ou Corybantes, symbolisent le soleil, la lune et la terre, censée être tuée dans l’éclipse, et citent les mots d’Hésiode – «Taché de sang et tombant entre les mains de deux corps célestes.»

Le Casmillus tué avait la même signification que le dieu solaire osirien dans les livres phéniciens, babyloniens et égyptiens. Le sang, auquel il est fait référence dans la version phrygienne des rites cabiriques rappellerait les cosmogonies avec quelques références curieuses qui peuvent caractériser la circoncision, le baptême de sang mythique, et le Taurobolium ou le baptême de taureaux (John Yarker, The Arcanes Schools, 1909 : <hermetics.org/yarker2.html>).

Goblet D’Aviella raconte dans son livre Origine du grade de maître dans la Franc-maçonnerie (1905) : Dans les  mystères des Cabires, à Samothrace, on mettait en scène l’histoire tragique des trois frères, Axiéros, Axio-kërsos et Axiokersa. D’après la version de la légende que rapporte Pirmicus Maternus, deux des Cabires mettaient le troisième à mort et l’enterraient au pied du mont Olympe ; il était ensiiite ramené à la vie par Hermès. La décoration de certains miroirs étrusques repré-sente les scènes successives de ce drame. Dans l’une, on voit Axiéros saisi par ses frères, devant deux colonnes à. cliapiteau corinthien. Dans une autre, Hermès, accompagné de deux satyres qui lui servent d’acolytes, s’approche du corps et s’efforce de le ressusciter avec sa baguette magique.

Les dieux cabiriques étaient considérés comme les instructeurs de l’humanité dans toutes les connaissances utiles; les rites magiques, la construction, la fusion et le travail des métaux, la construction navale, la musique, etc., étaient dénommés Technites ou artificiers. Sanconiathon dit qu’Ouranos était le père des sculpteurs, tout comme Hiram le père ou Abiv des maçons, les métallurgistes, les sculpteurs et les teinturiers, et en vérité un Cabir.

Il est généralement supposé que ces mystères ont été institués en l’honneur d’Atys, le fils de Cybèle ou Déméter, dont Cadmillus était seulement un autre nom. Selon Macrobius, Atys était une des appellations du soleil, et nous savons que les mystères ont été célébrés à l’équinoxe vernal. Ils durèrent trois jours, pendant lesquels ils représentaient dans la personne d’Atys, ou de Cadmillus (le plus jeune des Cabiri), la mort énigmatique du soleil en hiver, et sa régénération au printemps. Selon toute probabilité, dans l’initiation, le candidat traversait un drame dont le sujet était la mort violente. La «mort cabrique» était, en fait, une légende, comme on peut le comprendre, très analogue en esprit à celle du troisième degré de la Franc-maçonnerie hiramique.

Alors l’époptie d’Hiram présentée aux francs-maçons est-elle un conte, une légende ou un mythe? Qu’en pensez-vous?

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Solange Sudarskis
Solange Sudarskis
Maître de conférences honoraire, chevalier des Palmes académiques. Initiée au Droit Humain en 1977. Auteur de plusieurs livres maçonniques dont le "Dictionnaire vagabond de la pensée maçonnique", prix littéraire de l'Institut Maçonnique de France 2017, catégorie « Essais et Symbolisme ».

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