ven 22 novembre 2024 - 09:11

Les Arts Libéraux et Sciences Libérales : L’Arithmétique

De notre confrère blog-glif.fr

L’arithmétique est la première des quatre sciences du Quadrivium, dont l’étude fut préconisée aux Maçons opératifs par les plus Anciens Devoirs. Pourquoi encore aujourd’hui la préconiser aux Maçons spéculatifs ?

L’arithmétique est la science des nombres. Il est clair que l’arithmétique fut d’abord conçue comme un outil pour dénombrer : un mouton, deux moutons, trois moutons ; puis pour mesurer : la surface de mon champ, de ton champ, de son champ, la capacité des volumes, etc., et donc des nombres pour comparer des objets physiques, relativement à une norme unitaire de référence. Donc des usages à destination de besoins pratiques.

Certes progressivement, au-delà de ses applications concrètes, les mathématiciens ont fait de l’arithmétique un domaine en soi. Ils ont établi des relations et des combinaisons entre les nombres et ont construit des théorèmes, des lois, des catégories, des formules. Avec ces exercices mentaux, les mathématiciens ont fait passer le nombre de simple objet formel (la mesure d’une quantité concrète) à un concept d’« être de raison » (pure création de pensée) ; ils ont fait entrer l’arithmétique dans l’abstraction.

Auteur Blaise Pascal (1623-1662) Bibliothèque du Patrimoine de Clermont-Auvergne-Métropole

Les ouvriers bâtisseurs et surtout les chefs de chantier, eurent et ont toujours besoin de l’arithmétique, même encore aujourd’hui, mais sous forme d’informatique et d’Internet, pour définir cotes exactes et proportions justes. Ces nouveaux outils informatiques font presqu’oublier ce qu’était l’arithmétique, ses additions, ses soustractions, ses tables de multiplications, et ses règles de la division, et par quelles techniques apprises en classes élémentaires ces opérations sont effectuées.

Mais si l’on comprend l’utilité toujours actuelle de l’arithmétique pour les Maçons opératifs, en quoi les Maçons spéculatifs seraient-ils concernés ?

Pour ce qui nous concerne, nous Maçons spéculatifs, il y a aussi la possibilité d’une vision inattendue sur le rapport entre nombres et symboles maçonniques. Pour cela, il est nécessaire de bien distinguer la notion de « nombre » de celle de « chiffre », d’autant que, dans la vie courante, l’usage indu s’est pris de confondre souvent les deux.

Le « nombre » indique une quantité, et plus précisément une quantité … d’unités ; le chiffre est, lui, un simple symbole, un signe conventionnel, utilisés pour figurer simplement le nombre. Le chiffre ne porte en lui en propre aucune quantité ; il sert à donner au nombre la signification visuelle de la quantité d’unités que le nombre comporte.

Prenons un exemple : le nombre 453. Il indique la quantité de 453 fois l’unité. Imagine-t-on ce nombre écrit uniquement à l’aide de 453 « 1 » additionnés ? Comment le lire et comment le reconnaître d’un nombre voisin ? Nous avons là trois chiffres, purs symboles, qui indiquent respectivement la quantité de trois unités plus cinq dizaines d’unités et enfin quatre centaines d’unités, le tout additionné pour faire une quantité de quatre-cents et cinquante-trois unités. D’où l’usage pratique du chiffre en tant que symbole pour signifier un nombre.

Les chiffres sont des symboles d’écriture, commodes pour éviter de répéter autant de fois la présence de l’unité !

Nous sommes habitués à vivre dans les symboles, dans tous les domaines matériels ou spirituels. Rien d’étonnant, puisque pour se relier aux réalités les plus plates jusqu’aux mystères les plus hauts, les humains utilisent des symboles, c’est-à-dire l’association d’une part visible et signifiante avec une part invisible et signifiée. Grâce au symbole, la vue perce ses propres limitations sensorielles liées à notre condition humaine.

Ainsi, contemplant les symboles si simples du Tableau de Loge, nous avons accès à ce qui n’a pas de fin, donc à l’infinité de pensées, par l’association de la raison et de l’imagination dans le symbole. À ceci près que le symbole maçonnique ne porte pas de quantité mais une qualité sous-jacente à l’image.

C’est peut-être là le point commun et le vrai bénéfice indirect de la réflexion sur l’arithmétique sur l’ésotérisme maçonnique : provoquer, chez les Maçons, la percée du regard mental pour aller au-delà des apparences. Les percées peuvent donner naissance à de véritables fulgurances de vision : la réalité vivante, cachée sous l’apparence. Et cela n’est que bien pour le regard que nous portons sur nos symboles.

Un profane intrus dans une loge, dira : «J’ai eu le temps d’apercevoir qu’il y a sur une table une équerre, un compas et un livre que je n’ai pas eu le temps d’identifier ; ne m’en demandez pas plus. » Un Maçon opératif dira : « Ce sont là les instruments de base du Métier : une équerre pour vérifier la planéité des pierres taillées, un compas pour marquer tantôt les proportions, tantôt à tracer des lignes courbes, une Bible car le Psaume 126/127 rappelle : ‘Si Dieu ne construit la maison, en vain travaillent les Maçons’. » Un Maçon spéculatif, par percée de pensée, y verra une infinité de lumières initiatiques : « Suis-je un homme de franche rectitude ou fais-je semblant de l’être par posture ? Suis-je vraiment tranquille quand le Grand Architecte de l’Univers posera son équerre sur ma pierre au Jugement Dernier ? Suis-je toujours dans les justes proportions envers moi-même et à ma place dans la société quand je pense, je veux agir, j’agis ? Suis-je vraiment passé de l’équerre au compas, c’est-à-dire, ai-je réussi à passer d’un comportement social droit et juste au compagnonnage du parachèvement de la Création, ou suis-je resté un ouvrier peu utile sur le grand chantier du monde ? Ai-je entendu et appliqué dans tous les compartiments de la vie ici-bas, les préceptes révélés et déposés dans le Livre de la Sainte Loi ? »

Le regard sur l’arithmétique, s’il s’affranchit du rôle utilitaire des nombres, peut conduire à une percée mentale, et donc spirituelle aux Francs-maçons ; elle peut servir de guide de pensée pour les Maçons spéculatifs par le regard nouveau à apporter aux symboles et autres signes secrets du « Métier ».

Vu sous cet angle, on comprend mieux l’utilité, certes indirecte mais réelle, de la science libérale de l’arithmétique, pour l’ouverture de l’esprit des Maçons spéculatifs, et pour y faire entrer la Lumière.

N’est-ce pas là aussi le but de l’initiation maçonnique ?

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