jeu 02 mai 2024 - 13:05

Le droit d’emmerder dieu

C’est en parcourant son Traité sur l’intolérance publié en janvier dernier, lui aussi chez Grasset, et qui nous éclaire sur l’origine – du VIIe et le XIe siècle – et la nature du Coran, que nous avons, pour notre plus grand profit et plaisir, relu ce remarquable ouvrage de Richard Malka, qui est et restera comme un véritable éloge du droit au blasphème avec Le droit d’emmerder dieu.

L’éloge est bien un discours prononcé ou écrit vantant les mérites, les qualités de quelque chose, et ici, du droit de blasphémer. Si à l’origine la notion de blasphème désigne le fait de « parler mal de quelqu’un, injurier, calomnier » ; elle prend progressivement un sens plus restreint pour ne plus concerner que l’injure appliquée au fait religieux. Ainsi, le dictionnaire Larousse définit le blasphème comme « une parole ou discours qui outrage la divinité, la religion ou ce qui est considéré comme respectable ou sacré ».

Pour beaucoup, Richard Malka, qui commence sa carrière en 1992 – et déjà avocat du journal Charlie Hebdo – dans l’ancien cabinet de Georges Kiejman est devenu, grâce à sa défense de la crèche Baby Loup – obtenant du conseil de prud’hommes la validation du licenciement d’une salariée voilée –, le chantre de la laïcité et de la liberté. Cette affaire qui reste plus qu’un symbole !

En 2019, Les éditions Grasset – près de six mille cinq cents titres à leur catalogue ; publication d’ environ 160 nouveautés par an – éditent un recueil des plaidoiries prononcées par Richard Malka et Georges Kiejman en défense de Charlie Hebdo dans le procès des caricatures de Mahomet, sous le titre Éloge de l’irrévérence.

Le droit d’emmerder dieu est tout d’abord paru en grand format, chez Grasset, dont nous vous invitons à lire la quatrième de couverture (cf. infra), puis aux Éditions Points, une maison d’édition de poche généraliste (littérature, policier, documents, poésie, thriller, sciences humaines…).

Rappelons qu’en 2022, Richard Malka, qui est aussi scénariste de bandes dessinées et romancier, reçoit le 31e prix du Livre politique pour Le droit d’emmerder dieu, décerné par un jury composé de journalistes présidé par l’historien Pascal Ory, membre de l’Académie française et remis par le président de l’Assemblée nationale d’alors, Richard Ferrand.

L’ouvrage relate la plaidoirie de Maître Malka lors du procès des attentats perpétrés en janvier 2015 contre Charlie Hebdo, une policière à Montrouge et de l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes à Paris – attaque terroriste islamiste et antisémite, qui s’est tenu au tribunal judiciaire de Paris de septembre à décembre 2020 devant une cour d’assises spéciale.

Mais avant, gardons en mémoire que l’attaque terroriste contre le journal satirique Charlie Hebdo du a fait de nombreuses victimes. C’est le premier et le plus meurtrier des trois attentats de janvier 2015 en France.

« La France a été touchée dans son cœur. Chaque Français aujourd’hui est touché, horrifié », a déclaré Manuel Valls, Premier ministre à cette époque.

Lieu de l’assassinat du gardien de la paix Ahmed Merabet.

Qu’il nous soit permis de les citer. Huit membres de la rédaction de Charlie Hebdo : Cabu, (76 ans) dessinateur ; Charb, (47 ans) dessinateur et directeur de la publication ; Tignous, (57 ans) dessinateur ; Honoré, (73 ans) dessinateur ; Wolinski, (80 ans) dessinateur ; Bernard Maris, (68 ans) économiste et chroniqueur ; Mustapha Ourrad, (60 ans) correcteur ; Elsa Cayat, (54 ans) psychanalyste et chroniqueuse. Les autres victimes sont : Frédéric Boisseau, (42 ans) un responsable des opérations de la société Sodexo chargée de la maintenance dans l’immeuble ; Michel Renaud (69 ans) invité de la rédaction, qui était venu de Clermont-Ferrand pour rendre certains de ses dessins à Cabu ; Franck Brinsolaro, (48 ans) le premier policier tué officier du service de la protection — le SDLP — chargé de la protection personnelle de Charb et abattu en même temps que lui ; Ahmed Merabet, (40 ans) le second policier tué, gardien de la paix du commissariat du 11e arrondissement, blessé puis assassiné sur la voie publique après avoir tenté d’empêcher la fuite des tueurs.

Bernard Maris, son visage sur une fresque d’hommage à Charlie Hebdo.

Dans cette affreuse et lâche tragédie, le Grand Orient de France a perdu deux de ses frères. Le premier est Bernard Maris. De son vivant, notre frère Bernard n’avait pas souhaité faire son coming-out maçonnique. Il avait reçu la lumière en 2008 au sein de la loge « Roger Leray ». Le second franc-maçon qui a perdu la vie est notre frère Michel Renaud, ancien journaliste à Europe 1 et au Figaro. Michel avait été initié en 1986 au sein d’une loge de la Fédération Française du DROIT HUMAIN. Il avait depuis rejoint la loge « Lux Perpetua », une loge du GODF, à l’orient de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme).

Michel Renaud, en 2010.

C’est en 2019, lors du désormais traditionnel Rassemblement pour la République, pour la défense de la Laïcité et en hommage aux Martyrs de la Commune de Paris, un certain 1er mai au cimetière du Père Lachaise, que le Grand Orient de France, organisateur de cet événement, a rendu hommage à différentes personnalités, maçonnes ou non, dont Tignous. Tout comme les communardes et les communards, Tignous a payé de sa vie son engagement.

Tignous, « petite teigne », un surnom qui aurait été choisi par sa grand-mère, est diplômé de l’École Boulle.

Ce que nous apprend la 4e de couverture de l’ouvrage grand format : « C’est à nous, et à nous seuls, qu’il revient de réfléchir, d’analyser et de prendre des risques pour rester libres. Libres de nous engager et d’être ce que nous voulons. C’est à nous, et à personne d’autre, qu’il revient de trouver les mots, de les prononcer, de les écrire avec force, pour couvrir le son des couteaux sous nos gorges.

À nous de rire, de dessiner, d’aimer, de jouir de nos libertés, de vivre la tête haute, face à des fanatiques qui voudraient nous imposer leur monde de névroses et de frustration – en coproduction avec des universitaires gavés de communautarisme anglo-saxon et des intellectuels qui sont les héritiers de ceux qui ont soutenu parmi les pires dictateurs du XXe siècle, de Staline à Pol Pot. »

Ainsi plaide Richard Malka, avocat de Charlie Hebdo, lors du procès des attentats de janvier 2015. Procès intellectuel, procès historique, au cours duquel l’auteur retrace, avec puissance, le cheminement souterrain et idéologique du Mal. Chaque mot pèse. Chaque mot frappe. Ou apporte la douceur, évoquant les noms des disparus, des amis, leurs plumes, leurs pinceaux, leur distance ironique et tendre. Bien plus qu’une plaidoirie, un éloge de la vie libre, joyeuse et éclairée.

Le droit d’emmerder dieu – avec un ‘’d’’ minuscule – explore donc les questions de liberté d’expression – oh combien importante de nos jours et hélas, trois fois hélas, parfois remises en cause – et de laïcité à travers sa plaidoirie du 4 décembre 2020. Une version écrite plus logue que son très beau discours prononcé ce jour-là en fin de soirée. Un choix délibéré, en accord avec son éditeur.

Au-delà, en fin d’ouvrage, de la « Chronologie des événements 2004 – 2020 » commençant avec l’assassinat du réalisateur néerlandais Theo van Gogh (1957-2004), un meurtre tout aussi lâche et ignoble perpétré par un islamiste ayant provoqué un émotion considérable aux Pays-Bas, nous retenons aussi le chapitre « Ceux qui ont soufflé sur les braises » qui cite celles et ceux qui ont soufflé sur la mèche allumée par les imans danois en 2006, tels Pascal Clément, ministre de la Justice,

A gauche, la une de «Charlie Hebdo» avec le prophète Mahomet («Charia Hebdo»), le 2 novembre 2011. A droite, la une du 14 janvier 2015.

Philippe Douste-Blazy, Jean-Marie Le Pen, Marielle de Sarnez, Robert Ménard, Franco Frattini, commissaire européen à la Justice et à la Sécurité, Éric Raoult , vice- président de l’Assemblée nationale, mais aussi le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples), le PIR (Parti des Indigènes de la République), Christine Delphy, Rokhaya Dialo,Jean-Marc Ayrault, Rachida Dati, Pascal Boniface, Donia Bouzar, Disiz la Peste, Virginie Despentes… Espérant n’avoir oublié personne. Oui, « Charlie vivra… » écrit Richard Malka !

Le titre n’est pas provocateur mais reflète, fort justement, l’idée de défendre la possibilité de critiquer, remettre en question ou même “déranger” certaines croyances sans craindre de représailles. Oui, en démocratie en général et en France en particulier, on peut tout dire. Le livre aborde donc un sujet important lié à la liberté d’opinion et de pensée…

Après tout, depuis la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la France, souvent appelée « la patrie des droits de l’homme », en raison de la vocation universelle de cette première déclaration des droits humains. De ce surnom de la France reflète bien son rôle historique et son influence dans le développement et la promotion des droits humains et des valeurs universelles de liberté, d’égalité et de fraternité. Un triptyque devise de notre République qui ne manque pas d’être écrit dans nombre de constitutions d’obédiences en France qui, au total, représentent plus de 80 % des membres.

Alors Richard Malka, un maçon sans tablier ? Il existe tellement de tabliers sans maçons…

Un livre à lire de toute d’urgence, si ce n’est déjà fait. Contre l’obscurantisme, la tyrannie, l’ignorantisme… Car, « Mes chers Frères, allez donc en paix jouir du repos que le travail vous a mérité, et portez parmi les autres hommes les vertus dont vous avez juré de donner l’exemple »…

Le droit d’emmerder dieu

Richard Malka Éditions Points, 2021, 118 pages, 5,90 €

Le bandeau de l’édition poche.

1 COMMENTAIRE

  1. Au sujet du bleu;
    image du ciel donc à vocation céleste. Dans le Christianisme couleur dédiée à Marie la mère de Jésus,
    en FM copie des deux décorations les plus hautes d’Angleterre (Ordre de la Jarretière) et de France (Ordre du Saint-Esprit).
    Le Cordon (baudrier) des Maitre Maçons de la Grande Loge de France associe le rouge de ses bordures au bleu central.

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Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti est directeur de la rédaction de 450.fm. Il a fait l’essentiel de sa carrière dans une grande banque ancrée dans nos territoires. Petit-fils du Compagnon de l’Union Compagnonnique des Compagnons du Tour de France des Devoirs Unis (UC) Pierre Reynal, dit « Corrézien la Fraternité », il s’est engagé depuis fort longtemps sur le sentier des sciences traditionnelles et des sociétés initiatiques. Chroniqueur littéraire, membre du bureau de l'Institut Maçonnique de France (IMF) et médiateur culturel au musée de la franc-maçonnerie (Musée de France), il collabore à de nombreux ouvrages liés à l’Art Royal et rédige des notes de lecture pour plusieurs revues obédientielles dont « La Chaîne d’Union » du Grand Orient de France et « Perspectives » de la Fédération française de l’Ordre Mixte International Le Droit Humain ou encore « Le Compagnonnage » de l’UC. Initiateur des Estivales Maçonniques en Pays de Luchon, il en a été le commissaire général. En 2023, il est fait membre d'honneur des Imaginales Maçonniques & Ésotériques d'Épinal (IM&EE).

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