ven 22 novembre 2024 - 23:11

Du sacre biblique, le sacre laïque

« Au commencement était le Verbe » dit la première phrase de l’évangile de Saint-Jean. Le Verbe, c’est-à-dire un discours politique (au sens de la cité et des hommes à construire) déclinant lui-même un enchaînement logique : père, pouvoir, action, discorde, compromis, harmonie, avenir …

D’Eve et d’Adam naissent deux fils. Caïn, de nature possédant jaloux, en hébreu « l’avoir personnifié » puis Abel, au caractère doux rêveur, autrement dit « l’être inspiré ». Le premier devient cultivateur, le second berger. Un jour, les deux frères ressentent le désir d’aller faire une offrande à Dieu, l’Etre suprême et sacré, en témoignage de leur profonde vénération : l’aîné lui présente une corbeille de fruits de sa récolte et le cadet, deux agnelets, nouveau-nés de son troupeau. Le Créateur néglige les produits du sol et accepte les petits des brebis. Une préférence qui rend Caïn fou de colère et de jalousie : au retour, dans son champ, il agresse Abel et le tue…

Du fratricide, la fraternité

Si l’on en croit la métaphore biblique, l’aventure humaine commence mal ! Et si l’on observe les faits mythologiques…elle se poursuit sur sa lancée fratricide. Avec les deux fils d’Œdipe, Etéocle et Polynice, l’un tuant l’autre pour régner sur la ville de Thèbes. Avec encore Romulus – fondateur de l’enceinte romaine – assassinant son frère Remus, qui a osé en franchir le tracé, ainsi soupçonné de vouloir prendre possession de la Cité naissante. Quant aux faits historiques – en nous cantonnant seulement dans la modernité – ils regorgent malheureusement de massacres perpétrés par des troupes sanguinaires et pour un temps dominantes, niant le principe même de « fraternité humaine » à l’avantage d’un « concept ethnique » : cette vision infamante de races jugées nuisibles (par leurs caractéristiques, qu’elles soient génétiques, politiques ou religieuses) a abouti en un siècle aux génocides arméniens, ukrainiens, juifs, tutsis, entre autres. C’est à dire à l’acte ignoble de destruction programmée d’un groupe ethnique par un autre. Pour le formuler autrement : à la tuerie d’êtres humains par des êtres humains.

Il est intéressant de remarquer ici que la jalousie, moteur du mécanisme qui entraîne la haine, puis le crime, oppose depuis toujours les frères entre eux, bien plus qu’aux parents. Dès lors, la détestation du géniteur (ou l’incontestable conflit des générations, socle même du principe freudien instituant « le meurtre symbolique du père par le fils ») est finalement moindre, comparée à la violence, morale ou physique, existant effectivement dans les millions de fratries qui se succèdent sur la planète. La psychanalyse, qui dit-on, n’innoverait plus depuis la disparition de son concepteur, à devant elle avec ce sujet, un champ immense d’investigation ! L’inconscient n’a pas dit son dernier mot ! Qu’en est-il de cette force occulte collective qui peut imposer aux hommes tout à la fois, une attitude de retrait et de crainte, de vénération et de brutalité ? Du secret, le sacré !

Cette violence meurtrière serait la base nécessaire de l’apaisement, de la concorde à venir après le drame : du fratricide, la fraternité ! La compétition féroce animant les fratries Caïn/Abel, Etéocle/Polynice, Romulus/Remus, aurait ainsi un aboutissement commun, celui d’avoir engendré, par la mort sanglante de l’un des deux protagonistes, le développement de la vie sociale. Comme si tout début avait besoin, non seulement d’une mort, mais d’un meurtre (un être tué par un autre) pour prospérer ! Les religions premières n’ont pas manqué – devant le schéma répétitif de ces images mythiques – de récupérer et d’introduire dans leur pratique, la notion de « sacrifice », (étymologiquement de sacer, saint, puis de sacrificare, faire la volonté divine) c’est-à-dire d’offrande symbolique rituelle à Dieu (donc renouvelée) afin de lui plaire et d’obtenir des faveurs, des grâces, voire pour détourner son courroux éventuel !

De la déclinaison, surgit ici le mot « sacrum » désignant l’os constitué par les cinq vertèbres à la partie inférieure de la colonne vertébrale, qui nous fait déboucher lui-même sur le « sacré » : à savoir ici l’os sacré qui était offert aux divinités, lors, précisément, des sacrifices d’animaux. Nous le savons, ces tueries ont été précédées au nom d’odieuses traditions, d’égorgements et immolations d’enfants et d’adultes. Adorer pour recevoir, peut conduire à l’horreur !

L’histoire est donc faite de commencements mais aussi de recommencements. Parce que l’homme, depuis des temps immémoriaux vit dans des croyances acquises ou reçues, tant célestes que terrestres. Elles s’exercent par le biais théiste ou déiste classique de sage et silencieuse reconnaissance d’une puissance supérieure. Lorsqu’elle passe par un culte, la croyance consiste en la vénération effective d’un dieu, en principe désintéressée, sans demande en contrepartie. Les racines latines du mot « religion » (religare, relegere) n’indiquent respectivement pas autre chose que l’entretien d’un lien scrupuleux avec le divin et la volonté de réunir une assistance recueillie et affectueuse dans des lieux consacrés (Eglise, du latin eclesia, assemblée). Et l’injonction philanthrope « Aimez-vous les uns les autres ! » propagée par Jésus le prophète et après lui par les prêtres du christianisme, ne peut mieux exprimer le bienfait d’une sacralité bien comprise.

Mais la croyance s’exerce aussi dans la démesure, voire l’outrance que peuvent constituer les superstitions démonstratives, comportements irrationnels, pensées magiques et autres conduites auto-imposées par la perception de présages et signes, vus selon, comme porte-bonheur ou porte-malheur ! Combien sont blâmables ceux qui se sont ainsi aveuglément soumis à des meneurs fanatiques, eux-mêmes guidés par des préjugés injustifiés ou même les « sciences divinatoires » ! Hitler était l’un de ces sinistres personnages, manipulé et manipulateur, ivre de haine, vociférant et tourmenté par une idée fixe, la pureté. Cette obsession lui a fait craindre la disparition de la race aryenne, qu’il considérait sacrée. Pour ce fou furieux, les juifs, puis les tsiganes, se sont mélangés aux aryens et ont corrompu pendant des siècles, cette ethnie suprême. Le temps était donc venu, selon la résolution hitlérienne, de les capturer et exterminer pour purifier, reconstituer, en un mot revivifier le sang aryen ! D’où, pendant la dernière guerre mondiale, le monstrueux holocauste, dénommé ensuite La Shoah (catastrophe, en hébreu) par le cinéaste-écrivain Claude Lanzmann.

L’ange et le démon

Avec ce crime contre l’humanité, nous rappelons la terrible ambivalence du sacré quand il inspire non seulement la jalousie mais au vrai, la « peur de l’autre » et devient violence, bestiale en l’occurrence. Car c’est bien de la phobie d’un peuple qu’est née dans un esprit dérangé et dramatiquement contagieux, l’idée de son élimination. Et c’est bien, précisément, par l’intermédiaire d’une soldatesque pervertie, hyper-conditionnée et sous serment d’allégeance totale au Führer, que ledit génocide a pu se réaliser. En l’absence totale d’opposition à ses actes coupables, elle a déifié la violence dans des camps de la mort, séparés de la civilisation. C’est-à-dire que cette horde de nazis sans morale ni états d’âme, en clair déshumanisée, a fait du sacrifice de masse, son objet central, en démultipliant au cœur du XXème siècle, les coutumes barbares antiques.

Si la peur de l’autre peut métamorphoser le sacré en violence, il n’est pas étonnant, lorsque Dieu en est le centre, que les cultes s’agressent mutuellement en lançant leurs fidèles les uns contre les autres. La bible nous dit que les trois religions monothéistes, juive, islamique et chrétienne, ont le même père, Abraham. Chacune le revendique, mais n’accepte pas ou mal, cette paternité commune ! Chacune craint que les deux autres ne la confisquent ! Résultat : des conflits armés interminables depuis deux millénaires, des violences de plus en plus meurtrières qui nous renvoient, dans un cycle infernal… au fratricide originel ! Le père est mort depuis longtemps et cette fois, ce sont les trois filles qui s’entredéchirent ! Comme si, individuellement, elles voulaient, au-delà de toute hiérarchie temporelle, être la préférée posthume d’Abraham, et partant, de Dieu. En attendant, elles continuent aujourd’hui de véhiculer ensemble, l’amour et la mort…

Ainsi le sentiment du sacré, lorsqu’il est considéré dans la ligne originelle biblique et même religieuse, me permet, soit de vouloir comme Abel exprimer ma bonté, en gratifiant de mon respect généreux les êtres, lieux et choses, soit de transgresser comme Caïn, en leur imposant ma cruauté, tueuse et destructrice. Car je porte en moi, comme tout homme, comme toute femme, l’ange et le démon ! Le sacré, cette forme de regard à double effet, est donc synonyme de bienveillance ou de violence. Mon choix fait de la première demande néanmoins, en permanence, le contrôle de mes instincts, pour demeurer toujours « en état vigilant de fraternité ». Cette opération interne est possible, à condition, bien entendu, que – même marqué par le sceau initial de la violence – je sois persuadé de la supériorité de la mansuétude sur la vilénie ! Grâce à l’intelligence qui distingue l’humanité de l’animalité.

Il est observable que l’exercice du sacré, version « violence », nécessite un espace délimité. Caïn tue Abel dans son champ ; Etéocle supprime Polynice dans l’enceinte de Thèbes ; Romulus ôte la vie à Remus à l’intérieur du périmètre de la future cité de Rome ; les génocidaires modernes exterminent leurs victimes dans des camps de concentration, pour cacher leurs horribles forfaits. Même schéma pour le sacré, version « amour » et « fraternité », mais cette fois pour des raisons nobles, qui privilégient l’estime de soi et d’autrui. Les commémorations diverses, les cours scolaires et universitaires, les réunions politiques (du grec politikos, les affaires de la cité), les rencontres sportives, les offices religieux, les « tenues » maçonniques, etc, se déroulent toujours en milieu clos (encerclement très bien analysé par Régis Debray dans son livre « le Moment Fraternité » – Editions Gallimard). Mairies, écoles, amphithéâtres, stades, églises, temples, synagogues, mosquées, loges : autant d’espaces sacrés ou sacralisés. Au nom de la République, liberté d’expression, transmission du savoir, distraction. Au titre de la célébration des dieux du ballon rond (trop souvent génératrice de violence !), de la pluralité des confessions, de la perfectibilité de l’Homme…

Dehors, les citoyens distinguent dans le drapeau national – symbole sacré s’il en est flottant à l’horizontale sur les constructions publiques – un signe de ralliement et les croyants voient dans l’élancement de leurs édifices religieux, une force verticale qui les rapproche de leur Dieu. Dedans, les participants ont besoin d’une intimité chaleureuse, d’une complicité de pensée, entre quatre murs, bref, d’un « entre nous ». Pour parler et écouter, pour rire et pleurer, pour échanger et créer du lien social, pour enseigner et apprendre, pour reproduire et produire de la pensée en commun, pour aussi se recueillir et prier dans le silence de l’enceinte. Et parvenir, si possible, à ce que les francs-maçons appellent dans leurs loges « l’égrégore » (vocable sans doute issu du latin gregarius, grégaire, groupe) ce fameux ressenti d’unité et de fusion émotionnelle. Et que d’aucuns, en d’autres lieux de réunions, traduisent par la « dynamique de groupe ».

 Un mécanisme à double détente

Dans une France marquée, qu’on le veuille ou non, par deux mille ans de tradition chrétienne, il est logique que le sacré – vécu comme biblique ou laïque – porte l’empreinte du religieux. Ce qui ne signifie pas qu’il en soit propriétaire ! Au-delà du parvis des lieux de culte et de ses ministres, il y a bien entendu d’autres espaces, d’autres temps, d’autres objets, à caractère sacral, nous l’avons vu. Il y a aussi d’autres temples, d’autres rites, d’autres hommes et femmes, qui ont une vision et une pratique spécifiques du sacré. Le franc-maçon, la franc-maçonne, pour leur part, s’ils apprécient et exploitent dans leurs loges et la cité, les métaphores, légendes et allégories bibliques comme des représentations toujours productrices de sens, s’ils respectent toutes les religions sans exception et ont leurs propres croyances, ils sont aussi conscients, ici et maintenant, de vivre depuis leur initiation, une nouvelle approche du monde et des relations interhumaines. La lumière symbolique qu’ils ont reçue comme « outil réflexif » leur permet entre autres, d’éclairer d’un esprit neuf le sacré et son mécanisme à « double détente » : autant les « interdits-boucliers » qu’il contient dans l’intérêt individuel et général doivent être maintenus, autant le cortège de sacrifices et d’agressions meurtrières qui – étrange paradoxe – l’accompagne et persiste depuis des lustres, ne doit plus forcément être considéré comme une fatalité.

Avant tout, s’impose la compréhension du phénomène. Il est répétitif parce qu’imitatif au fil des générations (finement pointé par le philosophe René Girard qui le nomme « désir mimétique ». Cf « La violence et le sacré » – Editions Hachette littératures). Ainsi s’inscrivent dans l’histoire des hommes – parce qu’ils sont en lutte permanente ! – des listes interminables de victimes expiatoires, à type de boucs émissaires. Pourra-t-on un jour y apposer le mot « fin » ? Oui…si les hommes cessaient de désirer le même objet en même temps, par exemple, argent, industrie, territoire, comme des enfants autour d’un jouet ! Ou, pour le dire sur le mode psychanalytique, si les hommes renonçaient à désirer le désir des autres. Sachant que ce désir n’est que plus exacerbé, lorsque l’objet convoité est unique ou rare et dès lors « sacralisé » par son possesseur. Terres ancestrales, régions viticoles, zones de pêche, champs pétrolifères, etc, les « situations » sont nombreuses où la concurrence fait le conquérant !

Il ne s’agit pas toutefois de prétendre arrêter les conflits entre les hommes : c’est bien la confrontation – partie intégrante de la nature et condition humaine – qui leur permet au final de « faire société ». Soit, au gré d’idées différentes additionnées, de réunir les meilleures pierres à même d’élever l’édifice commun et d’y vivre ensemble. Même si l’œuvre est souvent à remanier…ou à recommencer ! C’est bien aussi par l’antagonisme que s’entretient chez chacun, chacune, le désir d’être, de penser et de faire. Et étouffer le désir serait en même temps asphyxier l’humanité, la couper de ses racines ! Si la guerre économique est devenue la dure règle mondiale, c’est la guerre par les armes qu’il faut coûte que coûte éviter : avec elle surgit évidemment l’atroce violence. Et d’elle, par mimétisme là encore, puis l’intervention d’autres facteurs comme l’injustice et la pauvreté, naît la délinquance, autre forme de guerre (ou de guérilla) urbaine et aussi rurale.

Cinq mots sacrés

Que peut faire le maçon, ce soldat aux mains nues, devant la violence, cette seconde et angoissante face du sacré ? Dans le florilège de pensées orientales, estampillées « Confucius » ou « Lao Tseu », on lit régulièrement « qu’il faut se changer soi-même pour changer les autres ». Voire changer le monde, pourquoi pas ?! La formule est jolie mais il convient de s’entendre sur son sens. Parvenir par un travail sur soi – en maçonnerie notamment – à l’équanimité, la sérénité, la maîtrise et qui sait – suprême approche du bonheur – à la sagesse… c’est une réussite certes, mais qui reste, avant tout, très personnelle. La sagesse n’est pas transmissible : elle est même incommunicable (sinon en paroles) au contraire des réalisations matérielles collectives (qui réunissent nombre de maçons, notamment dans le bénévolat associatif) !

Ma joie intérieure nouvelle, fut-elle rayonnante, n’empêche pas le voleur de m’arracher mon sac à bretelle dans un couloir du métro, avec un coup de poing au visage en prime ! Et si je me présente un samedi soir chez mes voisins festifs, pour me plaindre du bruit infernal de leur musique, à coup sûr, ils monteront le niveau encore plus fort ! Quant à mon fils, trop souvent rivé à la télévision au lieu d’apprendre ses leçons, il reste sourd à ma phrase nostalgique « Dans mon temps, mon père me disait… », absorbé qu’il est par un film où les mitraillettes des gangsters font ruisseler l’hémoglobine ! Violence, quand tu nous tiens ! La référence, l’exemplarité, l’autorité, par les formules et proverbes, qui ont pu fonctionner au siècle dernier et précédemment, ne sont plus suffisantes aujourd’hui : à l’époque du « tout, tout de suite », entre autres par la « magie » de l’électronique, la jeunesse n’attend pas des modèles de vie, auréolés de discours moralistes, donc jugés culpabilisants ! S’il y a « désir mimétique », il passe ici sans aucun doute, par les mails ou les SMS échangés avec les copains et copines ! Vitesse et instantanéité obligent !

Au quotidien, à la maison comme en ville, le changement individuel reviendrait donc davantage, non seulement à méditer dans le silence de notre « cathédrale intérieure », mais encore, à « sortir de soi ». Autrement dit, avant même de tenter de changer les autres, de mieux communiquer avec eux. Déjà en insistant sur la répétition de ces quatre vocables simples, mais qui sont pourtant en eux-mêmes des « mots sacrés » : Bonjour, bonsoir, pardon, merci, au revoir. Vous avez remarqué le vide qui nous sépare soudain de nos interlocuteurs quand ils ne sont pas prononcés lors de tout contact humain – ainsi commence l’incivilité ! – alors même que leur fonction est, tels des sésames, de nous de nous ouvrir et de nous rapprocher les uns des autres. Nous croisons souvent beaucoup de gens dans une journée, mais au vrai, nous en rencontrons très peu !

Sortir de soi, c’est s’exposer. C’est montrer ses qualités et aussi ses défauts. Au temps de mes culottes courtes, j’entendais parler de gens « bien élevés » ou « mal élevés » pour évoquer l’éducation, si défaillante actuellement, hors de l’école même. Je n’entendais pas à l’époque ces expressions, en termes métaphoriques de construction de l’être au monde, comme la franc-maçonnerie me les révèle aujourd’hui. Je déduisais surtout que ces personnes étaient polies, ou mal polies. Un souvenir qui me renvoie aux cinq mots précités, comme étant précisément chacun un premier signe de politesse. Une vertu, en voie de disparition elle aussi, si nous n’y prenons pas garde, tout comme manque souvent à l’appel maintenant ces deux autres, que sont la gentillesse et la douceur. Or, ces trois marques d’attention, et de déférence si précieuses, font bel et bien partie des expressions du « sacré laïque », à l’intérieur des temples et autour ? Le franc-maçon qui se demande comment mettre le symbole en actes dans la cité dispose là, d’un ensemble d’authentiques rites sociaux à remettre d’urgence en valeur. Même si ces rites peuvent paraître désuets à certains, se montrer poli, gentil et doux, est l’une des plus belles et bonnes façons pratiques de « maçonner ». Parce que, devant lui, le problème et la solution de l’homme, c’est l’autre !

Tu ne tueras point, ordonne l’un des dix commandements. Or, sans donner la mort physique comme Caïn à Abel, il y a mille façons de tuer cet autre. De l’arrogance à l’agressivité. Du mensonge à la trahison. De l’humiliation au harcèlement moral. C’est-à-dire de vouloir bouter l’Homme hors du cercle sacré, au centre duquel est sa place. Nous sommes des êtres de verre pouvant nous briser à tout instant. Conscients de notre fragilité, nous devons accepter autrui avec la sienne. Et en prendre soin, le considérer, le respecter, lui permettre d’exister mieux que vivre. Bien entendu dans une démarche réciproque, chacun étant responsable de chacun. Aimer, c’est faire de l’autre un dieu, et non un diable !

Alors seulement, si nous nous donnons pour mission de répandre dans la cité cette forme protectrice de sacré – synonyme d’amour – nous pouvons espérer éclairer alentour les consciences vacillantes. Et, avant qu’il ne soit trop tard, arrêter le geste criminel du violeur d’enfant, du détrousseur de vieillard. Et de l’automobiliste déchaîné, prêt à en assassiner un autre pour une tôle froissée, au bord de l’autoroute…

Autant d’actes terrifiants de l’homme soudain égaré, « désacralisé » et partant, sorti de l’humain.

« Le sacré, c’est tout ce qui maîtrise l’homme d’autant plus sûrement que l’homme se croit plus capable de le maîtriser » dit René Girard.

5 Commentaires

  1. Si c’est de mon article qu’il s’agit, je n’adresse pas de pique contre les pensées orientales (qui sont très respectables) mais constate qu’en l’occurrence elles ont une portée générale ( tels les proverbes occidentaux).

    Or «  les malêtres » d’ordre psychique sont toujours par définition, individuels et partant, demandent des soins personnalisés ( d’où les thérapies adaptées à chaque cas.

    J’ajoute que l’on fait dire beaucoup de choses à Confucius ou Lao Tseu…qu’ils n’ont certainement jamais dites!

    L’important est que chacun, chacune, soit écouté et respecté.
    La bonne parole soulage, la bonne oreille guérit!

    Gilbert GARIBAL

  2. Super intéresssant, passionnant, même.
    Mais la pique adressée à la pensée orientale (donc d’une autre logique) n’a peut-être pas lieu d’être.
    Les statuettes couvertes de mousse placées en début de texte, ne viennent-elles pas d’orient ?

  3. Merci du coeur Mon Cher Patrick de ton compliment pour mon article!
    Je formule le même pour le tien, en termes d’éclairement : nous partageons le souci de comprendre et de faire comprendre!
    En ce sens, il est troublant en effet que nous puisions une lumière à la même source girardienne, au même moment et dans la même direction!
    Une synchronicité qui n’étonnerait ni Freud ni Jung et tendrait à prouver que la transmission de pensée est une réalité…supérieure au téléphone portable!
    Très malicieusement et fraternellement,
    Gilbert

  4. Billet éblouissant comme toujours, cher Gilbert !
    Etonnant à constater : ton billet et le mien, publiés le même jour, citent tous deux René Girard à propos du sacré … s’agirait-il de la synchronicité mise en avant par le fils symbolique de Sigmund ?
    Bel été à toi !
    Patrick

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Gilbert Garibal
Gilbert Garibal
Gilbert Garibal, docteur en philosophie, psychosociologue et ancien psychanalyste en milieu hospitalier, est spécialisé dans l'écriture d'ouvrages pratiques sur le développement personnel, les faits de société et la franc-maçonnerie ( parus, entre autres, chez Marabout, Hachette, De Vecchi, Dangles, Dervy, Grancher, Numérilivre, Cosmogone), Il a écrit une trentaine d’ouvrages dont une quinzaine sur la franc-maçonnerie. Ses deux livres maçonniques récents sont : Une traversée de l’Art Royal ( Numérilivre - 2022) et La Franc-maçonnerie, une école de vie à découvrir (Cosmogone-2023).

Articles en relation avec ce sujet

Titre du document

Abonnez-vous à la Newsletter

DERNIERS ARTICLES