Préparez-vous à plonger dans l’un des moments les plus intenses de la Révolution française ! A partir du 13 septembre prochain, le Théâtre des Gémaux Parisiens accueillera une pièce d’une actualité saisissante : Danton Robespierre, une création de la Compagnie Fracasse qui met en scène l’ultime confrontation entre deux géants de l’histoire, Georges Danton et Maximilien Robespierre. Avec des représentations les samedis à 15h30 et mardis à 19h, cette œuvre promet de captiver les amateurs de théâtre et d’histoire avec un texte où « tout est vrai » et le reste « vraisemblable », selon les mots de son auteur, Hugues Leforestier.
Un face-à-face légendaire
Le 22 mars 1794, dans un climat de tension extrême, Danton et Robespierre, autrefois frères d’armes, se retrouvent pour un duel à mort. Portée par une mise en scène signée Morgane Lombard, cette pièce explore leur relation complexe, marquée par l’amour, la haine et le respect mutuel. Danton, incarné par Hugues Leforestier, apparaît comme un colosse excessif, spontané, épris de plaisirs terrestres. Face à lui, Nathalie Mann prête ses traits à Robespierre, ascète élégant et philosophe rigoureux, défenseur d’une révolution idéalisée. Ces deux visions opposées du bonheur et de la justice, jouées avec une intensité rare, cristallisent les enjeux d’un monde plus équitable – au prix de vies sacrifiées sur l’échafaud.
Une pépite du festival d’Avignon off
Saluée lors du Best OFF Festival d’Avignon OFF, cette production a été qualifiée de « pépite » par Scèneweb. Le face-à-face des deux comédiens, sublimé par le choix audacieux de faire interpréter Robespierre par une femme, transcende les genres et réconcilie le public avec l’histoire. Les critiques louent une œuvre qui « donne envie de se (ré)intéresser à la politique » et émeut par sa puissance émotionnelle. Ce théâtre vivant, ancré dans une période où les idéaux se payaient au prix fort, résonne étrangement avec nos débats contemporains sur la liberté et la justice.
Un événement à ne pas manquer
Produit par la Compagnie Fracasse (contact presse : 06 16 12 48 55, fracasse@tournees.net), Danton Robespierre s’appuie sur un texte ciselé qui mêle faits historiques et interprétations plausibles, offrant une réflexion intemporelle. Les photographies de Francis Grosjean (licence L-D-191183) immortalisent l’intensité des échanges, promettant une expérience visuelle et dramatique inoubliable.
En qualité de rédacteur en chef de cette revue numérique gratuite, j’ai l’honneur de vous présenter son contenu au nom du comité de rédaction.
Pour ce numéro nous innovons en intégrant un dossier sur un thème particulier relatif à la problématique des addictions.
Au sommaire de l’édition Française – 48 pages :
Une démarche originale Sortir de la loge pour tendre une main fraternelle.
Un édito : La Fraternité, un mythe que l’on voudrait voir se réaliser
Un dossier « Addictions et Fraternité » avec :
Un dessin exclusif de notre frère YaKa YaKa. Un Glossaire des termes utilisés pour évoquer l’addictionAddiction pathogène et Déficit en Fraternité. La pratique addictive, un comportement mal compris. Un exemple de création favorisée par l’addiction : Berlioz et la symphonie fantastique par Sylvie Moy, professeure de musique. Le comportement addictif fait-il partie du domaine réservé ? Quelques données de vulgarisation médicale au sujet de l’addictionLe circuit de l’addictionLes critères reconnusLe circuit de la récompenseLes addictions non pathogènes. Au commencement était le mal être, Vers la lumière … par Françoise Renaud-Gurtner. Comment aider un utilisateur occasionnel d’addictions pathogènes à se sevrer
Addictions et franc-maçonnerie ou addictions en franc-maçonnerie par Eduardo Montenegro
Margarita Rojas Blanco: Femme, Franc-Maçonne, engagée pour promouvoir la Fraternité Une interview exclusive
La paix : le droit le plus important à la fraternité par Milton Arrieta-López
A propos du langage des oiseaux , Savoir et Connaître par Gérard Baudou Platon
Fraternité et Confraternité dans la société grecque contemporaine par Giorgos Bousoutas Thanasoulas
Les notes de lectura de Yonnel Ghernaouti : six livres présentés
Le choix des géants de l’agro-alimentaire par Leo Goeyens
Dans la rubrique poésie, deux poèmes : « Quand le silence s’impose » par Mphamed Diop et Vivre en fraternité sur Terre par Michel Renault
Une Gravitation universelle par Patrick Chambard, Président de l’Association fraternité Internationale Laïque
Dans la rubrique Formation et Eveil, le Trois par Gérard Baudou-Platon
Vous pouvez gratuitement télécharger ce numéro, dans l’édition que vous souhaitez, en vous rendant sur la page dédiée en cliquant sur l’image ci-dessous :
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Notre prochain numéro, prévu pour janvier 2026, aura pour dossier le thème « Musiques et Fraternité » ; si vous souhaitez apporter une contribution, vous pouvez me contacter revue.fraternite@gmail.com !
À l’occasion du Convent de la Fédération française de l’Ordre maçonnique mixte international Le Droit Humain, tenu à Paris, le Conseil National a procédé à l’élection de son nouveau Président. Maurice Leduc, figure engagée et respectée au sein de l’Ordre, a été élu à la majorité requise pour succéder à Sylvain Zeghni, dont nous avions récemment recueilli les propos dans une interview exclusive.
Cette nomination, annoncée le 29 août 2025, marque une nouvelle étape dans l’histoire de cette obédience maçonnique, pionnière de la mixité et de l’internationalisme depuis sa fondation en 1893 par Maria Deraismes et Georges Martin.
Un parcours au service de l’humain
Maurice Leduc Président de la Fédération Française de l’Ordre Maçonnique Mixte International Le Droit Humain
Né en 1955 à Tourcoing, dans le Nord de la France, Maurice Leduc incarne les valeurs humanistes et progressistes qui sont au cœur de l’Ordre Le Droit Humain. Psychologue clinicien de formation, également diplômé de l’École Nationale de la Santé, Maurice Leduc a consacré sa carrière professionnelle à l’accompagnement des personnes en situation de vulnérabilité. À la tête de divers établissements médico-sociaux spécialisés dans l’aide sociale à l’enfance et le handicap, il s’est distingué par son engagement en faveur de l’inclusion, de l’autodétermination et de l’émancipation des publics qu’il a servis. Son action a été marquée par la mise en place de services innovants, répondant aux besoins spécifiques des individus tout en promouvant leur dignité et leur autonomie.
Homme de terrain, Maurice Leduc a toujours placé l’humain au centre de ses préoccupations, une valeur qu’il porte également dans son engagement maçonnique.
Initié en 2005 au sein d’une loge de Roubaix, il a rapidement trouvé dans la méthode initiatique du Droit Humain un écho à ses convictions. La mixité, principe fondamental de l’obédience, a particulièrement résonné avec son aspiration à œuvrer pour une société plus égalitaire et fraternelle, sans distinction de genre, d’origine ou de croyance.
Une ascension au sein du Droit Humain
Depuis son initiation, Maurice Leduc s’est investi avec constance et rigueur dans les travaux de l’Ordre. Élu Conseiller National en 2022, il a ensuite occupé le poste de Grand Trésorier de la Fédération française à partir de 2023. Cette fonction, qu’il a exercée avec une grande probité, lui a permis de développer une vision globale des dynamiques et des enjeux de la Fédération. Guidé par un souci de solidarité financière entre les loges, il a œuvré pour une gestion transparente et équitable, renforçant ainsi la cohésion interne de l’obédience.
Son expérience de Grand Trésorier, alliée à son esprit pédagogue et à son attachement à la décentralisation, fait de Maurice Leduc un leader particulièrement qualifié pour prendre la tête de la Fédération française. D’esprit girondin, il prône une gouvernance qui valorise la parole des loges et favorise leur autonomie, tout en maintenant une unité fraternelle et des valeurs communes.
Une vision pour l’avenir
Sylvain ZEGHNI
La nomination de Maurice Leduc intervient dans un contexte de transformation pour la Fédération française du Droit Humain. Succédant à Sylvain Zeghni, dont le mandat a été marqué par des réformes structurelles visant à moderniser l’organisation et à renforcer l’autonomie des loges, Maurice Leduc s’inscrit dans la continuité de cette dynamique. Il entend poursuivre et approfondir ces réformes, en accompagnant les loges dans la mise en place d’une animation régionale plus marquée. Cette approche vise à donner aux loges une plus grande latitude dans leurs initiatives, tout en préservant l’esprit universaliste et solidaire qui caractérise Le Droit Humain.
Lors de la clôture du Convent, ce samedi 30 août 2025, Maurice Leduc prononcera un discours très attendu, où il détaillera les grandes lignes de son projet pour la Fédération.
Ce moment sera l’occasion pour les membres de l’Ordre, ainsi que pour les observateurs, de découvrir les priorités de sa mandature. On peut d’ores et déjà anticiper que son engagement pour l’égalité, l’inclusion et la liberté de conscience, des principes fondamentaux de l’obédience, guidera ses actions. Sa vision s’appuiera également sur les valeurs de tolérance et de progrès social, chères aux francs-maçons du Droit Humain, qui travaillent ensemble dans plus de 60 pays pour promouvoir une humanité plus juste et fraternelle.
Une Obédience ancrée dans l’histoire et tournée vers l’avenir
Fondé en 1893, l’Ordre maçonnique mixte international Le Droit Humain s’est imposé comme un acteur majeur de la franc-maçonnerie mondiale, grâce à son engagement pionnier en faveur de la mixité et de l’internationalisme. Présente sur les cinq continents, l’obédience regroupe des loges dans des villes aussi diverses que Paris, New York, Tokyo, Johannesburg ou encore Valparaiso. En France, la Fédération française, créée en 1921, compte environ 740 loges réparties dans plus de 300 localités, témoignant de son ancrage territorial et de sa vitalité.
Maria Deraismes
Sous la présidence de Maurice Leduc, la Fédération française est appelée à continuer son œuvre de réflexion initiatique et d’engagement sociétal, fidèle à sa devise : liberté, égalité, fraternité. Les défis contemporains, qu’il s’agisse de la défense des droits des femmes, de la promotion de la laïcité ou de la lutte contre les inégalités, trouveront dans son leadership une voix déterminée et humaniste.
Un moment de transition et d’espoir
La passation de pouvoir entre Sylvain Zeghni et Maurice Leduc symbolise à la fois la continuité et le renouveau au sein de la Fédération française. Sylvain Zeghni, dont le mandat a été marqué par des avancées significatives, laisse une obédience renforcée et prête à relever les défis du XXIe siècle. Maurice Leduc, avec son expérience, sa sensibilité et sa vision, est appelé à écrire une nouvelle page de cette histoire, en s’appuyant sur les fondations solides posées par ses prédécesseurs et sur l’engagement des frères et sœurs de l’Ordre.
Georges Martin
En cette veille de clôture du Convent, les Francs-maçons du Droit Humain et leurs sympathisants se tournent avec confiance vers Maurice Leduc, impatients de découvrir les initiatives qu’il portera pour faire vivre les idéaux de l’obédience. Ce samedi 30 août, son discours marquera le début d’une nouvelle ère pour la Fédération française, une ère placée sous le signe de l’unité, de la liberté et de l’humanisme.
Paris, le 29 août 2025 – Sources : Communiqué officiel de la Fédération française de l’Ordre maçonnique mixte international Le Droit Humain.
Les Intelligences à l’Œuvre dans la vie initiatique
L’horizon des Volontés
La Franc-Maçonnerie nous enseigne que l’homme n’est pas seulement un être de chair et de raison, mais un temple vivant en perpétuelle construction. Pourtant, dans ce chantier intérieur, il n’œuvre pas seul : d’innombrables forces invisibles, des volontés multiples, agissent et influencent ses pas.
Dans le silence du Cabinet de Réflexion comme dans la lumière des colonnes, si l’initié interroge la source de ses désirs, de ses pensées et de ses élans, il découvre qu’il est traversé par un réseau d’intelligences : volontés inconscientes, volontés de l’environnement, volontés des cycles naturels et célestes. Enfin, il y a celle qui les transcende toutes : la Volonté Divine, principe du Grand Architecte de l’Univers.
L’Œuvre maçonnique consiste à discerner ces volontés, à les reconnaître, puis à les ordonner dans une harmonie qui permette à la plus haute de rayonner.
Les Volontés de l’inconscient
Chaque Franc-Maçon descend un jour dans sa propre crypte intérieure. L’inconscient est cette caverne obscure où se cachent blessures anciennes, mémoires familiales, peurs non résolues. Ce sont des forces invisibles qui parfois gouvernent nos réactions, comme des chaînes silencieuses.
Mais le travail initiatique n’invite pas à les fuir : il invite à les mettre en lumière. À l’image du profane enfermé dans le Cabinet de Réflexion, seul face à lui-même, l’inconscient est le lieu de l’Œuvre au Noir, où l’initié confronte ses ombres pour les transformer en germes de lumière.
Ainsi, reconnaître et transmuter ces volontés intérieures est une étape nécessaire de la construction du Temple.
Les Volontés de l’environnement
Le Maçon n’est pas isolé : il vit dans une famille, une société, une langue, une culture, une époque. Ces cadres transmettent des croyances, des habitudes, des lois invisibles. Ils agissent sur nous comme des égrégores collectifs.
De même, la mémoire des lieux imprègne la vie : les Temples où nous travaillons portent les vibrations des générations qui y ont œuvré. Chaque pierre, chaque symbole, chaque rituel nourrit la volonté commune d’élévation.
Ces volontés de l’environnement sont à la fois des soutiens et des entraves. Le chemin de l’initié consiste à les reconnaître, à les respecter, mais sans s’y enfermer, afin de garder la liberté intérieure nécessaire à son édification.
Les Volontés des cycles
La Franc-Maçonnerie elle-même est rythmée par les cycles : l’alternance du Soleil et de la Lune, les équinoxes et les solstices, les rythmes saisonniers que les tenues solsticiales célèbrent.
Les cycles cosmiques influencent notre vitalité et nos états intérieurs. Le jour succède à la nuit, l’hiver annonce le printemps, les astres tracent leur chemin dans le ciel. Ignorer ces cycles, c’est travailler sans tenir compte des plans du Grand Architecte ; s’y accorder, c’est retrouver la juste cadence du maillet et du ciseau.
Les cycles sont des volontés de la Nature : ils nous enseignent la patience, la régularité, la constance de l’Œuvre.
Les Volontés célestes
L’initié apprend à lever les yeux vers la voute étoilée. Les planètes, les constellations, les grands mouvements cosmiques sont autant de volontés célestes qui impriment leur influence sur la destinée humaine.
Chaque planète porte une qualité initiatique : Saturne structure et limite, Jupiter élargit et féconde, Vénus unit, Mars sépare, Mercure relie. Ces influences sont des langages symboliques que le Maçon apprend à déchiffrer, afin de reconnaître l’architecture invisible dans laquelle il s’inscrit.
Plus haut encore, le mouvement du système solaire dans la galaxie rappelle que l’homme et l’humanité évoluent dans un grand voyage cosmique. L’initiation n’est pas un événement ponctuel : elle est une inscription dans ce rythme universel.
La Suprême Volonté : le Divin
Toutes ces volontés (intérieures, sociales, telluriques, cycliques, célestes) ne sont que des fragments. Mais au-delà, il existe la Volonté suprême, celle du Grand Architecte de l’Univers.
Elle est semblable au vide cosmique : omniprésente et infinie, alors que la matière n’est qu’une rareté. La Volonté Divine est l’océan, et toutes les autres volontés ne sont que des vagues. Elle n’ordonne pas comme un tyran, elle inspire comme une lumière. Elle n’impose pas, elle enveloppe. Elle est Amour.
C’est vers elle que tend le Maçon, lorsqu’il cherche à passer du tumulte des influences à l’unité silencieuse du Centre.
La Transmutation des Volontés
La résistance et l’abandon
Pourquoi résistons-nous ? Parce que, incarnés dans la matière, nous nous identifions à elle. Nous confondons nos émotions, nos besoins, nos peurs avec la réalité ultime. Alors nous nous laissons gouverner par les volontés secondaires.
L’Œuvre maçonnique consiste à apprendre l’art de l’abandon : ne pas fuir la matière, mais l’harmoniser ; ne pas détruire les influences, mais les traverser ; ne pas rejeter les cycles, mais les accueillir.
L’Œuvre d’harmonisation
L’initié avance par étapes :
Prendre conscience des volontés qui l’habitent.
S’accorder aux cycles de la nature et du cosmos.
Éclairer l’inconscient et offrir ses ombres à la transmutation.
Reconnaître les influences sociales et célestes sans s’y enfermer.
Lâcher-prise, afin de laisser rayonner la lumière du G.A.D.L.U.
C’est une alchimie intérieure : séparer, purifier, réunir.
L’Amour comme réalisation
Lorsque la Volonté Divine s’exprime, elle se manifeste comme Amour universel. Ce n’est plus l’amour passionnel et conditionné, mais la force qui relie toutes choses, la clé de voûte de l’édifice.
Alors les autres volontés ne sont plus des contraintes mais des alliées. L’inconscient devient sagesse, l’environnement une matrice, les cycles une respiration, les planètes des guides. L’homme, ainsi accordé, devient véritablement le Temple vivant où s’exprime l’Amour divin.
Les valeurs — liberté, égalité, fraternité — trouvent un écho direct dans la dénonciation des inégalités Nord-Sud et dans la proposition d’un ordre mondial plus juste. La thèse de Martin offre matière à réflexions sur la responsabilité de la France en tant que puissance contributrice d’un monde plus équilibré.
La conclusion sur l’indépendance de la France interroge la notion d’émancipation — un thème cher à la pensée humaniste, qui valorise l’autonomie, la souveraineté morale et politique face aux influences néocoloniales ou globalisées.
La critique du wokisme, du progressisme occidental subtil ou imposé, invite les Francs-maçons à une analyse libre et profonde des courants idéologiques, au-delà des modes, dans le respect des libertés individuelles mais aussi du sens traditionnel. La fracture culturelle entre Nord et Sud souligne l’importance du dialogue interculturel, spirituel et philosophique — pierre angulaire- du travail maçonnique, qui vise à réconcilier des points de vue divergents dans la construction commune d’un bien commun.
L’approche géopolitique de François Martin place les valeurs humanistes dans un contexte réel : conflits, économies, institutions. Cela inspire les spiritualistes à concrétiser leurs principes dans une action informée par les réalités internationales.
Dans les annales de la mythologie grecque, le Sphinx demeure une figure énigmatique, à la fois monstre terrifiant et symbole de sagesse insondable. Doté d’un buste de femme, d’un corps de lion, d’ailes de vautour et d’une queue de dragon, ce gardien mythique trônait sur un rocher, interrogeant les voyageurs avec une seule question fatidique : « Quel est l’animal qui a quatre pattes le matin, deux à midi et trois le soir ? » Incapables de répondre, ses victimes étaient dévorées sans pitié. Pourtant, la légende raconte qu’Œdipe, par sa perspicacité, brisa cette malédiction en dévoilant la réponse – l’homme – forçant le Sphinx à se précipiter dans le vide, disparaissant à jamais.
Au-delà de ce récit captivant, le Sphinx transcende son rôle mythologique pour devenir une métaphore puissante dans la franc-maçonnerie, où il incarne les défis initiatiques, la quête de connaissance et la transformation intérieure. Ce texte explore en profondeur cette connexion, tissant un lien entre l’énigme antique et les symboles vivants de l’Art Royal.
Le sphinx dans la mythologie grecque : gardien et défi
Le Sphinx, selon La Théogonie d’Hésiode (VIIIe siècle av. J.-C.), est une créature hybride née de l’union de Typhon et Échidna, des monstres primordiaux. Installé près de Thèbes, il incarne une épreuve imposée par les dieux, probablement Héra ou Arès, pour punir la cité. Sa question, une énigme allégorique, reflète les cycles de la vie humaine : quatre pattes (l’enfance, rampant à quatre membres), deux pattes (l’âge adulte, marchant debout) et trois pattes (la vieillesse, s’appuyant sur une canne). Cette énigme, tirée des Tragédies de Sophocle (Œdipe Roi, Ve siècle av. J.-C.), n’est pas qu’un jeu intellectuel ; elle symbolise la nécessité de dépasser les apparences pour accéder à une vérité profonde.
Œdipe, figure tragique, résout l’énigme grâce à son intelligence et son intuition, deux qualités prisées dans les traditions initiatiques. Sa victoire sur le Sphinx marque non seulement la fin de la terreur, mais aussi le début de son propre destin, où la connaissance devient à la fois salut et fardeau. Cette dualité – triomphe et malédiction – résonne avec les parcours initiatiques, où la lumière révèle autant qu’elle aveugle.
Le sphinx en Franc-maçonnerie : symbole d’initiation et de sagesse
En Franc-maçonnerie, le Sphinx n’est pas explicitement mentionné dans les rituels officiels, mais son symbolisme imprègne les enseignements spéculatifs, hérités des traditions opératives et des mystères antiques. Il représente le gardien des secrets, un seuil à franchir pour accéder à la connaissance supérieure, un thème central dans les degrés d’apprenti, de compagnon et de maître.
1. Le Gardien des Portes Initiatiques
Dans les loges, l’initiation débute souvent par une épreuve symbolique – les yeux bandés, le candidat est plongé dans l’obscurité, face à des questions ou des défis. Ce rituel évoque le Sphinx, qui teste la capacité des voyageurs à dépasser leurs limites. Comme Œdipe, l’initié doit répondre par l’intelligence et l’introspection, non par la force brute. Le Rite Écossais Ancien et Accepté (REAA), dans ses hauts grades, utilise des allégories similaires, où des gardiens mythiques (comme les chérubins du Temple de Salomon) protègent les arcanes, exigeant une élévation spirituelle.
2. L’Énigme comme Miroir de l’Âme
L’énigme du Sphinx – les étapes de la vie humaine – reflète le voyage maçonnique. L’apprenti, « à quatre pattes » dans l’ignorance, apprend à se tenir debout (compagnon) avant de s’appuyer sur la sagesse (maître). Jules Boucher (Symbolisme maçonnique, 1948) voit dans cette progression une métaphore de la pierre brute taillée, où chaque étape révèle une facette de l’âme. Le Sphinx, avec son corps de lion (force), son buste de femme (intuition) et ses ailes (élévation), incarne cette synthèse des vertus que l’initié doit harmoniser.
3. La Mort et la Résurrection
La résurrection du fils de la veuve de Naïm (Crédit : Jean-Baptiste Wicar)
La chute du Sphinx après la réponse d’Œdipe symbolise une mort initiatique, suivie d’une renaissance – un thème clé en maçonnerie. Lors de l’initiation au troisième degré (maître), le candidat « meurt » symboliquement avant de renaître à une nouvelle conscience. Cette résurrection, évoquée dans les légendes d’Hiram (le maître assassiné et relevé), trouve un écho dans la victoire d’Œdipe, où la connaissance triomphe de l’ignorance. Le Sphinx devient ainsi un miroir de cette transformation intérieure.
4. Hybride et Universalité
La nature hybride du Sphinx – mélange de règne animal et humain – rappelle les symboles maçonniques comme la colonne ou l’acacia, qui unissent terre et ciel. Cette universalité, étudiée par Jean-Pierre Bayard (Symbolisme maçonnique des hauts grades, 1982), reflète l’idée que la vérité transcende les cultures, un principe fondamental des loges spéculatives ouvertes à toutes les traditions.
Le Sphinx comme métaphore des défis contemporains
Dans un monde moderne saturé d’informations, le Sphinx incarne les défis intellectuels et spirituels auxquels la franc-maçonnerie doit répondre, comme les dogmes internes. Résoudre cette nouvelle énigme exige un retour aux sources : interroger les « oracles » maçonniques, tester leurs compétences, et favoriser la diversité des points de vue, comme suggéré dans les réflexions précédentes.
Le Sphinx invite aussi à une introspection collective. Dans les loges, les planches philosophiques pourraient explorer des questions modernes – écologie, IA, inclusion – pour tailler une pierre nouvelle, au-delà des traditions figées. Cette quête, héritée d’Œdipe, demande courage et discernement, des vertus que la franc-maçonnerie cultive depuis ses origines.
Le rôle du Sphinx dans la quête maçonnique
Le Sphinx n’est pas seulement un défi, mais un guide. Ses ailes de vautour, associées à la purification, et sa queue de dragon, symbole de puissance, rappellent que la sagesse naît de la confrontation avec ses ombres. En maçonnerie, cette dualité se retrouve dans l’équilibre entre tradition et innovation. Les colonnes Jakin et Boaz, gardiens du Temple, évoquent le Sphinx comme sentinelles de la connaissance, protégeant les arcanes tout en invitant à les découvrir.
De plus, le Sphinx inspire une fraternité active. Comme Œdipe, qui libère Thèbes par sa réponse, les maçons sont appelés à éclairer leur communauté, non par la domination, mais par l’exemplarité. Cette mission, ancrée dans les Constitutions d’Anderson (1723), exige de dépasser les conflits internes pour un idéal universel.
Un symbole vivant pour l’avenir
Œdipe et le Sphinx de Gustave Moreau, 1864, Metropolitan Museum of Art.
Le Sphinx, énigme insoluble en apparence, devient en franc-maçonnerie une allégorie puissante de la quête initiatique. Il défie les maçons à surmonter les illusions, à embrasser la transformation et à transmettre une lumière durable. Comme Œdipe, qui a triomphé par l’intelligence, les initiés d’aujourd’hui peuvent relever les défis contemporains, taillant leur pierre brute avec sagesse et audace. Le Sphinx ne disparaît pas ; il renaît dans chaque loge, chaque réflexion, chaque acte de fraternité, guidant l’Art Royal vers un avenir éclairé.
Sources documentées :
Hésiode, La Théogonie, VIIIe siècle av. J.-C.
Sophocle, Œdipe Roi, Ve siècle av. J.-C.
Boucher, Jules, Symbolisme maçonnique, 1948.
Bayard, Jean-Pierre, Symbolisme maçonnique des hauts grades, 1982.
Anderson, James, Constitutions of the Free-Masons, 1723.
Études mythologiques : Graves, Robert, The Greek Myths, 1955.
Jusqu’au XVIIIe siècle, l’alchimie et la chimie ne faisaient qu’un, une discipline audacieuse mêlant science et spiritualité. Puis, avec l’essor des Lumières, elle fut reléguée au rang d’ésotérisme et d’occultisme, éclipsée par la raison triomphante. Pourtant, pendant plus de quinze siècles, les alchimistes ont poursuivi deux quêtes légendaires : transformer les métaux vils en or et concocter un élixir de longue vie guérissant tous les maux. De l’Alexandrie antique aux laboratoires européens, en passant par le monde arabo-musulman, leur héritage a façonné la science moderne tout en laissant une empreinte mystique indélébile.
Plongeons dans cette saga captivante, enrichie par les travaux de Didier Kahn, éminent spécialiste du CNRS, pour découvrir qui étaient ces pionniers et ce qu’ils nous ont légué – avec un éclairage particulier sur leurs liens profonds avec la franc-maçonnerie.
Les origines : de l’alexandrie antique à l’Europe médiévale
L’alchimie naît aux premiers siècles de notre ère à Alexandrie, creuset intellectuel du bassin méditerranéen. Les manuscrits grecs, comme ceux de Zosime de Panopolis, père de l’alchimie, décrivent une « chimie des métaux » centrée sur le mercure comme élément primordial, selon Bernard Joly (Quand l’alchimie était une science, 2013). Cette tradition prend son envol au VIIIe siècle avec les savants arabo-musulmans. Jabir ibn Hayyan (Geber) et Al-Razi perfectionnent des techniques révolutionnaires – distillation, sublimation – dont les écrits, traduits en latin au XIIe siècle, irriguent l’Europe. Le Moyen Âge voit alors l’alchimie s’épanouir, mêlant expérimentation et mysticisme, portée par des figures comme Albert le Grand, Roger Bacon ou la légende envoûtante de Nicolas Flamel.
Une évolution à la renaissance : de Paracelse à Newton
À la Renaissance, l’iatrochimie émerge, fusionnant médecine et alchimie, grâce à Paracelse, qui intègre le sel aux principes de soufre et de mercure pour expliquer la nature entière – une vision trinitaire inspirée de la création divine. Même Isaac Newton, au XVIIe siècle, s’y intéresse, scribouillant des notes alchimiques entre deux lois de la gravitation. Mais la méthode expérimentale gagne du terrain, portée par Lavoisier et Priestley, reléguant l’alchimie au second plan et donnant naissance à la chimie moderne. Didier Kahn (Le Fixe et le volatil, 2007) rappelle que ces pratiques remontent à 3000 ans avant les premiers traités, bien avant que l’alchimie ne s’impose en Occident via les traductions arabes au XIIe siècle.
L’Alchimie comme science et spiritualité
Eliphas Lévi
Didier Kahn souligne que l’alchimie visait la transmutation des métaux en or et un élixir universel, via la pierre philosophale. Ces quêtes, bien que matérielles, étaient profondément spirituelles : transformer la matière reflétait une purification de l’âme. Les alchimistes, hommes de laboratoire, interprétaient des textes symboliques, laissant un legs de techniques (acides nitrique et sulfurique) et d’idées. Pourtant, au XVIIIe siècle, cartésianisme, charlatans et l’essor de la chimie autonome ont discrédité l’alchimie, la reléguant à l’occultisme – un glissement amplifié par les loges maçonniques et des figures comme Eliphas Lévi au XIXe siècle.
Le lien avec la Franc-maçonnerie : une quête partagée
L’alchimie et la franc-maçonnerie partagent des racines profondes, toutes deux puisant dans les mystères antiques et la quête de transformation intérieure. Dès le XVIIIe siècle, avec la création des premières loges spéculatives, l’alchimie s’intègre aux rituels et symboles maçonniques, devenant un outil d’initiation.
1. Symbolisme commun : de la pierre philosophale aux colonnes
Les alchimistes cherchaient la pierre philosophale, une substance capable de transmuter les métaux et d’élever l’esprit. En franc-maçonnerie, cette idée se reflète dans la « pierre brute » taillée par l’initié pour atteindre la perfection, un processus spirituel parallèle à la transmutation alchimique. Les colonnes Jakin et Boaz, gardiens du Temple de Salomon, évoquent les principes alchimiques de stabilité (sel) et de volatilité (mercure), tandis que le compas et l’équerre symbolisent l’harmonie des éléments, un écho aux travaux de Paracelse.
2. Héritage Initiatique : Des Mystères aux Loges
L’alchimie, transmise par des initiés comme Nicolas Flamel (même si sa pratique est mythifiée), trouve un prolongement dans les loges. Les rituels maçonniques, notamment dans le Rite Écossais Ancien et Accepté (REAA), intègrent des allégories alchimiques : la mort et la résurrection du maître Hiram rappellent la régénération alchimique. Des figures comme Albert le Grand, attribué à tort des traités alchimiques, ont influencé les premiers maçons, qui voyaient dans l’alchimie une science sacrée reliant terre et ciel.
3. Une influence spirituelle continue
Au XVIIIe siècle, les loges maçonniques, notamment celles influencées par le martinisme ou l’illuminisme, ont embrassé l’alchimie comme une quête spirituelle. Les alchimistes, avec leur langage symbolique, inspiraient des planches philosophiques explorant la trinité soufre-mercure-sel. Aujourd’hui, certaines loges continuent d’étudier ces textes, voyant dans l’alchimie un miroir de leur propre transformation intérieure, un héritage vivant au-delà du discrédit scientifique.
L’héritage moderne : une réhabilitation
Si l’alchimie a basculé dans l’occultisme au XVIIIe siècle sous l’influence des Lumières et du romantisme (Goethe, Dumas), elle renaît aujourd’hui comme objet d’histoire et de culture. Didier Kahn note que des centaines de chercheurs explorent cet héritage, révélant son rôle dans l’évolution des sciences. En franc-maçonnerie, cette réhabilitation inspire une réflexion sur l’équilibre entre tradition et innovation, un défi contemporain pour l’Art Royal.
Un legs vivant
Les alchimistes, loin d’être de simples charlatans, étaient des pionniers qui ont jeté les bases de la chimie tout en poursuivant une quête spirituelle. Leur héritage, enrichi par leur lien avec la Franc-maçonnerie, nous invite à transcender la matière pour atteindre une sagesse universelle. De Zosime à Newton, de Flamel aux loges modernes, l’alchimie reste un pont entre science et mystère – un trésor à redécouvrir.
Sources documentées :
Joly, Bernard, Quand l’alchimie était une science, 2013.
La France, terre de laïcité depuis la loi de 1905, affiche fièrement sa séparation stricte entre Église et État. Pourtant, dans plusieurs territoires d’Outre-mer, cette règle sacrée ne s’applique pas, défiant les principes républicains. En Guyane, une ordonnance royale vieille de 197 ans, signée par Charles X en 1828, lie encore aujourd’hui les pouvoirs publics au financement de l’Église catholique. De l’Alsace-Moselle à Mayotte, en passant par Saint-Pierre-et-Miquelon et les territoires du Pacifique, des exceptions troublantes perdurent.
Pourquoi ces territoires échappent-ils à la laïcité universelle ? Une circulaire du ministère de l’Intérieur de 2011 et les célèbres « décrets Mandel » de 1939 lèvent le voile sur ces particularités historiques et culturelles. Plongeons dans cette enquête pour comprendre ces anomalies et leurs implications.
Une racine historique : L’ordonnance de 1828 en Guyane
Charles-Philippe de France, comte d’Artois, né le 9 octobre 1757 au château de Versailles (France) et mort le 6 novembre 1836 à Görtz (Autriche)
Il y a tout juste 197 ans, le roi Charles X scellait un pacte unique en signant une ordonnance régissant le culte catholique en Guyane, alors colonie française. Ce texte, jamais abrogé, fait de ce territoire une exception parmi les départements d’Outre-mer. Lorsque la loi de 1905 a été adoptée, elle n’a pas été étendue à la Guyane, contrairement à la Guadeloupe, la Martinique ou La Réunion, départementalisées en 1946. Résultat :
la Collectivité territoriale de Guyane alloue aujourd’hui environ 1,1 million d’euros annuels pour rémunérer les prêtres et entretenir les églises, une pratique qui choque les défenseurs de la laïcité.
Cette anomalie a suscité des levées de boucliers. Des recours judiciaires et des propositions parlementaires ont tenté de la faire tomber, mais le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel ont maintenu l’ordonnance en vigueur, arguant de son caractère historique. Récemment, un accord entre l’Église catholique et la Collectivité a été conclu :
les nouveaux prêtres seront désormais payés par le diocèse, soulageant les finances publiques mais plongeant l’institution religieuse dans une crise budgétaire.
Des exceptions à travers l’outre-mer
Prêtre dans son église son missel à la main
La Guyane n’est pas un cas isolé. L’Alsace-Moselle, sous domination allemande lors de la promulgation de la loi de 1905, conserve un régime concordataire hérité du XIXe siècle, permettant le financement des cultes catholique, protestant et juif. À Mayotte, à majorité musulmane, les « décrets Mandel » de 1939 autorisent l’État à subventionner le catholicisme et l’islam via des missions religieuses sous tutelle préfectorale. Saint-Pierre-et-Miquelon et les territoires du Pacifique (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis-et-Futuna) suivent un schéma similaire, avec un soutien principalement accordé à l’Église catholique, et au protestantisme en Polynésie.
En revanche, la Guadeloupe, la Martinique, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et La Réunion appliquent pleinement la loi de 1905, garantissant une séparation stricte. Là, pas de fonds publics pour les cultes : tout repose sur les dons des fidèles, alignant ces territoires sur l’Hexagone, renforcé par la loi séparatisme de 2021.
Georges Mandel dans les années 1930.
Les décrets Mandel : un encadrement spécifique
Signés par Georges Mandel, ministre des Colonies en 1939, ces décrets visent à encadrer le fait religieux dans les territoires où la loi de 1905 ne s’applique pas. Ils instaurent des missions religieuses, gérées par des conseils d’administration sous l’œil du préfet, permettant à toutes les religions de recevoir des fonds publics. En Guyane, seule l’Église catholique a créé une mission, tandis qu’à Mayotte, le catholicisme et l’islam en bénéficient. Dans le Pacifique, l’Église catholique domine, avec un soutien au protestantisme en Polynésie, reflétant les sensibilités locales.
Pourquoi ces différences ?
Une question d’histoire et de culture
Carte de la Guyane
La circulaire du ministère de l’Intérieur du 25 août 2011 éclaire ces écarts : la loi de 1905 n’a pas été uniformément appliquée en raison des « particularités locales » au moment de sa promulgation et des évolutions statutaires des anciennes colonies. En Guyane, l’ordonnance de 1828, ancrée dans une époque coloniale, a résisté aux vents de la laïcité. À Mayotte, l’influence islamique prédominante a justifié un régime adapté. Dans le Pacifique, les traditions missionnaires catholiques, héritées de la colonisation, ont perduré. Ces exceptions, bien que critiquées, tiennent compte des héritages historiques et des identités culturelles, posant un défi au principe d’égalité républicaine.
Implications et débats contemporains
Mayotte après l’ouragan
Ces régimes spéciaux suscitent des tensions. En Guyane, le financement public des prêtres est perçu comme une entorse à la laïcité, d’autant que l’accord récent avec le diocèse peine à stabiliser la situation financière de l’Église. À Mayotte, le soutien aux cultes soulève des questions sur la neutralité de l’État dans un contexte multiconfessionnel. Des voix s’élèvent pour harmoniser les pratiques, mais les spécificités locales freinent toute réforme. Le Conseil constitutionnel, dans une décision de 2013, a jugé que ces exceptions ne violaient pas la Constitution, tant qu’elles respectent la liberté de conscience.
Une perspective historique et philosophique
Ces divergences rappellent que la laïcité française, née d’un contexte métropolitain, a dû s’adapter aux réalités coloniales. L’ordonnance de 1828 en Guyane témoigne d’une époque où l’Église soutenait l’administration coloniale, une alliance que la loi de 1905 a cherché à rompre en métropole. Les décrets Mandel, quant à eux, reflètent une tentative de contrôle administratif des cultes, un héritage du paternalisme colonial qui perdure.
Un équilibre fragile
La loi de 1905, pilier de la laïcité, ne s’applique pas uniformément, créant un patchwork confessionnel en Outre-mer. Entre héritage historique, identités culturelles et pressions modernes, ces exceptions posent un défi permanent à l’unité républicaine. Si des ajustements progressent – comme en Guyane –, la question reste ouverte : jusqu’où la France peut-elle concilier laïcité et diversité ? Cette énigme, digne d’un Sphinx moderne, appelle à un dialogue continu pour préserver l’esprit de 1905 tout en respectant les singularités.
Sources documentées :
Circulaire du ministère de l’Intérieur, 25 août 2011.
Décision du Conseil constitutionnel, 2013.
Archives historiques sur l’ordonnance de 1828 (Guyane).
Rapports officiels sur les décrets Mandel, 1939.
Données statistiques sur les financements cultuels (Collectivité de Guyane, 2025).
Depuis 80 ans, les États-Unis se sont imposés comme les sauveurs de l’Europe et les gardiens autoproclamés de la paix mondiale. Une image savamment façonnée par le soft power américain. Films hollywoodiens, séries et récits héroïques ont tranquillement programmé nos esprits dans cette logique indiscutable. Pourtant, les 25 dernières années – avec des guerres controversées, des ingérences et des alliances douteuses – ont fissuré ce narratif.
Pierre Conesa, ancien haut fonctionnaire au ministère de la Défense et expert en géopolitique, démonte cette illusion dans une interview sur France Culture. Il révèle comment Hollywood a construit des ennemis stéréotypés – Indiens, communistes, Arabes – pour justifier des agendas politiques. Face à ces vérités alternatives, des certitudes s’effritent. Le monde des apparences n’agit pas seulement dans les salles obscures, il est parfois à l’oeuvre dans nos Temples maçonniques.
Comment retrouver la confiance et tracer une voie juste dans ce brouillard d’informations ?
Hollywood, machine à propagande
Un panneau à Los Angeles, ‘Hollywood Boulevard’
Conesa démontre que sans ministère de l’Éducation nationale aux États-Unis, le cinéma a pris le relais pour façonner le récit national. Des westerns aux blockbusters modernes, l’Amérique s’est érigée en héros invincible, tandis que l’« autre » – qu’il soit indien ou musulman – devenait un méchant caricatural. Cette fabrication d’ennemis, loin d’être innocente, a servi à rallier l’opinion publique à des conflits. Les événements récents, comme l’invasion de l’Irak ou les tensions avec la Russie, jettent un doute glaçant :
et si cette image de sauveur masquait des intérêts stratégiques ? Cette remise en question bouscule nos certitudes.
Pierre Conesa nous rappelle que dans Rambo II, le héros retourne au Vietnam sauver ses compatriotes, et necessité oblige, il tue 76 vietnamiens ennemis. Imaginons un instant, un film sur la guerre d’Algérie, le héros dans le deuxième volet retournerait tuer 76 algériens. Ce serait un drame diplomatique. Or dans le cas américain, personne ne trouve à redire, pourquoi ?
Franc-maçonnerie : un réveil nécessaire
Article du 26 août dernier : « Le conformisme en Franc-maçonnerie : quand les « Oracles » modernes aveuglent l’Art Royal »
En franc-maçonnerie, des dynamiques similaires émergent. Comme Hollywood impose ses récits, certains « oracles » maçonniques – historiens ou instructeurs – dictent des vérités figées, freinant l’évolution de l’Art Royal (voir à ce sujet l’article du 26 août dernier). Les symboles (colonne, équerre) ou rituels, censés éclairer, sont parfois verrouillés par des barons qui privilégient leur pouvoir sur la quête de lumière.
Vers une voie juste : confiance et discernement
Face à cette défiance généralisée, comment croire ? La franc-maçonnerie, par son héritage initiatique, peut répondre. Elle prône le doute cartésien et la recherche fraternelle, des outils pour filtrer les narratifs – qu’ils viennent d’Hollywood ou de Londres. En appliquant ce filtre, comme suggéré par Conesa, les maçons peuvent rejeter les vérités suspectes et reconstruire une confiance basée sur la réflexion collective.
Lire Savoirs et franc-maçonnerie au siècle des Lumières de Florence Mothe, c’est pénétrer dans une cathédrale de mots où chaque pierre est taillée dans l’histoire, la science et l’initiation. Rien ici n’est une froide érudition : tout respire la ferveur d’un siècle où la connaissance semblait pouvoir conduire l’humanité au bonheur universel, et où la franc-maçonnerie fut à la fois le laboratoire, le sanctuaire et l’amplificateur de cette espérance.
L’auteure nous entraîne dans un voyage au cœur du XVIIIe siècle, où les figures de Helvétius, Montesquieu, Franklin, Lalande, Lavoisier ou Condorcet apparaissent non pas comme des statues immobiles mais comme des frères vivants, tissant ensemble un tissu intellectuel et spirituel sans précédent.
Savoirs et franc-maçonnerie au siècle des Lumières
Il faut dire qui est Florence Mothe pour comprendre la force de son regard. Née en 1947 à Bordeaux, journaliste, musicologue, historienne, elle a travaillé pour la presse et les radios culturelles avant de consacrer l’essentiel de sa vie à transmettre la mémoire du XVIIIe siècle. Chevalier des Arts et des Lettres, lauréate du Grand Prix de littérature de la Ville de Bordeaux, elle a reçu en 2013 le Prix de l’Institut Maçonnique de France (IMF) dans la catégorie « Histoire » pour son ouvrage Lieux symboliques en Gironde, trois siècles de franc-maçonnerie à Bordeaux (Dervy, 2013). Mais son œuvre dépasse le seul champ de l’écriture. Héritière du château familial de Mongenan, monument historique situé à Portets (Gironde), elle a ouvert ce lieu à la visite en 1983, en y recréant un musée du XVIIIe siècle et un temple maçonnique daté de 1738, ainsi qu’un jardin botanique inspiré de Rousseau. Là, chaque semaine, elle anime depuis des décennies des conférences, faisant du château une véritable académie vivante, un lieu où se conjuguent viticulture, arts, symbolisme, initiation et mémoire des Lumières. Elle incarne ainsi une démarche rare : celle d’une écrivaine enracinée dans un patrimoine qu’elle habite, restaure, médite et transmet.
Château de Mongenan, son musée du XVIII° siècle
Le livre déploie la vaste fresque de ce siècle où la franc-maçonnerie, encore jeune en France, s’est faite matrice de savoirs et d’utopies. Florence Mothe ouvre d’abord sur l’atmosphère générale : ce temps où, comme à Athènes sous Périclès ou Florence sous les Médicis, l’humanité crut au progrès infini. La science avançait à pas de géant, l’encyclopédie s’érigeait en nouveau livre sacré, la philosophie repoussait les limites de la théologie. La franc-maçonnerie, en ce contexte, fut bien plus qu’un ordre discret : elle devint la chambre de résonance d’un désir universel de connaissance. Le cabinet de réflexion, que l’auteure rapproche de la méditation scientifique, illustre cette jonction entre l’ésotérisme et la rationalité, entre la magie ancestrale et la méthode expérimentale.
Puis vient le long portrait de Claude-Adrien Helvétius, figure cardinale. Issu d’une lignée de médecins protestants, devenu fermier général, philosophe, écrivain, initié, il incarne ce passage de la richesse matérielle au service de l’humanité. Son livre De l’esprit, brûlé en place publique, fait trembler l’Église et annonce déjà la Révolution en affirmant que la vertu ne dépend pas des religions mais des lois justes. Sa pensée, nourrie de Locke et de Montesquieu, ouvre une brèche immense : l’esprit n’est pas inné, il est acquis par l’éducation et l’environnement. Helvétius rêve alors d’un atelier idéal, d’une loge où toutes les sciences et toutes les philosophies se réuniraient. Ce rêve, poursuivi après sa mort par sa veuve Catherine de Ligniville, par Lalande et par Franklin, devient réalité avec la loge des Neuf Sœurs.
L’ouvrage consacre de belles pages à cette loge mythique qui, au-delà de ses membres illustres, incarne la vocation maçonnique à unir science et art, raison et fraternité. Les Neuf Sœurs furent bien plus qu’un cercle intellectuel : elles furent un creuset initiatique où peintres, savants, écrivains, astronomes, musiciens, philosophes dialoguaient comme dans une arche universelle. Là se préparèrent les grandes mutations de la Révolution, mais aussi l’engagement pour l’indépendance américaine. Florence Mothe montre que ces loges furent des académies avant l’heure, viviers de recherches croisées où l’esprit de la science et l’esprit maçonnique se fécondaient mutuellement.
Chaque chapitre du livre nous entraîne dans la constellation des figures qui illuminèrent ce siècle. Lavoisier et les chimistes, Jussieu et Buffon explorant la nature, Bailly et Lalande scrutant les astres, Condorcet rêvant d’une perfectibilité illimitée, Franklin incarnant la rencontre entre l’Amérique et la France : chacun devient un maillon d’une chaîne d’union universelle. Les femmes ne sont pas absentes : Mme Helvétius, Mme de Graffigny et d’autres tiennent salon et animent la circulation des idées. Même la musique et les arts trouvent leur place dans ce temple de la connaissance.
Florence Mothe
Florence Mothe n’élude pas les ombres. Elle rappelle que l’utopie des Lumières s’achève dans la Terreur, que le rêve d’un bonheur universel fut fracassé par la violence politique. Elle montre aussi les résistances : l’hostilité de l’archevêque de Beaumont, la condamnation de De l’esprit, les persécutions des jésuites. Mais elle souligne que ces obstacles ne firent que renforcer la conviction que la liberté de conscience et la fraternité maçonnique étaient les conditions mêmes de l’émancipation humaine.
Dans les derniers développements, l’auteure élargit la perspective : les Illuminés de Bavière, la théorie du complot de l’abbé Barruel, la mission universelle des hommes selon Saint-Yves d’Alveydre, la continuité des savoirs initiatiques de l’Égypte à la franc-maçonnerie moderne. Elle montre comment la quête des Lumières se prolonge dans les utopies sociales du XIXe siècle, dans les sciences, dans les arts, dans les rituels mêmes du Rite Écossais Ancien et Accepté.
Ce livre, au fond, est un miroir pour nous. Car en évoquant ce siècle de passions, Florence Mothe nous invite à interroger notre propre rapport à la connaissance. Elle écrit à l’heure de l’intelligence artificielle, rappelant que science et philosophie ont le même objet : chercher la vérité de l’homme et du monde. Les Lumières furent une initiation collective, un moment où la raison se fit flamme, où la loge devint temple de l’esprit. Relire cette histoire, c’est comprendre que notre démarche maçonnique s’inscrit dans ce même chantier : unir l’héritage des savoirs et la force des symboles pour édifier une humanité plus juste.
Ainsi, Savoirs et franc-maçonnerie au siècle des Lumières n’est pas seulement une contribution historique. C’est une méditation initiatique, une convocation de la mémoire vivante des Frères et des Sœurs d’hier, une invitation à poursuivre leur œuvre. Comme les Neuf Sœurs invoquant Mnémosyne, nous comprenons, en refermant ce livre, que la connaissance n’est pas une possession mais une lumière à transmettre. Et que la franc-maçonnerie, en demeurant fidèle à cet héritage, reste aujourd’hui encore la gardienne d’un temple invisible : celui de l’alliance de la science et de l’esprit, au service du bonheur et de la liberté des hommes.
Savoirs et franc-maçonnerie au siècle des Lumières