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Jacob Cohen : « Le GODF ressemblerait au PS » – « La GLNF ressemblerait au FN/RN »

Monde arabe, Maghreb, Maghrébins en France et Franc-maçonnerie.

Du site Algérie Patriotique algeriepatriotique.com

Jacob Cohen est né en 1944 au Maroc. Après des études de droit et de sciences politiques, il devient assistant à la faculté de droit de Casablanca. Il exprime ses engagements à travers des romans sur des thèmes sociaux ou politiques, dont Le Printemps des Sayanim (sur les juifs de la diaspora qui collaborent avec le Mossad).

Transcription du commentaire

« …Les normes vestimentaires au sein de la Grande Loge deviennent un symbole de discrimination et de hiérarchie sociale et comment cela affecte-t-il l’expérience de Yousseph el Cohen le protagoniste de votre récit principal alors il faut que je donne quelques explications parce que pour les non connaisseurs.

Vous savez, les la Franc-Maçonnerie n’est pas ce que les gens ont comme idée ou peut-être une idée un peu simpliste de la franc-maçonnerie, c’est-à-dire ils pensent.

En fait, il y a des francs-maçons, mais ils sont partagés en diverses obédiences, c’est un peu comme des partis politiques.

En France, en tout cas, par exemple, il y a le Grand Orient de France qui ressemblerait au Parti socialiste euh il y a la Grande Loge de France qui ressemblerait au Parti libéral, les républicains par exemple. Et puis, il y a la Grande Loge Nationale Française qui ressemblait au Front National au rassemblement national et puis il y a d’autres qui seront par exemple comme les petites obédiences, comme la Grande Loge mixte universelle, euh comme LE DROIT HUMAIN que j’ai mentionné d’ailleurs en passant dans l’ouvrage et et donc euh elles sont elles sont bien sûr différentes par leur idéologie et non par exemple notamment euh

le Grand Orient de France est très laïque, très laïcisé et et donc on peut discuter au sein du Grand Orient on peut faire des conférences des planches comme on appelle ça euh, sur l’euthanasie, sur le Moyen-Orient, sur ce qu’on veut.

La Grande Loge de France est beaucoup plus stricte elle n’admet que des discussions et des conférences sur la symbolique et la philosophie et le symbolisme.

ils ont aussi une une discipline très stricte au niveau de disons du costume quand on va là-bas c’est costumes sombres avec cravate noire ou du nœud papillon et chemise blanche et au Grand Orient de France c’est un peu la débandade ça veut dire il y a vraiment c’est l’anarchie vestimentaire et Yousseph El Cohen qui est mon comment dire qui est le personnage principal qui est je vous le présente un peu qui est le maghrébin de 35 ans, immigré agrégé d’histoire et, pour lui, être intégré au Grand Orient de France c’est le summum de l’intégration républicaine… »

À la Croisée des mystères : Les Templiers, Jésus-Christ et les sociétés secrètes…

Le dernier opus de Philippe Liénard Templiers, Jésus-Christ, Ordres et sociétés spirituelles ou religieuses-Des mystères antiques, aux réseaux actuels explore un vaste éventail de l’histoire occulte et spirituelle, révélant les connexions et les évolutions mystérieuses depuis les enseignements de Jésus-Christ, les Templiers jusqu’aux ordres et sociétés spirituelles ou religieuses contemporaines. Il offre une plongée profonde dans les secrets bien gardés et les réseaux influents qui ont façonné, en coulisses, le cours de l’histoire humaine.

L’ouvrage, au riche contenu historique, offre une analyse détaillée de plus de deux mille de traditions. À commencer avec l’histoire des Templiers, entre 1118 et 1312, qui est fascinante, mêlant bravoure chevaleresque et mystères spirituels. Fondé pour protéger les pèlerins en Terre Sainte, cet ordre a rapidement gagné en puissance et richesse, s’imbriquant profondément dans la chrétienté. Ils ont également exploré des savoirs ésotériques, empruntant à des cultes mystérieux d’anciennes civilisations. Leur fin en 1312, suite à des accusations controversées, laisse derrière elle un héritage riche en légendes et en mystères, influençant jusqu’à aujourd’hui les quêtes spirituelles et ésotériques.

Jacques de Molay jette l’anathème sur ses juges et bourreaux, Clément V et Philippe IV

La mort de Jacques de Molay, le dernier Grand Maître des Templiers, marque un tournant historique. Condamné pour hérésie, il fut exécuté sur le bûcher en 1314, scellant ainsi le destin tragique de l’ordre du Temple. Cette fin dramatique a alimenté des siècles de légendes et spéculations sur les secrets des Templiers et leur héritage mystique. Philippe Liénard souligne que de nombreux ordres religieux et initiatiques qui sont venus après les Templiers ont été influencés par ceux-ci, interprétant différemment l’enseignement du Christ.

De leur héritage et influence, retenons que ceux qui prétendent être leurs successeurs ou qui s’en réclament, ne sont pas tous forcément fréquentables.

L’auteur s’attache aussi de savoir comment et pourquoi la franc-maçonnerie, dès le XVIIIe siècle, s’associe à cette filiation.

La colonne vertébrale de l’ouvrage s’articule à partir de sept chapitres, dont un conclusif au nom de Jésus. Tout comme le premier intitulé « Au nom de Jésus-Christ ».

Ce chapitre semble aborder les origines du christianisme et la figure de Jésus (Yeshouah Emmanuel dit de Nazareth), considérant le contexte historique et les suites de son enseignement. La section examine l’impact de Jésus en tant que figure charismatique et pacifique.

Avec « Les Templiers sont des chrétiens, héritiers des mystères », le chapitre 2 se penche sur les racines historiques des Templiers et leur relation avec les cultes d’initiation, d’ouverture et de libération. Il discute la quête templier des fondements du christianisme, le renouveau du Christ, et la relation avec des figures comme Marie-Madeleine et Saint-Jean.

Suivi par « Les anciens Ordres chevaleresques où intervient un aspect religieux chrétien », une partie couvrant divers ordres chevaleresques anciens qui ont eu un impact religieux chrétien. L’auteur débute avec celui, peu connu, des Saints-Martyrs en 1024. Rappelons que l’Europe était en plein Moyen Âge, une période caractérisée par la formation de divers ordres religieux et la consolidation du pouvoir ecclésiastique. Philippe Liénard cite notamment lOrdre de Calatrava. Créé en 1158, cet ordre a été le premier ordre militaire fondé en Castille. Il doit son nom à la forteresse de Calatrava, qu’il a été chargé de défendre contre les Almohades. L’ordre a joué un rôle significatif dans la défense des frontières chrétiennes. Mais aussi l’Ordre de Montesa, créé en 1317 par le roi Jacques II d’Aragon pour remplacer l’ordre du Temple (dissous par le pape Clément V) dans le royaume. Cet ordre a hérité des biens de l’ordre du Temple dans la région et a contribué à la lutte contre l’Islam sur le front oriental de la péninsule. Le lecteur découvrira ainsi nombre de ces ordres.

Blason ordre Teutonique
Ordre Teutonique, arme du grand maître

Y compris ce que l’auteur nomme « Les Ordres de l’Est », tel celui des Teutoniques, officiellement appelé l’Ordre des Chevaliers de l’Hôpital Sainte-Marie des Teutoniques de Jérusalem, ordre religieux et militaire catholique fondé vers la fin du XIIe siècle, pendant les croisades en Terre Sainte. Initialement créé pour aider et soigner les pèlerins chrétiens en route vers la Terre Sainte, l’ordre a rapidement acquis une dimension militaire pour participer activement aux croisades.

Arms of the Most Noble Order of the Garter

Et de ceux d’Occident comme celui de l’Ordre de la Jarretière (Order of the Garter), le plus ancien et le plus élevé ordre de chevalerie d’Angleterre, fondé en 1348 par le roi Édouard III. Et sa célèbre devise « Honi soit qui mal y pense »… Mais aussi, par exemple, l’Ordre du Saint-Esprit (Ordre du Saint-Esprit ou Ordre des Chevaliers du Saint-Esprit), parfois appelé le Saint-Esprit, ordre de chevalerie français fondé en 1578 par le roi Henri III. Il était considéré comme l’ordre de chevalerie le plus élevé de France jusqu’à la fin de la monarchie française en 1830. L’ordre était principalement décerné pour des réalisations militaires et civiles exceptionnelles.

L’auteur nous entretient des « Ordres groupements », démêlant un certain nombre de sigles des plus étranges pour le non initié : OSMTJ, OTO, OVDT, OSTT. Des acronymes faisant référence à diverses organisations ou ordres, souvent associés à des contextes ésotériques, spirituels ou historiques. Il propose un décodage. L’Ordo Supremus Militaris Templi Hierosolymitani (OSMTJ) se réfère à l’une des branches modernes qui revendiquent l’héritage des Templiers, l’ordre médiéval des chevaliers du Temple. Ces organisations contemporaines s’inspirent de l’histoire, des mythes et des idéaux des Templiers historiques, bien qu’elles ne soient pas directement liées à l’ordre médiéval dissous au XIVe siècle.

L’Ordo Templi Orientis (OTO) est un ordre initiatique qui a été associé à des pratiques ésotériques, au mysticisme et à la magie cérémonielle. Fondé au début du XXe siècle, l’OTO a été influencé par des figures telles qu’Aleister Crowley. L’organisation adopte une structure hiérarchique et propose un système de grades basé sur des rites initiatiques.

Les Veilleurs du Temple (OVDT), comme ordre, se distinguent par leur engagement envers les principes de vigilance, de protection des connaissances sacrées et de soutien aux valeurs chevaleresques dans le monde moderne. Leur fondation relativement récente, en 1992, indique une volonté de renouveler et d’adapter les enseignements templiers aux défis contemporains, tout en restant fidèles à l’esprit de quête spirituelle et d’engagement communautaire qui caractérisait l’ordre original.

Ou encore l’Ordre Souverain du Temple Initiatique (OSTI) fondé dans un esprit de renouveau des traditions templières adaptées au contexte moderne. L’OSTI cherche à fusionner la quête chevaleresque historique avec une démarche intérieure profonde. Les membres de cet ordre s’engagent dans un parcours initiatique visant à approfondir leur compréhension de mystères spirituels, à la fois individuellement et en communauté.

Ces organisations et ordres varient grandement dans leurs pratiques, philosophies et histoires. Ils attirent souvent ceux qui cherchent des connaissances spirituelles ou ésotériques en dehors des cadres religieux ou sociétaux traditionnels.

Le chapitre 4 « Aujourd’hui, de tout, chez les « Templiers », offre intelligemment une vue actuelle de l’influence des Templiers dans la société contemporaine. Suivi par une intéressante démonstration des « sociétés initiatiques, christiques, ou en lien avec l’esprit templier », explorant la relation entre la franc-maçonnerie et l’esprit templier, ainsi que les influences de figures comme Fénelon et les spécificités maçonniques. De Fénelon, le chevalier de Ramsay à l’ordre DeMolay International, ordre paramaçonnique américain crée en 1919 et répondu sur presque toute la surface de la Terre. Enfin « Les Églises « récentes », les sectes et les sociétés à statut religieux » aborde des mouvements religieux plus modernes comme les Théosophes, les Anthroposophes, l’Opus Dei et les Témoins de Jéhovah, en examinant leurs origines, leur fonctionnement et leur impact. L’auteur liste également des discussions sur les enseignements ésotériques, les mouvements religieux contemporains tels que la Scientologie, la Wicca, et des sujets comme le luciférianisme et le satanisme.

Le chapitre final semble offre une conclusion et une réflexion sur l’ensemble des thèmes traités dans le livre.

L’ouvrage de Philippe Liénard est une étude exhaustive sur les Templiers, les ordres chevaleresques, et diverses sociétés initiatiques et religieuses, leur histoire, leur influence actuelle, et leur relation avec le christianisme et les enseignements de Jésus. Il présente également une analyse des mouvements ésotériques et religieux modernes, offrant un panorama des croyances spirituelles à travers les âges.

Philippe Liénard – Source Le Soir.be

Philippe Liénard, avocat en droit des affaires et consultant intergouvernemental, est également un érudit auteur de nombreux ouvrages sur des thèmes variés incluant la franc-maçonnerie, les Templiers, l’islam, l’Opus Dei, les Illuminati, et les sociétés secrètes. Vivant entre la France et la Belgique, il s’investit dans l’étude de l’Histoire et de l’Humanité, visant à contribuer à un monde plus harmonieux. Reconnu pour sa spécialisation sur les Templiers, Liénard approfondit ses recherches grâce à des archives précieuses, se positionnant comme un des rares spécialistes francophones sur le sujet.

Templiers, Jésus-Christ, Ordres et sociétés spirituelles ou religieuses-Des mystères antiques, aux réseaux actuels

Philippe LiénardCode9, 2024, 356 pages, 17 €/ISBN : 9782379391231

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De leur libre arbitre et accord : les femmes et la Franc-maçonnerie

De notre confrère californien californiafreemason.org – Par Allan L. Casalou, Grand Secrétaire

Bref histoire des femmes dans la première et la plus grande fraternité du monde

En retirant une brique du mur séparant la bibliothèque familiale du salon, Elizabeth St. Leger avait une vue complète de ce qui se passait dans la pièce voisine. Sa curiosité s’éveilla. Jusque-là, elle n’avait jamais assisté à une réunion de la loge maçonnique de son père. Elle était captivée. Mais à mesure que la procédure touchait à sa fin, Elizabeth a commencé à craindre d’être détectée. Elle s’est enfuie de la bibliothèque et a couru vers le majordome qui, à son insu, était le carreleur de la loge. Elle a crié et s’est évanouie. Le majordome a convoqué son père. Réalisant que sa fille avait été témoin de leur travail secret, Lord Doneraeil détermina que le meilleur remède était de la faire passer par les cérémonies dont elle venait d’assister, garantissant ainsi sa discrétion par l’obligation qui la lierait. 

C’est l’histoire de la « Dame franc-maçonne » recevant les diplômes de maçonnerie à Cork, en Irlande, au début des années 1700, plusieurs années avant la formation de la première grande loge à Londres. Ce n’est qu’une des nombreuses histoires de femmes franc-maçons fortuites – des femmes se cachant dans des horloges et des placards pour être témoins des mystères de la maçonnerie, pour ensuite être découvertes puis initiées par le maître réticent. Mais l’histoire des femmes dans la franc-maçonnerie est bien plus profonde et bien plus riche que ne le suggèrent ces récits amusants.

MAÇONNERIE OPÉRATIVE

Les femmes apparaissent dans l’histoire de la fraternité depuis ses premiers jours opérationnels. Alors que les métiers du bâtiment au Moyen Âge étaient généralement masculins, hommes et femmes travaillaient ensemble sur certains chantiers et, dans certains cas, les hommes étaient apprentis auprès de maîtres féminins. Dans « La légende des bonnes femmes – Les femmes médiévales dans les villes », la professeure allemande Erika Uitz met en lumière la prédominance des femmes bâtisseuses au Moyen Âge. Les premières décisions limitaient l’adhésion des femmes aux guildes aux épouses et aux veuves, et limitaient parfois leur travail à des tâches plus légères, mais des sources « suggèrent également que les femmes étaient employées à des travaux physiques pénibles », notamment le mélange de mortier, la construction de toits et le vitrage. Une gravure sur bois du début du XVIe siècle représente un homme et une femme soulevant une grosse pierre complétant le toit d’une chapelle. Uitz explique qu’à la fin du Moyen Âge, les femmes indépendantes étaient autorisées à exercer les métiers du bâtiment en Europe centrale, une pratique qui s’est répandue à mesure que les conditions économiques et démographiques changeaient.

Les archives de la Worshipful Company of Masons de Londres répertorient de nombreuses femmes inscrites sur les listes d’apprentissage à la fin des années 1600 et au début des années 1700. Beaucoup étaient des veuves qui poursuivaient le métier de leur mari ou surveillaient un fils mineur – mais pas toutes. Par exemple, les listes de 1714 incluent Mary Banister, qui n’était ni veuve ni fille de maçon. Son père était boulanger et elle n’était pas mariée. Les épouses et les veuves bénéficiaient de tarifs d’adhésion réduits, mais Mary payait à l’entreprise cinq schillings pour un apprentissage de sept ans, le même montant que les hommes.

Les chercheurs soulignent la langue des manuscrits survivants des guildes commerciales médiévales, y compris le poème Regius et d’autres charges anciennes, qui sont estimées par les maçons, comme un témoignage de l’évolution de l’artisanat ; Certaines grandes loges les considèrent aujourd’hui comme faisant partie de la loi maçonnique. Le poème Regius décrit le savant Euclide qui « ordonna que quiconque était un meilleur travailleur enseigne même à l’apprenant le plus lent à devenir parfait dans le métier respectable ; ainsi chacun doit enseigner l’autre et s’aimer comme une sœur et un frère. Les procès-verbaux de la première loge d’Édimbourg utilisent les termes « il » et « elle » pour désigner les maçons opérationnels.

MAÇONNERIE MASCULINE

Certains chercheurs utilisent les exemples ci-dessus comme preuve de la mixité dans les métiers du bâtiment médiévaux, tandis que d’autres contestent cette idée. Certains prétendent également que des loges spéculatives composées d’hommes et de femmes, appelées « loges androgynes », opéraient à Londres au début du XVIIIe siècle, mais, là aussi, les preuves sont rares.

Malgré ces débats, il ne fait aucun doute que la maçonnerie masculine a été officialisée en 1723 lorsque la Grande Loge de Londres a adopté les Constitutions d’Anderson. On y lit : « Les personnes admises comme membres d’une loge doivent être des hommes bons et vrais, nés libres, d’âge mûr et discret, sans esclaves, ni femmes, ni hommes immoraux ou scandaleux, mais de bonne réputation. » Cela ne pourrait pas être plus clair. Cette nouvelle grande loge était réservée aux hommes.

Les nouvelles constitutions ont fourni aux loges la structure, l’ordre et la cohérence qui manquaient au métier rudimentaire de la maçonnerie spéculative qui fleurissait alors dans les îles britanniques, et à la franc-maçonnerie masculine qui s’est répandue à travers le monde comme une traînée de poudre. Au milieu du XXe siècle, le nombre de membres a atteint un niveau record : des dizaines de milliers de loges et des millions de francs-maçons, exclusivement masculins. Cette tradition masculine s’est transmise fidèlement d’un continent à l’autre et d’une génération à l’autre – dans de nombreux cas, sans que l’on sache que les femmes pratiquaient toujours dans la même société fraternelle, quoique en plus petit nombre.

LOGES D’ADOPTION

Alors que les loges se formaient en France dans les années 1730, la grande loge se demandait comment répondre à l’intérêt des femmes pour leur métier masculin. Des loges androgynes existaient déjà à Paris, et d’autres loges décernaient des diplômes séparés aux femmes. Dans les années 1740, en réponse à cet intérêt, la grande loge créa les Loges d’Adoption, un système distinct de diplômes pour les femmes appelé le Rite Adoptif. 

Apparemment, il existait plusieurs variantes du rite adoptif. « The Perfect Mason », publié en 1744, décrit trois degrés. Selon Michael Segall, ancien grand chancelier de la Grande Loge de France, le Rite Primitif comptait quatre degrés (Apprenti, Compagnon, Maîtresse et Maîtresse Parfaite) ; le rite français, le plus répandu, avait cinq degrés (en ajoutant Elect Sublime Scottish Lady au premier) ; et il y avait aussi un rite des dix degrés, qui, selon Segall, était « rarement travaillé et copiait en partie les degrés [du rite écossais] ».

Les maçons français ont débattu de l’opportunité du rite adoptif. Certains hommes étaient totalement opposés à cette pratique. Mais, selon Albert Mackey, ces loges androgynes « sont devenues si nombreuses et si populaires qu’une persistance dans l’opposition aurait évidemment été impolitique, si elle ne menaçait pas réellement d’être fatale à l’intérêt et à la permanence de l’institution maçonnique ». 

Le Rite Adoptif a prospéré en France et a finalement fait son chemin en Amérique. L’une des premières loges adoptives connues en Amérique était la St. Anne’s Lodge à Boston. L’une de ses fondatrices, Hanna Crocker, est l’auteur d’une « série de lettres sur la franc-maçonnerie », publiée en 1815 sous le pseudonyme « A Lady of Boston ». Dans sa première lettre, datée du 7 septembre 1810, Crocker écrivait : « J’ai eu l’honneur il y a quelques années de présider en tant que maîtresse d’une [loge] composée uniquement de femmes ; nous tenions une loge régulière, fondée sur les principes originaux de la véritable maçonnerie ancienne, dans la mesure où cela était cohérent pour le caractère féminin.

Pour Crocker, le but de la franc-maçonnerie était d’élever l’esprit humain et elle croyait que la maçonnerie était un stimulant pour la conscience féminine à une époque où il y avait peu d’incitations pour cela. Décrivant l’époque, elle a écrit : « Si les femmes pouvaient même lire et mal écrire leur nom, cela leur suffirait… Mais l’esprit féminin en herbe ne pouvait plus supporter la crampe du génie. » À propos de la franc-maçonnerie, elle a conclu : « J’ai des raisons de croire que cette institution a été la première à donner naissance à l’éducation féminine dans cette ville, et à notre sexe un goût pour l’amélioration de l’esprit. »

Elle n’était pas seule dans sa réflexion. Albert Pike, l’un des maçons les plus cités dans l’histoire maçonnique, a écrit :

« Nos mères, épouses, sœurs et filles ne peuvent, il est vrai, être admises à partager avec nous les grands mystères de la Franc-Maçonnerie, mais il n’y a aucune raison substantielle pour qu’il n’y ait pas aussi une Maçonnerie pour elles, qui ne pourrait pas simplement leur permettre de se faire connaître des maçons, mais au moyen duquel, agissant de concert par le lien d’association et d’obligation mutuelle, ni ils peuvent coopérer aux grands travaux de la maçonnerie en aidant et, à certains égards, en dirigeant leurs œuvres de charité et leur travail. pour la cause du progrès humain. »

Au début du XIXe siècle, les maçons de plusieurs États rédigeaient et exécutaient des diplômes féminins, et Pike lui-même est crédité d’avoir traduit une forme du rite adoptif en anglais. Contrairement aux autres formes alors pratiquées, cette variante était très similaire aux loges masculines de son époque, jusque dans les détails des tabliers que portaient les « sœurs ».

À l’époque, la plupart des diplômes féminins étaient décernés aux épouses, filles et veuves de maçons – mais Pike semble avoir décerné ces diplômes à au moins une personne sans lien maçonnique. En 1866, le sculpteur Vinnie Ream Hoxie, âgé de 18 ans, a été sélectionné par le Congrès américain pour créer une statue d’Abraham Lincoln, faisant d’elle la plus jeune artiste et la première femme à recevoir une telle commande. Elle est devenue une figure éminente de Washington, DC, et a rencontré et s’est liée d’amitié avec Pike, qui y vivait. À un moment donné, Hoxie est devenue maçonne et quelques années après avoir terminé la statue de Lincoln, elle a achevé celle de Pike.

Dans « Haunted Chambers : The Lives of Early Women Freemasons », Karen Kidd décrit le soutien enthousiaste de Hoxie au rite adoptif. Elle écrit : « Vinnie a repris le projet de Pike d’établir un rite d’adoption américain, tel qu’il l’imaginait, avec autant d’énergie qu’elle s’est toujours engagée dans son art. Elle fut bientôt citée dans la presse comme soulignant les racines du rite américain dans le rite français d’adoption. L’attention qu’Hoxie a attirée n’a pas toujours été positive. En fait, elle s’est heurtée à une opposition significative de la part des hommes maçons américains. Ses espoirs et ceux de Pike d’étendre le Rite Adoptif à Washington, DC ne se sont jamais pleinement réalisés, peut-être en partie à cause de ce sentiment négatif – ou peut-être parce qu’une marque adoptive plus forte se développait déjà aux États-Unis.

Malgré ses propres critiques, Rob Morris, ancien grand maître du Kentucky, était un ardent défenseur du rite adoptif en Amérique – publiant même un magazine intitulé « The Adopted Mason ». En 1855, Morris créa la Constellation Suprême du Rite Adoptif Américain, une nouvelle forme de franc-maçonnerie qui devint l’Ordre de l’Étoile de l’Est (OES). L’OES a connu un grand succès et a finalement atteint plus de 500 000 membres, ce qui, à son sommet, était la plus grande organisation fraternelle mixte au monde. Cela pourrait expliquer pourquoi d’autres formes de maçonnerie mixte et féminine n’ont pas été aussi répandues aux États-Unis qu’ailleurs dans le monde. (Voir « Une voix pendant le mouvement des femmes » à la page 20 pour en savoir plus.)

À l’exception du succès et de la croissance de l’OES, la popularité du rite adoptif aux États-Unis et dans le monde a décliné à la fin du 19e siècle. Les hommes et les femmes des loges adoptives ne se contentaient plus de pratiquer un rite différent ; ils avaient envie de participer aux mêmes cérémonies que les loges masculines. En France, ils étaient sur le point de le faire.

MAÇONNERIE MIXTE

Maria Deraismes a été initiée à la Loge Les Libres-Penseurs à Paris en 1882, selon le même rituel que les hommes utilisaient depuis plus de 150 ans. George Martin, médecin et homme politique, était parmi les frères présents pour cette occasion historique : l’un des premiers cas enregistrés d’initiation d’une femme dans une loge régulière de maçons. Il n’est pas surprenant que Deraismes, qui était active dans le mouvement français des droits des femmes et dans les organisations naissantes de défense des droits de l’homme, ait revendiqué cette distinction. Son initiation a rencontré une telle acrimonie qu’elle a fini par se retirer de la loge – mais elle n’a pas été dissuadée. Elle et Martin ont travaillé ensemble pour fonder la première grande loge de « maçonnerie mixte » une décennie plus tard, la Grande Loge Symbolique Écossaise – Droits de l’Homme, qui allait bientôt devenir l’Ordre International de la Franc-Maçonnerie Mixte – Droits de l’Homme (Le Droit Humain, en français, ou LDH).

Aujourd’hui, LDH exploite des loges dans plus de 40 pays sur chacun des cinq principaux continents. Aux États-Unis, le premier d’entre eux a été créé en Pennsylvanie en 1903 sous la direction du franc-maçon français François Goaziou, rédacteur en chef d’un journal. Quelques années plus tard, il a dirigé la création d’une grande loge subsidiaire appelée la Fédération américaine LDH, qui compte désormais des loges dans plus de 20 États, dont plusieurs loges en Californie.

Entre-temps, la première loge LDH d’Angleterre a été fondée par Annie Besant, une dirigeante du mouvement pour les droits des femmes au Royaume-Uni. Besant et un certain nombre d’amis reçurent leurs diplômes maçonniques de la LDH à Paris en 1902 et retournèrent à Londres pour fonder la première loge de maçonnerie mixte d’Angleterre la même année. Besant est devenue le grand commandant d’une grande loge subsidiaire de la LDH, et au cours de son mandat, la maçonnerie mixte anglaise a développé les loges Mark Masons, la Holy Royal Arch et un ancien diplôme de maîtrise – alignant leurs corps supplémentaires comme l’avait fait la grande loge masculine d’Angleterre et différenciant de leurs homologues français. Une grande loge dissidente, qui pratiquait également la maçonnerie mixte, fut créée en 1908 : l’Honorable Fraternité de la Franc-Maçonnerie Ancienne (HFAF).

À l’aube du XXe siècle, hommes et femmes pratiquaient la franc-maçonnerie ensemble, dans les mêmes loges, en utilisant ses anciens rituels et cérémonies. Mais bientôt, il y aurait la Grande Guerre et les femmes joueraient un rôle de leadership accru dans le monde – et au sein de la Loge.

MAÇONNERIE FÉMININE

La Grande-Bretagne est entrée dans la Première Guerre mondiale en août 1914, enrôlant finalement la majorité de tous les hommes en bonne santé âgés de 18 à 51 ans. Les femmes occupaient les emplois que les hommes avaient quittés – et dans le cas de la grande loge mixte HFAF, les femmes occupaient également les loges.

Malgré le manque de candidats masculins pendant la guerre, la HFAF a quand même attiré de nouveaux membres sous la direction de son grand maître transformateur, Marion Halsey. Quatre-vingt-huit femmes – pour la plupart célibataires et sans enfants – ont été initiées pendant les années de guerre, contre seulement 12 hommes. Bientôt, presque tout le monde dans la loge était des femmes. À la fin de la guerre, les hommes qui ont survécu sont rentrés chez eux et sont retournés se loger. À peu près au même moment, la HFAF a demandé la reconnaissance officielle de la Grande Loge Unie d’Angleterre, mais elle n’a pas été accordée. Halsey et son équipe de direction ont réalisé qu’elles étaient destinées à se débrouiller seules – en tant que femmes. Entre 1919 et 1925, la HFAF a initié 253 femmes et seulement deux hommes. En 1935, le dernier membre masculin mourut et la maçonnerie purement féminine naquit. En 1958, lors de son anniversaire d’or, la HFAF a ajouté « Ordre des femmes francs-maçons » à son nom. Aujourd’hui, l’ordre compte plus de 6 000 membres au Royaume-Uni et dans d’autres régions du monde.

Outre-Manche, les francs-maçons français suivent un chemin similaire. En 1935, la Grande Loge de France accorde l’autonomie à un certain nombre de loges adoptées pour former une grande loge féminine en France. La Seconde Guerre mondiale interrompit leurs projets, mais finalement, en 1952, la Grande Loge des Femmes de France fut créée. Cette nouvelle grande loge a délaissé le Rite Adoptif, préférant travailler selon le Rite Écossais Ancien et Accepté. Bientôt, des loges féminines furent créées dans toute la France et dans d’autres régions d’Europe, dont la Belgique.

De l’autre côté de l’Atlantique, au Mexique, les premières loges de femmes ont été fondées à la fin du XIXe siècle, dissoutes et restituées sous d’autres formes. Ces efforts originaux des femmes ont été suivis en 1958 par la Grande Loge des Femmes Unies « Alma Mexicana », qui reste aujourd’hui l’une des plus grandes grandes loges féminines, avec 87 loges dans 18 États mexicains et dans le District fédéral.

Ici en Californie, en 2017, trois loges de Los Angeles associées à Alma Mexicana ont formé la Grande Loge des Femmes de Californie, complétant les loges féminines françaises et belges déjà établies dans l’État.

En effet, la maçonnerie féminine ne fait aujourd’hui que croître. En 2008, le Grand Maître français Yvette Nicolas a exprimé son point de vue sur son objectif :
« Être une grande loge de femmes ne signifie pas retrait ni refus de partager le travail maçonnique avec les hommes. Ce choix répond au besoin de trouver une unité spatio-temporelle spécifique pour la pensée et l’expression, permettant aux femmes de s’engager pleinement dans leur identité féminine et leur responsabilité en tant que femmes dans le monde.

Il y a sûrement des hommes qui peuvent comprendre. Les grandes loges masculines du monde entier en apprennent davantage sur les diverses distinctions créées au fil des siècles concernant le genre dans la franc-maçonnerie. En fait, la première grande loge du monde ouvre la voie.

VUE ANGLAISE MODERNE

Considérée comme la grande loge mère du monde, la Grande Loge Unie d’Angleterre (UGLE) attire l’attention constante de la fraternité. Les grandes loges masculines (et peut-être aussi les loges mixtes et féminines) considèrent les actions et les pratiques de l’UGLE comme la forme originale et dominante de la maçonnerie. Il y a vingt ans, au seuil du 21ème siècle, la première grande loge abordait officiellement le genre. Dans une déclaration du 10 mars 1999, l’UGLE a expliqué l’existence d’une maçonnerie féminine et mixte en Angleterre et a informé ses membres qu’ils étaient « libres d’expliquer aux non-maçons, si on leur le demandait, que la franc-maçonnerie n’est pas réservée aux hommes », même si l’UGLE n’admet pas les femmes – c’est-à-dire à moins que la femme ne soit un homme au moment de son initiation. En effet, l’UGLE a reconnu plus tard que le genre n’est pas toujours un statut permanent. Le 17 juillet 2018, l’UGLE a publié une politique stipulant qu’une personne qui a subi un changement de sexe et devient un homme peut demander à devenir membre de sa loge. De plus, un maçon qui, après son initiation, devient une femme a le droit de conserver sa qualité de membre actif de la loge. Les instructions aux loges incluent un code vestimentaire pour les femmes lors des réunions.

Il est impossible de savoir comment les idées de la fraternité sur les distinctions de genre dans la pratique de la franc-maçonnerie évolueront à l’avenir. Depuis les débuts de la franc-maçonnerie, hommes et femmes ont participé à ses mystères et fait avancer ses objectifs. Dans toutes les régions du monde, y compris dans l’État de Californie, il existe aujourd’hui trois courants de franc-maçonnerie distingués par genre : la maçonnerie masculine réservée aux hommes ; Maçonnerie féminine réservée aux femmes ; et maçonnerie mixte pour hommes et femmes ensemble. Tant que l’esprit humain trouvera le bonheur d’expérimenter et d’apprendre des rites et rituels initiatiques de la franc-maçonnerie dans un environnement spécifique au genre, les trois courants continueront probablement.

Alors que d’innombrables questions demeurent quant à l’avenir du genre et de la franc-maçonnerie, une chose est certaine : aujourd’hui, une femme n’a pas besoin de regarder à travers des briques ou de se cacher dans un placard pour devenir maçonne. Les femmes comme les hommes peuvent frapper directement à la porte de la franc-maçonnerie, de leur plein gré et de leur plein gré.

POUR VOTRE CONSIDÉRATION

Les membres de longue date et les nouveaux frères peuvent utiliser ces questions comme point de départ pour une discussion en loge ou lors de conversations en tête-à-tête.

  1. Nous savons qu’il existe aujourd’hui trois courants de la franc-maçonnerie distingués par genre (masculin, féminin et mixte). Quels sont les avantages de ces trois volets ?
  2. En expliquant les loges féminines, PGM Yvette Nicolas explique que leurs loges offrent un espace et un temps permettant aux femmes de s’engager dans leur identité féminine et de comprendre leur rôle en tant que femme dans le monde. Votre loge vous offre-t-elle une expérience similaire – pour comprendre votre rôle en tant qu’homme ? Si c’est le cas, comment?
  3. Hanna Crocker pense que sa loge a été la première source d’éducation pour les femmes de Boston. Votre loge propose-t-elle une éducation à ses membres ? La loge améliore-t-elle la société d’une manière ou d’une autre ?
  4. Notre évolution depuis les premières guildes maçonniques opérationnelles a eu un impact profond sur le caractère de la fraternité. Notre héritage nous est à la fois cher et utile lorsque nous regardons en arrière pour mieux comprendre notre présent et pour nous aider à tracer la voie vers notre avenir. À la lumière d’études récentes suggérant la présence de femmes sur les listes de membres des guildes maçonniques opérationnelles, comment votre compréhension de la maçonnerie spéculative change-t-elle ?
  5. Vos filles ou épouses vous ont-elles déjà demandé si elles étaient autorisées à devenir maçons ? Comment leur avez-vous répondu ? Si on ne vous l’a pas encore posé, comment répondriez-vous à une telle question ?

La christianisation fut-elle violente ? : Par Laurent Ridel

Du site de Laurent Ridel ecoledescathedrales.podia.com

Durant le premier millénaire, l’Europe connaît un phénomène surprenant qui bouleverse son histoire : une discrète secte juive, le christianisme, devient la religion principale de l’Empire romain puis des royaumes qui le remplacent.

Quels ont été les moyens de son succès lent, mais implacable ? La persuasion ou la force ? J’ouvre le débat dans ma nouvelle vidéo : « La christianisation fut-elle violente ? » 

Derrière le symbole : les deux colonnes maçonniques

De notre confrère freemasonscommunity.life

Il fit pour la façade du temple deux colonnes, qui mesuraient ensemble trente-cinq coudées de longueur, chacune avec un chapiteau de cinq coudées de haut. Il fit des chaînes entrelacées et les plaça au sommet des piliers. Il fabriqua également cent grenades et les attacha aux chaînes. Il érigea les piliers devant le temple, un au sud et un au nord. Celui qui est au sud fut nommé Jakin, et celui qui est au nord Boaz. – II Chroniques 3:15-17.

On demande fréquemment aux francs-maçons : « Qu’est-ce que ça fait d’être franc-maçon ? » En tant que franc-maçon, vous êtes un frère, un mentor, un ami et un père, pour ne citer que quelques-uns des nombreux rôles que vous jouez dans la communauté maçonnique. Les francs-maçons sont des hommes intègres qui s’engagent envers les valeurs clés de la fraternité que sont l’amour fraternel, le soulagement et la vérité. Les francs-maçons se définissent par ces trois principes, qui servent de fondement à notre fraternité. Il existe de nombreux autres piliers importants dans le métier, mais ce ne sont pas les seuls.

Les maçons du monde entier se réunissent dans les salles des loges pour accomplir des rituels, profiter de la compagnie et planifier l’avenir. Il existe de nombreuses similitudes dans l’agencement des chambres du lodge, mais chacune a sa propre personnalité. Les emblèmes maçonniques comme l’équerre et le compas et d’autres emblèmes bien connus sont fréquemment exposés dans les salles maçonniques. Les piliers jumeaux, Jachin et Boaz, sont couramment vus dans les chambres des lodges aux États-Unis. Ils se sont imposés comme d’importants emblèmes maçonniques, apparaissant non seulement dans la loge mais également dans les œuvres d’art et les constructions maçonniques.

Piliers abrahamiques

Les piliers jumeaux utilisés dans le rituel maçonnique sont tirés d’anciennes allégories hébraïques et bibliques, comme le sont de nombreux autres symboles maçonniques. Dans le premier livre de ses Antiquités des Juifs , Flavius ​​Josèphe, historien juif, mentionne les piliers. Dans ce chapitre, Josèphe décrit comment Enoch a utilisé deux piliers pour protéger la prophétie d’Adam selon laquelle le monde serait détruit deux fois, une fois par le feu et une fois par le déluge. Pour protéger la connaissance du feu et de l’eau, Enoch a érigé respectivement un pilier en brique et un pilier en pierre. Il est explicitement indiqué dans le rituel maçonnique que les piliers sont utilisés pour préserver et protéger les informations.

Plus tard, deux piliers apparaissent dans le Livre des Nombres, guidant Moïse et les Israélites à travers le désert vers la terre promise. Une colonne de nuée apparut et dirigeait les Israélites pendant la journée, tandis qu’une colonne de feu montrait le chemin la nuit. Dans toute la littérature des religions abrahamiques, les piliers reflétaient la sagesse de l’homme telle qu’elle a été révélée par le Grand Architecte.

Obélisques égyptiens antiques

Les obélisques de Louxor, vieux de 3 000 ans, avant leur retrait, 1832 (Image : Wikimedia )

Dédiés au culte de leurs dieux, les anciens Égyptiens ont commencé à construire des obélisques dès 3 150 avant notre ère. Au fil du temps, ils développèrent une relation étroite avec Râ, le dieu solaire et ancêtre de tous les dieux égyptiens. Il était d’usage en Égypte d’élever deux obélisques en l’honneur des dieux ou des pharaons afin de maintenir l’équilibre et l’harmonie du paysage. Peu de ces piliers majestueux sont encore debout aujourd’hui, mais le talent artistique requis pour construire et ériger ces grands bâtiments est vraiment impressionnant.

Temple du roi Salomon

TEMPLE DU ROI SALOMON
TEMPLE DU ROI SALOMON

Les loges maçonniques sont créées comme des représentations fonctionnelles de l’artisanat, et la salle de la loge est orientée comme le Temple du roi Salomon. Dans la Bible, Boaz et Jachin, deux piliers bien connus qui gardaient l’entrée du Temple, sont mentionnés. Hiram Abiff, un maçon bien connu et un bâtisseur habile, a construit ces piliers jumeaux comme décrit dans 1 Rois, chapitres 6-7 :

15 Il fondit deux colonnes de bronze, chacune ayant dix-huit coudées de haut et douze coudées de circonférence. 16 Il fit aussi deux chapiteaux en bronze coulé pour les placer au sommet des colonnes ; chaque chapiteau mesurait cinq coudées de haut. 17 Un réseau de chaînes entrelacées ornait les chapiteaux au sommet des piliers, sept pour chaque chapiteau. 18 Il fit des grenades en deux rangées entourant chaque réseau pour décorer les chapiteaux au sommet des piliers. Il fit de même pour chaque capitale. 19 Les chapiteaux au sommet des colonnes du portique étaient en forme de lys, hauts de quatre coudées. 20 Sur les chapiteaux des deux colonnes, au-dessus de la partie en forme de coupe, à côté du réseau, étaient les deux cents grenades rangées tout autour. 21 Il érigea les colonnes du portique du temple. Il nomma la colonne au sud Jakin et celle au nord Boaz. 22 Les chapiteaux du sommet étaient en forme de lys. Les travaux sur les piliers furent ainsi terminés.

Nous tirons une grande partie de notre symbolisme et de notre philosophie de la construction du Temple de Salomon dans la franc-maçonnerie. Il n’est pas surprenant que Boaz et Jachin occupent une place aussi importante dans les enseignements maçonniques de l’artisanat, étant donné leur position majeure dans la garde du temple.

Les piliers de la franc-maçonnerie moderne

Bien que la franc-maçonnerie n’utilise plus de véritables colonnes, il est courant de les voir représentées dans les loges maçonniques du monde entier. Il existe de nombreuses façons différentes de disposer les piliers dans les lodges américains ; en Angleterre, ils sont communément situés devant la chaise du Vénérable Maître. Les candidats devaient passer par les deux piliers des premières loges américaines puisque les directeurs étaient assis à l’ouest d’elles. Dans certaines loges, les deux piliers sont situés dans le coin nord-ouest près de la salle de préparation du candidat, tandis que dans d’autres, ils sont situés au sud près de la chaise du Maître. Quel que soit l’emplacement des colonnes, l’importance des deux piliers dans le rituel maçonnique, en particulier dans le discours Fellowcraft, est constante.

Il est facile de se laisser submerger par la crainte lorsque l’on considère l’importance des piliers à travers l’histoire et dans certains des écrits les plus précieux de l’humanité. À travers les âges, les hommes ont regardé ces colonnes et se sont sentis plus proches de l’architecte de l’univers. Utilisons tous ces symboles pour avoir une meilleure compréhension de l’Univers afin que nous puissions mieux être à la hauteur de nos idéaux maçonniques. « 

Quand l’Égalité forge la Liberté : Le défi politique de notre temps

Le titre du livre de Marianne Brück L’Égalité, un courage politique est évocateur et s’inscrit dans une réflexion profonde sur les défis politiques et sociaux contemporains. Il met en lumière deux concepts clés : l’égalité et le courage politique, suggérant ainsi que parvenir à une société équitable nécessite non seulement des politiques déterminées mais également un engagement courageux de la part des dirigeants.

L’égalité est souvent présentée comme un idéal vers lequel de nombreuses sociétés aspirent, mais sa mise en œuvre se heurte à des obstacles considérables. Pour beaucoup, ce principe, partie intégrante de notre triptyque républicain, remet en question les structures hiérarchiques rigides de la société française d’avant 1789 et appelle à une répartition plus équitable du pouvoir et des ressources. Cette notion d’égalité va bien au-delà de la simple égalité devant la loi ! Elle est aussi égalité des chances, égalité sociale et économique. Citons la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH), adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1948, qui établit l’égalité comme principe fondamental. L’article 1er stipule que « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits ». Cette affirmation souligne l’importance de l’égalité non seulement comme un droit en soi mais aussi comme une précondition pour la jouissance de tous les autres droits de l’homme.

Le courage politique, lui, dans ce contexte, fait référence à la volonté et à la détermination des dirigeants de prendre des décisions difficiles en faveur de cette l’égalité tant désirée par les peuples.

Justice, allégorie – musée de l’Hospice Comtesse de Lille

Le livre de Marianne Brück s’envisage comme un croisement entre l’histoire et un traité de droit, y compris international, pour aborder la question de l’égalité, soulignant l’approche multidisciplinaire et la profondeur de l’analyse requises pour comprendre et promouvoir l’égalité dans ses diverses dimensions.

À travers plusieurs de ces cinq chapitres, qui commence toutefois, en la définissant, par expliquer la Liberté, voie d’or au droit d’agir de sa propre volonté, dans les limites imposées par la loi et le respect des droits d’autrui, l’auteure n’hésite pas à aborder de manière éclairante le fait que les femmes soient exclues du domaine des libertés.

Son analyse, en y incorporant de l’histoire, permet de contextualiser les luttes et les progrès réalisés dans le temps pour l’égalité de celles qui sont, sur la Terre, en plus grand nombre que les hommes…

Illustration site ANR

Le livre présente une structure approfondie qui explore les thèmes de la liberté, de la démocratie et de l’État de droit. Le premier aborde la liberté – voie d’or au droit d’agir de sa propre volonté, dans les limites imposées par la loi et le respect des droits d’autrui – sous plusieurs angles, en questionnant sa définition, son histoire, son accessibilité à tous, notamment les femmes et les esclaves, et s’interroge sur la possibilité d’une liberté absolue et sa relation avec l’égalité.

Le second chapitre se penche sur la démocratie, cherchant à la définir, identifier ses critères constitutifs et historiques, ainsi que le rôle de la liberté d’expression comme élément central de la démocratie et des autres libertés. Il propose également des indicateurs pour renforcer les démocraties. La partie sur l’État de droit lie la liberté et l’État de droit, posant des questions fondamentales sur la nature de l’État de droit et sa différence avec la démocratie.

L’ouvrage se poursuit avec des discussions plus ciblées sur l’équilibre entre liberté et égalité dans le cadre de l’État de droit, une analyse de la célèbre citation de Churchill sur la démocratie, et les raisons pour lesquelles un régime démocratique est préférable.

Site www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr

Quant au chapitre sur l’égalité, ce dernier se divise en sections examinant l’égalité des droits dans le contexte juridique français et belge, ainsi qu’en droit international, et pose des questions sur le lien entre l’égalité des droits et la reconnaissance des différences individuelles. Il explore également les nuances entre égalité des droits et équité, ainsi que la distinction entre égalité des droits et égalité effective, c’est-à-dire la différence entre l’égalité formelle et l’égalité réelle dans la pratique. La dernière section suggère que l’égalité est non seulement essentielle à la démocratie, mais qu’elle représente aussi un progrès pour l’humanité, indiquant une vision optimiste de l’égalité comme force progressiste.

Le chapitre IV aborde le concept de la laïcité et de la neutralité, en commençant par définir la laïcité, son lien avec l’égalité, et ses interactions avec la liberté d’expression, notamment en contexte de racisme et d’islamophobie. Il examine ensuite la laïcité dans le contexte français et belge. Le concept de neutralité est également exploré, avec une définition et une discussion sur son lien avec l’égalité, ainsi que son application en droit belge et son rôle dans la paix sociale. Le chapitre propose aussi une perspective sur la laïcité comme vecteur d’égalité.

Le chapitre V offre une conclusion et une proposition sur le concept d’« Égalitariat » comme solution aux problèmes soulevés par différents mouvements féministes.

La bibliographie fournit les sources utilisées pour l’élaboration de cet ouvrage, et une section est consacrée à l’auteure Marianne Brück.

Un ouvrage qui suggère une compréhension de l’égalité comme un concept dynamique et multifacette, influencé par des facteurs historiques, sociaux, politiques et juridiques. En analysant l’égalité à travers ces lentilles, Marianne Brück offre des perspectives précieuses sur la manière dont les sociétés peuvent naviguer afin de réaliser l’égalité pour tous. Cette exploration de l’égalité, à la fois comme idéal et comme pratique, soulève des questions importantes sur la nature du progrès social, les responsabilités des États et des institutions internationales, et le rôle des individus et des mouvements sociaux dans la lutte pour une société plus juste.

Marianne Brück a un parcours académique et professionnel riche, partageant sa vie entre la France et la Belgique, et ayant travaillé dans le domaine juridique, la presse et au service public. Son livre vise à offrir un nouveau cadre de réflexion pour progresser au-delà des clivages actuels.

L’Égalité, un courage politiqueDans le monde libre, la Liberté découle de l’Égalité

Marianne BrückCode9, 2024, 282 pages, 22 €

Disponible chez DETRAD.

Masonica Tours : Le programme du Salon du Livre maçonnique !

Le 1er Salon du Livre maçonnique « Masonica Tours » des 1er et 2 juin 2024 est un événement unique pour découvrir la richesse et la diversité de la culture maçonnique.

Le 1er Salon du Livre Masonica Tours se tiendra au célèbre Espace Mame à Tours. Cet événement inédit rassemblera éditeurs et libraires spécialisés dans la franc-maçonnerie, ainsi que de nombreux auteurs, animateurs et conférenciers.

Une programmation riche et variée – conférences, tables rondes, ateliers, animations, soirée festive – que nous publions en exclusivité pour 450.fm.

Vous pourrez ainsi découvrir l’histoire de la franc-maçonnerie, ses symboles, ses rituels et ses valeurs. Vous aurez également l’occasion de rencontrer des francs-maçons et d’échanger avec eux sur leurs expériences.

Un salon gratuit et ouvert à tous

Le Salon du Livre maçonnique est ouvert à tous, que vous soyez franc-maçon, profane ou simplement curieux de découvrir cet univers fascinant. C’est l’occasion unique de percer les secrets de la franc-maçonnerie et de comprendre son rôle dans la société.

Les 8 janvier et 13 mars derniers, nous vous annoncions déjà « MASONICA TOURS-1er Salon du Livre et de la Culture. Réservez la date ! », puis « Masonica Tours : Visuel et message, en exclusivité pour 450.fm ».

Nous retenons la conférence inaugurale « La Franc-maçonnerie et l’imaginaire » de Michel Maffesoli. Ainsi que la table ronde final du dimanche à 16h30 sur « Franc-Maçonnerie et religion ».

Ne manquez pas cet événement unique ! Soyez des nôtres !

Source : l’équipe communication de Masonica Tours

Salon du Livre maçonnique, le site.

Les cathédrales, chemins d’initiation ?

Par Thierry Dupont – www.novimondi.com

Ce titre est évidemment provocateur dans un journal de la Franc-Maçonnerie, et pourtant, et pourtant… Franc-Maçon depuis bientôt 30 ans, et tout autant passionné par la découverte des églises ou cathédrales de notre beau pays, je suis convaincu qu’il y a un chemin d’initiation envisageable à travers la lecture et l’intégration du symbolisme de ces ouvrages de pierre.

Au-delà du message religieux qu’il appartient à chacun d’appréhender, il y a une approche ésotérique possible et un véritable chemin personnel de transformation de soi.

Afin d’expliciter cela, je vous propose l’exemple de la cathédrale Saint-Lazare d’Autun, véritable joyau de l’architecture romane. (Cf. livre Thierry Dupont : Cathédrales, chemins d’initiation – L’expérience intérieure à Saint-Lazare d’Autun. Édition Louise Courteau).

Sur le linteau de cet édifice, nous voyons deux pèlerins, celui de Saint-Jacques-de-Compostelle avec la coquille et celui de Jérusalem avec la croix sur sa besace. Ils nous invitent, dès le départ, à entamer le pèlerinage initiatique de la cathédrale.

Nous commencerons par une sculpture très discrète sur un pinacle à l’extérieur de la cathédrale. Il s’agit d’un escargot, que très peu de personnes sont capables de discerner, car volontairement caché par la floraison qui orne la structure. Discret, voire secret, car il représente un message s’adressant à ceux qui ont la capacité de voir et de comprendre.

Nous sommes, évidemment, en présence d’un premier symbole, qui sera suivi de nombreux autres.

Et ce symbole est celui de l’initié de par la spirale de la coquille indiquant le mouvement ascendant que nous devons effectuer. Il est aussi l’emblème de celui qui possède la connaissance, car, en tant qu’hermaphrodite, il se féconde lui-même et ses cornes dirigées vers le ciel symbolisent ce lien vers le haut. Il est connu dans le symbolisme alchimique, où, en raison de sa lenteur, il figure la « voie humide », la voie la plus longue de l’adeptat par rapport à la « voie sèche », supposée plus rapide pour parachever ce qui est appelé le Grand Œuvre.

Beaucoup ont lu Le Pape des escargots d’Henri Vincenot. Ils savent très bien que, pour l’écrivain bourguignon, le pape des escargots n’est pas le ramasseur des escargots mais le pape des initiés.

Nous n’ignorons pas que le préalable à toute démarche initiatique ou encore de libération est de quitter la matérialité.

Or, il se trouve qu’à Autun, le premier chapiteau en entrant par le collatéral nord représente une espèce de démon courbé dont le corps est écrasé entre le bas et le sommet du chapiteau, signe dans la symbolique romane qu’il est sous la domination de la matérialité. Si cela ne suffisait pas, le personnage est sous l’emprise d’un serpent lui transperçant le corps de part en part, du fondement jusqu’à la bouche. 

Notre monstre est bien l’homme rabougri en proie à ses passions et à ses plus vilains instincts animaux.

Il faudra entamer notre progression en direction de l’homme debout, ne pas rester sous l’emprise du Diable, celui qui divise, du grec diabolo – l’inverse du « symbole », ce qui réunit – du grec sumbolon. Il va falloir maîtriser les énergies du Diable qui nous divisent et nous troublent afin de trouver l’équilibre et l’harmonie.

Le chapiteau suivant est celui de la Nativité.

D’un point de vue religieux, il n’est pas nécessaire de revenir sur l’avènement de Jésus. D’un point de vue initiatique, la scène est assimilée à une nouvelle naissance, celle de l’initié après la mort du vieil homme. Dans le chapiteau précédent du Diable au serpent, l’homme était sous l’emprise de la matérialité et de ses passions internes. La démarche initiatique nécessitera de changer d’état, de passer de la matérialité à la spiritualité et de s’ouvrir à d’autres niveaux de conscience. Il s’agira, symboliquement, de mourir à une vie pour renaître en un homme nouveau et transformé.

Cette nouvelle naissance se fait nécessairementsur la période du solstice d’hiver où, à partir de celui-ci, émerge la lumière, avec des jours qui vont commencer à se rallonger.

Toutes les traditions ont été influencées par l’astre solaire.

Le travail ne s’arrête pas là : ce nouvel homme va vivre une série d’épreuves, d’obstacles qu’il faudra franchir, ou de mise en situation permettant à l’impétrant une sorte de conversion de son intelligence, de son âme tout entière.

– Des conflits internes où il s’agira pour lui de lutter contre sa partie animale.

Ainsi, nous voyons à Autun un homme armé d’un bâton tenant en laisse un ours.

Il ne s’agit pas d’un dresseur d‘animal comme nous le disent certains guides touristiques.

Lorsqu’ils sculptent des monstres ou des bêtes inconnues, les imagiers veulent, en fait, parler de l’homme et de son évolution spirituelle possible.

Il faut donc avoir une lecture tournée sur soi : c’est nous-mêmes qui luttons contre notre partie ténébreuse. Par analogie, en saisissant l’ours, l’homme vise à lutter contre sa partie animale. 

– Des combats spirituels entre les différentes composantes de notre être.

Nous constatons le combat d’un homme et d’un griffon.

L’homme est multiple et doit gérer les différentes composantes de son être s’opposant en lui.

Le griffon, animal hybride, moitié aigle, moitié lion, figure cette double nature : la partie aigle, l’esprit s’élevant de la matière, la force aérienne et volatile, et la partie lion, la force terrestre et fixe.

D’un point de vue alchimique, il s’agit de fixer ce qui est volatil, représenté par l’aigle, et de « volatiliser » le fixe représenté par le lion. Le griffon est ainsi l’emblème de l’union, en un seul corps, de la double nature alchimique.

– Il conviendra de se libérer de ses chaînes (Chapiteau de La délivrance de saint Pierre).

Comme le saint de la légende, il faudra se libérer de nos chaînes, cet enfermement constitué des digues formées par nos a priori, nos préjugés, nos habitudes, nos passions néfastes. Cela revient également à nous détacher de ce qui alourdit la démarche spirituelle.

– Il sera nécessaire de dépasser les oppositions en recherchant la conciliation des contraires.

Nous verrons un autre chapiteau qui n’a rien à voir avec une scène de la Bible. Cela montre bien qu’au-delà des thèmes religieux, il existe la volonté de faire passer un message.

 Il s’agit d’un combat de deux coqs où nous voyons l’éleveur du gagnant      tout souriant tandis que celui du perdant est désespéré. Par analogie, ce chapiteau illustre la confrontation entre les forces positives et négatives en chacun de nous.

Il montre qu’il ne faut pas rester dans une logique d’opposition où il y a toujours un vainqueur et un perdant. Cette sculpture nous invitera à dépasser les oppositions et rechercher la conciliation des contraires pour retrouver l’unité.

– Il faudra lutter contre ses propres tentations, comme Jésus dut lutter contre le Diable, à travers les mésaventures de ces Trois Tentations dans le désert, qui évoquent la convoitise de la chair, des yeux et l’orgueil de la vie.

– Il conviendra de refuser toutes formes d’idolâtrie pour décider par et pour soi-même.

En fait, d’être un « homme vrai » et de ne pas céder à toute idolâtrie aliénante, comme le montre la parabole des Trois Hébreux dans la fournaise ou de Daniel dans la fosse aux lions (photo à gauche).

Plusieurs principes d’action peuvent en découler, comme le fait de ne pas se forger d’idoles humaines pour agir aveuglément sous leur impulsion, de décider par soi-même de ses opinions et de ses actions, de n’accepter aucune idée que nous ne comprenions et ne jugions vraie, ou encore de respecter toutes les opinions, mais ne les accepter pour justes que si elles apparaissent comme telles après les avoir examinées.

– Il faudra maîtriser notre monture, notre partie animale, afin de maîtriser notre royaume intérieur. Il s’agira de devenir maître de nous-même, de notre corps et de l’agitation de nos pensées, à l’instar de ce cavalier qui maîtrise son cheval.

– Fuir le vice et pratiquer la vertu

Aux vices, nous préférerons les vertus, comme sur cette sculpture, où nous regardons la charité dominer l’avarice et la patience l’emporter sur la colère. Nous savons que les obstacles vont s’aplanir de plus en plus sous les pas de l’homme qui persévère dans les sentiers de la Vertu. Tout acte, toute pensée ou tout comportement qui tend à élever l’homme est, par essence, vertueux.

Cet affrontement entre les Vices et des vertus est une référence au poète Prudence (348-405), qui, à travers son œuvre la Psychomachie ou « combat de l’âme », mettait en avant des combats entre jeunes guerriers ou guerrières personnifiant les Vertus et les Vices.

– Il conviendra de faire preuve d’humilité (chapiteau du Lavement des pieds)

La parabole de Jésus lavant les pieds des Apôtres nous mène sur la voie de l’humilité. Nous savons bien que le plus humble est le plus éclairé, car il sait que toute inspiration vient d’en haut.

« Quiconque s’élèvera sera abaissé, et quiconque s’abaissera sera élevé. » (Matthieu 23,12)

– Il faudra s’approprier la musique pour se connecter avec le divin et les arts libéraux.

Sur certains bas-reliefs, comme celui du Sonneur de cloches, nous abordons la musique qu’il faut voir comme un accord de l’âme et du corps pour parvenir à l’harmonie intérieure. L’homme peut ainsi se relier avec le cosmos, à la recherche de la vibration initiale de l’Univers pour être à « l’Uni son » avec le tout. La musique, notamment avec le chant grégorien de l’époque, permettait la communication avec le divin, sublimant et amenant vers la transcendance. Au-delà de la musique, sans doute faut-il y voir une connexion avec l’ensemble des arts libéraux, ces sciences de la parole et du nombre, censées embrasser l’ensemble des connaissances universelles.

– Il faudra ne pas se laisser envahir par ce qui brille d’un effet trompeur (chapiteau de Lazare et du mauvais riche).

À la richesse aliénante et provocatrice du mauvais riche, qui peut parfois se trouver à l’intérieur de nous, nous préférerons le comportement de Lazare exprimant le détachement de tout bien matériel, des plaisirs égotistes, de la soif de possession et de domination. C’est la justice redistributive mise en avant dans cette parabole.

Il en est de même avec le chapiteau de Moïse et du veau d’or. De nos jours, le veau d’or, c’est le « profit à outrance », les affaires, l’appât du gain…

– Il faudra faire le sacrifice de son égo ou de son orgueil avec la légende de Simon le Magicien. qui se voulait l’égal des apôtres et crut pouvoir s’envoler dans les airs avec de simples ailes accrochées aux bras et à aux jambes avant de chuter lamentablement.

– Nous assisterons à la floraison de notre propre parole.

En fin de parcours, nous assisterons à la floraison de notre propre parole avec ce personnage dont s’échappent de la bouche de magnifiques arabesques florales garnies de quatre bons et beaux fruits. Ces méthodes sont fort utilisées par les sculpteurs du Moyen Âge pour exprimer, par la progressivité du feuillage – de la feuille à la fleur et de la fleur aux fruits –, la fécondité et la fructification de la démarche.

La parole est maîtrisée, elle n’est plus mal placée, malveillante ou blessante ; au contraire, elle est vertueuse et bienfaisante.

Nous pouvons également y voir un lien avec la notion de parole perdue, ce symbole du lien coupé avec la tradition, la parole originelle de la création.

 – Tout au long du parcours, nous serons sous la surveillance d’une chouette aux ailes déployées positionnée dans l’abside, qui observe notre progression.

Connue pour sa sagesse – elle a la capacité de voir en pleine nuit – elle représente la vigilance dont nous devons faire preuve et, par sa clairvoyance, elle nous invite à l’exploration de nos ténèbres intérieures.

– Nous reviendrons à la source de la tradition.

Au final, nous reviendrons à la source de la tradition à travers deux compositions se trouvant dans le chœur de l’édifice, l’endroit le plus sacré.

Celle de la Fuite en Égypte, le pays des pharaons où Moïse s’est entretenu avec la divinité à travers la scène du buisson ardent, mais aussi le lieu d’où Moïse entame sa libération du peuple élu.

Et celle des Quatre fleuves qui sortent du Paradis (cf photo), l’endroit d’où a émané, dans la Bible, le premier couple humain, qui ramène symboliquement l’initié à la source de la création.

 Il indique pour l’adepte le sens de la démarche dans un aller/retour permanent en direction de ce Paradis imaginaire.

– L’apothéose, de la Lumière à l’Orient

Enfin, nous terminerons notre pèlerinage initiatique en nous positionnant à l’orient de l’édifice, devant un chapiteau de l’abside représentant un Christ en majesté, identique, même si plus petit et abîmé, à celui du tympan principal.

Le chemin est terminé. Devant celui qui annonçait « Je suis la lumière du monde », le cheminant, arrivé à ce stade de sa progression, devient l’être lumineux qui pourra, dorénavant, diffuser cette clarté autour de lui, notamment en direction de ceux qui sont encore dans les ténèbres. Il lui reviendra d’éveiller la petite flamme que chacun porte en lui, pour aider à promouvoir une humanité fondée sur la liberté, la tolérance et l’amour.

Nous noterons d’ailleurs que, sous le Christ, se trouvent trois anneaux de perles en arc de cercle, dont la forme ressemble étrangement à un arc-en-ciel.

L’observateur « attentif » nous fera savoir qu’il a vu en début de parcours, sur le tympan occidental, un même arc-en-ciel. Il confirmera d’une manière tout à fait pertinente ce que nous avons voulu montrer par notre développement : il y a bien un chemin initiatique que le sculpteur a mis en évidence en début et en fin de parcours, par ce signe de l’alliance entre les hommes.

L’initié deviendra l’apôtre et le messager de cette loi d’amour, à l’instar de celui qui annonçait : « Aimez-vous les uns les autres. »

Nous ressortirons alors pour répandre au dehors la lumière que nous avons perçue dans l’édifice. Continuer pour répandre à l’extérieur les valeur d’amour, de vertu et de sagesse.

Cette pérégrination à travers les chapiteaux de la cathédrale Saint-Lazare porte toutes les caractéristiques d’un parcours de transformation pour l’Homme en quête d’élévation.

C’est, assurément, un chemin d’initiation, certes particulier et différent, par rapport à la démarche maçonnique, mais en aucun cas, à mon sens, contradictoire, bien au contraire.

Ne dit-on pas que c’est à chacun de trouver son chemin de Lumière ? L’expérience intérieure dans la cathédrale d’Autun en est un parmi bien d’autres.

Voici un très bref aperçu des 74 chapiteaux historiés qui définissent le chemin d’initiation dans la cathédrale Saint-Lazare d’Autun.

Précisons que le tympan de la cathédrale portant la scène du Jugement dernier, avec ses voussures et encadré de six colonnes portant des chapiteaux historiés, n’a pas été traité ici. Son interprétation symbolique dépasserait, et de loin, la teneur de cet article.

L’interprétation symbolique de ces sculptures est transposable dans la plupart des cathédrales, des églises, des abbayes de notre pays. Nombreux en sont les thèmes identiques.

Avec un regard maintenant plus aiguisé, il sera possible de retrouver des données identiques, des points de comparaison, des invariants en quelques sortes pour mieux développer notre interprétation ésotérique des chapiteaux et ainsi explorer d’autres « chemins d’initiation » au gré des églises et autres cathédrales.

Thierry Dupont – thierry-dupont@sfr.fr
Lien de présentation du livre : http://youtu.be/jecm6DTAdlE
En librairie et sur www.novimondi.com

Des arènes aux stades: L’odyssée du sport ou l’épopée athlétique

Jean-Manuel Roubineau, Maître de conférences en histoire ancienne à l’université Rennes 2, nous invite à plonger dans les origines du sport avec son dernier ouvrage. Il offre une plongée fascinante dans l’aube de l’histoire sportive, remontant aux origines de cette pratique dans la Grèce antique. L’auteur explore la genèse des premiers espaces dédiés au sport, tels que les gymnases et les stades, et la mise en place d’un ensemble de compétitions régulières, de disciplines sportives et de règles strictes.

L’analyse, très experte, de Jean-Manuel Roubineau ne se contente pas de relater l’histoire, mais examine comment le sport reflétait et modelait les normes et les valeurs sociétales, en particulier autour de la concurrence et de l’excellence. Il décrit avec vivacité comment les athlètes, incarnant les vertus du citoyen-soldat, sont devenus des figures centrales du paysage social pendant plus d’un millénaire. Ces champions, qu’ils soient coureurs, lutteurs ou pentathloniens, étaient célébrés et immortalisés par leurs communautés à travers des poèmes, des statues et divers privilèges.

Il dépeint un monde où la compétition et la quête de l’excellence façonnent les valeurs fondamentales de la société, et où la figure de l’athlète, véritable incarnation du citoyen-soldat, domine le paysage social pendant plus de mille ans. Les héros de l’arène, qu’ils soient coureurs, lutteurs ou champions du pentathlon, deviennent les emblèmes de leurs communautés, célébrés à travers la poésie, immortalisés par des statues, et bénéficiant de privilèges considérables.

Jean Manuel Roubineau – Source Mollat, Bordeaux

Cependant, l’auteur met également en lumière les tensions entourant ces athlètes et l’admiration populaire ne les préservant pas de la critique des élites, telles que philosophes et médecins, qui remettent en question l’utilité et soulignent les risques et les dangers de leur mode de vie.

Orwell sur sa carte de membre du Syndicat national des journalistes (National Union of Journalists) en 1943.

Nous avons particulièrement apprécié la citation attribuée à l’écrivain, essayiste et journaliste britannique Eric Arthur Blair, plus connu sous son nom de plume George Orwell (1903-1950), surtout connu pour deux de ses romans, 1984 et La Ferme des animaux qui offrent une critique cinglante du totalitarisme et de l’abus de pouvoir. Ces œuvres ont établi George Orwell comme l’un des commentateurs politiques et sociaux les plus perspicaces de son époque. « Le sport, c’est la guerre, les fusils en moins » offre une perspective puissante et provocatrice sur la nature du sport et son rôle dans la société.

Cette analogie entre le sport et la guerre, moins la violence mortelle, met en lumière plusieurs dimensions du sport (compétition et conflit ; nationalisme et identité ; règles et éthique ; cohésion sociale et catharsis).

Ave cet ouvrage, plongez aux racines de notre passion collective : là où le sport rencontre l’histoire, et où chaque compétition résonne comme un écho des batailles antiques, sans l’acier des épées mais avec toute la ferveur des âmes.

Le Sport-Récit des premiers temps sert donc de pont entre l’ancien et le moderne, montrant comment le sport a continuellement servi de reflet complexe des idéaux sociétaux, des conflits et des changements. Jean-Manuel Roubineau, avec son expérience approfondie en histoire ancienne et auteur d’œuvres notables tels que À poings fermés-Une histoire de la boxe antique (PUF, 2022),  Milon de Crotone, ou l’invention du sport (PUF, 2016), Les cités grecques (VIe-IIe siècle av. J.-C.)-Essai d’histoire sociale (PUF, 2015) – Prix du Livre d’Histoire de l’Europe 2016 – apporte une compréhension profonde et nuancée à cette exploration des racines antiques du sport.

Une histoire fascinante qui résonne encore avec nos pratiques sportives contemporaine

Le Sport-Récit des premiers temps

Jean-Manuel RoubineauPUF, 2024, 184 pages, 12 €/EAN : 9782130838289

Disponible dans toutes les bonnes librairies de France et de Navarre. Achetez dans votre zone, chez votre libraire préféré, pour qu’il continue à vous conseiller, vous inspirer, vous faire rêver et, surtout, à animer votre quartier !  

Platon et les Francs-maçons : hommes des cavernes ?

« Le mythe a été sauvÉ de l’oubli et ne s’est point perdu. Il peut, si nous y ajoutons foi, nous sauver nous-même »

Platon (La République, Livre X)

Dans son livre : « Œil ouvert et cœur battant » François Cheng conduit son lecteur à la notion de résonance. Il écrit (1) : « Les touches de Fra Angelico, de Botticelli, de Rembrant, de Vermeer, de Poussin, de Watteau, c’est l’âme qui résonne ». Cela veut dire qu’il ne convient pas de plier sous le prestige de quelques grands noms, mais d’utiliser, dans la profondeur de leur sublimation nécessaire, un lieu de construction de soi et de liberté.

Statue de Platon

S’ils deviennent incontournables c’est qu’ils sont devenus un catéchisme qui est récitation et fin de l’innovation. Nous pourrions dire que l’allégorie de la caverne de Platon relève de cette dérive, en particulier en Franc-Maçonnerie où elle est devenue presque un élément du rituel et où il serait indécent de n’en pas faire référence. Mauvaise note si la caverne est oubliée !

Mais, l’allégorie est-elle une référence à la pensée maçonnique ? Platon dans « La République » prend il l’exemple de la caverne et de l’ascension vers la lumière et la spiritualité comme un « remake » terriblement employé dans l’Antiquité et par la suite dans le christianisme (Et la Franc-Maçonnerie !), ou se sert-il d’une allégorie classique pour nous parler science-politique et création d’une élite qui serait les philosophes (Ou les despotes « éclairés »). C’est un texte où la contrainte sans visage existe, presque un impératif kantien à aller vers la lumière, en tout cas une tension dictée de l’extérieur : on veut que je grimpe alors que je peux me sentir bien dans ma médiocrité et les faux-semblants ! Le Maçon a le choix de son ascension, pas le captif de la caverne qui échappe à lui-même. Le philosophe Claude Romano écrit (2) : « On ne commence à être soi-même que lorsque l’on ne se préoccupe plus du tout de l’être ». Aborder une comparaison de l’allégorie de la caverne et de l’idéal maçonnique oblige à plusieurs cheminements : la différence entre mythe et verbe, évoquer la similitude entre le « Banquet » et l’allégorie de la caverne et, enfin, aborder la différence entre mythe (terme souvent employé) et allégorie pour la caverne platonicienne.

I – Mythos ou Logos ?

Evoquer le mythe, c’est prendre conscience du divorce qui va s’effectuer, peu à peu, dans la Grèce classique entre la naissance d’un rationalisme scientifique et philosophique et le récit mythique. Entre « Logos » et « Mythos », le fossé va se creuser : la philosophie cherche les fondements de ce qui exclut la fiction et donc elle condamne le mythe, qui lui de son côté pense que la vérité ne se laisse pas enfermer dans le seul langage de la rationalité conceptuelle. Platon est lui-même prit dans cette ambiguïté : il veut donner à la recherche de la vérité une rigueur de démonstration et de langage et ne cesse, par exemple, de manifester une grande défiance vis-à-vis des poètes ; pourtant son œuvre est nourrie de récits mystiques qu’il prend à la tradition et qu’il remanie au gré de sa fantaisie ou des besoins de sa démonstration. Il en invente même de toutes pièces ! Il crée un genre nouveau : à l’intérieur du « mythos » antique, même s’il s’en inspire souvent, il ne se confond ni avec les récits de la mythologie grecque, ni avec les histoires légendaires telles qu’elles nous furent relatées par Homère, Hésiode, les tragiques ou les poètes orphiques. Platon lui-même a esquissé une critique des mythes dans « La République », tout en se servant de ce patrimoine au service de ses idées philosophiques. Nous pouvons dire qu’il fait coïncider mythologie et philosophie de façon naturelle et complémentaire à son service. Dès lors, nous pouvons définir le « mythe platonicien » de la manière suivante :

Statut de Platon en marbre blanc

– Le mythe se présente à la manière d’un récit fictif. Sa forme narrative le rapproche de la fable, de l’allégorie, mais le distingue de la simple image, de la métaphore ou de l’analogie dont l’œuvre de Platon est remplie par ailleurs.

– Le mythe rompt avec la démonstration dialectique : il fait appel à l’imagination plutôt qu’au raisonnement, faisant appel à la sensibilité esthétique ou au sentiment religieux.

– Le mythe n’est pas en tant que tel une méthode pour chercher le vrai, mais un moyen de dire le vraisemblable. Il intervient là où la dialectique est inopérante et ne peut donc prétendre au vrai.

– En revanche, le mythe a la prétention du sens. Il n’a pas à être lu et écouté pour lui-même, mais être saisi dans son sens caché. Il est porteur de message et demande donc à être dépassé, traduit, interprété, déchiffré, si l’auteur nous donne les clés d’un décryptage possible, ce qui le cas de l’allégorie dont le sens est explicité image par image.

– Le mythe contient une double intention pédagogique : éclairer l’interlocuteur en difficulté et délasser son esprit fatigué, ou soutenir une discussion qui s’enlise ou piétine. Le mythe se veut donc un stimulant moral et parfois spirituel.

Léon Brunschvicg (3) voit dans l’utilisation du mythe « le retour offensif d’une pensée prélogique ». Nous pourrions y voir plutôt un « Deuteros plous », un changement de cap, auquel Platon nous invite dans le « Phédon » : là où la dialectique se bute au mystère impénétrable, le philosophe préfère à la négation ou au scepticisme l’option hardie pour une croyance, indémontrable certes, mais justifiée néanmoins par son efficacité morale et sa fécondité pragmatique. Treize mythes sont représentatifs dans l’œuvre de Platon, auxquels s’ajoutent trois petits mythes annexes. Une classification peut s’opérer de différentes manières :

– Par la forme et la fonction : on peut distinguer les mythes allégoriques ( Prométhée, Theuth), génétiques (naissance d’Eros, Atlantide) et parascientifiques (la genèse du monde, le séjour de l’âme après la mort). Mais nous pouvons adopter aussi une distinction triple : mythes allégoriques, mythes-conjonctures, mythes-expression d’une conviction.

– Par leur contenu à partir de grands axes thématiques : la condition humaine, la libération spirituelle, la destinée des âmes et le devenir du cosmos.

Le mythe est un éclairage incontestable de l’œuvre de Platon. Entre mythos et Logos, il ne choisira jamais, car il sent leur nécessaire complémentarité dans les grandes interrogations qui sont les siennes et celle de la « Philosophia perennis ». Le mysticisme philosophique paraît comme la continuation du mysticisme religieux où l’homme, dans l’un comme dans l’autre, se laisse absorber par son moi intime. La seule différence qui sépare le mystique philosophique du mystique religieux consiste en ce que le Dieu que celui-là recherche dans les profondeurs de son propre être s’appelle connaissance… Mais le but est le même dans les deux cas : l’ « Unio mystica », la fusion intime avec le Tout. Connaissance et amour sont liés : il ne faut pas oublier qu’en hébreu connaître signifie coïter ! Il nous apparaît donc utile qu’avant d’aborder l’allégorie de la caverne qui est par excellence celle de la connaissance que nous puissions mettre la deuxième démarche vers la fusion mystique du Banquet en parallèle, Platon nous laissant le choix du cheminement vers la vérité du sujet. L’œuvre de Platon s’harmonise autour de deux textes qui conduisent précisément à le vérité du sujet qui est d’atteindre le domaine des Idées en ayant abandonné l’objet qui servait de relais à ce cheminement et qui débouche sur la fusion. Les autres textes nous y préparent ou ne sont que des annexes de ces deux œuvres. Le Banquet et La République illustrent l’essentiel de cette démarche mystique et philosophique. Evoquer l’un suppose que nous devions parler de l’autre, car pour Platon, atteindre le domaine des Idées passent par le choix de l’amour ou de la connaissance.

II – Le Banquet comme similitude a l’allégorie de la caverne (Le Banquet 209e-209 b).

Le récit présente trois caractères qui peuvent le rattacher d’u style d’une narration mythique :

– Il est continu : Socrate y joue le rôle d’un néophyte initié qui se laisse emporter par les déclarations.

– Il est inspiré : une prêtresse, Mantinée, y intervient. On peut y voir sans doute un personnage fictif qui serait un moyen à Socrate et à son Démiurge de donner leur avis. En tout cas le vocabulaire utilisé ressemble à celui dont parle le Phèdre et qui est le vocabulaire des mystères d’Eleusis.

– Il est suggestif et évocateur : il évoque une compréhension supérieure et fait appel à une herméneutique. Le discours de Diotime se meut dans le champ du mythe platonicien, meilleur moyen d’unir, dans la forme comme dans le fond, l’inspiration à la philosophie. Il est d’ailleurs difficile de séparer les deux grands textes platoniciens sur la dialectique ascendante de l’âme, celui de La République (allégorie de la caverne) et celui du Banquet (révélation de Diotime). Il y a chez Platon deux formes d’ascension spirituelle, l’une vers la vérité, l’autre vers la beauté, et deux voies médiatrices : la connaissance et l’amour. Pour avoir parlé de l’une, il nous faut parler de l’autre.

Le Banquet repose sur le mythe d’Aristophane qui est celui de l’androgyne et qui met l’accent sur notre incomplétude fondamentale : sur l’ordre de Zeus, nous avons été coupés en deux, ce qui amène pour l’homme les conséquences suivantes :

– Nous vivons sur le monde de la mutilation et de la séparation. Il est d’ailleurs amusant de relever, dans le langage populaire, que l’on parle du conjoint comme de « ma moitié » !

-Eros n’est que la nostalgie de notre unité perdue. Eros lui-même d’ailleurs a pour mère Carence et Pénurie et tout son être n’est que manque. Heureusement, par son père, il sait trouver les moyens de ses fins (« Poros »), et il est inventif, créatif plutôt que créateur. L’aspect positif d’Eros est qu’il incite le sujet à sortir de lui-même, à se dépasser. Au mieux, nous pouvons retrouver l’unité dans une fusion en vase clos, totalement fermée sur elle-même et qui se transforme de nouveau en une incomplétude angoissante dès que cette fusion artificielle est terminée.

Le discours initiatique, cependant, fait progresser la connaissance : l’objet de l’amour, selon Diotime, est un « enfantement dans la beauté, soit selon le corps soit selon l’âme ». A la tension vers ce que l’on n’a pas et qui est le moteur du désir, s’ajoute le désir de fécondité. L’amour est fécond dans sa banalité de procréation et dans celle de création intellectuelle, spirituelle ou artistique. Mais après l’initiation (téléa, époptika) vient la révélation : nous devons alors nous élever des beautés sensibles à la Beauté absolue, en gravissant un à un les degrés de l’échelle. L’amour est un moteur de transcendance qui se sert de la matérialité changeante de l’objet de l’amour, afin d’atteindre l’éternité de l’idée. Pascal Quignard fait largement allusion à la force de la sexualité qui utilise les objets pour une autre destination que celle du pur plaisir. Il écrit (4) : « La sexualité comme polymorphe, aberrante, errante. La sexualité humaine désynchronisée, sans objet, désinstinctualisée, ne se réalise jamais. Elle aberre dans le monde. C’est un ça qui a faim, qui a soif, qui a sommeil, qui désire, qui rêve. Qui bout comme la terre qui explose et laisse fuser sa lave. Désir sexuel qui se pose çà et là et qui différencie tout pour tuer et pour mourir, pour rénover tout par la mort ». L’ascension vers la réalité suprême, à-travers le beau, se fait par étapes, « gradatim » dirait Descartes, sous la conduite d’un guide reconnu qui serait le maître-maïeute de la réminiscence, l’accoucheur des esprits, ou le guide mystérieux (le « ON ») de l’allégorie de la caverne. Cette dernière s’inscrira dans une réflexion globale sur l’éducation du philosophe, futur gouvernant de la cité, et ne sera essentiellement qu’intellectuel : décrire le mouvement ascendant de l’intelligence, de l’illusion de savoir au savoir véritable, la rectification des faux savoirs et l’acquisition des vrais savoirs. Dans le Banquet, l’essentiel serait le même : le Vrai, le Bien, le Beau, ne sont que des manifestations de la même et unique Réalité Suprême. L’amour est « Metaxu », intermédiaire entre moi et l’autre, intermédiaire entre des contraires, mais surtout intermédiaire entre le sensible et l’intelligible, entre l’humain et le divin. C’est de cela dont on parle quand on évoque l’ « amour platonicien » qui n’est que l’utilisation de l’autre pour parvenir à une transcendance, « s’envoyer en l’air » ! Si le sujet met espoir dans l ‘amour relationnel, il ne va qu’à la déception car la visée est plus métaphysique que charnel Ce que disait Jacques Lacan à travers sa célèbre définition de l’amour : « C’est vouloir donner ce que l’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas » ! Lui-même animera un séminaire (1960-1961) sur le thème du Banquet, intitulé : « Le Transfert ». Le Banquet nous amène à la question de l’amour comme nécessité ou comme passage. Platon, d’une certaine façon, nous dit que nous aimons l’autre parce qu’il nous sert à parvenir, à-travers le plaisir, à une dimension spirituelle qui serait de loin la plus importante et si le partenaire ne répond plus à cela, il y aurait recherche, transfert sur un autre. Vision pessimiste que nous allons retrouver dans l’allégorie de la caverne.

III – La caverne : mythe ou allégorie ? (La République vii, 514 a- 519 d)

Il est important de comprendre que La République et les Lois sont, avant-tout, des écrits politiques et que les mythes ou allégories utilisées sont là pour présenter ce qu’il en serait d’une cité idéale dirigée par une élite, alors qu’au départ c’était la figure du tyran qui devait occuper la place de dirigeant unique, en prenant l’avis de philosophes éclairés. Place que revendiquait Platon auprès du tyran Denys Ier à Syracuse en Sicile à la suite de son invitation, aux environs de 388, alors qu’il a une quarantaine d’années. Denys Ier est le maître absolu depuis 17 ans et règne presque sur toute la Sicile. Il est capital de faire mention qu’il enferme ses ennemis dans une grotte dénommée « l’oreille de Denys » (l’histoire nous disant que le tyran venait écouter ses victimes car la sonorité lui permettait d’entendre leurs discours et leurs plaintes et où il les laissait mourir de faim). Cette grotte se visite encore aujourd’hui dans les environs de Syracuse et est à la base du texte platonicien. Platon, désireux de convertir Denys Ier en tyran éclairé va se servir de cette sordide réalité pour la transformer en allégorie, où il veut présenter le pouvoir d’état aux mains d’un philosophe qui permettrait à quelques-uns de sortir de l’ombre pour partager le pouvoir avec lui. Ces « happy few » venant des classes moyennes et aspirant à rejoindre l’aristocratie. Ce qui vaudra à Platon l’étiquette, par les marxistes, de « Philosophe de la petite-bourgeoisie » ! Bien entendu, pour Denys Ier, il n’est pas question de partage du pouvoir et, à terme, jugera comme inopportune la présence de Platon en Sicile. Ce dernier rentrera à Athènes en 387, guérit des tyrans ! Le choix du renvoi de Platon par Denys Ier avait été dicté par son hostilité à Athènes après la condamnation de Socrate à boire la cigüe. Platon, revenu à Athènes va se consacrer à la fondation de l’Académie qui est le rêve d’un centre d’éducation de la jeunesse pour la formation d’une élite dont le modèle reste le philosophe, et qui serait destinée à la conduite des affaires de l’État. Eux seuls redescendraient dans la caverne pour y diriger ceux qui veulent rester dans l’ombre. Naturellement, il va se servir de l’allégorie de la caverne pour un enseignement qui reste politique en priorité et dont l’idéal est la constitution d’une société de castes, à l’image de l’Inde : brahmanes, guerriers et producteurs. L’anthropologue Georges Dumézil (1898-1986) avait d’ailleurs souligné l’héritage philosophique indo-européen chez les philosophes Grecs et leur conception tripartie de la société. Mais, bien entendu, les interprétations de cette allégorie vont être multiples Examinons-en quelques-unes.

La caverne nous intéresse en général car elle a, inconsciemment, pour chaque sujet, des résonances intimes profondes qui se traduisent, soit par une sensation de plaisir, soit par une sensation d’angoisse, en faisant référence à la sexualité ou à la situation prénatale. La caverne est le lieu mythique où nous entrons et sortons, que nous recréons après notre naissance, comme le « lieu d’avant » (la maison, l’église, la voiture, le parti, la loge, etc.) La sexualité elle-même est une tentative de retrouver le lieu amniotique qui ressemblait à un paradis. Comme dans l’allégorie platonicienne, les hommes n’ont guère envie d’aller vers la lumière extérieure, où ils sentent qu’ils ne vont trouver que des paradis artificiels, jamais satisfaisants par rapport à celui qu’ils quittent à la minute de leur naissance, là où le cordon ombilical est coupé. Freud y verra l’ « instinct de Nirvana » comme aspiration à l’ « éternel retour ». Le psychanalyste Otto Rank (1884-1939), dans son célèbre « Le traumatisme de la naissance » (1924) fait référence à Platon et sa caverne (5) : « L’idéal platonicien qui se manifeste dans cette manière de voir, la rupture avec le monde sensible, qui était pour Platon la rançon de son orientation vers le monde intérieur, trouve une admirable expression, et qui projette une vive clarté sur ce qu’il y a de subjectif dans les idées de Platon, dans sa célèbre comparaison de l’existence humaine avec le séjour dans une caverne souterraine sur le mur de laquelle on ne voit que les ombres des choses et des événements réels. La comparaison avec la caverne n’est pas seulement, ainsi que l’avait soupçonné Winterstein, un « phantasme ayant pour objet la vie intra-utérine » : elle nous permet, en outre, de pénétrer profondément dans l’esprit du philosophe qui tout en conservant l’Eros, le grand stimulateur de toutes choses, comme le désir nostalgique du retour à l’état primitif, créa cette conception, dans la théorie des idées, ce qui peut être considéré comme l’expression de la plus haute sublimation philosophique »…

Avant d’aller plus loin, il convient de rappeler ici ce qu’il en est de la différence entre le mythe et l’allégorie :

– Le mythe raconte une histoire et met des personnages individualisés, situés dans le temps et l’espace et a une signification implicite

– L’allégorie décrit un état, « comme un tableau immobile », nous dit le philosophe suisse Perceval Frutiger. Elle est de portée essentiellement générale et présente des types d’humanité, et elle a une signification explicite, volontairement explicitée par l’auteur qui en donne la clé, mettant côte à côte l’idée abstraite et son signe concret. Les allégories ne sont plus alors que des comparaisons, de simples « eikonès », des « images analogiques » que l’on ne peut, dès lors, assimiler à des mythes. L’allégorie n’expose pas une théorie de la connaissance, mais elle applique cette théorie. Donc, il y aurait une voie vers un possible salut.

Dans une vision philosophique plus classique, nous pouvons déterminer un certain nombre d’orientations. En premier lieu l’allégorie s’inscrit dans le symbole de la ligne qui représente les quatre genre d’objets connaissable dont se compose l’univers. L’allégorie tire de cette division les conséquences relatives à l’éducation. Les connaissances de l’ignorant se bornent aux deux premiers segments, les « horata » et les « doxata ». L’éducation nous élève jusqu’aux « noëta inférieurs » et seul le dialecticien peut atteindre les « noëta supérieurs ». Cette peinture de l’homme peut être rapprochée de l’homme sans culture et celle de l’homme éduqué, celle des hommes nourris dans les tribunaux et ceux qui sont nourris par la philosophie, que nous retrouvons dans le Théétète (172c-177c). Si nous convenons que la caverne est bien une allégorie, elle n’est ni une simple comparaison, comme la torpille du Ménon, ni une image au même titre que les cygnes d’Apollon dans Phédon, ni même une analogie comme la ligne proportionnelle du livre VI de la République. C’est un récit symbolique riche en interprétation diverses : la philosophe Geneviève Droz, le qualifie de « mythe allégorique ».

Il débute au commencement du livre VI de la République, avec en toile de fond la question capitale : a qui le gouvernement de l’État doit-il être confié ? Cela amène le philosophe à se poser un certain nombre de questions :

– l’essence politique est la création et le maintien d’une cité idéale juste. Vision en opposition que reprendra St. Augustin dans l’opposition entre « Jérusalem terrestre » et « Jérusalem céleste ».

– Cette cité harmonieuse est composée de trois classes à l’image des trois parties de l’âme et qui devra répondre à la triple exigence du travail (les producteurs), du dévouement au bien public (les gardiens), de la gestion rationnelle et sage (les philosophes et les magistrats).

– Les futurs dirigeants de la cité ne pouvant accéder à leur tâche qu’au terme d’une longue démarche intellectuelle et d’une rigoureuse éducation morale. Mais, chez Platon, il y a déjà sélection : en sont exclus les marchands de prophéties et d’exorcismes, l’artiste parce qu’il n’est qu’un imitateur, le travailleur manuel car englué dans la matière, le sophiste, et naturellement l’esclave.

Cette démarche exige le passage de l’ignorance à la connaissance, objet essentiel de l’éducation. Il se fait par degrés : ainsi, progressivement, l’intelligence ira-t-elle à la fois du plus illusoire au plus réel, du plus obscure au plus lumineux, les Idées étant elles-mêmes éclairées par la source de toute lumière, le Bien.

C’est alors que l’on passe de l’analogie à l’allégorie. L’analogie est statique et représentait les degrés de la connaissance correspondant aux degrés de l’être tandis que l’allégorie est dynamique et raconte l’histoire d’une ascension. L’analogie est explicative tandis que l’allégorie est didactique, elle donne une représentation concrète ou imagée qui est immédiatement compréhensible. Le récit de l’allégorie se déroule en quatre temps :

– Un descriptif de la caverne et de notre enchaînement : les hommes enchaînés sont à notre image, dans un monde artificiel des réalités que nous ne connaissons que par leur apparence, où l’illusion est totale, puisque depuis leur naissance les captifs confondent la réalité avec les simulacres. Mais cette situation sans responsabilité est somme toute confortable et représente un certain pouvoir que développera plus tard Hegel dans sa dialectique du maître et de l’esclave. Les captifs ne fonctionnent que par ouï-dire. Ils sont ignorants mais croient savoir, et plus encore que l’esclave qui se croit libre. Existe aussi un sens de la faute, dans Phèdre (246a-249b), dans la métaphore de « l’attelage ailé », Platon écrit à propos des âmes : « Ce jugement rendu, les uns se rendent aux prisons souterraines et y purgent leur peine, les autres vont quelque part dans le ciel, allégées par l’arrêt de justice, et vivent comme elles l’ont mérité par leur existence sous la forme humaine ». On peut supposer, chez Platon, l’existence d’un ciel et d’un enfer, ou supposer que la connaissance est un paradis et l’ignorance un enfer. Le feu dans la caverne serait l’illustration d’un « soleil trompeur », bien en-deçà de la lumière extérieure. Platon dénonce ici la suffisance de ses ennemis de toujours, les Sophistes, qui se vantent de voir la lumière, alors qu’ils ne voient que l’apparence, le faux-semblant.

– La « Periagogê », la conversion. Va apparaître dans cette séquence l’influence du « On » mystérieux, dont nous parlions précédemment, et à qui certains captifs vont obéir. Il les contraint à regarder les objets dont ils n’avaient jusque-là perçu les ombres. Est-il un dieu, un homme, ou une force intérieure qui les pousse à se dépasser en permanence ? C’est en tout cas un véritable arrachement de sortir de la caverne de la « doxa », de l’opinion superficielle. Cela suppose une conversion de tout l’être (Rappelons-nous que « convertere » signifie « se tourner tout entier ») qui amène à l’abandon de la nostalgie d’une passivité perdue et l’apprentissage d’un savoir qui amène l’accouchement des jugements personnels. C’est un passage du « on dit au je pense ». Il y a souvent une réaction brutale à l’éveil des sujets, allant parfois jusqu’au meurtre ou à l’exclusion du gêneur : « Ainsi parlait Zarathoustra » en est une belle démonstration !

– L’ « Anabasis » ou le long travail de l’ascension. Cette ascension vers la lumière suppose un travail constant d’apprentissage, particulièrement dans le domaine des sciences abstraites (géométrie, arithmétique, astronomie). Pour Platon, ce sont des sciences « éveilleuses et propédeutiques », et elles préparent à l’abstraction suprême, celle des Idées.

– La régression vers les ténèbres. Elle est conditionnée par la question : « Qu’est-ce que « Là-Haut ? ». Platon est prudent : en fait, il pense que, ici-bas, on ne peut atteindre la sagesse qui appartient aux dieux, ni la vérité que seules quelques âmes, non encore incarnées, ont eu le privilège de connaître autrefois. Le « Philodoxe », l’amoureux de l’opinion courante, est devenu un amoureux de la sagesse, mais nous savons que l’amour n’est que tension, désir et incertitude de sa réalisation. Cela signifie que l’ascension est permanente. De surcroît, celui qui approche de la lumière, tel Moïse, risque de se brûler les yeux, mais aurait aussi pour mission de redescendre, comme dans le Bouddhisme du « Grand Véhicule » ; éclairer ceux qui sont encore dans les ténèbres et donc renoncer au nirvana pour lui-même, comme les « Boddhisatvas », pour le salut de ceux qui sont détournés de la lumière. Geneviève Droz écrit (6) : « Tant d’autres, en-bas, vivent encore dans l’ignorance et le mensonge. Et comme si l’on n’avait pas le droit de conserver pour soi seul un bien, pourtant si durement conquis, comme si l’acquisition de la vérité n’avait de véritable sens que propagée et partagée, comme si le vrai lieu de la philosophie ne devait pas être là-haut, dans la majestueuse « plaine de la vérité », mais bien en-bas, là où se trouvent les hommes, leurs joies et leurs détresses, notre philosophie redescend. Piètre retour, où se mêlent aveuglément maladresse d’un côté, ricanements, sarcasmes, voire menaces et désir de meurtre de l’autre. Après tout, Socrate n’a-t-il pas lui-même été assassiné par les Athéniens, et tant d’autres persécutés par la bêtise et la suffisance de ceux qui ne veulent rien comprendre ? »

Si le monde sensible n’est que la grossière copie du monde intelligible, si la seule vérité est du côté des Idées, l’homme est l’habitant de deux mondes : il peut, à la fois, se satisfaire des illusions mensongères de la caverne, mais aussi en sortir afin de s’approcher d’une vérité qui n’est souvent que la sienne, en partant du principe que nous sommes bernés en permanence sans le savoir et que nous vivons dans le leurre, en toute insouciance et ignorance. La dialectique ascendante peut amener l’homme à la contemplation de l’intelligible dans la lumière de l’Idée du Bien (La République), comme l’amour peut permettre, au terme d’une lente gradation de saisir intuitivement la Beauté, c’est-à-dire l’Absolu du Beau dans sa divine et éternelle majesté (Le Banquet). Mais ceux, rares, qui atteignent le haut ne peuvent y demeurer : la quête de la vérité ne saurait se désolidariser du devoir. Ce que nous rappelle encore Geneviève Droz : « La philosophie n’est ni évasion, ni retranchement, ni rupture, ou elle ne l’est que le temps d’une ascension personnelle, elle est au contraire enracinement, prise en charge du monde et de l’histoire, investissement de soi dans la « commune demeure ». A ses risques et périls »…

Il est intéressant de constater qu’à la fin de la République (X, 617d-621b) Platon ré-utilise un mythe de résurrection d’Er le Pamphylien, du Léthé, de l’empire des morts, pour évoquer la réincarnation en fonction de la vie passée mais surtout pour évoquer la faiblesse constitutionnelle de l’homme qui ne peut se passer de guides : dans Phédon (81d-82b), il dit que les âmes qui ont pratiqué la tempérance et la justice par habitude, émigreront dans des espèces animales sociales ou dans le corps de braves-gens, mais que seules les âmes amies du savoir émigreront dans l’espèce divine. Ce n’est pas pour rien que ce mythe clôture la République, ouvrage consacré à la raison gouvernante, dominante et triomphante. Mais elle n’est pas seulement qu’une chance de salut pour la cité fragile : elle donne sens aux destins individuels. Le message de Platon s’y trouve condensé : il convient qu’en tout lieu du monde et qu’en tout temps, la pensée réfléchie règne en souveraine, dans la cité et les âmes. C’est le prix à payer pour le salut du cosmos. Mais nul n’est vertueux volontairement. Y a-t-il chez l’homme une violence naturelle, une méchanceté innée qui en fait une bête immonde faisant voler la société en éclats ? La question hantera Machiavel, Hobbes, Rousseau, Freud…Et aussi la Franc-Maçonnerie !

IV – Conclusion

La Franc-Maçonnerie, ô combien ! s’est inspirée de l’allégorie de la caverne dans ses rituels ou ses réflexions. L’idée commune est celle de l’ascension et elle emploiera le symbolisme de l’échelle pour illustrer la pensée platonicienne, bien que cette échelle ait plus à faire avec la théologie de Jean Clinmaque (579-649) qui nous conduit, théoriquement, à la grâce plutôt que la voie ascendante de Platon qui vise la formation de l’élite de la cité ! Cette allégorie de l’échelle peut nous faire songer également, dans une métaphore guerrière, aux échelles le long des remparts d’une ville à conquérir (La Jérusalem terrestre ?). Bernard de Clervaux le résumerait ainsi (7) : « Nous sommes ici comme des guerriers sous la tente, cherchant à conquérir le ciel par la violence, et l’existence de l’homme sur la terre est celle d’un soldat. Tant que nous poursuivons ce combat dans nos corps actuels, nous restons loin du Seigneur, c’est-à-dire de la lumière. Car Dieu est lumière ».. L’esprit maçonnique est contenu dans le renversement des perspectives, ces passages de relais, cette quête mutuelle du mystère et des correspondances, en utilisant un itinéraire spirituel s’étageant selon ce que, Bernard de Clervaux appelle une « échelle d’humilité » allant de la crainte à l’amour, en passant par l’obéissance, l’effacement volontaire, le silence. C’est, en fait, un programme pour rassembler les trois ordres de toute société : ceux qui combattent, ceux qui prient, ceux qui produisent. Le secret de la Jérusalem terrestre tient à une alchimie entre pouvoir et spiritualité, commandement et humilité, en oubliant pas la dimension du « silence de l’écoute » qui conduit à un type de communion et de communication qui s’instaure alors à l’égard d’autrui et à l’intérieur de soi-même, permettant d’accéder, de « clarté en clarté » à l’absolu et à son sens de l’universel. De cet « Unique nécessaire » viennent d’étranges lumières que les gnostiques appelaient « substances lumineuses » et que Jung assimilera aux archétypes, ces « luminosités germinales » qui luisent dans l’obscurité de l’inconscient. La réconciliation avec le monde se perçoit le plus souvent à-travers une sensation de lumière intérieure. D’ailleurs, William Blake disait : « Nous sommes mis sur terre un bref instant pour apprendre à supporter les éblouissants rayons de l’amour ». La Maçonnerie repose sur une dynamique d’unification qui apparaît comme un voyage sans retour sur une ligne de crête très étroite où le sens de l’équilibre est à reconquérir à chaque pas, avec le risque de chuter de l’échelle. Mais cela ne se borne pas à une imitation, un catéchisme. Il convient d’ajouter sa pierre à celles d’un édifice plus grand dont il se sent consciemment le bâtisseur, mais à son corps défendant, comme s’il ne faisait que répondre aux impulsions que le monde lui imprime. En Maçonnerie la circulation élévatoire du sens procède par intégration ascensionnelle des fonctions de l’âme. Existent trois mondes : sensibila, inteligibilla et intellectibilia, ainsi que trois niveaux de l’âme et trois relations de connaissance et d’amour avec ces trois mondes auxquels on accède qu’en étant particulièrement prédisposé et déterminé.

La Franc-Maçonnerie, en regard à l’allégorie de Platon, vit ce que nous pourrions appeler un « optimisme ascensionnel » qui n’est pas de mise pour l’auteur ! En effet, il y a une impérieuse obligation de retour dans la caverne pour les quelques courageux qui voulurent escalader le chemin vers la lumière : la quête personnelle de la vérité ne saurait se désolidariser du devoir, ingrat, de l’éducation de l’autre. Tant qu’à l’amour, l’autre n’a que la fonction de me faire accéder, de façon parcellaire ou changeante à la beauté qui est l’antichambre des Idées. Amour et connaissance ne sont que des moyens, jamais une finalité. S’ils ne sont pas dépassés, ils deviennent sans intérêt et sont à l’image de l’attelage ailé du Phèdre (246a-249b) : « Quand ils vont au festin, au banquet, ils gravissent l’escarpement qui mène à la voûte soutenant le ciel : dans cette montée, les attelages des dieux, équilibrés et faciles à conduire, progressent avec aisance, mais les autres, n’avancent qu’à grand peine, car le cheval qui est rétif tire vers le bas, faisant pencher le char vers la terre, et alourdissant la main du cocher qui n’a pas su le dresser. C’est alors que l’épreuve et le combat suprême attendent l’âme. Car celles des âmes qui sont dites immortelles, quand elles atteignent le sommet s’avancent au-dehors, se dressent sur le dos de la voûte céleste, et là, debout, se laissant emporter par la révolution circulaire, contemplent les réalités qui sont en dehors du ciel ».

L’autre, dans la vision platonicienne, dans l’amour et la connaissance va me servir à m’élever et mon choix va être d’opter pour le bon ou le mauvais cheval, ou éventuellement d’en changer, car seule compte mon illumination qui me conduit au monde des Idées ! L’autre est-il mon prochain ? Rien n’est moins sûr chez Platon… Le but est de faire accéder à la connaissance quelques rares personnes qui étaient dans l’ombre et de les faire redescendre pour y exercer le pouvoir de diriger ceux qui étaient, qui sont, qui veulent rester dans l’ombre. Le Maçon, lui, éclairé par son ascension, choisit de redescendre, par charité, dans le monde de la matérialité. Nous sommes donc dans l’opposition entre le monde du pouvoir et celui de la fraternité et l’opposition entre le monde laïc et celui de la spiritualité. Pour faire de l’humour, nous pourrions dire que Platon vise à la création d’une forme d’ « E.N.A. » alors que la Maçonnerie serait plutôt du côté d’un Institut philosophico-théologique ! En tout cas, la Maçonnerie choisit le logos au lieu du mythos. Elle n’a nullement à s’occuper de ce qui peut et doit être cru, elle se doit de discerner que ce qui se laisse savoir. Ce que traduit Arhur Schopenhauer quand il écrit dans son célèbre ouvrage, « Le monde comme volonté et comme représentation » (8) : « Nous ne sommes pas seulement le sujet qui connaît, mais que nous appartenons nous mêmes à la catégorie des choses à connaître, que nous sommes nous-mêmes la chose en soi, qu’en conséquence, si nous ne pouvons pas pénétrer du dehors jusqu’à l’être propre et intime des choses, une route, partant du dedans, nous reste ouverte : ce sera en quelque sorte une voie souterraine, une communication secrète qui, par une espèce de trahison, nous introduira tout d’un coup dans la forteresse, contre laquelle étaient venues échouer toutes les attaques dirigées du dehors… »

Il convient d’éviter la confusion entre cause et conséquence, et ce que nous dit Platon dans son allégorie est que la forme de la vie et de la réalité est le présent seul, non l’avenir, ni le passé : ceux-ci n’ont d’existence que comme notions, relativement à la connaissance, et parce qu’elle obéit au principe de raison suffisante. Jamais homme n’a vécu dans son passé, ni ne vivra dans son avenir, c’est le présent qui est la forme de toute vie. Pour Platon, nous ne sommes que des manifestations de l’Idée qui, apparaissent et disparaissent, pareils à des rêves instables.

Dans « Jacques le fataliste » Denis Diderot définit ainsi la place de l’homme : « Un château immense, au frontispice duquel on lisait : « je n’appartiens à personne, et j’appartiens à tout le monde : vous y étiez avant que d’y entrer, vous y serez encore quand vous en sortirez. » Tant que la crainte et la fatigue existent chez le sujet, il n’y a pas de bonheur durable ni repos, car la connaissance de l’Idée passe par la contemplation pure, le ravissement de l’intuition, la confusion entre sujet et objet, l’oubli de toute individualité. Dès lors, il est indifférent d’être dans la caverne ou dans un palais pour contempler le cosmos. La caverne devient alors nécessaire pour percevoir ce qu’il en est du faux-semblant et de la qualité de la vraie lumière comparée à la semi-obscurité. Jean de la Croix, dans « La nuit obscure » (9), nous explique fort bien la nécessité de la nuit pour mieux accueillir la lumière. Mais une question métaphysique, incessante chez Platon se pose : y aurait-il un « Dieu-artisan » vers qui je dirigerais mes pas à-travers l’obscurité ? Chez Platon, ce Dieu-artisan n’est nullement créateur et ne fait rien « ex-nihilo » : il ne fait qu’organiser une matière existante de toute éternité, en imitant un modèle existant, en fonction d’Idées et de nombres, déjà inscrits dans le monde intelligible. Le « Dieu-démiurge » n’est en aucun cas l’auteur de ce qui est : la matière, le modèle intelligible et l’artisan cohabitent de toute éternité (Timée 29c-30c). Chez Platon, la montée vers la lumière, contrairement à la Maçonnerie, n’autorise pas les chemins de traverse comme le sont les rituels, il faut être dans la ligne, l’ « orthé », la « pensée droite ». L’obéissance à un impératif catégorique est une sorte de leitmotiv de l’allégorie. Mais, au-delà de l’obéissance absolue prônée par Platon, le Franc-Maçon est plus sensible au message de Schopenhauer (10) : « Au contraire, le véritable et pur amour, et même la libre équité, procèdent déjà de l’intuition qui voit au-delà du principe d’individuation, laquelle, arrivée à son plus haut degré, conduit à la sainteté absolue et à la délivrance ; elle se manifeste par cet état particulier que nous avons décrit et qui est la résignation, par la paix profonde qui l’accompagne, par la béatitude infinie au sein même de la mort. »

Dès lors, il convient au Maçon, de faire prévaloir la vie sur le pourrissement et la plénitude sur la destruction…

Sacré chantier !

 NOTES

– (1) Cheng François : Œil ouvert et cœur battant. Paris. Ed. Desclée de Brouwer. 2011. (page 48).
– (2) Romano Claude : Être soi-même. Paris. Ed. Gallimard. 2019. (page 61).
– (3) Brunschvicz Léon : Philosophe français (1869-1944). Enseignant à la Sorbonne, spécialiste de Kant et Hegel, mais aussi de Platon et Spinoza. Ses principaux ouvrages sont : « La modalité du jugement » (1897) ; « Les étapes de la philosophie mathématiques » (1912) ; « Le progrès de la conscience dans la philosophie occidentale » (1927) ; « La raison et la religion » (1939).
– (4) Quignard Pascal : La vie n’est pas une biographie. Paris. Ed.Galilée. 2019. (page 48).
– (5) Rank Otto : Le traumatisme de la naissance. Paris. Ed. Payot. 1976. (pages 176 et 177)
– (6) Droz Geneviève : Les mythes platoniciens. Paris. Ed. Du Seuil. 1992. (page 99).
– (7) Montagu Jean-Yves et Martel Olivier : L’âme cistercienne. Paris. Ed. Du Chêne. 1999. (page 12).
– (8) Rosset Clément : Schopenhauer. Paris. PUF. 1968. (pages 62 et 63).
– (9) Jean de la Croix : La nuit obscure. Paris. Les éditions du Cerf. 1992.
– (10) Schopenhauer : idem (page 102).

 BIBLIOGRAPHIE

– Blondel Joseph : Les ombres de la caverne. Paris. Ed. Ellipses. 2001.
– Bonhner-Cante Marie-Hélène : Platon et la sexualité. Toulouse. Éd. Euop-Repress. 1981.
– Buttin Anne-Marie : La Grèce classique. Paris. Éd. Les Belles Lettres. 2000.
– Brisson Luc : Platon, les mots et les mythes. Paris. Éd. Maspéro. 1982.
– Brun Jean : Platon et l’Académie. Paris. PUF. 1979.
– Châtelet François : Platon. Paris. Éd. Gallimard. 1965.
– De Romilly Jacqueline : La Grèce antique à la découverte de la liberté. Paris. Éd.Biblio/Essai. 1989.
– Descombes Lucien : Le platonisme. Paris. PUF. 1971.
– Dixsout Monique : Métamorphoses de la dialectique dans les dialogues de Platon. Paris. Éd. Vrin. 2001.
– Frutiger Perceval : Les mythes de Platon. Paris. Éd. Alcan. 1930.
– Jeannière Abel : Platon. Paris. Ed. Du Seuil. 1994.
– Lacan Jacques : Le transfert. Livre VIII. Le Séminaire. Paris. Éd. du Seuil. 2001.
– Platon : Oeuvres complètes. Paris. Ed. Flammarion. 2011.
– Rosset Clément : Schopenhauer, philosophe de l’absurde. Paris. PUF. 1967.
– Schul Pierre-Maxime : La fabulation platonicienne. Paris. Ed. Vrin. 1947
– Mazel Jacques : Socrate. Paris. Ed. Fayard. 1987.
– Vernant Jean-pierre : Mythe et société en Grèce ancienne. Paris. Éd. Maspéro. 1974.
– Vernant Jean-Pierre et Vidal-Naquet Pierre : La Grèce ancienne. Du mythe à la raison. Paris. Éd. du Seuil. 1990.
– Vernant Jean-Pierre : Mythe et pensée chez les Grecs. Paris. Éd. Maspero. 1954.