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L’amour est enfant de bohème et n’a jamais connu de lois ! ah bon ?…

« Nous appelons amour ce qui nous lie à certains êtres qui par référence à une façon de voir collective et dont les livres et les légendes sont responsables. Mais de l’amour, je ne connais que ce mélange de désir, de tendresse et d’intelligence qui le lie à tel être. Ce composé n’est pas le même pour tel autre. Je n’ai pas le droit de recouvrir toutes ces expériences du même nom. Cela dispense de les mener des mêmes gestes. Il n’y a d’amour généreux que celui qui se sait en même temps passager et singulier » Albert Camus (Le mythe de Sisyphe. 1942)

En Maçonnerie, nous sommes submergés d’amour, un vrai tsunami où nous pourrions avoir l’impression de « boire la tasse » et d’être dans une défaillance lamentable pour y répondre, venant en loge avec le monde profane accroché aux basques ! Pascal Quignard lance d’ailleurs l’alarme (1) : « Il y a un extraordinaire élan au fond de l’amour, qui décompose entièrement l’état ancien et qui est si puissant qu’il parvient à dévaster la mémoire de l’enfance » A longueur de rituels, comme un leitmotiv cette « orientation amoureuse » apparaît presque comme un impératif kantien du devoir, avec sans doute le désir de contrebalancer aussi la violence qui est bien présente aussi dans les rituels et où la menace de nous faire trancher la gorge, arracher le coeur, et d’ être éviscéré au final modère notre mouvement vers un très franciscain « Amour Universel » ! N’en reste pas moins que le terme « amour » mérite une petite réflexion.

Un Frère, récemment, me demandait à quel texte je ferai référence pour le mieux parler d’amour. Avec facilité, je le lui donnais en resituant le contexte : Louise-Henriette, dite Sophie Volland meurt le 22 février 1784, Denis Diderot la rejoint le 31 juillet de la même année. Ils se rencontrent en 1754 et auront une « liaison douce » durant trente ans. A l’époque où ils se rencontrent, l’un et l’autre sont ou furent mariés, et ont des enfants. Sophie Volland et le grand animateur de l’ « Encyclopédie » vont vivre une aventure amoureuse intellectuelle et tendre plus que charnelle car souvent éloignés l’un de l’autre par leurs activités. Ils vont entreprendre une correspondance qui sera la plus célèbre de la période des Lumières, document inestimable, littéraire et philosophique. Et dans l’une de ces lettres à Sophie Volland, celle du 15 octobre1759, Denis Diderot lui fait, à-travers un développement « philosophique », une déclaration d’une tendresse et d’une profondeur inoubliables (2) : « Ceux qui se sont aimés pendant leur vie et qui se font inhumer l’un à côté de l’autre ne sont peut-être pas si fous qu’on pense.. Peut-être leurs cendres se pressent, se mêlent et s’unissent. Que sais-je ? Peut-être n’ont-elles pas perdu tout sentiment, toute mémoire de leur premier état. Peut-être ont-elles un reste de chaleur et de vie dont elles jouissent à leur manière au fond de l’urne qui les renferme. Nous jugeons de la vie des éléments par la vie des masses grossières. Peut-être sont-ce des choses bien diverses. On croit qu’il n’y a qu’un polype ; et pourquoi la nature entière ne serait-elle pas du même ordre ? Lorsque le polype est divisé en cent mille parties, l’animal primitif et générateur, n’est plus, mais tous ses principes sont vivants.

 Ô ma Sophie, il me resterait donc un espoir de vous toucher, de vous sentir, de vous aimer, de vous chercher, de m’unir, de me confondre avec vous, quand nous ne serons plus. S’il y avait dans nos principes une loi d’affinité, s’il nous était réservé de composer un être commun ; si je devais dans la suite refaire un tout avec vous ; si les molécules de votre amant dissous venaient à s’agiter, à se mouvoir et à rechercher les vôtres éparses dans la nature ! Laissez-moi cette chimère. Elle m’est douce. Elle m’assurerait l’éternité en vous et avec vous »… Texte étonnant de la part d’un ancien élève des Jésuites à Langres, athée notoire et engagé ! Le matérialisme affiché de l’auteur du « Rêve de d’Alembert », du « Neveu de Rameau », de « La religieuse » ou de « Jacques le fataliste », nous conduit à une spiritualité issue de la matière et qui nous ouvre des perspectives insoupçonnées sur ce que serait l’amour transcendé, échappant à la fonction naturelle de la reproduction et du piège de l’érotisme qu’elle met en place pour atteindre ce but.

Couple et amour

Expliquons-nous : dans sa lutte pour sa survie, la nature et les espèces qui la composent mettent, comme une obligation absolue le fait de générer une descendance et pour rendre ce processus, qui met en concurrence Eros et Thanatos, d’utiliser le premier élément pour contrer le second. Le plaisir escompté devenant le moteur de l’Eros faisant barrage à Thanatos qui serait le retour à l’immobilisme, sorte de non-être sans tension. Tentation permanente chez l’homme que cet état de tranquillité, « instinct de mort », finalement rebaptisé « principe de Nirvana » (3) chez Freud. Ce dernier, dans l’un de ses ouvrages (4) développe que la sexualité, produite par les « Triebe », les instincts, conduit à une tension interne très douloureuse et anxiogène par la peur de ne pas trouver une décharge à cette tension et donne priorité à la recherche d’un objet qui va l’apaiser momentanément. Trois cas de réponses se présentent :

– l’objet choisi répond positivement à ma demande (et à la sienne, ce qui équilibre le troc !) et apaise la tension physiologique. Naît alors ce qu’on appelle l’amour qui est une gratitude pour la cessation d’une tension et l’attachement à cet objet que l’on suppose dans la pérennité d’une réponse au rétablissement de mon calme intérieur. C’est, malheureusement, nous dit Freud, la sortie la plus difficile.

– Si la réponse à notre attente ne se réalise pas, la gestion d’une frustration,

que l’on espère provisoire, se met en place. Parfois avec des épisodes dépressifs conséquents où le sujet se sent « vidé », alors qu’en réalité il est « plein » et que la force pulsionnelle s’installe sur son propre corps dans une sorte d’auto-décharge permanente qui parfois peut conduire le sujet au suicide quand il ne retrouve pas d’exutoire à sa tension. Cette période dépressive, nous pouvons aussi, les uns et les autres, la vivre momentanément quand, inconsciemment, nous désinvestissons l’attachement pour certains objets et que nous sommes en voie d’en investir d’autres. Une sorte de passage provisoire en Thanatos, où l’on se sent mal sans raisons apparentes, avant la « résurrection » dans un nouvel investissement que nous jugeons salvateur.

l’Amour universel par Serge Toussaint

– La troisième réponse est la mise en place d’un processus de sublimation qui est un glissement sémantique vers quelque chose qui remplacerait la décharge initiale, « comme si », en apportant la même satisfaction. D’où la même reconnaissance pour l’objet transitoire, avec les mêmes changements se produisant avec un sujet, si la fonction d’apaisement et donc de reconnaissance ne fonctionne plus ou mal. Pour Freud, la sublimation est, dans beaucoup de cas, la meilleure solution, mais n’est qu’accessible à une minorité de façon durable, en fonction d’orientations personnelles. Freud, voit dans la sublimation une combinaison névrotique nécessaire pour se mettre en attente de la relation d’objet réelle. Mais pour lui, certains sujets restent dans la sublimation faute de pouvoir la mettre en place et cela devient alors un montage pathologique et non une situation d’attente. Les sublimations sont multiples et varient avec le besoin ou l’interdit du sujet de vivre ses vrais désirs : l’art, la religion, la politique, le sport, la Franc-Maçonnerie par exemple ! Elle est une réussite quand elle met en place une solution d’ « attente-Ersatz » ou qu’elle permette de juguler certaines tendances en mettant en place son contraire : par exemple un engagement forcené au service de l’autre alors que la personne peut-être dans une détestation de ces mêmes autres ou de vivre des tendances homosexuelles en toute fraternité sans les reconnaître ou les vivre « dans le réel » à plus forte raison !

Statut de Platon en marbre blanc
Statut de Platon assis en marbre blanc devant un chapiteau de Temple

Evidemment, dès l’Antiquité, la problématique de l’amour est soulevée. Le best-seller en sera bien sur « Le Banquet » de Platon (5) sous-titré, comme il se doit « De l’amour ; genre éthique ». Ouvrage singulier où l’homme se vit comme coupé en deux et, avant toute recherche érotique, veut désespérément se reconnecter pour vivre son unité dont l’a privé les dieux cruels. L’idéal serait donc l’hermaphrodite, étranger à toute altérité, un aimant le un. Comble de l’idéal narcissique. L’amour devient alors une tentative de raccommodage de deux entités déchirées. Mais cela ne marche guère et la ronde insatisfaisante des objets va se succéder, dans l’espoir que le deux va se transformer en un. Nostalgie, précisément, où tout en étant deux nous étions un dans le ventre de la mère. Lost paradise avec la coupure du cordon ombilical !

Mais revenons à la maison maçonnique ! Pour cela, ayons recours à Jacques Lacan qui, dans son séminaire sur « L’éthique de la psychanalyse », écrit (6) : « Je recule à aimer mon prochain comme moi-même, pour autant qu’à cet horizon il y a quelque chose qui participe de je ne sais quelle intolérable cruauté. Dans cette direction, aimer mon prochain peut être la voie la plus cruelle ». Ça commence mal ! Mais Lacan veut dire par là que cela serait une hypocrisie d’ampleur de prétendre aimer mon prochain en général parce qu’il serait mon prochain « comme moi-même » comme nous dit le catéchisme, alors que, cruellement précisément, je sais que l’autre n’est pas comme moi-même. Tout l’effort va consister à faire cohabiter, tant bien que mal, la différence par la tolérance, mais la tolérance relève-t-elle de l’amour ou de la tentative de ne pas déclencher la haine ? Nous sommes en tout cas loin de l’idéal ricoeurien du « Soi-même comme un autre », mais proche d’une forme d’humanisme qui garde les yeux ouverts et accepte le discernement concernant la distance entre idéal religieux ou non et nos limites dans nos « choix d’objets » limités, ceux principalement qui nous amènent, dans un inter-échange, à l’apaisement de nos tensions pulsionnelles.

Colombe de la paix qui s'envole
Colombe de la paix qui s’envole

La Franc-Maçonnerie est un véritable laboratoire en la matière : bien entendu qu’il y a des Sœurs et des Frères que nous détestons et d’autres que nous adorons ! La question n’est pas là mais se trouve dans l’alchimie de gérer les contraires de façon satisfaisante, sans mettre en œuvre quelque action d’aller vers la sainteté ! D’ailleurs ça ne marche pas. Saint Augustin, lui-même, dans ses « Confessions » (7) écrit : « Ainsi la faiblesse du corps est innocente chez l’enfant mais pas son âme. J’ai vu et observé un petit enfant jaloux : il ne parlait pas encore et il regardait, tout pâle et l’œil mauvais, son frère de lait ». Bien entendu, l’enfant observé était Saint-Augustin lui-même ! Il constate la concurrence première dans l’affection des parents et des conséquences que cela aura dans l’avenir de l’adulte : la volonté d’entériner un choix réel ou imaginaire quoi qu’il arrive ou le rattrapage, la réparation, d’un manque initial jamais comblé car trop béant. La Maçonnerie, dans son symbolisme même ne peut que déclencher une série de réactions géniales ou insatisfaisantes : la famille « reconstituée » avec les Frères et les Sœurs , la Veuve dont nous sommes les enfants sans concurrence avec le père substitué dans le provisoire rôle du Vénérable Maître. Incontestablement, on vit en famille ! Avec, en toile de fond inconsciente l’idée d’un « Eden » que l’on voudrait tant retrouver et où l’amour n’est qu’un, imaginairement, « en attendant ». La loge, dans sa fonction de sublimation devient alors la « salle d’attente », où nous sommes en quête d’un impossible retour et où, avec philosophie dans le meilleur des cas, nous nous contentons de ce qui n’est pas si mal que çà, un truc qui s’appelle l’amour et où l’on dit à quelqu’un que c’est bien qu’il vive ou que, à la Denis Diderot, mort, il soit encore si tellement vivant en nous…

Pas de soucis, les amis, on s’aime beaucoup !

   NOTES

– (1) Quignard Pascal : L’amour, la mer. Paris. Editions Gallimard. 2022. (page 30).

– (2) Diderot Denis : Lettres à Sophie Volland. Paris. Editions Gallimard. 1984. (pages 90-91).

– (3) Laplanche Jean et Pontalis J.-B. : Vocabulaire de la psychanalyse. Paris. PUF. 1988. (pages 331-332).

Principe de Nirvana : « Le terme « Nirvâna » répandu en occident par Schopenhauer, est tiré de la religion bouddhique où il désigne l’ « extinction » du désir humain, l’anéantissement de l’individualité qui se fond dans l’âme collective, un état de quiétude et de bonheur parfait.

Dans « Au-delà du principe de plaisir » (1920), Freud, reprenant l’expression proposée par la psychanalyste anglaise Barbara Low, énonce le principe de Nirvâna comme « tendance à la réduction, à la constance, à la suppression de la tension d’excitation interne ». Cette formulation est identique à celle que Freud donne dans le même texte, du principe de constance, et comporte donc l’ambiguïté de tenir pour équivalentes la tendance à maintenir constant un certain niveau et la tendance à réduire à zéro toute excitation… Freud trouve une correspondance avec la pulsion de mort. Dans cette mesure le « principe de Nirvâna » désigne autre chose qu’une loi de constance ou d’homéostase : la tendance radicale à ramener l’excitation au niveau zéro, telle que Freud l’avait jadis énoncée sous le terme de « principe d’inertie ». D’autre part le terme de Nirvâna suggère une liaison profonde entre le plaisir et l’anéantissement, liaison qui est restée pour Freud problématique ».

– (4) Freud Sigmund : Métapsychologie. Paris. Editions Gallimard. 1968.

Chapitre : « Pulsions et destin des pulsions » (pages 11 à 43).

– (5) Platon : Oeuvres complètes. Le Banquet. Paris. Editions Flammarion. 2011 (pages 103 à 158).

– (6) Lacan Jacques : L’éthique de la psychanalyse. Paris. Editions du Seuil. 1986. (page 229).

– (7) Saint-Augustin : Les Confessions. Paris. Editions Flammarion. 1954. (page 22).

   BIBLIOGRAPHIE

– Freud Sigmund et Pfister Oskar : Correspondance de Sigmund Freud avec le pasteur Pfister (1909-1939). Paris. Editions Gallimard. 1966.

– Freud Sigmund : L’avenir d’une illusion. Paris. PUF. 1971.

– Freud Sigmund : Malaise dans la civilisation. Paris. PUF. 1971.

– Freud Sigmund : Trois essais sur la théorie sexuelle. Paris. Editions Gallimard. 1987.

– Ricoeur Paul : Soi-même comme un autre. Paris. Editions du Seuil.1990.

– Trousson Raymond : Denis Diderot ou le vrai Prométhée. Paris. Editions Tallandier. 2005.

La Franc-maçonnerie est-elle capable de regarder la Russie autrement ?

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Nombre de maçons se forgent une opinion sur la Russie à l’aune des informations mainstream diffusées quotidiennement par nos grands médias. Une fois n’est pas coutume, 450fm apporte un éclairage différent donné, par un spécialiste de la question. L’Art Royal ne se nourrit-il pas de nos divergences d’opinions ?

L’histoire littéraire de la Russie, si riche en écrivains et en poètes,  pourrait-elle éclairer l’avenir qui attend le monde ? Une lecture de la pensée russe à travers les principaux écrivains qui ont marqué les trois derniers siècles. Un ouvrage qui se veut un examen libre de tout parti pris politique, un éclairage sur le tropisme occidental et le panslavisme à teinture de religion orthodoxe. Une conclusion qui souhaite offrir des voies d’espérance face aux enjeux redoutables d’un monde en complet bouleversement.

Gilles Cosson est venu à la littérature après une belle carrière dans les milieux industriels et économiques et un goût prononcé pour les espaces vierges. Il a publié une vingtaine d’ouvrages dont :

  • Les taureaux de Khorsobad – Ed Plon 2024
  • Cinq femmes – Ed Pierre Guillaume de Paris 2019
  • Et Rome s’enfonça dans la nuit – Ed de Paris 2017
  • Debout citoyens contre la décadence – Ed Fauves 2015

Il réalise également de nombreuses conférences dont

  • De la chute de Rome aux angoisses occidentales d’aujourd’hui

Au cœur de la franc-maçonnerie limousine : Le mystère de la loge d’Uzerche décodé !

Il est toujours agréable de se plonger dans l’histoire de sa région d’origine. En tant que membre d’une famille issue de Brive-la-Gaillarde, en Corrèze, et plus largement du Limousin, c’est un véritable plaisir pour moi de résumer cet ouvrage consacré à Uzerche et à sa loge maçonnique, « L’Heureuse Alliance ». Se plonger dans cette histoire locale, c’est un peu comme renouer avec ses racines et découvrir des aspects méconnus de son patrimoine.

Mais abordons, dans un premier temps, la symbolique du nom de loge « L’Heureuse Alliance » qui peut être interprété de plusieurs façons, en fonction des connotations symboliques et historiques liées à la franc-maçonnerie.

Dans l’art royal, les alliances symbolisent souvent l’union, la fraternité et la solidarité entre les membres. Le terme heureuse renforce l’idée d’une alliance bénéfique et positive, suggérant que la loge vise à promouvoir une coopération harmonieuse et fructueuse entre ses membres. « L’Heureuse Alliance, Perle du Limousin à l’Orient d’Uzerche » qui est issu de l’ancienne « Loge de Saint-Jean l’Heureuse Alliance.» peut également évoquer l’engagement des membres de la loge à poursuivre des idéaux élevés de moralité et de développement spirituel. Cette interprétation souligne le désir de créer un environnement où les valeurs maçonniques de vérité, de charité et de respect mutuel sont cultivées et valorisées.

Blason de la ville d’Uzerche

Dans le contexte du siècle des Lumières, période à laquelle de nombreuses loges maçonniques ont vu le jour dont celle d’Uzerche,  l’expression pourrait aussi refléter l’enthousiasme de l’époque pour les idées de progrès, d’unité et de réforme sociale. Les loges étaient souvent des lieux où les intellectuels et les influents pouvaient se rencontrer pour discuter et promouvoir des changements sociétaux.

Ce titre distinctif symbolise l’union de diverses traditions, croyances ou pratiques au sein de la loge, illustrant l’acceptation et l’intégration de divers points de vue et de différentes manières de penser au sein de la fraternité, mais qui, pour nous maçons du XXIe siècle, indique aussi un engagement envers la communauté locale ou plus largement souligne le rôle de la loge dans le soutien et l’amélioration de la société environnante.

Ce nom d’« Heureuse Alliance » est donc bien chargé de positivité et de promesse, suggérant un engagement profond des membres envers les principes maçonniques de fraternité, de développement personnel et d’amélioration communautaire.

Dans Loge de Saint-Jean-L’heureuse alliance à l’Orient d’Uzerche, Jean-Louis Troncard offre une plongée inédite dans l’histoire d’une loge maçonnique méconnue, située à Uzerche, en Corrèze, au siècle des Lumières. Uzerche, ville tranquille et authentique, qui, en raison de son charme pittoresque et de son patrimoine historique – la ville a conservé de nombreuses maisons médiévales et de la Renaissance – est effectivement appelée la perle du Limousin.

Ce livre de 118 pages, publié aux éditions Maïa, se présente comme un travail exhaustif et documenté ».

L’auteur propose ainsi un ouvrage minutieux en plusieurs chapitres, articulant des thèmes variés et abordant la loge maçonnique d’Uzerche sous différents angles.

À commencer par l’histoire de la ville et de la loge, dont il reconnaît qu’il n’est pas le premier à s’y être intéressé. Des frères de Brive, Tulle et Limoges l’ayant déjà abordée.

Jean-Louis Troncard a puisé aux meilleures sources, dont les travaux de l’abbé Louis Pérouas, directeur de recherche au CNRS. Il retrace donc l’histoire de « L’heureuse alliance », mettant en lumière son rôle et son influence dans la vie uzerchoise du XVIIIe siècle. Il s’appuie sur des documents inédits, découverts récemment, pour reconstituer son parcours.

L’auteur détaille la composition de la loge, en insistant sur l’importance professionnelle et sociale de ses membres, ce qui éclaire le statut particulier de la loge dans la société de l’époque.

L’ouvrage aborde des zones d’ombre et des affirmations non vérifiées, en proposant des analyses basées sur des documents jusqu’alors méconnus, offrant ainsi un nouvel éclairage sur la loge.

Jean-Louis Troncard explore le contexte de la franc-maçonnerie corrézienne et uzerchoise, soulignant la spécificité de la loge par rapport aux autres structures maçonniques locales.

Il inclut, en fin d’ouvrage, un document fort intéressant , le « Rituel dit d’Uzerche » – 79 questions et réponses –, du « Régulateur du maçon-Catéchisme d’apprenti.1785/1801 », des « Conversations allégoriques du Frère Pincemaille. 1763 », du « Rite Écossais Philosophique. 1774 » et d’autres documents, ainsi qu’ un lexique des termes et abréviations maçonniques utilisés dans l’ouvrage, rendant le livre accessible même aux non-initiés.

Lune et Soleil
Lune et Soleil

Jean-Louis Troncard, lui-même originaire d’Uzerche et ayant une passion pour l’histoire locale, propose un travail approfondi, détaillé et richement documenté.

L’auteur utilise un style accessible, rendant le livre agréable à lire, même pour les lecteurs qui ne sont pas familiers avec la franc-maçonnerie.

Loge de Saint-Jean – L’heureuse alliance à l’Orient d’Uzerche est une lecture indispensable pour les passionnés d’histoire locale, les francs-maçons du Limousin, et tous ceux qui s’intéressent à la franc-maçonnerie en général. Jean-Louis Troncard réussit le pari de rendre accessible une partie méconnue de l’histoire uzerchoise, tout en offrant une analyse approfondie et documentée de la loge « L’heureuse alliance ».

La biographie de l’auteur

Né en 1946 à Uzerche, Jean-Louis Troncard, féru d’histoire, a occupé diverses fonctions dans le bâtiment, puis il a terminé sa carrière à la SNCF comme technicien en télécommunications. Aujourd’hui à la retraite, il occupe son temps à fabriquer des cannes à mouche en bambou refendu. Ses passe-temps favoris sont la pêche et le rugby – heureux homme !

Loge de Saint-Jean – L’heureuse alliance à l’Orient d’Uzerche

Jean-Louis TroncardÉditions Maïa, Coll. Notre histoire, 2024, 118 pages, 20 €

En savoir plus : https://www.editions-maia.com/

https://www.facebook.com/EditionsMaia/
panorama d’Uzerche – Source Wikimedia Commons

Lieu symbolique : La Cité de la Voile Éric Tabarly, à Lorient (Morbihan)

La Cité de la Voile Éric Tabarly, située à Lorient, est un lieu symbolique dédié à la voile et à l’un des marins les plus célèbres de France, Éric Tabarly 1931-1998).

Éric Tabarly – Mosaïque de portraits de Lorientais(ses)

Ce complexe est un lieu emblématique dédié au célèbre navigateur français Éric Tabarly est à la fois un musée et un centre d’apprentissage interactif qui offre une plongée dans l’univers de la navigation à voile, tout en rendant hommage à l’impact significatif d’Éric Tabarly sur ce sport.

Rappelons qu’Éric Tabarly repose pour toujours au cimetière marin. Le mythique navigateur français est tombé à l’eau alors qu’il barrait « Pen Duick » en mer d’Irlande le samedi 13 juin 1998. Il avait 67 ans. Eric Tabarly, était, est et sera toujours une légende de la mer.

La Base en Bretagne

La Base à Lorient, officiellement connue sous le nom de Lorient La Base, est un pôle nautique et un centre d’affaires situé sur l’ancienne base de sous-marins de Lorient en Bretagne. Cette zone, riche en histoire et en transformation, est devenue un centre important pour la voile, la recherche maritime, et les activités nautiques.

Histoire, l’origine militaire

La Base a commencé son histoire comme une base de sous-marins utilisée par la Kriegsmarine (marine de guerre allemande) pendant la Seconde Guerre mondiale. Cet emplacement stratégique sur la côte atlantique a joué un rôle crucial durant le conflit.

Reconversion post-guerre

Après la guerre, la base a eu plusieurs usages, y compris comme base navale française. Cependant, au fil des années, une grande partie de la base a été désaffectée et a nécessité une nouvelle vision pour son avenir.

À cette heure, le sous-marin Flore, en service de 1964 à 1989, a été très actif durant la guerre froide. Il a effectué sa dernière plongée en 1989 en Méditerranée avant de regagner Lorient et fut mis à sec sur le slipway en 1995. Il est ouvert au public depuis 2010.

Transformation et développement

Dans les années 2000, la ville de Lorient et divers partenaires ont entrepris de transformer cette ancienne installation militaire en un hub dédié aux industries navales et à la voile sportive.

Passerelle menant à la tour
Hall d’accueil du musée

Pôle Course au Large

La Base est aujourd’hui célèbre pour être le cœur de la course au large en France. Elle accueille des équipes de course prestigieuses, des chantiers de construction de bateaux de course et des entreprises spécialisées dans la haute technologie marine.

Au 1er plan, IMOCA InitiativesCœur

D’ailleurs, le 28 avril 2024 une cinquantaine de skippers, dont 33 en Imoca, comme International Monohull Open Class Association, une classe de bateaux océaniques – monocoque de 60 pieds de 18,28 mètres de long et d’une largeur maximale de 5,85 mètres –, et 13 en Class40, ont pris le départ d’un parcours inédit, de Lorient à New York, pour The Transat CIC.

La Cité de la Voile Éric Tabarly est une pièce maîtresse de La Base

Son impact économique et culturel

Un centre économique : La Base a stimulé l’économie locale en attirant des entreprises, des touristes et des événements internationaux. Elle est devenue un lieu de référence dans le monde de la voile et des technologies maritimes.

Détail panneau, intérieur du musée
The Transat CIC, c’est aussi la fête à terre

Côté événementiel et touristique

La Base accueille régulièrement des événements d’envergure tels que des compétitions de voile, des festivals et des expositions, attirant des visiteurs du monde entier.

Mais aussi une belle contribution à la recherche et à l’éducation.

La présence d’instituts de recherche et d’établissements d’enseignement sur La Base aide à promouvoir l’innovation et la formation dans les domaines de la mer et de la voile.

Base de sous-marins de Keroman, complexe de bunkers
Au pied de la tour, les Pen Duick d’Éric Tabarly

Sans oublier sa valeur symbolique…

La Base symbolise la reconversion réussie d’une installation militaire en un centre de prospérité civile et de passion maritime. Elle représente également l’engagement de Lorient et de la Bretagne envers le développement durable et l’innovation technologique dans le respect de leur riche héritage maritime.

Le choix de nommer le centre après Éric Tabarly est un hommage à ses contributions révolutionnaires à la navigation et à la course à voile. Tabarly, célèbre pour ses innovations techniques et son esprit pionnier, a remporté de nombreuses courses et a popularisé la voile sportive en France et dans le monde.

Au sein du musée, l’association Éric Tabarly

Le musée sert de mémorial à Tabarly, immortalisant son héritage dans le monde de la voile. Sa passion et son ingéniosité ont transformé la voile, faisant de lui un modèle pour les générations futures de marins. Le parcours de visite de la Cité de la Voile permet à tous, de naviguer entre ses différentes escales : « A bord d’un trimaran », « Connaître son bateau », « Avant d’embarquer », « Naviguer », « Éric Tabarly ». De nombreux films, bornes interactives et éléments grandeur nature ponctuent la visite.

Pour un autre voyage… tout aussi initiatique !

Photos © Yonnel Ghernaouti, YG

10 mai : « Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leur abolition »

Et ce depuis 2006 ! Le 10 mai, la France célèbre désormais la « Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leur abolition ». Cette date a été choisie en référence à la loi Taubira, adoptée le 10 mai 2001, qui reconnaît la traite et l’esclavage en tant que crime contre l’humanité.

Christiane Taubira

La loi, portée par la députée Christiane Taubira, a marqué un tournant dans la reconnaissance officielle par la France de l’ampleur des atrocités commises pendant ces périodes sombres de l’histoire. Les cérémonies et événements organisés ce jour-là ont pour but de :

  • honorer la mémoire des victimes. Il s’agit de se souvenir de ceux qui ont souffert et perdu la vie à cause de l’esclavage et de la traite négrière transatlantique et dans l’océan Indien ;
  • éduquer les générations actuelles et futures. Ces commémorations visent à informer le public sur l’histoire de l’esclavage et de ses abolitions successives afin de transmettre la mémoire de cette tragédie ;
  • combattre le racisme et la discrimination. En reconnaissant les impacts à long terme de l’esclavage sur les sociétés contemporaines, cette journée vise à lutter contre le racisme et toutes les formes de discrimination qui en découlent ;
  • valoriser le patrimoine culturel des descendants d’esclaves. C’est aussi l’occasion de mettre en lumière et de célébrer les contributions culturelles, économiques, politiques et sociales des descendants d’esclaves à la société française ;
  • encourager le dialogue et la réconciliation. La journée invite à la réflexion et au dialogue sur l’histoire commune, en favorisant une compréhension plus profonde des injustices du passé pour construire un avenir partagé plus équitable.

La date du 10 mai sert ainsi de rappel annuel de la nécessité de reconnaître pleinement l’histoire de l’esclavage, de réfléchir à ses conséquences durables et de s’engager dans la construction d’une société respectueuse des droits et de la dignité de tous ses membres.

La France est le premier État et demeure le seul qui, à ce jour, ait déclaré la traite négrière et l’esclavage crime contre l’humanité.

Marivaux

En cette journée de commémoration, pourquoi ne pas s’intéresser à Marivaux (1688-1763) et à L’Île des esclaves, une comédie en un acte de 11 scènes et en prose représentée pour la première fois le lundi 5 mars 1725, à l’Hôtel de Bourgogne par les Comédiens Italiens.

Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux, plus couramment appelé Marivaux, est un écrivain du XVIIIe siècle, période qui correspond au siècle des Lumières en Europe. Cependant, son œuvre s’inscrit davantage dans la première moitié du siècle, et il est souvent associé à la Régence et au début du règne de Louis XV, plutôt qu’aux figures emblématiques des Lumières telles que Voltaire ou Diderot, qui marqueront la seconde moitié du siècle.

Marivaux est surtout connu pour ses pièces de théâtre et ses romans, qui explorent les complexités de l’amour et les subtilités psychologiques des relations humaines. Ses œuvres les plus célèbres incluent des pièces comme Le Jeu de l’amour et du hasard, Les Fausses Confidences, ou L’Île des esclaves. Ces œuvres se caractérisent par un usage raffiné de la langue et une analyse fine des sentiments et des rapports sociaux.

Bien que Marivaux n’ait pas été un philosophe des Lumières au sens strict, son travail est imprégné de l’esprit de cette période, remettant en question les structures sociales et les normes, et réfléchissant sur la nature humaine avec une finesse et une ironie qui le rapprochent des thématiques des Lumières. Son intérêt pour l’individu et ses sentiments, ainsi que sa critique de la société à travers des dialogues vifs et un jeu sur les classes et les conventions sociales, reflètent les questionnements de l’époque.

Marivaux a aussi contribué au journalisme, un genre en plein essor à cette époque qui a servi de vecteur aux idées des Lumières. Il a fondé et rédigé des articles pour des journaux tels que Le Spectateur français. Sa curiosité pour les affaires courantes et son engagement dans la critique sociale démontrent un lien avec le mouvement intellectuel de son temps, même s’il est plus indirect comparé aux philosophes plus tardifs du siècle des Lumières.

L’Île des esclaves est une des lectures recommandées pour le 10 mai, lors de la « Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leur abolition ». Même si la pièce ne traite pas directement de la traite négrière historique ni de l’esclavage tel qu’il a été pratiqué jusqu’au XIXe siècle, elle offre une réflexion sur les thèmes de la domination, de la liberté, de l’égalité et de la condition humaine, qui sont pertinents dans le contexte de cette commémoration.

La pièce peut servir de point de départ pour des discussions sur la façon dont le pouvoir et le statut social influencent les relations humaines et sur l’importance de l’empathie et du respect mutuel, des valeurs antithétiques à l’esclavage. Cependant, il est important de noter que la pièce est une œuvre de fiction du XVIIIe siècle et qu’elle aborde ces thèmes de manière allégorique et satirique. Elle ne reflète pas l’horreur réelle de la traite négrière et de l’esclavage, qui sont des événements historiques d’une grande gravité.

Paris, Hôtel de ville

L’Île des esclaves de Marivaux est une pièce qui recèle cependant plusieurs leçons, souvent exprimées avec subtilité et ironie.

 La pièce se déroule sur une île fictive où les rôles de maîtres et d’esclaves sont inversés. Cette inversion force les personnages à reconsidérer les dynamiques de pouvoir et les injustices du système féodal et esclavagiste de l’époque. C’est une critique de la rigidité des structures sociales et une invitation à réfléchir sur l’égalité fondamentale entre les êtres humains.

Les personnages de maîtres se retrouvent dans la position de leurs esclaves et vice versa, ce qui les conduit à un processus d’introspection et de révélation sur leurs propres défauts et ceux des autres. Cela suggère que l’environnement et les circonstances peuvent influencer notre comportement et que nous sommes tous capables de changement.

En mettant en lumière les travers des maîtres, la pièce critique l’orgueil et la cruauté qui découlent souvent de la possession du pouvoir. C’est un avertissement contre l’abus de pouvoir et un plaidoyer pour la compassion et l’humanité.

Jean-Baptiste Carpeaux,1868 « Pourquoi naître esclave ? »

La pièce encourage à se mettre à la place de l’autre pour mieux comprendre sa situation. Cette empathie est présentée comme une vertu qui permet de briser les barrières sociales et de favoriser une société plus juste et plus équilibrée.

Les personnages principaux, en traversant des épreuves, apprennent des leçons importantes sur eux-mêmes et sur les autres. La pièce suggère que les difficultés peuvent servir d’opportunités pour grandir et s’améliorer.

Marivaux utilise souvent ses personnages pour se moquer de la vanité et de la superficialité de la noblesse de son époque. La pièce est truffée de dialogues qui révèlent les ridicules des personnages hautains et montre que la valeur d’une personne ne se mesure pas à son statut social.

L’île devient un lieu où le dialogue et la communication ouvrent la voie à la compréhension et à l’égalité. La pièce illustre comment la parole et l’écoute peuvent être des instruments de changement social.

L’Île des esclaves reste donc une œuvre intemporelle qui continue d’inviter les spectateurs à réfléchir sur la condition humaine, l’équité sociale et la capacité à se transformer. C’est un exemple précoce de littérature engageant le lecteur dans une réflexion sur des thèmes toujours d’actualité, comme l’injustice sociale et le pouvoir.

Nous attirons votre attention sur Bibliolycée, une collection du Groupe Hachette, 3e groupe d’édition mondial – Hachette Livre rassemble plus de 200 marques éditoriales dans tous les segments de l’édition grand public et de l’éducation. Bibliolycée est une collection d’œuvres classiques destinée à l’étude littéraire au lycée. Elle propose également à l’élève tous les outils nécessaires à son travail personnel : texte annoté de l’œuvre, dossier complet (biographie de l’auteur, contexte d’écriture de l’œuvre, genre de l’œuvre) ainsi qu’un lexique littéraire.

En en quoi les fils de la Lumière, au fil de siècles, ont œuvré pour l’abolition de l’esclavage

Les francs-maçons ont souvent été associés à divers mouvements progressistes, y compris la lutte contre l’esclavage et la traite négrière. La franc-maçonnerie étant fondée sur des principes d’égalité, de liberté et de fraternité, qui sont en opposition directe avec les pratiques de l’esclavage et de la traite des êtres humains, ces valeurs ont incité de nombreux maçons à prendre position contre ces injustices.

Au XVIIIe siècle, la franc-maçonnerie a eu une influence notable sur les philosophes des Lumières, dont beaucoup prônaient la raison, le progrès social et l’abolition des pratiques inhumaines comme l’esclavage. Des figures des Lumières comme Voltaire, Montesquieu et d’autres étaient soit francs-maçons, soit proches des idéaux maçonniques, et ont écrit contre l’esclavage.

Certains francs-maçons ont joué un rôle actif dans le mouvement abolitionniste. Par exemple, le maçon britannique William Wilberforce a été un leader clé dans le mouvement pour l’abolition de la traite des esclaves au Royaume-Uni. Et Victor Schœlcher en France.

Certaines loges, en particulier celles en Europe et dans les Amériques, ont accueilli des discussions qui ont aidé à propager des idées anti-esclavagistes et à influencer l’opinion publique et la législation contre la traite négrière.

Aux États-Unis, des loges composées de membres afro-américains, comme la Prince Hall Freemasonry, ont été formées, fournissant un soutien et une plateforme pour les leaders noirs qui ont lutté contre l’esclavage et pour les droits civils.

Les francs-maçons ont permis à certains de promulguer des réformes et de soutenir des lois en faveur de l’abolition de l’esclavage dans différents pays.

Les maçons ont soutenu des révolutions, comme la Révolution française et les guerres d’indépendance en Amérique latine, qui comprenaient des composantes anti-esclavagistes et des principes d’égalité pour tous les hommes.

Il est important de noter, toutefois, que la franc-maçonnerie n’est pas monolithique et qu’il y a eu des maçons et des loges à différentes périodes qui n’ont pas nécessairement adhéré à ces idéaux ou pris position contre l’esclavage. Comme tout mouvement de grande envergure et d’histoire longue, il y a eu une diversité d’opinions et d’actions parmi ses membres.

Victor Schœlcher photographié par Étienne Carjat

Revenons sur Victor Schœlcher (1804-1893), surtout connu pour sa participation déterminante à l’abolition de l’esclavage de 1848.

Victor Schœlcher est effectivement célèbre pour son rôle crucial dans l’abolition de l’esclavage en France en 1848. Moins connue est son appartenance au Grand Orient de France, l’une des plus grandes obédiences maçonniques du pays, ce qui s’inscrit dans le cadre plus large de son engagement républicain et de ses luttes pour la justice sociale.

En tant que membre du Grand Orient de France, Schœlcher a intégré une sociabilité qui valorisait les idéaux de liberté, d’égalité et de fraternité. Ces principes fondamentaux de la franc-maçonnerie résonnaient avec ses propres convictions républicaines et son combat abolitionniste. À travers la franc-maçonnerie, il a pu échanger des idées et collaborer avec des hommes qui partageaient des convictions similaires en matière de progrès social et de réformes démocratiques.

Le Grand Orient de France a été un foyer de pensée libérale et républicaine, particulièrement actif au XIXe siècle, lorsque la France était en proie à des luttes politiques entre monarchistes, bonapartistes, républicains et autres forces politiques. Schœlcher, comme beaucoup d’autres membres du Grand Orient, a œuvré pour la consolidation de la République et la défense de la laïcité, en opposition aux influences de l’Église catholique dans les affaires de l’État. Cet engagement a influencé sa manière d’aborder les droits humains, y compris la question de l’esclavage.

Son activité maçonnique a également pu jouer un rôle dans la façon dont il a mené son action politique. La maçonnerie met un point d’honneur à la discussion rationnelle et éclairée, à la recherche de la vérité et au dévouement à l’amélioration de la société, des principes qui se reflètent dans la manière dont Schœlcher a abordé l’abolition de l’esclavage : avec un mélange de passion morale et de rigueur intellectuelle.

En tant que franc-maçon, Schœlcher a aussi puisé dans l’atmosphère de camaraderie et le soutien de ses frères maçons pour mener ses campagnes abolitionnistes et républicaines. Les loges maçonniques étaient des lieux où l’on pouvait discuter librement des idées progressistes, ce qui était particulièrement important dans un contexte où les républicains étaient souvent sous la surveillance ou la censure du pouvoir en place.

Victor Schœlcher par C215 – Musée de la franc-maçonnerie

L’engagement de Schœlcher au sein du Grand Orient de France est donc une facette essentielle de sa biographie qui souligne l’interconnexion entre ses activités maçonniques et son militantisme politique. Cela reflète la tendance de nombreux réformateurs sociaux du XIXe siècle à s’engager dans la franc-maçonnerie, voyant dans ses idéaux et ses réseaux un levier pour le changement social et politique.

L’initiation de Schœlcher

Au terme de sa formation au lycée Louis-le-Grand à Paris, dans les dernières années de la décennie 1810, Victor Schœlcher était sur le point de rejoindre la société secrète connue sous le nom de La Compagnie franche des Écoles. Sans doute une association d’étudiants au lycée Louis-le-Grand. Cependant, il y a peu d’informations disponibles sur cette société en particulier, et le terme pourrait être utilisé de manière générique pour désigner une société secrète ou un cercle d’étudiants engagés dans des discussions intellectuelles ou politiques, ce qui était commun dans les établissements d’éducation pendant cette période.

Par la suite, selon les informations que nous avons pu rassembler, il aurait été initié en 1822, à l’âge de 18 ans, à la loge « Les Amis de la Vérité » du Grand Orient de France. Victor Schœlcher a aussi fréquenté la société secrète Aide-toi, le ciel t’aidera, et ultérieurement, la Société des Droits de l’Homme. D’après le Fichier Bossu de la Bibliothèque nationale de France, on pourrait croire que Schœlcher a été en contact avec la loge « L’École de la Sagesse et du Triple Accords Réunis » à Metz en 1822, mais il s’avère que c’était en fait son frère de sang, Marc-Antoine.

François Mitterrand en 1988

Mais nous savons aussi que, pour nombre de Français, le 10 mai est une date marquante dans l’histoire politique française, car elle représente le jour où François Mitterrand a été élu Président de la République française, battant le président sortant Valéry Giscard d’Estaing. Cette victoire a eu une signification historique pour plusieurs raisons : changement politique majeur, consolidation de la gauche,  réformes sociales et économiques, alternance démocratique, impact culturel et politique étrangère.

Le 10 mai est donc resté dans les mémoires comme un moment pivot, non seulement pour la gauche française mais aussi pour la nation tout entière, symbolisant une réorientation politique et sociale importante. Pour beaucoup, c’est un jour de célébration de la démocratie et de réflexion sur le progrès social et politique.

04-05/10/24 : SCPLF – 40es Rencontres Écossaises sur « Dire et vivre l’idée », à Angers (Maine-et-Loire)

Parrainée par l’astrophysicien Trinh Xuan Thuan, cette 40e édition est à ne manquer sous aucun prétexte !

Trinh Xuan Thuan

Les Rencontres Écossaises, événement majeur du Rite Écossais Ancien et Accepté en France, se tiendront à Angers les 5 et 6 octobre prochain. Créées en 1984, les Rencontres Écossaises réunissent chaque année plus de 700 congressistes sur deux journées consacrées à l’écoute et au partage d’un thème lié à la spiritualité, l’ésotérisme ou la franc-maçonnerie.

Le thème choisi pour cette année est « Dire et vivre l’Idée ».

Le célèbre astrophysicien Trinh Xuan Thuan, auteur de nombreux ouvrages de vulgarisation scientifique, lauréat en 2012 du prix mondial de la Fondation Simone et Cino del Duca et invité d’honneur en 2023 a accepté de parrainer cette édition. Il viendra échanger avec les congressistes et partager leur questionnement sur la Beauté et l’harmonie de l’Univers, un de ses derniers ouvrages publiés chez Bouquins en 2022.

Pour Jack Chopin-Ferrier, président des Rencontres Écossaises, « cet événement permet de créer un espace d’échanges et de partages unique et commun à toutes les composantes de l’écossisme, sans distinction d’obédience, de juridiction ou de sexe ».

Robert Redeker
Paul Clavier

De prestigieux intervenants viendront également partager leur vision de ce thème parmi lesquels on peut citer les professeurs Robert Redeker (L’abolition de l’âme, Cerf, 2023), Paul Clavier (Les avatars de la preuve cosmologique, Eliott, 2023) et le philosophe Mark Hunyadi (Déclaration universelle des droits de l’esprit humain, PUF, 2024).

Françoise Schwab

Le Prix littéraire des Rencontres Écossaises (cf. notre article du 4 courant) est remis pendant l’événement sous le parrainage de Françoise Schwab, lauréate en 2023 pour son livre consacré à Vladimir Jankélévitch (Albin Michel). Cette troisième édition viendra couronner un ouvrage dont le sujet est lié à l’ésotérisme, la spiritualité, la philosophie ou la franc-maçonnerie.

Enfin, et pour marquer le 40e anniversaire de la manifestation, une surprise de taille attend l’ensemble des congressistes lors de la soirée du samedi 5 octobre. Pour en savoir plus et bénéficier de cette surprise (comprise dans le prix de l’inscription).

Infos pratiques

Sur le site du SCPLF de nombreuses offres y sont proposées, de la seule participation aux conférences, à un forfait comprenant l’hôtellerie et la restauration sur les deux journées.

Le programme des 40es Rencontres Écossaises/Les tarifs/S’inscrire

Les Rencontres Écossaises 2023 au Palais des Congrès à Angers.
Les Rencontres Écossaises 2023 au Palais des Congrès à Angers.
Les Rencontres Écossaises 2023 au Palais des Congrès à Angers.

Le mot du mois : « Efficacité »

Le très ancien sémantisme *dhe, indo-européen, exprime l’idée de ce que l’on pose de manière créatrice, qu’on établit dans l’existence.

*Themis est, en grec, le droit familial d’origine divine, qui fixe alliances et mariages, devoirs de chacun dans la vie quotidienne, codes religieux et oracles, toute conduite à observer lorsqu’il en va de l’ordre familial et social. L‘anathème, qui prononce la malédiction, le thème etla thèse et leurs déclinaisons préfixées, tous les mots qui s’assortissent d’une seconde partie en –thèque, bibliothèque, hypothèque, entre autres.

Le latin, quant à lui, en a inféré un verbe *facere, employé à d’innombrables sauces. De la façade au facétieux, de la face ou faciès au fainéant, tous à des degrés divers autour de l’idée de faire. Du facteur dans sa tournée au factieux en mal de forfait.

Pas facile de donner l’exhaustivité d’un tel champ lexical, tant est vaste l’expansion préfixée ou suffixée du radical de base. Faculté, affaire, affection. Amplifier, artifice, bénéfice, bienfaiteur. Parfait, préfet. Infecter s’employait dans le jargon des teinturiers, qui plongeaient dans un bain le tissu à teindre.

La confiture désignait, dans le jargon des drogués du début du XXe siècle, l’opium que les coolies chinois fournissaient aux officiers de l’armée britannique, destiné aux soldats de 1914-18. Un méfait bien pervers, à coup sûr, mais si efficace pour s’assurer la sujétion effective de cette chair à canons… L’effet en était garanti « sur facture« ! Il n’y a pas de petit profit en temps de guerre et on sacrifie sans vergogne la morale à l’efficience. La victoire suffit, en effet..

On doit à cette recherche d’efficacité nombre d’avancées médicales. Ainsi la crémation, dont les sociétés anciennes ne furent pas toutes coutumières, apparut-elle comme le moyen efficace d’éliminer proprement les cadavres, surtout en époque d’épidémie pestilentielle. Même si elle suscita de grandes controverses, en particulier religieuses, dans l’Europe du XIXe siècle. Et bien davantage encore dans la « solution finale » de sinistre mémoire, au siècle suivant.

Les avancées fulgurantes en matière de cautérisation durent leur efficacité à la nécessité faite aux barbiers-chirurgiens, dont Ambroise Paré (1510-1590), d’être rapides dans l’amputation et la ligature des blessures par armes à feu, faute de connaissance de l’anesthésie.

Dans des sociétés rurales où l’on croyait à l’efficacité des mots et des remèdes naturels pour contrer les maléfices des puissances occultes, ancestrales ou diaboliques, on avait recours à des formules apotropaïques, c’est-à-dire qui détournent le mal, mantras rituels censés tuer l’adversaire, plantes réputées anti-démons et anti-calamités, miroir cloué sur les linteaux parce que les mauvais génies ont horreur de leur propre reflet, fer à cheval rédhibitoire contre les créatures diaboliques. Entre autres myriades de remèdes supposés. Tant est vaste le champ de l’efficacité supposée des prières, surtout si elles s’assortissent de la magie du crachat par-dessus l’épaule, gauche de préférence…

La divinité Mêtis, très redoutée des Grecs, représentait à la fois la prudence et la ruse, l’intelligence et la sagesse efficace. Son ambiguïté serait-elle d’actualité dans nos sociétés contemporaines, avides de communication, dont le philosophe Régis Debray dit que« c’est la mise en scène de mensonges momentanément efficaces »?

Annick DROGOU

Et si on remplaçait le mot « efficacité » par « fécondité » ? Tout changerait. L’efficacité a partie liée avec la production quand la fécondité nous parle de la vie. L’efficacité est un mot de notre époque productiviste, un terme pour manuel de management et écoles de commerce. L’efficacité est partout dans les courbes de rendement qui ignore le don et le contre-don. On peut même mesurer la qualité de l’efficacité quand elle devient l’efficience, nouveau mantra des gestionnaires qui promeuvent la capacité à fournir le maximum de résultat avec une économie de moyens. Avec l’efficacité, tout est devenu calcul.

Désormais appliquée à la production humaine, l’efficacité devrait pourtant n’être réservée qu’aux robots et aux machines-outils. Bien sûr, il y a des actions humaines efficaces mais leur objectif semble toujours trop court. Comme une sorte d’autosatisfaction, une fois le but atteint, de contentement de soi. Comme si cette efficacité se suffisait à elle-même, devenait son propre objectif et son propre effet. Fascination de l’homme moderne pour cette efficacité supposée. Dérisoire tentation de toute puissance, quand elle n’est qu’un manque abyssal. Notre destin d’homme et de femme n’est pas d’être efficace, mais d’être fécond.

Peut-on dire d’une vie qu’elle a été efficace ? Assurément pas. En revanche, on sait bien reconnaître les vies fécondantes. Dans nos travaux quotidiens ou dans la construction de nos projets. Fécondité de nos rencontres et des échanges entre les humains. On peut avoir une vie sociale féconde mais certainement pas efficace, sauf à sombrer dans un cynisme absolu et hélas pas toujours conscient. Fécondité de nos vies intérieures, de la recherche de la beauté. Est fécond ce qui engendre et inspire. Un artiste n’est jamais efficace, il est créateur, quand il fait naître en nous un regard nouveau sur des horizons insoupçonnés. Je préférerai toujours la fécondité à l’efficacité.

Jean DUMONTEIL

Racisme, nos préjugés font des victimes

Le Grand Orient de Suisse est honoré de vous convier, le 22 juin 2024 à 12h30 à l’Université ouvrière de Genève (Place des grottes, 3 – 1201 Genève), à la première édition de « Dialogue et Construction Collective », un événement novateur qui réunit la Franc-maçonnerie et le grand public autour de réflexions profondes et d’actions concrètes pour notre société.

Notre thématique phare aborde un sujet crucial : « Racisme, nos préjugés font des victimes ». Nous sommes confrontés à des défis sociétaux majeurs, et il est de notre devoir de nous engager dans une réflexion collective, ouverte et inclusive. 

À travers deux tables rondes captivantes, nous explorerons les mécanismes du racisme systémique et de l’intersectionnalité, ainsi que les stratégies essentielles pour promouvoir une société plus juste et égalitaire. Enrichissez-vous des éclairages d’éminents spécialistes et contribuez à cette démarche de construction collective.

L’après-midi sera également marquée par une conférence inédite du sociologue renommé Michel Wieviorka, qui nous interrogera sur la réversibilité de la montée des extrêmes. De plus, nous aurons le privilège de découvrir le film percutant « Je Suis Noires » de Rachel M’Bon, qui nous plongera au cœur des réalités vécues.

Enfin, en fin de journée, nous aurons l’honneur de remettre le prix de l’engagement humaniste à une personne qui aura œuvré à faire bouger les barrières et les préjugés, soulignant ainsi l’importance de l’action concrète pour un changement social durable.

Cet événement est une opportunité unique de nous rassembler, de partager nos expériences et de cultiver notre conscience sociale. Votre présence est précieuse pour enrichir nos échanges et contribuer à bâtir un monde plus juste et solidaire.

Rejoignez-nous nombreux pour un après-midi placé sous le signe du dialogue, de la réflexion et de l’action. Ensemble, faisons entendre notre voix et œuvrons pour un avenir meilleur !

Pour réserver votre place, rendez-vous sur: https://my.weezevent.com/racisme

Les 1eres dames de la Maison Blanche et l’occultisme

De notre confrère nationalgeographic.fr – de PARISSA DJANGI

De Mary Todd Lincoln à Jane Pierce, ces premières dames furent entraînées dans le mouvement du spiritisme du 19e siècle, une croyance selon laquelle les vivants peuvent entrer en contact avec les morts.

La Maison-Blanche a accueilli son lot de personnalités : politiciens, écrivains, musiciens, scientifiques… et médiums.

Reflétant la croyance des Américains dans les esprits, certaines des familles des présidents américains tinrent des séances de spiritisme au 1600 Pennsylvania Avenue. Elles firent leur deuil avec l’aide de médiums, montrant ainsi que les séances destinées aux défunts s’adressaient aussi aux vivants.

DU SPIRITISME À LA MAISON-BLANCHE

Le 6 janvier 1853, Franklin Pierce, président nouvellement élu, et sa femme Jane vécurent le pire cauchemar de tous les parents. Le seul enfant qu’il leur restait, Bennie, 11 ans, périt dans un terrible accident de train dans le Massachusetts.

Jane Pierce s’efforça de s’adapter à la vie sans son enfant. Pourtant, recluse dans ses quartiers privés de la Maison-Blanche, elle continua de lui écrire des lettres.

Alors que Jane Pierce pleurait la mort de son fils, un nouveau mouvement religieux prenait racine dans tout le pays : le spiritisme, ou le fait de croire qu’il est possible de communiquer avec les morts. Comme l’écrit l’historienne Molly McGarry dans Ghosts of Futures Past, « la foi dans le spiritisme et l’expérience selon laquelle les morts continuaient à communiquer avec les vivants » ont trouvé un écho dans une Amérique où la culture du deuil était très répandue et « ont offert à certains Américains du 19e siècle une nouvelle façon d’être dans le monde ».

La popularité du spiritisme est à imputer en partie à Maggie et Katie Fox, deux sœurs de 15 et 11 ans originaires de Hydesville, dans l’État de New York. Même si elles menaient une vie relativement ordinaire au sein d’une famille nombreuse, les deux sœurs ne tardèrent pas à faire des déclarations peu communes. En 1848, elles prétendirent que les mystérieux bruits de pas entendus dans la maison familiale étaient le fait d’esprits. Les sœurs soutenaient fermement pouvoir communiquer avec eux, interprétant les bruits comme une forme spectrale de code Morse.

Les allégations des sœurs Fox électrisèrent les Américains désireux d’entrer en contact avec leurs proches décédés, et notamment Jane Pierce. Fascinée par leur récit, la première dame les invita à Washington.

On ignore ce qu’il s’est réellement passé entre Jane Pierce et les sœurs Fox, mais il se pourrait que la séance à la Maison-Blanche se soit déroulée comme les autres séances des sœurs Fox : elles auraient probablement commencé par faire asseoir les invités en cercle, les faire se tenir par la main et réciter une prière, puis les sœurs auraient procédé aux évocations, en prétendant lever le voile sur le monde des esprits.

LES NOMBREUSES LARMES DES LINCOLN

En pleine guerre de Sécession, Abraham et Mary Todd Lincoln vécurent une tragédie nationale et personnelle, car le couple dut enterrer l’un de ses enfants. Le 20 février 1862, Willie Lincoln, âgé de 11 ans, mourut à la Maison-Blanche après avoir combattu la fièvre typhoïde des semaines durant.

La mort du garçon fut dévastatrice pour ses deux parents, mais le chagrin de Mary Todd Lincoln fut particulièrement débilitant. Elle resta alitée pendant des semaines et ne put supporter l’idée d’assister aux funérailles. Même après avoir réintégré la société, Mary Todd Lincoln désirait ardemment retrouver son fils décédé

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Mary Todd Lincoln, épouse du 16e président, était connue pour s’adonner ouvertement au spiritisme.

Mary Todd Lincoln, épouse du 16e président, était connue pour s’adonner ouvertement au spiritisme. PHOTOGRAPHIE DE LIBRARY OF CONGRESS

Elle se tourna donc vers les médiums. En s’appuyant sur des documents d’archives, l’historien David Herbert Donald, lauréat du prix Pulitzer et biographe de Lincoln, a estimé que la première dame pourrait avoir tenu huit séances de spiritisme à la Maison-Blanche.

L’une d’entre elles se déroula en décembre 1862, lorsque Lincoln accueillit la médium Nettie Colburn pour une séance dans le « salon rouge ».

Colburn affirma plus tard que le président s’était joint à la séance alors qu’elle était en transe, et qu’elle ne s’était pas contentée de communiquer avec Willie Lincoln. Elle expliqua que les esprits avec lesquels elle était entrée en communication avaient incité le président à publier la Proclamation d’émancipation, et qu’ils l’auraient qualifiée de « point culminant de son administration et de sa vie ».

En avril 1863, le président Lincoln aurait organisé une séance de spiritisme dans le salon rouge ...

En avril 1863, le président Lincoln aurait organisé une séance de spiritisme dans le salon rouge de la Maison-Blanche pour demander aux esprits de le guider dans ses affaires politiques. PHOTOGRAPHIE DE FRANCE BENJAMIN JOHNSTON, LIBRARY OF CONGRESS

Les séances avec Colburn et d’autres médiums renforcèrent la foi de la première dame dans le fait que les âmes survivaient à la mort. Cette dernière aurait même vu Willie dans ses rêves. « Willie vit », aurait-elle dit à sa demi-sœur Emilie Todd Helm. « Il vient me voir chaque nuit et se tient au pied du lit avec le même sourire doux et adorable qu’il a toujours eu. »

LE DERNIER SOUFFLE DU SPIRITISME

La Maison-Blanche fut à nouveau en deuil pendant la présidence de Calvin Coolidge en 1924. Alors âgé de 16 ans, Calvin Junior, le fils de Coolidge, jouait au tennis sans porter de chaussettes dans ses chaussures, ce qui forma une ampoule sur l’orteil, qui suppura par la suite. L’infection se transforma en septicémie et il trouva la mort le 7 juillet.

Les Coolidge ont-ils eu recours à un médium pour entrer en contact avec leur fils ? C’est ce que pensait Harry Houdini, le célèbre illusionniste. Il réprouvait le spiritisme, ses séances et les médiums, qui avaient tous connu un regain d’intérêt à la suite de la Première Guerre mondiale et de la pandémie de grippe. Il cherchait à démasquer les médiums et les voyants, qu’il considérait comme des charlatans.

L’illusionniste Harry Houdini (à gauche) passa les dernières années de sa vie à discréditer les allégations paranormales. ...

L’illusionniste Harry Houdini (à gauche) passa les dernières années de sa vie à discréditer les allégations paranormales. En 1926, il témoigna lors d’une audition du Congrès qui envisageait d’interdire la pratique de la voyance. PHOTOGRAPHIE DE NATIONAL PHOTO COMPANY COLLECTION, LIBRARY OF CONGRESS

En 1926, il alla jusqu’à témoigner lors d’une audition au Congrès qui envisageait d’interdire la pratique de la voyance. Au cours de cette audition, Jane Coates, médium à Washington, D.C., aurait déclaré : « Je sais avec certitude que des séances de spiritisme ont eu lieu à la Maison-Blanche avec le président Coolidge et sa famille. »

Les amis de Coolidge nièrent avec véhémence cette allégation, traçant une ligne claire entre ce qui était acceptable et ce qui ne l’était pas. Les séances de spiritisme semblaient avoir franchi la limite de la respectabilité dans une Amérique en pleine mutation.

Après la Seconde Guerre mondiale, le spiritisme n’avait plus rien d’attrayant pour ses anciens adeptes, et les séances de spiritisme à la Maison-Blanche devinrent une curieuse note de bas de page de l’histoire.

15 mai 1777 : la première loge maçonnique féminine de France créée à Salins

De notre confrère leprogres.fr – Par Philippe Bétry

Ce jour-là. L’écrivain « libertin » Pierre Choderlos de Laclos n’est pas resté très longtemps à Salins-les-Bains, mais il s’y est montré très actif…

Précision liminaire : libertin, au XVIIIsiècle, signifie adepte de la liberté de penser et s’identifie au mouvement dit des Lumières.

De fait, Pierre Choderlos de Laclos, né à Amiens en 1741, officier d’artillerie, est décrit par ses contemporains comme « un monsieur maigre et jaune » à la « conversation froide et méthodique », un « homme de génie ; très froid ».

Côté vie sentimentale, il est fidèle à son épouse, de même qu’il est pour ses enfants un père attentionné ; rien d’un séducteur donc. S’il rêve de conquête et de gloire, il connaît surtout la vie de garnison à La Rochelle, à Toul où il devient franc-maçon et rosicrucien, à Grenoble puis à Besançon en 1775/1776. Il revient à Besançon en 1777 et y reste jusqu’en 1778 avec pour mission d’installer une nouvelle école d’artillerie. Il réside alors à Salins-les-Bains.

Auteur d’un chef d’oeuvre subversif

La vie de garnison, qui se poursuivra, lui laissant du temps libre, il occupe ses loisirs à écrire et c’est vraisemblablement à Salins en 1778 qu’il commence à rédiger son chef-d’œuvre Les liaisons dangereuses , rédaction qu’il poursuit au cours de ses affectations, et paraît sans nom d’auteur mais avec grand succès. Identifié – le livre considéré comme subversif – il est muté sans délai. Mais il ne se contente pas à Salins de ses travaux d’écriture et le franc-maçon de haut grade qu’il est installe le siège de la première loge maçonnique féminine de France qu’il a créée le 15 mai 1777, loge d’adoption de « L’Union parfaite », dans son hôtel Laclos, rue Gambetta, dans l’îlot Princey à Salins. La demeure présente toujours en décoration trois médaillons dans l’escalier de la cour intérieure, représentant Thalès, mathématicien, et Pythagore entourant Titus Vespasien (qui pacifia la Judée).

Idéaux féministes

Les disciples du premier s’inspirèrent de la cabale hermétique tandis que le philosophe fonda des communautés initiatiques, ouvrant son enseignement aux femmes et épousant l’une de ses élèves Théano qui continuera son œuvre. Les idéaux féministes symbolisés dans ces médaillons se retrouvèrent dans le discours de Pierre Choderlos de Laclos pour l’ouverture de la loge salinoise, souligne Marie-Claude Fortier dans le bulletin de l’Association Scientifique et Historique du pays de Salins-les-Bains que préside Marie-Paule Renaud, concluant « l’hôtel Laclos nous apparaît comme une demeure philosophale. »