sam 23 novembre 2024 - 17:11

Maçons célèbres… : Rudyard Kipling

Rudyard Kipling, né le 30 décembre 1865 à Malabar Hill (Bombay) en Inde britannique et mort le 18 janvier 1936 à Londres, est un écrivain britannique.

Ses ouvrages pour la jeunesse connaissent dès leur parution un succès qui ne s’est jamais démenti, notamment Le Livre de la jungle (1894), Le Second Livre de la jungle (1895), Histoires comme ça (1902), Puck, lutin de la colline (1906). Il est également l’auteur du roman Kim (1901), de poèmes dont parmi les plus célèbres Mandalay (1890), Gunga Din (1890) et Tu seras un homme, mon fils (1910) et de nouvelles, dont L’Homme qui voulut être roi (1888) et le recueil Simples contes des collines (1888). Il est considéré comme un « innovateur dans l’art de la nouvelle », un précurseur de la science-fiction et l’un des plus grands auteurs de la littérature de jeunesse. Son œuvre manifeste un talent pour la narration qui s’est exprimé dans des formes variées.

De la fin du xixe siècle au milieu du xxe siècle, Rudyard Kipling reste l’un des auteurs les plus populaires de la langue anglaise. Cependant, il est souvent considéré comme un « prophète de l’impérialisme britannique », selon l’expression de George Orwell. La controverse au sujet des préjugés et du militarisme qui seraient présents dans son œuvre a traversé tout le xxe siècle.

En 1907, il est le premier auteur de langue anglaise à recevoir le prix Nobel de littérature, et le plus jeune à l’avoir reçu (à 42 ans). Par la suite, il refuse d’être anobli.

Les loges militaires irriguent alors l’Inde à la suite des régiments comme celui des Mavericks, contingent irlandais, cité dans Kim.

La franc-maçonnerie est alors un instrument de structuration sociale dans la métropole comme dans la colonie. Elle s’adapte à l’une des castes des religions au délicat équilibre : on en trouve trace dans le poème de la Loge Mère lorsqu’il y est dit :

« Nous n’osions pas faire de banquet. De peur d’enfreindre la règle de caste de certains frères. … Chacun de nous se rapportant au Dieu qu’il connaissait le mieux ».

Mais la maçonnerie est aussi un instrument d’administration : la fable de l’Homme qui voulut être roi met en scène un système de self-government très classique, tenu de main ferme par les deux francs-maçons Dravot et Carnelian, le premier prévoyant de demander par écrit une dispense à la Grande Loge pour ce que j’aurais fait en tant que Grand Maître [du Kâfiristân], tout au rêve d’égaler le Raja Brooke à Bornéo. La maçonnerie est bien là pour aider l’homme blanc à porter le fardeau de la civilisation et pour aider l’Anglais à gagner le « Grand Jeu ».

Au-delà de l’Homme qui voulut être roi et du poème de « la Loge Mère », l’œuvre est parcourue par la philosophie et les mythes maçonniques

Selon son biographe Charles Zorgbibe (Kipling édition de Fallois p.168) « l’Histoire de Muhammad DIN » paru cinq mois après son initiation dans la Civil and Military Gazette est une allégorie « ésotérique » bâtie sur le chiffre 7 et le symbolisme de l’apprenti travaillant seul, et en silence ». Kim est bien le récit d’une « recherche », celle du Lama Teshoo sur le « Grand Trunk Road », jusqu’aux confins de l’Himalaya, sur le sens donné à une vie en même temps qu’un roman d’apprentissage, celui de Kim l’enfant anglo-indien. (Source cairn.info – par Charles Zorgbibe – Editions de Fallois, 2010)

Biographie

Joseph Rudyard Kipling est le fils d’Alicia MacDonald, fille d’un pasteur méthodiste, et de John Lockwood Kipling, professeur de sculpture à la Jejeebhoy School of Art and Industry de Bombay ; ses parents se marient le 18 mars 1865 en Angleterre juste avant la nomination de son père à Bombay. Ils viennent à peine d’arriver en Inde, que leur fils naît à qui ils donnent le prénom de Rudyard en référence au lac Rudyard dans le Staffordshire où ils se sont rencontrés. D’après Bernice M. Murphy, « les parents de Kipling se considéraient comme des « Anglo-Indiens » et leur fils devait faire de même, bien qu’il ait passé la plus grande partie de sa vie hors d’Inde. Cela explique pourquoi des problèmes complexes d’identité et d’allégeance nationale marquent ses œuvres de fiction. »

Reçu Franc-maçon en 1885 dans la loge « Hope and Perseverance » no 782 aux Indes, il obtient une dispense du grand maître du district du Pendjab lui permettant d’être initié avant l’âge de 21 ans. Il est ensuite élevé au grade de maître maçon dans la loge de « Marque Fidélité », puis élevé au grade de « Marinier de l’Arche Royale » dans la loge d’« Ark Mariner » du Mont Ararat.

Première Guerre mondiale

La réputation de Kipling était si étroitement liée aux idées optimistes qui caractérisent la civilisation européenne de la fin du xixe siècle qu’elle pâtit inévitablement du discrédit dans lequel ces idées tombèrent pendant la Première Guerre mondiale et dans les années d’après-guerre. L’une de ses premières contributions à la guerre fut de participer au Bureau de la Propagande de Guerre. Alors qu’il circulait le long des lignes de front, il fut frappé par les exactions allemandes contre les Belges. Il fut lui-même durement frappé par la guerre lorsqu’il perdit son fils, le lieutenant John Kipling, tué à la bataille de Loos en 1915. Il écrivit ces lignes

« Si quelqu’un veut savoir pourquoi nous sommes morts, / Dites-leur : parce que nos pères ont menti. »

Il est possible que Kipling ait éprouvé un sentiment de culpabilité pour avoir contribué à faire entrer son fils dans la garde irlandaise de la British Army, alors que le jeune homme avait été réformé à cause de sa myopie.

Ce drame est une des raisons qui poussèrent Kipling à rejoindre la commission créée par Sir Fabian Ware, The Imperial War Graves Commission (La Commission impériale des sépultures militaires) aujourd’hui Commonwealth War Graves Commission, responsable des cimetières de guerre anglais qui jalonnent la ligne du front ouest et que l’on retrouve dans tous les lieux où des soldats du Commonwealth ont été inhumés. Kipling choisit notamment la phrase célèbre, « Leur nom vivra à jamais », tirée de la Bible et inscrite sur les pierres du souvenir des sépultures les plus importantes. C’est également à Kipling que l’on doit l’inscription « Connu de Dieu » sur la tombe des soldats inconnus. Kipling rédigea aussi l’histoire de la garde irlandaise, le régiment où servit son fils. Paru en 1923, l’ouvrage est considéré comme un des exemples les plus admirables de l’histoire régimentaire. Enfin il composa une nouvelle émouvante intitulée Le Jardinier qui raconte ses visites dans les cimetières de guerre.

La voiture automobile étant devenue extrêmement populaire, Kipling devint chroniqueur automobile pour la presse écrite, rédigeant des comptes-rendus enthousiastes de ses voyages en Angleterre et à l’étranger, généralement en compagnie d’un chauffeur.

En 1922, un professeur de génie civil de l’université de Toronto demanda à Kipling, dont l’œuvre en prose et l’œuvre poétique contenaient plusieurs références à des ingénieurs, de l’aider à concevoir les détails d’une prestation de serment et d’une cérémonie de remise des diplômes pour les écoles d’ingénieur. Kipling accepta avec enthousiasme et proposa ce qui allait devenir le Rite d’Engagement de l’Ingénieur, cérémonie qui se déroule aujourd’hui sur l’ensemble du territoire canadien ; les nouveaux diplômés se voient notamment remettre un anneau de fer qui symbolise leurs devoirs vis-à-vis de la société civile.

La même année, Kipling fut élu recteur de l’université de St Andrews, en Écosse, où il succéda à J. M. Barrie. Cette fonction prit fin en 1925.

Mort

Kipling continua à écrire jusqu’au début des années 1930, mais à un rythme moins soutenu et avec un succès moindre. Il mourut au Middlesex Hospital à Londres des suites d’une hémorragie causée par un ulcère gastro-duodénal le 18 janvier 1936, deux jours avant la mort de George V, à l’âge de 70 ans. Son décès avait d’ailleurs été annoncé de façon prématurée dans les colonnes d’une revue à laquelle il écrivit : « Je viens de lire que j’étais décédé. N’oubliez pas de me rayer de la liste des abonnés. »

Les cendres de Kipling reposent dans le Poets’ Corner de l’abbaye de Westminster, aux côtés d’autres personnalités littéraires britanniques. Son épouse est décédée en 1939 à 76 ans.

Poème : La loge mère

Il y avait Rundle, le chef de station,
Beazeley, des voies et travaux,
Ackman, de l’intendance,
Dankin, de la prison,
Et Blake, le sergent instructeur,
Qui fut deux fois notre Vénérable,
Et aussi le vieux Franjee Eduljee
Qui tenait le magasin « Aux denrées Européennes ».

Dehors, on se disait : « Sergent, Monsieur, Salut, Salam ».
Dedans c’était : « Mon frère », et c’était très bien ainsi.
Nous nous réunissions sur le niveau et nous nous quittions sur l’équerre.
Moi, j’étais second diacre dans ma Loge-mère, là-bas !

Il y avait encore Bola Nath, le comptable,
Saül, le juif d’Aden,
Din Mohamed, du bureau du cadastre,
Le sieur Chucherbutty,
Amir Singh le Sikh,
Et Castro, des ateliers de réparation,
Le Catholique romain.

Nos décors n’étaient pas riches,
Notre Temple était vieux et dénudé,
Mais nous connaissions les anciens Landmarks
Et les observions scrupuleusement.
Quand je jette un regard en arrière,
Cette pensée, souvent me vient à l’esprit :
« Au fond il n y a pas d’incrédules
Si ce n’est peut-être nous-mêmes !

Car, tous les mois, après la tenue,
Nous nous réunissions pour fumer.
Nous n’osions pas faire de banquets
De peur d’enfreindre la règle de caste de certains frères.
Et nous causions à cœur ouvert de religion et d’autres choses,
Chacun de nous se rapportant
Au Dieu qu’il connaissait le mieux.
L’un après l’autre, les frères prenaient la parole
Et aucun ne s’agitait.
L’on se séparait à l’aurore, quand s’éveillaient les perroquets
Et le maudit oiseau porte-fièvre ;

Comme après tant de paroles
Nous nous en revenions à cheval,
Mahomet, Dieu et Shiva
Jouaient étrangement à cache-cache dans nos têtes.

Bien souvent depuis lors,
Mes pas errant au service du Gouvernement,
Ont porté le salut fraternel
De l’orient à l’Occident,
Comme cela nous est recommandé,
De Kohel à Singapour
Mais combien je voudrais les revoir tous
Ceux de la Loge-Mère, là-bas !

Comme je voudrais les revoir,
Mes frères noirs et bruns,
Et sentir le parfum des cigares indigènes
Pendant que circule l’allumeur,
Et que le vieux limonadier
Ronfle sur le plancher de l’office.
Et me retrouver parfait Maçon
Une fois encore dans ma Loge d’autrefois.

Dehors, on se disait : « Sergent, Monsieur, Salut, Salam ».
Dedans c’était :  » Mon frère « , et c’était très bien ainsi.
Nous nous réunissions sur le niveau et nous nous quittions sur l’équerre.
Moi, j’étais second diacre dans ma Loge-mère, là-bas !

Poème : Le Palais

Quand j’étais Roi, et Maçon – un maître prouvé et habile,
Je me dégageai un emplacement pour élever un Palais,
Tel qu’un Roi se doit de construire.
Je décidai, et fis creuser selon mes propres instructions.
Et juste là, au dessous du limon, j’atteignis
Les restes d’un Palais que jadis 
Tel un Roi, un autre avait fait bâtir.

Il n’avait aucune valeur dans la façon,
Et aucune intelligence dans le Plan.
Cà et là, ses fondations ruinées couraient au hasard :
Maçonnerie grossière, maladroite.
Cependant, gravé sur chaque pierre on lisait :
” Après moi viendra un autre Bâtisseur ;
Dites-lui qu’un jour, j’ai su, moi aussi ! ” 

M’en servant rapidement pour mes propres tranchées,
Où mes fondations, bien conçues  elles ! s’élevaient,
J’ai placé ses pierres taillées et ses pierres d’angle,
Les retaillant et les ajustant à ma façon.
De ses plus beaux marbres j’ai fait moudre de la chaux 
Que j’ai brûlée, éteinte, puis étendue.
Et j’ai pris ou délaissé, selon mon bon plaisir,
Les cadeaux posthumes de cette humble dépouille.

Pourtant, je n’ai éprouvé ni mépris, ni gloire,
Et comme nous les arrachions et les dispersions,
J’ai lu dans ces fondations rasées,
Au fond du cœur et de l’âme de leur bâtisseur.
Pareillement, en son temps il s’était élevé
Et avait plaidé et défendu sa cause.
Pareillement j’ai compris 
La forme du rêve qu’il avait poursuivi,
En face de l’œuvre qu’il avait réalisée.

Quand j’étais Roi, et Maçon   
Dans le plein zénith de ma vanité,
Ils m’envoyèrent une Parole du fond des ténèbres.
A voix basse, et me prenant à part 
Ils m’ont dit : La fin ultime des choses t’est interdite.
Ils m’ont dit : Tu as maintenant joué tout ton rôle.
Et ton Palais deviendra comme celui de l’autre,
Des décombres dont un roi à son tour, usera pour bâtir.

J’ai dis à mes ouvriers de quitter mes tranchées,
Mes carrières, et mes quais, et de laisser là
Leurs ciseaux qui travaillaient la pierre.
Tout mon ouvrage, je l’ai abandonné et confié au destin
De ces années qui n’ont plus foi en l’avenir;
Seulement, j’ai gravé sur les madriers,
Seulement, j’ai gravé sur la pierre :
” Après moi viendra un autre Bâtisseur ;
Dites-lui qu’un jour j’ai su, moi aussi ! “. 

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Guillaume Schumacher
Guillaume Schumacher
Guillaume SCHUMACHER a été initié au GODF à l’Orient d’Épinal. Il participe également, quand il le peut, aux Imaginales Maçonnique & Ésotériques d'Épinal organisées aussi par son atelier. Avant d'être spéculatif, il était opératif. Aujourd'hui, il sert la nation dans le monde civil. Passionné de sport et de lecture ésotérique, il se veut humaniste avec un esprit libre et un esprit laïc.

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