De notre confrère elnacional.com – Par Mario Múnera Muñoz PGM

Le mal, cette prédisposition humaine à privilégier l’intérêt personnel au détriment de la loi morale, comme le définissait Emmanuel Kant, est une réalité omniprésente dans notre monde. De l’individu aux huit milliards d’habitants de la planète, nul n’échappe à cette inclination, qu’elle se manifeste par de simples pensées malveillantes ou par des actes aux conséquences dévastatrices. Comme le souligne le texte, « nous vivons sous son joug », et les conflits qui déchirent le monde – qu’ils soient individuels ou collectifs – témoignent de cette barbarie qui freine l’élévation de notre conscience.
Pourtant, des institutions comme la Franc-maçonnerie, le bouddhisme ou les grandes traditions religieuses offrent des voies pour transcender le mal, en s’appuyant sur des méthodes symboliques et une quête de connaissance. À travers ce prisme, explorons la nature complexe du mal, ses origines, et les moyens de le combattre, notamment dans le cadre initiatique de la Franc-maçonnerie.
Le mal : une notion philosophique et éthique
Le mal est un sujet de réflexion philosophique depuis des siècles. En éthique, branche de la philosophie qui étudie la moralité, le mal se définit comme l’opposé du bien, une violation des principes moraux ou une absence de ce qui est juste. Le texte le formule avec clarté :
« Le mal se définit fondamentalement comme le déni, l’absence ou la violation de ce qu’une morale particulière considère comme ‘bien’ ou ‘juste’. »

Mais cette définition est loin d’être universelle. Ce qui est jugé mal dans une culture peut être célébré dans une autre, car « ce qui est bon ici est mauvais ailleurs ». Les lois et les coutumes locales, comme le note l’auteur, façonnent notre perception du mal, rendant la justice et la moralité relatives et dépendantes des contextes.
Philosophiquement, le mal est souvent comparé à une absence, une ombre qui surgit là où la lumière du bien est absente.
« Le mal, pourrait-on comparer, est l’absence de bien, tout comme la nuit est l’absence de jour, de lumière »
explique le texte. Cette métaphore résonne avec les enseignements maçonniques, où la lumière – symbole de connaissance et de vérité – est au cœur de la quête initiatique. Mais le mal est aussi un phénomène multiforme, motivé par des forces comme l’ego, l’ignorance et le ressentiment. Il n’est pas une maladie, mais une attitude, un choix conscient ou inconscient qui cause souffrance, injustice et destruction.
Les origines du mal : entre psychologie et dualité

L’origine du mal est une question complexe qui divise les penseurs. D’un point de vue psychologique, le mal peut résulter de facteurs comme un environnement social malsain, des traumatismes infantiles, le narcissisme ou une ambition excessive. Le texte cite des causes telles que « l’ego, le pouvoir, les traumatismes infantiles », qui poussent les individus à agir contre la loi morale. Mais il rejette l’idée que le mal provienne d’une source universelle ou divine, affirmant :
« Ce dont je suis certain, c’est qu’il ne trouve pas son origine dans la Grande Énergie Universelle ni dans le Tout. »

Une autre perspective, centrale dans le texte, est celle de la dualité, une loi absolue qui régit notre existence terrestre. « Sur ce plan, tout a son contraire : beau-moche, mince-gros, grand-petit, paradis-enfer, blanc-noir, paix-guerre, ignorance-connaissance, bonté-humiliation », énonce l’auteur. Le mal, dans cette vision, est l’opposé du bien, une force qui existe parce que nous vivons dans un monde de contrastes. Mais cette dualité n’est pas une fatalité : elle est un défi à transcender. Le texte propose une distinction intéressante : si le mal est un problème psychique, la bonté, elle, vient du plus profond de notre être, forgée à travers « de nombreuses vies antérieures, où l’être a cherché à élever son niveau de conscience ». Cette idée d’élévation spirituelle est au cœur de la démarche maçonnique, où l’initié travaille à polir sa pierre brute pour révéler la lumière intérieure.
La société et le mal : une corruption de la bonté naturelle ?

Jean-Jacques Rousseau, cité dans le texte, apporte une perspective éclairante sur l’origine du mal. Dans Du contrat social (1762), il soutient que « les êtres humains naissent intrinsèquement bons, et c’est la société qui les pervertit ». Selon Rousseau, l’homme à l’état de nature est naturellement bon, compatissant et libre. Mais la société, avec ses inégalités, ses institutions et ses conventions – comme la propriété privée – introduit l’ambition, l’égoïsme et l’hypocrisie, corrompant cette bonté originelle. Cette vision, bien que romantique, offre un contraste intéressant avec des penseurs comme Thomas Hobbes, qui, dans Le Léviathan (1651), dépeint l’homme comme naturellement égoïste et violent, nécessitant un contrat social pour contenir ses instincts.
Le texte nuance cette opposition en proposant une vision équilibrée : « Plutôt que de considérer les êtres humains comme intrinsèquement bons ou mauvais, il est peut-être plus juste de les considérer comme intrinsèquement sociaux et dotés d’un potentiel à la fois bon et mauvais. » La société joue un rôle clé dans la canalisation de ce potentiel. Une société juste et équitable, fondée sur des valeurs positives, peut favoriser la coopération et un comportement éthique, tandis qu’une société inégalitaire ou oppressive peut exacerber les tendances au mal.
La Franc-Maçonnerie face au mal : une quête d’équilibre et de lumière
La Franc-maçonnerie, en tant qu’institution initiatique, se consacre à ouvrir la conscience de ceux qui aspirent à la liberté. Comme le note le texte,
« il existe sur Terre de nombreuses institutions qui se consacrent à la tâche difficile d’essayer, par des méthodes symboliques et la connaissance, d’ouvrir la conscience ».
Dans le cadre maçonnique, le mal est vu comme un voile qu’il faut lever pour élever son niveau de conscience. Les rituels, riches en symboles, enseignent à l’initié à transcender la dualité et à cultiver des vertus comme l’humilité, la bienveillance et la compassion.

Le cabinet de réflexion, par exemple, confronte le profane à des symboles qui l’appellent à méditer sur sa propre nature et sur les forces qui le gouvernent – y compris ses inclinations au mal. L’équerre et le compas, symboles fondamentaux de la Franc-maçonnerie, rappellent l’importance de l’équilibre : l’équerre pour la rectitude morale, le compas pour la mesure et la maîtrise des passions. Le texte le souligne avec justesse : « Le mal peut être combattu, même s’il ne peut peut-être jamais être complètement éradiqué, et ce processus, inévitablement, passe aussi par la recherche d’un équilibre. »
Cet équilibre se manifeste par des pratiques comme le non-attachement et le détachement, des concepts que la Franc-maçonnerie partage avec le bouddhisme. En se détachant de l’ego, du pouvoir ou de l’ambition, le maçon apprend à agir avec bienveillance et compassion, des vertus qui sont les antidotes naturels au mal. Pierre Dac, Frère maçon et humoriste, incarnait à sa manière cette légèreté face aux pesanteurs humaines : en riant des travers de l’ego, il rappelait que la vraie lumière vient de l’humilité et de la fraternité.
Combattre le mal : un engagement collectif et initiatique
Le texte propose une voie pour combattre le mal :
« On le combat par la ‘bienveillance’ et la ‘compassion’, et tout cela repose sur le ‘non-attachement’ et le ‘détachement’. »
Cette approche, qui met l’accent sur des valeurs positives, est au cœur de la démarche maçonnique. En cultivant l’humilité et en se détachant des désirs égoïstes, l’initié contribue à construire un monde plus juste et plus compatissant, où le mal a moins de place pour s’épanouir.

Mais cet engagement ne se limite pas à l’individu. Comme le souligne Rousseau, la société joue un rôle crucial dans la formation des comportements. La Franc-maçonnerie, en tant qu’institution, a une responsabilité : promouvoir des valeurs éthiques et fraternelles qui contrebalancent les dérives du monde profane. En Loge, les Frères et les Sœurs apprennent à travailler ensemble, à s’écouter et à s’entraider, créant un microcosme de la société idéale que Rousseau appelait de ses vœux.
Un chemin vers la lumière
Le mal, dans toute sa complexité, reste un défi pour l’humanité. Ni la philosophie, ni la psychologie, ni les religions ne s’accordent sur une réponse définitive à son origine ou à sa nature. Mais une chose est certaine : il est une ombre qui ne peut être dissipée que par la lumière – lumière de la connaissance, de la bienveillance et de la compassion. En Franc-maçonnerie, cette quête de lumière est au cœur de l’initiation. En transcendant la dualité, en se détachant de l’ego et en cultivant l’humilité, l’initié œuvre à lever le voile du mal pour révéler la beauté profonde de l’être.
« Les ouvriers d’Hiram Abiff », en travaillant à la construction du temple intérieur, nous rappellent que le mal n’est pas une fatalité. Il peut être combattu, non pas par la violence ou le jugement, mais par un engagement sincère envers des valeurs universelles. Comme le disait Jean-Jacques Rousseau, c’est la société qui pervertit la bonté naturelle de l’homme – mais c’est aussi la société, lorsqu’elle est guidée by des principes éthiques, qui peut la restaurer. Que chaque maçon, dans sa quête de lumière, contribue à ce monde plus juste et plus fraternel, où le mal, s’il ne disparaît jamais complètement, est relégué à l’ombre d’une conscience éveillée.