A première vue, il pourrait sembler que ce genre de question ne peut être que le fait du profane.
Toutefois, l’initié à l’heure où il ressent le besoin de s’engager dans une voie initiatique peut se poser une telle question car s’il éprouve le désir de s’arracher à la vision profane des choses et à en acquérir une autre plus propre à résoudre les problèmes existentiels qui l’inquiètent, il ne perçoit pas nécessairement où la démarche initiatique peut le conduire ni surtout tout ce qu’elle peut lui apporter au niveau de son être le plus profond, de son rapport au monde et aux autres.
Ce travail est une rapide réflexion sur le bénéfice spirituel, souvent mal perçu au départ de l’aventure, que l’initiation maçonnique peut apporter à chaque initié, tant sur le plan spéculatif, que sur le plan opératif. Si la Maçonnerie modeme est devenue spéculative, elle reste sous des formes diverses opérative. Je veux insister sur l’opérativité de l’initiation, sur le fait que ce n’est pas en fait une recherche intellectuelle pour la simple satisfaction de déchiffrer le sens du symbolisme ou du rituel. Ici nous cherchons un pain de vie, un autre sens de la vie et une initiation qui serait entreprise sans la volonté constante de changer sa vie n’aurait de sens.

0n n’entre pas en initiation sans un premier effort pour changer sa conscience profane. Il y a deux conditions préliminaires à remplir pour que le décollage spirituel soit un jour possible : c’est d’une part une volonté de purification et de maîtrise de son être et d’autre part la capacité d’intégrer les principes et les règles de vie de la communauté maçonnique. C’est exactement ce que nous révèle la cérémonie d’initiation qui marque notre entrée dans le Temple.
Il est hautement significatif que toute initiation commence par une purification symbolique au contact des quatre éléments: Terre- Air- Eau et Feu, qui sont tous à des degrés divers des éléments purificateurs et régénérateurs, des figures de l’énergie cosmique, peut-être les énergies constitutives de ce que nous nommons Grand Architecte de l’Univers.
La descente au sein de la Terre, ces trois voyages où nous devons affronter les périls de l’Air, de l’Eau et du Feu sont la préfiguration de notre longue marche vers les sources secrètes et sacrées du monde, de l’homme, de la vie, et de notre être profond, Toute initiation commence par la purification, c’est-à-dire l’immersion progressive de l’âme dans la vie spirituelle, et pas seulement en Maçonnerie, mais dans de nombreuses traditions que nous avons reçues en héritage.

Concrètement la purification implique un effort continu pour maîtriser nos métaux sensibles, pour nous dégager des passions, des préoccupations de la vie profane, nous mettre dans un certain état de réceptivité, de disponibilité pour la connaissance et les choses de l’esprit.
En même temps on nous demande de nouer des liens définitifs avec l’ordre maçonnique, de lui jurer fidélité, d’accepter ses règles et ses lois. C’est là une autre dimension de l’effort moral car l’entreprise initiatique doit se vivre dans la fraternité des initiés, le respect des autres que nous appelons tolérance, l’obéissance au devoir. Le Maçon n’est jamais un individu solitaire, il sera d’abord guidé, pris en charge par la loge et dans la mesure de ses moyens il aidera à son tour les autres et portera sa pierre à l’édifice. La loge est son maître et elle lui apprend dès le départ çà vivre selon les principes dont il ne découvrira que bien plus tard les raisons d’être véritables, les fondements sacrés. Elle lui apprend à être solidaire d’une société d’égaux où les seules différences prises en compte sont celles de la qualité humaine, de la volonté de travail sur sa pierre brute, de l’élan vers la lumière.
C’est de ce point de vue et dans cet esprit qu’il faut apprécier les interprétations moralisantes du symbolisme notamment au ler degré. La loge est par vocation un lien d’échange et de partage et pour que la recherche initiatique commune puisse s’y développer dans des conditions optimales, il faut qu’elle crée un égrégore favorable et chaque Sœur et Frère apprenne à respecter son caractère libre, communautaire et fraternel. D’où la valeur permanente de la moralité en Maçonnerie.
L’effort de maîtrise, d’autodiscipline, de patience, de modération qui nous est demandé dès le ler degré, préfigure la sagesse de l’initié, sans lui la démarche initiatique ne peut atteindre son but.

Et le but c ‘est de progresser vers la connaissance des mystères du monde et de l’homme en remontant vers la Tradition et en nous engageant dans cette longue et difficile entreprise de décryptage des symboles qu’elle nous a légués.
A partir d’un certain degré dans la recherche, il est certains que la lecture morale du symbolisme n’est plus suffisante, si nous nous en contentions, elles nous masquerait l’essentiel de ses richesses et son enseignement véritable.
Appréhender le sens des symboles, c’est passer au delà des miroirs fallacieux de la réalité sensible pour pénétrer au Centre de l’Etre, qu’il s’agisse de l’être de l’univers cosmique, ou de l’être de l’homme, c’est mettre à jour les rapports harmoniques qui relient l’âme pensante de chaque entité humaine à la grande âme qui anime toute l’œuvre de la Création.
Les symboles sont comme un alphabet magique qui constitue les mots sacrés grâce auxquels nous pouvons essayer de retrouver ce sens perdu de l’existence, recomposer pierre par pierre le Grand Temple de l’Univers au sein duquel s’édifie sur la base d’un principe analogique, le Temple de l’Homme.
Il reçoit du Temple cosmique édifié par le Grand Architecte de l’Univers ses mesures, ses lois, son élan, son énergie et sa beauté. Le langage symbolique nous permet de composer un texte plus ou moins incomplet, décousu, grâce auquel nous pouvons entrevoir les éléments de cette connaissance primordiale qui nous donne la lumière, le sens véritable du monde et de la vie. Certains s’interrogeront sur l’utilité d’une telle connaissance.

Si elle réduisait à la compréhension du secret, elle aurait déjà l’avantage de fournir quelques réponses aux éternelles questions de 1’homme sur sa destinée, de satisfaire cette exigence de vérité qui anime celui qui a pris le chemin de l’initiation.
Mais l’enjeu est infiniment plus important car il s’agit pour l’initié de reprendre à son compte le cri célèbre d’Arthur Rimbaud répercuté par les innombrables voix du siècle: Changer la vie !
Là où le poète, de son propre aveu, a échoué dans son effort pour aller au delà du décor des apparences, l’initié peut réussir.
Le but réel de l’initiation, c’est à travers la maîtrise d’une connaissance symbolique, réaliser
un changement d’être radical et un renversement des valeurs dans le sens de la spiritualité:
Celui qui a vu à travers la symphonie inachevée des symboles la dimension spirituelle et sacrée de l’Etre, celui qui sait que rien n’est accident, que l’homme n’est pas cet être insignifiant jeté là par hasard dans l’immensité déserte de l’espace, que la vie n’est pas ce chaos de «bruit et de fi1reur››, «cette histoire absurde racontée par un fou›› (Shakespeare) ne peut pas vivre comme celui pour qui le monde est sans profondeur ni mystère, réduit aux limites étroites de sa petite expérience personnelle, des données sensibles et de son pauvre « bon sens››.

La connaissance initiatique n’est pas de l’ordre de la science, non seulement parce qu’elle se réfère à une réalité ésotérique, un plan de l’invisible peu accessible à l’expérimentation, mais surtout parce qu’elle ne saurait se réduire à un pur savoir.
Les symboliques de l’eau, du feu, de la lumière, du soleil et de la lune, nous rappellent sans cesse ce pouvoir régénérateur de l’initiation.
Elle est avant tout transmutation, transfiguration de l’être qui découvre que le non-sens est une apparence et une illusion, que dans un monde où tout semble lié par une nécessité, où tout dans le cosmos et la nature découle d’une pensée créatrice et d’une volonté de perfection inscrite dans les choses, où l’ordre obéit à des lois constitutives et inviolables, tout a nécessairement un sens et une raison d’être métaphysique, rien n’est objectivement absurde.
Le Grand Maître Michel BARAT a écrit que : « l’initiation est un pari sur le sens ». Un pari au départ, ensuite c’est un progressif dévoilement d’une totalité qui nous échappe.
A mesure que s’éclaire par bribes, petit à petit, le sens incertain de la création, émerge aussi une certitude, celle d’avoir une vocation, une finalité en ce monde : éveiller la partie spirituelle de notre être, l’élever dans le sens de cette exigence de perfection et de rigueur inscrite dans l’ordre cosmique, comme dans la loi sacrée, marcher dans le sens de la perfection pour valoriser notre être et notre vie. Toute initiation véritable porte en elle un devoir de perfectionnement continu.

Le pari sur le sens nous trace une finalité : le travail obstiné de soi sur soi vers l’obtention de la pierre cubique. Un homme peut-il continuer à mener une existence de termite muré dans ses intérêts mesquins et ses préoccupations égoïstes quand il sait qu’il est un artisan actif du
Grand Œuvre, qu’il participe à sa place, dans son travail de Maçon comme dans sa vie d’homme à la création ou plutôt à la re-création du Monde; quand il a mesuré que l’initiation ne s’arrête pas aux limites de la vie terrestre, qu’elle est une aventure de l’âme toute entière qui peut embrasser plusieurs durées et s’achever au plan de l’éternité?
L’être de l’initiation n’est pas celui du monde profane ou alors il n’y a pas eu d’initiation. Ce changement d’être, nous l’appelons dans notre langage symbolique: «la mort du vieil homme» mais en fait ce vieil homme meurt-il vraiment ? Ne laisse-t-il pas toujours en nous quelques racines pernicieuses toujours prêtes à produire de mauvais surgeons ?
Mieux vaut parler d’une régénérescence, d’un renouvellement de tout notre être, ce qui ne va pas sans une vigilance permanente à l’égard du vieil homme qui résiste à l’ascension initiatique, qui a plus d’un tour dans son sac pour nous ramener vers le bas. Et si jamais nous lui permettons de reprendre le dessus il a vite fait de nous faire perdre en un moment «le gain de cent parties» comme disait notre Frère Kipling.
Tout serait trop simple si le vieil homme s’éteignait en nous au moment où nous débutons notre odyssée initiatique. L’important c’est qu’à partir de cet instant et d’une manière définitive « je ›› veuille devenir un autre bien meilleur. Mais «rien n’est jamais acquis à l’homme, le vieil homme nous menace encore longtemps et «vigilance et persévérance» sont les prix à payer pour une victoire toujours incertaine.
Un Maçon en quête de lumière est une pierre du Temple de la création, 1’indispensable élément d’une cathédrale inachevée ouverte sur l’infini. Mais nous avons coutume aussi de dire de lui qu’il est un maillon de la chaîne éternelle qui unit depuis les origines toutes les générations d’initiés, ouvriers permanents du Grand Œuvre.

« J’ai porté mon chaînon de la chaîne éternelle »
a écrit Victor Hugo. C’est très exactement ce que nous ambitionnons de pouvoir dire au crépuscule de notre vie.
Progresser dans la voie de la spiritualité, c’est être capable d’un certain détachement par rapport aux biens et aux préoccupations du monde profane, c’est aussi faire l’expérience de l’amour, du don de soi, de la communication authentique et de l’échange avec les autres.
Plus on avance dans la connaissance, plus l’initiation s’épanouit en exigence éthique, plus elle nous fait ressentir le devoir d’humanité. Cette modalité de la sagesse apparaît en nous dès que l’esprit s’éveille sous la radiation vivifiante des grands symboles, dès que la tradition devient la chair et le sang de l’Etre.
Autrement, que signifieraient les termes de notre rituel:
« achever au dehors l’œuvre commencée dans le Temple ».
La connaissance ésotérique est secrète, mais la sagesse véritable ne peut que rayonner par un mouvement naturel de l’âme, de moins en moins par un effort et une raideur de la volonté au fur et à mesure que cette sagesse augmente. Elle devrait nous rendre ouverts, compréhensifs, attentifs aux autres, disposés à les soutenir, à les aider en cas de besoin.

Elle modifie aussi notre relation avec nos proches, nos amis, nos compagnons de travail. La fraternité maçonnique devient un modèle de conduite que nous nous efforçons de transposer dans toutes les sphères de la vie profane, dans la totalité de nos rapports humains. L’initié se doit d’être un ouvrier du Bien, un constructeur d’unité et d’harmonie. Il diffuse la lumière par l’exemple de sa vie, par 1’équilibre et l’harmonie interne des énergies et des potentialités de son être, tant il est vrai que ce sont les déchirures de la conscience, ses ruptures d’équilibre qui entraînent les tensions et les déchirures entre les hommes.
Les grandes chaînes d’union que les Maçons ne cessent de reformer et de tendre inlassablement à travers pays et continents ont-elles le pouvoir d’enrayer le flôt renaissant des maux qui prolifèrent dans le monde profane?

Nous pouvons œuvrer à changer notre être et notre vie, ceci est du domaine de notre liberté, mais nous mesurons notre impuissance à changer un monde plongé dans les ténèbres et nous sommes souvent enclins de ce fait à nous réfugier dans notre quête de perfectionnement spirituel. Mais la Franc Maçonnerie n’a t-elle pas toujours manifesté des ambitions de plus grande amplitude ? Est-ce que son universalisme puisé aux sources du judéo-christianisme, ses principes de fraternité ne lui imposent pas un devoir d’humanité envers tous les hommes ?
Est-ce que la Maçonnerie n’a pas la mission de répandre dans le monde ces valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité qui nous font vivre et qui sont le produit de notre spiritualité et de notre conception ésotérique de l’homme ?
Ce qui est sûr c’est que la mission est inscrite en tête de notre Constitution.
« La Franc-Maçonnerie a pour but le perfectionnement de l’humanité ».
A cet effet, les Franc-maçons travaillent à l’amélioration constante de la condition humaine, tant sur le plan spirituel et intellectuel que sur le plan du bien-être matériel.
Certes nous pouvons diverger sur les méthodes de ce perfectionnement de l’homme, mais ce qui est indéniable, c’est que la Maçonnerie a toujours œuvré dans le passé à la production d’idées et de solutions susceptibles d’harmoniser la société et de faire progresser les institutions comme les rapports humains vers plus de liberté, d’égalité et d’humanité.

Il est intéressant de noter que dans plusieurs traditions initiatiques, au terme de l’ascèse et de l’ascension initiatiques on a la devoir de retourner vers la cité des hommes pour tenter, non sans risques, d’y faire pénétrer la Lumière de notre éthique et de notre humanisme. Tels sont les enseignements des pythagoriciens auxquels la Franc-maçonnerie doit beaucoup de ses conceptions et ses pratiques. C’est pourquoi les Maçons ne peuvent se détourner de la vie de la cité et des communautés dans lesquelles ils vivent parce qu’ils manifestent ainsi leur sentiment de responsabilité et la conscience de leurs obligations envers la société.
Le Maçon s’engage dans la fraternité citoyenne pour tenter d’incarner les valeurs d’universalité au sein des communautés socio-économiques et politiques de la société profane. Et il assume pleinement cette citoyenneté parce qu’il attribue aux entités collectives une valeur analogue à celle qu’il projette sur les personnes. On n’est responsable que de ce qu’on aime, du groupe dont on se sent responsable parce que nous identifions son esprit à notre esprit, sa volonté à notre volonté.
Le Maçon citoyen applique à la gestion de la chose publique les principes qui régissent ses rapports au sein de nos Loges. Agissant dans l’intérêt du collectif, il prend en charge avec un esprit de générosité et d’abnégation la vie de tous les membres de la communauté abstraite. La Maçonnerie ne cesse de réaffirmer sa volonté de
« rassembler ce qui est épars ».

En conclusion, les Maçons citoyens n’ont sans doute pas de politique maçonnique à proposer, mais ils disposent d’une éthique assez claire pour savoir ce qu’ils ont à promouvoir et ce qu’ils ont à refuser.
Leurs choix de citoyens sont ouverts mais guidés par les trois principes de notre devise commune:
Liberté-Égalité-Fraternité
Merci infiniment pour ce enseignant
Cela nous aiderait à plus de conscience et d’effort
Merci de nous instruire quotidiennement pour nous aider à tailler notre pierre
Merci MTCF pour ce morceau d’architecture qui nous rappelle l essentiel. Ma journée ne va pas être la même .
TBF