jeu 23 octobre 2025 - 10:10
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De l’informatique comme servitude volontaire

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J’arrivais en Loge hier soir, passablement agacé par ma journée de travail. Rien que de très normal, me direz-vous. En fait, j’avais prévu de terminer un projet de travaux publics et de tracer le plan. Je m’étais donné une heure pour tracer un banal plan avec mon logiciel de conception assistée par ordinateur. J’en ai mis quatre, ce qui m’a retardé dans mes autres tâches, notamment la rédaction de documents administratifs. En fait, à l’arrivée des interfaces graphiques, notamment Xenix, Apple MacOS ou Windows 3.1, dans les années 90, nous avons commencé à imaginer que les travaux seraient plus faciles à effectuer : rien de plus simple que de rédiger un courrier (ou une note de blog, vous noterez l’autodérision) avec un traitement de texte, ou de faire des statistiques ou des calculs avec un tableur. Et que dire de cette merveille que sont les diaporamas, ces merveilles d’illusions capables d’amener n’importe quel décideur un peu paresseux que tout problème peut s’exposer et se résoudre en trois points (toute ressemblance avec un de nos symboles est purement fortuite). En fait, nous sommes contraints d’utiliser ces machines, afin d’avoir une manière de communiquer formellement : quoi de plus simple que de remplir un formulaire à la machine et de savoir qu’il sera lu et même compris par le récepteur ? Quoi de plus agréable pour un enseignant que d’avoir une copie ou un mémoire lisiblei , propre et bien présenté ? Et quel bonheur que de pouvoir rédiger sans effectuer ce geste ô combien fatigant d’écrire ! On peut même se passer de brouillon, désormais, puisqu’il suffit d’effacer ce qu’on écritii.

Sans parler des merveilles de l’Internet, quel bonheur que d’avoir une immense médiathèque prenant un minimum de place ! Et quel bonheur pour un manager ou un gestionnaire que d’avoir sous les yeux toutes les données des interlocuteurs, usagers, clients, collaborateurs ou subordonnés ? Le rêve de l’égalité enfin réalisé : tous formatés (sans mauvais jeu de mot), tous avec les mêmes outils, tous égaux, tous usinés, tous abrasés… Le danger de la confiance aveugle en l’informatique, c’est le gommage de la différence : un usinage qui fait de nous des produits industriels. Notre paresse nous soumet à ces outilsiii et nous acceptons d’utiliser ces engins bourrés de mouchards. Evidemment, comme la domotique et l’informatique sont à la portée du premier crétin venu, nos dirigeants, dans un souci de modernité ont supprimé les guichets, estimant que désormais, chacun était en mesure de faire le travail d’un professionnel. C’est ainsi que les agences de voyage disparaissent au profit de sites web, qu’il n’est plus possible d’acheter un billet de train au guichet d’une gare, ni de régler un problème de billet. De la même manière, plus besoin d’aller à la banque, on devient son propre opérateur bancaire (même s’il reste des conseillers pour fourguer des crédits inutiles pour dépenser un argent qu’on n’a pas), plus besoin d’aller à la Poste, puisqu’on peut rédiger un recommandé en ligne. Et pour les impôts, quel bonheur ! On peut tout faire chez soi, depuis un ordinateur. C’est tellement plus simple, qu’on vous dit !

Des nèfles!

L’informatisation et la robotisation ont déjà démoli des emplois et modifié de subtils équilibres psychosociaux et la prochaine vague sera pire sachant que nos structures sociales ne sont absolument pas adaptées. Faciliter la vie, vraiment ? J’ai plus l’impression que ces machines sont des chaines qui nous brident et nous entravent et que nous acceptons gaillardement de porter.

A ce propos, dans les institutions, il faut, je cite, « nourrir la machine ». On se fiche du sens de ce qui est donné, tant que le logiciel, le « système » reçoit ses données. Et l’usager initié peut en faire ce qu’il en veut, comme des statistiques très poussées. C’est la problématique de l’éthique des données : jusqu’où peuvent aller le recueil et l’interprétation des informations recueillies au quotidien ? Quand doit-on arrêter le voyeurisme automatisé ? Je vous invite à lire à ce propos l’excellent Psychopolitique : Le Néolibéralisme et les nouvelles techniques de pouvoir du philosophe allemand Byun-Chul Han. Il y développe une idée nouvelle de destructivité par la réduction sous forme de données, qu’il inclut dans une notion plus large, le dataïsme. Au-delà de l’objet, l’homme-sujet n’est plus que projet, réduit à un simple paquet de données.

On pourrait penser que nous autres, Francs-maçons, ferions un usage judicieux de l’informatique. Pour l’administration des obédiences ou des Loges, en tant qu’ancien Secrétaire, je dois reconnaître que ça fonctionne bien. Pour faire les statistiques du taux de présence aussi, je l’avoue.

Las de mon logiciel de dessin assisté par ordinateur et des errances de mes outils de travail, j’ai pris mon courage à deux mains, mon Rotring, ma vieille calculatrice d’étudiant, des gabarits divers, une équerre, un compas et un trace-lettres pour tracer les plans de mes projets. J’ai tracé en une heure à la main trois plans (ce qui est mieux qu’un plan en trois heures en dessin assisté par ordinateur). On dit que les Maîtres tracent les plans que les Compagnons et Apprentis exécutent. Je ne pensais pas un jour joindre l’esprit et la lettre. J’en viens à me demander si pour le progrès de l’humanité, on ne devrait pas apprendre à mieux utiliser l’outil informatique, mieux le maîtriser. Et quelle meilleure démonstration de maîtrise de l’outil que … de parvenir à s’en passer ?

J’ai dit.

i Sous réserve du respect de la syntaxe et de l’orthographe…

ii Il n’est pas sûr que la qualité soit au rendez-vous sans un travail au brouillon…

iii Voir à ce propos mon billet sur le danger des IA

Colloque «La méditation, qu’en attendre ? Pour l’amour de la vie !»

En cette rentrée, assistez à un colloque gratuit sur la méditation ce vendredi 11 octobre 2019 dans le 2e arrondissement. Intitulé ‘La méditation, qu’en attendre ? Pour l’amour de la vie !’, ce colloque va nous présenter les bases scientifiques et médicales de la méditation et dévoiler le protocole de méditation mis au point par Sofia Stril-Rever.

Organisé par Franck Fouqueray, Président des Editions LOL, ce colloque sur la méditation a pour objectif d’informer un large public sur 3 points :

  • La réalité de la pratique de la méditation
  • Les bases scientifiques et médicales de la méditation
  • Le protocole de méditation mis au point par Mme Sofia Stril-Rever, éminente bouddhiste de renommée mondiale

Mme Stril-Rever est l’auteure d’un protocole de méditation comme levier du changement et accélération de la transition, qui a été inclus dans le manifeste exposant les leviers d’action et d’accélération de l’Agenda 2030 et communiqué au président Macron pour le sommet des chefs d’Etat se réunissant à l’ONU le 23 septembre prochain.

Le Ministère de la Transition écologique a demandé à Mme Stril-Rever de présenter son protocole de méditation lors d’un séminaire organisé sous son égide le 20 septembre. Elle le proposera également aux participants du colloque du 11 octobre dans les 15 minutes prévues.

Au programme du colloque :

  • 19h : Présentation du colloque par Mr Franck Fouqueray, Président des Editions LOL, organisateur du colloque
  • Première intervention : l’expérience de la méditation dans la vie courante, par Mme Ida Radogowski, pratiquante de la méditation (20 minutes)
  • Deuxième intervention : Les bases médicales et scientifiques de la méditation, par le Dr Alain Bréant (20 minutes)
  • Troisième intervention :  Méditer pour l’amour de la vie et de toutes les vies », par Mme Sofia Stril-Rever, spécialiste du sanskrit et biographe du Dalaï-Lama (20 minutes)
  • Temps de méditation animé par Mme Sofia-Stril-Rever, (15 minutes environ)
  • 20h15 : Débat avec la salle animé par Franck Fouqueray (1h30)
  • Conclusion par Mr Franck Fouqueray (10 mn)
  • 22h : Fin du colloque

Si vous souhaitez participer à ce colloque, n’hésitez pas à vous inscrire.

INFORMATIONS PRATIQUES

Horaires
Le 11 octobre 2019
De 19h à 22h

Lieu
Salle Jean Dame
17 rue Léopold Bellan
75002 Paris 2

Tarifs
Gratuit

Âge recommandé
Tout public

Durée moyenne
3 h

Réservations
www.weezevent.com

En savoir plus sur https://www.sortiraparis.com/loisirs/salon/articles/197044-colloque-la-meditation-quen-attendre-pour-lamour-de-la-vie#4XSyBih03SVx272o.99

De la tristesse de l’individualisme

J’étais en Loge hier soir, bien content de retrouver les Frères, dont certains sont devenus des copains. Retrouver des gens qu’on apprécie et se concentrer sur ce qui nous rassemble et qui nous unit, voilà qui est important par les temps qui courent. En effet, il est important de passer du temps ensemble, chose qui se perd à cause de l’individualisme forcené dans lequel nous nous enfermons. Notre temps semble de plus en plus individualisé, atomisé.

Comme pas mal de monde, je suis parti en vacances d’été. Il y a un certain nombre de rituels qui permettent de savoir que je suis en vacances : me lever avec le soleil, lire le journal local en respirant l’air et les parfums locaux en dégustant un bon café, la partie de pétanque avec le rosé ou le Pastis associé (avec modération, bien évidemment), les barbecues-salades du midi, les visites touristiques et les conversations du soir à la belle étoile. Il y a toutefois une chose qui m’a manqué, et dont la disparition marque la fin d’une époque : le feuilleton de l’été. Les plus jeunes ne connaissent peut-être pas cette tradition pendant l’été : un feuilleton dramatique avec des mystères, des intrigues et des secrets, calibré pour durer tout l’été avec des techniques éculées et pourtant efficaces. Alexandre Dumas, Eugène Süe ou Honoré de Balzac connaissaient bien ces techniques, qui assuraient le succès de leurs journaux. Les journaux illustrés tels que Tintin ou Spirou usaient des mêmes techniques pour faire paraître les séries de bandes dessinées. Les moins jeunes se souviendront des Cœurs Brûlés (avec Mireille Darc), puis de sa suite Les yeux d’Hélène, saga familiale sur fond d’héritage d’une propriété magnifique menacée par la voracité de promoteurs immobiliers dont l’apparent appétit cache un sombre désir de vendetta. Pour ma part, je me souviens du Château des Oliviers (avec Brigitte Fossey), qui raconte sensiblement la même chose : un domaine viticole menacé par un projet immobilier mené par un promoteur, fils caché du patriarche du domaine voulant se venger de son père luttant contre l’héritière légitime, elle-même courtisée par le héros archétypal : médecin féru d’histoire, honnête et chevaleresque. Je me souviens également du dernier feuilleton que j’ai suivi : Zodiac (avec Claire Kem et Francis Huster), un savoureux thriller ésotérique sur fond de saga familiale, avec secrets inavouables, références ésotériques, vengeance, etc. Mes amis et moi-même attendions le feuilleton avec impatience, et commentions l’épisode le lendemain, pendant un barbecue. Et parfois, nous visionnions tous ensemble l’épisode. Mes amis et moi avions fait des paris sur l’identité de Zodiac ainsi que sur ses motivations, ce qui était l’occasion de bien s’amuser tous ensemble. De même, quand j’étais gamin, je regardais le Château des Oliviers avec ma famille. Il y avait pour ainsi dire une véritable communion lors du visionnage de l’épisode de la semaine, avec un petit rituel : manger à telle heure, faire la vaisselle et installer le salon pour que visionner confortablement l’épisode. Et le lendemain, debriefing de l’épisode, spéculations sur la suite, etc. Et aucun risque de divulgâcher, puisque nous étions tous au même niveau.

Bien sûr, le feuilleton de l’été était un divertissement, au sens pascalien du terme. Mais ce divertissement était aussi une occasion de se rassembler, de communier, bref, de bâtir des ponts.

Et maintenant, me direz-vous ? Les séries et feuilletons se portent bien, très bien d’ailleurs, à en juger par le succès de Game of Thrones, de Stranger Things ou de la Casa de Papel. Toutefois, une chose a changé : il est devenu rare de se rassembler à une heure donnée pour assister à l’épisode. Ceux-ci sont en effet disponibles sur les plates-formes de vidéo à la demande, de type Netflix. Il existe certes des événements : diffusion du premier épisode d’une saison dans un grand cinéma (comme le premier épisode de la nouvelle saison de Stranger Things au Grand Rex à Paris), diffusion mondiale de l’ultime épisode de Game of Thrones… Mais si des événements existent pour ces blockbusters, la plupart du temps, les épisodes sont visionnés individuellement par le spectateur sur un smartphone, une tablette ou un écran d’ordinateur, à un créneau horaire qui lui convient. En fait, dans cette optique, la notion de chaîne de télévision mute : la chaîne devient un canal propre à son spectateur, qui prend ce qu’il veut, quand il veut. En fait, il n’y a plus de temporalité commune, mais une temporalité propre à chacun, ce qui annihile la notion de communion. La temporalité commune existe encore, certes, pour les grands événements (compétitions sportives, grands concerts ou représentations exceptionnelles), mais j’ai le sentiment que la temporalité commune s’atomise en temporalités propres, tout comme on tente de diviser l’espace commun pour se l’approprier en se pensant prioritaire par rapport aux autres. En fin de compte, l’individualisme de notre époque nous amène à fractionner l’espace-temps commun pour en faire des myriades d’espace-temps propres. Certes, nous nous divertissons, mais toujours plus seuls. Impossible de se créer un partage commun du vécu de cette temporalité qu’est le feuilleton de l’été, sous peine de divulgâcher la série…

La vie en Loge nous permet de lutter contre cet individualisme : nous travaillons de Midi à Minuit, dans un Lieu géométriquement parfait connu de nous seuls. Nous reconstruisons cet espace-temps éclaté, en lui donnant un commencement et une fin communs. Nous vivons une expérience individuelle, mais dont nous pouvons partager la vision que nous en avons, afin de nous enrichir mutuellement (en prenant garde à ne pas divulgâcher les degrés suivants, bien sûr). Néanmoins, je plains les abonnés de ces plates-formes en tout genre, le nez rivé sur leurs écrans, qui au fond, sont bien seuls. Tel est le corollaire de cet individualisme : « moi, moi, moi et mon droit » et tant pis pour les autres.

Sur ce, je vais visionner une série animée que j’ai en retard et dont j’ai l’intégrale en DVD…

J’ai dit.

Communicant: Élever des Temples à la vertu ?

Prêtez-moi de la vertu, je rends avec les intérêts.

Le franc maçon est ami du riche comme du pauvre s’il est vertueux. C’est en substance ce que l’on entend et lit un peu partout. Mais c’est l’une des choses les plus difficiles à définir à mon sens : la vertu.

C’est d’autant plus difficile à définir que c’est le masque préféré de tous les vices. Et c’est aussi le drap de légèreté dans lequel s’enveloppe un peu tout ce qui a une communication moderne.

Je vais prendre l’exemple de la Française des jeux (oui oui, le truc qui veut nous faire gratter, cocher, et mutualiser notre apparente richesse matérielle. Nous dépourvoir de nos métaux sonnants et trébuchants en quelque sorte, si j’ose l’image).

La FDJ (l’exacte opposée du tronc de la veuve lorsqu’on y réfléchit) a depuis quelque temps, lancé une grande campagne de communication télévisuelle. Un spot publicitaire de 46 secondes qui, et c’est assez rare pour être signalé, ne fait pas la promotion d’un nouveau jeu (à gratter), ni d’une cagnotte exceptionnelle (c’est d’ailleurs intéressant cette fascination commune qu’exerce l’argent chez les riches comme chez les pauvres). Non ce spot ne promeut (difficile à placer comme verbe, mais tellement agréable dans une conversation) rien.

(Notoriété= rien donc… si « La culture, c’est ce qui demeure dans l’homme lorsqu’il a tout oublié. » Disait je ne sais plus qui, alors la notoriété dans la communication moderne c’est ce qui demeure lorsque le produit n’est pas recommandable)

Oui, on peut promouvoir le rien (et je ne fais aucune allusion à un porte-parole gouvernemental, d’aucune époque).

En marketing des médias, on dit : faire une campagne de notoriété. 

Le but étant de simplement implanter la marque dans l’esprit du consommateur. Implanter la marque c’est s’assurer d’être bien vu et reconnu lorsque le consommateur passera devant.

Le produit vendu importe peu, la marque est plus importante que le reste dans ce type d’opération. Et puisqu’il n’y a aucun produit à mettre en avant, il faut faire du story telling.

Le story telling c’est le mot anglicisé pour faire plus « pro » du bon vieux conte pour enfants.

Haaa, on adore ça les histoires. C’est très humain d’aimer les histoires. On aime les histoires avec des rebondissements, des protagonistes qui luttent, une quête pour le bien, du courage, de l’abnégation, bref de la vertu par paquet de 12 sur le marché de notre cerveau.

Depuis les légendes pré antique, en passant par les quêtes arthuriennes, il faut que ça bouge un peu quand on nous raconte une histoire.

Et c’est là que nos amis de la « com » chez FDJ entrent en scène.

Sur un faux plan séquence, on suit deux protagonistes en 2019 et deux protagonistes en 1920 (environ). Les personnages évoluent dans des décors très cartes postales d’un Paris fantasmé (saint-germain des prés, Montmartre, un plan de la gare Montparnasse en 1920, c’est limite si on ne croise pas Amélie Poulain et Adèle Blanc Sec en train de boire un Spritz mangue dans un bistrot bobo du marais), qui se chevauchent passant d’une époque à l’autre, et de personnages modernes à ceux de l’entre-deux-guerres.

Le décorum est important dans ce spot, car c’est lui qui va justifier tout le message. En impliquant des éléments qui ressemblent à de l’histoire, on pousse le spectateur à valider la version de ce « conte », sans même chercher à savoir ce qu’il en est réellement. C’est une convention vieille comme le monde qui veut que l’illustration vaille pour preuve. Essayez d’imaginer Vercingétorix sans une moustache, ou Jules César sans laurier sur la tête…. merci les livres d’histoire de notre enfance (mention spéciale pour le Lavis).

Puis, lorsque le décor est bien planté, le communicant (le conteur) vient implanter son message. Le cerveau oppose moins de résistance lorsque le décor est crédible. En substance il dit ceci : la FDJ a été créée par des gueules cassées de la Grande Guerre, pour mutualiser une sorte de tronc commun, où il y aurait un grand gagnant à cette loterie d’un côté, et des petits gagnant d’un autre. Les fonds restants serviraient à aider les mutilées de guerre comme leurs familles.

L’histoire est très probable. Elle doit être certainement juste en un sens. Un bon communicant sait qu’il faut construire son mensonge avec des vérités. Et nous voilà donc en quelques secondes, avec notre loterie nationale, en entreprise philanthropique aux vertus les plus évidentes. La FDJ mériterait une petite statuette dans une grotte et quelques cierges si possibles. On raconte aussi qu’en présence d’un ticket vierge d’euro millions, des aveugles auraient retrouvé l’usage de la parole. C’est dire.

Paré des vertus qui siéent à telles entreprises, le spot fait son job de campagne de notoriété. Et, il insère à coup de marteau l’idée instantanée que cette « grande maison » (lucrative soyons certain de cela) est une entreprise philanthropique profonde (car inscrit dans son ADN historique). Et on dit merci qui ? (Aucun lien avec deux prénoms commençant par Jackie et finissant par Michel)

Là où le service de communication de la marque a, à mon sens, fait preuve de malhonnêteté intellectuelle, c’est lorsqu’ils font dire à la jeune femme (pour justifier la part historique et incontestable de l’histoire que l’on nous raconte) :

« Je n’invente pas (à son ami), c’est écrit là » (à 15 secondes dans le spot)

Haaaa ben oui, c’est écrit donc c’est vrai. On peut donc considérer que les promoteurs idéologiques d’une terre plate, sachant écrire, et ayant régulièrement écrit sur le sujet, ont, par le fait, obligatoirement raison. C’est écrit qu’on vous dit, n’allez pas discuter, c’est la vérité. Mais qui m’a collé des animaux pareils ?? On ne discute pas, c’est écrit, c’est vrai. Na. Et pis c’est tout.

Je me remémore donc cette phrase : « Bâtir des cachots pour les vices et élever des Temples à la vertu »

Et j’ai le sentiment que j’ai l’exact contraire face à moi. Sous prétexte de rendre quelque chose plus acceptable, on cherche par n’importe quel moyen à faire ressortir un petit bout de sa vertu pour la rendre plus « blanc que blanc ».

On green Wash les pétro sociétés, on rend le café éthique, on donne un visage à notre bouteille de lait (cf. les portraits des agriculteurs sur les packs de lait. Comme si on était un peu responsable du bonheur de cette personne en particulier. Mais pourquoi n’ai-je pas le visage du négociant et du grossiste aussi ? Et le cariste, il n’a pas le droit d’être sur la bouteille ?). Bref on story tell la vertu de surface à tout va. On nous raconte des histoires aux accents de vertus comme l’on saupoudre des herbes aromatiques sur un plat.

  • On est là depuis 1886, donc on est une référence de sérieux. (Longévité=sérieux ?)
  • On pense à vous avant toute chose. (Vous=notre priorité ?)
  • Partageons le bonheur (Partage=Je te donne autant que je reçois ?)

Autant de belles histoires qui font appel à des valeurs que l’on pense être des vertus humanistes, fraternelles et bienveillantes. Mais qui n’en ont que la couleur et décidément pas le gout.

On peut trouver de la vertu en toute chose (les vertus curatives du lavement intestinal par exemple, et pourtant je doute sincèrement de l’agréabilité de l’action) alors je me pose la question : les temples à la vertu que les marchands nous présentent, sont-ils tous forcément vertueux ?

« La vertu, ça vend bien. Prêtez-m’en un peu, je rends avec les intérêts. »

Un communicant

 

La Voie maçonnique : méfie-toi du 2 meurtrier

Les « Frères trois points », voilà comment, dans ma jeunesse, on nous appelait. Nos poignées de main, nos triples baisers, nos trois degrés, l’âge de l’Apprenti, la signature de certains Frères, enlacées des points en question, frappaient les profanes et les politiques nous surnommèrent ainsi ; sans mépris d’ailleurs mais avec humour. Cette coutume s’est estompée avec le recul de l’influence de l’Ordre.Même si le précédent Président de la République ne cacha pas son passage au Grand Orient de France. Ç’est maintenant l’anti-maçonnisme qui retrouve un regain de forme sur les réseaux sociaux. La paranoïa, péché pas mignon de l’être humain, trouve, avec nous, de quoi faire exploser la théorie du complot. Bof ! C’est, à mes yeux, une manière de saluer notre sérieux et un peu aussi notre influence. Et cela nous réveille dès qu’il faut réagir officiellement. Tant que nous resterons en démocratie, avec notre liberté d’opinion et de son expression, ce n’est pas bien grave.
Les initiations de tous poils, hier et aujourd’hui, aiment bien faire chanter les nombres et l’arithmologie se porte bien dès les âges anciens. La Voie maçonnique ne pouvait s’en exonérer. Car les nombres ont un pouvoir évocatoire en chacun, qui n’a pas besoin de grandes explications érudites. Demander à un profane ami : « Qu’évoque pour toi le nombre 5 ? » et il vous produira sa réponse. Je dis bien SA réponse. Car au-delà des sens convenus, comme les âges de chaque degré, chacun folâtre dans son imagination et personne n’a rien à redire à cela. Dussent les maître maçons en symbolisme se fâcher au nom de la tradition (Ah, cette tradition !) et de la régularité. Et les dictionnaires de symboles se rapetisser au rôle de boute-en-train. Certains en ont besoin d’ailleurs pour enflammer leur imagination et leur intuition sur eux-mêmes. Car l’essentiel est dans la recherche et la production personnelles.

Ainsi les nombres que nous aimons bien, après notre chouchou, le 3, sont impairs : le 5, le 7. Et cela continue dans les degrés de perfectionnement :9, 27, 81 ans…Alors que le 4 est mollement mobilisé avec la forme de la loge. Quant aux 6 et au 8, ils ne vivent, le cas échéant, que dans le cœur de ceux et celles qui les ressentent vraiment comme porteurs de message pour eux. Nous avons donc, avec le choix de l’impair, une piste sérieuse de réflexion. Pourtant, me diras-tu, je n’ai pas évoqué le premier nombre impair, l’1 (L’Un serait plus seyant) et le premier nombre pair, le 2. C’est volontaire car ces nombres posent de sacrés questions dans notre développement personnel maçonnique.

Je vais commencer par le 2 car c’est le plus dangereux dans l’emploi que nous en faisons. L’Un, tu le verras, est, à mon sens, une extension envisageable pour demain, dans l’évolution du rituel. Le 2, est, en fait lourd de sens dans nos rituels : les deux colonnes Jakin et Boaz , les deux colonnes d’adeptes, héritières de la disposition de la Chambre des Lords. Mais avec un sens maçonnique qui dépasse, et de loin, la racine historique. Et puis le soleil et la lune qui brillent à l’Orient, au vu et au su de tous. Enfin, l’inévitable pavé mosaïque avec deux couleurs, le blanc et le noir. Il ne figurait pas sur le Tuileur de claude André Vuillaume (1820) pas plus que sur celui de son «  concurrent » François Henri Stanislas Delaulnaye (1813). Une prémonition du gâchis symbolique dont sera et est toujours ce pavé mosaïque.
L’idée simple découle en bonne part de la religion, avec ses fidèles et ses infidèles, ses élus et ses réprouvés . Les mille ans médiévaux ont incrusté dans les têtes cette croyance : tout est d’un côté, le bon ou d’un autre, le mauvais. À partir de là, la découpe de la réalité extérieure et de celui des valeurs devient une évidence. Et l’individu qui fuit la complexité des mondes, trouvent le confort. Ne se range-t-il pas parmi les bons ? Et le confessionnal est prêt à le tirer vers le bien. Laid ou beau, utile ou superflu, profond ou léger, méchant ou gentil, égoïste ou aidant…La liste est interminable : on dérive vite du jugement sur les idées ceux qui portent sur les humains : il y a les amis et les ennemis Mais pourquoi donc ce travers est-il encore si fréquent même si l’époque actuelle est beaucoup plus retenue. Voici mon hypothèse : L’agressivité forte est constitutive à l’hominidé mâle. Mais souvent elle le gêne pour vivre dans un minimum de bonnes relations. Alors la société convient, dans un accord tacite de diviser le monde en deux. Elle est épaulée par le fait qu’il existe deux sexes, que l’on a tôt fait de réputer complémentaires. Pourquoi pas d’ailleurs.

Il est plus difficile aujourd’hui de cisailler le monde en deux. De plus en plus, on admet la complexité ; comme les Chinois l’ont fait depuis longtemps. Mais j’observe que , plutôt souvent, en tenue, la tentation est forte de ce dualisme meurtrier, N’est-il pas un mets de choix pour les belligérants qui se font la guerre. C’est pour cela que je ne suis pas d’accord avec le pavé mosaïque qui fait croire à nos yeux, en permanence que nous sommes comme ceci ou comme cela. Bien sûr j’entends des Sœurs, des Frères me rétorquer « Mais entre les carrés, il y a le liseré bleu ; il montre bien qu’il y a un juste milieu ; puis-je rappeler que dans le Yi Jing, on dénombre 64 situations de vie ? Réduits bien souvent par les Occidentaux au Yin et au Yang, qui, en fait, ne sont que des possibilités extrêmes. La dualité existe certes mais elle doit rester un repère et ne pas s’avachir dans un système de pensée dualiste qui nous emprisonne. Et je me méfie un peu de la citation attribuée à Saint Exupéry et balayant en grand le bas de l’escalier du Grand orient : « Si tu diffère de moi, Frère, loin de me léser, tu m’enrichis ». Certes, certes mais n’avons-nous pas d’abord le devoir de rechercher les ressemblances que nous avons avec des personnes très différentes de nous : un lapon, un animiste, une médium, un zimbabwéen, un croyant orthodoxe ou un anarchiste convaincu. Ce dualisme est entretenu par notre rituel et j’ai entendu comme toi, des déclarations que j’ai trouvées stéréotypées et dangereuses. Je vais prendre un seul exemple en le détaillant pour bien te montrer en quoi ce dualisme qui rôde dans nos loges peut être dangereux.

Si on demande de quel sexe est le soleil, qui ne répondra pas : « mâle » ? Pas beaucoup. Même si en allemand, on dit « La soleil » (Die Sonne). Et la lune, alors devient évidemment féminine. Et de de faire une relation avec les deux officiers qui siègent benoîtement sous les deux astres. C’est évident : l’Orateur, c’est la Loi comme le soleil régit la vie. Quant au Secrétaire, il est le « reflet » de ce qui se dit en tenue comme la lune qui est, selon cette interprétation, soumise au soleil et reflète son éclat. Là le dérapage commence dans le dualisme dur : un supérieur et un inférieur. Alors qu’il y a tout à parier que nos anciens sentaient les deux corps comme égaux. Mais le dérapage dualiste, sans possibilités d’une infinité de positions intermédiaires, va encore s’alourdir. On passe alors à une autre question, qui, comme par hasard, semble en harmonie avec les lectures précédentes : « Du soleil et de la lune, qui est actif, qui est passif ? » Et la boucle inconsciente et solide fait rayonner le maçon, de plaisir symbolique. Bien sûr c’est le soleil qui est mâle (donc) actif et la lune qui est femelle dominée, (donc) passive.
Avec « actif et passif », nous arrivons là à l’acmé du dualisme : une jugement social justifié par une lecture erronée. Depuis des millénaires, les hommes ne cessent d’affirmer qu’ils sont actifs et leurs femmes, passives. Avec les débordements machistes si souvent inscrits dans nos neurones. Voilà le dualisme. Alors que la dualité, la réalité s’expriment autrement, à l’initiative entre autres de Françoise Dolto : la plupart des femmes sont réceptives mais pas toutes ; une majorité d’hommes sont émissifs, mais pas tous. Ce dualisme tend à reculer au profit d’une reconnaissance des « genres ». La dualité homme-femme accueille dans l’espace entre les deux sexes bien définis, les LGBTI. Ouf, quelle respiration. Nous ne sommes plus tenus à nous couvrir des oripeaux des stéréotypes sociaux. Du moins dans les pays moralement ouverts. « Bien sûr, penses-tu, les Francs-maçons n’ont jamais été victime de ce dualisme sur le plan social ; ils sont à la pointe de tous les combats sociaux. Eh bien, non, tu te trompes : jusqu’en 1980, selon l’amendement Mirguet voté en 1960, les homosexuels furent considérés comme des « fléaux sociaux ». Et la question à l’étude des loges du GODF, montrent sans ambages que la moitié des Frères étaient d’accord. Alors soyons prudents en évoquant les progrès sociaux dont nous serions co-auteurs.
Voilà donc un des méfaits du dualisme : le machisme, l’homophobie encore latente. J’ai développé sur une page l’exemple frappant de l’ « actif » et du « passif »car il débouche sur la sexualité, sujet toujours révélateur de nos mœurs. Ce dualisme sert de support de pensée dans tous les domaines : économique, social, politique, scientifique…Cela ne signifie nullement que nous n’ayons pas de convictions bien ancrées en nous. Certes mais à la condition de savoir, par empathie, écouter ce que les autres ont à dire.
Ma Sœur lectrice, rends service à notre communauté : arrache le pavé mosaïque !
Car le 2, chanté dans nos loges, fait trop souvent le lit du dualisme, clivant, cisaillant, intolérant dans le climat bienveillant d’une tenue. En sois-tu remerciée !

De l’éminente dignité des pauvres

J’allais en Loge hier soir, et comme j’avais une course à faire en passant, je me suis rendu dans un magasin d’une enseigne bon marché sur le chemin. Ah seigneur mon Dieu, quelle expérience ! Accueilli par un vigile patibulaire, j’ai eu à chercher mon article dans un hangar grisâtre et mal éclairé, sans réelle mise en valeur qui aurait pu aider le client ! Puis j’ai vu la sortie aux caisses, digne d’une scène des Temps Modernes  de Chaplin, ou encore d’une page des Idées Noires de Franquin : des queues incommensurables de gens achetant des articles parfois nécessaires, parfois superflus et fiers d’avoir le sentiment d’avoir fait une bonne affaire, sentiment sûrement aussi important (voire plus) important que le fait d’avoir trouvé l’article recherché.

En ce qui me concerne, je n’ai pas trouvé ce que je cherchais dans ce bazar très antipathique. Mais j’ai trouvé d’autres choses en observant mes semblables (avec lesquels j’étais en léger décalage à cause de ma tenue vestimentaire…). Et ce que j’ai vu ne m’a pas forcément plu.

Le principe de ces enseignes bon marché est de mettre en vente des fins de stocks, des invendus, des produits alimentaires proches de leur date de péremption, ou parfois, des produits reconditionnés, le tout à très bon prix. Ces enseignes sont donc très prisées des classes populaires. Et lors d’offres spéciales, il peut se produire des phénomènes de masse très impressionnants, un peu à l’image de la population de Palombie subjuguée par la Zorglonde qui se rue au supermarché pour acheter le dentifrice Zugol BRi ou comme le phénomène des acheteurs de Nutella en 2018.

Je ne suis pas économiste, mais je suppose qu’il doit exister un lien entre la fréquentation de ces magasins et la baisse régulière du pouvoir d’achat des classes moyennes ou populairesii

Quand on doit faire ses courses chez ces enseignes aux magasins sinistres, est-il normal de se faire accueillir comme un suspect potentiel, et quand on paie en liquide, de voir l’argent qu’on a donné être ostensiblement vérifié ? Si j’ai observé une certaine résignation chez d’autres clients, je trouve très déplaisant d’être traité en suspect…

Je suppose qu’on ne vient pas faire ses courses dans ce genre d’enseignes discount par plaisir, mais par nécessité. Mais est-ce une bonne chose de considérer chaque client comme un voleur potentiel ? A plus forte raison, des clients de condition modeste, voire très modeste ? A croire que dans l’esprit de certains, appartenir aux classes populaires est forcément synonyme de rapine ou de délinquance. J’en viens à m’interroger sur la vision que nous avons de la misère : est-elle le fait du mérite ou du malheur ? Quelle est la responsabilité de celui qui est frappé d’exclusion ou de déclassement? Deux visions s’offrent à nous : soit l’exclu, l’humble, le modeste, le pauvre est responsable de sa situation parce qu’il est mal né, ou qu’il n’a pas assez bien travaillé à l’école ou qu’il n’a pas assez courbé l’échine au travail et dans ce cas, ce qui lui arrive est mérité, soit, au contraire, il est frappé par la volonté divine, et tel Caïn ou tout autre héros biblique, doit être traité avec respect et compassion ou à défaut, miséricorde. C’était plus ou moins le sens d’un discours de Bossuet, De l’éminente dignité des pauvres. Comme les pauvres n’ont rien, il ne reste que leur dignité, que les puissants et possédants leur retirent par leur attitude sécuritaire.

En fait, on arrive à un certain point de cynisme: les banques en viennent à prélever des frais divers (agios etc.) aux personnes à découvert, donc en difficulté financière… Autant soigner une anémie par une saignée ! En gros, on est pauvre, donc on est potentiellement un escroc ou un voleur. Par contre, quand on est personne politique dans les Hauts-de-Seine, tout va bien, merci. Et quand on vient d’un ghetto du gothaiii, là, c’est le tapis rouge.

Pour le Franc-maçon que je suis, le comportement des gérants de ce genre de magasin est choquant. Le Franc-maçon étant l’ami du riche comme du pauvre s’ils sont vertueux, j’ai réellement du mal à admettre ce type de fonctionnement. En fait, je ne peux pas, je ne veux pas accepter que les plus fragiles soient vilipendés par l’institution privée (ou publique, parfois). J’ai l’impression que nous ne voulons plus tolérer la misère que nous avons tous pourtant laissé s’installer. Je pourrais, comme les gens bien-pensants, prétendre être choqué par l’installation de mobilier urbain anti-SDF, vous savez, ces bancs équipés d’accoudoir sur leur milieu ou les tapis de pointe devant des immeubles. Mais en fait, ce qui me choque réellement, c’est qu’à l’époque de la chirurgie assistée par ordinateur, de la médecine numérique, du GPS ou du frigo intelligent, des personnes dorment dans la rue, faute de structures d’accueil ou des personnes souffrent de la faim ou de la malnutrition. Et ce qui me choque encore plus, c’est que nous les traitions en ennemis ou pire, en nuisance, comme des rats ou des cafards. Et je ne parle pas des exilésiv (improprement qualifiés de migrants), qui fuient la misère, la famine ou la guerre et que nous repoussons comme des pestiférés ou que nous laissons crever aux portes de nos métropoles.

Nous nous gargarisons de notre belle devise républicaine Liberté-Egalité-Fraternité, que nous scandons dans nos Loges. Mais une société qui en est réduite à installer des dispositifs anti-SDF mérite-t-elle encore cette devise ? Cette société mérite-t-elle que l’on se batte encore pour elle ?

En 2018, alors que nous nous préparons à vivre la révolution de la physiquev induite par la découverte du Boson de Higgs, 566 personnes sont mortes dans la rue…

Moralité : dans notre beau monde, comme disait Francis Blanche, « mieux vaut être riche et bien portant que pauvre et malade ». Et appartenir au groupe des mâles blancs dominants qu’à n’importe quel autre groupe. Nos beaux principes maçonniques? Certes, mais entre nous seulement, il ne faudrait pas exagérer.

J’ai honte, mais j’ai dit.

i Franquin, les aventures de Spirou et Fantasio, L’ombre du Z.

ii Attention, sujet aussi sensible que complexe. Je vous invite à consulter les données de l’INSEE ou encore celles de l’Observatoire des Inégalités de manière à vous faire votre propre idée.

iii Lire à ce propos l’ouvrage éponyme des sociologues Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, qui étudient les mœurs de la très haute bourgeoisie, celle de Neuilly sur Seine ou des 7e et 16e arrondissement de Paris… Edifiant et affolant.

iv On estime la population d’exilés aux portes de l’Europe à 350 000 personnes en 2015, soit l’équivalent de la population de la ville de Nice, ou encore d’un millième de la population européenne. Et il y en a qui osent parler d’invasion ou de grand remplacement…

v En quelques mots, la masse n’est pas une propriété intrinsèque de la matière mais la résultante de l’interaction de la particule avec le champ de Higgs. De quoi modifier tous les fondements de la physique !

Un Maître authentique : ELIPHAS LEVI

A, Isabelle MAZZA

1966-2001

(in mémoriam)

De la pitié, le bel ange pleura.

Que de chagrins l’attendaient au passage !

Le peuple hélas ! ne croit plus aux héros

Alphonse Lois Constant (Eliphas Levi)

Histoire incomplète de ses vies :

Le début de notre 21ème siècle est marqué par un retour en force de la mode de la magie et du merveilleux (voir les séries à succès d’Harry Potter, Charmed , Médium et autres).

Le septième art remet à une (triste) mode les pratiques de mauvaises goêtie, et d’envoûtements. Les films sur la pseudo affaire «vraie » de Blair Witch et autres séries télévisées en sont un exemple frappant.

Il n’est montré actuellement à une jeunesse, pressée de résultats rapides, que des raccourcis, passerelles entre deux mondes qui existent probablement. Mais d’un bord à l’autre de leurs rives, le risque de chute dans le précipice (qui peut avoir l’apparence d’un gouffre de lumière est bien réel).

Et ce monde régit par l’illusion, que ces adolescents voulaient fuir pour diverses raisons devient lors de l’arrivée dans ce gouffre un enfer le plus souvent définitif.

Les nouveaux inquisiteurs sont les propres protagonistes de leurs drames et l’incarnation de Bernardo Guy est en chacun d’eux ; plagiant un nouveau «Malleus Malleficarum »

Le «Magicien », au sens noble du terme, véritable «pontife » établissant un lien entre les deux univers n’existe plus actuellement (est-t-il en dormition comme le sieur Taliesin, le véritable Merlin ?) ou fait-il tout pour rester discret ?

Le Pouvoir est d’abord donné à ceux qui ont décidé de ne pas s’en servir !

L’initiation à la Haute Science n’est pas à la portée du premier «parvenu », la Haute- Magie n’est pas un JEU ! , Il est important de se le rappeler.

De tristes périodiques vecteurs (naïfs ?) de la contre initiation, entraînent des gamins non préparés vers un triste avenir ! (Nous pouvons y découvrir des méthodes « infaillibles » pour envoûter ses rivaux, comment faire les «bonnes prières sataniques, invoquant cet «adversaire » de l’Amour,  et j’en passe, la liste est longue ». Mais ce n’est pas là le sujet de cet essai…

Il est temps, aujourd’hui, de nous souvenir de ceux qui nous ont ouvert la «Voie Sacrée » et de celui qui pour nous a été l’un des plus grands (si ce n’est le plus grand) «Magiste » du dix neuvième siècle. Je veux parler d’Eliphas Levi.

Ce curieux personnage, naquit, le huit février 1810 sous le signe du Verseau, à Paris, quartier de l’Odéon, rue des Fossés Saint Germain, des œuvres de Jean-Joseph Constant, un cordonnier et de son épouse Jeanne-Agnés née Beaucourt, il est le deuxième enfant de la famille, une sœur, Pauline était née en 1806.

Son pseudonyme, vient de la traduction en hébreux de son nom. En effet, il s’appelait : Alphonse Louis Constant, enfant de l’Eglise Catholique Romaine, (celle qui croyait en Dieu, avant les inepties de Vatican II) dans laquelle il fut baptisé dès le lendemain de sa venue au monde à la paroisse saint Sulpice.

Pour la postérité, il sera Eliphas Levi Zahed.

Nous l’avons découvert, au détour d’une conversation avec un « Ami », Initié de Haut Grade, que la Règle m’interdit de nommer.

Ce Sage, lors de nos longs échanges où nous essayons d’apporter modestement notre pierre à ce monde en train de se dissoudre, nous parle d’un livre, une référence, une sorte de «Bible ésotérique ».

Cet ouvrage se nommait «Dogme et Rituel de la Haute Magie», et son auteur porte l’étrange nom d’Eliphas Levi, dont il faut se rappeler qu’il fut l’inventeur du terme si usité de nos jours : l’Occultisme

Il nous a mis d’abord en garde contre le danger de s’attaquer à sa lecture pour des âmes non forgées, comme le fait d’ailleurs son rédacteur dans son chapitre I  en ces termes :

»Qui es-tu, toi qui tiens ce livre entre tes mains et qui entreprends de le lire ? …L’homme qui est esclave de ses passions ou des préjugés de ce monde ne saurait être initié…celui qui n’est pas disposé à douter de tout, celui là doit refermer ce livre qui est inutile et dangereux pour lui… »

Mon « Ami », m’ayant jugé apte à découvrir les Arcanes du « Dogme… », je dévorais les pages de cet ouvrage toujours si actuel et qui, aujourd’hui encore, reste un des mes livres de chevet.

De la vocation aux manifestations :

En bon catholique, le jeune Alphonse est élève d’une école religieuse de l’île Saint Louis, voulant devenir Prêtre, il fait ses études au Petit Séminaire de saint Nicolas du Chardonnet, puis en 1830 (année de la mort de son père) au Grand Séminaire d’Issy les Moulineaux.

Admis au diaconat, tonsuré, il doit recevoir l’initiation Sacerdotale, le 19 décembre 1835. Mais il s’enfuit sans crier garde pour les beaux yeux d’une très jeune demoiselle : Adèle Allenbach dont il avait en charge l’éducation Chrétienne !

Quand il disparut de l’établissement religieux, la mère d’Alphonse de désespoir mit fin à ses jours en se suicidant avec les émanations d’un réchaud à charbon. L’idylle avec la belle pour qui il avait ressenti, selon ses propres paroles : « un impérieux besoin d’aimer » ne dura pas. (Notons tout de même qu’il gardera avec elle des relations épistolaires et qu’elle sera présente pour le conduire en terre après sa mort). Très affecté par la disparition tragique de sa mère, il pensa entrer à la Trappe, mais en fut heureusement dissuadé par un ami nommé Bailleul avec qui il partit en Province.

Les Amours :

Il y rencontre Flora Tristan, passionaria espagnole, belle militante socialiste à la sensualité exacerbée, avec qui il noue une relation, femme de lettres et d’action, auteur de deux brûlots aujourd’hui oubliés : « les Pérégrinations d’un Paria et Méphis le Prolétaire (dans lequel Eliphas est dépeint).

Ayant eu des ennuis à la suite de la publication de ces ouvrages «polémiques », elle décida de s’embarquer pour l’Angleterre.

Notre ami, alors, soupira auprès du cœur de Delphine de Girardin, antithèse de Flora, une femme romantique, douce et sensible, et, pendant que la révolutionnaire en jupons tentait avant l’heure de «réunir les prolétaires de tous les pays », notre Mademoiselle Girardin écrivait des romans « élégants » et tentait de convertir notre abbé au spiritisme (notons que c’est elle qui fit rentrer cette doctrine au sein de la famille de Victor Hugo à Jersey).

Son aimant, pour sa part, ne voulait pas séparer les misères de ce monde-çi et la Recherche des béatitudes hypothétiques de l’autre.

Pour compléter sa culture, l’abbé part en retraite à l’abbaye de Solesmes où le livre et le vivre lui sont assurés. Dans la riche bibliothèque Bénédictine, il y découvrit : Les gnostiques, les Pères de l’Eglise, les livres de Cassien et les Mystiques.

C’est durant cette période, en 1839, qu’il fait paraître son premier ouvrage «le Rosier de Mai».

Chassé, il devient pour le salaire de quatre cents francs par an, ce que l’on appelait à l’époque : « chien de cour » nom donné au surveillant de récréation. Porteur de sa soutane, n’ayant pas d’autres habits. Grelottant dans un grenier mal fermé qui lui servait de gîte, sans feu pour le réchauffer !

Dans sa révolte contre sa condition écœurante et lamentable, il compose la «Bible de la Liberté » pamphlet honni par les âmes bien pensantes et par l’Eglise. L’ouvrage qui parût le 13 février 1841, fut interdit et saisi une heure après sa première mise en vente.

Le procès inique intenté contre lui ; le condamna le 11 mai de la même année à huit mois de prison et 300 francs d’amende. Il passera onze mois à la prison de sainte Pelagie, (où sera incarcéré plus tard Pierre Auguste Blanqui le célèbre révolutionnaire) ; en butte à toutes les vexations et les ragots, n’ayant pour se détendre que la lecture, c’est à ce moment de sa vie qu’il découvrira les écrits de Swenderborg (voyages magiques mers d’autres mondes) Son ex-amour Flora lui rend visite dans cet endroit ou il retrouva son compagnon Alphonse Esquiros.

A sa libération, il décide de se racheter une conduite et en 1842, il décore l’église de Choisy le Roy, ensuite grâce à l’Evêque d’Evreux, il devient prédicateur itinérant avec un certain succès, mais Constant se brouille avec les prêtres du voisinage leur reprochant leur manque de recherche ésotérique.

Il remonte à Paris et publie coup sur coup : « La Mère de Dieu et le Livre des Splendeurs ».

Puis repris par ses idées de justice, il publie : « La Voie de la Famine » qui lui vaudra une fois de plus, la prison.

A sa sortie, Flora Tristan est morte, emportée par une congestion cérébrale le 14 novembre 1844, son ami, (amant ?) ne l’aura plus revue. Il est libéré en 1848 et en profite pour participer aux combats de la révolution des barricades, recherché comme anarchiste, il échappe par miracle à la mort et on fusille par erreur un homme qui avait le malheur de lui ressembler.

Entre temps, notre héros avait épousé forcé par son père, lors d’une cérémonie civile à la Mairie du Xème arrondissement de Paris, le 13 juillet 1846, une jeune fille de 18 ans mineure pour l’époque, Noémie Cadiot, qui lui donna une fille (la jeune épousée n’était probablement pas une blanche colombe, car ses amants furent nombreux, mais qu’importe)– Marie née en septembre 1847(la légende dit que le Maître la ressuscita par ses prières et ses dons, lors d’une première attaque d’une maladie qui devait finalement l’emporter). L’enfant, qu’il adorait, de santé fragile, décède peu après. Le Magiste garda cette déchirure comme une plaie qui le rongera peu à peu.

Comme la plupart des grands Initiés, il répète l’axiome ontologique dans lequel il est dit que le Magiste ne peut rien pour lui et peu pour ses proches. Nombre d’entre eux sont durement touchés par l’adversaire (certains des lecteurs me comprendront sûrement).

Est-ce le prix à payer pour l’obtention des « Pouvoirs » ? Nous le pensons, tout acte ou bonheur dévié de sa route de manière anormale à l’aide d’entités implique un prix à payer. La Nature, se venge toujours de l’’homme qui la corrige, comme le disait avec raison Jean Cocteau.

Quand le disciple est prêt :

En 1852, Eliphas publie son chef d’œuvre sous le nom de plume qu’il s’est donné Dogme et Rituel de la Haute Magie, soutenu et inspiré par le savant polonais Hoëné Wronski. Le succès commence enfin, 1853, son mentor meurt, les relations avec Noémie se détériorent de plus en plus, notre ami, ne tarde pas à s’embarquer pour l’Angleterre ou les exilés depuis le coup d’état de « Napoléon le petit », émigrés français sont nombreux.

Il y rencontre Edward Bulwer-Lytton, célèbre auteur de romans et dirigeant de la société rosicrucienne d’Angleterre, il devient son ami et est introduit dans les cercles de Rose Croix (ce qui à l’époque était une exception car cette société ne recrutait que des personnes ayant reçues au moins le grade de Maître dans la Maçonnerie Bleue). A leur demande, il fait des séries d’évocations magiques notamment pour rentrer en contact avec le spectre d’Appolonius de Tyane l’auteur du Nuctéméron (ouvrage ou le docteur Philippe Encausse trouva son nom de plume : Papus, génie médecin de la première heure) relatée dans son Dogme et Rituel.( Papus vint à l’occultisme après avoir découvert (par hasard ?), l’épée magique d’Eliphas !)

Mais laissons le Mage nous remémorer lui-même cette expérience étrange : : « : Il s’agissait d’évoquer le fantôme du divin Appolonius de Tyane et de l’interroger sur deux secrets :….je fus laissé seul. Le cabinet préparé pour l’évocation était…dans une tourelle : on y avait disposé 4 miroirs concaves, une sorte d’autel dont le dessus de marbre blanc était entouré d’une chaîne aimanté, j’étais vêtu d’une robe J’allumai le feu sur deux réchauds avec les substances requises et je commençai les invocations du rituel….Il me sembla sentir une secousse de tremblement de terre….et lorsque la flamme s’éleva, je vis distinctement, devant l’autel, une figure d’homme plus grande que nature, qui se décomposait et s’effaçait. Je vains me placer dans un cercle, j’appelais trois fois Appolonius en fermant les yeux et lorsque je les rouvris un homme était devant moi gris, j’éprouvais une sensation de froid extraordinaire…..Mon bras fut aussitôt engourdi, les figures ne nous avaient pas parlées mais la réponse à nos questions communes était la mort.
Le Maître fut particulièrement choqué par ces expériences et évitât de les réitérer par la suite de sa carrière.

Eliphas LEVI fut le reste de son existence absolument opposé aux expériences gratuites de magies. Quant il eut quelques disciples, il leur fit promettre de ne jamais tenter la plus petite expérience et de ne s’occuper seulement que de la partie spéculative de la science occulte Par contre le Maître pensait qu’avec de la volonté, tout homme pouvait réaliser certains miracles comme il expose des la Clefs des grands Mystères (ouvrage de 1859 en 22 axiomes que je vous livre).

Théorie de la Volonté

 

AXIOME I

Rien ne résiste à la volonté de l’homme, lorsqu’il sait le vrai et veut le bien.

AXIOME II

Vouloir le mal, c’est vouloir la mort. Une volonté perverse est un commencement de suicide.

AXIOME III

Vouloir le bien avec violence, c’est vouloir le mal ; car la violence produit le désordre,

et le désordre produit le mal.

AXIOME IV

On peut et l’on doit accepter le mal comme moyen du bien ; mais il ne faut jamais ni le vouloir, ni le faire, autrement on détruirait d’une main ce qu’on édifie de l’autre. La bonne foi ne justifie jamais les mauvais moyens ; elle les corrige lorsqu’on les subit, et les condamne lorsqu’on les prend.

AXIOME V

Pour avoir le droit de posséder toujours, il faut vouloir patiemment et longtemps.-

AXIOME VI

Passer sa vie à vouloir ce qu’il est impossible de posséder toujours, c’est abdiquer la vie et accepter l’éternité de la mort.

AXIOME VII

Plus la volonté surmonte d’obstacles, plus elle est forte. C’est pour cela que le Christ a glorifié la pauvreté et la douleur.

AXIOME VIII

Lorsque la volonté est vouée à l’absurde, elle est réprouvée par l’éternelle raison.

AXIOME IX

La volonté de l’homme juste, c’est la volonté de Dieu même, et c’est la loi de la nature.

AXIOME X

C’est par la volonté que l’intelligence voit. Si la volonté est saine, la vue est juste. Dieu a dit : Que la lumière soit ! et la lumière est ; la volonté dit : Que le monde soit comme je veux le voir ! et l’intelligence le voit comme la volonté l’a voulu. C’est ce que signifie le mot “ainsi soit-il” qui confirme les actes de foi.

AXIOME XI

Lorsqu’on se fait des fantômes, on met au monde des vampires, et il faudra nourrir ces enfants d’un cauchemar volontaire avec son sang, avec sa vie, avec son intelligence et sa raison, sans les rassasier jamais.

AXIOME XII

Affirmer et vouloir ce qui doit être, c’est créer ; affirmer et vouloir ce qui ne doit pas être, c’est détruire.

AXIOME XIII

La lumière est un feu électrique mis par la nature au service de la volonté : elle éclaire ceux qui savent en user, elle brûle ceux qui en abusent.

AXIOME XIV

L’empire du monde, c’est l’empire de la lumière.

AXIOME XV

Les grandes intelligences dont la volonté s’équilibre mal ressemblent aux comètes, qui sont des soleils avortés.

AXIOME XVI

Ne rien faire, c’est aussi funeste que de faire le mal, mais c’est plus lâche. Le plus impardonnable des péchés mortels, c’est l’inertie.

AXIOME XVII

Souffrir, c’est travailler. Une grande douleur soufferte est un progrès accompli. Ceux qui souffrent beaucoup vivent plus que ceux qui ne souffrent pas.

AXIOME XVIII

La mort volontaire par dévouement n’est pas un suicide ; c’est l’apothéose de la volonté.

AXIOME XIX

La peur n’est qu’une paresse de la volonté, et c’est pour cela que l’opinion flétrit les lâches.

AXIOME XX

Arrivez à ne pas craindre le lion, et le lion vous craindra. Dites à la douleur : Je veux que tu sois un plaisir, et elle deviendra un plaisir, plus même qu’un plaisir, un bonheur.

AXIOME XXI

Une chaîne de fer est plus facile à briser qu’une chaîne de fleurs.

AXIOME XXII

Avant de déclarer un homme heureux ou malheureux, sachez ce que l’a fait la direction de sa volonté : Tibère mourait tous les jours à Caprée, tandis que Jésus prouvait son immortalité et sa divinité, même sur le Calvaire et sur la croix”.

 

On voit dans ces quelques conseils la grandeur et la Sagesse du Maître, il est à ne point en douter que la rencontre avec les Rose Croix et Occultistes Anglais ont marqué Lévi.

Un Magicien dans le Temple

De retour en France, il demande à être reçu Maçon. la Lumière lui est donnée par le Vénérable Jean-Marie Caubet, le 14 mars 1861 à l’atelier : « la Rose du Parfait Silence » dépendant du prestigieux Grand Orient de France, alors sous la grande Maîtrise du Prince Murat.

Exalté au Sublime Grade de Maître, le 21août 1861, il occupe peu après, comme Officier, le poste d’Orateur. Tentant de parler de la Kabbale à ses frères, il se heurte à l’incompréhension générale, le sang de notre ami ne fait qu’un tour et une fois son diplôme de Maître Maçon en poche, il ne reparut plus en loge malgré les nombreuses sollicitations de ses amis.

Mais il est aussi vrai que la Maçonnerie, même si elle n’était pas la structure moribonde au niveau initiatique qu’elle est à présent, (peu de Maçon connaissent réellement la Poésie de cette structure initiatique qui est (quoi qu’on en dises) paraphrasant René Guénon La seule Voie Iniatique avec le Compagnonnage de l’Occident (pour être complet Guénon rajoutera également la religion Catholique comprise dans son sens ésotérique).

Cette même année, il publie La Clef des Grands Mystères, dernier volet de sa trilogie commencée avec le Dogme…. Et poursuivie avec « L’Histoire de la Magie « (succès de librairie de l’année 1859).

La correspondance avec le baron Spedialeri commence alors, riche d’enseignements et se termine le 14 février 1874, ce sont des cours de Kabbale, uniques, précis ; dès qu’un ouvrage paraissait sur l’occultisme Eliphas le signalait au Baron.

Eliphas Levi, n’était pas fortuné et vivait de quelques dérisoires droits d’auteur que lui rapportaient ses écrits et de leçons de Kabbale qu’il transmettait avec rigueur seulement à ceux qu’il jugeai aptes à les recevoir ; car il était convaincu que le Bien mal compris peut produire de funestes effets.

En 1865, la chère Justice des hommes annule le mariage contracté 20 ans auparavant avec la demoiselle Noémie Cadiot.

Bien avant, cette décision, elle était déjà la maîtresse du sculpteur Pradier. Attirée par cette discipline, elle acquit à son tour une réputation de sculpteur sous le nom de Claude Vignon.

La guerre approche et Eliphas s’engage dans la Garde Nationale, pour défendre Paris assiégé ; les privations du moment ruinèrent sa santé, et il ne put jamais s’en remettre complètement.

A la suite d’un voyage en Allemagne, à l’invitation de l’une de ses admiratrices, il apprit le décés de la compagne du Baron Spedialeri, un revirement total se produisit chez ce dernier, il devient matérialiste et, de surcroît athée !

A l’automne 1872, il apprit le mariage de son ex-femme avec le député de Marseille, futur ministre du commerce du gouvernement Gambetta : Maurice Rouvier.

Les souffrances physiques allaient alors l’assaillir et le voyage vers l’au-delà s’amorcer comme c’est le cas quand on à trop aimé. Eliphas avait tant espéré son retour

André Hardellet ne dit-il pas que l’Homme meurt de ses désirs insatisfaits.

1875 ; L’ultime maladie d’Eliphas :

« Je m’attends….A la vieillesse…Mes jambes se roidissent, mes dents s’ébranlent, la somnolence me poursuit jusque dans la rue et, il me semble que ma vie ne soit plus qu’une lutte contre la mort….Je n’ai jamais fait sciemment et volontairement de mal…..J’ai aimé ».

Il ne réussit pas de son vivant à renouer avec le Baron Spedialeri et notre Magiste en eut grande peine. Néanmoins, un secours matériel bienvenu lui sera apporté dans ses vieux jours par l’aide du gendre de Balzac, le Comte Georges de Mniszech.

Ses derniers secours furent le Docteur Wattelet et M. Edouard Adolphe Pascal qui le soignèrent avec dévouement.

Le mercredi 26 mai 1875, le Maître rédige son testament

Le lundi 31 mai 1875, jour de la Visitation, souffrant de ne plus entendre toutes ces voix chères qui s’étaient tues, déçu par le genre humain en qui il avait tant espéré, le Grand Homme rejoint dans la souffrance ce Monde Invisible dont il avait déjà à maintes reprises aperçu les contours, cet Orient Eternel dont parle les rituels Maçonniques.

Gageons qu’à ce jour il ait découvert la «Clef des Grands Mystères »

Il me plaît de le représenter tel l’Ermite du Tarot revêtu de son manteau de Mage, cherchant à l’aide de son lumignon, à guider les âmes des chercheurs de lumière. Eliphas, à l’aide de ton bâton, tu as écarté pour nous les pierres d’embûches parsemant les chemins de vies.

Les œuvres de l’Abbé Constant influenceront grandement le Sar Peladan, Stanislas de Guïata, Oswald Wirth, Papus qui le considérait d’ailleurs comme un demi-dieu. Le célèbre groupement de la Golden Dawn et une grande partie des écrits du fameux Aleister Crowley qui se voulait sa réincarnation,

Le Mage Britannique se servit grandement des livres de Lévi pour ses évocations et le « Dogme et Rituel de la Haute Magie » était un de ses livres de chevet.

Le Message de cet Homme était l’Amour, ce séducteur vivait pour aimer : « cet indicible besoin » secouait son être, jamais il n’utilisa ses extraordinaires dons pour le mal et croyez nous il en aurait eu le pouvoir, il se reposait sur la providence et elle ne l’oubliait que peu.

Que les adeptes de la Goétie se souviennent de ces phrases écrites par le grand Mage : « Le magicien dispose d’une force qu’il connaît, le sorcier s’efforce d’abuser de ce qu’il ignore. Le diable…se donne au magicien et le sorcier se donne au diable »

Au moment ou des «adolescentes «pré-pubères» s’amusent avec des grimoires écrits par des initiés de pacotille pour des prises de pouvoir ou de cœur illusoires et trop chères payées. Jeune génération, médite les phrases d’Eliphas.

La Haute Magie est efficace, mais elle est dangereuse, n’essayez pas, vous paierez au centuple les aides que vous croirez obtenir !

Vous aurez des résultats rapides mais les phénomènes que vous déclencherez vous n’en serez pas les maîtres.

Et rappelez-vous toujours la phrase du grand poète Initié Jean Cocteau :

La Nature se venge toujours de l’homme qui la corrige

  1. S. : Alphonse Louis Constant fut mis en terre, au cimetière D’Ivry, le 2 juin, 1875

En 1881, sa dépouille fut exhumée et jetée à la fosse commune.

Aujourd’hui, aucun tertre ni branches d’Acacia, ne nous dit ou le Magiste dort de son dernier sommeil.

NOTA : dans sa biographie sur Eliphas Levi, Paul Chacornac précise :

«  Constant, fondateur d’école, n’est disciple d’aucune. Par sa haute intelligence et son esprit éducatif, il a mis au point la valeur des choses. A mesure que sa méditation s’élève, il découvre de vastes horizons qui deviennent un nouveau point de départ pour l’ultime envol vers les plus hauts sommets. »

Pascal Balmès

 

En grève pour ou contre le climat (2): le renversement transgénérationnel

J’étais en Loge le soir du discours de la jeune militante Greta Thurnberg à l’Assemblée Nationale. Je ne me suis pas intéressé à proprement parler au discours, dont il était possible de deviner la teneur : moins de dégradation de l’environnement. Ce qui est plus intéressant, c’est la réaction des parlementaires face à ce discours. Les plus réactionnaires ont boycotté la séance, arguant du fait que la place d’une adolescente, c’est à l’école et que le rôle des enfants, c’est de la fermer et de ne l’ouvrir qu’une fois devenus adultes. Je ne crois pas utile de gloser sur la personnalité de la jeune Greta Thurnberg, ni sur son apparence aussi lisse que celle d’un technocrate qui ne montre aucune émotion ni aucune prise.

Je serais tenté de penser comme certains que la place de ces jeunes est à l’école et que c’est aux adultes de s’occuper des questions de grandes personnes sérieuses, mais avec mon Maillet et mon Ciseau, j’ai voulu aller un peu plus loin, beaucoup de choses me gênant dans cette histoire. Par exemple, le fait que des enfants donnent des leçons (ou plus précisément récitent des rapports du GIEC), et le fait que nos représentants se comportent comme les gosses qu’ils vilipendent… J’aimerais proposer une analyse basée sur les travaux du psychanalyste Sandor Ferenczi.

Pour résumer, Ferenczi a observé que dans les familles dysfonctionnelles, les enfants très jeunes développaient une intelligence et une maturité intellectuelle dignes d’un adulte (la maturité n’est qu’intellectuelle mais rarement, voire jamais affective) comme défense à un environnement dangereux. La traduction généralement observée est « bébé savant ».
Quand ces enfants deviennent plus grands, il arrive que ce soit eux qui prennent les rennes de la famille, quand il y a un défaut d’autorité des parents. Attention, ce n’est pas tout à fait le même phénomène que l’enfant-roi, c’est-à-dire l’enfant auquel le parent se soumet par culpabilité de ne pas le contenter et par peur de perdre son amour. On parle plutôt de renversement transgénérationnel.
Dans le cas des enfants « bébés savants » devenus grands, la prise de pouvoir n’est possible que parce que le parent est démissionnaire ou à défaut, inapte à sa mission de parent, notamment la protection des plus jeunes. C’est comme ça qu’on peut voir des adolescents diriger les familles et se comporter en adultes face à des adultes dépassés. Ce décalage peut provoquer un sérieux malaise pour un observateur extérieur. Mais il s’explique très bien avec des outils tels que l’analyse transactionnelle : l’adulte se comporte en enfant, l’enfant en adulte, et cette inversion est très dérangeante.

Dans le cas de la jeune Thurnberg et des pouvoirs publics, on peut appliquer cette même grille de lecture. L’institution du pouvoir (législatif et exécutif) est dans ce cas une figure de père défaillant ou démissionnaire, puisque les décisions ne vont pas dans le sens du bien commun, ni dans la protection des jeunes.
Face à cette figure de parent démissionnaire, la descendance (en l’occurrence, les jeunes) développe comme les sujets de Ferenczi une certaine maturité intellectuelle, ou quelque chose s’en approchanti (j’en veux pour preuve leur connaissance des rapports du GIEC), alors que le parent s’enfonce davantage dans la démission ou le déni.

D’où le malaise: une bande d’ados (figure d’enfant, par définition) se révèle peut-être plus mûre et plus responsable que les parlementaires (figures de père).

En Franc-maçonnerie, les choses sont un peu différentes. Les Apprentis ont le devoir de se taire pour apprendre à juguler l’expression de leurs passions. Etre contraints au silence leur permet de développer leur écoute ou leur capacité d’observation. Les rôles sont clairement définis, et il est rare, très rare qu’un Apprenti ou un Compagnon n’ose s’opposer à un Maître. Domination ou soumission volontaire ? Pas tout à fait. La Franc-maçonnerie étant une démarche initiatique, chaque Frère possède un certain nombre de clés que des Frères de degré inférieurs ne possèdent pas. La transmission par l’Initiation invite à la patience et au silence, alors que l’énorme déversoir de savoir que constituent les nœuds de l’Internet n’invite qu’au chaos. Sur le Web, tout est accessible : la doxa, les opinions dissidentes, les avis éclairés ou les brèves de comptoir sont également disponibles, ce qui est intéressant pour qui sait trier l’information, mais dangereux pour des personnes incapables de discernement. A chacun de prendre son Maillet et son Ciseau et de dégrossir la Pierre Brute pour en tirer quelque chose de plus ordonné. Parmi les éléments gênants, c’est l’absence de discernement des différentes parties : les décisionnaires qui confondent intérêts personnels et intérêt général, les contestataires sûrs d’eux-mêmes et n’ayant pas forcément les outils pour étayer leur pensée. J’aimerais qu’un de ces jeunes rétorque un peu de Corneille à nos parlementaires : « je suis jeune, il est vrai, mais aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années ».

Si j’en reviens à ma grille d’analyse, on pourra considérer que nos parlementaires sont en fait des parents démissionnaires et les enfants, par réaction prennent le pouvoir face à la catastrophe à venir. Le malaise est accentué par un problème de reconnaissance : ces jeunes ne sont pas reconnus par les pairsii (attention, zone de jeux de mots lacaniens), contrairement à des experts dans n’importe quel domaine. On ne reconnaît pas ces jeunes comme pairs ni experts, ce qui est normal vu leur âge. Ils sont donc en passe de se passer de cette reconnaissance, de « tuer le père ». Ils nous font ainsi bien comprendre qu’ils n’ont plus vraiment besoin de nous.

Et c’est dérangeant, parce que nous, adultes, savons que nous avons tort de persévérer dans cette voie et que nous avons des choses à nous reprocher, notamment de n’avoir pas protégé nos enfants, qui en retour, nous en veulent, avec une certaine légitimité.
Qui sait si les réactions de rejet dont sont l’objet ces jeunes ne sont pas des manifestations de notre propre sentiment de culpabilité face à la dégradation de l’environnement que notre civilisation post-indstrielle engendre? Nous n’avons pas su protéger nos enfants, qui en retour, se révoltent. Toujours la même histoire depuis l’aube des temps…

J’ai dit.

i Petit bémol : je doute que beaucoup de ces jeunes incollables sur les rapports du GIEC ne sachent résoudre à 16 ans les équations de Lorentz ou de Navier-Stokes, utilisées en modélisation de phénomènes météorologiques. On peut avoir un certain savoir sur la question en se renseignant bien, sans avoir nécessairement la connaissance du fonds du problème, qui nécessite un apprentissage approfondi… à l’école ! Néanmoins, nos édiles et notables, ministres intègres doivent être tout aussi incapables de comprendre les subtilités de la modélisation… Sauf qu’ils le cachent par de la com’. Et prennent le risque de rédiger des politiques publiques sur la base d’erreurs d’interprétation !

ii Dans tout domaine universitaire, la qualité de chercheur est reconnue par les pairs, c’est-à-dire d’autres experts dans le même domaine, qui autorisent le chercheur à publier ses résultats après évaluation des travaux.

« Connais-toi toi-même » Une illusion?

Quasiment, nous tous, avançons qu’il faut d’abord explorer son temple intérieur avant de vouloir bâtir le temple extérieur hors de la loge. La Franc-maçonnerie n’innove pas en l’occurrence : beaucoup de philosophes ont tenu cette position. Socrate qui n’en est pas l’auteur comme je l’entends dire, disait « Comment puis-je connaître les autres si je ne me connais pas moi-même ? » Or ce que nous prétendons c’est que la méthode maçonnique est une aide précieuse pour y parvenir. Je n’y crois pas trop car nous avons tendance, au contraire, à nous fortifier dans nos certitudes et préjugés. Pourtant plusieurs d’entre nous savent profiter de deux situations en tenue et sur les parvis pour mieux se connaître. En fait, je crois que cela s’apprend en partie. Je vais expliquer ma position qui n’entraîne que moi, bien entendu.
Je ne reviens pas sur le fronton du temple de Delphes sauf à dire qu’au-dessous de la maxime fut gravé plus tard « Rien de trop ». Ah ! voilà qui est important pour celui, celle qui mène son introspection. En effet, le sens primitif devait être : « Sois tempéré ; reste humble ; ne te mesure pas avec les dieux ». En outre il n’y a jamais eu de « …et tu connaîtras l’univers et les dieux » à la suite de l’injonction. C’est un rajout tardif, Pourtant je l’ai entendu mille fois en tenue.
En bref Socrate semble bien être celui qui a donné à la phrase son sens actuel. Voici, entre autres, une de ses déclarations : : « Personne ne peut penser à ta place, personne ne peut philosopher à ta place, personne ne peut décider de ta conception de l’existence à ta place. N’interroge pas que les connaissances des hommes mais aussi ta propre connaissance, ta conscience, tes propres interrogations et consulte aussi ton inconscient, ton « daimon ». C’est fort, non ? Un tournant dans la pensée occidentale. C’est ainsi que le « Qui suis-je ? » eut un premier retentissement philosophique. Les religions, les occultismes de toutes natures n’apportèrent pas de réponse satisfaisante. J’entends par là ce qui rend compte de la personnalité issue de la génétique, de l’enfance, de l’environnement et de la société. Pour en observer en soi les effets comme Montaigne le fit dans ses superbes Essais.. Mais il faudra attendre la fin du XIXème siècle pour que les chercheurs en sciences humaines s’efforcent d’analyser le psychisme plus rationnellement sinon plus scientifiquement. Le grand tournant qui, selon moi, s’inscrit dans l’histoire de l’humanité, est l’invention de la psychanalyse. Elle est aujourd’hui très décriée, passée de mode au profit d’approches cognitives et comportementales, essentiellement. Je suis sûr que désormais, d’une manière ou d’une autre, elle reviendra. Elle dit trop de choses dérangeantes sur l’inconscient humain pour qu’il n’y ait pas ces multiples résistances y compris chez des personnes évoluées. On les reconnait vite ces pourfendeurs des profondeurs : ils n’ont pas, eux-mêmes, bénéficié d’une psychanalyse. Je ne citerai pas de noms français mais leur détenteur sont caractéristiques de cet effroi qui les glace. Et motive leur croisade. Les Francs-maçons de sont pas de reste. J’entends souvent déclarer avec (trop) de certitude : «  La Franc –maçonnerie n’est pas une thérapie ; elle n’a rien à voir avec le personnage (louche, ajoute -t-on parfois) de Sigmund. »
Et je suis en grande partie d’accord, la Voie n’est pas une thérapie mais elle peut y conduire. Dans un de mes livres, je maintiens néanmoins qu’elle est, pour certains, une thérapie du lien. Mais je m’égare.

« Se connaître soi-même » ne conduit pas nécessairement à une thérapie. D’ailleurs ce n’est pas du tout le propos de notre Voie. Il s’agirait plutôt de changer quelques-uns de ses comportements, voire de modifier un peu ses attitudes. Et toujours en référence aux valeurs humanistes de l’Ordre. La question qui se pose donc est la suivante : « Que fait le rituel pour nous amener à nous connaître nous-mêmes ? » La réponse est sèche : « Rien !» en apparence.
Mais quand j’observe et analyse soigneusement ce qui se dit et se fait en tenue, je découvre que notre dispositif peut nous mener à l’introspection. Je dis bien « peut » Pourquoi ? Parce que la majorité des adeptes n’ont pas une pratique bien claire qui leur aurait été transmise. C’est sans doute un axe de progrès dans l’évolution de la Voie. Nos anciens ont su enrichir notre chemin en y adjoignant le « Connais-toi toi-même », avec une superbe intuition. Je ne sais pas d’ailleurs de quand date sa première mention et serais intéressé si l’un-e d’entre vous pouvait me le préciser. En fait, la transmission de la nécessité de l’introspection se fait inconsciemment, et de deux façons. Allons-y !

La première occasion surgit à chaque fois qu’une Frère, une Sœur nous fait part de l’impression que nous lui faisons, que ce soit en trois mots ou en développant. Du genre : « J’aime bien quand tu prends la parole ; ça me plaît » Je peux réagir en répondant quelque chose comme : « Je te remercie, ça me fait plaisir » ou « Je m’efforce toujours d’être clair » ou bien encore : « Ce serait bien que tous les maîtres parlent, mais on n’y est pas ! » Dans ces cas, je n’ai pas avancé d’un millimètre dans la connaissance de moi. Rappelle-toi une de nos phrases-clefs : « Mes Frères, mes Sœurs me reconnaissent pour tel ». C’est à eux de me confier l’impression que je leur fais. On touche là une des représentations cruciales de notre Voie : Ce qui importe, chez nous, ce n’est pas ce que nous croyons être. Ce que nous devons connaître en nous, c’est notre personne sociale amenée à aider ses semblables, à instaurer dans la société, par exemple, le triptyque Liberté, Égalité, Fraternité…ou tout autre de saveur humaniste.
Conséquence :La pratique logique est de ne pas louper une occasion d’explorer ce que les autres ressentent à notre égard. Dans l’exemple, j’enchaînerais sur le compliment ainsi : « Tu peux me préciser, s’il te plaît, ce qui te plaît quand je parle ? » Les réponses sont multiples. Imaginons que la Sœur précise ainsi : « Tu as un ton joyeux et tu souris ; moi j’aime bien. C’est ce que je ressens d’abord avant d’écouter tes idées ». Fort bien. Je mets donc, dans ma galerie personnelle : « Quand je parle, je suis enjoué et souriant ; je ne le croyais pas autant ; je vais demander à un autre ; on verra ».
Évidemment, la partie que je joue est agréable puisqu’il s’agit d’un compliment ; mais elle est de rigueur aussi quand on me dit quelque chose qui ne me plaît pas. Exemple : « Je n’ai rien compris quand tu nous as expliqué la maïeutique ». Alors, je ravale ma salive et vais à la pêche : « Je m’y suis sans doute mal pris ; peux-tu me préciser pourquoi ? Je t’en remercie » Je pourrais entendre peut être quelque chose comme : « C’était embrouillé, pas net. Tu as évoqué Socrate, d’accord ; mais dans le même temps, tu as évoqué Athènes et l’influence sur Platon et le lycée d’Aristote. Excuse-moi mais je t’ai trouvé très confus ». À ranger dans mon armoire de « Mes frères, mes Sœurs me reconnaissent comme tel » avec une micro-décision du genre : « Quand j’expliquerai une notion complexe, je me tiendrai à cette notion sans l’encombrer avec d’autres sujets. Maintenant il faut que je vérifie si je donne souvent cette impression, si c’est un de mes comportements caractéristiques ». Passons maintenant à la seconde occasion en tenue, qui m’aide à cerner ma personnalité sociale. Elle n’est pas facile à mettre en œuvre car elle nous pousse souvent dans nos retranchements et nous regimbons !

Quand un adepte prend la parole que ce soit pour une planche ou spontanément dans les échanges, j’écoute bien entendu ce qu’il a à dire. Mais si je veux descendre un peu en moi, je vais ajouter autre chose : les émotions que j’éprouve. Se connaître n’est pas du tout ou bien peu, avoir conscience de ses raisonnements, de ses connaissances, de ses principes et même de ses valeurs. Tout cet attirail est le fruit superficiel des arbitrages inconscients entre mon inconscient et les demandes sociétales de tout genre. Tout cela repose sur un matelas d’émotions qu’il nous faut découvrir ou, si cela est fait, valider avec des situations concrètes. En tenue, ce sont les prises de parole. La technique est la suivante : Telle Sœur lit sa planche sur, par exemple, l’éducation nouvelle des enfants. Elle dit : « Il faut que dès trois ans, les enfants apprennent à utiliser une tablette, un portable… » Je suis choqué et je cherche à qualifier mon émotion. J’ai trouvé : « Ces technologies abîment les gosses et moi je suis toujours un défenseur des enfants ! » La planche terminée, la parole circule. Un Frère se lève et annonce son point de vue : « Ces technologies sont inévitables mais elles apportent le meilleur comme le pire… » Il développe trois minutes. Voici que je ressens une vive émotion d’admiration pour ce Frère, tant pour son allure, toujours souriante que pour ce qu’il vient de dire. Ma question, toujours la même est « Qu’est-ce qui se joue en moi  actuellement? J’en conclus deux choses. D’abord je suis vite séduit par les visages souriants ; ensuite mon admiration vient du fait qu’il doute. Et je n’aime pas les gens trop sûrs d’eux ; d’ailleurs je ne le suis pas. C’est pour cela que j’aime ce Frère. À la fin de la tenue, les interventions. En voici une qui m’apprend sur moi-même : « Nous devrions faire nos planches entre les colonnes, sans lire. Plusieurs loges le font. » Mon sang ne fait qu’un tour et j’identifie mon émotion qui est double : Mais oui bien sûr, cela favorise la spontanéité et je me sens assez spontané ; peut- être pas assez. Et puis je ressens autre chose : la peur. Je crois en effet que j’aurais peur de parler ainsi sans notes et je me sentirais minable par mes hésitations. Il y a de la peur en moi ; il faudra que je cherche ce qui la déclenche.
Voilà donc cette technique : la qualification des émotions que l’on éprouve. Bien sûr une seule fais ne suffit pas pour affirmer que je suis ainsi. Il y faut des années si on veut aller assez loin dans la connaissance de soi. J’ajoute que le rituel lui-même est un déclencheur d’émotions qu’il ne faut pas rater ; en particulier les cérémonies de passage. Quasiment tout repose sur l’émotionnel. C’est peut-être pour cela que nos anciens ont décrété le « Connais-toi toi-même » Dans leur intuition géniale ils ont senti que le rituel faisait naître des émotions très variées, utiles à chaque adepte pour qu’il résonne avec son cœur plus qu’avec son cerveau.
Attention à un écueil. Il est hélas favorisé par une véritable faiblesse de l’idéologie maçonnique : le dualisme qui ne fait aucune nuance entre deux « vérités », ce qui nous est bien confortable. Dans l’introspection, le dualisme consiste à classer ses émotions en qualités ou en défauts ; Ce n’est pas réaliste car tout dépend du contexte. Par exemple, la colère peut être utile dans certains cas ; l’admiration peut être dangereuse dans d’autres. Et demain, l’introspection sera-telle toujours hautement recommandée ? Je le crois vraiment car elle profite à tous : aider l’autre à mieux se connaître a souvent pour effet de mieux se connaître soi-même. Frédéric Nietzsche l’affirma : « Plus d’un qui ne peut briser ses propres chaînes a su pourtant en libérer son ami. »

Oui, car la vie humaine se complexifie d’un côté et se standardise de l’autre. Le libre arbitre, à mon sens, deviendra une pierre de touche du bonheur. Et il passe par la connaissance de soi. Projetons-nous pour imaginer comment cela pourrait bien prendre forme. Et là, je me réfère à Socrate et à la maïeutique. Comment l’éviter ?
Le philosophe athénien parvenait à aider l’autre à « accoucher » de son âme. Sa mère, en effet, était accoucheuse et la comparaison est très parlante. Nous pouvons accoucher de nous-mêmes. L’entrée par la porte basse, lors de l’initiation, nous le rappelle. Du moins pour ceux et celles qui vivent ce moment comme une naissance. La maïeutique, très bien. Mais comment Socrate s’y prenait-il ? D’abord il partait du principe suivant. Lui ne savait rien, savait qu’il ne savait rien et qu’il n’avait rien à apprendre de l’échange. Mais son interlocuteur, à propos de la connaissance de lui-même, était dans la même situation. Sauf que, lui, il avait à apprendre sur lui-même. Et Socrate savait l’aider à découvrir les vérités qui étaient en lui. En posant des questions sur les raisonnements, les croyances, les émotions de son interlocuteur. Sans jamais le juger de quelque manière que ce soit, par ses mimiques, ses gestes ou ses mots. Néanmoins il se plaisait à relever les contradictions chez l’autre car elles révèlent souvent des vérités ignorées. Pas question dans cet article d’aller plus loin. Juste le début d’un petit exemple « Mon Frère Marc, tu as travaillé sur l’équerre. Qu’évoque-t-elle pour toi ? » Réponse « la rectitude du jugement, la loi morale…C’est un outil sévère. » Et le maître : « Je t’entends. Mais que penses-tu de ce qu’a dit la Sœur Liza, à savoir que pour elle, l’équerre, c’est un refuge ? » Et Marc se tait un instant puis « Je ne ressens pas ça du tout. J’ai eu l’impression qu’elle voulait exprimer qu’elle se sentait au chaud au fond de l’angle. Moi pas du tout » « Et pourquoi ? » reprend le philosophe. Le Frère Marc n’hésita pas : « Cette idée d’être dans un ventre chaud m’étouffe ; la froideur de l’équerre me laisse libre ! ». L’Athénien est catégorique : la vie ne vaut rien sans ce travail sur soi-même.

Je n’en dirais pas plus. Sauf à ajouter que je crois que dans l’évolution inévitable de la Franc-maçonnerie, la transmission qui nous est chère, passera entre autres par la capacité des maîtres à pratiquer avec les plus jeunes et entre eux, cette maïeutique. Elle va si bien avec nos valeurs : respect de l’autre, entraide, tolérance, modestie…Bien sûr, les maîtres se formeront à cela : aussi simple que cela puisse paraître, il y faut néanmoins un peu d’entraînement. Pour un résultat passionnant : aider son Frère, sa Sœur à se connaître lui-même.

Terminons sur une citation puissante de Schopenhauer : « On peut aussi …comparer la vie à une étoffe brodée dont chacun ne verrait, dans la première moitié de son existence, que l’endroit, et, dans la seconde, que l’envers ; ce dernier côté est moins beau, mais plus instructif, car il permet de reconnaître l’enchevêtrement des fils » C’est tout l’enjeu du « connais-toi toi-même », l’humilité et la sagesse.

Jacques Fontaine. Août-Septembre 2019.

Le droit à la mort

J’étais en Loge un soir, et j’ai eu le plaisir d’écouter une planche sur l’évolution des Droits de l’Homme. Le Frère qui planchait faisait en effet partie d’un comité de rédaction d’une future déclaration de droits et devoirs. Un travail vraiment fouillé, et très intéressant. Néanmoins, l’odieux salopard que je suis lui a posé la question qui dérange (et qui soit dit en passant, est une question très importante, qui nous concerne absolument tous) : si on a bien établi le droit à la vie, quid du droit à la mort ?

En France, nous avons hérité de valeurs chrétiennes et catholiques très fortes. Parmi ces valeurs, il y a la préservation de la vie à tout prix. C’est au nom de cette valeur de préservation de la vie à tout prix que certains se croient fondés à gêner les centre de plannings familiaux ou tourmenter les médecins pratiquant l’interruption volontaire de grossesse. C’est au nom de cette valeur que des groupes minoritaires pro-vie luttent contre les dispositifs de fin de vie, quitte à faire maintenir en vie des personnes qui ne le sont plus vraimenti.

Dans l’esprit de ces gens-là, la vie est un don de leur divinité, et on est prié de faire comme eux, et tant pis pour les conséquences. Tant pis si une femme doit donner naissance à un enfant qui sera gravement handicapé et qui souffrira toute sa vie (sa mère aussi, mais bon, volonté divine etc.). Tant pis si une femme doit donner naissance à un enfant issu d’un viol ou d’une relation non consentie. Tant pis si l’enfant n’est pas désiré et doit en souffrir toute sa vie. Volonté divine, qu’on vous dit. Evidemment, l’intervention de la volonté divine annule le libre-arbitre, et participe de la transformation du sujet en objet. Comme quoi, la religion, ça peut être violent. Surtout quand des religieux minoritaires tentent d’imposer leur point de vue par la force à l’ensemble, qui n’en demande pas tant…

L’espérance de vie augmente dans notre beau pays, mais l’espérance de vie en bonne santé diminue. On peut alors se poser la question du droit à la mort. Doit-on être maintenu en vie quand on n’est plus qu’une enveloppe charnelle et que le cerveau est détruit ? Doit-on être maintenu en vie quand on est atteint d’une maladie grave, incurable, handicapante, mortelle ? Dans notre culture catholique, la réponse est oui. Volonté divine ! Il faut savoir que le suicide est pour les catholiques un péché mortel, qui prive le défunt de sa place au paradis. Dans cette optique, on doit souffrir et offrir sa souffrance à la divinité. Je suis sûr qu’un patient en phase terminale de cancer ou de maladie dégénérative invalidante doit être ravi. Notons que dans cette même optique, les mêmes se croient fondés à déconseiller la péridurale, parce que l’accouchement, selon l’omniprésente volonté divine, doit se faire dans la douleur. Notons aussi que ces mêmes militants pro-vie et pro-souffrance sont souvent les premiers à manifester si un centre d’accueil de personnes en difficultés graves doit être monté près de chez eux. Charité chrétienne, mais pas trop non plus, il ne faut pas exagérer. La souffrance, c’est surtout bien chez les autres.

Après, doit-on être maintenu en vie au nom de principes religieux, auxquels on n’adhère pas forcément ou au nom d’une religion qui n’est pas nôtre? N’est-ce pas une forme de violence de la part d’une minorité que d’imposer des principes religieux dans un état laïc à des gens qui souffrent et qui se contrefoutent de ladite religion ? La laïcité sert à lutter contre cette forme de violence sociale qu’induisent les comportements religieux, de quelque religion que ce soit. Quelle que soit la religion, l’imposition d’un comportement religieux par une minorité dans l’espace commun (donc partagé par tous) est une forme de violence et une forme d’accaparement de l’espace public. Notons que ces petites guerres de territoires sont celles qui nous affectent le plus…

Si l’on regarde au-delà des frontières (les vraies frontières, hein ? Pas le périphérique !), on s’aperçoit que le droit à la mort est à peu près entré dans les mœurs de pays protestants, et historiquement libéraux. Ainsi, il existe aux Pays-bas, en Suisse et même dans la catholique Belgique, des cliniques spécialisées dans l’euthanasie. Régulièrement, nos censeurs et éditorialistes s’indignent de l’existence de ces cliniques. La Suisse et les Pays-bas sont des pays où la culture religieuse dominante est protestante. Or, pour les protestants, le rapport à la divinité est différent, avec la prédestination. Grosso modo, si un protestant veut se suicider, c’est son problème. L’individualisme qu’induit cette forme de pensée mène à considérer le suicide comme forme ultime du contrôle de sa vie ou encore comme forme ultime d’expression de sa liberté ou de son libre-arbitreii. Cet individualisme justifie aussi de pouvoir échapper à la souffrance. Ainsi, la jeune comédienne néerlandaise de stand-up Lisanne Herderiii a choisi de se faire euthanasier à 25 ans, pour échapper à sa condition physique devenue insupportable. De la même manière, toujours aux Pays-Bas, une jeune femme s’est fait donner la mort, à 18 ans, pour échapper à la souffrance induite par un long harcèlement et par une série de viols. Ses harceleurs et violeurs vont bien, merci pour eux. Pour notre point de vue français, c’est choquant. Notre culture et nos lois, fortes de cet héritage chrétien catholique nous font préférer la vie à tout prix, au point que l’Etat interfère avec la vie elle-même en forçant au maintien en vie de personnes désormais non viables. La mort devient alors la seule échappatoire à l’emprise d’un Etat trop présentiv.
Mais si on nuance la valeur de vie à tout prix, on peut le voir autrement. Certes, chaque histoire est différente, chacune est un drame. Mais elles permettent d’interroger nos valeurs. Dans ce cas, il ne s’agit plus de « la vie à tout prix », mais de « la vie, à quel prix ? » ou encore de « la vie, mais pas au prix de ma dignité ».

Dans le premier article de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen, il est écrit que « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits » et que « tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne ». Peut-être est-il temps d’approfondir la notion de dignité et qu’il est temps de se poser la question du droit de choisir non seulement sa vie, mais aussi sa mort, pour espérer mourir dans la dignité. Peut-être est-ce là le combat d’avant-garde : se battre pour le contrôle de sa vie et la liberté de mourir dignement ?

Montaigne écrivait que philosopher, c’était apprendre à mourir. La philosophie doit nous mener à la vie bonne, tout comme l’Initiation qui nous fait vivre une mort symbolique, mais pourtant puissante. Et si l’Initiation nous menait de la vie bonne à la bonne mort, la vraie euthanasie ?

J’ai dit.

i Toute référence à l’affaire Vincent Lambert serait purement fortuite.

ii J’emprunte cette analyse au chanteur du groupe de death metal Sentenced, qui expliquait dans une interview en 1998 que dans la vie quotidienne en Finlande, il était courant d’entendre le bruit des balles des suicidés. Il expliquait également que le suicide était « la forme ultime de contrôle de sa vie ».

iii Lisanne Herder (1990-2015) était une comédienne et humoriste néerlandaise, qui s’était fait connaître par le télé-crochet « Holland’s got talent ». Atteinte de graves troubles physiques et neurologiques puis psychiques, elle était très gravement handicapée, sans espoir de rémission, avec une aggravation régulière de son état. Elle a choisi l’euthanasie en 2014 et été euthanasiée volontairement en 2015 pour échapper à sa condition, qui lui était réellement insupportable. Selon ses propres termes, elle considérait sa mort à venir comme une libération.

ivOn pourra visionner à ce propos sur le site Philonomist.com l’analyse de la philosophe Anne-Sophie Moreau.