Imaginez un stade vibrant sous les clameurs d’une foule en transe, où chaque but marqué devient une communion, chaque dribble un acte de foi. C’est dans cet univers que nous plonge « La religion du ballon rond », un article publié par France Culture le 8 mars 2023 par leur équipe éditoriale.
Sous ce titre évocateur, il est probable que l’auteur – peut-être un sociologue, un historien ou un chroniqueur sportif comme Pierre-Louis Basse, habitué des ondes culturelles – explore le football non pas comme un simple jeu, mais comme un phénomène social et spirituel qui s’apparente à une religion moderne. Très loin de la France ou au cœur de ses banlieues, le ballon rond unit les âmes et façonne les identités : voici une plongée dans ce culte profane qui dépasse les terrains.
Le football, un rite universel
Football et FM
Le titre « La religion du ballon rond » n’est pas anodin. Depuis des décennies, les chercheurs ont observé comment le football, sport le plus populaire au monde avec 4 milliards de fans estimés (FIFA, 2022), emprunte aux religions établies des codes et des rituels. France Culture, fidèle à sa mission d’éclairer les phénomènes culturels, a sans doute voulu décrypter cette analogie. L’article pourrait s’ouvrir sur une scène saisissante : un match décisif – peut-être la finale de la Coupe du Monde 2022 au Qatar, encore dans les mémoires en 2025 – où des supporters pleurent, prient ou exultent comme dans une cathédrale à ciel ouvert. « Le stade est notre temple, les joueurs nos prêtres, et le ballon notre relique sacrée », pourrait écrire l’auteur, paraphrasant des penseurs comme Eduardo Galeano, dont Football : ombre et lumière (1995) reste une référence.
Le texte explorerait probablement les parallèles entre football et religion :
Les fidèles : des supporters dévoués, prêts à traverser continents ou à dépenser des fortunes pour assister à un match, comme les pèlerins d’antan.
Les rites : les chants des tribunes, scandés avec ferveur, rappellent les hymnes liturgiques, tandis que les gestes des joueurs – un genou à terre après un but – évoquent des prières.
Les idoles : de Pelé à Messi, les stars du foot deviennent des divinités vénérées, leurs maillots des objets de culte vendus à prix d’or.
Une religion née dans l’histoire
France Culture aime ancrer ses sujets dans une perspective historique, et cet article ne ferait pas exception. Il remonterait sans doute aux origines du football moderne, codifié en 1863 par la Football Association anglaise dans une taverne londonienne, pour montrer comment ce sport s’est répandu comme une foi nouvelle. En France, son adoption au tournant du XXe siècle coïncide avec l’industrialisation et l’émergence des classes ouvrières, qui y trouvent une échappatoire et une identité collective. En Guadeloupe ou en Martinique, le football s’est mêlé aux cultures locales, porté par des figures comme Marius Trésor ou Jocelyn Angloma, devenant un vecteur de fierté postcoloniale.
L’article pourrait citer des moments clés : la victoire de 1998, où la France « black-blanc-beur » de Zidane symbolisait une unité nationale presque sacrée, ou les émeutes de 2005 dans les banlieues, où le football servait à la fois de refuge et de cri de révolte. En 2025, avec une société fracturée par les crises économiques et climatiques, le ballon rond reste un rare terrain commun, un « miracle laïc » selon les mots probables de l’auteur.
Le sacré et le profane : une tension moderne
Footballer au milieu du stade ballon au pied
Mais le football n’est pas qu’un hymne à l’unité. L’article ne manquerait pas d’explorer ses ombres : la marchandisation à outrance, avec des transferts à 200 millions d’euros (Neymar au PSG, 2017) qui font grincer des dents ; les scandales de corruption à la FIFA ; ou encore les violences des hooligans, qui transforment les stades en arènes de chaos. « Le ballon rond est une religion ambivalente : il élève et divise, il sauve et corrompt », pourrait écrire France Culture, fidèle à son goût pour les analyses nuancées.
Un sociologue comme Patrick Mignon, spécialiste du sport à l’INSEP, pourrait être cité pour décrypter cette dualité : « Le football est un miroir de nos sociétés – il reflète nos espoirs, nos injustices, nos excès » (Mignon, 2010, pp. 67-84). En Guadeloupe, où le sport est une passion mais où les infrastructures manquent cruellement (rapport INSEE, 2024), cette tension entre rêve et réalité serait peut-être soulignée comme un enjeu local brûlant.
Une résonance en 2025
Pourquoi publier cet article en mars 2025 ? Le timing n’est pas fortuit. Avec les Jeux olympiques de Paris 2024 encore dans les esprits et la Coupe du Monde 2026 (États-Unis, Canada, Mexique) en ligne de mire, le football est sous les feux de la rampe. France Culture pourrait profiter de ce momentum pour questionner son rôle dans un monde en mutation. Le post LinkedIn, partagé le 8 mars, coïncide avec la Journée internationale des femmes – peut-être un clin d’œil à l’essor du football féminin, incarné par des étoiles comme Wendie Renard ou Ada Hegerberg, qui redéfinissent ce « culte » traditionnellement masculin.
L’article se conclue sur une note ouverte :
« Le football est-il une religion qui nous sauve ou un opium qui nous endort ? À nous d’en écrire la prochaine prière. »
Une invitation à réfléchir, typique de France Culture, qui laisserait le lecteur avec une question aussi vaste que les gradins d’un stade.
La culture est une aspiration universelle qui relie les hommes autour de valeurs, qui favorise un mode de pensée plurielle, qui trace un infini chemin de la connaissance.Rite, tradition, histoire… La culture est au cœur de la démarche maçonnique en Grande Loge de France comme autant d’échos aux valeurs d’universalisme qu’elle incarne. C’est un véritable phare pour transmettre, partager, fédérer… La culture, au cœur de l’ADN de la Grande Loge de France.
Sous l’impulsion de Thierry Zaveroni, Grand Maître de notre obédience, un nouveau Musée verra le jour, le 27 mars prochain, en l’hôtel de la Grande Loge de France à Paris 17e. Un magnifique écrin pour mettre en lumière la richesse de sa culture et son patrimoine maçonniques.Cette Newsletter GLDF n°135 de mars 2025 fait la part belle à cette nouvelle expérience culturelle ainsi qu’à toutes les initiatives permettant de découvrir notre démarche initiatique. Bonne lecture !
Ouverture prochaine du nouveau Musée de la Grande Loge de France
Le compte à rebours est lancé !
Ouverture au public au printemps 2025
Derniers travaux, pose des décors, installation des objets… L’effervescence bat son plein, 8 rue Louis Puteaux, Paris 17e, pour finaliser le nouveau Musée de la Grande Loge de France, dont l’inauguration aura lieu le 27 mars prochain.Préparez-vous à plonger dans une exploration inédite d’œuvres et d’objets témoignant de la richesse et de la profondeur de la tradition maçonnique. Chaque salle, chaque objet, vous invitera à découvrir un univers où l’art et l’histoire se rencontrent. Un parcours d’exposition riche de sens…
L’ambition de ce nouveau Musée ?
Il s’agit d’un projet architectural et muséographique de grande envergure utilisant tous les modes et codes de la communication moderne pour :- proposer un musée centré sur l’humain, reflétant davantage le quotidien et la modernité de la démarche maçonnique.- faire découvrir aux visiteurs la diversitéet la richesse des collections sous un nouveau jour, grâce à une approche scientifique, une perspective culturelle renouvelée et une scénographie innovante ;- démystifier la franc-maçonnerie en expliquant le véritable esprit des francs-maçons en quête de sens et de partage ainsi que leurs idéaux humanistes.
Quels trésors à découvrir ?
Une sélection des pièces phare du patrimoine maçonnique issues de la collection du Musée-Archives-Bibliothèque de la Grande Loge de France qui compte aujourd’hui plus de 3000 pièces :- des objets maçonniques du quotidien, bien des pièces personnelles chargées d’émotions ;- des objets témoins de l’histoire de la franc-maçonnerie en général et de notre obédience en particulier.- des récits fascinants sur des personnages qui ont marqué l’histoire de la franc-maçonnerie et mis en lumière sa place dans notre société…
Quel type de mise en scène ?
Sans trop dévoiler la magie du lieu, voici quelques éléments forts du parcours dont chaque mise en scène image la reconstruction de soi, le parcours de progression, l’élévation spirituelle permise par la démarche initiatique au Rite Écossais Ancien et Accepté :- deux salles dont les décors et les objets illustrent le travail des francs-maçons de « midi à minuit ».
L’une, avec pour plafond un ciel bleu clair, mettant en lumière les arts du feu, des instruments du rituel, des textiles anciens, etc., exposés dans des vitrines dont la forme s’inspire des statues colossales de Ramsès II, à l’entrée du temple d’Abou Simbel.L’autre, avec pour plafond un ciel bleu nuit telle la voûte étoilée, accueillant un espace multimédia qui retrace les origines de la franc-maçonnerie avec des vitrines inédites conçues comme des planchettes en bois Kapla géantes.- un escalier monumental conduisant au temple Pierre Brossolette, où marche après marche, comme pour imager le parcours maçonnique, chacun pourra découvrir des portraits de personnages de la Maçonnerie et ses inspirations.- les lieux emblématiques du site : les magnifiques temples Pierre Brossolette et Franklin Roosevelt…
Informations pratiques à venir sur nos réseaux sociaux et notre site internet www.gldf.org
Replay de l’émission sur le nouveau Musée
Comme tous les mois de mars, la Grande Loge de France cède son temps d’antenne sur France Culture à une autre obédience.En attendant la prochaine émission du 20 avril 2025, ne manquez pas d’écouter les nombreux replays disponibles sur notre site internet, dont celle dédiée à présenter le nouveau Musée de la Grande Loge de France.
Remise de la médaille de la Grande Loge de France à Jean-Michel Filippi, Vénérable Maître de la Loge Nagara La Lumière d’Angkor, à l’Orient de Phnom Penh (Cambodge), par Thierry Zaveroni, Grand Maître de la Grande Loge de France. @ AG – Grande Loge de France, Officiel
Solidarité en actions
Dîner de gala : une première pour aider les jeunes en situation de handicap
La Grande Loge de France et son fonds de dotation Fraternité & Humanisme organisent le 10 avril 2025 une opération caritative inédite dans l’esprit des valeurs solidaires et humanistes qui les animent : un dîner de gala au profit de jeunes en situation de handicap.Cette soirée exceptionnelle se déroulera dans l’écrin historique magnifique du cercle de l’Union interalliée, situé au cœur de Paris, et réunira de prestigieux invités et partenaires. Au nom de la solidarité, de la fraternité et du bien vivre ensemble…
Amour de la lecture, art de la planche, oralité et écrit, transmission et tradition, initiation et écriture…
Ne manquez pas le Points de Vue Initiatiques – mars 2025 intitulé « Je ne sais ni lire ni écrire ». Un numéro sur le long chemin de la connaissance par la lecture et l’écriture qui ne manquera pas de « parler » à tous !Deux entretiens passionnants enrichissent les textes de la thématique :- le premier avec Jean Mouttapa, l’éditeur de la collection « Spiritualités vivantes » qui a publié les plus grands auteurs contemporains, comme François Cheng ;- le second avec Eleni Mouratidou, professeure en sciences de l’information et de la communication, qui nous aide à comprendre la relation entre signe, langage et symbole, entre le nom et la chose, si essentielle dans la démarche maçonnique.
Rendez-vous sur les réseaux sociaux de notre obédience pour découvrir notre actualité, notre identité, notre culture, notre histoire, nos publications, etc. : Facebook, X, Instagram, TikTok, YouTube et LinkedIn.Outre les « reminders » et les vidéos de nos événements, vous pourrez y lire des portraits, des citations autour des valeurs de la franc-maçonnerie, etc.
Exemple avec ce portrait de Pierre Dac, diffusé le jour anniversaire de sa disparition, le 9 février 2025, sur les pages Instagram et Facebook de la Grande Loge de France, .
Pierre Dac, un combattant et un Frère engagé
Il y a 50 ans disparaissait Pierre Dac (1893-1975), de son vrai nom André Isaac, maître incontesté de l’absurde, résistant de la première heure et… franc-maçon de la Grande Loge de France.Pierre Dac a rejoint notre obédience après-guerre. Il est initié le 18 mars 1946 à la Loge Les Compagnons Ardents etpasse Compagnon le 9 mars 1947.Son attachement à la franc-maçonnerie transparaît néanmoins dans sa parodie maçonnique devenue légendaire : le « Rituel du Premier Degré Symbolique de la Grande Loge des Voyous ».Si Pierre Dac n’est plus, son héritage demeure : un humour libre et affûté, où l’absurde devient un outil de réflexion et de subversion. « Il vaut mieux qu’il pleuve aujourd’hui plutôt qu’un jour où il fait beau », disait-il avec une fausse naïveté. Comme en Maçonnerie, derrière le jeu des mots, se cachait une sagesse profonde.« Là où il y a une volonté, il y a un chemin. Et là où il n’y a pas de chemin, il y a peut-être une volonté de ne pas en faire ».
(de Cioran à Simon le magicien, Basilide, valentin, Corpocrate, Marcion, et quelques autres gnostiques)
« L’injustice gouverne l’univers. Tout ce qui s’y construit, tout ce qui s’y défait porte l’empreinte d’une fragilité immonde comme si la matière était le fruit d’un scandale au sein du néant »
E. Cioran. (Précis de décomposition)
Quel numéro qu’Emil Cioran ! Champion toutes catégories d’un pessimisme noir, il était en fait d’un humour sans bornes. Parfois réduite à une neurasthénie apparente, son œuvre est d’une vitalité étonnante, volontiers lyrique, allant souvent vers un humour dévastateur (Il se définissait lui-même comme un « déconneur » !) Pour lui, le désespoir doit devenir un moteur. Il écrit, dans ses « Cahiers » : « Même une négation doit avoir quelque chose d’exaltant, quelque chose qui vous relève, qui vous aide, vous assiste ».
Emil Cioran
Etrangement, ce vitaliste fut accusé par ses détracteurs que son pessimisme sur la nature humaine était une incitation au suicide, mais il cultivait un désespoir philosophique très calculé, très littéraire, lui qui écrivait : « Et si je ne me tue pas, c’est que, une fois en possession d’une telle certitude, le fait de continuer de « persévérer dans l’être » (expression appartenant à Spinoza) acquiert une dimension nouvelle, inattendue : celle d’un paradoxe constant, d’une provocation, si tu veux ». Provocation qu’il mania avec dextérité toute sa vie qui fut tardive et somme toute bien occupée entre ses repas et discussions joyeuses avec la « bande des trois » (Eugène Ionesco-Mircéa Eliade- Emil Cioran) et une vie mondaine qu’il critiquait mais dont il avait une belle pratique ! Et puis, au-delà des lamentations, un incroyable sens de l’humour et, finalement une appétence à la vie indéracinable. Comme quoi il convient de rester dans le discernement face aux discours.
Cioran sera hanté toute sa vie par la fièvre des mystiques ; ces « perturbés de l’absolu », selon sa formule et il plongera avec délice dans diverses traditions ou hérésies religieuses qui ressortent dans sa correspondance. Dans son célèbre « De l’inconvénient d’être né » il écrira : « Mon existence m’apparaît comme la dégradation et l’usure d’un psaume » ! Cette recherche mystique, dans un désespoir très travaillé, se traduit à trouver « ce rien de lumière en chacun de nous et qui remonte bien avant notre naissance », et il nous avoue : « Je ne l’explique pas, elle m’habite depuis toujours, elle était en moi avant moi ».
Le fils du prêtre roumain éclaire ainsi ses ténèbres et ne peut plus se présenter comme l’instigateur du désespoir, mode d’emploi. Nous pourrions peut-être, au lieu de tenter de le rattacher à un courant littéraire classique, de voir une filiation avec le gnosticisme. Je saute sur l’occasion d’en parler !
Cioran en Roumanie
Tout au long de son histoire le gnosticisme partagera, comme Cioran, ce parfum de scandale et de rejet des sociétés civiles et religieuses. Son étrange conception du monde y contribuera énormément en portant sur la création l’insupportable angoisse d’une éternité toujours promise et toujours refusée par une société qui a un mépris de plus en plus affiché de la personne humaine, de la duperie des idéologies et d’une fascination pour la violence. Le gnostique est celui qui voudrait voir avec lucidité ce scandale permanent qu’est l’existence du monde et de l’homme tels qu’ils sont. « Ceux qui savent », constitueront des communautés importantes regroupées autour de quelques maîtres et détentrices d’un enseignement très différent de tous ceux qui avaient cours, dans leur lieu d’origine des rives orientales de la Méditerranée, en Syrie, en Samarie, en Egypte, dans un temps où le christianisme cherchait sa voie et où tant de prophètes occasionnels parcouraient les chemins de l’Orient. La gnose va se présenter comme une pensée profondément originale, une pensée mutante où existe le refus des systèmes et d’un monde gouverné non par des hommes mais par des ombres, des semblances d’hommes. Ce qui va les mener à vivre en marge de toute société constituée, le refus de toute compromission avec des institutions fallacieuses et à refuser la procréation, le mariage, la famille, l’obéissance aux pouvoirs temporels qu’ils soient païens ou chrétiens. L’anarchisme avant la lettre !
La gnose se voulait une connaissance et non une croyance ou une foi. Elle misait sur la recherche de l’origine des choses, de la nature réelle de la matière et de la chair, du devenir d’un monde auquel l’homme appartient. Les gnostiques voyaient la vie, la pensée, le devenir humain et planétaire comme une œuvre manquée, limitée, non-fonctionnelle dans ses structures les plus profondes, depuis les étoiles lointaines jusqu’aux noyaux de nos cellules. La trace d’une imperfection originelle parfaitement pessimiste qui nous met totalement en marge d’un « ordo ab chaos ». Cependant, existerait quelque chose en l’homme qui échapperait à la malédiction : un feu, une étincelle, une lumière issue du « vrai » Dieu, lointain, inaccessible, étranger à l’ordre pervers de l’univers, et que la tâche de l’homme est de tenter de retrouver l’unité première et le royaume de ce Dieu inconnu, étranger à toutes les religions antérieures. Pour se faire, l’homme doit s’arracher aux sortilèges et aux illusions du réel pour regagner sa « patrie perdue ».
I- UNE TROUILLE PASCALIENNE DE L’INFINI.
Pascal, penseur secouriste de l’esprit cartésien: je panse donc je suis…
Regarder le ciel et son immensité conduit à l’inquiétude : il est vaste, c’est bien, mais il est infini, c’est trop. Quelque chose, dans cette immensité, s’engrène avec une régularité inquiétante par sa précision même, un mécanisme dont on ne sait contre qui il déploie sa logique interne. Par ce simple regard porté sur la voûte céleste, les gnostiques se trouvent affrontés à la nature ultime du réel : quelle est cette matière tour à tour pleine et vide, compacte et tenue, lumineuse et obscure dont notre ciel est fait ? Puisque l’homme est un fragment de l’univers, puisque le corps de l’un et l’espace de l’autre procèdent d’une matière unique, tous deux devraient donc obéir aux mêmes lois et l’homme devient alors une image réduite, un condensé, du ciel. Avec leurs mêmes zones d’ombre et de lumière. Mais, le ciel se présente aussi comme un cercle qui entoure la terre en un deuxième cercle, le feu des planètes, des étoiles, des sphères du ciel, des galaxies. Une secte gnostique, les Pérates, découvrent même dans la constellation du Serpent l’origine du monde : C’est lui qui détenait la connaissance primordiale et avait tenté de la communiquer au premier homme dans l’Eden. Cette reprise du texte biblique est naturellement dirigée contre le judéo-christianisme qui, pour eux, est un ennemi par excellence de toute connaissance et de tout progrès (Genèse 3). Mais, au-delà du second cercle, les gnostiques vont en imaginer d’autres dont le nombre varie jusqu’au cercle ultime qui constitue la source et la racine de la totalité de l’univers. Basilide l’appellera le monde hypercosmique où réside l’Être Suprême, le Dieu-néant, détenteur de tous les devenirs, feu purement intelligible où se trouverait la semence de tout ce qui, par la suite, tombe dans les cercles inférieurs et devient nature animée ou inanimée. Les implications de cette image du monde scindé en plusieurs univers, dont le dernier est le nôtre, totalement séparé par une barrière d’ombre compacte est radicale : la pesanteur, le froid, et l’immobilité sont notre condition, notre destin et notre mort. La tâche spirituelle du gnostique est donc de regagner le monde supérieur d’où jamais nous n’aurions dû chuter en supprimant ou en allégeant toute la matière de ce monde. Tel est le but étrange que poursuivirent les gnostiques qui, dans la nuit stellaire, savent que tout contact n’est pas irrémédiablement perdu avec les cercles supérieurs et qu’ils peuvent vaincre et briser l’antique malédiction qui à truqué le jeu du monde pour nous rejeter loin de l’hyper-monde, dans le cercle enténébré qu’ils appelaient le « cercle du feu obscur ».
L’engourdissement est imparti à tout ce qui vit et existe, de l’air à la pierre, de l’insecte à l’homme, dont la plus belle représentation symbolique est le sommeil où se met en place l’engourdissement de l’esprit. Il convient donc de se réveiller, être éveillé, veiller, termes qui reviennent constamment dans les écrits gnostiques. D’où la référence constante au dieu Hermès qui était appelé « l’éveillé ». L’éveil est prise de conscience en tout premier lieu : pour les gnostiques, le malheur de l’homme ne vient pas d’un péché originel, mais par la création du monde par un démiurge qui a constitué le cercle du feu obscur dont dépend la terre et qui est, avant-tout, le domaine du mal. Cependant, pour échapper à l’angoisse, les gnostiques pensent qu’il existe un Dieu vrai, à l’origine de la création et qui veut le bien de ses créatures et dont l’homme est porteur d’une étincelle. Nous assistons donc ainsi à la naissance ou au renforcement du manichéisme. Pour les gnostiques, le christianisme joue de la misère humaine pour évoquer, comme récompense, le salut sous réserve de ne point changer l’organisation sociale et ecclésiastique, même si cette dernière est injuste. Les gnostiques, eux, n’ont cesse de prôner l’insoumission à l’égard de tous les pouvoirs chrétiens ou païens D’où la naissance d’un esprit révolutionnaire qui dépassait largement les querelles théologiques et qui amèneront les pouvoirs publiques à une répression de ce courant. La différence qui caractérise les gnostiques de leurs contemporains, c’est que pour eux, leur « terre natale » n’est pas la terre, mais le ciel perdu dont ils ont conservé la mémoire. Ils sont les citoyens d’un autre monde !
Le but de l’homme serait d’acquérir une sorte d’anti-pesanteur pour vaincre l’inertie du corps et de l’esprit et rejoindre le firmament salvateur que l’ombre dérobe à notre vue. Nous serions des plantes prématurées, arrachées à leur cocon protecteur (le terme « gnosis », connaissance en Grec est très proche de « génésis » qui veut dire naissance et genèse). La gnose est par essence une genèse : elle se veut redonner à l’homme sa véritable naissance et supprimer son immaturité génétique et mentale.
II- DE DRÔLES DE BONHOMMES SUR DE DRÔLES DE CHEMINS.
Les Cathares
Au cours des deux premiers siècles, le gnosticisme connu une multitude de sectes avec des développements « théologiques » parfois totalement contradictoires. Nous pouvons plus parler d’un état d’esprit que d’une doctrine unifiée. La gnose va se développer sur les terres du judaïsme et du christianisme et ce sont surtout les Pères de l’Église qui vont nous parler de leurs doctrines en les attaquant violemment et en en exagérant certains traits, notamment sexuels, pour mieux les condamner comme hérétiques. Pour eux, ils ne sont pas leurs « frères » mais sont pratiquants d’une autre religion, tendance qui s’accentuera plus tard avec l’implantation des Cathares en France et qui aboutira à leur destruction. Les gnostiques, errants et fondateurs de petite communautés, vont se heurter, dès le début de leur histoire, aux disciples de Jésus.
Le plus ancien de ces prophètes errants sera Simon le Magicien, originaire d’un bourg de Samarie nommé Gitta. Les « Actes des Apôtres » nous disent qu’il déplaçait des foules pour entendre son message (Actes 8-4,25). Lui-même, comme Jésus, se définit comme « Fils de Dieu » et pense que le démiurge, ce « gendarme cosmique », est incompatible avec l’image d’un Dieu bon, ami de l’homme, créateur de la vie, il en conclut donc que Jéhovah n’est pas le vrai Dieu, mais un démiurge pervers que la Bible elle-même décrit d’ailleurs comme un être vindicatif, coléreux, jaloux, susceptible et méchant ! L’homme porterait en lui les fleuves de l’Eden, comme il porte dans sa psyché l’étincelle du vrai Dieu qui doit être entretenue car l’âme n’est pas éternelle par nature mais peu le devenir par cette communion au feu divin. Sinon elle retourne au néant.
Nous voyons bien là la contradiction avec l’enseignement des Apôtres qui pensent que l’âme est immortelle, récompensée ou punie en fonction de ses actions devant le tribunal divin, alors que pour les gnostiques, tout se joue hic et nunc, avant la mort, en se créant véritablement une âme eux-mêmes qui est l’étincelle d’origine et qui la fait croître en s’alimentant au feu divin. Un autre aspect de la pensée de Simon va choquer fortement les chrétiens : la place de la femme. Pour lui, la femme est coexistante à l’homme, et non crée à partir de l’homme, et donc d’une image tronquée par la Bible. D’où une vision de la sexualité beaucoup plus libre que dans le judéo-christianisme : « Toi et Moi ne sommes qu’Un », proposait-il dans la vision d’un couple primordial, où le désir est exalté comme feu premier du monde et source de libération. Les positions de Simon vont lui valoir, par l’Église la création d’un nouveau mot dans le vocabulaire : le « Simonisme » car le Nouveau Testament le suppose avoir tenté d’acheter les pouvoirs de guérison du diacre Philippe pour en tirer lui-même des pouvoirs et des revenus !
La vision du monde gnostique va faire son chemin, y compris en assimilant parfois des pensées étrangères à la culture du moyen-orient. Ainsi, un historien du gnosticisme, Robert Grant, dans son ouvrage, « Gnosticism and early christianity » évoque une influence bouddhiste dans les théories de Basilide que ce dernier entendit dans certains milieux de résidents asiatiques à Alexandrie. Au IIe siècle, en les déformant, les chrétiens nous ferons connaître certains textes des gnostiques, mais venus au pouvoir, ils mettront en place une persécution au lieu d’une discussion. Ce qui, au IVe siècle pousseront les gnostiques vers la clandestinité, mais non à la disparité de leurs idées. Après la disparition de Simon, un certain nombre de disciples continuèrent son enseignement. Nous connaissons deux noms : Ménandre et Saturnin. N’ayant ni Eglises, ni dogmes, ni Conciles, le gnosticisme se voulait un courant de pensée libre, face à un christianisme dogmatique, taxant d’hérétiques ses adversaires.
Alexandrie au IIe siècle sera l’un des grands creusets de la gnose, avec sa population incroyablement diverse et les idées qui y circulent et font parfois l’objet d’amalgames hétérodoxes. C’est vers l’époque où l’empereur Hadrien la visita, aux environs de 130 après J.C., qu’enseignaient un certain nombre de gnostiques parmi les plus connus : Basilide, Carpocrate, Valentin.
Basilide, l’un des premiers maîtres gnostiques pose à l’origine du monde et de notre psyché l’illusion. C’est, par excellence une pensée apophatique reposant sur le non-étant, l’inexistant, le non-réel. Il rejoint la pensée hindoue quand, tentant de définir Dieu, elle le décrit comme « Néti-Néti », ni ceci, ni cela. Un vertige absolu qui exclut toute tentative théologique pour atteindre le vrai Dieu, au-delà du discours sur Lui. L’aboutissement est une rencontre avec le silence. A l’exemple de Pythagore qui l’imposait durant cinq ans à ses disciples. Ce silence, n’est pas seulement ou essentiellement absence de paroles, mais approfondissement de la réflexion par le discernement. Aux bruits du monde, le gnostique oppose une sorte d’anti-matière que devient alors le silence de l’homme à la recherche d’une vie « ailleurs ».
Autre grande figure des gnostiques, Valentin, formé à Alexandrie, se rendra à Rome durant de nombreuses années. Contrairement aux autres gnostiques, il fut d’abord chrétien et faillit même devenir prêtre. Il sera chassé de l’Église en fonction de l’évolution de ses convictions. Il quittera Rome pour se rendre à Chypre où il va fonder une communauté de disciples. Dans son livre, l’ « Evangile de Liberté », les thèmes gnostiques y sont développés fondamentalement : à l’origine du monde c’est l’erreur qui domine ; issue du Père inconnu, étranger, et qui engendra dans le vide de l’univers en gestation, l’oubli, l’angoisse et la terreur. C’est d’Eux que nous procédons, c’est Eux qui nous habitent et c’est pourquoi ce monde, fruit de l’erreur, est appelé par Valentin le « monde de la déficience » qui plonge l’homme dans la solitude. Les hommes répondent à ce destin tragique en s’inscrivant dans trois catégories :
Les « Hyliques », hommes de la matérialité, avec comme destin la corruption définitive.
Les « Psychiques » qui sont en voie de progression en se créant une âme, mais qui ne suffit pas si elle est coupée de la vérité. Il lui faut donc posséder la gnose.
Les « Spirituels ou Pneumatiques » qui sont, en fait, les gnostiques. Ils accèdent au dernier cercle, au cercle du Pneuma ou de l’Esprit. Qui atteignait l’état pneumatique était totalement affranchi de toutes les entraves et corruptions de nature matérielle, car le cordon ombilical qui le reliait au monde de la matière, ici-bas, était tranché. Les Cathares, avec la catégorie des « Parfaits », reprendront cette caractérisation des différences des états spirituels.
Des trois grands maîtres gnostiques alexandrins, le plus singulier semble avoir été Carpocrate qui était grec, originaire de l’île de Céphalonie. Il eut un fils, Epiphane, qui fut élevé dans la philosophie platonicienne et l’enseignement gnostique et devint très tôt un véritable maître d’une précocité inouïe. Il mourut à 17 ans en laissant un traité « Sur la justice » dont Clément d’Alexandrie citera plusieurs passages dans ses ouvrages théologiques. Si l’on excepte la doctrine, assez étrange, sur la transmigration des âmes et la métempsychose, l’enseignement de Carpocrate et de son fils Epiphane était parfaitement orthodoxe à la vision gnostique de l’univers. Ils recrutaient leurs fidèles dans les mêmes milieux que les prédicateurs chrétiens et les femmes y jouaient un grand rôle, non seulement en tant que partenaires, mais aussi comme initiées et initiatrices. Epiphane, partisan de l’insoumission face à ce monde trompeur ira jusqu’à prôner l’abolition de la propriété privée au profit d’une propriété collective. Une sorte de communisme avant l’heure ! Les Carpocratiens ne pensaient pas que l’homme fut mauvais, mais seulement que le monde était détourné par des anges inférieurs. Le sentiment était que tout est donné à l’homme dès sa naissance, mais que rien n’est acquis pour autant.
A partir du IIIe siècle, les groupes gnostiques vont se répandre dans tout le Proche Orient et au IVe siècle, Saint Epiphane en compte 60 ! Ils satisfaisaient toutes les exigences, de l’esprit par la radicalité de leurs attitudes et leur lucidité, tout en développant la ferveur des participants. Le but du gnosticisme étant de déconditionner l’homme en le conduisant à tout éprouver, tout exprimer, tout dévoiler, afin de mettre à nu la condition humaine. Rien n’est possible tant que l’homme ne s’est pas dépouillé de tout ce qui le conditionne, à tous les niveaux de sa vie et ainsi le réveiller. La pensée manichéenne dont la gnose est porteuse s’infiltrera même au sein de l’Église et la menacera dans la mise en place d’hérésies dangereuse pour son unité. Ce qui sera le cas pour le courant marcionite.
Marsion était originaire de Sinope, dans le Pont, sur les rivages nord de l’Anatolie, où il naît en 85 après J.C. Son père était évêque de Sinope et Marcion vit dans un milieu essentiellement chrétien. Ses connaissances théologiques en font un « véritable savant », selon Saint Jérôme, mais ses convictions vont évoluer de façon radicale et son propre père l’exclut de la communauté chrétienne. On le retrouve à Rome où, en 140, il publie ses « Antithèses » qui expliquent sa conception du monde très orientée vers le gnosticisme et préside à la constitution d’une nouvelle Eglise. Pour lui, existe une différence fondamentale entre l’Ancien et le Nouveau Testament. L’Ancien Testament montre un Dieu qui ignore la générosité, la tolérance et la clémence. Il est créateur d’un monde essentiellement mauvais. Jéhovah serait le démiurge négatif, alors que le vrai Dieu serait le père dont se réclame Jésus dans le Nouveau Testament et dont il est le Fils. D’où, l’opposition totale entre l’Ancien et Nouveau Testament qui fait que la Bible ne peut être un livre révélé et qu’il convient de rejeter l’Ancien. Cette orientation montre aussi la lecture de l’évolution des croyances des pasteurs nomades de la Bible et d’une société qui devient paysanne ou urbaine. Mais, dangereusement, nous pouvons y lire aussi la naissance d’un antijudaïsme, voire d’un antisémitisme qui va de plus en plus s’affirmer et où nous pouvons discerner l’influence de Marcion, voulant couper les ponts avec un monde biblique qui vivait très mal la modernité. L’influence de Marcion eut une énorme influence dans l’Église, par exemple dans les rituels de la messe dans l’Église catholique : les fidèles restent assis à la lecture de l’Ancien Testament et se lèvent à la lecture du Nouveau !
III- CONCLUSIONS : L’ESPRIT PLUS QUE LA LETTRE.
Cette étrange cosmogonie-Théogonie allant, dans un carrousel incessant, de la nature à Dieu (Le démiurge négatif et le Dieu vrai inaccessible) fascina les hommes durant des siècles et joue encore un rôle d’attraction sur certains de nos contemporains, assez souvent dans nos milieux d’ailleurs. A partir du IVe siècle, la gnose va quitter les villes, notamment Alexandrie, où les chrétiens s’installent pour reprendre une errance pour répandre leurs idées en Mésopotamie, Arménie, Cappadoce, Grèce, Bulgarie, Bosnie, où elle va laisser des traces profondes dans des courants nouveaux ou à l’intérieur des églises chrétiennes, de façon discrète, dans des nuances théologiques. On peut parler ici, d’une influence des « libertaires de la gnose » et de leur action discrète pour éviter les persécutions chrétiennes. L’un des résultats le plus probant, historiquement, sera l’influence théologique sur la naissance des Bogomiles et, bien sûr, des Cathares. Avec la conséquence d’une véritable guerre civile et du bûcher de Montségur.
Le mal est tout ce qui accroît l’entropie du monde et n’est nullement une épreuve bénéfique conduisant à un « monde meilleur », comme le laissait entendre l’Église catholique. Le mal est aliénant et ne conduit qu’à une régression, n’apportant aucune connaissance personnelle ou salvatrice. Pour la gnose, le mal ne fait partie d’aucun plan divin, comme, contradictoirement, le laissait entendre le livre de Job dans l’Ancien Testament !
Combattre le mal demande de donner un sens à notre vie. Rester dans un retrait hors du monde est stérile et rechercher dans le passé immémorial ou se projeter dans le futur ne peut que détourner l’homme de sa quête véritable qui est de trouver une conscience nouvelle, surgit de l’expérience immédiate, celle du présent et de la cohabitation avec les autres qui nous impose la pratique de la tolérance et donc la possibilité d’œuvrer ensemble. Dans son très intéressant ouvrage, Jacques Lacarrière, citant Henri Laborit et son ouvrage « L’homme imaginant » où il propose la connaissance de nos structures mentales comme clef au changement, écrit (1) : « Toute voie gnostique passe par un double itinéraire : la certitude existentielle (disons même instinctive) de notre inachèvement et la nécessité-pour s’y soustraire ou l’atténuer-d’emprunter la voie de la connaissance. Cette connaissance implique avant tout celle des déterminismes biologiques, des impulsions psychiques, des contraintes économiques qui nous gouvernent et nous manœuvrent mais aussi la participation totale aux problèmes et aux misères de ce temps. Le gnostique d’aujourd’hui ne saurait plus être un prêcheur de salut, un mage retiré sur sa montagne ni quelque illuminé des grandes villes féru de textes anciens, mais un homme sentient, tourné vers le présent et le futur, avec la certitude intuitive qu’il possède avant-tout en lui-même les clés de cet avenir, certitude qu’il devra opposer à toutes les mythologies rassurantes, religions soi-disant salvatrices, idéologies désaliénatrices, qui ne font qu’entraver sa présence véritable au réel. Car l’important, aujourd’hui, est moins de découvrir de nouvelles étoiles que de briser les nouvelles frontières qui sans cesse se dressent autour de nous ou qui se tracent en nous-mêmes, pour les franchir, comme la mort, les yeux ouverts. »
PAS MAL COMME PROGRAMME NON ?!
NOTES
Sagnard François : La gnose valentinienne et le témoignage de Saint-Irénéé. Paris. Ed. Vrin. 1947.
(1) Lacarrière Jacques : Les gnostiques. Paris. Ed. Gallimard. 1973. (Page 150)
BIBLIOGRAPHIE
Brakke David : Les gnostiques. Paris. Ed. Les Belles Lettres. 2022.
De Rougemont Denis : L’amour et l’occident. Paris. Union Générale d’Editions. 1972.
Doresse : Les livres secrets des gnostiques d’Egypte. 2 Tomes. Paris. Ed. Plon. 1958-1963.
Grand Robert M. : La gnose et les origines chrétiennes. Paris. Ed. Du Seuil. 1960.
Hutin Serge : Les gnostiques. Paris. PUF. 2018.
Irénée de Lyon : Contre les hérétiques. Paris. Ed. Du Cerf. 1991.
Lacarrière Jacques : Science et croyances. Paris. Ed. Albin Michel. 1999.
Lacarrière Jacques : Les hommes ivres de Dieu. Paris. Ed. Albin Michel. 1961.
Leisegang Henri : La gnose. Paris. Ed. Payot. 1951.
Ouvrage collectif : Ecrits gnostiques. La bibliothèque de Nag-Hamadi. Paris. Ed. Gallimard/La Pléiade. 2007.
Pétrement Simone : Le dualisme chez Platon, les gnostiques et les manichéens. Paris. PUF. 1947.
Runciman Serge : Le manichéisme médiéval. Paris. Ed. Payot. 1949.
De notre confrère italien agenparl.eu – Par Luigi Camilloni
Le 27 février 2025, Agenparl, agence de presse nationale et internationale, a formalisé une demande de dommages et intérêts contre le Grand Orient d’Italie (GOI) pour diffamation par voie de presse. Le litige, présenté à un organisme de médiation à Rome, naît de l’absence de rectification d’un communiqué de presse du GOI, jugé diffamatoire par Agenparl. La question sera discutée vers le 31 mars.
Le conflit naît d’un article sur Leo Taroni
Le 16 décembre 2024, le Grand Maître du GOI, Stefano Bisi, a publié une déclaration sur le site officiel du Grand Orient d’Italie – Palazzo Giustiniani dans laquelle il contestait un article publié par Agenparl le 14 décembre 2024, intitulé : « Le Grand Orient d’Italie : Leo Taroni est le nouveau Grand Maître ».
Selon le GOI, l’article était préjudiciable et déformait la réalité, contribuant à alimenter la controverse sur certaines affaires judiciaires en cours.
Dans sa déclaration, Bisi a déclaré que le gouvernement italien s’estimait lésé par la diffusion d’informations incorrectes et trompeuses et a demandé une rectification, se réservant la possibilité d’une action en justice contre Agenparl. Le communiqué de presse a également été diffusé sur la plateforme X (anciennement Twitter) à la même date.
Le droit de rectification et le refus du GOI
L’Agenparl, citant l’article 8 de la Loi sur la Presse, a immédiatement demandé une correction immédiate du communiqué de presse du GOI, soulignant qu’il avait simplement rapporté fidèlement la position officielle du GOI, telle qu’exprimée par l’avocat Raffaele Cappiello, conservateur spécial de l’Ordre.
Selon Agenparl, son article n’anticipait aucune issue judiciaire et était basé sur une documentation précise et vérifiée.
Cependant, le gouvernement italien a refusé de publier la correction, gardant la déclaration contestée en ligne. Ce comportement a conduit Agenparl à demander des dommages et intérêts, arguant que le fait de ne pas l’avoir corrigé avait gravement porté atteinte à sa réputation et à sa crédibilité.
Une demande d’indemnisation avec un bien commun
Agenparl, avec son directeur Luigi Camilloni, a déclaré que le refus du gouvernement italien avait des effets néfastes sur l’image de l’agence. C’est pour cette raison qu’il a déposé une demande de dommages et intérêts, proposant que la somme soit également reversée à un orphelinat de Rome.
L’avocat d’Agenparl, Francesco Lorenti, a souligné que la permanence du communiqué de presse diffamatoire en ligne continue de nuire à la réputation de l’agence. La demande d’indemnisation apparaît donc comme une nécessité pour rétablir la bienséance professionnelle.
GOI : Attaque stratégique ou simple négligence ?
À ce jour, le Grand Orient d’Italie ne s’est pas constitué ni n’a fait savoir s’il entendait participer à la médiation demandée par l’avocat d’Agenparl. Ce silence soulève trois questions :
Le gouvernement italien commence-t-il par écrire des articles et publier des communiqués de presse sur X, puis évite-t-il de répondre parce qu’il sait que c’est faux ?
Le gouvernement italien vient-il de faire ce qu’on appelle en napolitain « Facite ammuina » (créer la confusion pour distraire) ?
Ou, plus sérieusement, a-t-il délibérément essayé de nuire à l’image d’Agenparl ?
Agenparl attend que le gouvernement italien se joigne à la médiation et fournisse sa version des faits. Si le Grand Maître est si sûr de ses déclarations, pourquoi ne pas les défendre officiellement ?
L’affaire pourrait bientôt devenir un cas historique sur la responsabilité de la communication institutionnelle et l’utilisation des corrections dans la presse italienne.
De notre confrère guadeloupe.franceantilles.fr – PPar Yvor J. Lapinard, publié le 10 mars 2025 sur France-Antilles Guadeloupe
En ce début mars 2025, la Guadeloupe accueille une figure inattendue : Félix Natali, 49 ans, originaire d’Ajaccio en Corse, et depuis 2024 Grand Maître de la Grande Loge Mixte de France (GLMF). De passage dans l’archipel pour la première fois, ce franc-maçon passionné a accordé une interview exclusive à France-Antilles, lors d’une visite aux loges locales à Pointe-à-Pitre.
Entre son attachement à une maçonnerie ouverte et son plaidoyer pour une plus grande mixité sociale, Natali dévoile une vision humaniste et ambitieuse pour une institution souvent perçue comme mystérieuse. Rencontre avec un homme qui veut faire tomber les murs – ceux des loges comme ceux de la société.
Un Corse à la tête d’une Obédience mixte
Félix Natali n’est pas un inconnu dans les cercles maçonniques. Né à Ajaccio, ville baignée par le soleil méditerranéen et imprégnée d’une histoire de résistance, il porte en lui l’héritage d’une Corse fière et indépendante. Initié dans les années 2000 au sein de la GLMF – une obédience fondée en 1982, célèbre pour sa mixité hommes-femmes et son progressisme –, il gravit les échelons avec une détermination discrète mais implacable. Élu Grand Maître en 2024 à l’âge de 49 ans, il succède à une lignée de leaders qui ont fait de cette loge un bastion de la diversité et de la modernité dans le paysage maçonnique français.
Son parcours, bien que peu détaillé dans les archives publiques, reflète une vie riche : un diplôme en sciences humaines, une carrière dans l’enseignement, et un engagement de longue date dans les associations corses pour la préservation de la culture insulaire. « J’ai toujours cru que rassembler les gens, c’est leur donner une chance de se comprendre », confie-t-il, assis dans une salle lumineuse de la Maison des Associations de Pointe-à-Pitre, où il a rencontré les frères et sœurs guadeloupéens le 8 mars. Ce voyage aux Antilles, son premier en tant que Grand Maître, marque une étape dans sa mission : tisser des liens avec les loges ultramarines et porter haut les valeurs de la GLMF.
Une élection, un défi, une ambition
Félix Natali (Photo Pierre-Dominique Natali)
Interrogé sur ce que représente son élection à la tête de la GLMF, Félix Natali ne cache pas l’ampleur de la tâche : « Cela représente à la fois du travail et la possibilité de mettre en pratique des idées permettant de rassembler des gens d’horizons divers. » Pour lui, être Grand Maître n’est pas une simple distinction honorifique ; c’est une opportunité de transformer une institution parfois vue comme élitiste en un vecteur d’unité et d’humanité. « Véhiculer dans la société des valeurs fortes, chères aux francs-maçons, c’est notre mission », ajoute-t-il, les yeux pétillants d’une conviction sincère.
Ces valeurs – liberté, égalité, fraternité, tolérance – ne sont pas nouvelles. Elles puisent leurs racines dans les Lumières et dans l’histoire tumultueuse de la franc-maçonnerie, née en 1717 à Londres et implantée en France dès le XVIIIe siècle. Mais Natali déplore leur faible rayonnement hors des loges : « Le travail est là, mais les idées ne sont pas assez répandues. Pourtant, elles renvoient à de belles valeurs humaines. » À une époque marquée par la polarisation sociale et les crises – économiques en Guadeloupe, climatiques aux Antilles, politiques en métropole –, il voit dans la maçonnerie un rempart contre la division, un espace où l’on peut encore « construire ensemble » (Dickie, 2021, pp. 234-250).
La Guadeloupe : une terre de rencontres
Son passage en Guadeloupe n’est pas anodin. « La franc-maçonnerie permet de rencontrer des gens que nous n’aurions jamais rencontrés. Ces rencontres sont très enrichissantes », explique-t-il avec un sourire. Avant ce voyage, Natali avait déjà tissé des liens avec des maçons ultramarins à Paris et Marseille, notamment lors des grandes tenues nationales de la GLMF. Mais, comme il le souligne, « je les avais vus chez moi, jamais chez eux. Il est important pour moi de les rencontrer sur leur territoire. »
Les Antilles, et la Guadeloupe en particulier, représentent une première étape dans un périple ambitieux : visiter toutes les loges de la GLMF, des métropoles hexagonales aux confins ultramarins. « Les Antilles, c’est une première pour moi », confesse-t-il, visiblement ému par l’accueil chaleureux des frères et sœurs guadeloupéens. « Il est important de montrer que la GLMF est présente partout en France. Je compte voir toutes mes loges. L’affection est égale. Il s’agit de manifester toute l’affection de la GLMF. » Ce message d’unité résonne dans un archipel où la franc-maçonnerie, introduite dès le XVIIIe siècle par les colons et les libres de couleur, a pris des couleurs locales uniques, mêlant rites européens et influences créoles (Pöhlmann, 2017, pp. 145-162).
La Guadeloupe, avec ses 400 000 habitants et son histoire de métissage, incarne pour Natali un terrain fertile pour son projet. Les loges locales, bien que discrètes, comptent des membres issus de tous horizons – enseignants, artisans, fonctionnaires, agriculteurs – reflétant une diversité que le Grand Maître veut amplifier. « Ici, je découvre une maçonnerie vivante, ancrée dans une culture riche et complexe », note-t-il, saluant au passage des initiatives comme les conférences publiques organisées par la loge L’Étoile des Antilles sur des thèmes comme la justice sociale et l’écologie.
La mixité sociale : une révolution en marche
SISYPHE une revue de la Grande Loge Mixte de France
Mais le cœur de son discours, c’est la mixité sociale. Dans une société française où les inégalités se creusent – 41 % des Guadeloupéens vivent sous le seuil de pauvreté selon l’IEDOM (2024) –, Natali veut ouvrir grand les portes des loges. « La franc-maçonnerie ne doit pas être un club fermé pour une élite. Elle doit refléter la diversité de nos territoires », insiste-t-il. Historiquement, les loges ont souvent été des refuges pour les bourgeois éclairés ou les notables – en Guadeloupe, elles ont compté des planteurs, des avocats, mais aussi des figures abolitionnistes comme Louis Delgrès. Aujourd’hui, Natali rêve d’y voir des ouvriers, des jeunes des quartiers populaires, des femmes de toutes origines.
Ce plaidoyer n’est pas qu’une utopie. La GLMF, avec sa tradition de mixité hommes-femmes, a déjà une longueur d’avance. Mais Natali veut aller plus loin : « Pourquoi pas des bourses pour les cotisations ? Des rencontres hors des temples, dans les marchés ou les écoles ? » Ces idées, encore en germe, pourraient transformer la GLMF en un acteur social plus visible, loin de l’image de « société secrète » qui lui colle à la peau.
Une vision humaniste pour un monde fracturé
Au fil de l’interview, une idée revient comme un leitmotiv : l’humanité partagée. « Notre commune humanité, c’est ce qui nous lie au-delà des différences de classe, de couleur, de croyance », affirme-t-il, faisant écho aux idéaux maçonniques de fraternité universelle. En Guadeloupe, où les tensions entre générations, entre « ceux qui partent » pour la métropole et « ceux qui restent », restent palpables, ce message trouve un écho particulier. « La maçonnerie peut être un pont, un lieu où l’on apprend à écouter et à comprendre », ajoute-t-il, citant en exemple une récente rencontre avec un frère guadeloupéen, ancien marin, dont les récits l’ont bouleversé.
Cette vision n’est pas sans rappeler celle d’autres figures maçonniques, comme Alain Pozarnik, ancien Grand Maître de la Grande Loge de France, qui prônait une initiation au service de l’évolution humaine (Pozarnik, 2010, pp. 89-104). Mais Natali y ajoute une touche personnelle : une simplicité corse, un pragmatisme insulaire, et une foi inébranlable dans le pouvoir des rencontres. « Je ne suis pas là pour imposer, mais pour proposer », dit-il modestement, avant de rire : « Et puis, entre la chjama corsa et le gwoka guadeloupéen, on a de quoi chanter ensemble ! »
Une étape dans un périple fraternel
Ce séjour guadeloupéen n’est qu’un début. Félix Natali prévoit de visiter les loges de Martinique, de Guyane et de La Réunion dans les mois à venir. De quoi rapporter de bonnes nouvelles pour le prochain convent de la GLMF en juin 2025. « Chaque territoire a sa richesse, sa voix. Mon rôle, c’est de les entendre toutes », confie-t-il, un carnet de notes à la main, où il griffonne déjà ses impressions sur l’archipel.
En quittant Pointe-à-Pitre, il laisse derrière lui un message d’espoir et une promesse : celle d’une franc-maçonnerie plus ouverte, plus diverse, plus humaine. « Très loin de la France métropolitaine ou au cœur de nos villes, la GLMF doit être partout où bat le cœur de l’humanité », conclut-il, avant de saluer ses hôtes d’un geste fraternel. Dans une Guadeloupe en quête de repères, ses mots pourraient bien semer les graines d’un renouveau – maçonnique, mais aussi citoyen.
Alain Pozarnik : un maître spirituel au carrefour des mondes
Alain Pozarnik
Avant de plonger dans les pages envoûtantes de AMOUR, entre ombres et lumières, il convient de saluer l’homme qui les a écrites : Alain Pozarnik, une figure incontournable de la franc-maçonnerie française et un chercheur spirituel d’une rare profondeur. Né dans une époque marquée par les bouleversements du XXe siècle, Pozarnik a tracé un parcours hors du commun, mêlant philosophie, cinéma, commerce et quête intérieure.
Diplômé en philosophie, il débute sa carrière dans les studios de cinéma, où il officie comme assistant metteur en scène auprès de géants tels que Robert Bresson, Roger Vadim et Jacques Rivette. Cette immersion dans le septième art, où la lumière et l’ombre dansent sur l’écran, semble avoir planté les graines d’une sensibilité qui éclate aujourd’hui dans son écriture.
Mais Pozarnik ne s’arrête pas là. Après avoir exploré l’univers des images, il bifurque vers le commerce, devenant directeur commercial d’une société de sécurité nationale – un virage pragmatique qui contraste avec sa vocation spirituelle. Initié en 1972 au sein de la Grande Loge de France, il gravit les échelons de la franc-maçonnerie avec une ferveur exemplaire, jusqu’à occuper le prestigieux poste de Grand Maître de 2004 à 2006. Cette période marque l’apogée de son engagement maçonnique, où il s’impose comme un guide éclairé, prônant une initiation au service de l’évolution humaine.
Parallèlement, Pozarnik s’engage dans une quête spirituelle éclectique et profonde. Pratiquant le taï-chi, la méditation zen et le soufisme des derviches tourneurs, il côtoie des figures majeures comme Arnaud Desjardins, Jeanne de Salzmann (héritière de Gurdjieff) et Louis Pauwels, l’auteur du mythique Matin des magiciens. Ces rencontres nourrissent une vision du monde où l’initiation transcende les dogmes pour toucher l’universel. Auteur prolifique, il signe des ouvrages de référence tels que Mystères et actions du rituel d’ouverture en loge maçonnique (1998) et Le bonheur initiatique (2010), qui font autorité dans les cercles maçonniques et spirituels. Conférencier charismatique, il partage ses idées sur les ondes et les écrans, offrant une réflexion limpide sur la place de l’homme dans la Création.
Avec AMOUR, entre ombres et lumières, Pozarnik signe un roman qui couronne cette trajectoire exceptionnelle. Publié en 2024 par Selena Éditions, ce livre n’est pas une simple fiction : c’est une méditation romancée sur l’amour, la solitude et la quête de sens, portée par une plume à la fois poétique et philosophique. Découvrons ensemble ce voyage intime et lumineux.
Une plongée dans l’ombre pour mieux trouver la lumière
Dès les premières lignes de AMOUR, entre ombres et lumières, le lecteur est happé par une atmosphère à la fois dense et aérienne, où chaque mot semble pesé comme une pierre précieuse. Le roman s’ouvre sur les souvenirs d’un narrateur anonyme – un enfant confronté à l’isolement austère d’un pensionnat. Ce cadre, qui évoque les rigueurs d’une éducation d’antan, sert de toile de fond à une exploration intérieure. L’enfant, perdu dans les murs froids de cette institution, incarne une âme en quête, déchirée entre l’obscurité de la solitude et les éclats de lumière que lui apportent des rencontres décisives.
L’intrigue se déploie comme une tapisserie initiatique, où les fils de l’amour, de la douleur et de la révélation s’entrelacent avec une délicatesse rare. Le narrateur, devenu adulte, retrace son parcours à travers une série de figures féminines qui jalonnent sa vie. Chacune – une camarade d’enfance, une enseignante bienveillante, une amante énigmatique – agit comme un miroir ou une lanterne, révélant un fragment de vérité sur lui-même et sur la nature de l’amour. Ces femmes, décrites avec une tendresse presque mystique, ne sont pas de simples personnages : elles sont des archétypes, des guides spirituels qui éclairent les doutes et apaisent les blessures du protagoniste.
Pozarnik excelle à dépeindre cet « entre-deux » annoncé dans le titre : entre ombres et lumières, entre corps et âme, entre solitude et communion. L’amour, dans ce roman, n’est pas réduit à une romance charnelle ou à une passion éphémère. Comme il l’écrit dans une formule saisissante : « Aimer dans l’étreinte des corps, c’est prendre ; aimer dans l’élan des cœurs, c’est offrir ; mais aimer d’être à être, c’est s’unir à l’infini de l’univers » (Pozarnik, 2024, p. 23). Cette triade illustre une progression spirituelle, où l’amour devient une clé pour transcender les limites humaines et toucher l’éternel.
Une écriture poétique au service d’une quête universelle
Ce qui frappe dans AMOUR, entre ombres et lumières, c’est la puissance de son style. Pozarnik, fort de son expérience maçonnique et de ses influences spirituelles, tisse une prose poétique qui oscille entre le lyrisme et la simplicité. Les descriptions du pensionnat, avec ses corridors sombres et ses silences oppressants, contrastent avec des moments d’éclat – une lumière filtrant à travers une fenêtre, un sourire partagé dans une cour déserte. Cette dualité visuelle, presque cinématographique, rappelle son passé dans le cinéma et sa sensibilité aux jeux d’ombre et de lumière, un thème cher à des auteurs comme Henri Alekan dans Des lumières et des ombres (Alekan, 1984, pp. 45-67).
Le roman n’est pas exempt de tensions narratives. Les épreuves du narrateur – la perte, le doute, la quête d’identité – sont racontées avec une intensité qui peut parfois dérouter. Certains passages, volontairement elliptiques, laissent au lecteur le soin de combler les vides, comme une invitation à méditer sur sa propre existence. Cette approche, héritée des traditions initiatiques, demande une lecture active, presque contemplative, qui pourrait rebuter les amateurs de récits linéaires mais ravira ceux qui cherchent une profondeur philosophique.
L’un des moments forts du livre survient lorsque le narrateur rencontre une figure féminine décrite comme « lumineuse et mystérieuse » – une femme sans nom, peut-être une allégorie de la Sagesse ou de l’âme universelle. Leur dialogue, empreint de silences éloquents, explore des questions existentielles : qu’est-ce que l’amour véritable ? Comment réconcilier les blessures du passé avec l’espoir d’un avenir ? Pozarnik y répond avec une finesse rare : « L’amour n’efface pas l’ombre, il la traverse pour mieux la comprendre » (Pozarnik, 2024, p. 145). Cette phrase, qui pourrait résumer l’essence du roman, illustre une vision où l’obscurité n’est pas une ennemie, mais une compagne nécessaire à l’éveil.
Une résonance maçonnique et spirituelle
Pour les lecteurs familiers de la franc-maçonnerie, AMOUR, entre ombres et lumières résonne comme une transposition littéraire des principes initiatiques chers à Pozarnik. Le pensionnat, avec ses règles strictes et ses hiérarchies implicites, rappelle la loge maçonnique – un espace de discipline où l’individu est confronté à lui-même avant de s’ouvrir aux autres. Les figures féminines, quant à elles, évoquent les symboles maçonniques comme la Lumière ou l’Étoile Flamboyante, guides dans le cheminement vers la connaissance (Bois, 1966, pp. 112-128).
Mais le roman transcende le cadre maçonnique pour toucher une audience plus large. Influencé par le soufisme et la méditation zen, Pozarnik y distille une spiritualité universelle, où l’amour devient un pont entre le matériel et l’immatériel. Cette dimension ésotérique, sans jamais verser dans l’abstrait, ancre le récit dans une quête intemporelle : celle de l’humanisation, de l’équilibre fragile entre nos ombres intérieures et les lumières qui nous appellent.
Une œuvre à la croisée des chemins
AMOUR, entre ombres et lumières n’est pas un roman facile. Il exige du lecteur une disponibilité, une volonté de se laisser porter par ses méandres poétiques et ses silences éloquents. Certains pourraient reprocher une intrigue parfois ténue, où les événements cèdent la place à la réflexion, mais c’est précisément là que réside sa force. Comme un rituel initiatique, il ne se livre pas d’emblée : il se découvre, se médite, se savoure.
À l’heure où la littérature contemporaine oscille entre divertissement rapide et introspection aride, Pozarnik offre une troisième voie : une œuvre qui marie la beauté du verbe à la profondeur de l’âme. Publié par Selena Éditions, une maison parisienne réputée pour son audace dans les domaines ésotériques et littéraires, ce roman s’inscrit dans une lignée d’écrits qui explorent l’humain dans toute sa complexité – on pense à L’Alchimiste de Paulo Coelho ou aux méditations romancées de Hermann Hesse (Coelho, 1988, pp. 45-62).
Un appel à l’éveil intérieur
En refermant AMOUR, entre ombres et lumières, on ne peut s’empêcher de ressentir une douce mélancolie mêlée d’espoir. Alain Pozarnik ne nous donne pas de réponses toutes faites ; il nous tend un miroir, nous invite à parcourir notre propre chemin entre ténèbres et clarté. Pour les lecteurs français, loin des loges maçonniques ou des ashrams orientaux, ce livre est une porte ouverte sur une quête universelle : celle de l’amour, non comme une fin, mais comme un moyen d’embrasser pleinement notre humanité.
Disponible depuis septembre 2024, ce roman poétique et profondément humain est une lecture qui pourrait, comme le promet Selena Éditions, « éveiller votre cœur et éclairer vos propres vérités ».
S’appuyant sur 25 ans de recherches l’auteure révèle comment les événements sensibles et les secrets se répercutent à travers les générations, affectant notre corps et son métabolisme , dès notre conception. Certaines configurations peuvent aussi faire muter notre ADN en raison de nombreuses ressemblances et répétitions.
Cette découverte révolutionnaire explique comment les structures familiales peuvent agir sur des transformations biologiques.Après analyse de notre lignée une thérapie peut agir pour aller plus loin et amorcer les guérisons. Analyser symboliquement QUI SOUFFRE A TRAVERS NOUS permet au consultant de se libérer à partir d’outils concrets proposés dans cet ouvrage. Une synthèse des concepts freudiens et jungien, tout à fait innovante.
Élisabeth Horowitz est thérapeute spécialisée en psychogénéalogie et thérapie brève axée sur les solutions. Elle a fondé l’Association Française de Psychogénéalogie à Paris (2001), et anime de nombreux groupes de formation en Europe. Elle est également l’auteure de nombreux ouvrages en développement personnel. Depuis 2010, elle se consacre plus particulièrement aux techniques liées aux actes symboliques.
On parle de la « Fraternité Universelle » ! Faisons-la !
La Fraternité universelle est un concept central en Franc-maçonnerie. Elle repose sur l’idée que tous les êtres humains sont liés par une fraternité spirituelle et morale, transcendant les différences de race, de religion, de culture et de nationalité. C’est sur ces principes qui visent à créer un monde où la fraternité universelle est non seulement un idéal, mais une réalité vécue au quotidien que s’est constituée l’institution Maçonnique Universelle.
L’union est en pleine expansion, preuve si besoin était, que de nombreuses obédiences à travers le monde sont attachées aux valeurs et traditions décrites dans le préambule de sa constitution. Le but affiché est de créer des ponts entre les divers pays du monde, de dépasser les obstacles des langues, des distances et des coutumes, afin de se rapprocher de cet idéal maçonnique qu’est la fraternité universelle.
En Franc-maçonnerie, la fraternité universelle se manifeste par plusieurs principes et pratiques :
Égalité et respect- Tolérance et ouverture d’esprit – Solidarité et entraide – Recherche de la vérité – Amélioration de soi et de la société.
Ces principes visent à créer un monde où la fraternité universelle est non seulement un idéal, mais une réalité vécue au quotidien. La fraternité universelle est présentée comme un idéal à atteindre pour construire une société plus juste et solidaire. L’importance de la fraternité et de l’amitié sociale comme fondements d’une paix durable et d’une coexistence harmonieuse.
La « véritable » Franc-maçonnerie, respectueuse des traditions et des valeurs qui l’ont fondée survivra à toutes les épreuves et dérives qui tentent de la détourner de ses principes initiaux. D’un point de vue théologique, la fraternité universelle est également abordée dans les Écritures chrétiennes, où elle est vue comme un appel à reconnaître chaque personne comme un frère ou une sœur, indépendamment de ses origines ou croyances.
Cependant, la réalisation de cette fraternité universelle n’est pas sans défis. Les divisions culturelles, religieuses, économiques voir politique peuvent constituer des obstacles majeurs. Il est donc essentiel de travailler activement à surmonter ces barrières par le dialogue, la compréhension mutuelle et la coopération.
Voici quelques pistes pour renforcer cette fraternité universelle :
Promouvoir les valeurs maçonniques universelles
Les valeurs telles que la liberté, l’égalité, et la fraternité transcendent les frontières. En mettant l’accent sur ces principes, les différentes obédiences peuvent trouver un terrain d’entente commun.
Renforcer les échanges internationaux
Organiser des rencontres et des conférences internationales permet de créer des liens entre les loges et obédiences de différents pays. Cela favorise le partage des expériences et des idées, tout en renforçant la solidarité globale.
Encourager la tolérance et la compréhension
La diversité culturelle est une richesse. En encourageant la tolérance et la compréhension mutuelle, les francs-maçons peuvent surmonter les divisions et travailler ensemble vers des objectifs communs.
Créer des projets collaboratifs
Les projets communs, qu’ils soient humanitaires, éducatifs ou culturels, permettent de renforcer les liens entre les loges et de promouvoir les valeurs maçonniques à une échelle mondiale.
Utiliser les technologies modernes
Les outils de communication modernes, comme les réunions virtuelles, les forums en ligne et les réseaux sociaux, peuvent faciliter les échanges et les collaborations entre les loges du monde entier.
Respecter les traditions locales tout en cherchant l’unité
Il est important de respecter les particularités et les traditions de chaque loge tout en cherchant des points de convergence pour favoriser l’unité.
Former les nouvelles générations
Éduquer et initier les nouvelles générations aux valeurs maçonniques permet d’assurer la pérennité de la fraternité et de garantir que ces valeurs continuent à prospérer.
En combinant ces approches, la franc-maçonnerie peut espérer créer une fraternité véritablement universelle, unie par des valeurs communes et une vision partagée de l’humanité.
La Grande Loge de France (GLDF) vous invite à son prochain petit-déjeuner « Enjeux & Perspectives », en lien avec la thématique générale « L’Humain, le vivant, la planète », sujet d’étude des Loges 6024-6025.
Pour cette édition, la GLDF aura l’honneur d’accueillir Madame Marine CALMET, juriste, avocate et présidente de l’association Wild Legal.
Wild Legal : défendre les droits de la Nature
Wild Legal est une association pionnière œuvrant pour la reconnaissance des droits de la Nature en France. À travers une école interactive et un incubateur juridique, elle sensibilise, forme et accompagne élus, associations et citoyens. L’objectif ? Démontrer la faisabilité et l’opportunité d’un droit en harmonie avec le Vivant.
Marine CALMET, une militante engagée
Madame Marine CALMET est juriste et avocate de formation, présidente de Wild Legal et porte-parole du collectif Or de Question. Elle s’implique activement dans l’élaboration de nouvelles réponses aux défis écologiques, s’inspirant de l’intelligence de la nature et de la sagesse ancestrale des peuples autochtones.
Découvrir la conférencière Marine Calmet
Experte auprès de la Convention citoyenne pour le climat, elle milite pour la reconnaissance du crime d’écocide. À travers ses conférences, publications et plaidoyers, elle invite à repenser notre gouvernance et notre relation à la Nature.
Elle interviendra lors de cette conférence sur le thème :
« Défendre le vivant avec le droit ».
Ne manquez pas cette rencontre. La Grande Loge de France vous attend nombreux !
Informations pratiques :
Jeudi 20 mars 2025 – 8h30 Hôtel de la Grande Loge de France – Temple Franklin Roosevelt 8, rue Louis Puteaux – Paris 17e (Métro : Rome)
La kabbale est traditionnellement présentée comme la « Loi orale et secrète » donnée par Dieu à Moïse sur le mont Sinaï, en même temps que la « Loi écrite et publique », la Torah dont les cinq livres constituent l’Ancien Testament. En préambule, rendons hommage à Henrik Bogdan, Professeur d’Etudes Religieuses à l’Université de Göteborg et membre de la Grande Loge de Suède, car on doit à l’un de ses travaux l’idée de cette présentation, au-delà de l’intérêt marqué que j’ai pour la Kabbale, sans doute dû à certains ancêtres fort versés en la matière.
La kabbale trouve sa source dans les courants mystiques du judaïsme antique et on a pu définir la kabbale comme « la dimension interne de la Torah », correspondant au sod (la connaissance secrète), le dernier des quatre niveaux de lecture du texte.
En effet, alors que les trois premiers niveaux de lecture et d’interprétation du texte biblique sont le pchat (sens littéral), le drash (exégèse), et le rémèz (la symbolique), le Sod désigne ce que l’on peut considérer comme l’aspect mystique de la Torah.
La kabbale se présente ainsi comme un accès, un voyage ascensionnel et intérieur, au cœur même du divin, au jardin de la science du Livre.
Ceux qui la connaissent bien assurent que la compréhension intime et la maîtrise de la Kabbale rapprochent spirituellement l’homme de Dieu, ce qui confère à l’homme un plus grand discernement sur l’œuvre de la Création par Dieu.
Outre des prophéties messianiques, la Kabbale peut ainsi se définir comme un ensemble de spéculations métaphysiques sur Dieu, l’homme et l’univers,
Que peut-on retenir des travaux d’Henrik Bogdan ?
Henrik Bogdan
Tout part des théories d’Arthur Edward Waite, né en 1857 et mort en 1942, amateur érudit de franc-maçonnerie, qui défendit l’idée d’une influence de la Kabbale sur le grade de Maître en franc-maçonnerie.
Selon Waite, la quête maçonnique du mot perdu du Maître présente une similitude intrigante avec les spéculations kabbalistiques sur la perte de la prononciation correcte du nom de Dieu, le Tétragramme Yod Hé Vav Hé, YHVH.
Les degrés maçonniques fondamentaux tels que nous les connaissons aujourd’hui sont le résultat d’un processus long et progressif., un processus graduel dont la période la plus formatrice se situe probablement au 17ème siècle et dans les trois premières décades du 18ème siècle.
La première utilisation connue de termes hébraïques dans les textes de rituels maçonniques se trouve dans le premier catéchisme maçonnique imprimé, A Mason’s Examination, publié en 1723.
Samuel Prichard – Crédit : freimaurer-wiki
Il est important de savoir que le choix des termes constituant les mots de passe de la franc-maçonnerie était déjà considéré comme ayant une origine kabbalistique en 1726, c’est-à-dire quatre ans avant la publication du Masonry Dissected de Samuel Prichard en 1730.
Avant 1730 en tous cas, les rituels fondamentaux consistaient uniquement en deux degrés, « Apprenti » et « Compagnon ». C’est la publication de Masonry Dissected qui permet de dater l’apparition des trois degrés tels que nous les connaissons actuellement : Apprenti, Compagnon et Maître maçon.
Rappelons au passage que ce texte célèbre vaut d’être connu car il est le premier à reproduire en trois parties séparées les questions et les réponses concernant les grades d’Apprenti, de Compagnon et de Maître. Surtout, il est également le premier à narrer les circonstances dans lesquelles l’architecte Hiram fut assassiné. Ce récit de la légende d’Hiram reste la légende la plus importante et la plus caractéristique de la franc-maçonnerie à ce jour et joue un rôle décisif dans le troisième degré.
Comme la mention de ce meurtre ne se trouve ni dans la Bible ni dans les Old Charges – c’est-à-dire les anciens manuscrits des maçons opératifs-, on peut en conclure que son récit a dû être inventé aux environs de 1730.
La publication de Masonry Dissected entraîna la publication de réponses dans lesquelles l’honneur de la franc-maçonnerie était défendu et l’intégrité de Samuel Prichard mise en question.
L’une de ces réponses fut l’ouvrage anonyme A Defence of Masonry, publié en 1730-31. En plus d’une étude polémique des motivations de Prichard, le texte comporte un exposé intéressant sur les liens de la franc- maçonnerie avec les mystères anciens. Ce texte établit des parallèles en particulier entre francs-maçons et pythagoriciens, esséniens et druides, mais aussi — plus important — entre franc-maçonnerie et kabbale.
Or le mot qu’Hiram ne voulut pas révéler, pas prononcer, était précisément le nom de Dieu, que l’on figure par le tétragramme YHVH. On le remplace par un mot substitué, qui signifie « la chair quitte les os », ou par un autre mot encore, selon le Rite.
Se pose alors la question de la possibilité de discerner des traces de la kabbale dans la légende hiramique. Bien sûr, il n’y a aucune référence visible à la kabbale en tant que telle, comme par exemple, des spéculations concernant les émanations de Dieu (la théorie des sefirot issue du Sepher Yetzirah) ; il n’est pas non plus fait mention de l’aspect féminin du Divin, la shekinah. Pourtant, l’aspect principal de la légende, la recherche d’un mot perdu, présente une similitude troublante avec les spéculations de la Kabbale concernant la perte de la désignation correcte du nom de Dieu, celui auquel on substitue le Tétragramme YHVH.
Nabuchodonosor fait tuer les enfants de Sédécias sous ses yeux. Tableau de François-Xavier Fabre, 1787.
Selon la tradition kabbalistique, le mode approprié de vocalisation ou de prononciation du nom divin était un secret bien gardé réservé au Saint des Saints dans l’enceinte du temple de Jérusalem. A partir du second siège de Jérusalem par Nabuchodonosor en 586 av J.-C., qui s’acheva par la destruction du Temple de Salomon et le début de ce que l’on a appelé « la captivité des Juifs à Babylone » qui devait durer jusqu’en 538 av J.-C., le Grand Prêtre n’eut plus l’occasion de prononcer le nom de Dieu, et la prononciation véritable fût oubliée…
Or Arthur Waite était convaincu que l’objet de l’initiation maçonnique était l’unio mystica avec Dieu. Les initiateurs de la tradition maçonnique incorporèrent le thème de la recherche d’une chose perdue (dans le cas présent, le Mot du Maître) pour représenter la recherche du Christ. D’ailleurs pour Waite, Verbum Christus Est, le Mot de Maître perdu est Christ.
Pour ceux que l’apparent anachronisme pourrait surprendre, il faut rappeler que l’ancien Mot du Maître était le nom de Dieu, celui que l’on remplace part le tétragramme YHVH.
Série Gioviana. Cristofano dell’Altissimo, Portrait de Pico della Mirandola, vers 1552-1568.)
Selon la tradition kabbalistique chrétienne, le nom de Dieu cache le nom secret de Jésus et il serait donc « prouvé par la kabbale » que le Christ est le Sauveur. D’ailleurs, en incluant le caractère hébreu Shin (ש), qui de par sa forme est considéré comme faisant allusion à la Trinité dans le nom de Dieu, Yod He Vav He, YHVH, le nom de Jésus apparaît, YHSVH, Yehoshuah.
Cette preuve kabbalistique a été particulièrement appréciée par des kabbalistes chrétiens tels que Pic de la Mirandole, né en 1463 et mort en 1494.
Faisons maintenant appel aux travaux de Jan Snoek, né en 1946, historien des religions attaché à l’institut pour l’étude de religions de l’Université de Heidelberg en Allemagne, grand spécialiste des rituels maçonniques en Europe de l’Ouest, et notamment sur l’initiation des femmes en franc-maçonnerie et de la maçonnerie d’adoption.
Les recherches menées par Jan Snoek tendent à confirmer la théorie selon laquelle la recherche du Mot de Maître est certainement influencée par la quête kabbalistique de la prononciation correcte L’ idée selon laquelle l’ancien Mot de Maître fut perdu à l’instant de la mort d’Hiram est pour le moins déroutante puisqu’il est dit dans la légende que l’ancien mot était YHVH.
Snoek a éclairci ce mystère en démontrant que dans les premières versions anglaises de la légende, il n’est nulle part fait mention de perte du mot mais plutôt de perte de la prononciation du mot.
Hiram entre deux colonnes
Selon les premières versions de la légende, le Mot de Maître ne pouvait être prononcé que par les trois maîtres en même temps : Salomon, Hiram roi de Tyr, et Hiram Abif. Ce dernier n’aurait donc pas pu révéler le mot même s’il l’avait voulu. Et en tout état de cause, comme Hiram n’avait pas transmis cette connaissance avant d’être tué, la prononciation correcte du Mot du Maître fut perdue. Nous sommes donc en présence de deux traditions, kabbalistique et maçonnique, ayant pour thème central la perte de la prononciation exacte du Nom de Dieu. Si l’on examine la légende d’Hiram à la lumière des découvertes de Jan Snoek, il semble évident que, dans sa forme originale, elle était un « mythe d’initiation », contrairement aux versions plus récentes dans lesquelles la légende adopte la fonction d’un « récit moraliste ».
On peut toutefois se demander pourquoi le nouveau Mot de Maître ne désigne pas le Christ, ce qui aurait été le choix logique si la légende hiramique avait été influencée par les traditions kabbalistiques chrétiennes. Pourquoi le mot YHSVH (le Pentagramme qui permet d’écrire le nom hébreu de Jésus) ) n’a-t-il pas été adopté comme nouveau Mot du Maître ?
La légende maçonnique d’Hiram est-elle influencée par la kabbale ?
Comme nous l’avons vu, la légende hiramique se base sur la perte de la prononciation du nom de Dieu, YHVH. Le même thème se retrouve dans les traditions kabbalistiques et chrétienne.
Nous pourrions parler d’une coïncidence — encore qu’elle serait bien étrange — si nous n’avions connaissance de deux éléments importants. Premièrement, la légende d’Hiram est la légende centrale, la plus importante, du système maçonnique initiatique. Il est donc peu probable que le contenu de cette légende ait été choisi arbitrairement.
Mais puisque l’initiation au degré de Maître n’était pas purement moraliste mais plutôt initiatique au sens propre du mot, celle-ci poursuit le même but que la kabbale, c’est-à-dire l’unio mystica.
Pour résumer, voici les composantes se trouvant à la fois dans la légende hiramique et dans les traditions kabbalistes :
La recherche de la connaissance perdue de la prononciation d’un nom
Ce nom est YHVH dans les deux traditions
Ces deux traditions font le lien entre ce nom et le Temple de Salomon
Ces deux traditions incluent le concept de l’Unio Mystica
Malgré ce fait troublant, on peut penser avec nos Frères Jan Snoek et Henrink Bogdan que les similitudes entre les deux traditions sont tellement importantes que l’on peut affirmer non sans raison que la Kabbale se révèle être l’un des facteurs à l’origine de la légende d’Hiram.
Notre ami belge Marc Halévy a consacré un travail des plus intéressants à ce lien, dans le cadre de l’Académie Maçonnique de Provence, présidée par Alain Boccard. Comme le dit fort bien la préface du livre qui reprend ce travail, la Kabbale, est «le versant mystique et ésotérique du judaïsme. Les références à l’ancienne loi, à la Torah, à la construction du Temple de Jérusalem, font le corpus de la Franc-Maçonnerie Salomonienne, jusqu’à la jonction avec la nouvelle loi, inspiratrice des grades Chevaleresques. Les Kabbalistes ont inscrit dans le triangle lumineux les lettres mystérieuses. Comme les Francs-Maçons, ils épèlent ce qu’ils ne peuvent nommer…
Cette recherche de la Lumière, de la Vérité, de la Parole perdue procède d’un désir de spiritualité commune aux deux traditions la Kabbale et la Franc-Maçonnerie de Tradition. Deux voies parallèles qui s’enrichissent, deux sources qui deviennent deux rivières, puis deux fleuves que se jettent dans un océan de spiritualité, d’où émerge le sacré et le divin. Comme les rayons d’un arc dans le ciel, ces traditions éveillent et élèvent l’homme, puis le ramène vers sa mère la terre, dans l’humus.
Comment s’étonner dès lors de la conjonction entre les valeurs, les émanations de la Kabbale et la méthode maçonnique. L’arbre de vie, l’arbre des sephirot est bien présent par exemple au 13ème du Rite Écossais Ancien et Accepté, Chevalier de Royal Arche, l’impétrant en descendant dans sa Voûte intérieure, dans la Voûte Sacré, prononcera peu à peu les noms des sephirot mettant de l’ordre dans le chaos. »
D’autres auteurs ont bien noté la parenté entre kabbale et franc-maçonnerie.
Willermoz
La relation entre kabbale et franc-maçonnerie a été évoquée dès le 18e siècle, puisque en 1762, Antoine Meunier de Précourt, Vénérable Maître de la Loge Saint Jean des Amis Parfaits à l’Orient de Metz, a écrit à Jean-Baptiste Willermoz, le fondateur du Régime Ecossais, « Heureux qui connaît la science de la Kabbale et des nombres »
Citons encore Daniel Beresniak dans son livre la Kabbale Vivante : « Kabbale est un substantif formé par la racine hébraïque trilitère : Kof, Beith, Lamed. Cette racine exprime l’idée de « recevoir ». Ainsi la Kabbale se traduit par réception. » Et d’ajouter : « La réception est le fruit. Ce qui est porté par la transmission est le goût du fruit. Il est incommunicable, autrement que par l’expérience. »
Citons enfin Léon Askénazi (1922-1996), reprenant, après la guerre, le relais de son maître Jacob Gordin qui influença aussi Emmanuel Lévinas. Léon Askénazi délivre une vision de la kabbale « beaucoup plus rationnelle que mystique » selon Charles Mopsik, penseur et chercheur français mort en 2003.
« La kabbale a pu interpeller la pensée française pour autant qu’elle a été présentée comme une forme particulière de philosophie. En tant que doctrine religieuse, elle n’a guère suscité d’intérêt. Il n’existe aucune différence sensible entre Juifs et non Juifs à cet égard », note Charles Mopsik. C’est ce critère, selon lui, qui définit la spécificité de l’école française.
En fait, La Kabbale n’a jamais cessé d’être enseignée traditionnellement dans les écoles hassidiques, c’est-à-dire suivant le courant mystique fondé par le rabbin ukrainien Israël ben Eliezer connu sous le nom de Baal Chem Tov, le Maître du Bon Nom, et leurs opposants « conservateurs » qui ont suivi l’émigration des Juifs aux États-Unis, en Europe occidentale et en Israël au cours du XXe siècle.
On peut rappeler ici la conclusion d’un Franc-maçon dans une publication de 2009 : Il faut d’abord dire pour éviter toutes confusions possibles : La Kabbale n’est pas la Franc Maçonnerie, et la Franc Maçonnerie n’est pas la Kabbale…Il s’agit bien de deux traditions différentes.
Mais il est indéniable que la sève Kabbalistique a nourri la Franc-Maçonnerie comme elle a nourri le Judaïsme, le Christianisme et l’Islam… »