« Ce qu’il y a de meilleur dans les religions, ce sont leurs hérétiques »
Friedrich Hebbel (Aphorismes et réflexions)
Les Réformes luthériennes, calvinistes ou anglicanes auront comme toile de fonds un souci de respectabilité face à l’ancienneté du catholicisme, de sa pratique du rituel et de son message moral et culturel. En oubliant les différences théologiques importantes entre Luthériens, Calvinistes ou Anglicans qui, parfois, amèneront de véritables guerres civiles et qui pousseront à la création d’un lieu de conciliation entre les différents courants protestants de la Réforme, ce que sera la Franc-Maçonnerie.

Mais à l’intérieur même de la Réforme, mouvement révolutionnaire par excellence, certains théologiens estimèrent que l’idée de base de la Réforme avait été trahie et voulurent aller plus loin que Luther, Calvin ou Henry VIII. La Réforme « établie » se trouva dans le dilemme paradoxal, pour ne pas se laisser dépasser, de combattre avec violence des hommes et des idées qui se réclamaient d’elle et ce, avec un dogmatisme et une violence qui n’avaient rien à envier à l’Église Catholique !
Cela n’est pas sans conséquences pour la Franc-Maçonnerie elle-même : elle va puiser dans les mouvements du Protestantisme marginal un grand nombre d’orientations idéologiques allant dans le sens de la liberté de conscience. Mais, en même temps, elle se retrouvera, à l’intérieur, dans un clivage qui existe encore largement de nos jours : celui d’une Maçonnerie progressive, philosophique, tournée vers la cité ou d’une Maçonnerie « honorable » tournée vers la recherche de type religieux sans se l’avouer. Cela nous conduira à l’approche de la figure de Michel Servet véritable martyr de Calvin, de Lélius et Fauste Socin ou la Réforme dans la tolérance, des Anabaptistes et de la révolution sociale. Egalement, par curiosité, nous nous interrogerons sur les orientations unitariennes de Voltaire comme héritage des dissidents du protestantisme et de son influence directe et diffuse sur la Maçonnerie, des années plus tard.
I- Michel Servet Martyr de l’intolérance
« La haine, n’est qu’une défaite de l’imagination »
Graham Greene

Tous les esprits épris de liberté, dans cette Europe bouillonnante du 16e siècle, accueillir avec sympathie la Réforme : ils y voyaient la réalisation de leurs vœux en matière de liberté de conscience et d’interprétation, (cependant en passant sous silence l’hostilité qui voyait le jour entre l’humanisme d’Erasme et le dogmatisme de Luther). Un drame allait tout remettre en cause : l’affaire Servet. A partir de cet événement, la Réforme n’apparut plus comme un mouvement dynamique et régénérateur, mais comme un ensemble d’Eglises établies, capables d’intolérances notoires. A partir de Michel Servet, la liberté n’apparut plus du côté de la Réforme, et les esprits libres s’en éloignèrent pour mettre sur pied des théories philosophiques allant de la libre-pensée au libertinage. Une grande partie de l’intelligenzia échappait au christianisme. La Reforme s’en rendit compte, mais il était trop tard…
Michel Servet (Probablement Miguel Serveto y Reves) naquit le 29 septembre 1511 à Tuleda en Navarre, mais sa famille était de Villanueva de Sigena en Aragon, d’où il tira le nom de Villanovalus, Michel de Villeneuve, sous lequel il se dissimulera quand l’heure de la clandestinité sera venue. Il sera étudiant à Saragosse et à Toulouse. C’est dans cette dernière ville qu’il deviendra selon son expression « Estudieux de la Sainte-Ecriture », partisan de la Réforme. Toute sa vie, il sera un grand voyageur : on le trouve, en 1529, au couronnement de Charles Quint à Bologne, en qualité de secrétaire de Jean de Quintana, confesseur de l’Empereur et participe à la Diète d’Augsbourg en 1530, où il rencontre Melanchton (1) dont il lut avec avidité les « Loci communes » (de 1521) et rencontre aussi Bucer (2) avec qui il fut en étroites relations.

Dès lors, et jusqu’à la fin de sa vie, il va se passionner pour la théologie. Il adopte, à cette époque, le principe du biblicisme absolu, ce qui ne permet pas de l’accuser de rationalisme, comme le feront par la suite certains théologiens catholiques. Mais il appliquera le biblicisme avec plus de rigueur que les théologiens allemands. Il découvre alors que le dogme nicéen de la Trinité n’a aucun fondement réel dans la Bible en général, et qu’il n’en est absolument pas question dans le Nouveau Testament. Il a vingt ans et son opinion est définitive. Il s’établira à Bâle, où il rencontre Oecolampade (3), et à Strasbourg, où il s’entretient avec Capiton (4). Dès 1531, il publie à Haguenau, chez Jean Cesserius, un volume de 120 pages intitulé : « DeTrinitatis erroribus libri VII ». Naturellement, ce livre va faire scandale dans le monde protestant. D’après Bullinger, Zwingli (5) aurait dit alors à Bucer, Capito et Oecolampade : « Prenez-y bien garde, la doctrine fausse et pernicieuse de ce détestable espagnol renverserait les bases de notre religion chrétienne » ! Peu découragé par ces attaques, Michel Servet va récidiver en publiant, toujours à Haguenau, sous son nom : « Dialogorum de Trinitate libri duo », avec un appendice en quatre chapitres intitulés : « De justicia regni christi et de charitate » (48 pages). C’était une reprise de son premier ouvrage, avec quelques adoucissements de rigueur. Il va se voir alors repoussé avec colère du monde protestant officiel et prend le nom de Villanovanus et vient à Paris, où il ne fait que passer. D’après Théodore de Bèze, et sous toutes réserves, Calvin aurait donné rendez-vous, en 1534, au jeune espagnol, afin de réfuter ses erreurs sur la Trinité, « Mais ledit Servet, ne comparut point, quoiqu’on l’attendît longtemps » (6). On retrouve Michel Servet à Lyon, en 1535, chez les frères Trechsel, comme correcteur d’imprimerie où il est considéré comme un jeune homme très instruit et de grand mérite. On va le charger de publier une nouvelle édition de la « Géographie de Ptolémée » qui paraîtra à Lyon en 1535 sous le titre : « Claudii Ptolomaei Alexandrini geographiae enarrationis libri octo », grand in-folio, avec gravures.

Très vite, Michel Servet va s’intéresser aussi à la médecine en publiant les ouvrages de Symphorien Champier, célèbre docteur botaniste et astrologue lyonnais. En 1537, Servet publiera à Paris, chez Simon Collines un « Traité des sirops » (« Syruporum universa ratio »), avec méthode purgative, et où il se réclamait des théories de Gallien (7). Il va habiter quelques années à Paris, où il eut quelques démêlées avec la faculté de médecine. Ses études de médecine terminées, non sans orages, il se rend à Charlieu-en-Forez, pour y exercer son art. Comme nous le voyons, Servet n’est pas un quelconque agitateur, mais un esprit vif et brillant, hanté par la recherche de la vérité. Il y avait chez lui une sorte de pureté qui fit sa force et sa faiblesse. Elle amena, en tout cas, sa solitude absolue. A Charlieu-en-Forez, il aurait fait la connaissance d’un petit groupe d’anabaptistes (8) et se serait fait rebaptiser par eux. Cependant, il se montre prudent aussi vis-à-vis des autorités catholiques, car après deux ans de séjour à Charlieu (1539-1541), il peut se faire admettre au service de l’Archevêque de Vienne en Dauphiné, Pierre Paulmier, en qualité de médecin, et il y restera douze ans (1541-1553).
C’est durant cette période de trêve qu’il va préparer la publication de son principal ouvrage dont le titre rappelle celui de « l’institution » de Jean Calvin, qu’il vise à réfuter : « Christiani restitutio » qu’il ne publiera qu’en 1553. Mais il n’attendit pas cette date pour en communiquer quelques aspects aux protestants qu’il espérait naïvement gagner à ses idées. Il communiquera secrètement avec Calvin par l’intermédiaire du libraire lyonnais Jean Frellon. Nous possédons de Calvin une lettre à Frellon qui indique les impatiences du réformateur genevois, à la lecture des écrits du médecin de Vienne : « Seigneur Jehan, pour que vos lettres me furent apportées sur mon partement, je n’eus pas loisir de faire résponse à ce qui était enclos dedans. Depuis mon retour, au premier loisir que j’ay eu, j’ay bien voulu satisfaire à vostre désir ; non pas que j’aye grand espoir de profiter guères envers tel homme, selon que le voy disposé mais afin d’essayer encore, s’il y aura moyen de le réduire, qui sera, quand Dieu aurs si bien besogné en luy, qu’il devienne tout aultre. Pour ce qu’il m’avait éscrit d’un esprit tant superbe, je luy ay bien voulu rabattre un petit peu son orgueil, parlant à luy plus durement que ma coustume ne porte, mais je ne l’ay peu faire aultrement. Car je vous assure qu’il n’y a leçon qui luy soit plus nécessaire que d’apprendre humilité ce qui luy viendra de l’esperit de Dieu, non d’ailleurs. Mais nous y devons aussi tenir la main. Si Dieu nous faict ceste grâce à luy et à nous, que la présente response luy profite, j’auray de quoy me réjouir. S’il poursuit d’un tel style comme il a faict maintenant, vous perdrez temps à ne plus solliciter à travailler envers luy, car j’ay d’aultres affaires qui me pressent de plus près. Et ferois conscience de m’y plus occuper, ne doubtant pas que ce ne fust un Sathan pour me distraire des aultres lectures plus utiles. Et pourtant (par conséquent) je vous prye de vous contenter de ce que j’en ay faict, si vous n’y voyer meilleur ordre ». Cette lettre signée Charles d’Espéville, l’un des pseudonymes les plus habituels de Calvin, est datée du 13 février 1546, mais comme l’année finissait alors au 25 mars, il faut entendre 1547 dans notre manière de compter. Mais, aspect beaucoup plus inquiétant, Calvin écrivait le même jour à Farel, en latin, et lui disait : « Servet m’a récemment écrit et il a joint à sa lettre un long volume de ses délires et d’une jactance thrasonique, m’annonçant que je verrais des choses étonnantes et jusqu’ici inouïes. Il déclare qu’il viendra ici, si cela me plaît. Mais je ne veux pas lui donner ma parole (« Nolo fidem meam interponere »), car s’il vient, pourvu que mon autorité puisse prévaloir, je ne souffrirai pas qu’il s’en retourne vivant » (9). Michel Servet commença à comprendre ce qui lui arriverait s’il tombait dans les mains de Calvin. Il avait eu avec le réformateur Genevoix, surtout de 1539 à 1541, une correspondance étendue, puisqu’il put joindre à son édition de la « Restitutio » vingt-trois lettres de Calvin. Durant quelques années, Michel Servet conserva l’anonymat. Ce furent pour lui des années de travail et d’approfondissement théologiques. Et à Genève, on put croire qu’il allait se tenir tranquille. Erreur ! Il n’en était rien…

Au début de 1553, parvint à Genève un exemplaire de la « Restitutio », imprimé en grand secret (et sans nom d’auteur) par Balthasar Arnouillet et Guillaume Guéroult. Or, il y avait à Genève un réfugié lyonnais, Guillaume de Trie, que Calvin avait accueilli avec sympathie et qui restait en correspondance avec l’un de ses cousins, Claude Arneys, catholique fervent, qui cherchait à le ramener à l’orthodoxie. De Trie, dans sa correspondance théologique, crut se justifier en lui révélant que ce n’était pas à Genève, mais en France, que l’on tolérerait des blasphèmes contre la foi, puisqu’un ouvrage « rempli de blasphèmes » comme la « Restitutio » de Servet avait pu y paraître. Parlant de son auteur, il ajoutait qu’il méritait « d’estre bruslé partout où il serait ». Ce n’était pas une dénonciation proprement dite, mais le résultat fut qu’en mars 1553, la lettre fut communiquée aux autorités ecclésiastiques de Lyon et qu’un procès fut intenté contre Servet. Calvin fut-il à la base de cette manœuvre odieuse ? Les historiens sont partagés…
Michel Servet tenta de se retrancher derrière l’anonymat et nia que Servet et Villeneuve fussent la même personne. En outre une perquisition chez lui ne donna aucun résultat. Il fallut, par l’intermédiaire d’Arneys, recourir à de Trie pour avoir des preuves. Celui-ci s’adressa à Calvin, et le 26 mars, envoya toute une série de lettres de Servet à Calvin, en manuscrit et, en outre, deux feuillets de l’ « Institutio » de Calvin, couverts de notes par Servet. Le 31 mars, de Trie expédiait de nouveaux renseignements sachant qu’ils serviraient au procès de Servet par l’Inquisition catholique. Il est incontestable, dans cet apport de preuves contre Servet que Calvin joua un rôle extrêmement douteux qui le laissait apparaître, aux yeux de l’histoire, comme le complice des catholiques, afin de réduire au silence un homme dont le seul crime était de penser par lui-même en matière de réflexion religieuse. Ce que, théoriquement, la Réforme prônait !

Probablement grâce à des protecteurs, Michel Servet réussit à s’évader de la prison, le 17 juin. Mais, le destin utilise parfois d’étranges chemins. Nous pouvons même avancer l’idée qu’un désir inconscient d’auto-punition en regard de la figure paternelle de Calvin joua vers une orientation quasiment suicidaire : il eut l’idée de passer par Genève pour se rendre à Naples, où il pensait se réfugier. Il semblerait qu’il ait conçu l’espoir de s’appuyer sur le parti des « Libertins » qui contrecarrait à Genève l’autorité de Calvin, afin de demander une plus grande liberté théologique et dénoncer la dictature sur les esprits que Calvin imposait peu à peu. Ce fut sa grande erreur : cet homme seul ne pouvait que se briser contre la citadelle genevoise…
Il fut reconnu et arrêté sur le champ. Les Libertins prirent fait et cause pour lui et l’audience du 16 août 1553, où il comparut fut très houleuse. Michel Servet devenait un « objet politique » par rapport à une situation globale, la querelle théologique passant souvent au second plan. Le 17 août, Calvin se présenta en personne devant le Petit Conseil, transformé en tribunal pour la foi. Le 21, le Petit Conseil décida de demander les avis des Eglises de Berne, Bâle, Zurich et Schaffhouse, mais ce désir de légalité apparaissait comme un leurre : en effet, personne n’ignorait que le sort du prisonnier dépendait de Calvin. Pendant ce temps, la discussion se poursuivait entre les deux hommes. Servet, enchaîné et maltraité ne perdit jamais ni sa dignité, ni son intelligence, alors que Calvin, plein de haine et de ressentiment, perdit souvent la plus élémentaire retenue en traitant son adversaire de menteur, sycophante, imposteur, disciple de Simon le magicien !
La réponse des Eglises consultées arriva le 18 octobre. Elles étaient toutes, évidemment, en faveur de Calvin et l’issue de l’affrontement ne pouvait plus être douteuse. Le registre des pasteurs de Genève porte, à la date du 27 octobre 1553, la mention suivante : « Messeigneurs ; aians receu l’advis des Eglises de Berne, Basle, Zurich et Chafouz, touchant le faict de Servet, le condamnèrent à estre mené en Champey et là estre bruslé tout vif. Ce qui fut faict, sans que ledict Servet à sa mort ait donné aucung indice de repentance de ses erreurs ». La condamnation était de la veille et l’exécution avait eu lieu au matin du 27.
Nous savons qu’un monument sera érigé en souvenir de Servet, à Genève sur la place Champel, en 1903, en manière de protestation contre la rigueur de l’intolérance de Calvin et de son siècle. Mais le mal était fait : la preuve était donnée que la Réforme pouvait devenir inquisitoriale. A partir de ce moment-là, la Réforme qui était considérée comme un mouvement vers la libre pensée se transforma en Eglises établies et dogmatiques, à la manière du catholicisme. Ceux qui refusèrent cet état de chose, se constituèrent en groupes « libéraux » multiples ou en sectes et tentèrent de redonner l’élan premier d’avant l’établissement dans un conservatisme pesant des mouvements de la Réforme. Beaucoup d’autres abandonnèrent aussi la réflexion théologique pour la philosophie.
Quel fut l’apport de Michel Servet à la théologie et à la philosophie ? Tout d’abord, il faut dire, qu’il ne fut jamais un chef d’école. Il était un chercheur indépendant et on ne lui connaît qu’un seul disciple : Alphonso Ligurio de Tarragone. Nous pouvons aussi le considérer davantage comme un mystique qu’un rationaliste, qui voulait restaurer ce qui à ses yeux représentait le christianisme d’origine, au-delà des inventions métaphysiques qui avaient détruit la foi primitive. Pour lui, le Jésus historique n’est pas forcément transcendant et s’inscrit seulement dans la lignée des prophètes. En tout cas, il n’est pas le fils « unique » de Dieu car les juifs dans leur ensemble se considèrent déjà naturellement comme « fils de Dieu », et il en conclut que tous les hommes peuvent aspirer, par l’initiation de Jésus, à cette divinité morale qui fut la sienne. Calvin ne pouvait être d’accord car il comprenait, bien entendu, que la négation de la double nature divine et humaine en la personne de Jésus Christ, telle qu’elle avait été définie dans les premiers conciles, aboutissait à la négation du salut et à l’annexe théologique de la prédestination. De là cette passion, sous bien des aspects morbides, qu’il mit à poursuivre Michel Servet.
Sur un plan humain, Servet était un homme génial (il avait redécouvert la circulation pulmonaire du sang que les arabes connaissaient). Il était audacieux dans son langage, assuré dans ses exégèses, d’un éclectisme puissant dans ses lectures et connaissances qui en font un très grand esprit de son temps. Là aussi, Calvin ne pouvait tolérer cette concurrence. On lui reprocha donc, pêle-mêle, son anabaptisme, son mahométisme (Il citait le Coran en disant qu’il y a vérité partout), son antitrinitarisme. Ses propos, sortis du contexte furent utilisés dans son procès. Ainsi, l’on cita sa phrase célèbre, à propos de la Trinité : » A la place de Dieu, vous avez un cerbère à trois têtes, à la place de la vraie foi, vous vous repaissez de songes décevants ».
Melanchton, à qui Calvin avait envoyé sa réfutation de Servet, écrivait le 14 octobre 1554, à Calvin : « J’ai lu votre ouvrage où vous avez réfuté magnifiquement les horribles blasphèmes de Servet et je rends grâce au Fils de Dieu qui fut l’arbitre de votre combat. L’Église vous devra et maintenant et dans la postérité de la reconnaissance. J’applaudis complètement à votre jugement. Et j’affirme que vos magistrats ont agi avec justice en faisant exécuter après un procès régulier ce blasphémateur » (10). Phrases lourdes de conséquences historiques, car elles justifieront, quelques années plus tard, les persécutions royales contre les « réformés » en France…
La Réforme classique, devenue officielle, reprochait surtout à Servet sa liberté de conscience et sa libre interprétation, la négation métaphysique de Jésus, pour ne lui accorder qu’une divinité (plutôt d’une sagesse !) toute morale. Outre un approfondissement théologique des idées antitrinitaires qui en faisait le continuateur des premiers siècles, Michel Servet ouvrait la voie à une théologie et philosophie où la liberté personnelle étaient maîtresses du jeu et ce, dans l’esprit premier de la Réforme.
Il défendit ses convictions jusqu’à la mort au bûcher…
NOTES
(1) Philippe Melanchton (1497-1560) : Théologien, pédagogue et humaniste, Ami de Luther. Il tentera d’orienter la Réforme vers une forme plus humaniste.
(2) Martin Bucer (1491-1551) : réformateur à Strasbourg.
(3) Jean Oecolampade (1482-1531) : réformateur à Bâle.
(4) Wolfgang Capiton (1478-1541) : Théologien réformateur alsacien.
(5) Ulrich Zwingli (1484-1531) : réformateur suisse. Influence sur la pensée théologique de Calvin, notamment dans le domaine de la prédestination et du rejet de la présence réelle du Christ dans l’hostie au moment de la communion (Transsubstantiation).
(6) « Corpus reformatorum, Opéra Calvini ».
(7) Galien
(8) Anabaptistes : Courant religieux rejetant le baptême des enfants, mais qui va aller plus loin dans ses projets de société et sa vision du christianisme.
(9) « Corpus reformatorum, Opéra Calvini » et « Lettres françaises de Calvin » publiées par Jules Bonnet. (10) « Opera Calvini »

Très intéressant article. Je ne sais s’il y a une suite, mais le socinianisme était partagé par Isaac Newton dont le principal collaborateur, Jean-Théophile Désaguliers a été un des fondateurs de la franc-maçonnerie moderne.
L’hétérodoxie socinienne, partagée au XVIIe et XVIIIe siècles par des philosophes de plus en plus nombreux et prestigieux (Newton et Locke), conduit, selon les anglicans orthodoxes, au rejet de la trinité, de la révélation et de la résurrection et ouvre la porte au déisme voire à l’athéisme.
Newton a dévoilé à ses amis proches sa « théologie hérétique » antitrinitaire et qu’il l’exprimait même « de manière oblique » dans des écrits publics comme les dernières pages de l’Opticks ou les Principia Mathematica.
Newton croit en un dieu unique intelligent à l’origine de l’univers.
Il contredit la chronologie biblique et ne reconnaît pas la Trinité, ce qui est suffisant pour mettre à mal l’ensemble du dogme chrétien, ce qui lui vaut d’âtre qualifié d’hérétique. Locke lui-même, qui pourtant prétend combattre l’athéisme mais doute lui aussi de la validité du dogme trinitaire, est qualifié d’athée par le primat de l’Église anglicane. D’autres lui reprochent d’être sceptique, voire déiste.
Newton et Locke, qui stigmatisent l’athéisme sans doute par souci de leur sécurité, postulent néanmoins qu’on peut ne pas croire à tout ce qui, bien que traditionnellement admis, heurte la raison.
Or on sait bien maintenant que Newton et Locke, s’ils n’ont pas été francs-maçons, ont fortement influencé l’esprit de la Grande Loge qui se constitue à Londres entre 1717 et 1723. Désaguliers n’a pu ignorer le socinianisme de son maître. Quant à Locke, antitrinitarien, ses idées sur la liberté de conscience ont marqué la franc-maçonnerie jusqu’à nos jours.
Je me permets de renvoyer à mon livre, Richard Bordes, « Les origines anglaises de la franc-maçonnerie moderne au sein de la galaxie hétérodoxe », ed Maïa, 2022.
Malgré cette démolition de Calvin (que j’approuve, bien que réformé !), la pensée progressiste du protestantimse ne s’est pas arrêtée, et elle a ensemencé la màçonnerie ! . Anderson et Désaguliers étaient pasteurs réformés (ce dernier pasteur anglican mais né à La Rochelle en milieu réformé). les pasteurs réformés ont été à l’origine de la séparation de l’Église et de l’état en 1905..
Je partage tout à fait le point de vue de René Mettey.
PS : ce qui confirme bien que toutes les religions sont des machines à brûler les hérétiques…
Un autre :
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tienne_Dolet