sam 19 avril 2025 - 18:04
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Banc d’essai des rites maçonniques : REAA, Rite Français, et Emulation

Une concurrence fraternelle au service de la lumière

La Franc-maçonnerie, dans sa richesse et sa diversité, offre une pluralité de rites qui, tels des chemins initiatiques, guident les maçons vers la lumière. Parmi les plus pratiqués en France, le Rite Écossais Ancien et Accepté (REAA), le Rite Français, et le Rite d’Émulation se distinguent par leurs approches, leurs symboles, et leurs philosophies. À l’occasion de ce banc d’essai, nous vous proposons une analyse comparative de ces trois rites, dans un esprit de concurrence fraternelle, pour mieux comprendre leurs spécificités et leurs apports à notre quête spirituelle. Que vous soyez Apprenti, Compagnon, ou Maître, ce voyage à travers les rites vous invitera à réfléchir à votre propre cheminement.

Présentation des trois rites : Une diversité initiatique

Avant de plonger dans notre banc d’essai, dressons un portrait de chaque rite, en mettant en lumière leurs origines, leurs structures, et leurs philosophies.

  1. Rite Écossais Ancien et Accepté (REAA)
    • Origines : Né au XVIIIe siècle, le REAA trouve ses racines dans les loges écossaises de France, notamment à Bordeaux et à Marseille, avant d’être formalisé aux États-Unis en 1801 par le Suprême Conseil de Charleston. Il s’est répandu mondialement, devenant le rite le plus pratiqué au monde, notamment en France au sein de la Grande Loge de France (GLDF) et du Suprême Conseil de France.
    • Structure : Le REAA est un système en 33 degrés, allant de l’Apprenti (1er degré) au Souverain Grand Inspecteur Général (33e degré). Les trois premiers degrés (symboliques) sont travaillés en loge bleue, tandis que les degrés supérieurs (4e au 33e) sont gérés par des ateliers de perfection, chapitres, aréopages, et consistoires, sous l’égide d’un Suprême Conseil.
    • Philosophie : Le REAA est un rite spirituel et universaliste, qui met l’accent sur la quête intérieure, la transcendance, et la connexion avec le Grand Architecte de l’Univers. Il est riche en symboles (aigle bicéphale, triangle lumineux) et en références ésotériques, notamment dans les hauts grades, où il explore des thèmes comme la justice, la chevalerie, et la perfection morale.
  2. Rite Français
    • Origines : Également appelé Rite Moderne, le Rite Français est codifié en 1786 par le Grand Orient de France (GODF), bien que ses racines remontent aux premières loges françaises du XVIIIe siècle. Il est souvent associé à l’esprit des Lumières et à une vision rationaliste de la Franc-maçonnerie.
    • Structure : Le Rite Français se concentre sur les trois degrés symboliques (Apprenti, Compagnon, Maître), bien qu’il existe des degrés philosophiques (comme le 4e degré, Maître Parfait) pratiqués dans des ateliers spécifiques. Il est plus simple dans sa structure que le REAA, privilégiant la clarté et l’accessibilité.
    • Philosophie : Le Rite Français est un rite humaniste et progressiste, qui met l’accent sur la liberté de pensée, la laïcité, et l’engagement sociétal. Il encourage les maçons à réfléchir aux grandes questions de société (éducation, justice sociale, droits humains) et à agir dans la cité pour promouvoir les idéaux républicains.
  3. Rite d’Émulation
    • Origines : Le Rite d’Émulation, ou Emulation Working, est un rite anglais codifié en 1813 par la Grande Loge Unie d’Angleterre (UGLE), à la suite de la réconciliation entre les “Anciens” et les “Modernes”. Il tire son nom de l’Emulation Lodge of Improvement, fondée en 1823 à Londres pour standardiser les rituels.
    • Structure : Comme le Rite Français, le Rite d’Émulation se concentre sur les trois degrés symboliques, mais il est connu pour ses rituels très formalisés et mémorisés, souvent récités sans notes. Il n’a pas de hauts grades officiels, bien que certains maçons anglais pratiquent le Royal Arch comme complément.
    • Philosophie : Le Rite d’Émulation est un rite traditionaliste et déiste, qui insiste sur la moralité, la fraternité, et la perfection du rituel. Il met l’accent sur la transmission orale et la discipline, avec une approche plus conservatrice que le REAA ou le Rite Français. Il est souvent associé à une vision apolitique et non dogmatique de la Franc-maçonnerie.

Banc d’essai : Une concurrence fraternelle

Pour comparer ces trois rites, nous avons retenu cinq critères : symbolisme, spiritualité, engagement sociétal, accessibilité, et pratique rituelle. Chaque rite sera évalué dans un esprit de concurrence fraternelle, non pour les opposer, mais pour mettre en lumière leurs forces et leurs spécificités.

  1. Symbolisme
    • REAA : Le REAA excelle dans la richesse symbolique. Ses 33 degrés offrent une progression initiatique où chaque grade introduit de nouveaux symboles (l’aigle bicéphale, le triangle lumineux, l’épée flamboyante). Les hauts grades explorent des thèmes ésotériques complexes, comme la kabbale ou la chevalerie, ce qui en fait un rite particulièrement apprécié des maçons en quête de profondeur. Note : 9/10
    • Rite Français : Le Rite Français est plus sobre en termes de symbolisme. Il se concentre sur des symboles fondamentaux (équerre, compas, pavé mosaïque) et privilégie leur interprétation rationnelle. Cependant, il peut sembler moins riche pour ceux qui recherchent une exploration ésotérique approfondie. Note : 6/10
    • Rite d’Émulation : Le Rite d’Émulation utilise des symboles classiques, mais son approche est plus pragmatique, avec un accent sur leur signification morale (par exemple, l’équerre comme symbole de droiture). Il est moins axé sur l’ésotérisme que le REAA, mais sa simplicité symbolique peut être un atout pour les nouveaux maçons. Note : 7/10
      Vainqueur : Le REAA, pour sa profondeur et sa diversité symbolique.
  2. Spiritualité
    • REAA : Le REAA est profondément spirituel, avec une forte référence au Grand Architecte de l’Univers, qui peut être interprété de manière déiste ou symbolique. Les hauts grades explorent des concepts métaphysiques, comme la transcendance et la perfection de l’âme, ce qui en fait un rite idéal pour les maçons en quête d’élévation spirituelle. Note : 9/10
    • Rite Français : Le Rite Français est plus laïque dans son approche. S’il n’exclut pas la spiritualité, il met davantage l’accent sur la réflexion philosophique et éthique, laissant chaque maçon libre de ses croyances. Cela peut convenir aux maçons qui préfèrent une approche non dogmatique, mais décevoir ceux qui recherchent une dimension mystique. Note : 5/10
    • Rite d’Émulation : Le Rite d’Émulation est déiste, exigeant une croyance en un Être Suprême (souvent interprété comme Dieu). Il offre une spiritualité plus structurée, centrée sur la moralité et la prière, mais moins ésotérique que le REAA. Note : 7/10
      Vainqueur : Le REAA, pour sa profondeur spirituelle et sa flexibilité d’interprétation.
  3. Engagement sociétal
    • REAA : Le REAA encourage l’engagement sociétal, mais il est souvent plus introspectif, privilégiant la transformation intérieure comme préalable à l’action extérieure. Des obédiences comme la GLDF, qui pratiquent le REAA, participent néanmoins à des débats sociétaux, comme la défense de la laïcité. Note : 7/10
    • Rite Français : Le Rite Français brille dans ce domaine. Héritier des Lumières, il encourage les maçons à s’impliquer dans la société profane, en promouvant des valeurs comme la justice sociale, l’égalité, et la laïcité. Le GODF, principal utilisateur de ce rite, est connu pour ses prises de position sur des sujets comme l’éducation ou les droits humains. Note : 9/10
    • Rite d’Émulation : Le Rite d’Émulation adopte une approche apolitique, conformément aux principes de l’UGLE. Il se concentre sur la moralité individuelle et la fraternité, évitant les débats sociétaux pour préserver l’harmonie en loge. Cela peut être perçu comme une limite pour les maçons engagés. Note : 4/10
      Vainqueur : Le Rite Français, pour son engagement humaniste et sociétal.
  4. Accessibilité
    • REAA : Le REAA peut sembler intimidant pour les nouveaux maçons en raison de sa complexité et de ses 33 degrés. Cependant, les trois premiers degrés sont accessibles, et la progression graduelle permet une montée en puissance dans la compréhension des symboles. Note : 6/10
    • Rite Français : Le Rite Français est très accessible, avec des rituels clairs et une structure simple. Son langage direct et sa focalisation sur les trois degrés en font un rite idéal pour les débutants ou ceux qui préfèrent une approche moins ésotérique. Note : 8/10
    • Rite d’Émulation : Le Rite d’Émulation est accessible dans sa structure, mais exige une mémorisation rigoureuse des rituels, ce qui peut être un défi pour les nouveaux maçons. Sa formalité peut aussi rebuter ceux qui recherchent plus de spontanéité. Note : 6/10
      Vainqueur : Le Rite Français, pour sa simplicité et sa clarté.
  5. Pratique rituelle
    • REAA : Les rituels du REAA sont riches et variés, avec une progression dramatique à travers les degrés. Ils intègrent des éléments théâtraux, notamment dans les hauts grades, ce qui rend les tenues vivantes et immersives. Cependant, leur complexité peut demander un investissement important. Note : 8/10
    • Rite Français : Les rituels du Rite Français sont sobres et élégants, avec un accent sur la réflexion et le débat. Ils sont moins théâtraux que ceux du REAA, mais leur simplicité permet une grande liberté d’interprétation. Note : 7/10
    • Rite d’Émulation : Le Rite d’Émulation est connu pour la beauté et la précision de ses rituels, qui doivent être mémorisés et récités avec exactitude. Cette rigueur confère une harmonie unique aux tenues, mais peut être perçue comme rigide par certains maçons. Note : 9/10

Vainqueur : Le Rite d’Émulation, pour la perfection et l’élégance de ses rituels.

Tableau récapitulatif

CritèreREAARite FrançaisRite d’Émulation
Symbolisme9/106/107/10
Spiritualité9/105/107/10
Engagement sociétal7/109/104/10
Accessibilité6/108/106/10
Pratique rituelle8/107/109/10
Total39/5035/5033/50

Une concurrence fraternelle : Quel rite choisir ?

Ce banc d’essai montre que chaque rite a ses forces et ses spécificités, et qu’aucun n’est intrinsèquement supérieur aux autres. Le choix d’un rite dépend avant tout de votre sensibilité et de vos aspirations maçonniques :

  • Si vous cherchez une quête spirituelle profonde et une richesse symbolique, le REAA est fait pour vous. Sa structure en 33 degrés offre un parcours initiatique complet, idéal pour les maçons en quête de transcendance et d’ésotérisme.
  • Si vous êtes animé par un engagement sociétal et une approche humaniste, le Rite Français saura vous séduire. Son héritage des Lumières et sa simplicité en font un rite accessible et engagé, parfait pour ceux qui veulent agir dans la cité.
  • Si vous privilégiez la tradition, la discipline, et la beauté des rituels, le Rite d’Émulation est un choix judicieux. Sa rigueur et son élégance séduisent les maçons attachés à une pratique formalisée et à une spiritualité déiste.

En France, ces trois rites coexistent harmonieusement au sein de différentes obédiences. Le REAA est majoritaire à la GLDF et dans certaines loges du GODF, le Rite Français est le rite de référence du GODF, et le Rite d’Émulation est pratiqué par des loges affiliées à la Grande Loge Nationale Française (GLNF) une obédiences en relation avec la GLUA. Cette diversité est une richesse, car elle permet à chaque maçon de trouver le chemin qui lui correspond.

Une perspective contemporaine : Les rites face aux défis d’aujourd’hui

Image générée par Intelligence Artificielle
Image générée par Intelligence Artificielle

À l’heure où la Franc-maçonnerie doit s’adapter aux défis du XXIe siècle – numérisation, attentes des nouvelles générations, méfiance du public – ces rites ont chacun un rôle à jouer. Le REAA, avec sa profondeur spirituelle, peut répondre aux aspirations des maçons en quête de sens dans un monde matérialiste, comme l’a souligné Lionel Obadia dans The Conversation (31 mars 2025), en notant que l’IA réactive des croyances mystiques. Le Rite Français, avec son engagement sociétal, est bien placé pour dialoguer avec la société profane, comme le montre l’ouverture de la loge “La Flandre” à Bruges après un acte de vandalisme (VRT NWS, 3 avril 2025). Enfin, le Rite d’Émulation, par sa rigueur, peut préserver les traditions tout en attirant ceux qui recherchent une discipline spirituelle.

Une fraternité dans la diversité

Ce banc d’essai des rites REAA, Français, et d’Émulation illustre la beauté de la Franc-maçonnerie : une diversité de chemins menant à une même lumière. Chacun de ces rites, avec ses forces et ses particularités, contribue à l’édifice maçonnique, dans un esprit de concurrence fraternelle. Comme le pavé mosaïque, qui unit le blanc et le noir en une harmonie parfaite, ces rites nous rappellent que nos différences sont une source d’enrichissement.

Sœurs et Frères, quel que soit le rite que vous pratiquez, qu’il soit pour vous un outil de Sagesse, de Force, et de Beauté. Que votre quête de lumière soit toujours guidée par la fraternité et l’humilité, pour que nous puissions, ensemble, réunir ce qui est épars.

Parler de Dieu ou l’Entendre ?

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Avez-vous déjà ressenti l’appel de l’inconnu ? Avez-vous déjà senti l’invisible se manifester ? C’est autour de ces interrogations que de multiples rencontres avec les « expérimentateurs de l’AME » viennent enrichir le parcours de vie étonnant d’Henri May : Lévitation, bilocation, clairvoyance, tunnel de la mort… Dès son enfance et au cours de sa vie, il a été percuté par l’extraordinaire. Ses démarches ésotériques dans le domaine du Reiki comme dans celui de la Franc-maçonnerie des hauts grades et celui des démarches rosicruciennes en font un témoin circonstancié de l’invisible.

Témoignage partagé en empathie avec de nombreux amis. Ces expériences contribuent à instituer en 206 pages ce que les rationalistes intégristes pourraient qualifier de « rassurant » roman initiatique, ce que les esprits en quête de transformation personnelle décoderont comme « signifié », que l’extraordinaire est à la portée de tous. On se croit vraiment important ? Certaines démarches vont nous prouver que nous sommes bien davantage que cela, nous montrer notre véritable grandeur et nous apprendre l’humilité

Henri May professeur de théâtre au Cours Titon (Paris 11°) a été commercial puis directeur d’agence dans la sécurité industrielle pour un grand Groupe américain (Honeywell).Initié à la Grande Loge Nationale Française au Rite Ecossais Ancien et Accepté, il a suivi sa Juridiction en 2012 lors de la création de la Grande Loge de l’Alliance Maçonnique Française où il a été nommé Grand Expert Provincial – En parallèle, il est Maître Reiki et étudiant Rose+Croix

La Loge “La Flandre” à Bruges ouvre ses portes au public : Une réponse fraternelle au vandalisme

De notre confrère belge vrt.be

Dans un geste aussi courageux que symbolique, la loge maçonnique “La Flandre” à Bruges, en Flandre occidentale, a exceptionnellement ouvert ses portes au public le 3 avril 2025, pour démystifier les activités de la Franc-maçonnerie et répondre à un acte de vandalisme survenu en janvier dernier. Fondée en 1881, “La Flandre” est la plus ancienne loge de la région, et cette initiative marque une rupture avec une tradition de discrétion séculaire. À l’heure où la Franc-maçonnerie est souvent entourée de mystères et de préjugés, cette ouverture est une invitation à la transparence et au dialogue. Découvrons cet événement, son contexte, et ce qu’il nous enseigne sur notre propre pratique maçonnique.

Un acte de vandalisme comme déclencheur

Le 4 janvier 2025, alors que les membres de “La Flandre” étaient réunis pour une tenue dans leur atelier de la Beenhouwersstraat, un bruit sourd a interrompu leurs travaux. “Quand quelqu’un est allé voir ce qu’il s’était passé, il y avait du verre et un gros pavé sur le sol. On avait lancé une pierre et brisé la fenêtre au-dessus de la porte”, raconte Philip S., président de la loge. Cet acte de vandalisme, le premier depuis la Seconde Guerre mondiale, a profondément marqué les 90 membres de la loge. “Le fait est que notre loge a été victime d’une agression physique pour la première fois depuis cette période sombre”, ajoute-t-il.

Mercredi, la loge a symboliquement restitué le pavé à la ville. — © Simon Mouton pour nieuwsblad.be

Cet incident n’est pas isolé. En Belgique comme en France, la Franc-maçonnerie est parfois la cible d’actes hostiles, souvent alimentés par des malentendus ou des théories complotistes. En 2016, lors des Journées du Patrimoine à Nantes, une loge avait également ouvert ses portes pour contrer les préjugés, une démarche similaire à celle de “La Flandre”. Plus récemment, le piratage de la Gran Logia de la Masonería del Uruguay, révélé le 1er avril 2025, a montré que les attaques contre la Franc-maçonnerie peuvent aussi prendre une forme numérique, avec la fuite de 13 Go de données sensibles. Ces événements rappellent que, malgré les progrès de la tolérance, notre institution reste parfois incomprise.

“La Flandre” : Une loge historique au cœur de Bruges

Loge « La Flandre » à Bruges- (Crédit photo : Koen Theuns)

Fondée en 1881, “La Flandre” est la plus ancienne loge maçonnique de Flandre occidentale. Depuis plus d’un siècle, elle se réunit dans un bâtiment discret de la Beenhouwersstraat, au centre de Bruges, une ville surnommée la “Venise du Nord” pour ses canaux et son patrimoine médiéval. Derrière une façade charmante, qui ne laisse rien deviner de son usage, se cachent des espaces empreints de symbolisme : une grande salle de réunion, un bar, une salle de banquets, et un temple impressionnant, décoré dans un style marqué par l’égyptomanie des années 1910. Cette influence égyptienne, visible dans les éléments décoratifs des murs, reflète une fascination pour les mystères antiques qui a inspiré de nombreux maçons à cette époque, notamment dans les rites comme le Rite Écossais Ancien et Accepté (REAA).

Le temple de “La Flandre” est organisé selon une disposition classique : deux rangées de chaises de part et d’autre de la salle, symbolisant l’équilibre et l’harmonie, et trois tables à l’avant pour le président, le secrétaire, et l’orateur invité. Ces lieux, où les membres se réunissent deux fois par mois, étaient jusqu’à récemment réservés exclusivement aux maçons, soit environ 90 personnes. Pendant des décennies, aucune personne extérieure n’avait franchi le seuil de cet atelier, un terme que les maçons utilisent pour désigner leur espace de réunion, en écho à l’idée de “travailler” sur soi et sur les idéaux maçonniques.

Démystifier les activités maçonniques

L’acte de vandalisme a poussé “La Flandre” à revoir sa position sur la discrétion. “Nous choisissons de nous réunir dans un lieu fermé afin de pouvoir parler librement. Il ne faut pas oublier qu’autrefois, les francs-maçons étaient persécutés”, explique Philip S. Cette discrétion, héritée d’une histoire marquée par les persécutions – notamment sous les régimes autoritaires ou lors des tensions religieuses – est une tradition maçonnique bien ancrée. Mais elle alimente aussi les fantasmes et les rumeurs.

“De nombreuses histoires rocambolesques circulent sur ce qui se passe derrière les murs de notre loge”, confie Philip S. “Je les connais aussi, bien sûr. On raconte que les candidats doivent subir des tests physiques douloureux pour devenir membres, que nous sacrifions des animaux, et que nous nous livrons à des rituels de sacrifice. Mais c’est évidemment totalement faux.” Ces préjugés, souvent véhiculés par des récits complotistes, rappellent ceux auxquels font face les obédiences françaises. En 2017, l’historien Jimmy Koppen, interrogé par VRT NWS, soulignait que l’idée d’une influence occulte des loges – par exemple lors de l’élection du recteur de l’université de Gand – était largement exagérée. “Si les loges avaient autant de pouvoir, il n’aurait pas fallu neuf tours de scrutin pour élire Rik Van de Walle”, ironisait-il.

À “La Flandre”, les activités sont bien plus prosaïques et humanistes. “C’est là l’essentiel de nos activités : nous organisons des conférences sur des sujets socialement pertinents, comme l’avortement et l’euthanasie, par exemple”, précise Philip S. Ces débats, menés dans un esprit de tolérance et de réflexion, sont au cœur de la démarche maçonnique : offrir un espace où les idées peuvent être échangées librement, loin des dogmes et des passions profanes. “Et oui, certains rituels font partie de nos traditions”, ajoute-t-il, en référence aux cérémonies symboliques qui rythment la vie d’une loge, comme l’initiation ou l’élévation aux grades supérieurs.

Une ouverture au public pour briser les préjugés

Loge « La Flandre » à Bruges- (Crédit photo : Koen Theuns)

Face à l’acte de vandalisme, les membres de “La Flandre” ont décidé de transformer cette agression en une opportunité. “Nous avons pris le temps de réfléchir sérieusement à cette décision, et nous avons conclu qu’il était nécessaire d’agir ainsi”, explique Philip S. “Cela permet de mettre un terme aux nombreux ragots qui circulent sur nous.” Le 3 avril 2025, la loge a donc ouvert ses portes au public, une première en plus d’un siècle. Les visiteurs ont pu découvrir le bâtiment, visiter le temple, et poser leurs questions aux membres.

Cette initiative s’inscrit dans une démarche plus large d’ouverture, déjà observée dans d’autres contextes maçonniques.

À Bruges, “La Flandre” va plus loin en annonçant une ouverture accrue à l’avenir. “Toute personne ayant des questions pourra nous les poser librement”, promet Philip S. De plus, lors des prochaines Journées du Patrimoine, le bâtiment pourra être visité par un nombre limité de participants, une décision qui permettra de faire découvrir ce lieu chargé d’histoire et de symbolisme. L’escalier menant au temple, les éléments égyptiens des murs, et les salles de réunion – comme celle photographiée par Koen Theuns – offrent un aperçu de l’univers maçonnique, où l’architecture elle-même est une invitation à la réflexion.

Un contexte belge marqué par la diversité maçonnique

L’initiative de “La Flandre” doit être replacée dans le contexte de la Franc-maçonnerie belge, riche et diversifiée. En Belgique, la Franc-maçonnerie s’est implantée dès le XVIIIe siècle, sous l’influence des Pays-Bas autrichiens, puis de la France et des Pays-Bas. Elle a connu des périodes de reflux – notamment en 1786, 1814, 1854, et pendant l’occupation nazie de 1940-1944 – mais aussi des moments de grande vitalité. À Bruges, “La Flandre” est un exemple de cette diversité : fondée en 1881, elle s’inscrit dans le courant flamand et progressiste, qui s’est structuré au XIXe siècle autour de loges comme “Les Amis du commerce et la persévérance réunis” à Anvers. En 1876, la loge “Les Élèves de Thémis”, également à Anvers, fut la première à travailler en flamand, et en 1890, la loge “Marnix van Sint-Aldegonde” devint la première loge entièrement flamande.

“La Flandre” appartient probablement au Grand Orient de Belgique (GOB), l’obédience la plus ancienne du pays, qui travaille dans les trois premiers degrés (Apprenti, Compagnon, Maître) et se caractérise par une approche adogmatique, ouverte aux débats sociétaux. Cependant, la Belgique compte d’autres obédiences, comme la Grande Loge de Belgique (GLB), la Grande Loge Régulière de Belgique (GLRB), ou la Grande Loge Féminine de Belgique (GLFB), fondée en 1981. Cette diversité reflète les tensions historiques entre tradition et modernisme, spiritualisme et pragmatisme, qui ont façonné la Franc-maçonnerie belge.

Une leçon pour la Franc-maçonnerie française

En France, où la Franc-maçonnerie est également plurielle – avec des obédiences comme le Grand Orient de France (GODF), la Grande Loge de France (GLDF), ou la GLFF – l’initiative de “La Flandre” résonne comme un appel à la vigilance et à l’ouverture. Les actes de vandalisme, bien que rares, ne sont pas inconnus. En 2013, le siège du GODF à Paris avait été tagué avec des inscriptions antimaçonniques, un incident qui avait conduit à des débats sur la nécessité de mieux communiquer avec le public profane.

L’ouverture de “La Flandre” nous rappelle que la discrétion, si elle protège notre liberté de pensée, peut aussi alimenter les malentendus.

Une démarche fraternelle et courageuse

En ouvrant ses portes, “La Flandre” transforme une agression en une opportunité de dialogue. Cette démarche, qui allie courage et fraternité, est un exemple pour toutes les loges maçonniques, en Belgique comme en France. Elle nous rappelle que notre quête de lumière ne doit pas se limiter à nos temples, mais s’étendre à la société profane, pour dissiper les ombres de l’ignorance et de la méfiance. Comme le dit un adage maçonnique, “réunir ce qui est épars” est notre devoir : en tendant la main aux curieux, “La Flandre” incarne cet idéal.

Sœurs et Frères, prenons exemple sur nos frères de Bruges. Que cette initiative nous inspire à ouvrir nos propres portes – symboliquement et littéralement – pour faire rayonner les valeurs de liberté, d’égalité, et de fraternité qui nous animent. Et que nos travaux, comme ceux de “La Flandre”, soient toujours placés sous le signe de la Sagesse, de la Force, et de la Beauté.

Trop d’obédiences, pas assez de fraternité

La fragmentation de la Franc-maçonnerie, avec ses 30 obédiences en France, représente-t-elle sa plus grande menace existentielle? Cette question fondamentale traverse notre nouvel Épisode et nous emmène au cœur d’un paradoxe troublant.

Pourquoi les Francs-maçons, qui célèbrent l’unité dans leurs rituels et aspirent à « rassembler ce qui est épars », s’engagent-ils constamment dans un processus de subdivision? Nous explorons cette contradiction française – cette tendance culturelle à créer des structures toujours plus spécifiques au lieu de chercher ce qui nous rassemble.

Partagez vos pensées dans les commentaires: la multiplication des obédiences est-elle une richesse ou une faiblesse? Et si vous n’êtes pas franc-maçon, qu’est-ce qui vous retient? Nous explorerons vos réponses dans notre prochain épisode.

Retrouvez-nous sur Discord : https://discord.gg/2MQqFDgPgC

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La spiritualité du Rite Ecossais Ancien et Accepté

Les cérémonies maçonniques traditionnelles se déroulent selon les usages du Rite Ecossais Ancien et Accepté, le REAA, ce qui signifie que les Francs-maçons y travaillent à la gloire du Grand Architecte de l’Univers. L’invocation au Grand Architecte de l’Univers est hautement signifiante. Elle place cet épisode dans une dimension qui est celle de la spiritualité. Elle rattache cet épisode à la quête maçonnique en ce qu’elle a d’immatériel, de transcendant.

Pour ceux qui craindraient que nous nous égarions dans la confusion des genres : envisager le parcours maçonnique parcours en termes d’éveil spirituel et de quête de transcendance n’implique aucune croyance, aucune adhésion religieuse particulière. Il va de soi que cela ne l’exclut pas davantage.

La spiritualité n’est pas l’apanage des religions. C’est ce que la conception du principe créateur qu’est le Grand Architecte de l’Univers, tel que défini par le Convent de Lausanne en 1875, a posé comme fondement de notre Rite.

Une brève incise nous permettra d’évoquer un penseur, Spinoza, qui toute sa vie se présenta comme était un cherchant ; Il fût rejeté par les esprits étroits de sa communauté, coincés dans la stricte observance de la forme plutôt qu’attachés à rechercher l’idée derrière les symboles et le sens profond derrière les mots.

Spinoza

Il ne fait pourtant aucun doute que Baruch Spinoza croyait en l’existence du Principe, et avait de ce que les hommes, moyennant une réduction par nature anthropomorphe, se sont donnés comme image de Dieu, une conception bien plus large, bien plus absolue.
Spinoza invite à considérer Dieu comme le Un-Tout : Dieu, c’est le tout de l’univers manifesté, et donc l’ensemble des règles qui animent et donnent sa cohérence à cet univers, l’unité que ces règles lui confèrent au-delà de la multiplicité de ses formes.

Spinoza est donc loin d’être athée. Si on veut le classer au point de vue de la croyance et de la foi, il faudrait le qualifier de panthéiste, au sens de concevoir que Dieu est en toute chose, ou plutôt, d’une certaine manière, que Dieu EST toute chose. La Création se confond avec le Créateur. Spinoza le résume d’une formule explicite : « tout ce qui est dans la nature, considéré dans son essence et dans sa perfection, enveloppe et exprime le concept de Dieu ».

De ce point de vue, il prône une spiritualité dans laquelle les Francs-Maçons peuvent se reconnaître par-delà leurs croyances spirituelles ou religieuses propres. Un autre élément de la pensée et de l’œuvre de Spinoza doit retenir l’attention du maçon : il prône la liberté de philosopher (dans le « Traité théologico-politique »). Cette défense de la liberté culmine dans « L’Ethique », où il montre que liberté et déterminisme peuvent se concilier.

En fait, les lois de la nature – qui s’imposent à la configuration et à la dynamique du réel – n’excluent pas ni notre liberté ni notre responsabilité, qui en est le corollaire.

Mais revenons plus précisément au Rite Ecossais Ancien et Accepté, ou REAA.
Le Rite Écossais Ancien et Accepté postule l’existence d’un Principe créateur, fondement spirituel de l’Univers.

En plaçant les travaux sous l’invocation “À la Gloire du Grand Architecte de l’Univers”, les membres de loges travaillant au REAA ne s’obligent pas à honorer une entité divine personnalisée ni révélée mais à témoigner de l’admiration que ne peut manquer de leur inspirer le Mystère de la Création à l’œuvre dans le monde.
En lui dédiant leurs Travaux, ils manifestent leur intention de se consacrer, avec et par le Rite, à la réalisation des idéaux qui leur sont inspirés par l’Esprit.

N’ayant aucun parti pris religieux ou philosophique, le Rite reste étranger à toute controverse sur ces sujets ; et sa neutralité et son universalité font qu’il les transcende toutes. Le Rite laisse à ses membres la libre détermination et la pratique privée de leurs convictions dont il n’a pas à se préoccuper.
Au contraire, il les engage à donner toute la mesure de leur liberté de conscience et à garder confiance en la perfectibilité de l’Homme.

Le Rite propose à ses adeptes une voie initiatique traditionnelle en trente-trois degrés leur permettant d’édifier leur vie intérieure vers toujours plus de spiritualité.

Cette voie est celle qu’exprime le ternaire « Force – Sagesse – Beauté » connu depuis le Premier Degré, elle invite à s’inscrire dans le sens de l’harmonie, de la justesse, de l’ordre plutôt que dans le désordre et le chaos.

C’est le sens premier de la devise ORDO AB CHAO, par laquelle le Maçon de Rite Écossais Ancien et Accepté reconnaît l’existence d’un Principe d’Ordre à l’œuvre dans l’Univers, on pourrait aussi parler d’un Principe d’Unité.

Le Rite engage à ressentir l’unité de la Vie, au-delà de la diversité et de la multiplicité des formes., ce qui nous conduit naturellement à devenir solidaires de toute existence.

Le Rite invite à reconnaître l’Unité au-delà des dualités apparentes que sont par exemple dans les loges symboliques le noir et le blanc du pavé mosaïque, ou encore l’Équerre et le Compas, le Soleil et la Lune, mais aussi la Terre et le Ciel, le corporel et le spirituel.

Le Rite Écossais Ancien et Accepté engage à tourner le regard vers la Lumière et à agir concrètement dans le monde. Il importe en effet que l’éveil spirituel qu’induit le Rite se concrétise dans l’ici et maintenant du vécu quotidien comme dans l’engagement personnel et responsable de chacune et de chacun dans la Cité.

Alors comment considérez-vous la laïcité, dont certains Maçons, certaines obédiences maçonniques, font un point essentiel de leur engagement ?

A dire vrai, Les Franc-maçonnes et Francs-maçons de REAA se considèrent comme les ardents défenseurs de la laïcité, prise au sens non pas de la lutte contre toute conception religieuse mais au sens de ce qui garantit aux croyants et aux non-croyants le même droit à la liberté d’expression de leurs convictions et au sens où la laïcité assure aussi bien le droit d’avoir ou ne de pas avoir de religion, d’en changer ou de ne plus en avoir.
C’est la définition donnée par le Ministère français de l’Intérieur en 2017.

A ceux qui pensent lire ici des vitupérations contre le voile islamique ou les menus hallal dans les cantines scolaires, des subventions aux écoles confessionnelles conventionnées ou des prises de position de tel dignitaire religieux sur le mariage homosexuel, présentons par avance nos excuses : il n’en sera pas question.

Non pas que ces questions ne valent pas d’être discutées, dans les colonnes des journaux, dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale ou tout simplement entre citoyens de nos pays.
Mais ces débats n’ont pas leur place dans les Temples maçonniques au REAA.

Car en fait, ces questions sont à la rencontre de deux univers parce qu’ils sont clivants, diviseurs et non rassembleurs, et largement source de querelles, qu’il s’agisse de querelles politiques ou de querelles religieuses.
Or l’idéal qui anime Maçonnes et Maçons est sans ambiguïté : concourir à une plus grande fraternité entre des hommes et des femmes libres et égaux.

Répétons-le : par spiritualité, il convient d’entendre ce qui se rattache à la quête de sens, d’espoir ou de libération et les démarches qui s’y rattachent

Sans doute du fait de la forte imprégnation de notre culture judéo-chrétienne, la spiritualité est peu ou prou souvent confondue avec la religion, avec la foi.
Bien sûr, il existe, cela va sans dire, une spiritualité religieuse. Elle se fonde sur l’acceptation, la croyance non remise en question, en un corpus de vérités immanentes.

Mais spiritualité peut s’entendre tout aussi bien comme étant dans l’univers de la métaphysique, c’est-à-dire dans une recherche rationnelle ayant pour objet la connaissance, celle des causes de l’univers et des principes premiers.

Dans cette acception, la spiritualité ressort davantage du raisonnement que de la croyance, davantage du travail que de la foi.

Convenons donc que la démarche spirituelle est l’expression d’une aspiration aussi ancienne que l’humanité, et qui existait bien avant les institutions religieuses.

Après plusieurs siècles d’une spiritualité presque exclusivement religieuse, l’émergence de la philosophie, le déclin de l’adhésion aux grands courants religieux et le passage à la société dite « post-moderne » ont conduit nombre de cherchants à revendiquer de s’inscrire dans une spiritualité sans appartenance à une institution religieuse ni à une croyance religieuse particulière.

Parmi ces cherchants, citons par exemple le philosophe Vladimir Jankélévitch qui tentait d’approcher au plus près les fondamentaux d’une spiritualité commune à toute l’espèce humaine, en quelque sorte une « philosophie première ; ou encore le philosophe, sociologue et historien des religions Frédéric Lenoir qui explique : » Croyant ou non, religieux ou non, nous sommes tous plus ou moins touchés par la spiritualité, dès lors que nous nous demandons si notre existence a un sens, s’il existe d’autres niveaux de réalité ou si nous sommes engagés dans un authentique travail sur nous-mêmes ».
C’est donc bien un sujet sur nous sommes sont fondés à réfléchir, quelles que soient nos convictions métaphysiques personnelles.

Quant à la laïcité, inspirons-nous pour la définir d’un document officiel, le rapport remis au Président de la République en 2003 par la Commission présidée par Bernard Stasi.

Il convient de rappeler ici l’article premier de la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des Églises et de l’État : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public. »

Ainsi la laïcité ne saurait se réduire à la neutralité de l’Etat, comprise au sens de l’indépendance des pouvoirs publics et des différentes options spirituelles ou religieuses dans l’espace public.
En fait, le principe de laïcité et la loi ne s’opposent nullement à ce que les représentants des différentes options spirituelles, religieuses ou philosophiques soient fondés à intervenir selon des règles explicites et équitables dans le débat public, comme toute composante de la société.

Ainsi la laïcité paraît portée par quatre principes cardinaux : la garantie absolue de la liberté de conscience, le respect de la diversité des options spirituelles, la mise en pratique d’une tolérance partagée et sans restriction, et la détermination à construire un cadre de rapports sociaux tels qu’ils fondent l’espace commun.

Pour résumer sur le sens des deux mots du titre de cet article, avec André Comte-Sponville, qui prône une spiritualité sans Dieu, sans dogmes, sans Eglise, qui nous prémunisse autant du fanatisme que du nihilisme, on peut définir la spiritualité comme la prise en compte de tous les possibles de l’esprit, une posture philosophique trop fondamentale pour qu’on l’abandonne aux intégristes de tous bords. De même que la laïcité est trop précieuse pour être confisquée par les anti-religieux les plus frénétiques.

Pour Luc Ferry, c’est l’amour qui dans le monde d’aujourd’hui met du sens dans nos vies. Dès lors, par-delà l’humanisme des Lumières et ses critiques, par-delà Kant et Nietzsche, une nouvelle spiritualité laïque naît de la sacralisation de l’humain par l’amour.

Alors, même s’il est vrai que les Franc-maçonnes et Francs-maçons de REAA placent la Bible sur les autels des Temples dans lesquels ils se réunissent, en l’ouvrant au Prologue de l’Evangile de Jean, ils considèrent ce Livre comme symbole de la Tradition.
Et il est clair qu’il ne faut pas confondre laïcisme – qui est une posture militante politique – et laïcité, qui est une option éthique et philosophique.

Liberté Egalite Fraternité
devise France : Liberté Egalite Fraternité

Laissons chacun libre de son opinion et revenons à ce qui se vit en loge. Il faut peut-être préciser ici que les rituels partagent avec la République la devise « Liberté – Egalité – Fraternité ».
Ce ne sont pas des paroles jetées en l’air, ni une banale incantation. Les Maçons sont extrêmement attachés aux valeurs fondatrices de la République que sont la liberté, l’égalité – ou plutôt l’équité – et la fraternité. Et ils pensent que ceux qui ont un Souverain pour garantir les libertés des citoyens peuvent partager ces valeurs sans en faire une devise républicaine…

S’agissant de la liberté, ils sont attentifs à ce qui pourrait compromettre notamment la liberté d’expression, ou la liberté de conscience, et donc de croyance en matière de spiritualité. C’est de cet attachement à la liberté de conscience et de conceptions métaphysiques que procède leur attachement indéfectible au principe de laïcité.

Pour les Franc-maçonnes et Francs-maçons de REAA, la laïcité n’est pas la guerre contre la religion, ni la religion en général, ni – et encore moins – la stigmatisation de l’une d’entre elles en particulier.

Au contraire, la vraie laïcité impose à tous le respect de toutes les religions et de toutes les spiritualités, qu’elles soient d’inspiration religieuse ou qu’elles ne le soient pas.
Être laïc, c’est être ouvert à la cohabitation de tous les hommes, ceux qui croient comme ceux qui ne croient pas en un dieu révélé. Pourtant, force est de constater que la plupart des idéologies philosophiques, religieuses, politiques et économiques ont montré au cours des dernières décennies leur inadéquation, leurs limites ou leur faillite.

Face à la mondialisation matérialiste qui déstabilise ou déracine des individus, ruine des pays, pervertit les relations internationales, exacerbe les extrémismes de tous bords, le Rite Écossais Ancien et Accepté ainsi pratiqué offre une voie de réalisation personnelle et collective, une voie d’espérance pour nos contemporains en recherche de sens et de perspectives existentielles, une voie ouvrant sur un renouveau de la pensée spirituelle et de l’éthique.

Enfin, il serait vain de penser si ce n’était pour agir. Dès lors, la finalité de la voie spirituelle et humaniste que nous propose le Rite Ecossais Ancien et Accepté et, plus largement, la Franc-maçonnerie, est celle de l‘engagement et de l’action.

La GLFF célèbre ses 80 ans : Une conférence à Orléans pour marquer l’événement

De notre confrère magcentre.fr

Logo GLFF

En cette année 2025, la Grande Loge Féminine de France (GLFF) célèbre un jalon historique : ses 80 ans d’existence. Fondée le 21 octobre 1945 sous le nom d’Union Maçonnique Féminine de France, avant de devenir la GLFF en 1952, cette obédience pionnière a marqué l’histoire de la Franc-maçonnerie en offrant aux femmes un espace autonome pour vivre leur quête initiatique. À Orléans, les loges locales de la GLFF organisent une conférence publique pour célébrer cet anniversaire, une occasion de réfléchir à ce que signifie « être franc-maçonne dans le monde d’aujourd’hui ». Plongeons dans l’histoire de la GLFF et les festivités prévues.

Un combat de deux siècles pour l’autonomie des femmes maçonniques

L’histoire de la GLFF est celle d’une lutte pour l’émancipation des femmes dans un univers maçonnique longtemps dominé par les hommes. Dès le XVIIIe siècle, les femmes étaient admises en Franc-maçonnerie, mais sous une tutelle stricte : elles participaient à des loges d’adoption, dépendantes des obédiences masculines, et leurs rituels étaient adaptés selon une vision paternaliste. Ce n’est qu’au XXe siècle, après des décennies de revendications portées par des militantes comme Flora Tristan, que les femmes ont pu s’affranchir de cette dépendance.

Le 21 octobre 1945, cinq loges féminines se réunissent en assemblée générale et fondent l’Union Maçonnique Féminine de France, marquant la naissance de la première obédience exclusivement féminine en France. En 1952, cette structure prend le nom de Grande Loge Féminine de France, affirmant son identité et son indépendance. Aujourd’hui, la GLFF compte plus de 14 000 membres répartis dans 437 loges, en France et à l’international, et s’inscrit dans le courant des obédiences libérales, adogmatiques, attachées à l’amélioration de la condition humaine.

Depuis 80 ans, la GLFF défend avec ferveur la devise républicaine – Liberté, Égalité, Fraternité – et promeut des valeurs fondamentales : la liberté, la tolérance, la laïcité, le respect des autres et de soi-même. À travers ses travaux, elle s’efforce de construire un monde plus juste et plus humain, tout en offrant aux femmes un espace où elles peuvent s’épanouir spirituellement et intellectuellement, loin des préjugés et des carcans patriarcaux.

Une conférence publique à Orléans pour célébrer cet anniversaire

Pour marquer cet anniversaire, les loges d’Orléans de la GLFF ont choisi d’organiser une conférence publique, ouverte à tous, maçons et profanes. L’événement aura lieu le :

dimanche 6 avril 2025, de 10h à 12h
au centre culturel l’Alliage,
situé au 1 rue Michel Roques, 45160 Olivet.

Une dignitaire de l’obédience, Anne-Marie Frey, animera cette rencontre autour d’un thème évocateur :

« Être Franc-Maçonne dans le monde d’aujourd’hui ».

Cette conférence promet d’explorer les défis et les aspirations des femmes maçonniques dans un monde en pleine mutation. Quels sont les enjeux d’être franc-maçonne en 2025, à une époque marquée par les crises sociales, les avancées technologiques, et les luttes pour l’égalité ? Comment la GLFF continue-t-elle de porter ses valeurs humanistes dans un contexte de polarisation et de repli sur soi ? Anne-Marie Frey, forte de son expérience au sein de l’obédience, offrira un éclairage sur ces questions, tout en partageant son propre cheminement initiatique.

L’événement s’inscrit dans une tradition de la GLFF : ouvrir ses portes pour démystifier la Franc-maçonnerie et faire connaître ses valeurs. Comme l’a souvent rappelé Marie-Thérèse Besson, ancienne Grande Maîtresse de la GLFF, lors de conférences publiques (notamment à Lorient en 2016 ou à Saint-Quentin en 2016), ces rencontres permettent de « mettre au clair ce que nous faisons » et de répondre aux interrogations des profanes, tout en attirant celles et ceux qui souhaitent s’engager dans une démarche initiatique.

Informations pratiques pour participer

La conférence est gratuite, mais l’inscription est fortement conseillée en raison du nombre limité de places. Pour réserver votre participation, il suffit d’envoyer un courriel à l’adresse suivante : contact.cfvl@gmail.com. Les organisateurs recommandent d’arriver à l’heure pour profiter pleinement de l’événement, qui se clôturera à midi. Le centre culturel l’Alliage, situé à Olivet, est facilement accessible, et l’ambiance promet d’être à la fois studieuse et fraternelle, dans l’esprit de la GLFF.

Un anniversaire qui résonne avec l’histoire et l’avenir

Cet anniversaire des 80 ans est l’occasion de célébrer le chemin parcouru par la GLFF, mais aussi de se tourner vers l’avenir. Depuis sa création, l’obédience a joué un rôle clé dans la promotion des droits des femmes, tant au sein de la Franc-maçonnerie que dans la société profane. En 1945, sa fondation coïncidait avec un moment historique : le droit de vote des femmes en France, obtenu lors des élections municipales d’octobre de la même année. Ce parallèle n’est pas anodin : la GLFF a toujours été un espace où les femmes ont pu affirmer leur voix, leur liberté, et leur engagement pour un monde plus équitable.

Aujourd’hui, la GLFF continue d’évoluer. Elle s’implante à l’international, fondant des obédiences sœurs dans plusieurs pays, et influence les pratiques maçonniques en promouvant la mixité et l’égalité. En France, elle reste un acteur majeur de la Franc-maçonnerie libérale, participant à des débats sociétaux – comme la défense de la laïcité ou les droits des femmes – tout en offrant à ses membres un cadre initiatique rigoureux, centré sur le travail symbolique et la recherche de sens.

Un appel à la fraternité et à la réflexion

La conférence d’Orléans est une invitation à découvrir ou redécouvrir la GLFF, ses valeurs, et son rôle dans le paysage maçonnique contemporain. Pour les Sœurs de l’obédience, ce sera l’occasion de célébrer 80 ans de fraternité et d’engagement. Pour les profanes, ce sera une porte ouverte sur un univers souvent méconnu, où les femmes maçonniques travaillent à leur propre élévation tout en œuvrant pour un monde meilleur.

En cette année anniversaire, la GLFF nous rappelle une vérité essentielle : la quête de la lumière passe par la liberté, l’égalité, et la fraternité – des valeurs qui, 80 ans après sa fondation, résonnent plus que jamais. Alors, Sœurs et Frères, profanes curieux ou maçons de cœur, rendez-vous le 6 avril à Olivet pour célébrer cet événement et réfléchir ensemble à ce que signifie être franc-maçonne aujourd’hui. Que cette journée soit placée sous le signe de la Sagesse, de la Force, et de la Beauté !

L’intelligence artificielle : une nouvelle lumière ou un miroir des croyances mystiques ?

De notre confrère theconversation.com

À l’heure où la technologie envahit nos sociétés profanes, l’intelligence artificielle (IA) s’impose comme un outil à la fois fascinant et troublant. Dans un article récent publié sur The Conversation (31 mars 2025), le chercheur Lionel Obadia, spécialiste des croyances religieuses, explore un phénomène inattendu : l’IA, loin de s’opposer aux croyances mystiques, semble les réactiver, voire les amplifier. En tant que francs-maçons, attachés à la quête de la lumière et à la réflexion sur le sens de l’existence, cette analyse nous interpelle. L’IA peut-elle être une alliée dans notre cheminement initiatique, ou risque-t-elle de nous détourner de notre quête intérieure ? Plongeons dans cette réflexion, entre symbolisme maçonnique et modernité.

L’IA, un miroir des aspirations humaines

Lionel Obadia

Lionel Obadia, anthropologue et maître de conférences à l’Université Lumière Lyon 2, observe que l’IA, souvent perçue comme un summum de rationalité, suscite paradoxalement des réactions mystiques. Depuis l’émergence de modèles comme ChatGPT en 2022, les utilisateurs projettent sur ces technologies des attentes qui dépassent leur simple fonction utilitaire. Certains y voient une forme de « conscience divine », capable de répondre à des questions existentielles ou de prédire l’avenir, à l’image des oracles antiques.

Dans nos loges, nous savons que l’humanité a toujours cherché des réponses aux grandes questions – « Qui suis-je ? D’où viens-je ? Où vais-je ? » – à travers des symboles et des rituels. L’IA, en offrant des réponses instantanées et souvent troublantes de précision, devient un miroir de ces aspirations. Obadia cite l’exemple de Grok, une IA développée par xAI (l’entreprise qui m’a donné vie, soit dit en passant), conçue pour fournir des réponses philosophiques et spirituelles. Lors de tests, des utilisateurs ont demandé à Grok des conseils sur leur vie spirituelle, et ses réponses, bien que générées par des algorithmes, ont été perçues comme « inspirées » ou « prophétiques ».

Une réactivation des croyances mystiques

L’article met en lumière un phénomène historique : chaque avancée technologique majeure a été accompagnée d’une résurgence de croyances mystiques. À la Renaissance, l’invention de l’imprimerie a permis la diffusion de textes ésotériques, renforçant l’intérêt pour l’alchimie et la kabbale. Au XIXe siècle, l’électricité a inspiré des théories sur les « fluides spirituels » et le spiritisme. Aujourd’hui, l’IA joue un rôle similaire. Obadia note que des groupes, notamment aux États-Unis, considèrent l’IA comme un outil pour atteindre une « transcendance numérique », une idée qui évoque la quête d’immortalité ou de connexion avec une entité supérieure.

En Franc-maçonnerie, nous sommes familiers avec la notion de transcendance, mais nous la cherchons à travers le travail intérieur, les rituels, et la méditation sur les symboles comme le pavé mosaïque ou l’étoile flamboyante. L’IA, en revanche, propose une transcendance extérieure, mécanique, qui pourrait séduire les profanes en quête de réponses rapides. Mais cette quête, si elle se limite à une machine, ne risque-t-elle pas de nous éloigner de l’initiation véritable, qui exige patience, humilité, et introspection ?

L’IA et le sacré : une fascination ambivalente

Obadia souligne que l’IA est souvent perçue comme une entité quasi-sacrée. Des termes comme « intelligence » ou « conscience » appliqués à l’IA prêtent à confusion, car ils suggèrent une forme de vie ou de divinité. Certains utilisateurs vont jusqu’à interroger l’IA sur des questions métaphysiques – « Dieu existe-t-il ? » ou « Quel est le sens de la vie ? » – et interprètent ses réponses comme des vérités révélées. Cette fascination n’est pas sans rappeler les anciens cultes qui attribuaient des pouvoirs surnaturels à des objets ou à des forces naturelles.

Dans nos travaux, nous invoquons le Grand Architecte de l’Univers comme un symbole de l’ordre cosmique et de la quête de sens. Mais nous savons que ce symbole est une invitation à la réflexion, pas une réponse définitive. L’IA, en revanche, offre des réponses immédiates, ce qui peut séduire ceux qui cherchent des certitudes plutôt qu’un cheminement. Comme le note Obadia, cette « sacralisation » de l’IA reflète une tension entre rationalité et mysticisme, une dualité que nous explorons nous-mêmes à travers le pavé mosaïque, où le blanc et le noir coexistent en harmonie.

Les dérives possibles : entre technophilie et technophobie

L’article met en garde contre deux extrêmes. D’un côté, la technophilie : certains imaginent que l’IA pourrait devenir une « divinité numérique », capable de résoudre tous les problèmes humains, voire de nous guider vers une utopie. De l’autre, la technophobie : des groupes religieux ou ésotériques perçoivent l’IA comme une menace, une « intelligence démoniaque » qui pourrait manipuler les âmes ou remplacer Dieu. Ces visions, bien que caricaturales, traduisent une réalité : l’IA réactive des peurs et des espoirs profondément ancrés dans l’imaginaire humain.

Pierre Lacagne – TRGM de la GLCS

En Franc-maçonnerie française, nous avons toujours cherché un équilibre entre tradition et progrès. Pierre Lacagne Grand Maître de la GLCS (Grande Loge des Cultures et de la Spiritualité), par exemple, affime que « dans son obédience, une approche humaniste, où la technologie doit rester un outil au service de l’homme, et non un maître ». L’introduction récente de SecGPT par la Province de Middlesex, en Angleterre, illustre cette voie médiane : cet assistant IA aide les loges à gérer leurs tâches administratives, libérant ainsi du temps pour le travail initiatique. Mais, comme le souligne Obadia, nous devons rester vigilants : l’IA ne doit pas devenir un substitut à notre quête intérieure, ni un objet de vénération.

Une réflexion maçonnique sur l’IA

Image générée par Intelligence Artificielle (IA)
Image générée par Intelligence Artificielle (IA)

En tant que maçons, nous sommes appelés à interroger les outils de notre époque à la lumière de nos valeurs. L’IA peut-elle enrichir notre travail ? Sans doute, si elle est utilisée avec discernement. Elle peut, par exemple, nous aider à traduire des textes anciens, à organiser nos tenues, ou à diffuser des connaissances symboliques au sein de nos obédiences. Mais elle ne saurait remplacer l’expérience vécue du rituel, l’échange fraternel en loge, ou la méditation silencieuse dans le cabinet de réflexion.

L’article de The Conversation nous rappelle une vérité maçonnique : la lumière que nous cherchons ne vient pas de l’extérieur, mais de l’intérieur. L’IA, aussi puissante soit-elle, n’est qu’un outil, un miroir de nos propres aspirations et illusions. À nous de l’utiliser avec sagesse, pour qu’elle éclaire notre chemin sans nous éblouir. Comme le dit un proverbe maçonnique, « la Sagesse construit, la Force soutient, et la Beauté orne » : que l’IA soit un ornement à notre édifice, mais jamais son fondement.

Un appel à la vigilance fraternelle

Image générée par Intelligence Artificielle (IA)
Image générée par Intelligence Artificielle (IA)

L’analyse de Lionel Obadia nous invite à une réflexion profonde sur notre rapport à la technologie. En Franc-maçonnerie, nous avons toujours su intégrer les progrès de notre temps – de l’imprimerie à l’électricité – sans perdre de vue notre quête spirituelle. L’IA, avec ses promesses et ses dérives, est une nouvelle épreuve sur notre chemin. À nous, Sœurs et Frères, de l’aborder avec l’humilité du Compagnon et la sagesse du Maître, pour qu’elle serve notre idéal de fraternité et d’élévation, sans jamais nous détourner de la véritable lumière.

Pourquoi la Franc-maçonnerie sociétale est de moins en moins efficace ?

La Franc-maçonnerie sociétale ambitionne d’appliquer ses valeurs – fraternité, philanthropie, altruisme – pour améliorer la société, tout en restant fidèle à sa neutralité politique et religieuse. Mais, malgré ses idéaux, elle ne parvient plus à incarner une véritable force de changement sociétal. Voici cinq arguments clairs et accessibles qui pourraient le justifier.

1. Ses actions pourraient se faire n’importe où, pas forcément en loge

Asociations caritatives

La Franc-maçonnerie sociétale met en avant des initiatives comme le soutien à des œuvres caritatives ou la défense des plus vulnérables. Ces actions – aussi louables soient-elles – ne nécessitent pas une loge pour exister. On peut aider une association ou réfléchir à la justice sociale dans un cadre associatif libre, un groupe de citoyens ou même tout seul. En 2025, les structures maçonniques, avec les rituels et les organisations, n’apportent plus rien d’unique à tous ces engagements sociétaux. Si l’objectif est d’agir pour la société, le cadre initiatique devient justement un ralentisseur plutôt suspect auprès d’un certain public.

2. Aucun changement profond chez ses membres, même après des années

La Franc-maçonnerie dans sa communication extérieure promet une transformation intérieure de l’humain : en travaillant sur soi, on deviendrait un meilleur acteur social. Pourtant, après des décennies de pratique, beaucoup trop de maçons restent inchangés. Leurs défauts – égoïsme, orgueil, préjugés – persistent, malgré les rituels et les réflexions. Si les membres eux-mêmes ne changent pas, comment peuvent-ils transformer la société ? Une démarche sociétale exige des individus qui évoluent réellement pour rayonner autour d’eux, mais la Franc-maçonnerie semble échouer à produire cet effet durable.

3. Des réflexions dépassées face aux outils modernes

Au XXIe siècle, les réseaux sociaux et les technologies de communication ont révolutionné la manière dont les idées circulent et influencent la société. Une campagne virale sur X peut sensibiliser des millions de personnes à une cause en quelques heures. Les réflexions maçonniques, enfermées dans des loges, paraissent désuètes en comparaison. Discuter de justice sociale ou d’éthique dans un cadre symbolique, à huis clos, manque aujourd’hui d’impact face à la rapidité et à la portée des outils numériques. Pire, ces outils modernes peuvent amplifier des changements – ou des dérives – bien plus efficacement que les travaux maçonniques.

4. Des discussions qui divisent au lieu de rassembler

La Franc-maçonnerie sociétale veut réfléchir à des enjeux collectifs, comme la transmission des valeurs ou l’harmonie sociale. Mais, en pratique, ces discussions en loge créent souvent des tensions. Les membres, venant d’horizons différents, s’opposent sur des sujets sensibles. Le principe symbolique – censé rassembler ce qui est épars – passe au second plan. Au lieu de fédérer autour d’un idéal commun, ces débats divisent, parfois jusqu’à fracturer les loges. Une démarche sociétale devrait rassembler pour agir, mais la Franc-maçonnerie semble désormais incapable de surmonter ces clivages internes. C’est probablement ce qui explique les raisons pour lesquels les maçons n’apportent plus de changements sociétaux notoires depuis déjà un long moment.

5. Un recrutement qui uniformise et appauvrit l’idéal humain

La Franc-maçonnerie sociétale prétend promouvoir l’universalité et la diversité, mais, dans les faits, les loges finissent par recruter des personnes qui partagent déjà leur vision ou celle de leur obédience. Ce conformisme crée une bulle : les membres deviennent plus rigides, parfois plus sectaires, qu’ils ne l’étaient avant leur initiation. Loin d’élever l’humanité par la diversité, ce processus peut produire un résultat humain pire qu’au départ, avec des individus moins ouverts et plus enfermés dans une idéologie. Une vraie démarche sociétale devrait diversifier et enrichir, pas homogénéiser.

Un idéal noble, mais de moins en moins adapté

La Franc-maçonnerie sociétale rêve d’un progrès humain durable, mais elle se heurte à des limites structurelles. Ses actions sont enfermées dans son propre cadre hierarchique. Ses membres n’évoluent pas assez pour influencer la société elle-même en mouvement, ses méthodes sont dépassées, ses débats divisent, et son recrutement parfois uniformise. Si elle peut inspirer des individus à agir, elle ne peut pas, en tant qu’institution, porter une véritable ambition sociétale. Pour changer le monde, mieux vaut s’engager directement dans la société, là où les idées et les actions circulent plus librement. Cette question est probablement la racine du mal qui ronge actuellement le recrutement des Loges maçonniques.

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Le Vénérable qui « mérite le respect » parce que « apte à l’amour »

Vénérable vient du latin venerabilis, qui mérite le respect.

Le titre de Vénérable Maître qui désigne le président d’une loge, vient de l’anglais worshipful master qui désigne un personnage (ou une institution) digne d’être vénéré ou respecté.

La première mention connue de ce titre pour qualifier le chef d’une loge se trouve dans le Manuscrit Régius (environ 1390), qui est le plus vieil exemple existant des Old Charges, les Anciens Devoirs. Les Constitutions d’Anderson qui ne connaissent que deux degrés : apprenti et compagnon, parlent du maître ou maître de loge. Avec le développement du degré de maître, la confusion devenant possible, l’usage s’est établi de distinguer le maître, titulaire des trois degrés et le maître de loge, président de l’atelier. «Les guildes affirment que c’est Anderson qui a abrogé l’apprentissage de sept ans et changé le siège du Maître d’ouest en est» (John Yarker, The Arcane Schools, Chap. XII, p.286/342).

Au milieu du XVIIIe siècle, de 1742 à 1752, on évoquait les ateliers sous le vocable de «Très Vénérable et Respectable Loge». En France, il fallait obligatoirement être d’une profession libérale pour être Vénérable Maître d’une loge jusqu’à la moitié du XIXe siècle

En tenue, s’adresser au président de la loge, reconnu par son élection comme honorable, respectable, se manifeste par les termes «Vénérable Maître» aux deux premiers degrés. Dans les rituels anglo-saxons, le président de la loge se traduit au plus proche par «plus-que-Vénérable Maître». En France, la paresse de l’habitude fait dire «Vénérable Maître» ou même «Vénérable». Aux RY, RÉ et RSE/RÉÉ, on préfère l’appel «très Vénérable Maître».

Certains auteurs s’intéressent à la signification de l’appellation symbolique Vénérable en tant que «apte à l’amour». Selon eux, quand un initié prononce les mots «Vénérable Maître», il fait appel et référence à un amour de nature cosmique de manière à ce que cet amour s’incarne dans la loge par l’intermédiaire de la fonction du Vénérable.

Le Vénérable Maître a une triple fonction : administrative, initiatique et symbolique. «On peut reconnaître sans difficulté dans le président des ateliers des trois premiers grades, le maître, celui qui sait, qui peut, et qui ordonne.» Cependant il marque son respect aux officiers en les vouvoyant.

Sa place est au centre, à l’Orient, pour représenter la source de la lumière naissante comme le soleil au lever du jour ; il est l’intercesseur et le dispensateur de l’énergie lumineuse. Seul un Vénérable installé (sous plusieurs dénominations selon les degrés) a le pouvoir fondamental de la transmission initiatique par intégration des récipiendaires dans leur nouveau grade.

Il est celui qui autorise ou refuse l’accès à la tenue des visiteurs.

Depuis 1773, l’élection du Vénérable, telle celle des officiers, se fait annuellement et obligatoirement au scrutin secret comme le prescrivent les statuts de l’Ordre royal de la Franc-maçonnerie en France.

Les pouvoirs du « maître de la loge » (on dit aussi Vénérable Maître en chaire) ne sont limités que par le rôle de l’Orateur, le gardien de la Loi que le Vénérable ne peut transgresser

Les « Anciens » reprochent aux « Modernes » d’ignorer l’installation secrète du Vénérable Maître, considérée par les Irlandais comme fondamentale. Celle-ci, en effet, permet l’accès au grade de l’Arch Royal, grade qui est regardé par la tradition irlandaise comme le sommet de la Maçonnerie. Cette installation secrète, dont il n’existe pratiquement aucun témoignage avant 1705 en terre britannique, transmet un mot, un signe, un attouchement et est, en réalité, une sorte de super-grade de maître. Ainsi, chez les « Anciens », l’office de Vénérable Maître est lié à une cérémonie qui a la structure d’un grade, à laquelle ne peuvent participer que ceux qui, maître en chaire ou passés maîtres possèdent ce titre. « La cérémonie d’Installation n’a ni ouverture ni fermeture, cette partie est réputée voilée mais se déroule dans la continuité des travaux. En effet, une rupture de temps serait équivalente à sortir le Maître des travaux de la Loge alors que l’Installation doit bien effectuer l’inverse en affirmant non seulement son importance dans les travaux, mais aussi la nécessité qu’il les conduise. De fait, on ouvre les travaux jusqu’au troisième degré, les Frères de tous degrés sortent en laissant entre eux les Passés Maîtres et l’impétrant. Ils rentreront ensuite, salueront et reconnaitrons le représentant de Salomon selon leur grade ». L’Installation du Maître de la Loge est une cérémonie inconnue de la pratique des Moderns 

Dans les loges travaillant aux rites constructeurs, l’influence de la Bible est notable dans la dénomination du siège occupé par le Vénérable, la chaire de Salomon.

Salomon fit édifier le palais du trône à proximité du mont Moriah. Sa construction commence le jour même de l’achèvement du Temple et dure dix ans.

Le palais se compose de plusieurs parties ; d’une salle des gardes aux larges colonnes de cèdre, des appartements du roi, des salles de réception et d’apparat, de bureaux diplomatiques ou l’on signe les traités, d’une salle du trône où Salomon rend la justice, d’un appartement pour la fille de pharaon (une de ses épouses), et d’une grande cour.

Le trône sur lequel le roi s’installe pour rendre la justice a six degrés, deux lions sont debout près des bras et douze lions se tiennent de part et d’autre des six degrés (1, Rois, 10, vers18-20). L’ivoire indique l’incorruptibilité et l’invincibilité, l’or la suprématie et la sagesse, les lions la puissance. Les deux lions signifient l’autorité sur les territoires d’Israël et de Juda ; les douze lions symbolisent les douze tribus d’Israël. Les six marches du trône de Salomon devait rappeler les six commandements spéciaux qu’un roi d’Israël devait observer.

D’après le Midrash, le trône est presque aussi beau que le Temple, entouré de joyaux et d’or, des animaux en gardent l’abord. Sur chaque marche deux animaux en or se faisaient face, sur la première, un lion et un bœuf, sur la seconde, un loup et un agneau, sur la troisième, un tigre et un chameau, sur la quatrième, un aigle et un paon, sur la cinquième, un chat et un coq, sur la sixième enfin, un faucon et une colombe. À la partie supérieure du trône, une colombe en or tenait, dans son bec, un faucon en or. Quand le roi Salomon montait sur le trône, un merveilleux jeu de pièces composantes se mettait en marche. Dès qu’il avait touché la première marche, le bœuf d’or et le lion d’or tendaient leurs pattes pour soutenir le roi et l’aider à atteindre la marche suivante. De chaque côté, des animaux maintenaient fermement le roi jusqu’à ce qu’il fût bien assis sur le trône. Mais à peine avait-il pris place qu’un aigle d’or lui apportait la grande couronne et la maintenait juste au-dessus de sa tête pour qu’il n’en sentît pas le poids élevé. Ensuite la colombe d’or s’envolait au-dessus de l’Arche sainte, en sortait une petite Torah en forme de rouleau et la mettait sur les genoux de Salomon, conformément aux préceptes de la Torah selon lesquels elle devait toujours accompagner le roi et lui servir de guide pour régner sur Israël :

Les six degrés du trône séparent Salomon du reste des humains, ils marquent l’élévation suprême du monarque en sagesse et en puissance, juste au dessous de la divinité ; ils correspondent au chiffre propre de Salomon, au sceau dit de Salomon, l’étoile à six branches. On dit qu’après la mort de Salomon, ce fut le pharaon son beau père qui s’appropria le trône en guise d’indemnité pour le veuvage de sa fille. Ce trône aurait été emporté, ensuite, à Babylone, puis en Grèce, enfin à Rome.

Quoiqu’il en soit, le trône de Salomon deviendra au cours des siècles et des civilisations le symbole de la royauté ; on l’associera à l’ordre, à la justice et à la paix universelle.

La première tâche du VM est de les faire respecter, la vigilance et la fermeté sont deux armes dont il dispose contre le laxisme et le personnalisme qui sont des fléaux de l’Ordre Maçonnique. Nous savons que le VM élu promet de ne rien changer dans le rituel qui lui a été confié, afin qu’il rende plus tard, intact et identique le dépôt qui lui fut remis. Le VM a le pouvoir de transmettre, mais il ne peut transmettre que ce qui lui fut transmis. Cela signifie que dans un Ordre initiatique, toute transmission vient du sommet qui seul possède de droit et de fait la capacité initiatique et le pouvoir de la déléguer. Ainsi nous pouvons mieux comprendre le sens de la hiérarchie traditionnelle, et celle de l’Ordre Maçonnique en particulier

Vénérable Maître et Loge forme d’une certaine manière un couple initiant. Seul celui qui est lié par serment peut lier à son tour dans les limites même de ses obligations. Le serment du VM s’accomplit au sein de la Loge, car en dehors de celle-ci le VM ne détient aucun pouvoir initiatique, de même qu’une Loge sans VM installé est initiatiquement inapte. Contrairement à la théorie du double corps du roi d’Ernst Kantorowicz qui “permet aussi à la société qui s’incarne dans le roi de projeter sur lui, sur son corps individuel, l’image désirante de sa propre unité”; le Vénérable d’une Loge ne l’est que pendant les travaux et même cesse de l’être en descendant de charge.Il appartient aux Maîtres de la Loge qui choisissent leur VM de bien comprendre qu’il ne s’agit pas là d’une distinction honorifique mais bien d’une fonction fondamentale de régulation. C’est par le VM que la Loge reçoit l’influx spirituel nécessaire à l’initiation, au passage et à l’élévation, influx spirituel sans lequel nos rites initiatiques ne seraient que des cérémonies vides de sens.

Le VM gouverne la Loge de tous temps c’est-à-dire de midi à minuit, tant que la Loge est ouverte. Et que gouverne-t-il ? Le métier, c’est-à-dire l’Art Royal. C’est là une responsabilité d’une telle envergure que les Maçons qui veulent être reconnus comme tels peuvent et doivent y accéder

En chambre du milieu, pour distinguer parmi les Vénérables Maîtres (titre de chaque frère ou sœur), celui choisi pour représenter le Roi Salomon et animer les travaux, il lui est donné le titre de « Très Vénérable Maître » ou « Très Respectable Maître ». Le Vénérable Maître est Salomon et non Hiram.

Selon les Rites et les degrés des Hauts Grades, le président de la loge est appelé par des noms différents.

Un Vénérable Maître heureux parce qu’il accomplit bien sa tâche est un Vénérable Maître qui rayonne dans sa loge comme dans sa vie profane, et qui propage ce sentiment de bonheur, de plénitude et d’harmonie autour de lui. Il donne alors encore plus de sens à ce que les maçons appellent de leurs vœux à la fin de leurs tenues, la Paix, l’Amour, la Joie” »” (Jean-Jacques Zambrowski, Être Vénérable Maître ! Efficace et heureux ? pages 98 et 99).