Accueil Blog Page 8

Des Lumières, de la Franc-maçonnerie, des Jansénistes et des jésuites, à l’aube de la Révolution française

Quel méli-mélo théologico-politique le 18e siecle !

« Le libéralisme théologique, parfois agressif, du siècle des Lumières, s’il fait encourir au christianisme le risque d’une dilution dans la sagesse profane-Jésus philosophe- a eu pour principal mérite de dégager un Jésus de l’histoire qui ne se confond pas totalement avec le Jésus dans l’histoire de la révélation. » Bernard Cottret (Le Christ des Lumières)

Mea culpa, mea maxima culpa ! Je confesse avoir lu un ouvrage collectif de référence sur la « Compagnie de Jésus » (1). Est-ce bien raisonnable me direz-vous ?!

Une première question vient immédiatement à l’esprit : ne correspondrait pas à la définition que l’on donne du masochisme quand on se lance dans la lecture d’un livre sérieux de 1328 pages ! Hélas, la réponse nous conforte dans cette supposition en constatant l’immense plaisir que l’on éprouve à la lecture de cette Somme sur l’un des ordres religieux qui fit, et fait encore couler beaucoup d’encre.

Augustin, évêque d’Hippone, Père de l’Église.

N’oublions pas que le dernier Pape, pour la première fois dans l’histoire de l’Église catholique, fut un Jésuite, ce qui est historiquement un bond en avant, après des décennies, alternant de la part de la papauté soit la mise en valeur de l’ordre, soit sa condamnation (Molina, La querelle des rites en Chine, les « réductions » guaranis qui empêchaient la colonisation au Paraguay, Teilhard de Chardin, la théologie de la libération). La méfiance à cet ordre terriblement efficace ira jusqu’à sa suppression à plusieurs reprises et à sa reconstitution par Rome qui peut difficilement se passer de cette somme d’intelligences qui composent l’Ordre ! Au-delà de l’histoire et de l’agressivité de Blaise Pascal contre eux (Il convient de relire avec délice ses « Provinciales », arme se voulant fatale au service de la défense du Jansénisme !)

 La Franc-Maçonnerie connue, dans son histoire, des affrontements avec les Jésuites de part son origine protestante ou plus tard laïque nettement opposées aux tentatives d »hégémonie de l’Église catholique avec sa troupe d’élite crée par le petit noble-soldat, un certain Ignace de Loyola agitant son « Ad majorem Dei gloriam » !

Ignace de Loyola

Les temps ont changé et cela est bien ainsi, car nous avons à apprendre ou à reconnaître des richesses et des valeurs communes. Maçons, nous devons surtout aux Jésuites l’immense et permanente réflexion sur le concept de discernement des « Exercices Spirituels » d’Ignace de Loyola, véritable initiation spirituelle qui ressemble à une préparation militaire et surtout la pratique d’une relation entre le religieux et le vécu dans le monde, difficile équation que nous connaissons à la sortie de nos tenues. Mais ce qui nous intéresse est la manière dont les Lumières, La Franc-Maçonnerie et l’ordre des Jésuites vont cohabiter au 18em siècle, a l’aube du grand bouleversement de 1789.

I-LE XVIIIe SIECLE, UNE RECHERCHE VERS UN CHRISTIANISME RAISONNABLE.

Omniprésente dans l’histoire de l’Europe, après le 17e siècle qui voit un regain religieux de la contre-Réforme protestante (Le « siècle des Saints »), l’Église catholique tente de maintenir le cap dans des sociétés en pleine évolution sociologiquement et qui adoptent des orientations religieuses selon des choix qui favorisent leur groupe social. C’est ainsi que nous percevons l’intérêt de la bourgeoisie montante vers le jansénisme, et qui sera le moteur de la Révolution Française de 1789. Les milieux plus intellectuels se risquerons vers le quiétisme mais le pouvoir et le paysannat resteront dans une mouvance catholique traditionnelle qui elle-même est traversée de courants divers. Le protestantisme lui-même est divisé entre la vision calviniste de la prédestination dans la définition classique et des tendances arminienne niant cette prédestination, cette dernière allant jusqu’à l’unitarianisme qui refuse l’idée trinitaire et avance que Jésus n’est qu’un prophète qui ne partage pas la nature divine, ce qui les rapprocheront des Juifs et des Musulmans dans l’idée d’un monothéisme absolu. Quelques groupes très minoritaires développent une approche de l’athéisme, mais sont rejetés unanimement par les tenants des différents courants religieux plus préoccupés d’adapter la théologie à leurs intérêts de classe sociale ! Même dans le judaïsme, nous pouvons constater la naissance de la « Haskala », qui serait l’équivalent des Lumières.

Bien entendu, le pouvoir royal va tenter d’endiguer les nouvelles orientations religieuses pour maintenir une unicité catholique. En vain, car l’idée de liberté personnelle et collective prend racine dans le religieux. C’est pourquoi que nous pouvons constater, avec surprise dans ce siècle des Lumières, d’un éclatement et d’une diversité étonnante dans les courants du christianisme, comme si la révolution à venir prenait naissance dans ces querelles théologiques. Ce qui signifie que les textes sacrés n’échappent pas plus à l’histoire que les autres corpus : la critique historique s’applique à eux aussi, et l’on constate et reconnaît l’existence de plusieurs traditions à l’intérieur même de l’Ecriture. Ce qui amène, au sein même des croyances, un affrontement entre pensées « raisonneuses » et pensées « raisonnables ».

Newton

D’où comme conséquence, en ce siècle des Lumières ou de l’ « Enlightenment », de remettre en cause la divinité de Jésus. Le discours sur l’homme prend désormais son sens, car il est dissocié du discours sur Dieu. Nous assistons, peu à peu, à une laïcisation de Jésus, trait particulièrement appuyé par Voltaire qui va se référer énormément à Newton et son humanisation de Jésus, ainsi que le rejet (discret !) de la trinité. En précisant cependant que le Dieu de Newton n’était pas celui des philosophes. Voltaire pensait pourtant que la christologie de Newton était hérétique (2) : « Il prit sérieusement le parti d’Arius contre Athanase. Il alla même un peu plus loin qu’Arius, ainsi que tous les sociniens (3). Il y a aujourd’hui en Europe beaucoup de savants de cette opinion ; je ne dirai pas de cette communion car ils ne font point de corps. Ils sont même partagés, et plusieurs d’entre eux réduisent leur système au pur déisme, accommodé avec la morale du Christ. Newton n’était pas de ces derniers. Il ne différait pas de l’Église anglicane que sur le point de la consubstantialité (4), et il croyait tout le reste ». Cela étant par excellence le rejet de la théologie issue du Concile de Nicée. Devançant l’actualité, nous pouvons dire que Newton est le créateur de la religion naturelle.

En fait, pour Newton existe une primauté de la morale sur toute autre interprétation de la Bible : « Les Ecritures ont été données à l’homme pour lui enseigner, non point la métaphysique, mais la morale ». La problématique paulinienne de la grâce, la « sola gratia », va subir une nette éclipse dans de nombreux courants religieux du 18e siècle au profit de l’idée de Loi peu à peu laïque, détachée de concepts religieux. Dès 1695, le philosophe John Locke publiait dans l’anonymat son « Christianisme raisonnable », tentative de faire une synthèse entre le rationalisme philosophique et la foi chrétienne. Mais il sera dépassé en audace dès l’année suivante par la publication du « Christianisme sans mystère » de John Toland, philosophe irlandais dont la Maçonnerie s’inspirera pour son concept de « Grand Architecte de l’Univers ». Mais dans la catholicité même, en France, le religieux va générer des orientations sociologiques qui vont accélérer le processus révolutionnaire.

II-DU DISCERNEMENT DES ESPRITS.

Le siècle des Lumières
Le siècle des Lumières

Nous croyons, à tort, que le 18em siècle est marqué par ce que nous appellerons plus tard le « Siècle des Lumières », mais qui, à l’époque, représente plus des personnalités diversifiées qu’un véritable mouvement. L’événement qui va bouleverser l’époque, la presse et les conversations en font écho, se déroule dans le domaine religieux et est lourd de conséquence : la dissolution de l’ordre des jésuites, en 1773. Un précédent avait eu lieu au Portugal en 1759 : par rapport à leurs positions en Amérique du sud, ils furent chassés du Portugal, du Brésil, de Macao par le marquis de Pombal (1699-1782), dirigeant du Portugal pendant vingt ans et reconstructeur de Lisbonne après le tremblement de terre de 1755. Ajoutons aussi : soutien de la Franc-Maçonnerie !

Jean le Rond d’Alembert (1717-1783).

Les jésuites, cet ordre missionnaire et enseignant, surnommé le « conseillers des Princes », souvent confesseur des souverains et précepteurs des enfants royaux et de ceux de la haute noblesse, (Un exemple célèbre est celui du Père Lachaise, confesseur de Louis XIV et de Louis Bourdaloue prédicateur de la cour) sont l’objet d’une « destruction » selon le terme utilisé par le philosophe et encyclopédiste D’Alembert (1717-1783). A cette époque, 1773, la « Compagnie » compte 23.000 jésuites.

Les jésuites sont un ordre qui fait grincer des dents et sont l’objet d’un anticléricalisme qui prend de plus en plus d’importance. Les raisons en sont variées et viennent de milieux différents. Examinons-en quelques-unes :

– La re-catholisation de l’Europe après le Concile de Trente (1491-1556) qui va doucement vers une méfiance de la papauté au profit d’Eglises nationales. Ce qui est le cas du gallicanisme français et sa méfiance envers les jésuites, crées pour le service de la papauté, sorte de milice ultramontaine. Le pouvoir royal, gallican, a lui aussi une certaine méfiance vers ces « serviteurs romains » !

– Conflit autour de l’Encyclopédie auquel le dictionnaire jésuite de Trévoux fait concurrence.

– Hostilité des milieux coloniaux, principalement portugais et espagnols. En 1620, 2000 jésuites sont en mission et s’opposent à l’esclavage et aux méthodes brutales des colons. Pire : ils organisent la formation des indigènes ! L’hostilité des milieux commerciaux en Europe est totale, car beaucoup de personnes vivent largement du « commerce de la traite ». De plus, par leurs écrits les jésuites démontrent la richesse intellectuelle des civilisations étrangères à une Europe qui s’estimait le centre du monde. Cela débouchera aussi sur des condamnations de l’ordre dont seront victimes certains jésuites qui voulaient assimiler certaines croyances locales au christianisme : par exemple Matteo Ricci en Chine avec la « querelle des rites », De Nobili en Inde et les « rites malabar », ou les attaques contre les « réductions » au Paraguay, qui seront qualifiées plus tard de « premiers communistes » !

– Concurrence avec l’université par la prise en main de la formation des élites et de leur influence dans l’enseignement en général. De surcroît, la Sorbonne est la forteresse du gallicanisme. Les jésuites possèdent en France 111 collèges où l’enseignement est gratuit, destiné à tous les milieux sociaux et dépassant ainsi les clivages sociétaux. La révolution étant le classement par la réussite et non par le rang. D’où, une hostilité d’une partie de la noblesse, même si souvent les jésuites proviennent de ce milieu. Tout cela est un véritable détournement de l’ordre social, une sorte de « créolisation » des milieux sociaux.

Mais, en France, les plus adversaires des jésuites seront les jansénistes qui finalement seront vainqueurs après avoir été vaincus par le pouvoir royal au cours de leur histoire. L’époque de fin du Moyen-âge avait développé la montée de la classe bourgeoise et du sentiment de puissance du libre-arbitre. Les jésuites eux-mêmes y avaient contribué : dans son traité sur « La Concorde du libre arbitre avec les dons de la grâce » publié à Lisbonne en 1588, le jésuite Molina mettait en lumière la liberté de l’homme dans son propre salut. Une réaction, à l’intérieur de l’Église catholique ne va pas tarder à se faire : en 1640, dans « L’Augustinus », ouvrage de l’évêque d’Ypres, Cornélius Jansénius, qui enseigne la corruption foncière de l’homme, conséquence de la faute originelle transmise à toutes les générations : entraînée au mal, la créature ne peut être sauvée que par une grâce gratuite de Dieu, mettant ainsi en mouvement la prédestination. Immédiatement, cette à donner ressemblance, ce parallélisme avec le protestantisme vont déclencher une méfiance du pouvoir et les persécutions de Louis XIII et de Louis XIV allant jusqu’à la destruction de l’abbaye de Port-royal et de la dispersion des religieuses et des activités des « Solitaires », groupe spirituel composé surtout de bourgeois à la recherche d’un sens à donner à la force de leur groupe social dont ils prenaient conscience et auquel il fallait, dans un premier temps, inclure dans une pensée religieuse qui représentait leur intérêt et une forme d’idéologie, avant-propos à ce qu’ils transformerons en acte politique en 1789.

Les deux reproches théologique que les jansénistes vont formuler à l’égard des jésuites sont de deux natures : l’utilisation de la casuistique (5) et de l’utilisation du discernement permanent, issu des « Exercices spirituels » (6), au lieu de la foi, faisant ainsi passer la raison et l’action individuelle comme orientations premières. Ce qui sera reproché aux jésuites comme orientation vers l’hérésie pélagienne (7). Leur grand adversaire, Blaise Pascal, janséniste convaincu les attaquera dans son célèbre ouvrage : « Les Provinciales » usant à leur endroit d’humour. Par exemple, il donne la parole à un Père jésuite qui justifie la casuistique par une forme de négociation avec le péché et la tentation pour les détourner vers un but acceptable (8) : « Sachez donc que ce principe merveilleux est notre grande méthode de diriger l’intention, dont l’importance est telle dans notre morale, que j’oserais quasi la comparer à la doctrine de la probabilité ». Cette orientation vers une forme de tolérance dirigée, était naturellement inacceptable pour ce courant augustinien d’orientation protestante où Dieu décide de tout et où l’homme, prédestiné, ne peut s’en sortir du péché que par la grâce divine. Cela à l’intérieur du catholicisme !

Après leur expulsion en 1767, il faudra attendre 1814 et la fin de l’Empire pour le retour des jésuites en France. Ironie de l’histoire : ils seront accueillis en Prusse par Frédéric II et en Russie par Catherine II, deux « Despotes éclairés », ravis d’utiliser la compétence des jésuites au sein du luthérianisme et de l’orthodoxie !

En expulsant les jésuites de France, et en laissant les jansénistes prendre leur place, la monarchie ne prend pas conscience qu’elle va perdre son pouvoir et sa tête !

III-DE QUELQUES VERITES A RETABLIR.

Jean-Jacques-François Le Barbier (dit l’Aîné, attribué à, 1738-1826). « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. La Monarchie, tenant les chaînes brisées de la Tyrannie, et le génie de la Nation, tenant le sceptre du Pouvoir, entourent le préambule de la déclaration ». Huile sur bois. Paris, musée Carnavalet.

La « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen » marque une véritable rupture avec la France d’avant 1789. En particulier dans son article 3 : « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément ». La monarchie de droit divin avec le devoir du souverain de n’avoir à faire qu’à Dieu en tant que puissance absolue, indivisible, perpétuelle s’effondre et ce qui n’est qu’une limitation du pouvoir royal va se transformer. A Louis XV qui déclarait encore en 1766 : « C’est en ma personne seule que réside la source de la puissance seule » va s’opposer le rôle des parlements où le « Tiers Etat » majoritaire, composé de la bourgeoisie très janséniste (opposée au haut clergé et à la noblesse par rapport à son histoire) et vont remporter la victoire au moment des Etats généraux convoqués par Louis XVI, à Versailles, le 17 juin 1789. Mais la fuite du roi et son arrestation à Varennes vont précipiter la mise en place de la République, copiant en cela la révolution américaine (« We are the people ! »). Ce qui n’était au départ qu’un désir de l’instauration d’une monarchie constitutionnelle, « à l’anglaise » va se terminer par l’instauration d’une république bourgeoise inspirée et dirigée par une Assemblée Nationale, très largement inspirée par le jansénisme laïcisé, qui sera obligée de combattre, à l’intérieur de la Révolution même certains courants qui croyaient que 1789 était une révolution populaire, alors qu’elle n’était que bourgeoise et qui optera pour Napoléon, afin qu’il remette de « l’ordre » ! Se pose la distinction à faire entre les Lumières et la Révolution :

– Les Lumières sont une volonté de de la poursuite de ce qu’on appelait « République des Lettres ». Mouvement existant depuis la Renaissance qui était la volonté de créer un espace immatériel qui transcendait les entités territoriales et qui réunissait les lettrés européens, en particulier le monde savant des humanistes. Elle naît en 1417, au sein d’un échange épistolaire entre Francesco Barburo et le Pogge. L’expression de cette « République des Lettres » sera utilisée en Europe à partir du 16e siècle, vers 1520. Boniface Amerbach, fils du célèbre imprimeur de Bâle, fera alors d’Erasme le « Monarque de toute la République des Lettres ». Erasme à qui nous devons, dans son texte « Comment éduquer les enfants » (1519), traduit en français en 1537, la phrase célèbre : « On ne naît pas homme, on le devient ». Le professeur à la Sorbonne, Marc Fumarolli, expliquera dans un ouvrage célèbre la continuité de ce courant durant l’histoire (9). Inutile de préciser que la création de ce mouvement intellectuel n’utilise le mot « République » que de façon aléatoire, étant parfaitement dans une vocation aristocratique du savoir ou des talents. Ce que sont les Lumières qui en sont la continuité.

– Il est peu probable que les Lumières soient partisans d’une république laïque : la plupart étant pour une monarchie constitutionnelle dans laquelle ils aspiraient à un rôle de conseillers et à un ennoblissement (Monsieur « de » Voltaire !). Dans les écrits des Lumières se lit un inintérêt du peuple et de la bourgeoisie en particulier, surtout si cette dernière aspire à prendre le pouvoir : les Lumières sont successeurs de Molière et de son « Bourgeois gentilhomme » ! Chez certains philosophes des Lumières, John Locke par exemple, dans son « Traité du Gouvernement Civil » reste bien loin de ce qu’on peut décrire comme le peuple ou la nation.

– Les Lumières, dans la querelle qui oppose Jésuites et Jansénistes, ont plutôt une sympathie pour l’intellectualisme des jésuites chez qui ils firent leur scolarité (Voltaire et Diderot par exemple). Après l’expulsion des jésuites de France, Voltaire en accueillera d’ailleurs à Ferney. Ils sont partisans, dans la tradition des jésuites, d’une éducation supérieure qui s’adresse aux enfants de l’élite, alors que les jansénistes, dans leur « petites écoles » veulent développer une scolarité ouverte à des milieux plus larges, filles comprises, ce que la République va tenter d’installer à travers une éducation nationale.

– Tant qu’à l’idée de nature humaine et de fraternité, elle est sujette à caution par la pratique de l’esclavage et de la division sociale qui débouchera plus tard sur ce que Karl Marx qualifiera de « Lutte des classes ».

De par leur composition sociale les Francs-maçons se rapprochent plus de ce mouvement bourgeois et janséniste de la Révolution française que d’une philosophie aristocratique des Lumières dont elle se réclame à tort.

MINCE ENCORE UNE ILLUSION QUI FICHE LE CAMP !

 NOTES

(1) Ouvrage collectif sous la direction de

Pierre Antoine Fabre et Benoist Pierre

Les Jésuites. Histoire et Dictionnaire

Editions Bouquins. 2022.

(2) Voltaire : Mélanges. Paris. Ed. Gallimard. 1961.

(3) Sociniens : Doctrine à l’origine faite par deux théologiens italiens du XVIe siècle, Lélio et Fausto Sozzini qui développent une exégèse rationaliste expliquant la divinité de Jésus par son adoption par le Père. Persécutés en Europe, les sociniens se regroupent en Pologne où ils éditent leur catéchisme (1605) qui va exercer une grande importance sur l’ensemble du monde protestant et de sa théologie libérale ultérieure. Toute cette théorie anti-trinitaire va naturellement ressortir au 18e siècle, tant dans les milieux protestants que catholiques (Avec une forme plus déguisée pour ces derniers !).

(4) Consubstantialité : Théorie théologique catholique sur le renouvellement du sacrifice de Jésus à chaque messe, durant l’ «élévation », alors que les protestants pensent qu’il ne peut y avoir qu’un sacrifice unique de Jésus et que la Cène durant le culte, ne se fait qu « en mémoire de ».

(5) Casuistique : Forme d’argumentation utilisée en théologie morale. Elle consiste à résoudre les problèmes par une discussion autour des principes généraux et la considération des particularités du cas traité. Les jésuites l’utiliseront surtout pour l’administration de la pénitence, la « confession ».

(6) « Exercices spirituels » (1548) : Ouvrage de prière faite de méditation progressive et systématique composé par Ignace de Loyola, fondateur de la Compagnie de Jésus, à partir de sa propre expérience de Dieu dans sa vie. Le concept de discernement y est mis en valeur.

(7) Pelage (350-420) : Moine ascète breton dont les idées sur le caractère contingent de la grâce divine furent jugées hérétiques par l’Église catholique en 418. Son grand adversaire théologique sera Saint-Augustin (354-430), soutien d’un prédestination s’opposant au Libre-arbitre pélagien.

(8) Pascal Baise : Oeuvres complètes. Paris. Ed. Du Seuil. 1963. (Page 397).

(9) Fumarolli Marc : La République des Lettres. Paris. Ed. Gallimard. 2015.

 BIBLIOGRAPHIE

– Beauchamp Paul : L’Un et l’Autre Testament. Accomplir les Ecritures. Paris. Ed. Du Seuil. 1990.

– Brunet Paul : L’introduction des théories de Newton en France au XVIIIe siècle. Genève. Ed. Slatkine. 1970.

– Chaunu Pierre : La civilisation de l’Europe des Lumières. Paris. Ed. Flammarion. 1982.

– Cottret Bernard : Le Christ des Lumières- Jésus de Newton à Voltaire. 1660-1760. Paris. Ed. Du Cerf.1990.

– Cronin Vincent : Matteo Ricci-Le sage venu de l’occident. Paris. Ed. Albin Michel. 2010.

– Culmann Oskar : Le salut dans l’histoire. Suisse. Neuchâtel. Ed. Delachaux-Niestlé. 1966.

– Hume David : Enquête sur l’entendement humain. Paris. Ed. Beyssade. 1983.

– Ouvrage collectif : Religion, érudition et critique à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle. Paris. PUF. 1968.

– Plongeron Bernard : Théologie et politique au siècle des Lumières. Genève. Ed. Droz. 1973.

– Pomeau René : La religion de Voltaire. Paris. Ed. Nizet. 1969.

– Soboul Alfred : La civilisation et la Révolution française. Paris. Ed. Arthaud. 1978.

– Taveneaux René : La vie quotidienne des Jansénistes. Paris. Ed. Hachette. 1973.

Résonances entre l’École de Saint-Victor et les rites initiatiques contemporains, dont le RER

Une filiation spirituelle méconnue

« La lecture nous instruit, la méditation nous éclaire, la prière nous purifie, la contemplation nous ravit »

Hugues de Saint-Victor

L’École de Saint-Victor, née dans le silence monastique de l’abbaye parisienne au XIIe siècle, a profondément marqué la spiritualité occidentale. Elle ne fut pas une école dogmatique, mais une école de l’âme, un sanctuaire intérieur où la contemplation s’unissait à l’intelligence, où la connaissance conduisait à la sagesse, et où l’architecture de l’homme reflétait celle du cosmos.

Ce travail explore les résonances entre cette école et les rites initiatiques contemporains, en particulier la franc-maçonnerie spirituelle et le Rite Écossais Rectifié (RER). Il met en lumière une même dynamique de transformation intérieure, une même pédagogie de l’éveil par les symboles, et une même quête d’unité entre l’homme et le divin.

Convergences symboliques et anthropologiques

« L’homme est un petit monde ; tout ce que contient le grand monde est aussi contenu en lui »

Hugues de Saint-Victor

L’un des apports majeurs des Victorins est l’idée que l’homme est un microcosme, un temple intérieur. Cette conception, développée notamment par Hugues et Richard de Saint-Victor, pose une anthropologie trinitaire : mémoire, intelligence, volonté. Ce schéma se retrouve dans le RER sous forme opérative.

La progression initiatique, comme chez les Victorins, suit une logique de purification (mort symbolique), d’illumination (réception de la lumière), puis d’union (réintégration).

La franc-maçonnerie structure ainsi ses grades comme les Victorins structuraient les étapes de la contemplation. Les symboles ne sont pas ornementaux : ils sont les outils de la transformation de l’âme.

Degrés de contemplation et grades initiatiques

« La sagesse vient à ceux qui gravissent patiemment l’échelle de la connaissance, de la foi et de l’amour »

Richard de Saint-Victor

L’échelle spirituelle chez les Victorins repose sur une pédagogie graduelle : des sens vers l’esprit, puis vers l’intuition contemplative. Chaque degré est un travail sur soi : nettoyage, silence, intériorisation, illumination.

Dans les rites initiatiques modernes, les grades successifs accompagnent un mouvement similaire : comprendre (Apprenti), intégrer (Compagnon), renaître (Maître). Chaque étape correspond à un niveau d’être. La lumière, dans les deux cas, est reçue en proportion de la purification.

Chez Richard de Saint-Victor, cette lumière est aussi un reflet de la Trinité : la vision trinitaire de l’homme est donc un cadre opératif d’élévation.

La Voûte Sacrée : du sanctuaire biblique au cœur mystique

« Le cœur de l’homme purifié devient l’asile de la présence divine »

Richard de Saint-Victor

La Voûte Sacrée dans les hauts-grades maçonniques est le lieu de révélation du Nom divin. Dans l’École de Saint-Victor, la voûte est la représentation de l’esprit illuminé par la sagesse divine.

Ces lieux – voûte, cœur, sanctuaire – sont identiques dans leur fonction spirituelle : ils symbolisent l’ultime rencontre de l’homme avec la source, l’union du créé et de l’Incréé. Ils sont l’équivalent intérieur du Saint des Saints.

Le silence y règne, la lumière s’y manifeste, et l’homme, s’il est prêt, y renaît à une dimension supérieure de lui-même.

Messages essentiels

« L’amour est dans l’intelligence ce que la chaleur est dans le feu : son mouvement le plus intime »

Richard de Saint-Victor

• La spiritualité victorine propose un chemin opératif, tout comme les rites initiatiques.

• L’homme est un temple à édifier par l’ascèse, la symbolique, et la contemplation.

• Les degrés initiatiques sont une résonance contemporaine des degrés mystiques.

• La lumière intérieure est toujours le fruit d’un dévoilement progressif.

• La tradition maçonnique, loin d’être moderne, s’enracine dans des matrices médiévales comme celle de Saint-Victor.

Conclusion et perspectives

« Il ne suffit pas de savoir, il faut goûter. Il ne suffit pas de comprendre, il faut brûler »

Hugues de Saint-Victor

L’École de Saint-Victor n’a pas disparu : elle survit dans l’architecture symbolique des rites. Elle nous apprend que le Temple n’est pas seulement un lieu extérieur mais une structure intérieure à restaurer. Elle rappelle à chaque initié que la lumière n’est donnée qu’à ceux qui gravissent les degrés du silence, de l’étude et de l’amour.

Ce legs est vivant : dans la franc-maçonnerie spirituelle, il trouve un prolongement, une mise en œuvre, un langage nouveau pour des vérités anciennes. Le dialogue entre Victorins et initiés ne fait que commencer.

En préparation un livre sur « l’école de pensée de Saint-Victor »

Tableau de correspondance des 5 éléments de l’initiation de la Franc-maçonnerie

Dans l’univers riche et symbolique de la Franc-Maçonnerie, l’initiation est un voyage intérieur qui transcende les simples rituels pour toucher l’essence même de l’être humain. Inspirée par des traditions millénaires, cette quête spirituelle trouve des échos profonds dans la philosophie taoïste chinoise, notamment à travers la théorie des cinq éléments : Bois, Feu, Terre, Métal et Eau. Ces éléments, au cœur de la médecine traditionnelle chinoise (MTC) et du taoïsme, établissent des correspondances entre les organes, les émotions, les saisons et les cycles naturels, offrant un cadre pour comprendre l’harmonie universelle.

En adaptant cette grille à la Franc-Maçonnerie, nous pouvons dresser un tableau initiatique où chaque élément éclaire une étape ou une dimension de l’évolution maçonnique, reliant le corps, l’esprit et l’âme dans une quête de perfectionnement. Cet article propose une concordance complète, inspirée du modèle taoïste, pour explorer comment les cinq éléments enrichissent l’initiation maçonnique, des premiers pas de l’Apprenti jusqu’à la sagesse du Maître.

Les Fondements de la Théorie des Cinq Éléments

Avant d’entrer dans les correspondances maçonniques, rappelons brièvement le cadre taoïste. Les cinq éléments – Bois, Feu, Terre, Métal et Eau – interagissent selon deux cycles principaux : le cycle d’engendrement (Bois nourrit Feu, Feu crée Terre, Terre produit Métal, Métal génère Eau, Eau alimente Bois) et le cycle de contrôle (Bois contrôle Terre, Terre domine Eau, Eau éteint Feu, Feu fond Métal, Métal coupe Bois). Chaque élément est associé à un organe Yin, une entraille Yang, une saison, une direction, une couleur, une émotion et une qualité énergétique. Cette dynamique reflète l’équilibre du cosmos et du corps humain, un principe que la Franc-Maçonnerie, avec son emphasis sur l’harmonie et la géométrie sacrée, peut intégrer pour structurer son parcours initiatique.

Adaptation aux Cinq Degrés Initiatiques de la Franc-Maçonnerie

La Franc-Maçonnerie, dans ses rites les plus courants (notamment le Rite Écossais Ancien et Accepté), repose sur trois degrés principaux – Apprenti, Compagnon, Maître – souvent enrichis de grades philosophiques supplémentaires. Pour aligner cette progression avec les cinq éléments, nous inclurons les étapes préparatoires (candidature et initiation) et les degrés symboliques avancés (comme le 4e degré ou l’élévation spirituelle), créant un tableau initiatique complet. Voici une analyse détaillée :

1. L’Élément Bois : La Candidature – Préparation et Intention

Sous bois à l'aube, forêt de gros arbres en été
Sous bois à l’aube, forêt de gros arbres en été
  • Organe Yin : Foie – siège de la planification et de la vision.
  • Entrailles Yang : Vésicule Biliaire – organe de la décision et de la clarté.
  • Saison : Printemps – temps de renouveau et de croissance.
  • Direction : Est – où le soleil se lève, symbolisant un nouveau départ.
  • Couleur : Vert – couleur de l’espoir et de la régénération.
  • Émotion : Colère – énergie de transformation ou d’obstruction.
  • Qualité : Flexibilité et expansion.
  • Correspondance Maçonnique : La candidature marque l’entrée dans le chemin maçonnique. Comme le Bois, qui pousse et s’élève, le candidat exprime une intention de croissance spirituelle. Le Foie, associé à la vision, reflète la réflexion préalable, tandis que la Vésicule Biliaire symbolise le choix conscient de frapper à la porte du Temple. Le printemps évoque l’ouverture à une nouvelle vie, et la colère peut représenter les doutes ou résistances internes à surmonter. Cette étape pose les bases de l’harmonie future, exigeant une souplesse pour s’adapter aux exigences maçonniques.

2. L’Élément Feu : L’Initiation (Apprenti) – Éveil et Passion

  • Organe Yin : Cœur – centre de l’esprit et de la vitalité.
  • Entrailles Yang : Intestin Grêle – organe de discrimination.
  • Saison : Été – période de pleine activité et de chaleur.
  • Direction : Sud – lieu de lumière et d’énergie maximale.
  • Couleur : Rouge – symbole de vie et d’enthousiasme.
  • Émotion : Joie – énergie de connexion, mais aussi d’excès.
  • Qualité : Transformation et illumination.
  • Correspondance Maçonnique : L’initiation en Apprenti est un feu intérieur qui s’allume. Le Cœur, gouvernant l’esprit, incarne l’éveil de la conscience lors de la cérémonie, tandis que l’Intestin Grêle reflète la capacité à distinguer le vrai du faux dans les premiers enseignements. L’été symbolise l’intensité de cette étape, et le Sud, la lumière reçue après le bandeau retiré. La joie accompagne la découverte, mais un excès peut mener à l’orgueil, un défi à maîtriser. Cette phase transforme le profane en un être en quête, allumant la flamme initiatique.

3. L’Élément Terre : Le Compagnon – Stabilité et Travail

  • Organe Yin : Rate – centre de la transformation et de la réflexion.
  • Entrailles Yang : Estomac – organe de réception et de digestion.
  • Saison : Fin d’été – période de maturation et d’équilibre.
  • Direction : Centre – point d’ancrage et d’harmonie.
  • Couleur : Jaune – couleur de la neutralité et de la fertilité.
  • Émotion : Inquiétude – énergie de soin ou de dispersion.
  • Qualité : Équilibre et nourishment.
  • Correspondance Maçonnique : Le grade de Compagnon est une phase de consolidation. La Rate, associée à la réflexion, soutient le travail sur la pierre brute, tandis que l’Estomac symbolise l’assimilation des connaissances acquises. La fin d’été reflète une maturité progressive, et le Centre, la quête d’un équilibre intérieur. L’inquiétude peut surgir face aux défis techniques ou philosophiques, mais elle devient une force lorsqu’elle pousse à la persévérance. Cette étape nourrit l’âme du Maçon, préparant le terrain pour une élévation.

4. L’Élément Métal : Le Maître – Purification et Intégrité

  • Organe Yin : Poumon – siège de la respiration et de l’intégrité.
  • Entrailles Yang : Gros Intestin – organe d’élimination.
  • Saison : Automne – temps de récolte et de lâcher-prise.
  • Direction : Ouest – lieu du crépuscule et de la réflexion.
  • Couleur : Blanc – symbole de pureté et de clarté.
  • Émotion : Tristesse – énergie de deuil ou de renouveau.
  • Qualité : Clarté et structure.
  • Correspondance Maçonnique : Le degré de Maître marque une purification intérieure. Les Poumons, liés à la respiration, symbolisent l’inspiration spirituelle après la mort symbolique d’Hiram, tandis que le Gros Intestin représente l’élimination des illusions. L’automne évoque la récolte des leçons, et l’Ouest, la transition vers une sagesse plus profonde. La tristesse peut émerger face à la perte des anciennes certitudes, mais elle ouvre à une renaissance. Cette phase forge une intégrité, structurant l’âme du Maçon.

5. L’Élément Eau : L’Élévation Spirituelle (4e Degré ou au-delà) – Sagesse et Profondeur

  • Organe Yin : Reins – réservoir de l’essence vitale.
  • Entrailles Yang : Vessie – organe de stockage et de libération.
  • Saison : Hiver – période de repos et d’introspection.
  • Direction : Nord – lieu de mystère et de puissance cachée.
  • Couleur : Noir – symbole de l’inconnu et de la potentialité.
  • Émotion : Peur – énergie de respect ou d’immobilité.
  • Qualité : Fluidité et profondeur.
  • Correspondance Maçonnique : L’élévation spirituelle, souvent explorée dans les grades avancés, plonge dans les profondeurs de l’âme. Les Reins, source de l’essence vitale, reflètent la sagesse accumulée, tandis que la Vessie symbolise la libération des attaches matérielles. L’hiver invite à l’introspection, et le Nord, à la découverte des mystères. La peur peut surgir face à l’inconnu, mais elle se transforme en respect pour les lois universelles. Cette étape fluidifie l’expérience initiatique, reliant le Maçon au cosmos.
Wuxing

Le Cycle Initiatique et l’Harmonie Maçonnique

Comme dans le taoïsme, ces cinq éléments forment un cycle d’engendrement et de contrôle au sein de l’initiation maçonnique. La candidature (Bois) nourrit l’initiation (Feu) par l’intention qui s’embrase en passion ; l’Apprenti (Feu) crée le Compagnon (Terre) en transformant l’énergie en travail stable ; le Compagnon (Terre) produit le Maître (Métal) en affinant la matière brute ; le Maître (Métal) génère l’Élévation (Eau) en purifiant l’esprit ; et l’Élévation (Eau) revient au Bois en régénérant l’intention initiale. Le cycle de contrôle, quant à lui, assure un équilibre : l’Eau (peur) tempère le Feu (joie excessive), le Feu (passion) fond le Métal (rigidité), le Métal (clarté) coupe le Bois (doutes), le Bois (croissance) domine la Terre (inquiétude), et la Terre (stabilité) stabilise l’Eau (immobilité).

Implications Pratiques pour les Loges

Wuxing

Ce tableau des cinq éléments peut guider les loges dans leur travail. Par exemple, une loge pourrait organiser des méditations saisonnières : au printemps, focus sur l’intention (Bois) ; en été, sur l’éveil (Feu) ; à la fin d’été, sur la réflexion (Terre) ; en automne, sur la purification (Métal) ; en hiver, sur la profondeur (Eau). Les rituels pourraient intégrer des couleurs ou des symboles associés, renforçant l’expérience sensorielle et spirituelle. De plus, reconnaître les émotions liées à chaque étape – colère, joie, inquiétude, tristesse, peur – permet aux Maçons de travailler sur leurs déséquilibres internes, alignant leur chemin initiatique sur les lois naturelles.

Une Synthèse Universelle

Le tableau des cinq éléments offre à la Franc-Maçonnerie un miroir taoïste pour enrichir son initiation. En harmonisant les organes, les émotions et les cycles naturels avec les degrés maçonniques, il révèle une universalité qui transcende les cultures. Comme les bâtisseurs d’antan taillaient leurs pierres avec soin, les Maçons d’aujourd’hui peuvent sculpter leur âme en suivant ce cycle, alliant tradition et sagesse intemporelle. Ce cadre invite à une pratique plus consciente, où chaque étape est un pas vers l’harmonie universelle, reflet de l’ordre cosmique cher à notre Art Royal.

02/07/25 au GODF : « L’Afrique et la France à la croisée des chemins » – un dialogue essentiel pour repenser les relations franco-africaines

Alors que les relations historiques entre la France et les nations africaines traversent une période de profondes mutations, une conférence publique d’envergure se profile à l’horizon. Organisée par l’Association des Loges, l’événement intitulé « L’Afrique et la France à la croisée des chemins : un dialogue essentiel pour repenser les relations franco-africaines », se tiendra le mercredi 2 juillet 2025, de 19h à 21h30, à l’Hôtel du Grand Orient de France, 16 rue Cadet, Paris 9e.

Fort du succès de la conférence du 31 mai 2025 sur la paix et la souveraineté en République Démocratique du Congo, cet événement promet d’être un moment clé de réflexion citoyenne et géopolitique, ouvert à tous et enrichi par la participation de figures majeures. Simplice Ongui, directeur de publication d’Afriqu’Essor Magazine, invite à cette rencontre historique sous le thème « Héritages encombrants, futurs incertains : que veulent l’Afrique et la France ? » (http://www.afriquessor.com/conference-publique-a-paris-mercredi-2-juillet-2025-lafrique-et-la-france-a-la-croisee-des-chemins-un-dialogue-essentiel-pour-repenser-les-relations-franco-africai/).

Un Tournant Historique à Réinventer

Les liens entre la France et l’Afrique, forgés par des siècles de colonisation, d’indépendances formelles et de la nébuleuse « Françafrique », sont aujourd’hui à un carrefour. En Afrique francophone – du Sahel aux Grands Lacs –, des mouvements populaires exigent une rupture avec les réseaux d’influence opaque, les ingérences économiques et les déséquilibres hérités. La jeunesse africaine, moteur de ces revendications, appelle à des relations fondées sur la transparence, la réciprocité et la dignité, tandis que la fermeture de bases militaires à Niamey, Bamako ou Ouagadougou symbolise un retrait progressif de la présence française traditionnelle.

De son côté, la France, confrontée à une perte d’influence face à la Chine, la Russie ou la Turquie, tente de redéfinir son rôle. Les discours autocritiques de certains responsables et les initiatives de partenariats « à hauteur d’hommes » marquent une évolution, mais peinent encore à répondre aux aspirations populaires. Cette conférence se veut un espace pour interroger ce moment charnière, dépassant les postures diplomatiques pour poser des questions fondamentales : Quelle présence pour la France demain ? Quelle souveraineté pour les nations africaines ? Quels partenariats équitables pour l’avenir ?

Trois Axes de Réflexion pour un Dialogue Nouveau

Quelle Présence pour la France Demain ?

Depuis les indépendances des années 1960, la présence française en Afrique a oscillé entre soutien militaire à des régimes alliés, contrôle de ressources stratégiques et rayonnement culturel via la francophonie. Cette emprise, autrefois perçue comme légitime, est aujourd’hui contestée par des expulsions d’ambassadeurs et des critiques acerbes. Pour être crédible, une nouvelle présence française doit s’appuyer sur la confiance, la transparence et une modestie rare, passant d’une logique de domination à celle d’une coexistence respectueuse.

Quelle Souveraineté pour les Nations Africaines ?

La souveraineté africaine, revendiquée sur les plans politique, économique et culturel, reste entravée par des héritages coloniaux – infrastructures, systèmes financiers comme le franc CFA, dépendances sécuritaires. Réaffirmer cette souveraineté nécessite de prioriser les besoins locaux, de libérer les institutions des influences externes et de coordonner des politiques régionales. Les intellectuels, les femmes, les jeunes et les diasporas joueront un rôle clé dans l’émergence d’une souveraineté populaire et durable.

Quels Partenariats Équitables pour l’Avenir ?

Les modèles de coopération passés, souvent marqués par des « aides » aliénantes et des contrats avantageux pour les entreprises étrangères, doivent céder la place à des partenariats équilibrés. Éducation, transition énergétique, innovation technologique et gestion des ressources naturelles pourraient devenir des axes de co-développement, où la France, avec ses diasporas dynamiques et ses valeurs républicaines, agirait en allié plutôt qu’en tuteur.

Des Intervenants d’Exception

Jean-Marie Bockel : Une Voix pour la Rupture

Jean-Marie Bockel, né le 22 juin 1950 à Strasbourg (Bas-Rhin), est un avocat et homme politique français.

Figure du réformisme républicain, Jean-Marie Bockel a marqué l’histoire en 2008 en déclarant dans Le Monde : « La Françafrique est morte. » Cette prise de position, choc dans les cercles politiques, lui valut un rapide départ de son poste de secrétaire d’État à la Coopération. Dix-sept ans plus tard, auteur du rapport présidentiel sur la redéfinition de la présence française en Afrique, il revient avec une vision lucide. Lors de la conférence, il proposera un bilan critique, des pistes concrètes pour un partenariat respectueux et une réflexion sur les défis communs, loin des leçons magistrales, en témoin engagé d’une transition historique.

Robert Bourgi : Le Témoin de l’Ombre

Robert Bourgi (Avocat)

Symbole des réseaux françafricains, Robert Bourgi, juriste et conseiller discret de chefs d’État africains et français, incarne un héritage controversé. Son livre Ils savent que je sais tout : Ma vie en Françafrique (25 septembre 2024) dévoile les coulisses de ses missions avec Chirac et Sarkozy, assumant son rôle de « facilitateur politique ». Bien qu’absent en tant qu’intervenant, son spectre planera sur les débats, alimentant les questions sur les pratiques passées et leur persistance.

Niagalé Bagayoko : Une Modération Ancrée en Afrique

Niagalé Bagayoko (Source Panthéon Sorbonne)

Spécialiste de la sécurité et de la gouvernance, Niagalé Bagayoko, présidente de l’African Security Sector Network (ASSN) depuis 2011, apportera une rigueur académique et une perspective africaine. Diplômée de Sciences Po et docteure de Paris 1, elle a enseigné à Abidjan et collaboré avec des organisations internationales. Sa modération inclusive promet un débat pluriel, où les voix citoyennes – jeunes, femmes, diasporas – trouveront une place centrale.

Nicolas Penin Grand Maître du GODF

Nicolas Penin : L’Engagement Maçonnique

La conférence sera ouverte par Nicolas Penin, Grand Maître du Grand Orient de France, qui rappellera l’engagement citoyen, humaniste et fraternel de la maçonnerie dans cette refondation des relations entre les peuples.

Un Appel à Toutes les Consciences

Cet événement, gratuit mais sur inscription obligatoire, s’adresse à un large public : chercheurs, associatifs, étudiants, maçons et citoyens. Il ne s’agit pas de juger le passé, mais de co-construire un avenir post-Françafrique, juste et fraternel. Réservez votre place dès maintenant pour participer à ce dialogue essentiel.

Informations pratiques :

  • Date : Mercredi 2 juillet 2025
  • Heure : 19h – 21h30
  • Lieu : Hôtel du Grand Orient de France, 16 rue Cadet, 75009 Paris
  • Contact : osimgil@yahoo.co.uk

Simplice Ongui, en cette veille de solstice d’été 2025, vous convie à écrire ensemble une nouvelle page d’histoire.

Éthique et Morale

Éthique » et « morale », ces mots renvoient toutes deux aux mœurs et aux coutumes donc aux règles de conduite et à leur justification. C’est Cicéron qui, en traduisant le terme grec èthica par moralis dans la leçon i de Droit, morale et religion leur a donné une équivalence sémantique. Cependant, « morale » est le mot employé pour exprimer l’ensemble des règles ou préceptes, obligations ou interdictions relatifs à la conformation de l’action humaine aux mœurs et aux usages d’une société. La morale se définit donc principalement comme une théorie de l’obligation, ou comme un ensemble de règles de conduite d’action. 

Quant à l’ « éthique », on peut la définir comme réflexion théorique sur la morale, comme un fondement de la morale.

Il semble intéressant  de considérer ce que d’autres traditions, dont pourtant la nôtre est issue, établissent comme distinguo entre éthique et morale. Faisons donc un détour par la langue de l’Ancien Testament.

Les termes hébreux « mishpat » (justice) et « tsedek » (droiture, justice) sont souvent évoqués dans des contextes religieux et liturgiques juifs, mais ils apparaissent aussi dans certains rituels anglo-saxons influencés par la tradition biblique qui s’inspirent de l’Ancien Testament.

Plus précisément, ces concepts peuvent être mentionnés dans des rituels ou lectures bibliques lors de services religieux anglo-saxons qui mettent l’accent sur la justice divine et la droiture, tels que les offices de la Semaine Sainte ou des célébrations liées à la justice divine, ou encore certains cultes protestants ou évangéliques qui utilisent des lectures de l’Ancien Testament (notamment les Psaumes, Prophètes) où ces mots apparaissent, et enfin à certaines études bibliques ou des rituels de prière qui insistent sur la justice sociale et morale, inspirés par la Bible hébraïque

 On sait que, pour les Hébreux, la Loi (celle des tables éponymes) et la Justice, l’équité en son application (que l’on retrouve sous les noms de mishpat et de tsédeq) furent fondatrices de la gouvernance ce peuple et des relations entre eux. «Malheur à celui qui bâtit sa maison par l`injustice [littéralement sans tsédek], Et ses chambres par l`iniquité  [littéralement sans mishpat]», comme on peut le lire dans Jérémie ; 22,13. C’est  en Genèse 18 : 19, que l’on comprend cette distinction : tsédek c’est  la vertu et mishpat, la justice[1]

« Mishpat » est généralement traduit par : Jugement, justice, habitude, ordonnances, loi, le droit, les règles, la cause, le modèle, règles établies, . . . Il peut aussi s’agir de l’ action de décider d’une cause ; lieu, cour, siège du jugement ; mais aussi d’une procès, d’une procédure, d’un litige (devant des juges) ou encore d’un cas, d’une cause (présentée au jugement) mais aussi de la  sentence, de la décision (du jugement) voire de l’exécution (du jugement).

Quant à « Tsédeq », ce mot est généralement traduit par : justice, juste, innocence, se justifier, droiture, bonté, vrai, équité, salut, triomphant, bonheur. Ce qui est droit ou juste ou normal, droiture, justesse (de poids et mesures) ; Justice (d’un gouvernement). En général équité effective, du roi, de Jérusalem comme siège d’un gouvernement juste ; de l’attribut de Dieu. Equité signifie aussi justice (dans une affaire ou une cause) ; droiture (dans le discours), justice (ce qui est moralement, éthiquement droit), justice (défendue), justification (en controverse), délivrance, victoire, prospérité ? IL peut enfin s’agir de Dieu comme gardien de l’alliance dans la rédemption, ou enfin  dans le nom du roi Messianique  ainsi que du peuple qui se réjouit du salut.

On a retrouvé dans l’iconographie assyrienne antérieure, un Dieu-soleil flanqué de chaque côté par deux dieux mineurs appelés Mishpat et Tsédek.

Dans les rituels anglo-saxons, les deux colonnes B et J sont, avant tout, le rappel de fonctions : royale (mishpat) pour Boaz (aïeul de David et de Salomon), et sacerdotale (tsédeq) pour Jakin (prêtre assistant lors de la consécration du Temple).  

C’est ce qu’estime Paul Ricoeur lorsqu’il écrit dans Fondements de l’éthique: «  Je propose donc de distinguer entre éthique et morale, de réserver le terme d’éthique pour tout le questionnement qui précède l’introduction de l’idée de loi morale et de désigner par morale tout ce qui, dans l’ordre du bien ou du mal, se rapporte à des lois, des normes, des impératifs. »

Et de poursuivre plus loin : « On entre véritablement en éthique, quand, à l’affirmation pour soi de la liberté, s’ajoute la volonté que la liberté de l’autre soit. Je veux que ta liberté soit. »

Ainsi, dans le champ des sciences humaines la morale prend un sens descriptif des faits et se rattache à la sociologie ; elle peut se caractériser comme phénomène universel même si s’oppose à ce phénomène universel une relativité des morales dans l’espace et dans le temps. Il vaque cette relativité des morales implique l’émergence de conflits de morales eux-mêmes fluctuant dans l’espace et dans le temps.

Michel Maffesoli
MICHEL MAFFESOLI, SOCIOLOGUE, PARIS, LE 10 AVRIL 2014.

Michel Maffesoli, dans son ouvrage « Au creux des apparences » publié en 1990, exprimait bien cette frontière -ou mieux encore le glissement – être morale et éthique : « Quand on observe tous les phénomènes de violence dont l’actualité n’est pas avare, quand on voit les valeurs sociales traditionnelles perdre de leur force, ou les diverses autorités politiques, intellectuelles, journalistiques être tournées en dérision, on peut se poser la question : existe-t-il encore une morale universelle, applicable à tous ? C’est lorsque quelque chose n’a plus de réalité qu’on en parle beaucoup. Or, la Morale représente un monde qui n’est plus. Et c’est pour cela qu’on entonne, jusqu’à plus soif, des incantations en son nom. Mais comme il faut bien vivre ensemble, on voit se développer des éthiques particulières. Celles-ci traduisant ce  » sentiment d’appartenance  » propre aux tribus postmodernes. »

Pour être concret, on peut constater que l’éthique repose sur des valeurs morales voire communautaires. L’éthique, qui porte sur ce que nous « devrions » faire, varie donc selon les individus et les groupes.

Si l’on en croit le dictionnaire Larousse, la morale est un « ensemble de règles de conduite considérées comme bonnes de façon absolue ou découlant d’une certaine conception de la vie », et l’éthique est une réflexion argumentée sur les valeurs morales.

Mais  il est facile de convenir que cette définition n’est guère satisfaisante, Surtout, l’éthique est bien plus qu’une « réflexion argumentée » : l’éthique ne commande pas, alors que la morale est effectivement un ensemble de règles. Cependant, l’éthique est bien une réflexion sur la morale, qui a trait aux valeurs qui orientent et motivent nos actions dans nos rapports avec l’autre. En fait, il n’est pas exagéré de dire que l’éthique est tournée vers l’autre, ses attentes, ses désirs,  et par tant sa liberté.

Spinoza posait sans ambiguïté la différence entre morale et éthique en postulant que la morale, c’est le système du Jugement de Dieu, le système du Jugement. Mais l’Éthique inverse le système du jugement, de sorte que la différence qualitative des modes d’existence « bon /mauvais » se substitue au système de l’opposition des valeurs « Bien/Mal ».

Les acteurs professionnels du soin et de l’accompagnement connaissent bien les grands principes de l’éthique. Outre le principe de non-malfaisance, le principe de bienfaisance et le principe de justice et de non-discrimination, ils respectent le ». principe d’autonomie qui repose sur la reconnaissance de la faculté d’une personne d’avoir des opinions, de faire des choix et d’agir en fonction de ceux-ci…

Il va de soi que ceci suppose des capacités de jugement non altérées.

Plus récemment, ils ont été employés en philosophie moderne à propos des spéculations qui portaient sur « l’éthique », considérée comme le domaine de la détermination des fins de la vie humaine, des conditions nécessaires pour atteindre la vie heureuse ou des principes que doit suivre l’Homme pour mener une vie juste ou conforme à ses devoirs, dictés par la société ou par la raison.

Friedrich Nietzsche

Mais il est clair que  L’Éthique de Spinoza qui vécut au 17ème siècle, traite de la conduite de la vie humaine, tandis que Généalogie de la morale  de Nietzsche , qui vécut dans la seconde moitié du 19ème siècle, enquête sur l’origine des valeurs chrétiennes, qui pour l’auteur constituent ou fondent notre morale.

En fait, aujourd’hui, il est admis que « morale » et « éthique » ont des connotations différentes.

Le terme morale désigne l’attitude humaine face au bien et mal : ce qui est moral est bien, ce qui est immoral est mal. Evidemment, ce qui est amoral, – avec le a privatif –  n’est pas concerné par les notions de bien et de mal.
On notera que « morale » est parfois employé dans le cadre de  connotations volontiers négatives : « faire la morale », c’est donner des leçons (indûment) à quelqu’un, un « moralisateur » est une personne qui se complaît à prêcher la bonne morale. On sait aussi que la « morale » n’est pas restreint au vocabulaire religieux : on parle en France de « moralisation de la vie publique » à propos des mesures prises par les pouvoirs publics pour rendre plus acceptables la conduite des élus.

Le terme « éthique » est volontiers lié à l’activité de certains, et on parle volontiers de l’éthique professionnelle des médecins, des policiers, des journalistes…, c’est-à-dire les règles selon lesquelles un individu qui exerce l’une ou l’autre de ces professions travaille afin de ne pas se comporter injustement.

L’éthique renvoie aussi aux réflexions produites à propos de l’usage fait des nouvelles techniques scientifiques en biologie. On parle alors de « bioéthique » et de « questions éthiques », qui peuvent être par exemple : « peut-on cloner des êtres humains ? ».

On notera qu’en France, un organisme a été créé en 1983 pour conduire ces réflexions et émettre des avis : le Comité consultatif national d’éthique.

Au demeurant, la différence entre la morale et l’éthique réside dans leur nature et leur application : la morale est liée aux coutumes, normes et valeurs relatives d’une société, et varie selon les mœurs de chaque communauté. Tandis que l’éthique est une réflexion philosophique qui cherche à établir des principes universels du bien et du mal, indépendamment des normes sociales. 

Ceci a conduit certains à exprimer ainsi la différence : la morale est souvent subjective et contextuelle, tandis que l’éthique vise à définir des comportements acceptables à travers un raisonnement objectif.

Certes, l’éthique et la morale se rapprochent puisque les deux sont responsables de la construction de la base qui guide la conduite de l’homme, déterminant son caractère, son altruisme et ses vertus, et enseignant la meilleure façon d’agir et de se comporter en société.

Bien que l’éthique approuve ou justifie normalement les pratiques morales, il arrive qu’elles se rangent en opposition l’une contre l’autre.

En fait, les deux termes sont employés  différemment, pour exprimer que l’éthique est liée à l’étude du bien-fondé des valeurs morales qui guident le comportement humain dans la société, tandis que la morale est liée aux coutumes, normes, tabous et aux accords établis par chaque société.

Ainsi, l’éthique est la théorisation de la morale. Il n’est pas faux de considérer que l‘éthique aide à définir les critères sur ce qui se passe autour de nous.

Surtout, l’éthique ne fait pas de discrimination selon l’univers d’usage et les coutumes, Une telle « neutralité » n’est toujours pas valable pour la morale.

Les critères d’admission en franc-maçonnerie insistent sur le fait que le candidat doit être « libre et de bonnes mœurs ». Mœurs et morale ont une parenté qui n’est pas qu’étymologique, comme le laisse présumer le concept de « moralité ».

Une loge au XVIIIème siècle : eau-forte, aquarelle, planche dite « Cabanon », 1745 – Musée de la franc-maçonnerie.

En fait, dans les premiers textes de la maçonnerie opérative il était écrit : «né libre et de bonnes humeurs» qui devient « libre et de bon renom » ensuite. Mais c’est bien pour insister sur les valeurs morales que l’exigence est devenue d’être « libre et de bonnes mœurs ». Les deux notions fréquemment accolées de mœurs et de coutumes perdurent de l’Antiquité jusqu’au 19ème siècle. Si la première regarde les manières d’être comme implicitement structurées par des systèmes de valeurs, la seconde désigne des habitudes, et donc des systèmes de pratiques.

Il existe une morale coutumière, adaptée à tel lieu et à tel temps, qui est la morale des honnêtes gens dans une société donnée. Elle traduit les bonnes mœurs qu’il est souhaitable de suivre pour l’harmonie de la collectivité ; elle est à la mesure de quiconque et ne réclame aucun élan intérieur ni vertu supérieure. C’est ce minimum de morale sociale qui est exigée ; le casier judiciaire du profane doit être vierge lors de sa demande d’entrée en Franc-maçonnerie.

code_penal
Code pénal français, justice, textes de loi,

Le droit français ne maintient plus l’interdiction de déroger aux bonnes mœurs, toutefois encore évoquée dans l’article 6 du code civil créé en 1803 alors qu’on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public. La loi n’a conservé les bonnes mœurs que dans le code de la propriété intellectuelle et dans le code de commerce.

Cette notion apparaît en effet désuète au regard de l’évolution de la société ; la jurisprudence l’a progressivement abandonnée au profit de la notion d’ordre public dont elle n’a eu cesse de développer le contenu.

«De bonnes mœurs» est la traduction, ou plutôt l’adaptation française, de l’expression «of good report» présente dans les rituels maçonniques anglo-saxons originels et contemporains. Elle ne signifie pas «de bonnes mœurs» mais «de bonne réputation», ce qui n’est pas la même chose.

Dans les sociétés influencées par le protestantisme et le puritanisme, les deux notions sont cependant très liées. Le Convent de Lausanne en  septembre 1875 (qui réunit les Suprêmes Conseils de onze pays) proclame : «depuis la préparation au premier grade jusqu’à l’obtention du grade le plus élevé de la Maçonnerie écossaise, la première condition sans laquelle rien n’est accordé à l’aspirant, c’est une réputation d’honneur et de probité incontestée

On peut dire aussi que l‘éthique est basée sur une réflexion individuelle, tandis que la morale, fondée sur la coutume d’une société, impose ses normes et son cadre coutumier. L’éthique est peut-être cette tension même, parce qu’elle suppose le pouvoir, non sur l’autre, mais sur soi-même. Et la méthode maçonnique est, par essence, ce qui réforme de l’intérieur, ce qui reconstruit, redispose autrement la beauté intérieure. Une telle reconstruction, libre et lucide, peut-elle être « normée » autrement que par une équerre intime ?

Finalement, il peut sembler légitime de considérer qu’alors que l’éthique vise à construire des valeurs absolues, impérissables et universelles, la morale évolue sans cesse, se transformant en fonction de l’idéologie dominante des pays (ou des sociétés) et du temps qui passe….


[1] Genèse 18 : 19 : « Si je l’ai distingué, c’est pour qu’il prescrive à ses fils et à sa maison après lui d’observer la voie de l’Éternel, en pratiquant la vertu et la justice » 

Dans le miroir de Vivian Maier, il y a notre regard piégé

Le dernier album photo de Reporters Sans Frontières rend hommage à Vivian Maier, une des photographes les plus géniales du XXème siècle. Problème : elle n’a jamais voulu être photographe. Elle n’a jamais voulu faire ce qu’il aurait fallu pour ça : trianguler. 

C’est un autoportrait de 1953, de Vivian Maier à  New York. On la voit par reflet dans une vitrine, son appareil Rolleiflex calé sur son ventre, le regard distant. Depuis l’origine,  depuis la camera obscura, la photographie est un dispositif de triangulation, qui fonctionne sur la symétrie inversée (voir illustration). Globalement, la composition de l’image est la même que celle d’un tableau : cadre, construction des lignes, perspective, point de fuite, mais les moyens sont différents : la chambre noire, l’objectif, l’obturateur. Il faut différencier ce qui est dans le cadre et ce qui est hors-cadre, qui ne doit pas être vu.

Ici on remarque une double transgression. D’abord, la présence de l’appareil photo. Or, l’œil qui regarde ne doit pas être visible. C’est le principe du “quatrième mur” en théâtre, on fait comme si les spectateurs n’étaient pas là, alors qu’en réalité, le spectacle est donné pour eux. La deuxième transgression est celle de l’auto-référencement. Le photographe ne peut pas être lui-même le sujet de sa propre photographie. Bien sûr, l’autoportrait est un genre courant en peinture, et très prisé de certains peintres : Rembrandt, Courbet, Van Gogh…, mais justement parce qu’il est une transgression, il met en abyme l’art de la peinture lui-même. Dans les autoportraits de peintre, l’artiste se regarde droit dans les yeux et du même coup dans les yeux du spectateur.  Vivian Maier ne fait pas cela. Elle ne regarde pas dans l’appareil photo et donc pas dans les yeux du spectateur. Elle l’exclut. Elle regarde, en face d’elle, son reflet dans la glace. Vivian Maier photographe regarde Vivian Maier sujet de sa propre photographie. Sans complaisance. Ce n’est pas son œil qui prend la photo, elle semble absente, ce sont ses mains, ce sont ses doigts. 

Cette image montre en réalité un portrait inversé de Vivian Maier. Non pas telle que nous l’aurions vue si on s’était trouvé face à elle, mais inversée dans le miroir de la vitrine, telle qu’elle à l’habitude de se voir elle-même. Normalement, la photographie n’inverse pas l’image à l’horizontale, le miroir, si. Nos contemporains, lorsqu’ils prennent des selfies ou des vidéos d’eux-mêmes, choisissent d’inverser l’image, ils ne se filment pas comme un photographe objectif les verrait , comme les autres les voient, mais comme ils se voient eux-mêmes dans le miroir, le sujet impose sa vision à l’auteur. Le moi dans toute sa majesté. Ça en dit long sur notre époque. 

L’image doit toujours avoir un point de fuite, mais pas là, la perspective de la rue est masquée par le personnage principal. On devrait voir aussi quelque chose de ce qui se trouve  derrière la vitrine, à l’intérieur de la boutique, mais rien là non plus. Des reflets. Des immeubles, des voitures bloquées à un feu, qui semblent immobiles, un homme qui marche, simple silhouette floue, et qui regarde ailleurs. Et elle, seulement elle, le reflet de son reflet qui se reflète deux fois dans le miroir. C’est une mise en abyme, mais sans aucune profondeur. Une mise en abyme écrasée sur deux dimensions, celles de la seule surface où tout se passe. Une mise en abyme plate. Sans la troisième dimension qui permet de trianguler le regard. Il n’y a pas de profondeur et pas d’extériorité, aucune place pour le spectateur. S’il plonge dedans, son regard reste piégé à l’intérieur. 

Cette photo, en réalité, n’a été vue par personne. Vivian Maier reprendra plusieurs fois ce thème de son reflet dans le miroir. En 1953, elle est à New York depuis deux ans, elle commence sa longue aventure avec la photographie. Mais elle est gouvernante d’enfants, elle le restera toute sa vie, elle n’est pas photographe. Elle pourrait l’être. Elle a appris cet art avec une des plus grands photographes de son époque : Jeanne Bertrand. Elle n’est pas “naïve” comme le douanier Rousseau, elle n’est pas profane. Mais elle n’est pas photographe. Elle ne se considère pas comme ça. Elle ne vendra ni n’exposera jamais aucune seule de ses œuvres. Elle enferme ses tirages et ses milliers de négatifs jamais développés dans des cartons qu’elle emporte avec elle. Il y en aura près de 150 000. En 2007, deux ans avant qu’elle ne meure, un quidam nommé John Maloof achète certains de ces cartons aux enchères, dans la liquidation d’un garde-meubles où elles les avait entreposées. C’est lui qui va s’instituer gardien de la mémoire et s’employer à faire connaître cette œuvre. Ou plutôt, il va la fabriquer. En commençant par la rendre publique. Puis par intéresser des amateurs d’arts, des collectionneurs comme Jeffrey Goldstein qui se mettent à reconnaître son travail comme véritablement de l’art à partir de 2008. Ensuite, c’est la folie, l’engouement. Posthume. Elle n’était plus en mesure de s’y opposer ni d’y participer. Sa stature d’artiste-photographe, sa légende, et son œuvre elle-même se sont construites sans elle. D’ailleurs, est-ce bien Vivian Maier ? Elle n’a pas choisi les clichés qui méritaient d’être publiés. Les photographes ne sélectionnent qu’à peine 1% de leur production pour le rendre public, le reste, ils le jettent. Elle n’a pas non plus assuré ni supervisé les tirages, les éventuels recadrages et les éventuelles retouches. Est-ce son regard qu’on publie avec les photos qu’on expose, ou sont-ce les choix de John Maloof ? Et qui a construit “Vivian Maier” et son œuvre si ce n’est pas vraiment elle ? Sa production photographique (photographie = écriture de la lumière) était condamné par elle à dormir dans l’obscurité, au fond de cartons dont elle ne donnait l’accès à personne. Disparition de la troisième dimension, mise en abyme de l’ombre et de la lumière, écrasement sur deux dimension,  puis sur une : le néant. 

Tout art fonctionne sur une série de triangulations : l’artiste / son œuvre /son public, ou bien : l’artiste / son art / son œuvre, ou encore : le “marché”de l’art, le champ artistique / l’œuvre de l’artiste, etc. Vivian Maier ne s’est jamais instituée artiste. Elle n’a jamais constitué une œuvre. Le monde de l’art ne l’a jamais connue. De son vivant. Mais à sa mort, le marché et le monde de l’art ont constitué une œuvre à partir du travail de Vivian Maier et ont inventé une artiste nommée Vivian Maier. 

On ne peut pas être franc-maçon tout seul. Il faut être reconnu par les siens. Pas seulement “reconnu”, mais co-construit, les autres participent à la construction du franc-maçon que nous sommes. Car nous sommes l’œuvre : operae lapidem. Nous ne pouvons pas le faire tout seul mais les autres ne peuvent pas non plus le faire sans nous. C’est à nous de mener le chantier.. Il faut aussi vouloir être franc-maçon pour l’être et se reconnaître soi-même comme tel. Dès qu’on cesse de se croire franc-maçon, on ne l’est plus. Les yeux dans le miroir, qui est ce franc-maçon qu’on vient d’initier ? 

Corsica Enigma

1

Ce roman riche en rebondissements aborde une face méconnue de l’histoire de la Corse, une histoire mouvementée et parfois compliquée, en particulier dans sa relation avec le Vatican. Au terme d’une quête qui aura duré plus de deux ans à travers la Corse et Rome, en passant par Paris et Marseille, Pierre Renucci, journaliste, expert en symboles maçonniques, est un homme comblé. Grâce à toutes les informations glanées, triées et retranscrites précieusement sur son carnet qui ne le quitte jamais, il est sur le point de percer l’un des secrets les mieux gardés de l’histoire de l’humanité….

Ses recherches dérangent le Vatican et il va devoir échapper aux tueurs lancés à ses trousses par l’énigmatique Messager. Heureusement, Pierre Renucci bénéficie de la complicité d’amis marseillais et corses pour le protéger et l’aider à résoudre cette énigme vieille de plusieurs siècles et qui va bouleverser son existence.

L’AUTEUR

Michel Viallefond, passionné d’histoire et d’ésotérisme, a, comme son héro PIERRE RENUCCI, enquêté dans plusieurs pays pour collecter les faits historiques décrits dans ce premier roman. Sa connaissance du symbolisme et de la Corse, dont il est originaire, lui ont permis d’établir les hypothèses sur lesquelles se fonde la trame de son récit

UNESCO : hommage à Frankétienne en présence du Grand Maître de la GLDF

Le lundi 16 juin 2025, une cérémonie d’une intensité rare s’est tenue à l’UNESCO, à Paris, pour rendre hommage à Frankétienne, disparu quelques mois plus tôt. Le Très Respectable Grand Maître Thierry Zaveroni y représentait la Grande Loge de France, aux côtés de personnalités du monde diplomatique, littéraire et artistique, marquant la présence fraternelle et engagée de l’Ordre à cet événement à forte portée symbolique.

Frankétienne – de son nom complet Jean-Pierre Basilic Dantor Franck Étienne d’Argent – fut bien plus qu’un écrivain haïtien : poète, romancier, dramaturge, peintre, chanteur et enseignant, il incarne à lui seul l’élan créateur d’une Haïti qui résiste, invente, et transfigure les chaos du monde en énergies de beauté et de conscience.

Un hommage tissé de mots, de chants et de mémoire

Le déroulé du programme, particulièrement soigné, a reflété toute la richesse de l’homme et de son œuvre.

Dès 17h30, l’accueil des invités s’est ouvert sur la projection d’un portrait de Frankétienne, accompagné du chant introductif de James Germain. Sa voix s’est élevée sur cette parole de l’auteur : « Si un jour tu tombes, apprends vite à chevaucher la chute. Que ta chute devienne ton cheval, pour continuer le voyage. »
Une invitation à faire de la fragilité une force, du vertige une voie.

La première partie fut consacrée aux allocutions officielles :

  • S. Exc. Madame Lilas Desquiron, Ambassadrice, Déléguée permanente de la République d’Haïti auprès de l’UNESCO,
  • Madame Audrey Azoulay, Directrice générale de l’UNESCO (ou son représentant),
  • Madame Louise Mushikiwabo, Secrétaire générale de la Francophonie (ou son représentant),
  • S. Exc. Louino Volcy, Ambassadeur d’Haïti en France,
  • Madame Marie-Andrée Étienne, veuve de Frankétienne, par message vidéo.

La deuxième partie fut dédiée aux témoignages et lectures :

  • Une projection retraça la bibliographie impressionnante de Frankétienne – plus de quarante ouvrages,
  • L’académicien Dany Laferrière livra une intervention empreinte de fraternité,
  • Le professeur Jean-Marie Théodat (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) relia son œuvre à l’histoire intellectuelle haïtienne,
  • Makenzy Orcel et James Noël prêtèrent leur voix à ses textes,
  • Une sélection de vidéos fit résonner encore la voix de Frankétienne, toujours vibrante.

La troisième partie et dernière partie donna lieu à une célébration artistique :

  • Un voyage visuel dans l’imaginaire de l’écrivain, proposé par le réalisateur Maksasens Denis,
  • Des chorégraphies de Kettly Noël et ses danseurs,
  • Des chansons interprétées par James Germain et ses musiciens,
  • Des lectures-spectacles comme une apothéose poétique et musicale, conclues par un vibrant Dézafi,
  • Et pour clore, les percussions rituelles du rara et du vaksin.

Un cocktail dînatoire réunit ensuite les participants au 7e étage du siège de l’UNESCO, dans une atmosphère de fraternité et de partage.

Un pont entre Franc-Maçonnerie et francophonie

Le Très Respectable Grand Maître Thierry Zaveroni a représenté la Grande Loge de France à cette cérémonie internationale avec la solennité et l’engagement qui caractérisent son mandat. Sa présence n’était pas simplement protocolaire : elle incarnait l’adhésion profonde de l’Ordre aux valeurs que Frankétienne a portées toute sa vie – liberté de conscience, fraternité humaine, dignité, transmission et quête de vérité –des principes au cœur de l’idéal maçonnique du Rite Écossais Ancien et Accepté.

À travers les mots, les chants, les images et les danses de cette soirée, l’esprit de Frankétienne a soufflé sur l’UNESCO. L’auteur de Dézafi et d’Ultravocal ne fut jamais un homme de silence ou de résignation. Il fut un homme debout, œuvrant inlassablement à donner une voix aux humiliés, à dire l’histoire douloureuse de son peuple et à transformer cette douleur en parole universelle.

Cette exigence de transformation intérieure et collective rejoint en tous points la démarche initiatique maçonnique telle que pratiquée à la Grande Loge de France.

Spiritualiste et humaniste, la GLDF place l’Homme – libre et perfectible – au centre d’une quête fondée sur le symbole, le rituel et la transmission. À l’image de Frankétienne, elle ne cherche ni à imposer une vérité, ni à se faire dogme. Elle invite ses membres à s’élever, à penser, à douter, à chercher. Elle respecte la diversité des croyances, des cultures et des sensibilités, tout en affirmant l’existence d’un principe créateur, le Grand Architecte de l’Univers, que chacun est libre d’interpréter selon sa conscience.

L’œuvre de Frankétienne, marquée par le spiralisme – ce mouvement qu’il créa avec Jean-Claude Fignolé et René Philoctète – épouse cette dynamique : spirale ascendante d’un verbe libérateur, d’une pensée ouverte, d’un monde en perpétuelle mutation.

C’est également cette démarche qui anime les travaux des Loges de la GLDF, qui rejettent toute forme de réduction idéologique, politique ou religieuse, pour mieux s’ancrer dans la tolérance, la fraternité et l’émancipation pacifique de l’humanité.

Une parole pour demain

En 2021, lorsque l’Académie française décerna à Frankétienne le Grand prix de la francophonie, elle salua un créateur hors norme, ambassadeur de la langue et de l’esprit. En 2025, la Grande Loge de France, par la voix de son Grand Maître, a tenu à honorer cette même exigence d’universalité.

Cet hommage fut aussi l’occasion de réaffirmer une convergence profonde entre l’œuvre de Frankétienne et l’idéal maçonnique : unir les hommes par la culture, résister par la pensée, transmettre pour construire.

La participation du Grand Maître Thierry Zaveroni ne fut pas un simple acte diplomatique. Elle prolonge le dialogue engagé avec les représentants d’Haïti, notamment l’Ambassadeur Jean Josué Pierre Dahomey, reçu en mai 2024 lors des petits-déjeuners Enjeux & Perspectives de la GLDF, autour de cette question brûlante : « Haïti : peut-on croire possible de sortir du chaos ? »

Frankétienne et la Grande Loge de France partagent cette conviction fondamentale : c’est par la parole libérée, l’engagement lucide, l’intelligence sensible et l’élan spirituel que les peuples peuvent se relever et que les consciences s’éveillent.

Frankétienne : un poète-monde

Auteur de Dézafi, Ultravocal, Au fil du temps et de nombreuses œuvres majeures, Frankétienne fut un résistant au silence, un alchimiste du chaos, un « spiraleur » des langages. Artiste pour la paix à l’UNESCO depuis 2010, lauréat du Grand prix de la francophonie en 2021, il a fait de sa création un instrument de transformation du réel.

Jusqu’à son dernier souffle, en février 2025, il n’a cessé de tisser des ponts entre les langues, les peuples, les douleurs et les espérances.

Illustration, de g. à dr. : Thierry Zaveroni, Grand Maître de la Grande Loge de France ; Madame Lilas Desquiron, Ambassadrice, Déléguée permanente de la République d’Haïti auprès de l’UNESCO ; S.E. Monsieur Louino Volcy, Ambassadeur d’Haïti en France et son épouse.

Nouveau coup de tonnerre : « Alain Bauer suspendu par la Justice Maçonnique du GODF »

Hier matin, mardi 17 juin 2025, à 9h, au Temple La Fayette, s’est tenue une réunion de la Section Permanente de la Chambre Suprême de Justice Maçonnique, comme nous l’annoncions dans notre article du 11 juin 2025. Elle avait été saisie par le Conseil de l’Ordre en procédure d’urgence en vue de suspendre le Frère Alain Bauer, membre de la loge sélective Intersection à l’Orient de Paris, à titre conservatoire, temporaire et exceptionnel, en raison des faits retenus à son encontre, conformément à l’article 93, paragraphe 6.

« les poursuites, devant la justice profane, justiciables de peines criminelles ou délictuelles ou condamnation à l’une de ces peines ».

Alain Bauer – Ancien GM du GODF – Crédit photo BFM TV

Pour qu’une demande de suspension soit initiée par le Conseil de l’Ordre, il n’est pas requis qu’une condamnation soit prononcée ; il suffit que des poursuites soient en cours, ce qui correspond exactement à la situation du Frère Alain Bauer. Figure médiatique et ancien Grand Maître du Grand Orient de France (GODF, 2000-2003), il était hier encore présent sur CNews et BFM TV pour débattre du conflit entre Israël et l’Iran.

Henri Proglio interviewé par la chaine YouTube Thinkerview en février 2023

En effet, depuis plusieurs années, il fait l’objet de poursuites judiciaires menées par le Parquet National Financier (PNF) dans au moins deux affaires : l’affaire Proglio-EDF et l’affaire Caisse des Dépôts et Consignations (CDC). Dans la première, il a bénéficié d’un non-lieu en première instance, mais le PNF a fait appel. Dans la seconde, il a été condamné le 5 mars 2025 par le tribunal correctionnel de Paris à 12 mois de prison avec sursis, une amende de 375 000 euros et une interdiction de participer à des marchés publics pendant trois ans, en raison d’un « risque de récidive ». Il a fait appel de cette décision, plaçant ainsi les deux affaires sous procédure d’appel.

Ces enquêtes ont débuté en 2014, suite à des révélations de Médiapart, avec des investigations confiées à l’Office Central de Lutte contre la Corruption et les Infractions Financières et Fiscales (OCLCIFF). La Cour des Comptes a qualifié les prestations des sociétés d’Alain Bauer de « d’incertaines, d’utilité contestable et onéreuses », notamment dans le cadre de l’achat par la CDC des Guides gastronomiques Champérard pour 333 596 euros.

Depuis 2017, tous les Conseils de l’Ordre étaient informés de ces poursuites, particulièrement de l’affaire CDC, sans qu’aucune mesure n’ait été prise contre le Frère Bauer, dont l’influence au sein du GODF restait notable. Il avait même préfacé le livre de l’ancien Grand Maître Jean-Philippe Hubsch, La Fraternité est un combat, un ouvrage qui a valu à ce dernier une sanction par un Jury Fraternel : privation d’éligibilité et interdiction de représentation jusqu’en juin 2026.

Hier matin, l’exposé des motifs, présenté par le Garde des Sceaux Gérard Sabater, ancien bâtonnier, a été sobre, détaillant la situation. Alain Bauer, absent, était représenté par Maître Vaillant, également conseil de Philippe Guglielmi. Après une première requête visant à annuler la procédure pour vice de forme, la défense a plaidé que la présomption d’innocence, liée aux appels en cours, devait empêcher toute sanction. Ce scénario était anticipé par Alain Bauer dans deux commentaires publiés sur 450.fm le 11 juin 2025, où il déclarait :

« Ayant moi-même engagé de nombreuses procédures comme Garde des Sceaux et Grand Maître, dans l’intérêt de l’Obédience, j’ai demandé que celles-ci me soient appliquées… et de demander le respect des règles que le GODF défend pour tous : présomption d’innocence jusqu’à la fin de la procédure. »

Gérard Plumecocq

Cependant, la Section Permanente n’a pas suivi ce raisonnement. Elle a prononcé la suspension des droits et qualités d’Alain Bauer pour la durée des procédures profanes, une décision qui devrait être publiée dans les 15 jours, conformément à l’article 141 des Principes fondamentaux des débats et de la publication des jugements. À noter que, par le passé, deux décisions similaires n’ont pas été publiées dans les délais : celle concernant le Frère Hubsch (plus de 4 mois après la décision du 18 juin 22) et celle du Frère Gérard Plumecoq (2023), annulant une suspension dans des conditions jugées exorbitantes du droit maçonnique.

Toute décision de justice maçonnique étant susceptible d’appel, le Conseil de l’Ordre ou Alain Bauer dispose d’un délai de trente jours suivant la notification pour faire appel. La question se pose désormais : le Conseil de l’Ordre fera-t-il appel de cette décision, et sur quelles bases ?

Alain Bauer, quant à lui, fera-t-il appel de cette sanction, qui, contrairement à certaines interprétations, n’est pas une mesure administrative mais une véritable sanction, la présomption d’innocence n’ayant pas de portée juridique dans le droit maçonnique du GODF ?

Affaire à suivre…

Autres articles du même thème

Un imposteur peut-il produire une œuvre positivement et moralement recevable ?

Le sujet de cet article paraît quelque peu provocateur pour nous maçons qui œuvrons pour tenter de parfaire notre société et donc par là-même nous trouver dans une démarche opposée de celle d’un usurpateur. Si je me hasarde à répondre à cette interrogation, « l’œuvre d’un imposteur est elle moralement recevable »  Il me semble naturel de répondre : « non en aucun cas et d’aucune façon », car un avis positif irait à l’encontre de l’objectif éthique que nous suivons en franc maçonnerie.

« Ici tout est symbole » nous est-il dit, donc ce sujet n’est pas anodin et cache sous-jacent une réalité humaine inscrite au plus loin de sa condition. En fait, cette réflexion soulève de nombreuses interrogations quant aux comportements et aux objectifs des hommes à l’origine de projets, de religions, de doctrines, de livres etc. Le plus complexe est de dévoiler l’imposteur et ses impostures, de vérifier et d’avoir les preuves car, en règle générale il s’agit de quelqu’un d’extrêmement rusé qui maquille, travestit ses actes et projets et en fait une apparente réalité. Les supercheries et impostures ont émaillées l’histoire humaine. L’Épopée de Gilgamesh par exemple, est le plus ancien récit mythique découvert à ce jour qui, à l’évidence a inspiré l’Iliade, l’Odyssée et la Bible, alors que ces textes ont été écrits 2000 ans plus tard. 

Qu’y a-t-il d’historique dans les évangiles ? Toute la Bible n’a-t-elle pas été reconstruite ? Le nouveau testament semble avoir été entièrement fabriqué au fur et à mesure des années au seul intérêt de servir le prosélytisme de l’église. La plupart des écrits du nouveau testament, attribués aux apôtres, étant par essence même des faux, sachant bien que la plupart des disciples de Jésus étaient illettrés et donc incapables de rédiger un quelconque texte. Ce sont les Patriarches, les moines et les Prêtres qui tout au long des années ont construit une multitude d’histoires et de mythes au service de l’église.

Copier, coller, tordre le réel n’est-ce pas une méthode de faire du neuf avec de l’ancien ? Une méthode pour s’imposer, pour se substituer à la légitimité, pour détourner la raison. L’œuvre produite par ces usurpateurs est-elle positivement recevable ? On peut discuter sur le caractère éducatif, éthique et moral du contenu de ces écrits, mais oui, me semble-t-il dès lors que l’œuvre va dans l’intérêt des êtres, régule ou améliore leur condition, éduque, elle est semble-t-il recevable.

En Franc-maçonnerie.

Il me faut maintenant faire le lien avec notre démarche maçonnique, car comme je l’ai indiqué au début, le sujet n’est pas anodin et participe certainement à parfaire la construction de mon temple intérieur. Dès le 1er degré, l’orientation est de donner une dimension morale à notre engagement maçonnique : « C’est une alliance universelle d’hommes éclairés, réunis pour travailler en commun au perfectionnement spirituel, moral, matériel et intellectuel de l’humanité ».  « Vous devez être un homme libre et de bonnes mœurs »

Les premiers pare-feu au profane « usurpateur » passent par les enquêtes, le parrainage, un extrait vierge du casier judiciaire qui vient compléter le dispositif de précaution qui est mis en œuvre pour toute demande d’initiation et surtout le passage sous le bandeau, véritable mise à nu de l’impétrant.

Toutefois, nombreux sont ceux qui esquivent ces obstacles et poursuivent le chemin.

Plus tard, tuilage, mots de semestre et mots de passe comme « Schibboleth », mot légendaire qui fut un moyen de distinguer un ami d’un ennemi, viennent s’ajouter au principe de précaution qui sous entend que nous pouvons être infiltrés à tout moment par un ou des imposteurs.

Ainsi donc, le cadre pour lequel nous œuvrons semble incompatible avec l’acceptation, ou le cautionnement d’un usurpateur et de son œuvre.

 « Monsieur, cette épée que vous sentez sur votre poitrine est toujours levée pour punir le parjure. Elle est le symbole du remords qui déchirerait votre cœur si vous deveniez traître à la Fraternité dans laquelle vous avez demandé à être admis. »

Dès le jour de notre initiation, les mises en garde sont claires, parjure, ignorance et superstition doivent être bannie et on nous indique les sanctions qui peuvent éventuellement s’abattre sur nous.

« Le bandeau qui couvre vos yeux est le symbole de l’aveuglement dans lequel se trouve l’homme dominé par ses passions et plongé dans l’ignorance et la superstition. »

La sincérité doit prévaloir sur la fourberie, la fraternité sur l’individualisme, le curieux ou l’imposteur est invité à changer de chemin.

En revisitant notre rituel, on se rend compte pourtant que l’imposture volontaire est clairement identifiée avec le projet des trois mauvais compagnons. En effet, ceux-ci souhaitent obtenir les secrets de construction du temple pour prendre rang auprès des Maîtres. Le succès de cette opération aurait aboutit à une parfaite imposture car ils n’avaient encore, ni le savoir ni les compétences, pour être élevés à ce degré, et se substituer dignement à Hiram.

image en provenance de la page legende-hiram.blogspot.com/2017/10/1949-les-armes-outils-du-meurtre-dhiram.html

Toutefois, cette tentative d’imposture avortée a vu la mort prématurée de Maître Hiram et a donc eu des répercussions collatérales puisqu’elle a servi de base à l’élaboration du rituel d’élévation du futur Maître et à la renaissance d’Hiram par substitution à travers le nouveau Maître tout comme Osiris, Horus, Dionysos, Mithra, Orphée, dans d’autres traditions. Les trois mauvais compagnons sont donc indispensables à l’élaboration du mythe, tout comme Judas auprès de Jésus.

La pire imposture est sans doute l’involontaire, car la « bonne foi » et l’angélisme de son auteur la rend crédible. Tout un tas de fausses affirmations se transmettent de cette façon. La Franc-maçonnerie n’est pas exempte d’abriter des imposteurs- gourous du savoir qui marquent de leur empreintes des générations d’apprentis qui boivent avidement les inepties de leur instructeur ou sont orientés dogmatiquement vers des chemins de pensée hasardeux.

Les degrés de perfection nous font endosser des costumes différents mais complémentaires. Le cycle des substitutions entamé avec la mort d’Hiram continue avec  Johaben, Stolkin, Guibulum, mais aussi Salomon, et me donne le sentiment d’acquérir au fil du temps un peu de sagesse et de compréhension.

Tous ces degrés ont un fil conducteur, la construction du soi, de l’Homme vrai. Epouser un personnage alors que soi-même on n’est pas en conformité avec son propre discours, est une forme d’usurpation du rôle, une tromperie de Soi, mais aussi du collectif. L’imposteur n’existe que parce que les autres le cautionne, se taisent ou en jouent. Pour passer il doit se justifier, tout comme au passage au 3ème degré, lorsque l’on doit démontrer que nos mains et notre tablier ne sont pas souillées du sang du Maitre. Toutefois, il arrive à tromper ses frères, à acquérir mots de passe et mots secrets pour travailler au grade auquel il prétend appartenir.

On voit bien que la Franc-maçonnerie identifie bien dans son rituel du Rite Ecossais Ancien et Accepté ce que peut être un personnage qui pratique l’imposture et les sanctions qu’il encourt mais n’est en aucun cas un paravent étanche. Dans le récit mythique du 9ème degré, l’imposteur peut être cet « inconnu » qui informe Salomon de l’emplacement des meurtriers du Maître. Symboliquement « l’inconnu » signifie révélateur de quelque chose que l’on ne connaît pas. L’inconnu vient à nous pour nous révéler un secret. C’est ce qui est inconnu de nous, qui nous fait sortir de l’ignorance, même si cet inconnu fait peur. Salomon montre dans ce récit mythique qu’il faut savoir accueillir parmi nous, en nous donc l’inconnu. Savoir faire confiance.

En clair, c’est l’inconnu qui guide les pas des neuf élus et de Jhaoben vers la caverne… c’est ce qui est inconnu de nous et en nous qui doit nous guider. (Les yeux bandés, l’inconnu nous guide lors de notre initiation et nous lui faisons confiance !) Ce grade punit le compagnon imposteur et meurtrier,  lequel malgré tout s’estime injustement tué en criant NEKAM (vengeance). Il nous enseigne que l’imposture et la trahison ne resteront pas impunies en franc-maçonnerie.

L’instruction des 13ème et 14ème degrés repose sur la légende d’Enoch et des trois mages.

Selon sa vision suggérée par le Grand Architecte de l’Univers, Enoch creusa, avant le déluge, sous le Temple, 9 voûtes et plaça une plaque d’or gravée des lettres du nom ineffable IOD – Hé – Vav – Hé. (Je suis celui qui est) puis scella son accès de façon que personne ne puisse y pénétrer.

C’est sur son emplacement que Salomon fit construire le temple de Jérusalem bien plus tard. Salomon plongea dans la luxure, incapable d’être fidèle à son alliance avec Dieu il déchaîna la colère divine et provoqua la partition d’Israël. Grandeur et décadence, devenu un imposteur, un faux sage en disgrâce avec Dieu il est à l’origine de la destruction du Temple de Jérusalem par Nabuchodonosor.

Pourtant, dans le Rite Ecossais Ancien et Accepté, le roi Salomon est par essence l’incarnation même de la sagesse. Cette vertu qui lui est attribuée est-elle une imposture ou bien la légende fait-elle un arrangement qui convient à la Franc-maçonnerie en s’en servant de support à notre rituel ?

Salomon est-t-il donc l’exemple à suivre ou bien encore une fois, une imposture peut-elle devenir positive dès lors qu’elle guide sur le bon chemin des générations de maçons ? Qu’elle met en évidence  notre propre imposture, nous qui épousons son personnage à divers degrés.

Revisitons les rituels d’instruction du 13ème et 14ème degré et voyons ce qu’ils nous enseignent sur notre propre démarche.

Longtemps après la mort d’Hiram et de Salomon, après que le royaume de Juda fut détruit, rasé Jérusalem, renversé le Temple, des Mages originaires de Babylone, découvrirent une excavation sur les ruines. On était au milieu du jour, le Soleil brillait au zénith (Ouverture des travaux au 1er degré« Il est midi, les travaux commencent et la pleine lumière nous permet de découvrir le trésor caché. »)

colonnes

Ils firent une corde faite des trois ceintures et la fixère sur une pierre plate existant auprès du puits et sur laquelle on lisait encore le mot « Jakin ». Ils roulèrent dessus un fût de colonne où l’on voyait le mot « Boaz », (les piliers du temple au 1er degré) ils s’enfoncèrent, sous la conduite de leur chef dans le couloir menant à la porte de bronze et virent dans le milieu, l’existence d’un ornement en relief ayant la forme d’une couronne royale, autour de laquelle était un cercle composé de points au nombre de vingt-deux (les 22 lettres de l’alphabet hébraïque). Les mots prononcés pour ouvrir les portes successives furent les dix sephirot de la Kabbale : Malkuth, Yesod, Hod, Netsah, Tiphereth, Gueburah, Khesed, Binah, Hochmah et Kether, qui nous ouvrent les portes vers la tradition hébraïque.

Quand enfin ils entrèrent sous la neuvième arche, les Mages s’arrêtèrent surpris, elle n’était pas plongée dans l’obscurité. Elle était, au contraire, brillamment éclairée. Au milieu étaient placés trois lampadaires d’une hauteur de onze coudées (les trois piliers du tableau de loge, les trois grandes lumières) ayant chacun trois branches. Les lampes brûlaient depuis des siècles et même l’écroulement du Temple n’avait pas entraîné l’extinction. (La lumière éternelle sur le bureau du V\M\)

A la base du triangle formé par les lampadaires, se trouvait un autel de marbre blanc cubique de deux coudées de haut. Sur la face supérieure de l’autel, étaient gravés à l’or pur, les outils de la Maçonnerie : la Règle, le Compas, l’Equerre, le Niveau, la Truelle, le Maillet. Sur la face latérale gauche, on voyait les figures géométriques : le Triangle, le Carré, l’Etoile à cinq branches, le Cube (2ème degré). Sur la face latérale droite, on lisait les nombres : 27, 125, 343, 729, 1331. Enfin, sur la face arrière, était représenté l’Acacia symbolique (3ème degré). Sur l’autel était posée une pierre d’agate de trois palmes de côté sur laquelle était incrusté le triangle d’or gravé des lettres IEVE. Les disciples épelèrent les lettres lod, Hé, Vau, Hé sans le prononcer.

Maha Imaha Rabach s’exclament les Grands Elus Parfaits et Sublimes Maçons prononçant ainsi le mot de passe des fidèles gardiens du trésor. Nous abordons avec la communication de ces lettres l’interprétation Kabbalistique qui nous indique qu’IEVE est un nom de lumière. Ce nom qui signifie en fait le verbe. Il ne s’agit pas d’un simple verbe symbolique, mais d’un verbe au sens originel du terme, qui représente réellement la parole divine qui a crée le monde et que l’initiation à ce degré communique pour conduire l’adepte vers la connaissance et la conception Suprême, le « Centre de l’idée ».

(L’endroit où par l’introspection et la méditation on découvre comment se forge la conception de l’idée, le vaste domaine de la pensée et de l’action s’ouvre pour le Franc-maçon – rituel)

Bloqués sous la neuvième arche nos trois mages se prirent par la main  (« Seul sans le secours de vos frères vous courrez à une chute inexorable » rituel d’initiation) et ainsi se retrouvèrent au pied d’un escalier de vingt-quatre marches. (L’outil de l’apprenti, la règle à 24 divisions)  Ils le gravirent en comptant 9, 7, 5 et 3 (batterie du 14ème degré). Il était minuit. (L’heure de fermer les travaux 1er degré)

Cette légende nous enseigne que nous sommes à la fin d’un cycle et que cette descente au fond du puits est en fait un retour au premier jour de notre initiation. 

Le mot VITRIOL (Visite l’intérieur de la terre et en rectifiant tu trouveras la pierre cachée.) affiché dans le cabinet de réflexion prend toute sa signification et nous fait toucher du doigt que c’est par l’introspection et par la compréhension de son « moi » que nous pouvons assurer les fondations de notre temple intérieur.

Les symboles de l’apprenti, du compagnon et du maître sont bien identifiés lors de cette légende. Ces deux degrés nous font revisiter tout notre parcours maçonnique. Ils nous permettent de faire le bilan et de vérifier si nous ne faisons pas partis de la classe des imposteurs qui souhaitent accéder à un degré auquel ils prétendent indument accéder, tout comme les trois mauvais compagnons.

Suis-je digne d’appartenir à la classe des Grands Elus Parfaits et Sublimes Maçons ? « J’ai travaillé à me perfectionner. »

L’égo a-t-il cédé la place à l’humilité ?

Le postulant du cabinet de réflexion qui subissait l’épreuve de la terre est-il devenu un être vertueux ? Suis-je digne de cet anneau d’or qui me lie aux hommes vertueux ? VIRTUS JUNXIT, MORS NON SEPARABIT (ce que la vertu a uni, la mort ne pourra séparer)

Je ne peux répondre qu’une chose, « mes frères me reconnaissent comme tel » A ce stade, la pratique de la vertu ne supporte pas la dissimulation et l’imposture. Bref, notre démarche initiatique n’a-t-elle pas pour but de nous éclairer, de nous ôter le voile trompeur qui nous empêche de voir la réalité des choses ?

Sujet complexe, mais ô combien révélateur de la comédie humaine. A un moment ou un autre, sommes-nous tous des imposteurs par rapport à une situation donnée par rapport à un projet, un désir ? La descente au centre de la terre représente également la prise de conscience de soi, qui suis-je en fait ? Le passage de porte en porte marque la progression jusqu’à l’essentiel de son être. Le maître est transformé lorsqu’il sort du puits. Il a beaucoup appris sur lui-même, sur la nécessité de la perte de l’ego qui, mal maîtrisé nous relaie au rang des imposteurs.

Entre la pression de l’ego d’une part et le caractère naturellement relatif et partiel de nos affirmations d’autre part, il n’est pas possible d’exprimer la « Vérité absolue » ;  Cependant, si on en est lucide, avec de l’humilité et de la sincérité, l’œuvre de notre vie peut être positivement et moralement recevable.

Jean Verdun
Jean Verdun – Photo© Jean-Laurent Turbet

« Les impostures existent en loge comme ailleurs » écrit Jean Verdun passé grand maître de la GLDF, « tout groupement humain recèle des imposteurs, mais en loge, petite unité jamais soumise à des autorités régularisatrices, les imposteurs sont encore plus nocifs qu’ailleurs. Ils paralysent le système nerveux de la loge qu’ils parviennent à séduire et à dominer,  poursuit- il et je pense que l’on peut faire confiance en son analyse. 

Bien entendu, l’imposture est plus apparente chez les autres que sur nous-mêmes. L’observation des imposteurs que nous pouvons identifier peut nous aider à rectifier nos propres impostures…Ne fait pas à autrui ce que tu ne veux pas qu’il te fut fait à toi-même !

Je pense que l’homme « vrai » est celui qui est en quête de sens, en recherche de vérité et non pas dans l’exercice du factice, du fabriqué et du contourné.

« C’est en réglant ainsi ses inclinations et ses mœurs que l’on parvient à donner à son âme ce juste équilibre qui constitue la Sagesse, c’est-à-dire l’Art de la Vie. »

Visite l’intérieur de la terre et en rectifiant tu trouveras la pierre cachée.

L’authentique Maçon est celui qui respecte les divers serments qu’il a prêté et que bien trop souvent il met entre parenthèse au fil des ans. Alors, Salomon, Hiram, Hénoch, Guibulum, quel que soit le modèle ce qui est important c’est l’apport des diverses qualités qu’ils nous ont léguées, justice, courage, sagesse et courage.

« Fais ce que tu dois, advienne que pourra ».

Quelle que soit notre démarche, je crois que c’est l’intention qui prévaut sur le résultat. Cette petite clochette intérieure qui nous fait savoir que notre action, nos desseins ne sont pas sains, et que poursuivre lucidement et sans état d’âme dans l’imposture nous place au statut des mauvais compagnons.