sam 19 avril 2025 - 04:04
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INFO ou INTOX ? : « Une bibliothèque au Tibet contenant 84 000 manuscrits de plus de 10 000 ans »

Une information circule depuis plusieurs années sur les réseaux sociaux et certains sites internet. Elle concerne une prétendue découverte au monastère de Sakya (et non “Sakia”, une faute d’orthographe courante) au Tibet, où une bibliothèque contenant 84 000 manuscrits secrets aurait été trouvée derrière un mur de 60 mètres de long et 10 mètres de haut, ces manuscrits étant supposés relater plus de 10 000 ans d’histoire humaine. Cependant, cette affirmation comporte des inexactitudes importantes et mérite une analyse critique.

Ce qui est vrai

Le monastère de Sakya, situé dans la région autonome du Tibet, est un site historique majeur, fondé en 1073 par Khön Könchog Gyalpo, membre de l’école Sakyapa du bouddhisme tibétain. Il abrite effectivement une bibliothèque renommée, qui contient des milliers de textes anciens, principalement des écritures bouddhistes, mais aussi des ouvrages sur la littérature, l’histoire, la philosophie, l’astronomie, les mathématiques, l’agriculture et l’art. En 2003, une découverte a bien eu lieu : des moines ont trouvé une collection de manuscrits derrière un mur de 60 mètres de long et 10 mètres de haut, scellé depuis des siècles. Selon des rapports de l’époque, comme celui de l’agence de presse chinoise Xinhua (14 novembre 2003), cette collection comprend environ 84 000 rouleaux, qui auraient été préservés en raison du climat aride de la région. Ces manuscrits, écrits en tibétain, sanskrit, chinois et mongol, sont en cours d’examen par l’Académie tibétaine des sciences sociales, et un processus de numérisation a été entamé depuis 2011, avec plus de 20 % des textes numérisés à ce jour.

Ce qui est faux ou exagéré

L’affirmation selon laquelle ces manuscrits contiendraient “l’histoire de l’humanité de plus de 10 000 ans” est fausse et impossible. Les plus anciennes formes d’écriture connues, comme les cunéiformes sumériens, datent d’environ 3400-3100 av. J.-C., soit il y a environ 5 000 ans. Aucun système d’écriture n’existait il y a 10 000 ans, période correspondant au Néolithique, où les sociétés humaines étaient encore largement préhistoriques et ne produisaient pas de documents écrits. Les experts, tels que Joshua J. Mark de l’Ancient History Encyclopedia, ont confirmé qu’il est “complètement intenable” que des textes tibétains datent de 10 000 ans, car cela précéderait de loin les premières traces d’écriture. Les manuscrits de Sakya, bien que précieux, sont estimés dater de plusieurs centaines d’années, certains remontant peut-être au XIe siècle, époque de la fondation du monastère.

De plus, l’idée que ces manuscrits soient “secrets” est une exagération. Les rapports initiaux, comme celui de Xinhua, ne mentionnent pas de caractère secret. Ces textes étaient probablement scellés pour des raisons pratiques ou religieuses, une pratique courante dans les monastères bouddhistes pour protéger les écritures sacrées. Certains chercheurs, comme Aurel Stein à propos de la bibliothèque de Dunhuang (découverte en 1900), ont suggéré que de telles caches pouvaient servir de “dépôts de déchets sacrés”, où des manuscrits usagés, mais considérés comme sacrés, étaient entreposés pour éviter leur profanation.

Enfin, l’affirmation selon laquelle cette bibliothèque serait “peut-être la plus grande du monde sur la lointaine histoire de la planète” est également exagérée. Bien que la collection de Sakya soit impressionnante, d’autres bibliothèques anciennes, comme celle de Dunhuang (plus de 50 000 manuscrits découverts en 1900) ou la Genizah du Caire, rivalisent en taille et en importance. De plus, la majorité des textes de Sakya sont des écritures bouddhistes, comme le Kangyur et le Tengyur, et non des récits historiques couvrant des millénaires.

Origine de la rumeur

Cette information a été popularisée par des publications virales sur les réseaux sociaux, notamment un post Facebook de septembre 2020, qui a été vu plus de 7,5 millions de fois. Ce post, relayé par des utilisateurs sur X, a amplifié la rumeur en ajoutant des détails sensationnalistes, comme les “10 000 ans d’histoire” ou les “50 000 ans” mentionnés dans certaines variantes. Ces chiffres semblent provenir d’une mauvaise interprétation ou d’une traduction erronée, où le terme “dix mille” en chinois peut être utilisé comme une expression pour signifier “beaucoup” ou “innombrable”, un phénomène linguistique également observé dans d’autres cultures (par exemple, le mot grec “myriade” pour 10 000, qui signifie souvent “un grand nombre”).

Une perspective maçonnique

En tant que maçons, nous sommes familiers avec l’importance des archives et des textes anciens pour préserver la mémoire et les traditions. Les manuscrits de Sakya, bien qu’ils ne datent pas de 10 000 ans, rappellent l’importance de protéger notre propre patrimoine documentaire. En France, des obédiences comme le Grand Orient de France (GODF) ou la Grande Loge de France (GLDF) conservent des archives précieuses, mais elles sont souvent peu accessibles au public. La numérisation des textes de Sakya, entamée en 2011, pourrait inspirer des initiatives similaires pour nos propres archives, afin de les rendre disponibles aux chercheurs tout en les protégeant des dégradations, comme celles subies par le monastère de Sakya pendant la Révolution culturelle chinoise (1966-1976).

Cependant, nous devons aussi rester vigilants face aux récits sensationnalistes. La rumeur des “10 000 ans” reflète une tendance humaine à projeter des attentes mystiques sur des découvertes anciennes, un phénomène que Lionel Obadia a exploré dans The Conversation (31 mars 2025) à propos de l’IA réactivant des croyances mystiques. En tant que maçons, nous cherchons la lumière à travers la raison et la réflexion, et non dans des récits non vérifiés.

Notre conclusion

La bibliothèque du monastère de Sakya existe bel et bien, et sa découverte en 2003 est une avancée majeure pour l’étude du bouddhisme tibétain et de l’histoire de la région. Cependant, l’idée qu’elle contienne 84 000 manuscrits secrets relatant 10 000 ans d’histoire humaine est une exagération démentie par les faits. Ces textes, bien que précieux, datent de plusieurs siècles et non de millénaires, et ils sont principalement des écritures bouddhistes. Cette histoire nous rappelle l’importance de préserver notre patrimoine, mais aussi de l’aborder avec un esprit critique, pour distinguer la vérité des légendes. Que cette découverte, même sans ses aspects mythiques, continue d’éclairer notre compréhension du passé, dans un esprit de Sagesse, de Force, et de Beauté.

Le Ministère de la Culture a déclaré les « Documents sur les Loges maçonniques au Pérou 1862-1923 » Patrimoine Culturel National

De notre confrère peruvien gob.pe

Le Ministère de la Culture du Pérou a récemment pris une décision majeure pour la préservation de l’histoire maçonnique : par la résolution vice-ministérielle n° 79-2025-VMPCIC/MC, les « Documents sur les Loges Maçonniques au Pérou (1862-1923) », conservés par les Archives Nationales, ont été déclarés Patrimoine Culturel National. Cette reconnaissance met en lumière la valeur exceptionnelle de ces archives, qui couvrent plus de six décennies d’activité maçonnique dans le pays.

Pour les francs-maçons français, cette nouvelle est une invitation à réfléchir à l’importance de notre propre patrimoine documentaire et à son rôle dans la compréhension de notre histoire. Découvrons les richesses de ces archives et leur signification.

Une source inestimable pour l’histoire maçonnique

Les documents, soigneusement conservés par les Archives Nationales du Pérou, ont été évalués par l’Unité fonctionnelle pour l’enregistrement et la protection du patrimoine documentaire. Selon cette évaluation technique, leur déclaration comme Patrimoine Culturel National repose sur trois critères majeurs : leur valeur historique, leur valeur documentaire, et leur valeur sociale. Leur authenticité, leur ancienneté, et la richesse de leur contenu en font des témoignages uniques pour la recherche et la compréhension de la Franc-maçonnerie péruvienne, mais aussi de son influence dans un contexte plus large.

Ces archives couvrent une période clé, de 1862 à 1923, soit plus de 60 ans d’activité maçonnique au Pérou. À cette époque, les loges ont joué un rôle actif dans les événements qui ont marqué l’histoire du pays, notamment dans la seconde moitié du XIXe siècle et les premières décennies du XXe siècle.

Une valeur historique : Témoins d’une époque charnière

La valeur historique de ces documents réside dans leur capacité à retracer l’évolution de la Franc-maçonnerie péruvienne sur plus d’un demi-siècle. Ils témoignent de l’engagement des maçons dans les transformations sociales et politiques du Pérou, un pays marqué par des bouleversements majeurs, comme la guerre du Pacifique (1879-1884) ou l’émergence de mouvements ouvriers au début du XXe siècle. Les loges maçonniques, souvent composées d’intellectuels, de médecins, et de penseurs, ont été des foyers d’idées progressistes, plaidant pour la justice sociale et l’éducation pour tous.

Parmi les figures marquantes mentionnées dans ces archives, on trouve des personnalités comme Christian Dam, dentiste et libre-penseur ; Manuel María Pérez Araníbar, chirurgien d’Arequipa et père du célèbre médecin Augusto Pérez Araníbar ; Alejandro O. Deústua, philosophe et professeur ; ou encore Reynaldo La Rosa, compositeur. Ces noms illustrent la diversité des profils au sein des loges, qui réunissaient des hommes de science, des artistes, et des intellectuels, tous animés par un idéal humaniste. En France, des figures comme Émile Littré ou Léon Gambetta, maçons influents du XIXe siècle, ont joué un rôle similaire dans la diffusion des idées républicaines.

Une valeur documentaire : Un aperçu de l’organisation maçonnique

Du point de vue documentaire, ces archives constituent une source primordiale pour les historiens et les chercheurs. Elles offrent un aperçu détaillé du fonctionnement interne des loges, à travers des documents administratifs, des propositions d’initiation, et des procès-verbaux d’élection des autorités. On y trouve des informations sur les structures maçonniques de l’époque, notamment les loges parrainées par des puissances comme le Conseil Suprême Degré 33, le Grand Orient du Pérou, la Grande Loge Provinciale d’Écosse, et la Grande Loge du Pérou.

Ces documents révèlent également les relations – parfois harmonieuses, parfois conflictuelles – entre ces différentes instances. Par exemple, des désaccords entre le Grand Orient du Pérou et la Grande Loge Provinciale d’Écosse. Ces archives permettent ainsi d’étudier l’organisation institutionnelle et administrative de la Franc-maçonnerie péruvienne, offrant des leçons précieuses pour comprendre les dynamiques maçonniques à l’échelle internationale.

Une valeur sociale : Portraits des maçons péruviens

La valeur sociale de ces documents réside dans les informations qu’ils fournissent sur les membres des loges. On y découvre des détails sur les candidats, les maçons actifs, et les dignitaires : leur lieu de naissance, leur âge, leur état civil, leur profession, leur appartenance religieuse, leur lieu de résidence, leurs diplômes maçonniques (selon le rite pratiqué), et leur position au sein de la loge. Ces données dressent un portrait sociologique des maçons péruviens de l’époque, montrant comment la Franc-maçonnerie attirait des individus issus de milieux variés, mais souvent influents dans leurs communautés.

Ces archives permettent aussi de retracer les parcours initiatiques des membres, de l’initiation au grade d’Apprenti jusqu’aux hauts grades, comme ceux du Rite Écossais Ancien et Accepté (REAA), largement pratiqué au Pérou à cette période. En France, des archives similaires, comme celles conservées par la Bibliothèque Nationale de France ou les archives du GODF, offrent des informations comparables, mais elles sont rarement accessibles au public. La décision du Pérou de déclarer ces documents Patrimoine Culturel National est donc un exemple à suivre pour valoriser notre propre patrimoine maçonnique.

Un trésor symbolique et identitaire

Enfin, ces documents sont riches en symboles et en termes maçonniques, qui constituent l’identité propre de chaque loge. On y trouve des icônes, des abréviations, des acronymes, et des mots ou phrases spécifiques, utilisés dans les rituels et les activités quotidiennes. Par exemple, des symboles comme le compas, l’équerre, ou le pavé mosaïque – universels dans la Franc-maçonnerie – côtoient des éléments propres aux loges péruviennes, reflétant leur contexte culturel et historique. Ces archives sont donc une fenêtre sur l’univers symbolique de la Franc-maçonnerie, un aspect essentiel de notre tradition.

Une reconnaissance qui résonne au-delà des frontières

La déclaration de ces documents comme Patrimoine Culturel National est une étape importante pour le Pérou, mais elle a aussi une portée universelle. Elle rappelle l’importance de préserver les archives maçonniques, qui sont des témoignages précieux de l’histoire des idées et des sociétés. En France, où la Franc-maçonnerie a joué un rôle clé dans des moments historiques comme la Révolution de 1789 ou l’établissement de la IIIe République, nous devons nous interroger sur la conservation de nos propres archives.

Un patrimoine au service de la lumière

En déclarant les « Documents sur les Loges Maçonniques au Pérou (1862-1923) » Patrimoine Culturel National, le Ministère de la Culture du Pérou rend hommage à l’héritage maçonnique et à son rôle dans l’histoire du pays. Ces archives, par leur valeur historique, documentaire, et sociale, sont une source inestimable pour les chercheurs, les historiens, et les maçons eux-mêmes. Elles nous rappellent que la Franc-maçonnerie, à travers ses idéaux de liberté, d’égalité, et de fraternité, a contribué à façonner des sociétés plus justes et plus éclairées.

Prenons exemple sur cette initiative. Que nos propres archives, témoins de notre histoire et de nos travaux, soient elles aussi préservées et valorisées, pour que la lumière qu’elles contiennent continue d’éclairer les générations futures. Comme le dit un adage maçonnique, « la Sagesse construit, la Force soutient, et la Beauté orne » : que ces documents, désormais patrimoine national, soient une source d’inspiration pour notre quête de Sagesse, de Force, et de Beauté.

L’Histoire du Culte d’Isis à Paris : Mythes, Symboles et Survivances

Le culte d’Isis, déesse égyptienne de la maternité, de la magie et de la résurrection, a traversé les siècles et les frontières, laissant des traces profondes dans l’histoire de Paris et de l’Europe. De l’Antiquité romaine à la Révolution française, en passant par les vierges noires médiévales et les rites maçonniques, l’influence d’Isis s’est mêlée aux traditions locales, créant une histoire fascinante et parfois controversée. Cet article explore les origines du culte d’Isis à Paris, son lien supposé avec les Parisii, son implantation dans des lieux emblématiques comme Saint-Germain-des-Prés, et son rôle symbolique jusqu’à la Révolution, avant de plonger dans son importance dans la franc-maçonnerie.

Les Origines du Culte d’Isis à Paris : Les Parisii et le Mythe de Bar-Isis

Dieu Egyptien Isis
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Le nom de Paris est souvent associé, dans des récits ésotériques, à la déesse Isis, une hypothèse qui remonte à des traditions orales et écrites anciennes. Selon certains auteurs, comme Pierre Hubac ou Cheikh Anta Diop, le nom “Paris” dériverait de “Bar-Isis”, signifiant “la barque d’Isis”. Cette théorie s’appuie sur l’idée que les Parisii, un peuple gaulois installé sur les rives de la Seine au IIIe siècle av. J.-C., auraient apporté avec eux un culte d’Isis. Les Parisii, dont le nom a donné celui de la ville, auraient été un peuple celte venu de Belgique, selon l’historien Jacques-Antoine Dulaure, qui les décrit comme un “peuple de frontière”. Une branche de ce peuple se serait également installée dans l’actuel Yorkshire en Angleterre, où une tribu homonyme, les Parisii britanniques, est attestée. Certains auteurs ésotériques, comme ceux cités dans Les Secrets de Paris et la lumière d’Isis, ont même suggéré que le nom de la Tamise (Thames en anglais) pourrait dériver de “Tamisis”, un nom lié à Isis, bien que cette hypothèse linguistique soit très contestée par les spécialistes.

Monnaie gauloise : Statère des Parisii de la classe II

L’idée que les Parisii vénéraient Isis repose sur des découvertes archéologiques et des récits médiévaux. Les Parisii contrôlaient le trafic fluvial sur la Seine, et leur oppidum principal, Lutèce, deviendra Paris sous l’Empire romain. Selon des chroniqueurs comme le moine Abbon de Saint-Germain-des-Prés, au IXe siècle, Isis aurait été la “première protectrice des Parisiens”.

Statère d’or des Parisii, revers, datation : 150 à 100 avant notre ère (Cabinet des médailles (BNF))

Cette tradition est renforcée par des chartes anciennes de Sainte-Geneviève et de Saint-Germain-des-Prés, qui mentionnent que Clovis et Childebert, fondateurs de ces lieux, auraient assigné les “dépouilles d’Isis et de son temple” à ces églises. Le blason de Paris, orné d’une nef et de la devise Fluctuat Nec Mergitur (“Il est battu par les flots mais ne sombre pas”), est parfois interprété comme une référence à la barque d’Isis, symbole de navigation et de protection.

Cependant, cette étymologie est contestée par les linguistes modernes. Le nom “Parisii” est un pluriel gaulois, probablement dérivé d’une racine celtique comme pario- (“chaudron”) selon Xavier Delamarre, ou signifiant “peuple de frontière” selon Dulaure. L’association avec Isis repose davantage sur une volonté de donner à Paris une origine prestigieuse que sur des preuves historiques solides. Louis de Jaucourt, au XVIIIe siècle, dénonçait déjà cette “pure fiction”, arguant qu’aucun texte antique ne mentionne un lien direct entre les Parisii et Isis.

Le Culte d’Isis à Paris sous les Romains et au Moyen Âge

Alexandre tranchant le nœud gordien, Giovanni Paolo Panini, vers 1718, Walters Art Museum.

Le culte d’Isis s’est véritablement implanté en Gaule sous l’Empire romain, après la conquête d’Alexandre le Grand en 332 av. J.-C., qui a favorisé la diffusion des cultes égyptiens dans le monde hellénistique. Les Romains, qui annexaient souvent les divinités des peuples conquis, ont adopté Isis comme protectrice des navigateurs et des défunts. À Paris, alors Lutèce, des traces de ce culte ont été découvertes. Le Pilier des Nautes, trouvé en 1711 sous Notre-Dame, est le plus ancien monument de Paris. Érigé sous l’empereur Tibère, il montre des divinités celtiques et romaines, mais certains auteurs, comme ceux de Coups Francs, y voient un lien avec Isis, en raison de la présence de la communauté des Nautes, des marchands navigateurs qui auraient pu vénérer la déesse.

Statue de Childebert 1er

Un temple d’Isis aurait existé sur l’emplacement actuel de l’église Saint-Germain-des-Prés, selon des chroniqueurs comme Jean du Breul, qui, dans son Théâtre des antiquités de Paris (1639), affirme qu’un temple d’Isis se dressait là où Childebert 1er fit construire l’église Saint-Vincent, devenue Saint-Germain-des-Prés. Une statue d’Isis, représentée comme une femme tenant un enfant (souvent interprétée comme Isis allaitant Horus), aurait été conservée dans l’église jusqu’en 1514, date à laquelle l’archevêque de Meaux l’aurait fait détruire, la considérant comme païenne. Des fouilles récentes autour de Saint-Germain-des-Prés, mentionnées dans Les Petites Religions de Paris, ont révélé une statue de femme avec un enfant, initialement prise pour une Vierge Marie par le clergé médiéval, mais identifiée plus tard comme une représentation d’Isis. Cette statue aurait été expulsée du sanctuaire après sa reconnaissance comme “démoniaque” par les autorités ecclésiastiques.

Isis par Georges Lacombe.

D’autres lieux parisiens sont associés à la triade égyptienne d’Isis, Osiris et Horus. Selon Coups Francs, un temple d’Osiris (assimilé à Jupiter) aurait existé, et l’église Notre-Dame-des-Champs serait bâtie sur un ancien temple de Thot. Horus, dieu du bien et du soleil levant, est parfois symbolisé dans des éléments architecturaux parisiens, comme le sphinx verdâtre de la rue du Cherche-Midi, vestige du culte d’Isis. Saint-Germain-des-Prés, en tant que lieu du féminin sacré (Isis), contraste avec Saint-Jacques-de-la-Boucherie, qui aurait été consacré à Osiris, dieu de la mort et de la résurrection. Cependant, l’association de Saint-Jacques à Osiris est plus spéculative et manque de preuves archéologiques directes.

L’ancien couvent des Carmélites du faubourg Saint-Jacques au milieu du XVIIe siècle.

La Révolution Française et la Statue d’Isis Place de la Bastille

Pour les anciens Égyptiens, la déesse Isis était le modèle de l’épouse et de la mère loyales, ainsi qu’une puissante magicienne.

Le culte d’Isis connaît un regain d’intérêt pendant la Révolution française, période de déchristianisation où les révolutionnaires cherchent des alternatives au christianisme. Le 10 novembre 1793, la Convention proclame le culte de la Raison, et une cérémonie spectaculaire est organisée à Notre-Dame de Paris, où une “déesse de la Raison” est intronisée sur le grand autel. Mais un autre événement marque cette période : l’érection d’une statue d’Isis en plâtre, place de la Bastille, lors de la Fête de la Régénération, le 10 août 1793, célébrant le premier anniversaire de la chute de la monarchie.

Fontaine d’Isis lors de la Fête de l’Unité (1793)

Cette statue, décrite dans Les Petites Religions de Paris, représentait Isis sous les traits d’une “Fontaine de la Régénération”. Elle était une figure allégorique de la Nature, avec deux seins d’où jaillissaient des jets d’eau, symbolisant la fertilité et la vie. Les révolutionnaires, inspirés par des textes gréco-romains comme ceux de Plutarque (Sur Isis et Osiris), voyaient en Isis une déesse universelle, mère de toutes choses. Lors de la cérémonie, des députés et des préfets, ainsi que des citoyens, venaient boire l’eau qui coulait de ses seins, dans un geste symbolique de communion avec la Nature et la République naissante. Cette mise en scène s’inspirait des mystères isiaques décrits par Apulée dans Les Métamorphoses (Livre XI), où les initiés participaient à des rituels d’eau et de purification.

La statue d’Isis place de la Bastille, bien que temporaire, illustre l’engouement révolutionnaire pour les symboles antiques. Isis, associée à la Nature voilée (une image popularisée par Macrobius au Ve siècle), devient un substitut à la Vierge Marie, tout en incarnant les idéaux de liberté et de régénération. Cet événement s’inscrit dans un mouvement plus large de retour aux cultes païens, comme la Fête de l’Être Suprême au Champ-de-Mars en 1794, où Robespierre met le feu à une statue voilée représentant Isis ou la Nature, selon Gérard de Nerval dans Les Illuminés.

Les Vierges Noires : Une Survivance d’Isis en Europe

Notre-Dame de Rocamadour.

L’influence d’Isis ne se limite pas à Paris. À travers l’Europe, des statues de vierges noires, souvent datées du Moyen Âge, sont interprétées comme des survivances du culte d’Isis. Ces vierges, présentes de la Pologne à l’Espagne, représentent une femme à la peau sombre tenant un enfant, une iconographie qui rappelle Isis allaitant Horus (Isis lactans). À Marseille, l’église Saint-Victor abrite une vierge noire dont l’origine est liée à Jean Cassien, un moine du Ve siècle qui aurait rapporté d’Égypte une statue en bois noir d’Isis, selon Notre Dame Isis. Cette statue, rebaptisée Vierge Marie, a servi de base au culte marial local, remplaçant progressivement les dévotions à Isis et à Cybèle.

Vierge noire de Częstochowa (voïvodie de Silésie), monastère de Jasna Gora, XVe siècle.

En Pologne, la Vierge noire de Częstochowa, datant du XIVe siècle, est un autre exemple. Bien que son origine soit chrétienne, certains chercheurs, comme ceux cités dans Le Mouvement Matricien, y voient une réinterprétation d’Isis, en raison de sa couleur sombre et de son rôle de protectrice. En Espagne, la Vierge de Montserrat, également noire, est associée à des légendes païennes, et son sanctuaire est bâti sur un ancien lieu de culte préchrétien. Ces vierges noires, souvent situées dans des cryptes ou des lieux souterrains, symbolisent la Terre-Mère, un rôle qu’Isis incarnait dans l’Égypte antique.

Notre-Dame de Candelaria, à Tenerife (Espagne).

Le christianisme, dans ses premiers siècles, a assimilé de nombreux éléments des cultes païens pour faciliter la conversion des populations. La figure d’Isis allaitant Horus a directement inspiré l’iconographie de la Vierge à l’Enfant, comme le note Notre Dame Isis. Cette transition est particulièrement évidente en Gaule, où des églises comme Notre-Dame de Paris ou Saint-Germain-des-Prés ont été construites sur d’anciens temples païens, souvent dédiés à Isis. Les vierges noires, en tant que symboles du féminin sacré, perpétuent cette mémoire, mêlant traditions égyptiennes, celtiques et chrétiennes.

Isis en Franc-Maçonnerie : Une Déesse au Cœur des Rites

Horus et son soleil
gravures temple antique égyptien – Horus et son soleil

Le culte d’Isis a trouvé un écho particulier dans la franc-maçonnerie, notamment à partir du XVIIIe siècle, période où l’Égypte antique devient une source d’inspiration pour les sociétés initiatiques. Les maçons, en quête de symboles universels et de traditions ésotériques, se sont approprié le mythe d’Isis, d’Osiris et d’Horus, y voyant une allégorie de la mort, de la résurrection et de l’initiation.

Isis dans les Rites Égyptiens

Cagliostro

Les rites maçonniques dits “égyptiens”, comme le Rite de Memphis-Misraïm, placent Isis au centre de leur symbolisme. Ce rite, créé au XVIIIe siècle par Cagliostro, s’inspire des mystères isiaques décrits par Apulée et Plutarque. Cagliostro fonde la loge Isis le 7 août 1785, comme le rapporte Gérard de Nerval dans Les Illuminés. Lors des cérémonies, Isis est invoquée comme la “Veuve”, une figure centrale dans la mythologie maçonnique. Selon Notre Dame Isis, cette “Veuve” peut être interprétée comme Isis pleurant Osiris, assassiné par Seth, tout comme la franc-maçonnerie pleure Hiram, l’architecte mythique du temple de Salomon, tué par trois compagnons. Dans cette lecture, Hiram est assimilé à Osiris, Isis à la Loge elle-même, et Horus au premier initié, le “fils de la Veuve”.

Le Rite de Memphis-Misraïm, encore pratiqué dans certaines loges françaises, met en scène des rituels où le candidat traverse des épreuves symbolisant la mort et la résurrection, à l’image d’Osiris. Jules Boucher, un maçon français, affirmait que “la Maçonnerie actuelle est une continuation des mystères de l’Antiquité”. Lors de l’initiation au grade de Maître, décrite par Oswald Wirth, le candidat est confronté à un catafalque et à un crâne lumineux, symbolisant la mort d’Osiris/Hiram. Jean Mallinger et Eugène Goblet d’Alviella, historiens maçons, identifient le candidat à Horus, fils d’Isis, qui doit venger son père et restaurer l’ordre.

Isis et le Symbolisme Maçonnique

Isis, en tant que déesse de la magie et de la connaissance, incarne pour les maçons la quête de la lumière. Plutarque, dans Sur Isis et Osiris, rapporte une inscription sur une statue d’Isis à Saïs : “Je suis tout ce qui a été, qui est et qui sera, et mon voile, aucun mortel ne l’a encore soulevé.” Cette phrase, souvent citée dans les loges, symbolise la vérité cachée que l’initié doit découvrir. Dans les rituels maçonniques, Isis est parfois représentée voilée, comme lors de la Fête de l’Être Suprême en 1794, où Robespierre met le feu à une statue voilée d’Isis, selon Nerval.

Le mythe d’Isis et Osiris est également lié à l’alchimie, un domaine cher à la franc-maçonnerie. Le texte Isis la Prophétesse à son fils Horus, un manuscrit alchimique ancien, montre Isis transmettant des recettes alchimiques à Horus, une métaphore de la transmission du savoir initiatique. Dans les loges, Isis est souvent associée à la Nature, à la fertilité et à la régénération, des thèmes centraux dans les rituels maçonniques.

Isis et Notre-Dame de Paris

Certains, comme Ludovic Malot dans une émission de Géopolitique profonde, affirment que Notre-Dame de Paris, construite en 1163 sur un ancien temple d’Isis, est un lieu chargé de symboles isiaques. Le portail Sainte-Anne de la cathédrale représente une femme portant un thyrse, identifiée par certains comme Isis. Plus récemment, des controverses ont émergé autour de la restauration de Notre-Dame après l’incendie de 2019. Malot évoque l’introduction de l’”œil d’Horus” dans la symbolique de la cathédrale, ainsi que des projets d’obélisques (symbole égyptien) pour remplacer la flèche, vus comme une tentative de réintroduire le culte d’Isis par des influences maçonniques modernes.

Une Influence Persistante

symboles anciens égyptiens
symboles anciens égyptien hiéroglyphes

L’influence d’Isis dans la franc-maçonnerie ne se limite pas aux rites égyptiens. Même dans les rites plus traditionnels, comme le Rite Écossais Ancien et Accepté (REAA), des références à Isis apparaissent sous forme d’allégories. La déesse, en tant que mère universelle, incarne l’idéal de fraternité et de sagesse que les maçons cherchent à atteindre. Les obélisques, comme celui de la place de la Concorde à Paris, érigé en 1836, ou celui de Washington, sont parfois interprétés comme des hommages maçonniques à l’Égypte antique et à Isis, bien que ces interprétations soient souvent spéculatives.

Isis, une Déesse Éternelle

peinture égyptienne
décoration égyptienne

Le culte d’Isis à Paris, qu’il soit historique ou mythique, illustre la fascination durable pour cette déesse égyptienne. Depuis les Parisii et l’époque romaine, en passant par les vierges noires médiévales et les cérémonies révolutionnaires, jusqu’aux rituels maçonniques, Isis a incarné le féminin sacré, la régénération et la quête de connaissance. À Saint-Germain-des-Prés, elle symbolise la mère protectrice ; place de la Bastille, elle devient une allégorie de la Nature ; dans les loges maçonniques, elle est la Veuve qui guide les initiés vers la lumière.

Cette histoire, mêlant faits archéologiques et légendes ésotériques, nous rappelle l’importance des symboles dans la construction de l’identité d’une ville comme Paris. Que l’on accepte ou non l’étymologie de “Bar-Isis”, la présence d’Isis dans l’imaginaire parisien est indéniable. En tant que maçons, nous pouvons voir en elle une figure de Sagesse, de Force et de Beauté, un pont entre les traditions antiques et les idéaux modernes d’égalité et de fraternité. Isis, déesse universelle, continue de veiller sur Paris, dans l’ombre des cathédrales et des loges, comme un écho d’un passé qui ne s’éteint jamais.

Faut-il être de son temps ?

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Nous sommes perpétuellement dans l’équilibre Passé-Futur

Excusez-moi, car je débute mes propos en me faisant un peu de publicité, mais comme vous le savez, une fois n’est pas coutume.

Effet dans un de mes spectacles, j’ai cité une phrase des années 1960 que l’on attribue à cet artiste de grand talent qu’est Andy Wharoll, je cite: “

« dans quelques années tout le monde passera à la Télé »

Depuis quelques années aussi, notre franc-maçonnerie suscite de réels engouements.

 Je ne voulais pas partir de nouveau dans cette direction mais comme nous le constatons de nombreux articles évoquent régulièrement la maçonnerie à tel point que le meilleur côtoie parfois le pire. 

On pourrait parler des conséquences du revers de la médaille du phénomène “de tout le monde passera à la télé” dont parlait Andy Wharoll cité plus haut.

Les initiatives aussi ne manquent pas de faire découvrir notre Franc-maçonnerie. Aussi, c’est avec bonheur que j’ai pu découvrir dans notre journal cet article proposé par la Rédaction du journal qui par le biais de France 3 Régions, plus exactement « France Bleu » va à la rencontre de la Franc-maçonnerie en nous proposant la visite du temple de la Rochelle qui lui ouvre ses portes. 

Cet évènement se propose aussi de développer le fond de notre démarche maçonnique .

 Proposition enrichissante, classique pourrait-on dire, mais en attendant, j’ai envie de dire « ça repose des propos parfois délirants qui nous sont proposés sur de nombreux médias types réseaux sociaux »

Peut être q’un jour tout le monde s’intéressera à la franc-maçounnerie et à défaut :

« tout le monde planchera au moins une fois dans sa vie ! »

N’est-ce pas Grand René dans la vidéo ci-dessous ? :

L’énigme des Maîtres -13- Parmi les ombres

Pour lire l’épisode précédent : ici

La nuit était tombée sur Istanbul, et la ville s’habillait de ses lumières nocturnes. Soulagés, Alexander et Amélie, quittèrent la Bibliothèque de Süleymaniye.

Alors que la nuit avançait, les étoiles semblaient s’animer, formant des motifs célestes. Ces constellations vivantes scintillaient au-dessus d’Istanbul, évoquant des connexions mystiques entre les forces célestes et les mystères terrestres que les érudits, dans leur contemplation des étoiles, avaient cherché à comprendre : une continuité entre la terre et le divin.

Soudain, une étoile filante traversa le ciel, caillou de lumière, laissant derrière elle une traînée scintillante. C’est comme si les étoiles elles-mêmes offraient un signe, une bénédiction pour eux deux. Alexander ressentit un éclat intérieur, une communion entre le cosmos et son être. Pour lui, les astres ne sont pas seulement des points lumineux dans le ciel, mais des messagers d’une création qui transcende les époques.

– Si « la nuit des étoiles filantes » est la prosaïque anagramme de « lointains satellites de feu », « La courbure de l’espace-temps », est l’anagramme merveilleuse de « superbe spectacle de l’amour ». La beauté du ciel n’est-elle pas la somatisation de l’amour ?

En disant cela, Alexander prit Amélie dans ses bras et, dans le baiser qu’il lui donna, le couple ne fit plus qu’une seule ombre de cette lumière sur le sol. En riant à la vue de la forme de leur ombre, Amélie proposa de profiter d’un spectacle traditionnel turc, le Karagöz, l’art ancestral du théâtre d’ombres qui n’est pas seulement un divertissement, mais un moyen de transmettre des connaissances ésotériques de génération en génération. Les ombres sont de la lumière qui se reflète sur un obstacle qui l’arrête créant une image outrepassant le monde matériel.

Ils se retrouvèrent devant l’arche en pierre, ornée de motifs mauresques et d’inscriptions en calligraphie turque, dévoilant l’entrée du Théâtre d’Ombres.

C’est avec volupté qu’ils marchèrent sur les tapis persans recouvrant les marches par un rouge dominant. Ils se retrouvèrent dans la cour intérieure éclairée par des lanternes en verre coloré diffusant une lueur douce et chatoyante. À l’intérieur du théâtre, des colonnes mauresques encadrent la scène. Un écran en soie est tendu, prêt à accueillir les ombres dansantes.

Les sièges en bois sculpté sont disposés en demi-cercle, offrant à chaque spectateur une vue privilégiée sur le spectacle à venir. L’air est chargé d’arômes d’encens aux senteurs envoûtantes, ajoutant une dimension sensorielle au décor oriental.

Ils s’installèrent dans le petit amphithéâtre en plein air, où les spectateurs se rassemblaient autour de l’écran translucide. Les artistes manipulaient avec habileté des figurines découpées, projetant leurs silhouettes. Ce soir-là, c’était une évocation des mudras qui était le thème de la représentation, Ce sont des positions des mains et des doigts couramment utilisés dans l’hindouisme, le bouddhisme et d’autres traditions spirituelles pour canaliser l’énergie et exprimer des états émotionnels ou spirituels. C’était comme si le destin leur adressait, une fois encore, un clin d’œil.

Lorsque les ombres des mains apparurent, accompagnées d’un fond sonore d’instruments traditionnels, le ney et l’oud, Alexander et Amélie furent totalement charmés.

Les ombres projetées sur les murs ancestraux dansaient en harmonie. Des silhouettes gracieuses évoluaient, vêtues de robes diaphanes, leurs mains, leurs doigts créaient des ombres en mouvement. Les marionnettes semblent révéler des symboles familiers, les doigts joints mais aussi d’autres signes ésotériques.

Alexander comprend que le destin des figures énigmatiques de sa quête est intrinsèquement lié, comme des marionnettes manipulées par les fils invisibles de l’existence. Alors que la séance progresse, Alexander ressent une union profonde avec les énergies mystiques, réalisant que chaque ombre de doigt est une part de l’existence universelle, un reflet de la trame cosmique. Il en fit commentaire à Amélie qui avait posé sa tête paisiblement sur son épaule au creux de son cou.

– Les doigts, ce sont les quatre éléments, le feu du pouce, l’air de l’index, la terre de l’annulaire et l’eau de l’auriculaire dans l’ordre que leur assigna Aristote en partant du plus subtil. Ils sont les composants fondamentaux de tous les corps dont les caractéristiques dépendaient du mélange respectif de leurs composants montré par différentes positions des doigts. Ils sont dominés par l’éther du majeur, l’infini, l’illimité. C’est un élément inventé par Anaximandre synthétisant les quatre autres. Il s’agit d’une «substance première, infinie, immortelle, enveloppant et gouvernant toute chose». Anaximandre l’appelle apeiron, la seule cause du développement organisé de notre univers.

Après un court silence pour donner du temps à leur présence partagée, en reniflant gracieusement l’air comme un petit chat, Amélie chuchota.

– Je comprends maintenant l’odeur qui nous enveloppe. Ils ont dû faire brûler des boulettes de kyphi. Sens-tu les vapeurs d’encens de ce parfum égyptien à la fois capiteux, léger et enveloppant. Le parfumeur a dû rajouter de la rose qui vient en note de tête. Tout en comptant sur ses doigts elle ajouta

– De mémoire, ce qu’en disait Plutarque, les seuls ingrédients étaient du miel, du vin, des raisins secs, du souci et de la résine, de la myrrhe, de l’aspalathe, du séséli, du jonc odo­riférant, de l’asphalte, des feuilles de figuier, d’oseille, deux espèces de genièvre, le grand et le petit, de la cardamome et du roseau aromatique.

Après une longue respiration, fière d’avoir pu énumérer les composants, elle continua.

– Selon leur assemblage ils permettaient d’entrer dans un état second, activant l’organe de l’âme. Ne ressens-tu pas comme l’air de la nuit est, en quelque sorte, aussi composé de plusieurs lumières différentes qui, comme autant de ruisseaux, partent de chaque étoile et, se réunissant sur nous, nous parfument de l’odeur de l’univers et de leurs figures géométriques qu’elles semblent dessiner.

– Je suis amoureux, tout est beau, lumineux et dense. Je suis là où j’ai envie d’être, murmura Alexander en glissant sur le temps arrêté dans ce délicieux présent « où se pillent les minutes ». Le ciel est beau comme les vagues sauvages de l’océan, ajouta-t-il.

– Oui. Lui répondit Amélie devenue songeuse, ce qu’il lui sembla être la plus grande réduction du langage par un mot qu’elle puisse dire pour acquiescer, tout en songeant qu’« où se pillent les minutes » contient son anagramme « le temps est une illusion ». Ses pensées, qui remplissaient la place de son silence, semblaient l’avoir emmenée vers un lointain ailleurs.

Tout à coup, parmi les ombres, des silhouettes menaçantes se dessinent. Les tueurs de Savonarole avaient retrouvé leur trace. La tranquillité du spectacle est brisée par le chaos. Les assassins, de sombre vêtus, surgissent, leurs yeux brillant d’une lueur malveillante à la lumière des lanternes du décor.

Alexander saisit la main d’Amélie, et ensemble, sortent du théâtre, s’élancent dans une course désespérée en s’engageant à travers les ruelles pavées. Leurs cœurs battent à l’unisson avec les tambours du spectacle qu’ils laissent derrière eux. Poussés par l’urgence et la peur, ils zigzaguent entre les terrasses des cafés, renversant quelques tables, chaque pas les rapprochant du Bosphore vers lequel ils se dirigent.

– Surtout, ne lâche pas ma main, nous y sommes presque ! Encouragea Alexander.

Un violent vent du nord, qui s’était levé, ralentissait leur fuite. Heureusement, leur salut leur apparut avec un vieux bateau de pêche amarré sur le rivage, prêt à traverser le Bosphore.

Avec les tueurs à leurs trousses, ils sautent sur le petit bateau, le moteur s’éveille dans un grondement, et ils réussissent à s’éloigner du rivage, laissant les tueurs impuissants sur la berge face à la vaste étendue d’eau qui les sépare désormais.

La mer avait la couleur d’un ciel solidifié par des nuages inquiétants. Comme une fermeture éclair, l’onde sombre s’ouvrait dans le sillage de la barque, provoquant des vagues d’écume s’écartant de chaque côté de la poupe pour aller s’échouer en ressac sur la rive devenue invisible.

Soudain  une vague scélérate[1] se dresse comme un géant en colère, menaçant de submerger le bateau fragile. Inexplicable elle s’abat sur le bateau.

Amélie était à la proue, scrutant l’horizon, quand cette vague monstrueuse s’éleva. Elle fut emportée par la mer de Marmara déchaînée, s’accrocha un instant autant qu’elle le put au bastringue. Vacillant sur la chaloupe, essayant de garder son équilibre, Alexander réussit à atteindre ses poignets et leurs mains se nouèrent. Les mains d’Alexander ne sont plus qu’un organe du saisir, «ses muscles tordus et comme à vif, le sentiment d’être en verre et brisable» ; une angoisse acide et trouble, aussi puissante qu’un couteau lui déchira l’esprit. Il basculait de plus en plus vers l’onde en tentant de la retenir. Étouffée par l’eau salée qu’elle avalait pour respirer, Amélie réussit à articuler

– Moi aussi j’aime.

Trop mouillés, les doigts glissants ne la retenaient plus. Une autre puissante vague l’emporta, elle fut engloutie dans les profondeurs. L’abîme sombre se troua pour l’accueillir et se referma sur elle.

La mer anthropophage se calma aussi soudainement qu’elle s’était déchaînée. Son roulis émettait maintenant un long pleur. Ce fut vainement qu’Alexander sonda tout autour de lui le moindre signe ; Amélie avait totalement disparu.

Il fut submergé du malheur de cet exil définitif où elle l’avait laissé et s’effondra en sanglots sur la cale.

Un bateau de patrouilleurs, qui avait été alerté d’une prévision de tornade par la météo, veillait dans le secteur mais trop loin pour intervenir à temps. Témoins du drame à la jumelle, ils vinrent récupérer Alexander et le ramenèrent à bon port.

De douloureuses démarches administratives auprès des autorités turques et de l’ambassade de France obligèrent Alexander à revivre la disparition d’Amélie. Mais, comme une histoire sur un palimpseste gratté, considérant que n’étant pas légitimé par un mariage, il fut écarté des recherches de son corps par les bureaucrates.

Il avait survécu et maintenant il devait sur-vivre. Il regagna l’Angleterre et ses amis à Eaton square.


[1] Une vague scélérate se forme en empruntant l’énergie des vagues voisines et la leur rend en déferlant et disparaissant.

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Banc d’essai des rites maçonniques : REAA, Rite Français, et Emulation

Une concurrence fraternelle au service de la lumière

La Franc-maçonnerie, dans sa richesse et sa diversité, offre une pluralité de rites qui, tels des chemins initiatiques, guident les maçons vers la lumière. Parmi les plus pratiqués en France, le Rite Écossais Ancien et Accepté (REAA), le Rite Français, et le Rite d’Émulation se distinguent par leurs approches, leurs symboles, et leurs philosophies. À l’occasion de ce banc d’essai, nous vous proposons une analyse comparative de ces trois rites, dans un esprit de concurrence fraternelle, pour mieux comprendre leurs spécificités et leurs apports à notre quête spirituelle. Que vous soyez Apprenti, Compagnon, ou Maître, ce voyage à travers les rites vous invitera à réfléchir à votre propre cheminement.

Présentation des trois rites : Une diversité initiatique

Avant de plonger dans notre banc d’essai, dressons un portrait de chaque rite, en mettant en lumière leurs origines, leurs structures, et leurs philosophies.

  1. Rite Écossais Ancien et Accepté (REAA)
    • Origines : Né au XVIIIe siècle, le REAA trouve ses racines dans les loges écossaises de France, notamment à Bordeaux et à Marseille, avant d’être formalisé aux États-Unis en 1801 par le Suprême Conseil de Charleston. Il s’est répandu mondialement, devenant le rite le plus pratiqué au monde, notamment en France au sein de la Grande Loge de France (GLDF) et du Suprême Conseil de France.
    • Structure : Le REAA est un système en 33 degrés, allant de l’Apprenti (1er degré) au Souverain Grand Inspecteur Général (33e degré). Les trois premiers degrés (symboliques) sont travaillés en loge bleue, tandis que les degrés supérieurs (4e au 33e) sont gérés par des ateliers de perfection, chapitres, aréopages, et consistoires, sous l’égide d’un Suprême Conseil.
    • Philosophie : Le REAA est un rite spirituel et universaliste, qui met l’accent sur la quête intérieure, la transcendance, et la connexion avec le Grand Architecte de l’Univers. Il est riche en symboles (aigle bicéphale, triangle lumineux) et en références ésotériques, notamment dans les hauts grades, où il explore des thèmes comme la justice, la chevalerie, et la perfection morale.
  2. Rite Français
    • Origines : Également appelé Rite Moderne, le Rite Français est codifié en 1786 par le Grand Orient de France (GODF), bien que ses racines remontent aux premières loges françaises du XVIIIe siècle. Il est souvent associé à l’esprit des Lumières et à une vision rationaliste de la Franc-maçonnerie.
    • Structure : Le Rite Français se concentre sur les trois degrés symboliques (Apprenti, Compagnon, Maître), bien qu’il existe des degrés philosophiques (comme le 4e degré, Maître Parfait) pratiqués dans des ateliers spécifiques. Il est plus simple dans sa structure que le REAA, privilégiant la clarté et l’accessibilité.
    • Philosophie : Le Rite Français est un rite humaniste et progressiste, qui met l’accent sur la liberté de pensée, la laïcité, et l’engagement sociétal. Il encourage les maçons à réfléchir aux grandes questions de société (éducation, justice sociale, droits humains) et à agir dans la cité pour promouvoir les idéaux républicains.
  3. Rite d’Émulation
    • Origines : Le Rite d’Émulation, ou Emulation Working, est un rite anglais codifié en 1813 par la Grande Loge Unie d’Angleterre (UGLE), à la suite de la réconciliation entre les “Anciens” et les “Modernes”. Il tire son nom de l’Emulation Lodge of Improvement, fondée en 1823 à Londres pour standardiser les rituels.
    • Structure : Comme le Rite Français, le Rite d’Émulation se concentre sur les trois degrés symboliques, mais il est connu pour ses rituels très formalisés et mémorisés, souvent récités sans notes. Il n’a pas de hauts grades officiels, bien que certains maçons anglais pratiquent le Royal Arch comme complément.
    • Philosophie : Le Rite d’Émulation est un rite traditionaliste et déiste, qui insiste sur la moralité, la fraternité, et la perfection du rituel. Il met l’accent sur la transmission orale et la discipline, avec une approche plus conservatrice que le REAA ou le Rite Français. Il est souvent associé à une vision apolitique et non dogmatique de la Franc-maçonnerie.

Banc d’essai : Une concurrence fraternelle

Pour comparer ces trois rites, nous avons retenu cinq critères : symbolisme, spiritualité, engagement sociétal, accessibilité, et pratique rituelle. Chaque rite sera évalué dans un esprit de concurrence fraternelle, non pour les opposer, mais pour mettre en lumière leurs forces et leurs spécificités.

  1. Symbolisme
    • REAA : Le REAA excelle dans la richesse symbolique. Ses 33 degrés offrent une progression initiatique où chaque grade introduit de nouveaux symboles (l’aigle bicéphale, le triangle lumineux, l’épée flamboyante). Les hauts grades explorent des thèmes ésotériques complexes, comme la kabbale ou la chevalerie, ce qui en fait un rite particulièrement apprécié des maçons en quête de profondeur. Note : 9/10
    • Rite Français : Le Rite Français est plus sobre en termes de symbolisme. Il se concentre sur des symboles fondamentaux (équerre, compas, pavé mosaïque) et privilégie leur interprétation rationnelle. Cependant, il peut sembler moins riche pour ceux qui recherchent une exploration ésotérique approfondie. Note : 6/10
    • Rite d’Émulation : Le Rite d’Émulation utilise des symboles classiques, mais son approche est plus pragmatique, avec un accent sur leur signification morale (par exemple, l’équerre comme symbole de droiture). Il est moins axé sur l’ésotérisme que le REAA, mais sa simplicité symbolique peut être un atout pour les nouveaux maçons. Note : 7/10
      Vainqueur : Le REAA, pour sa profondeur et sa diversité symbolique.
  2. Spiritualité
    • REAA : Le REAA est profondément spirituel, avec une forte référence au Grand Architecte de l’Univers, qui peut être interprété de manière déiste ou symbolique. Les hauts grades explorent des concepts métaphysiques, comme la transcendance et la perfection de l’âme, ce qui en fait un rite idéal pour les maçons en quête d’élévation spirituelle. Note : 9/10
    • Rite Français : Le Rite Français est plus laïque dans son approche. S’il n’exclut pas la spiritualité, il met davantage l’accent sur la réflexion philosophique et éthique, laissant chaque maçon libre de ses croyances. Cela peut convenir aux maçons qui préfèrent une approche non dogmatique, mais décevoir ceux qui recherchent une dimension mystique. Note : 5/10
    • Rite d’Émulation : Le Rite d’Émulation est déiste, exigeant une croyance en un Être Suprême (souvent interprété comme Dieu). Il offre une spiritualité plus structurée, centrée sur la moralité et la prière, mais moins ésotérique que le REAA. Note : 7/10
      Vainqueur : Le REAA, pour sa profondeur spirituelle et sa flexibilité d’interprétation.
  3. Engagement sociétal
    • REAA : Le REAA encourage l’engagement sociétal, mais il est souvent plus introspectif, privilégiant la transformation intérieure comme préalable à l’action extérieure. Des obédiences comme la GLDF, qui pratiquent le REAA, participent néanmoins à des débats sociétaux, comme la défense de la laïcité. Note : 7/10
    • Rite Français : Le Rite Français brille dans ce domaine. Héritier des Lumières, il encourage les maçons à s’impliquer dans la société profane, en promouvant des valeurs comme la justice sociale, l’égalité, et la laïcité. Le GODF, principal utilisateur de ce rite, est connu pour ses prises de position sur des sujets comme l’éducation ou les droits humains. Note : 9/10
    • Rite d’Émulation : Le Rite d’Émulation adopte une approche apolitique, conformément aux principes de l’UGLE. Il se concentre sur la moralité individuelle et la fraternité, évitant les débats sociétaux pour préserver l’harmonie en loge. Cela peut être perçu comme une limite pour les maçons engagés. Note : 4/10
      Vainqueur : Le Rite Français, pour son engagement humaniste et sociétal.
  4. Accessibilité
    • REAA : Le REAA peut sembler intimidant pour les nouveaux maçons en raison de sa complexité et de ses 33 degrés. Cependant, les trois premiers degrés sont accessibles, et la progression graduelle permet une montée en puissance dans la compréhension des symboles. Note : 6/10
    • Rite Français : Le Rite Français est très accessible, avec des rituels clairs et une structure simple. Son langage direct et sa focalisation sur les trois degrés en font un rite idéal pour les débutants ou ceux qui préfèrent une approche moins ésotérique. Note : 8/10
    • Rite d’Émulation : Le Rite d’Émulation est accessible dans sa structure, mais exige une mémorisation rigoureuse des rituels, ce qui peut être un défi pour les nouveaux maçons. Sa formalité peut aussi rebuter ceux qui recherchent plus de spontanéité. Note : 6/10
      Vainqueur : Le Rite Français, pour sa simplicité et sa clarté.
  5. Pratique rituelle
    • REAA : Les rituels du REAA sont riches et variés, avec une progression dramatique à travers les degrés. Ils intègrent des éléments théâtraux, notamment dans les hauts grades, ce qui rend les tenues vivantes et immersives. Cependant, leur complexité peut demander un investissement important. Note : 8/10
    • Rite Français : Les rituels du Rite Français sont sobres et élégants, avec un accent sur la réflexion et le débat. Ils sont moins théâtraux que ceux du REAA, mais leur simplicité permet une grande liberté d’interprétation. Note : 7/10
    • Rite d’Émulation : Le Rite d’Émulation est connu pour la beauté et la précision de ses rituels, qui doivent être mémorisés et récités avec exactitude. Cette rigueur confère une harmonie unique aux tenues, mais peut être perçue comme rigide par certains maçons. Note : 9/10

Vainqueur : Le Rite d’Émulation, pour la perfection et l’élégance de ses rituels.

Tableau récapitulatif

CritèreREAARite FrançaisRite d’Émulation
Symbolisme9/106/107/10
Spiritualité9/105/107/10
Engagement sociétal7/109/104/10
Accessibilité6/108/106/10
Pratique rituelle8/107/109/10
Total39/5035/5033/50

Une concurrence fraternelle : Quel rite choisir ?

Ce banc d’essai montre que chaque rite a ses forces et ses spécificités, et qu’aucun n’est intrinsèquement supérieur aux autres. Le choix d’un rite dépend avant tout de votre sensibilité et de vos aspirations maçonniques :

  • Si vous cherchez une quête spirituelle profonde et une richesse symbolique, le REAA est fait pour vous. Sa structure en 33 degrés offre un parcours initiatique complet, idéal pour les maçons en quête de transcendance et d’ésotérisme.
  • Si vous êtes animé par un engagement sociétal et une approche humaniste, le Rite Français saura vous séduire. Son héritage des Lumières et sa simplicité en font un rite accessible et engagé, parfait pour ceux qui veulent agir dans la cité.
  • Si vous privilégiez la tradition, la discipline, et la beauté des rituels, le Rite d’Émulation est un choix judicieux. Sa rigueur et son élégance séduisent les maçons attachés à une pratique formalisée et à une spiritualité déiste.

En France, ces trois rites coexistent harmonieusement au sein de différentes obédiences. Le REAA est majoritaire à la GLDF et dans certaines loges du GODF, le Rite Français est le rite de référence du GODF, et le Rite d’Émulation est pratiqué par des loges affiliées à la Grande Loge Nationale Française (GLNF) une obédiences en relation avec la GLUA. Cette diversité est une richesse, car elle permet à chaque maçon de trouver le chemin qui lui correspond.

Une perspective contemporaine : Les rites face aux défis d’aujourd’hui

Image générée par Intelligence Artificielle
Image générée par Intelligence Artificielle

À l’heure où la Franc-maçonnerie doit s’adapter aux défis du XXIe siècle – numérisation, attentes des nouvelles générations, méfiance du public – ces rites ont chacun un rôle à jouer. Le REAA, avec sa profondeur spirituelle, peut répondre aux aspirations des maçons en quête de sens dans un monde matérialiste, comme l’a souligné Lionel Obadia dans The Conversation (31 mars 2025), en notant que l’IA réactive des croyances mystiques. Le Rite Français, avec son engagement sociétal, est bien placé pour dialoguer avec la société profane, comme le montre l’ouverture de la loge “La Flandre” à Bruges après un acte de vandalisme (VRT NWS, 3 avril 2025). Enfin, le Rite d’Émulation, par sa rigueur, peut préserver les traditions tout en attirant ceux qui recherchent une discipline spirituelle.

Une fraternité dans la diversité

Ce banc d’essai des rites REAA, Français, et d’Émulation illustre la beauté de la Franc-maçonnerie : une diversité de chemins menant à une même lumière. Chacun de ces rites, avec ses forces et ses particularités, contribue à l’édifice maçonnique, dans un esprit de concurrence fraternelle. Comme le pavé mosaïque, qui unit le blanc et le noir en une harmonie parfaite, ces rites nous rappellent que nos différences sont une source d’enrichissement.

Sœurs et Frères, quel que soit le rite que vous pratiquez, qu’il soit pour vous un outil de Sagesse, de Force, et de Beauté. Que votre quête de lumière soit toujours guidée par la fraternité et l’humilité, pour que nous puissions, ensemble, réunir ce qui est épars.

Parler de Dieu ou l’Entendre ?

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Avez-vous déjà ressenti l’appel de l’inconnu ? Avez-vous déjà senti l’invisible se manifester ? C’est autour de ces interrogations que de multiples rencontres avec les « expérimentateurs de l’AME » viennent enrichir le parcours de vie étonnant d’Henri May : Lévitation, bilocation, clairvoyance, tunnel de la mort… Dès son enfance et au cours de sa vie, il a été percuté par l’extraordinaire. Ses démarches ésotériques dans le domaine du Reiki comme dans celui de la Franc-maçonnerie des hauts grades et celui des démarches rosicruciennes en font un témoin circonstancié de l’invisible.

Témoignage partagé en empathie avec de nombreux amis. Ces expériences contribuent à instituer en 206 pages ce que les rationalistes intégristes pourraient qualifier de « rassurant » roman initiatique, ce que les esprits en quête de transformation personnelle décoderont comme « signifié », que l’extraordinaire est à la portée de tous. On se croit vraiment important ? Certaines démarches vont nous prouver que nous sommes bien davantage que cela, nous montrer notre véritable grandeur et nous apprendre l’humilité

Henri May professeur de théâtre au Cours Titon (Paris 11°) a été commercial puis directeur d’agence dans la sécurité industrielle pour un grand Groupe américain (Honeywell).Initié à la Grande Loge Nationale Française au Rite Ecossais Ancien et Accepté, il a suivi sa Juridiction en 2012 lors de la création de la Grande Loge de l’Alliance Maçonnique Française où il a été nommé Grand Expert Provincial – En parallèle, il est Maître Reiki et étudiant Rose+Croix

La Loge “La Flandre” à Bruges ouvre ses portes au public : Une réponse fraternelle au vandalisme

De notre confrère belge vrt.be

Dans un geste aussi courageux que symbolique, la loge maçonnique “La Flandre” à Bruges, en Flandre occidentale, a exceptionnellement ouvert ses portes au public le 3 avril 2025, pour démystifier les activités de la Franc-maçonnerie et répondre à un acte de vandalisme survenu en janvier dernier. Fondée en 1881, “La Flandre” est la plus ancienne loge de la région, et cette initiative marque une rupture avec une tradition de discrétion séculaire. À l’heure où la Franc-maçonnerie est souvent entourée de mystères et de préjugés, cette ouverture est une invitation à la transparence et au dialogue. Découvrons cet événement, son contexte, et ce qu’il nous enseigne sur notre propre pratique maçonnique.

Un acte de vandalisme comme déclencheur

Le 4 janvier 2025, alors que les membres de “La Flandre” étaient réunis pour une tenue dans leur atelier de la Beenhouwersstraat, un bruit sourd a interrompu leurs travaux. “Quand quelqu’un est allé voir ce qu’il s’était passé, il y avait du verre et un gros pavé sur le sol. On avait lancé une pierre et brisé la fenêtre au-dessus de la porte”, raconte Philip S., président de la loge. Cet acte de vandalisme, le premier depuis la Seconde Guerre mondiale, a profondément marqué les 90 membres de la loge. “Le fait est que notre loge a été victime d’une agression physique pour la première fois depuis cette période sombre”, ajoute-t-il.

Mercredi, la loge a symboliquement restitué le pavé à la ville. — © Simon Mouton pour nieuwsblad.be

Cet incident n’est pas isolé. En Belgique comme en France, la Franc-maçonnerie est parfois la cible d’actes hostiles, souvent alimentés par des malentendus ou des théories complotistes. En 2016, lors des Journées du Patrimoine à Nantes, une loge avait également ouvert ses portes pour contrer les préjugés, une démarche similaire à celle de “La Flandre”. Plus récemment, le piratage de la Gran Logia de la Masonería del Uruguay, révélé le 1er avril 2025, a montré que les attaques contre la Franc-maçonnerie peuvent aussi prendre une forme numérique, avec la fuite de 13 Go de données sensibles. Ces événements rappellent que, malgré les progrès de la tolérance, notre institution reste parfois incomprise.

“La Flandre” : Une loge historique au cœur de Bruges

Loge « La Flandre » à Bruges- (Crédit photo : Koen Theuns)

Fondée en 1881, “La Flandre” est la plus ancienne loge maçonnique de Flandre occidentale. Depuis plus d’un siècle, elle se réunit dans un bâtiment discret de la Beenhouwersstraat, au centre de Bruges, une ville surnommée la “Venise du Nord” pour ses canaux et son patrimoine médiéval. Derrière une façade charmante, qui ne laisse rien deviner de son usage, se cachent des espaces empreints de symbolisme : une grande salle de réunion, un bar, une salle de banquets, et un temple impressionnant, décoré dans un style marqué par l’égyptomanie des années 1910. Cette influence égyptienne, visible dans les éléments décoratifs des murs, reflète une fascination pour les mystères antiques qui a inspiré de nombreux maçons à cette époque, notamment dans les rites comme le Rite Écossais Ancien et Accepté (REAA).

Le temple de “La Flandre” est organisé selon une disposition classique : deux rangées de chaises de part et d’autre de la salle, symbolisant l’équilibre et l’harmonie, et trois tables à l’avant pour le président, le secrétaire, et l’orateur invité. Ces lieux, où les membres se réunissent deux fois par mois, étaient jusqu’à récemment réservés exclusivement aux maçons, soit environ 90 personnes. Pendant des décennies, aucune personne extérieure n’avait franchi le seuil de cet atelier, un terme que les maçons utilisent pour désigner leur espace de réunion, en écho à l’idée de “travailler” sur soi et sur les idéaux maçonniques.

Démystifier les activités maçonniques

L’acte de vandalisme a poussé “La Flandre” à revoir sa position sur la discrétion. “Nous choisissons de nous réunir dans un lieu fermé afin de pouvoir parler librement. Il ne faut pas oublier qu’autrefois, les francs-maçons étaient persécutés”, explique Philip S. Cette discrétion, héritée d’une histoire marquée par les persécutions – notamment sous les régimes autoritaires ou lors des tensions religieuses – est une tradition maçonnique bien ancrée. Mais elle alimente aussi les fantasmes et les rumeurs.

“De nombreuses histoires rocambolesques circulent sur ce qui se passe derrière les murs de notre loge”, confie Philip S. “Je les connais aussi, bien sûr. On raconte que les candidats doivent subir des tests physiques douloureux pour devenir membres, que nous sacrifions des animaux, et que nous nous livrons à des rituels de sacrifice. Mais c’est évidemment totalement faux.” Ces préjugés, souvent véhiculés par des récits complotistes, rappellent ceux auxquels font face les obédiences françaises. En 2017, l’historien Jimmy Koppen, interrogé par VRT NWS, soulignait que l’idée d’une influence occulte des loges – par exemple lors de l’élection du recteur de l’université de Gand – était largement exagérée. “Si les loges avaient autant de pouvoir, il n’aurait pas fallu neuf tours de scrutin pour élire Rik Van de Walle”, ironisait-il.

À “La Flandre”, les activités sont bien plus prosaïques et humanistes. “C’est là l’essentiel de nos activités : nous organisons des conférences sur des sujets socialement pertinents, comme l’avortement et l’euthanasie, par exemple”, précise Philip S. Ces débats, menés dans un esprit de tolérance et de réflexion, sont au cœur de la démarche maçonnique : offrir un espace où les idées peuvent être échangées librement, loin des dogmes et des passions profanes. “Et oui, certains rituels font partie de nos traditions”, ajoute-t-il, en référence aux cérémonies symboliques qui rythment la vie d’une loge, comme l’initiation ou l’élévation aux grades supérieurs.

Une ouverture au public pour briser les préjugés

Loge « La Flandre » à Bruges- (Crédit photo : Koen Theuns)

Face à l’acte de vandalisme, les membres de “La Flandre” ont décidé de transformer cette agression en une opportunité. “Nous avons pris le temps de réfléchir sérieusement à cette décision, et nous avons conclu qu’il était nécessaire d’agir ainsi”, explique Philip S. “Cela permet de mettre un terme aux nombreux ragots qui circulent sur nous.” Le 3 avril 2025, la loge a donc ouvert ses portes au public, une première en plus d’un siècle. Les visiteurs ont pu découvrir le bâtiment, visiter le temple, et poser leurs questions aux membres.

Cette initiative s’inscrit dans une démarche plus large d’ouverture, déjà observée dans d’autres contextes maçonniques.

À Bruges, “La Flandre” va plus loin en annonçant une ouverture accrue à l’avenir. “Toute personne ayant des questions pourra nous les poser librement”, promet Philip S. De plus, lors des prochaines Journées du Patrimoine, le bâtiment pourra être visité par un nombre limité de participants, une décision qui permettra de faire découvrir ce lieu chargé d’histoire et de symbolisme. L’escalier menant au temple, les éléments égyptiens des murs, et les salles de réunion – comme celle photographiée par Koen Theuns – offrent un aperçu de l’univers maçonnique, où l’architecture elle-même est une invitation à la réflexion.

Un contexte belge marqué par la diversité maçonnique

L’initiative de “La Flandre” doit être replacée dans le contexte de la Franc-maçonnerie belge, riche et diversifiée. En Belgique, la Franc-maçonnerie s’est implantée dès le XVIIIe siècle, sous l’influence des Pays-Bas autrichiens, puis de la France et des Pays-Bas. Elle a connu des périodes de reflux – notamment en 1786, 1814, 1854, et pendant l’occupation nazie de 1940-1944 – mais aussi des moments de grande vitalité. À Bruges, “La Flandre” est un exemple de cette diversité : fondée en 1881, elle s’inscrit dans le courant flamand et progressiste, qui s’est structuré au XIXe siècle autour de loges comme “Les Amis du commerce et la persévérance réunis” à Anvers. En 1876, la loge “Les Élèves de Thémis”, également à Anvers, fut la première à travailler en flamand, et en 1890, la loge “Marnix van Sint-Aldegonde” devint la première loge entièrement flamande.

“La Flandre” appartient probablement au Grand Orient de Belgique (GOB), l’obédience la plus ancienne du pays, qui travaille dans les trois premiers degrés (Apprenti, Compagnon, Maître) et se caractérise par une approche adogmatique, ouverte aux débats sociétaux. Cependant, la Belgique compte d’autres obédiences, comme la Grande Loge de Belgique (GLB), la Grande Loge Régulière de Belgique (GLRB), ou la Grande Loge Féminine de Belgique (GLFB), fondée en 1981. Cette diversité reflète les tensions historiques entre tradition et modernisme, spiritualisme et pragmatisme, qui ont façonné la Franc-maçonnerie belge.

Une leçon pour la Franc-maçonnerie française

En France, où la Franc-maçonnerie est également plurielle – avec des obédiences comme le Grand Orient de France (GODF), la Grande Loge de France (GLDF), ou la GLFF – l’initiative de “La Flandre” résonne comme un appel à la vigilance et à l’ouverture. Les actes de vandalisme, bien que rares, ne sont pas inconnus. En 2013, le siège du GODF à Paris avait été tagué avec des inscriptions antimaçonniques, un incident qui avait conduit à des débats sur la nécessité de mieux communiquer avec le public profane.

L’ouverture de “La Flandre” nous rappelle que la discrétion, si elle protège notre liberté de pensée, peut aussi alimenter les malentendus.

Une démarche fraternelle et courageuse

En ouvrant ses portes, “La Flandre” transforme une agression en une opportunité de dialogue. Cette démarche, qui allie courage et fraternité, est un exemple pour toutes les loges maçonniques, en Belgique comme en France. Elle nous rappelle que notre quête de lumière ne doit pas se limiter à nos temples, mais s’étendre à la société profane, pour dissiper les ombres de l’ignorance et de la méfiance. Comme le dit un adage maçonnique, “réunir ce qui est épars” est notre devoir : en tendant la main aux curieux, “La Flandre” incarne cet idéal.

Sœurs et Frères, prenons exemple sur nos frères de Bruges. Que cette initiative nous inspire à ouvrir nos propres portes – symboliquement et littéralement – pour faire rayonner les valeurs de liberté, d’égalité, et de fraternité qui nous animent. Et que nos travaux, comme ceux de “La Flandre”, soient toujours placés sous le signe de la Sagesse, de la Force, et de la Beauté.

Trop d’obédiences, pas assez de fraternité

La fragmentation de la Franc-maçonnerie, avec ses 30 obédiences en France, représente-t-elle sa plus grande menace existentielle? Cette question fondamentale traverse notre nouvel Épisode et nous emmène au cœur d’un paradoxe troublant.

Pourquoi les Francs-maçons, qui célèbrent l’unité dans leurs rituels et aspirent à « rassembler ce qui est épars », s’engagent-ils constamment dans un processus de subdivision? Nous explorons cette contradiction française – cette tendance culturelle à créer des structures toujours plus spécifiques au lieu de chercher ce qui nous rassemble.

Partagez vos pensées dans les commentaires: la multiplication des obédiences est-elle une richesse ou une faiblesse? Et si vous n’êtes pas franc-maçon, qu’est-ce qui vous retient? Nous explorerons vos réponses dans notre prochain épisode.

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