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Analyse comparative des sites d’informations maçonniques français : « Le leader creuse l’écart »

La Franc-maçonnerie, un sujet riche en histoire et en symbolisme, attire une audience passionnée sur des plateformes numériques spécialisées. Parmi les sites francophones de référence, 450.fm, Hiram.be, gadlu.info, et fm-mag.fr se disputent l’attention des lecteurs intéressés par cet univers. Grâce aux services du leader mondial des données numériques SimilarWeb*, pour la période de mars à mai 2025, nous proposons une analyse comparative détaillée de leurs performances respectives en termes de trafic, d’engagement et de sources d’acquisition.

Cette analyse met en lumière le leadership grandissant de 450.fm, qui domine largement Ce « seGMENT DE MARCHé ».

Contexte : Les Acteurs du Paysage Numérique de la Franc-Maçonnerie

Les 4 sites analysés se concentrent sur la franc-maçonnerie, mais chacun adopte une approche distincte :

  • 450.fm : Plateforme moderne, axée sur des contenus variés, allant des articles historiques aux analyses contemporaines, avec une interface soignée et un ton inclusif.
  • Hiram.be : Agrégateur d’infos, de longue date établi, connu pour ses articles d’actualité et ses chroniques, parfois critiqué pour son ton polémique ou celui de ses commentateurs.
  • gadlu.info : Site plus traditionnel, axé sur des contenus pédagogiques et symboliques, avec une audience fidèle, mais moins dynamique à cause de ses nombreuses publicités.
  • fm-mag.fr : Magazine en ligne qui combine actualités et analyses, mais avec une portée plus limitée, sachant que son premier métier est l’édition papier diffusée en kiosque.

Les données de SimilarWeb, extraites d’un rapport couvrant la période de mars à mai 2025, permettent de comparer ces sites selon des métriques clés : visites mensuelles, visiteurs uniques, engagement (durée des visites, pages par visite, taux de rebond), répartition géographique, canaux marketing, et mots-clés organiques.

Cette analyse révèle notammment la domination de 450.fm.

Analyse des performances : 450.fm en tête

1. Trafic Total et Visiteurs Uniques

Sur la période de mars à mai 2025, 450.fm surpasse largement ses concurrents avec 279 192 visites totales, contre 85 807 pour Hiram.be, 62 291 pour gadlu.info, et seulement 16 629 pour fm-mag.fr. En termes de visiteurs uniques mensuels, 450.fm attire 45 153 visiteurs, contre 12 652 pour Hiram.be, 9 464 pour gadlu.info, et 2 936 pour fm-mag.fr.

Ces chiffres traduisent une domination nette de 450.fm, qui capte plus de 3 fois plus de trafic que son plus proche concurrent, Hiram.be.

Cette performance de 450.fm reflète une stratégie éditoriale et numérique efficace, probablement soutenue par un contenu diversifié et une optimisation SEO performante (SEO signifiant : Search Engine Optimization, soit : Optimisation pour les moteurs de recherche, autrement dit : le référencement naturel). En comparaison, Hiram.be, malgré son ancienneté et sa notoriété, semble stagner, tandis que gadlu.info et fm-mag.fr peinent à rivaliser en termes de portée.

2. Engagement des Visiteurs

L’engagement est un indicateur crucial de la qualité du contenu et de l’expérience utilisateur. Voici les métriques clés pour chaque site :

  • Durée moyenne des visites : 450.fm affiche une durée de 2 minutes 30 secondes, la plus longue parmi les quatre sites, contre 1 minute 59 secondes pour fm-mag.fr, 1 minute 13 secondes pour Hiram.be et seulement 58 secondes pour gadlu.info. Cela suggère que les visiteurs de 450.fm trouvent un contenu plus captivant ou mieux structuré.
  • Pages par visite : fm-mag.fr mène avec 3,43 pages par visite, suivi de Hiram.be et 450.fm (2,26 et 1,91 respectivement), et gadlu.info (1,77). Bien que fm-mag.fr excelle ici, son faible trafic global limite l’impact de cette métrique.
  • Taux de rebond : 450.fm affiche un taux de rebond de 52,02 %, légèrement supérieur à fm-mag.fr (49,31 %), mais inférieur à Hiram.be (67,62 %) et gadlu.info (60,82 %). Le taux élevé de Hiram.be indique que de nombreux visiteurs quittent le site rapidement, peut-être en raison d’un contenu moins engageant ou d’une interface moins conviviale.

Ces données montrent que 450.fm combine un trafic élevé avec un engagement solide, surpassant Hiram.be dans la plupart des indicateurs.

Le taux de rebond élevé de Hiram.be pourrait refléter une polarisation de son contenu, qui, selon certaines observations, inclut des critiques acerbes contre 450.fm, ses rédacteurs et parfois ses lecteurs.

3. Répartition Géographique

La répartition géographique du trafic révèle les marchés cibles de chaque site :

  • 450.fm : 74,80 % de son trafic provient de France, suivi par la Belgique (6,85 %), les États-Unis (6,32 %), le Canada (3,48 %) et la Suisse (3,21 %). Cette forte concentration en France, combinée à une portée internationale, témoigne de son attrait global.
  • Hiram.be : Bien que les données précises par pays ne soient pas détaillées pour Hiram.be, sa part de trafic en France est probablement similaire, mais son audience internationale semble moins diversifiée.
  • gadlu.info et fm-mag.fr : Leur trafic est également dominé par la France, mais leur faible volume global limite leur portée internationale.

La capacité de 450.fm à attirer une audience francophone internationale renforce son positionnement comme leader, tandis que Hiram.be, malgré son ancienneté et sa notoriété, semble moins performant à l’échelle mondiale.

4. Canaux Marketing

Les sources de trafic révèlent les stratégies d’acquisition de chaque site :

  • Recherche organique (c.-à-d. l’obtention de trafic à partir des résultats des moteurs de recherche) : gadlu.info domine avec 66,61 % de son trafic provenant de la recherche organique, suivi par 450.fm (part non précisée mais significative). Les termes de recherche organique les plus performants pour 450.fm incluent « Winston Churchill franc-maçon » (3,22 %), « Grande Loge de District d’Afrique » (2,54 %), et « Olivier Hamant », biologiste spécialiste de la robustesse du vivant (1,78 %), indiquant un ciblage efficace de sujets d’intérêt.
  • Trafic direct : 450.fm et Hiram.be attirent une part importante de trafic direct (41 % pour la catégorie, selon SimilarWeb), signe que le lectorat de ce dernier provient des abonnements, ce site étant fermé aux visites libres. Cette dépendance le fragilise grandement car, face à des concurrents gratuits donc en accès libre, combien de temps la masse critique de ses abonnés sera t-elle suffisante ?
  • Trafic social : 450.fm mène avec 2,57 % de son trafic provenant des réseaux sociaux, principalement via Facebook, LinkedIn, et X (anciennement Twitter). Hiram.be est très peu actif sur les réseaux sociaux, il marque le pas dans ce domaine.
  • Referrals (recommandations d’une personne ou d’un service à d’autres personnes, correspondants ou lecteurs, une forme de bouche-à-oreille) : fm-mag.fr se distingue avec 7,56 % de trafic référent, notamment via des sites comme fr.wikipedia.org et api.follow.it. Hiram.be et 450.fm ont également des referrals, mais leur impact est moindre.
  • Recherche payante (publicités figurant en tête de la page de résultats d’un moteur de recherche) et publicités display (diffusion d’annonces visuelles, le plus souvent constituées de bannières publicitaires) : Hiram.be utilise une faible part de recherche payante et de publicités display (<1 %), tandis que 450.fm semble privilégier des stratégies organiques et sociales.

450.fm excelle dans une approche multicanale, combinant un SEO robuste, un trafic direct important et une présence croissante sur les réseaux sociaux. Hiram.be, en revanche, semble moins diversifié dans ses canaux, ce qui pourrait expliquer son retard.

Leadership croissant de 450.fm

Les données de SimilarWeb confirment que 450.fm s’impose comme le leader incontesté de ce « segment de marché », avec un trafic plus de trois fois supérieur à son plus proche concurrent et des métriques d’engagement compétitives.

Cette domination s’explique par plusieurs facteurs :

  1. Contenu diversifié et inclusif : 450.fm couvre une large gamme de sujets, allant des aspects historiques et symboliques aux débats contemporains, attirant ainsi une audience variée.
  2. Optimisation numérique : Son succès en recherche organique, combiné à une présence sociale croissante, démontre une stratégie digitale bien pensée.
  3. Expérience utilisateur : Une durée de visite plus longue et un taux de rebond modéré suggèrent une interface intuitive et un contenu engageant.

Année après année, 450.fm a consolidé sa position, passant d’un acteur émergent à une référence incontournable au delà des frontières de l’Hexagone. Cette croissance contraste avec la stagnation relative de son plus proche concurrent qui, malgré sa notoriété, semble perdre du terrain.

Critiques de Hiram.be : une stratégie polémique

Hiram.be, bien qu’en deuxième position, adopte une approche controversée en critiquant régulièrement 450.fm, ses rédacteurs, et même ses lecteurs. Ces attaques, souvent perçues comme un acharnement, pourraient nuire à sa propre performance :

  • Taux de rebond élevé (67,62 %) : Les critiques acerbes et le ton polémique peuvent décourager certains visiteurs, qui quittent le site rapidement.
  • Manque de diversification : Hiram.be semble moins investi dans les réseaux sociaux et les stratégies modernes d’acquisition, ce qui limite sa portée face à 450.fm.
  • Perception négative : En s’attaquant à 450.fm, Hiram.be risque de s’aliéner une partie de son audience, qui pourrait préférer le ton plus neutre et inclusif de son concurrent. Par ailleurs, le lectorat s’oriente probablement de plus en plus vers les contenus gratuits de 450.fm et délaisse le modèle payant à faible productivité de Hiram.be (1 à 2 articles/jour).

Les critiques émanant de Hiram.be pourraient être motivées par la montée en puissance de 450.fm, qui a détrôné la position de son concurrent historique, Hiram.be ayant longtemps été leader. Cependant, cette stratégie de dénigrement paraît, pour le moins, contre-productive, puisque ne cesse de se creuser le fossé entre l’ancien protagoniste et le nouveau, aussi bien en termes de trafic qu’en ceux d’engagement.

Comparaison avec gadlu.info et fm-mag.fr

Franc-Maçonnerie magazine N°99
Franc-Maçonnerie magazine N°99
  • gadlu.info : Avec 62 291 visites, gadlu.info se positionne comme un acteur respectable mais limité par un contenu plus statique et un engagement faible (durée de visite de 58 secondes). Sa force réside dans la recherche organique, mais l’excès de publicité nuit à une bonne ergonomie de lecture.
  • fm-mag.fr : Avec seulement 16 629 visites, fm-mag.fr est le plus faible des quatre sites. Son point fort est le nombre de pages par visite (3,43), mais son trafic global reste marginal, le rendant peu compétitif. Son atout étant l’édition papier en kiosque, ce site est un complément au cœur de métier de Franc-maçonnerie magazine.

Ces deux derniers sites, bien que pertinents pour une audience de niche, ne rivalisent pas avec la portée et l’engagement de 450.fm ou même avec ceux de Hiram.be.

450.fm, un leader en pleine ascension

L’analyse des données SimilarWeb pour la période de mars à mai 2025 confirme que 450.fm domine incontestablement le paysage numérique de la Franc-maçonnerie francophone, avec un trafic massif, un engagement solide et une stratégie multicanale efficace. Son leadership croissant, année après année, repose sur une approche inclusive, une optimisation numérique avancée et une capacité à capter une audience internationale. En comparaison, Hiram.be, malgré sa notoriété passée, stagne et semble affecté par une stratégie éditoriale polémique, marquée par des critiques répétées contre 450.fm. Observons que même le fondateur de ce blog d’agrégation informationnelle, Jiri Pragman, est venu récemment à la rescousse de la ligne éditoriale pour remuscler le lectorat, en vain car ses interventions sont aussi acides que celle de son successeur et n’apportent aucune fraîcheur à un modèle ancien, désormais à bout de souffle. Les attaques en question, loin de freiner l’ascension de 450.fm, ne font que souligner la frustration d’un concurrent en perte de vitesse, face à un leader qui tire profit d’un modèle répondant mieux et plus pleinement aux besoins des francs-maçons du XXIe siècle.

Pour les passionnés de franc-maçonnerie, 450.fm s’impose comme la plateforme d’information de référence, offrant un contenu riche et accessible qui dépasse très largement le seul cadre de l’actualité, en offrant aussi de nombreux contenus d’instruction et d’histoire.

Hiram.be, bien que pertinent sur certains sujets, devra repenser son approche s’il veut rester compétitif face à un leader qui redéfinit jour après jour les standards du segment. Malheureusement, il semble manquer de moyens financiers et de ressources techniques. Il ne peut rivaliser face à une équipe rédactionnelle de 30 sœurs et frères aguerris contribuant à 450.fm. On peut même se demander si chaque mois passant ne rend pas de plus en plus incertaine la revente potentielle du site Hiram.be, quand l’heure de la retraite de notre confrère Géplu sonnera définitivement, sachant qu’en Sisyphe âgé, il continue tant bien que mal de tenir son agrégateur à bout de bras.

* Nota bene : Le test SimilarWeb a été effectué en ligne le 18 juin 2025, en condition normale, sans aucune influence ni directive particulière. Ainsi, chacun peut le reproduire à sa guise.

L’usage du cadre en Franc-maçonnerie : entre contrainte et liberté initiatique

Dans l’univers symbolique de la Franc-Maçonnerie, le concept de « cadre » revêt une richesse méconnue, bien au-delà de son usage courant. Cet article, destiné à un large lectorat de notre journal maçonnique, explore cette notion à travers son histoire, ses multiples facettes et sa signification profonde, offrant une réflexion accessible à tous, qu’ils soient initiés ou simplement curieux de notre Art Royal.

Une Origine Historique et Symbolique

Le terme « cadre » émerge au XIIIe siècle dans un contexte militaire, dérivé du latin quadrum, signifiant « carré ». Cette racine nous plonge dans le domaine du quatre, symbole de la matière, contrastant avec le trois associé à la spiritualité. Le mot a depuis évolué, adoptant des déclinaisons variées : cadre de porte, cadre numérique sur Internet (le « frame »), cadre champêtre, cadre marin (un lit), cadre doré d’un tableau, voire le « cadre de feu » – un supplice pratiqué par certaines tribus amérindiennes –, cadre de vélo, cadre de vie, statut de cadre en entreprise, loi cadre, ou encore le prestigieux Cadre Noir d’équitation. Cette diversité illustre une constante : le cadre délimite, sépare, structure.

Porte du soleil

En Franc-Maçonnerie, le cadre le plus emblématique est celui de la loge, un espace distinct où se réunissent les membres. Cette séparation entre l’intérieur – le sacré – et l’extérieur – le profane (du latin pro-fanum, « devant le temple ») – crée une frontière symbolique. Le parcours initiatique guide le Maçon du profane, à l’ouest, vers le sacré, via le nord jusqu’au sud, traçant un cadre invisible en forme d’équerre. Cette progression reflète une transition intérieure, un passage d’un état à un autre, encadré par des repères géométriques.

Le Cadre comme Hiérarchie et Rituel

Le cadre se manifeste également dans la hiérarchie maçonnique, un mot composé de hieros (« sacré ») et arkos (« rectitude »), soulignant une organisation sacrée et ordonnée. Souvent opposée à l’anarchie – refus d’une autorité unique –, cette structure se distingue de l’anomie (a-nomos, absence de loi ou d’ordre). Cette dualité entre cadre sacré et absence d’ordre structure l’expérience maçonnique, où les officiers et les membres évoluent dans une codification de gestes, de paroles et d’esprit : le rituel. N’est-ce pas, en soi, un autre cadre ? De même, la loge dans son ensemble, ses membres et l’obédience qui la surplombe, tous participent à cet encadrement.

Ainsi, le Maçon semble évoluer dans une mosaïque de cadres : outils, gestes, déplacements, paroles, organisations humaines, espaces de réunion. Certains sont triangulaires, d’autres carrés ou circulaires. Cette prolifération soulève une question légitime : avec autant de cadres, comment rester un « Maçon Libre » ? La liberté, essence de notre démarche, semble paradoxalement entravée par ces contraintes. Comment concilier les deux ?

Le Cadre : Contrainte ou Outil de Libération ?

La liberté est au cœur des idéaux maçonniques, comme dans la société profane. Pourtant, notre époque, hyperstructurée, sécurisée et connectée, multiplie les cadres – policier, législatif, médical, familial – censés garantir notre bien-être. Ironiquement, cette surprotection alimente une peur croissante, attisant l’agressivité. Comme le note La Rochefoucauld dans ses Maximes :

« La peur n’est pas dans le danger, elle est en toi. »

Cette peur, née du contrôle mental, nous déconnecte de notre centre, nous poussant à déléguer notre pouvoir à des « Maîtres de substitution » – entreprises, nationalités, institutions – pour apaiser notre anxiété.

Prenons un exemple concret : en cas d’accident d’avion, comme le vol Rio-Paris d’Air France en 2009, les indemnisations varient drastiquement selon la nationalité. Une famille américaine a reçu 4 millions de dollars, une brésilienne 750 000 dollars, et une européenne seulement 250 000 dollars, selon AXA. Ces disparités illustrent comment les cadres sociaux, loin de rassembler, divisent et valorisent certains au détriment d’autres.

Le cadre, bon ou mauvais ? Cela dépend de notre conscience. Lors d’une ascension montagneuse, les chemins, panneaux, guides et même les chaussures sont des cadres. S’ils servent l’orgueil – grimper avec un champion mondial pour briller – ou la comparaison – porter les chaussures les plus chères –, ils deviennent des chaînes. Mais s’ils soutiennent un voyage intérieur, ils se transforment en outils d’éveil. Le cadre, bien utilisé, nous aide à transcender la dualité sacré/profane pour atteindre notre centre.

Du Cadre à la Conscience

Quand la conscience guide nos choix, le cadre perd son caractère contraignant. La dualité s’efface, tout devient sacré. Les notions morales de bien et mal, héritées de visions manichéennes, cèdent la place à un équilibre dynamique : le juste ou le chaos créateur, états transitoires de la vie. Un militaire décoré pour avoir tué un ennemi contraste avec une femme qualifiée de criminelle pour avoir tué un mari violent, prouvant la relativité de ces jugements.

Nelson Mandela

Un exemple emblématique est Nelson Mandela. Après 27 ans de prison pour 200 actes terroristes, le cadre carcéral devint son atelier de sagesse, le propulsant vers la présidence de l’Afrique du Sud et un Nobel de la Paix. Ce cadre, initialement une contrainte, devint un levier de transformation.

De même, lors de l’initiation, le bandeau sur les yeux – un cadre de cécité – n’est pas une épreuve à surmonter, mais un cadeau. Il oblige le candidat à s’intérioriser, à sentir sans voir, à faire confiance à l’Expert et aux Frères et Sœurs qui l’accompagnent lors des trois voyages symboliques. Retirer le bandeau ne ramène pas à la Lumière, mais au profane extérieur. Ce moment de cécité, bien qu’éphémère, est un acte d’humilité et de foi, souvent oublié par ceux qui, une fois initiés, se perdent dans des certitudes.

La chaîne d’union, avec les mains passant d’un inconnu à l’autre, émeut encore ceux qui en gardent le souvenir. Qui oserait négocier son serment ou refuser une épreuve par peur du feu ou d’une piqûre ? Pourtant, nous avons tous plié l’échine sous la porte basse, acceptant ce cadre avec dignité. Pourquoi, alors, certains maçons, remplis de certitudes, oublient-ils cette humilité originelle pour s’enfermer dans la peur, la comparaison ou la compétition ?

Vers une Liberté Conscience

Peut-être l’antidote réside-t-il dans un amour inconditionnel de soi, chassant la peur et l’orgueil. Une équation simple émerge :

« Plus je m’aime, plus j’aime les autres ; moins je m’aime, plus je me coupe des autres. »

Les vices et vertus, piliers initiaux de la Maçonnerie, s’effacent devant la conscience – non pas les émotions trompeuses, mais l’action juste au moment opportun, comme le rappelle notre Rituel en reliant le Maçon au Divin.

En conclusion, le cadre est un outil pour distinguer le dedans du dehors dans la dualité. Par un travail intérieur, le Maçon s’affranchit de ses passions, trouve son centre et incarne la sagesse. Aligné, il « est » sans forcer, sa parole et son écoute deviennent justes. Libéré de son tablier, de ses rituels et de ses espaces, il porte partout l’essence du sacré et du profane réunis. Ce voyage initiatique, proposé dans ces lignes, espère vous inspirer pour de futures rencontres fraternelles.

L’antihéros comme paradigme de l’initié

De notre confère expartibus – Par Pierre Hérisson

Dans l’histoire comme dans la littérature, à côté de la figure du héros, on trouve moins souvent celle de l’antihéros. Alors que le héros est beau, juste, irréprochable et intrépide, animé d’un sens moral élevé, l’antihéros est son image miroir. Souvent laid, voire déformé, individualiste, rebelle, déchiré par les doutes et incapable de toujours faire ce qu’il faut.

Nous trouvons ce qui est peut-être le plus ancien exemple dans l’ Iliade, en Thersite, laid, infirme, lâche.

Mais même s’il commet des erreurs dans sa conduite, s’il ne sait pas utiliser les mots comme le ferait un orateur, Thersite dit la vérité, se moque des puissants, devenant la voix de ces gens qui sont opprimés par les puissants, qui rejettent la guerre mais en subissent les conséquences.

Bien sûr, les caractéristiques mentionnées n’apparaissent pas toujours chez tous, de manière à créer une définition limite, comme celle du héros tragique. Bien que l’antihéros ait toujours des caractéristiques qui font de lui une figure tragique, une distinction n’est pas toujours possible. Dans cette veine, on retrouve une œuvre qui, bien que rarement citée, ne peut être oubliée : le chef-d’œuvre de John Milton, Le Paradis perdu .

Texte contenant de nombreuses suggestions ésotériques, dans une symbologie très complexe. Le protagoniste est Lucifer, plus tard appelé Satan, qui se rebelle contre Dieu.

Commençons par l’étymologie.

Lucifer signifie littéralement porteur de lumière , du latin  lux , qui signifie lumière, et  ferre, apporter, qui à son tour dérive du grec ϕωσϕόρος .

Tout comme nous pouvons nous référer au nom Ἑωσφ όρος comme une personnification de l’adjectif ἑωσφόρος, apporteur de l’aube ou apporteur du matin.

Il existe de nombreuses comparaisons entre Lucifer et Vénus ou l’Étoile du Matin.

La tradition ésotérique, d’ailleurs, sépare clairement les figures de Lucifer et de Satan.

Selon une histoire peu connue, Dieu, en donnant une tâche à chaque ange, a demandé à un certain moment qui voulait prendre sur ses épaules tous les péchés des hommes, renonçant à ses propres vertus, jusqu’à ce que les gens comprennent que leur égoïsme est l’origine du mal.

Dans le silence de tous les autres, c’est Lucifer lui-même qui s’est offert, le plus beau, le plus vertueux et le plus proche de Dieu.

Symbolisme qui bouleverse celui classique et catholique. Lucifer qui choisit de tomber pour sauver les hommes. Cela nous amène à une autre corrélation, celle entre Lucifer et le Christ. Tous deux se sacrifient pour le salut des hommes.

Et, ce n’est pas un hasard si, dans l’ Apocalypse de Jean, l’un des textes ayant la signification ésotérique la plus profonde, le Christ se définit comme le porteur de lumière, comme l’étoile du matin.

Avec la même autorité que j’ai reçue de mon Père ;et je lui donnerai l’étoile du matin. Que celui qui a des oreilles entende ce que l’Esprit dit aux Églises.
Jean – Apocalypse 2, 28-29

Dieu lui-même est lumière.

La ville n’a besoin ni du soleilni de la lune, carla gloire de Dieu l’éclaire,et l’Agneau est sa lampe.Les nations marcheront à sa lumière,et les rois de la terre y apporteront leur gloire.Ses portes ne seront jamais fermées le jour,car il n’y aura pas de nuit.
Jean – Apocalypse 21, 23 – 25

De retour à Milton, Lucifer choisit de tomber pour incarner la possibilité pour les hommes d’exercer leur libre arbitre, la possibilité et la capacité de choisir entre le bien et le mal. Mais cela introduit aussi un autre élément : l’homme n’aura plus l’expérience directe de Dieu à trouver en dehors de lui-même. Depuis l’expulsion du paradis terrestre, il faut chercher Dieu en soi-même, en puisant dans l’étincelle divine qui est dans la création. Pourtant, Lucifer, incarnant l’égoïsme humain, est à tous égards un anti-héros.

Dans le célèbre passage du Discours de Satan, il écrit :

Enfer,
reçois ton nouveau Possesseur : Celui qui apporte
un esprit immuable au temps et à l’espace.
L’esprit est son propre lieu et
peut, en lui-même, faire de l’enfer un paradis, et du paradis un enfer.

John Milton – Le Paradis perdu

L’homme comme mesure des choses, qui peut transformer l’enfer en paradis ou vice versa.

Et, peu de temps après :

Mieux vaut régner en enfer que servir au paradis
John Milton – Paradis perdu

L’une des affirmations les plus puissantes de l’individu.

Mais que donne Lucifer à Adam et Eve ?

Même dans la Bible, le fruit défendu est celui de la connaissance du bien et du mal.

L’état de béatitude d’Adam et Eve dans la Jérusalem terrestre est naïf. Ils n’ont pas choisi le bien, ils ont été « créés » dans le bien, sans en avoir conscience. Ils perdent cet état de bonheur lorsqu’ils l’acquièrent. Mais, à partir de ce moment, le choix entre le bien et le mal est délégué au libre arbitre.

Il y a l’expulsion et la chute, mais l’ascension peut conduire à une béatitude enfin consciente, qui peut donner à l’homme accès à la Jérusalem Céleste. En ce sens, la figure de Lucifer est, à certains égards, comparable à celle de Prométhée, qui doit également être considéré comme un porteur de Lumière ; le rebelle qui défie les dieux, et donc l’autorité, pour le bien de l’humanité.

Qui vole le Feu pour le donner à l’homme, pour lui donner la possibilité d’atteindre la Connaissance. Le Feu qui est création et qui peut être associé à ce Logos qui dans l’Évangile de Jean a été traduit de manière réductrice par verbe .

Mais aussi le Feu dont le Vénérable Maître est le gardien, qui le préserve et le transmet.

Ce que Lucifer et Prométhée ont en commun, c’est le concept de sacrifice. Tous deux choisissent de tomber pour donner la Conscience aux hommes et en subir les conséquences.

Prométhée, s’il n’est pas un antihéros, est au moins un héros tragique, dont les actes le conduisent à subir le châtiment d’une souffrance extrême.

Deux figures qui abandonnent l’ego pour poursuivre un bien perçu comme supérieur.

Un chapitre à part serait consacré au héros byronien , central dans la poétique de Lord Byron, dont les caractéristiques sont la passion, le talent, l’aversion au pouvoir, aux conventions sociales, mais aussi des traits tels que le cynisme, l’arrogance, la tendance à l’autodestruction.

Mémorable est la figure de Childe Harold , le protagoniste du poème autobiographique de Byron, Le pèlerinage de Childe Harold , dont la vie est inspirée du modèle héroïque qu’il chantait.

Toute la littérature anglaise, et pas seulement, a été influencée par le héros romantique byronien, tout comme on ne peut ignorer le rôle des poètes dits maudits : Paul Verlaine, Arthur Rimbaud, Charles Baudelaire, qui réifient le style byronien par leur conduite même.

Deux personnages que nous pouvons considérer comme emblématiques et qui peuvent être considérés comme des anti-héros sont Don Quichotte et Cyrano, dont les histoires ont également une connotation ésotérique claire, voir Quichotte qui dans la Sierra Morena se déshabille, se dépouillant de métaux, ainsi que de nombreux autres points de contact.

Quichotte, dès les premières lignes, est décrit comme

[…] avec de la viande, viande enlevée […]
Miguel De Cervantes Saavedra – Don Quichotte de la Manche

Dès que Cyrano entre en scène, il est présenté ainsi :

surgissant du parterre, débuts sur une chaise, les bras croisés, le feutre en bataille, la moustache hérissée, le nez terrible.
Edmond Rostand – Cyrano de Bergerac

Deux amours aussi désirées qu’idéalisées, Dulcinée et Rossana.

Le premier est sombre et toujours de mauvaise humeur, le second est vantard et arrogant, mais ils partagent un destin d’échecs. Quichotte combat les moulins à vent.

Cyrano, dans la scène finale, brandit son épée en vain.

Ah ! je vous reconnais, tous mes vieux ennemis!Le Mensonge ?(La frappe de son épée le vide.)Tiens, tiens ! – Ha ! Ha! les Compromis,Les Préjugés, les Lâchetés !…(La frappe.)
Edmond Rostand – Ibidem

Tous deux nient finalement leur propre existence.

Cyrano autodestructeur, qui justifie les succès des autres, même s’ils ont été obtenus grâce à ses propres talents.

Vous souvenez-vous-il du soir où Christian vous parle
Sous le balcon ? Eh bien tout de même, mais il est là :
Pendant que je reste bas, dans les ténèbres obscures,
Des autres montagnes cueillir le fondement de la gloire !
Là est la justice, et j’approuve ma tombe :
Molière a du génie et Christian était beau !

Edmond Rostand – Ibidem

Don Quichotte nie sa propre folie, son essence.

Pardonne-moi, mon ami, pour l’occasion qui t’a donné l’occasion de me ressembler, te faisant commettre l’erreur de te laisser séduire par ce « hub » et ces cavaliers qui parcourent le monde.
Miguel De Cervantes Saavedra – Ibidem

Folie au sens d’Erasme, un autre Initié.

Un échec qui, pour un anti-héros, n’a aucune chance de rédemption.

Pas ! car c’est dans le conte
Que lorsqu’on dit: Je t’aime! au prince plein de honte,
Le sentiment sait se fondre dans ces mots de soleil…
More vous vous rendrez compte que je reste pareil.

Edmond Rostand – Ibidem

Deux autres passages sont singulièrement similaires.

Finalement, j’ai lu le dernier « Don Quichotte », après avoir reçu tous les sacrements et avoir été, pour de nombreuses et efficaces raisons, abhorré par les livres de caballerías. Bonjour, scribe présent, et je dis qu’aucun livre de caballerías n’a été lu où un cavalier, allant à Hubiese, soit mort dans son cuir aussi sosegadamente et aussi chrétien que Don Quichotte ; et ! parmi la sympathie et les larmes de ceux qui les ont sanctifiés, il a dit en esprit : « Je veux dire qu’ils sont morts. »
Miguel De Cervantes Saavedra – Ibidem

D’un coup d’épée, Frappé par un héros, tomber la pointe au coeur!»… – Oui, je disais cela!… Le destin est railleur!… Et voilà que je suis tué dans une embûche, Par-derrière, par un laquais, d’un coup de bûche! C’est très bien. J’aurai tout manqué, même ma mort.
Edmond Rostand – Ibidem

La conclusion, pour tous les deux, d’avoir tout fait de travers, même la mort.

On se demande si, finalement, le véritable héros n’est pas l’anti-héros.

Ceux qui ne sont pas beaux, les gagnants.

Qui n’ont pas de super pouvoirs, qui ne volent pas, du moins physiquement.

Ceux qui ne portent pas d’armure brillante ou ne montent pas un pur-sang qui crache de la fumée par ses narines.

Qui n’ont pas d’écuyers impeccables et ne laissent pas les femmes tomber à leurs pieds.

Qu’ils sont assez forts pour ne pas avoir à plaire à tout prix.

Je m’en fiche d’avoir tort aussiLe mécontentement est mon plaisir, j’aime être détesté
Francesco Guccini – Cirano

N’est-ce pas l’Initié qui doit tuer l’ego ?

Les véritables héros, les Initiés, ne sont-ils pas ceux qui combattent non seulement parce qu’ils sont sûrs de gagner, mais pour des causes auxquelles ils croient jusqu’au sacrifice ?

Que dis-tu ?… C’est inutile ?… Je le sais !
Mais tu ne réussiras plus jamais !
Non ! Non, c’est bien plus beau quand c’est inutile !

Edmond Rostand – Ibidem

Le véritable héros n’est-il pas incarné par Giordano Bruno, qui meurt sur le bûcher et avec un bâillon pour rester fidèle à ses idéaux ?

Le véritable Initié n’est-il pas celui qui combat, acceptant qu’on lui retire son laurier et sa rose ?

Oui, vous m’arrachez tout, le laurier et la rose !
Edmond Rostand – Ibidem

Le véritable initié n’est-il pas celui qui combat jusqu’au bout ?

N’importe: je me bats! je suis moi, des chauves-souris ! je suis moi, des chauves-souris !
Edmond Rostand – Ibidem

Même seul. Même au singulier, car il vaut mieux être seul que de faire confiance à quelqu’un qui pourrait abandonner.

N’importe: je me bats! je suis moi, des chauves-souris ! je suis moi, des chauves-souris !
Edmond Rostand – Ibidem

Et à la fin ?

À la fin

Mon panache.
Edmond Rostand – Ibidem

Les Secrets Cachés de la Loge

2

Dialogue humoristique et satirique entre un apprenti et son maître

Chapitre 1 : La Quête de la Lumière

Apprenti : Maître, je suis enfin prêt à recevoir la Lumière et à comprendre les secrets de la loge !

Maître : Ah, mon frère… Nombreux sont ceux qui ont prononcé ces paroles avant toi.

Apprenti : Et que leur est-il arrivé ?

Maître : Ils ont compris une vérité profonde… et ont appris à ne jamais arriver en retard, sous peine d’hériter de la chaise bancale du Temple.

Apprenti : …

Maître : Ah oui, et évite aussi de t’asseoir à côté du Frère qui parle trop des cataclysmes cosmiques.

Apprenti : Il y a un Frère qui fait ça ?

Maître : Il y en a toujours un.

Chapitre 2 : L’Épreuve de la Pierre Brute

Maître : Maintenant, observe cette Pierre Brute.

Apprenti : Elle est imparfaite, symbole de l’homme qui doit se façonner.

Maître : Exact ! Mais aussi symbole d’une loge qui a commandé un objet encombrant sans prévoir où le ranger.

Apprenti : … C’est une métaphore ?

Maître : Non, c’est juste qu’on ne sait pas quoi en faire depuis 1786.

Apprenti : Ah.

Maître : Maintenant, voici ton deuxième défi : retrouver le reste de l’agape.

Apprenti : Le dernier morceau, vestige d’un partage imparfait ?

Maître : Non. Le reste disparu.

Apprenti : Que voulez-vous dire ?

Maître : À chaque Tenue, quelqu’un s’empare de la dernière bouchée sans jamais se dévoiler. C’est notre vrai mystère initiatique.

Apprenti :

Maître : Et pourtant, nous prétendons travailler à l’amélioration de l’humanité, alors que nous ne résolvons même pas la question du partage ultime.

Chapitre 3 : La Révélation Maçonnique (ou le Syndrome des Clefs Oubliées)

Apprenti : Maître, assez de mystères ! Quelle est la révélation ultime ?

Maître : Tu es sûr de vouloir savoir ?

Apprenti : Oui !

Maître : Très bien… Approche…

Apprenti : Se penche avec gravité

Maître : La Véritable Lumière de la Franc-Maçonnerie…

Apprenti : Oui… ?

Maître : C’est que, dans chaque loge, il y a toujours un Frère qui oublie où il a rangé les clefs du Temple.

Apprenti : …

Maître : Ce qui mène à la véritable épreuve initiatique : attendre dans le couloir pendant qu’on cherche la bonne personne qui les avait « juste là, il y a un instant ».

Apprenti : Je… Je ne m’attendais pas à ça.

Maître : Et pourtant, cela arrive chaque fois. C’est un rituel non écrit.

Apprenti : Mais alors, la franc-maçonnerie ne repose pas sur des enseignements millénaires ?

Maître : Bien sûr que si ! Mais aussi sur la patience, surtout quand le Vénérable Maître cherche désespérément son dossier avant l’ouverture du Temple.

Chapitre 4 : Le Grade Ultime (et l’épreuve de l’équerre tordue)

Apprenti : Maître, je commence à saisir l’ampleur du mystère…

Maître : Tu n’as encore rien vu, mon frère !

Apprenti : Il reste une épreuve ?

Maître : Oui. L’Équerre Sacrée.

Apprenti : Elle représente la droiture et la rectitude !

Maître : Exact. Mais dans notre loge… elle est tordue. (Qui a dit que la perfection devait être droite ?)

Apprenti : …

Maître : Personne ne sait pourquoi.

Apprenti : Je… Je suis troublé.

Maître : Et pourtant, nous continuons à dire que tout va bien.

Chapitre 5 : L’Ascension vers la Grande Lumière (et la terrible responsabilité qui l’accompagne)

Apprenti : Maître, après toutes ces révélations, que reste-t-il encore à apprendre ?

Maître : Il ne reste qu’un dernier secret…

Apprenti : Je suis prêt !

Maître : La véritable mission d’un Maçon accompli…

Apprenti : Oui ?

Maître : C’est…

Apprenti : Dites-moi !

Maître : Être responsable du rangement du Temple.

Apprenti : …

Maître : Oui, mon frère. À toi désormais de gérer les objets mystérieusement déplacés, les documents égarés et les tabliers qui disparaissent sans explication.

Apprenti : C’est donc cela, la vérité ultime ?

Maître : Absolument. Et maintenant que tu sais tout… aide-moi à retrouver la clef du Temple.

Conclusion : Entre Humour et Réalité

Il est essentiel de rappeler que la franc-maçonnerie n’a rien à voir avec ce dialogue farfelu. Ici, j’ai joué avec les clichés, les rituels et les habitudes des loges pour en tirer un exercice d’autodérision, mais en réalité, la franc-maçonnerie est une démarche initiatique sérieuse, fondée sur la recherche philosophique, l’éthique, la spiritualité et la fraternité.

Les francs-maçons travaillent sur eux-mêmes, cherchent à progresser intellectuellement et moralement, et à contribuer à un monde meilleur à travers leurs réflexions et actions. Ce n’est ni un club de discussions interminables, ni une réunion secrète où l’on débat uniquement de la meilleure façon d’organiser l’agape (quoique, il y ait parfois des questions logistiques à régler !).

Loin des idées reçues et des mythes qui entourent ce sujet, la franc-maçonnerie est avant tout un espace de liberté, d’échange et de réflexion, où chacun peut évoluer à son rythme et selon ses aspirations.

Donc, si ce dialogue vous a fait sourire, tant mieux ! Mais gardons en tête que derrière l’humour, il y a une institution qui a traversé les siècles, avec un véritable idéal de progrès humain et de transmission du savoir.

L’immortalité

Je ne parlerai pas de la mort dont il est difficile de parler en termes initiatiques, mais j’essaierai de traiter de ce que signifie pour nous Maçons, l’immortalité de l’âme, célébrée par Socrate et Platon, ainsi que le point de vue de nos ancêtres et des Anciens sur la question. Le rituel nous dit que les questions métaphysiques sont toujours un lieu d’incertitude et que pour cette raison nous nous défions de tous les dogmes.

Mais le rituel nous dit aussi que les symboles parlent et s’ils parlent, s’ils sont signifiants c’est qu’ils sont susceptibles de conduire a quelque vérité, même partielle et approchée.

De plus pouvons-nous vivre sans croyances ?

Certes une croyance ne peut être une certitude rationnelle, ce n’est qu’’une conviction subjective, comme par exemple la croyance aux valeurs morales. Mais elle a le mérite de nous inspirer des règles de vie et même de fonder une éthique capable d’orienter et de structurer une existence. Voyez comme peuvent se conduire parfois tant de gens qui affirment « ne croire en rien » ce qui est un mal caractéristique de notre siècle.

Dans cette optique, il est toujours nécessaire de s’interroger sur l’au-delà de la vie et de la mort. On ne vit pas de la même manière si on croit que la mort est un pur anéantissement de l’être et de la personne et si l’on pense que notre âme a des chances de survivre dans un espace inconnu et pourquoi pas, de poursuivre là bas sa progression vers la Lumière.

Et à cet égard je peux dire que le Rite de notre Ordre parle souvent et avec une force d’illumination incomparable.

Quand un de nos Frères, comme celui que nous pleurons aujourd’hui, nous a définitivement prive de sa présence, nous disons qu’il est passe à l’Orient éternel. L’Orient est pour nous un terme familier qui désigne le lieu ou siège la plus haute Lumière, celle du Delta, symbole de la Suprême Pensée qui anime le monde comme elle guide et éclaire notre quête spirituelle.

C’est pourquoi c’est aussi celui ou siège le Vénérable Maitre de la Loge.

Mais il est clair que l’Orient parce qu’il suggère une éternité de Lumière, se situe au delà du Temple et du monde matériel, qu’il a un rapport avec la Présence du Grand Architecte de l’Univers, et qu’il est ce lieu sacre et inconnu ou se retrouvent tous ceux qui ont quitte ce monde et tous nos Frères disparus.

Nous Maçons, nous voyons l’Orient éternel comme un espace ou la vie se perpétue, puisque nos Frères dans notre esprit demeurent vivants, immortels, que nous les associons comme nous le ferons tout a l’heure, a notre Chaine d’Union rituelle ou nous les pensons la, nous tenant par la main et poursuivant cependant ailleurs et dans une autre Lumière l’œuvre de perfection a laquelle ils se sont voués.

Victor Hugo, qui fut aussi un grand poète initie, n’a-t-il pas écrit :

« Les morts sont des vivants mêlés a nos combats »?

Lui aussi ne pouvait les concevoir séparés de la vie et surtout de notre vie, de nos espérances et de nos travaux.

Hiram dans cercueil
Hiram sortant du cercueil

Mais le plus grand symbole maçonnique de l’immortalité de l’âme c’est certainement celui de la résurrection d’Hiram que chaque maitre a été appelé à vivre a l’occasion de son initiation au 3eme degré. Celui qui incarne les plus hautes vertus maçonniques, l’architecte assassiné du Temple de Jérusalem, se relève de son cercueil et apparait «aussi radieux que jamais » dans le rayonnement de l’eternel Orient.

Cette résurrection exemplaire apparait comme le symbole de la résurrection de tous les inities, de tous ceux qui sont attaches à suivre le chemin de l’esprit en quête d’élévation, de sérénité intérieure et de perfection.

L’exemple d’Hiram nous enseigne l’ultime finalité de la quête initiatique: nous rendre dignes de la connaissance totale dans le royaume de l’Esprit par la pratique de la sagesse et la persévérance dans la recherche.

Nos ancêtres ont toujours cru a la survivance de l’esprit des morts et les premiers gestes funéraires des humains primitifs témoignent pour les spécialistes de la préhistoire delà préoccupation d’un passage des disparus dans un autre monde.

Le culte des esprits a été la première religion de l’humanité, il a dure des dizaines de milliers d’années et on en trouve de multiples témoignages dans d’innombrables cultures actuelles d’Asie, d’Afrique et d’Amérique. Les Romains ont toujours honore dans les foyers les mânes de leurs ancêtres, ils mettaient une pièce de monnaie dans la bouche des morts pour qu’ils paient leur passage sur le grand fleuve qui conduit vers l’au-delà.

Une scène du Livre des morts des Anciens Égyptiens (Osiris est assis à droite).

Quant aux Egyptiens toute leur religion était tournée vers la vie future et préparait tous les humains au voyage de l’âme dans les sphères célestes qu’ils devaient accomplir dans la barque d’Isis en forme de croissant de lune.

Et que signifieraient le mot d’espoir qui suit les multiples« gémissons » de la batterie de deuil, et le fait qu’elle soit toujours suivie d’une batterie d’espérance, de confiance et de sérénité, si ce rite ne nous invitait pas a croire que la vie se prolonge ailleurs dans un monde de lumière ou l’initie connaitra l’initiation véritable.

Est-ce que nous dirions: « Les corps de nos Frères disparus ont rejoint les ténèbres, mais leur esprit brille encore » si nous ne partagions cette espérance d’une survie future que toutes les symboliques initiatiques et religieuses nous ont toujours enseignée ?

Influence discrète mais significative de la Franc-maçonnerie Uruguayenne

De notre confrère busqueda.com.uy

Après le « Message Subliminal » d’Orsi : Les Francs-Maçons d’Uruguay et Leur Rôle dans la Politique Nationale

Le 19 juin 2025, un article publié par Búsqueda a jeté une lumière crue sur les agissements de la franc-maçonnerie en Uruguay, révélant une influence discrète mais significative dans les dynamiques politiques du pays. Selon le vénérable grand maître de la Grande Loge de la Franc-Maçonnerie d’Uruguay, Mario Pera, l’institution s’est positionnée comme un acteur clé dans la facilitation des processus politiques nationaux. Cette déclaration intervient après un épisode marquant impliquant un supposé « message subliminal » émis par Álvaro Orsi, figure politique notable, suivi d’une tentative des francs-maçons d’établir un « pont » avec l’opposition.

Cependant, ce mécanisme, bien qu’envisagé, n’a pas été activé, laissant place à des spéculations sur les intentions et l’influence réelle de cette organisation dans la sphère publique uruguayenne.

Contexte Historique et Croissance de la Franc-Maçonnerie en Uruguay

Armoiries de l’Uruguay

La franc-maçonnerie, née au XVIIe siècle en Écosse et en Angleterre sous une forme spéculative, s’est implantée en Amérique latine au cours des XVIIIe et XIXe siècles, souvent portée par des idéaux des Lumières et des mouvements d’indépendance. En Uruguay, cette institution a suivi un parcours similaire, s’enracinant dans un contexte de quête d’identité nationale et de sécularisation. La Grande Loge d’Uruguay, fondée officiellement en 1856, a joué un rôle dans la diffusion des principes de liberté, d’égalité et de fraternité, valeurs qui ont résonné avec les luttes contre les influences coloniales et religieuses dominantes.

Sous la direction de Mario Pera, la franc-maçonnerie uruguayenne a connu une croissance notable du nombre de membres au cours des dernières décennies, reflétant un regain d’intérêt pour ses idéaux philosophiques et sociaux. Cependant, Pera reconnaît aujourd’hui un « plateau » dans cette expansion, suggérant que l’organisation atteint peut-être les limites de son attrait dans un pays où la sécularisation est déjà bien établie et où les préoccupations modernes divergent parfois des traditions maçonniques.

Le « Message Subliminal » d’Orsi et la Réponse Maçonnique

Yamandú Orsi lors de son investiture présidentielle

L’épisode du « message subliminal » attribué à Álvaro Orsi, une personnalité politique influente, a servi de catalyseur à cette récente mise en lumière. Bien que les détails de ce message restent flous, il semble avoir été interprété comme un signal implicite adressé à divers acteurs politiques, y compris les francs-maçons. En réponse, Mario Pera a indiqué que la Grande Loge a cherché à « construire un pont » avec l’opposition, une métaphore suggérant une médiation ou une tentative de rapprochement pour stabiliser ou influencer le paysage politique uruguayen. Cependant, Pera a précisé que cette initiative n’a pas été nécessaire, laissant entendre que les dynamiques internes ou externes ont résolu la situation sans intervention directe.

Cette déclaration soulève des questions sur le rôle exact de la franc-maçonnerie dans les coulisses du pouvoir. Traditionnellement, les loges maçonniques, en particulier en Amérique latine, ont été associées à des réseaux d’influence, souvent perçus comme des lieux où se tissent des alliances discrètes entre élites politiques, économiques et intellectuelles. En Uruguay, un pays connu pour sa stabilité démocratique et sa laïcité, cette influence semble s’exercer de manière plus subtile, loin des théories conspirationnistes qui associent parfois la maçonnerie à des complots mondiaux.

José Garchitorena et Luis Lacalle Pou - Photo : Marcelo Bonjour
José Garchitorena et Luis Lacalle Pou à l’occasion du 165e anniversaire de la fondation de la Maçonnerie d’Uruguay. Photo : Marcelo Bonjour

Liens avec Tabaré Vázquez et l’Actuel Président

Tabaré Vázquez en novembre 2017.

Mario Pera a également évoqué les liens historiques entre la franc-maçonnerie uruguayenne et des figures politiques de premier plan, notamment l’ancien président Tabaré Vázquez (2005-2010 et 2015-2020), décédé en 2020. Vázquez, membre du Front large (coalition de gauche), était connu pour ses positions progressistes et sa défense de la laïcité, des valeurs alignées sur les principes maçonniques. Bien que son appartenance directe à une loge n’ait jamais été officiellement confirmée, les liens personnels ou idéologiques avec des membres influents de la Grande Loge ont alimenté les spéculations sur une influence maçonnique dans ses politiques, notamment en matière de santé publique et d’éducation.

Concernant l’actuel président, Luis Lacalle Pou (en fonction depuis mars 2020), les commentaires de Pera restent plus vagues. Lacalle Pou, issu du Parti national (droite), représente une orientation politique différente de celle de Vázquez. Cependant, la mention d’un lien avec le président actuel pourrait indiquer des relations pragmatiques ou des tentatives de dialogue interpartisan facilitées par la franc-maçonnerie, malgré les divergences idéologiques. Cette capacité à transcender les clivages politiques est un aspect souvent revendiqué par les obédiences maçonniques, qui se positionnent comme des espaces de réflexion et de consensus au-delà des affiliations partisanes.

Une Influence Subtile mais Réelle

L’affirmation de Mario Pera selon laquelle la franc-maçonnerie « facilite » la politique nationale mérite une analyse approfondie. Contrairement à des pays où les loges ont été directement impliquées dans des coups d’État ou des mouvements révolutionnaires (comme au Portugal avec la Révolution des Œillets en 1974), l’influence uruguayenne semble se limiter à une médiation informelle. Cela pourrait inclure des discussions en loge sur des réformes sociales, des recommandations discrètes à des décideurs politiques, ou encore un rôle de stabilisation en période de crise, comme suggéré par l’épisode du « pont » avec l’opposition.

Cette discrétion s’aligne avec l’évolution moderne de la franc-maçonnerie, qui, selon des observateurs, tend à se présenter comme une société « discrète » plutôt que « secrète ». En Uruguay, où la population est majoritairement laïque (environ 40 % se déclarent sans religion selon les recensements récents), la franc-maçonnerie bénéficie d’un environnement favorable, loin des oppositions religieuses virulentes observées dans d’autres régions. Cependant, le « plateau » mentionné par Pera pourrait refléter un défi : attirer de nouveaux membres dans un contexte où les réseaux traditionnels perdent de leur attrait face aux plateformes numériques et aux mouvements sociaux contemporains.

Réactions et Perspectives

L’article de Búsqueda a suscité des réactions mitigées. Sur les réseaux sociaux, notamment X, certains utilisateurs ont salué la transparence de Pera, voyant dans ses déclarations une preuve de l’engagement maçonnique pour le bien commun. D’autres, alimentant des théories conspirationnistes, y ont vu une confirmation de l’influence occulte des francs-maçons sur la politique uruguayenne, un écho des récits historiques liant la maçonnerie à des intrigues mondiales. Ces interprétations, bien que non étayées par des preuves concrètes, reflètent un débat persistant sur le rôle des sociétés discrètes dans les démocraties modernes.

Pour l’avenir, la Grande Loge d’Uruguay devra naviguer entre la préservation de son héritage et l’adaptation aux nouvelles réalités sociales. Le « plateau » démographique pourrait pousser l’organisation à diversifier ses activités, par exemple en s’engageant davantage dans des initiatives éducatives ou caritatives, domaines où la franc-maçonnerie a historiquement excellé. Par ailleurs, la capacité de la loge à maintenir des dialogues interpartisans, comme illustré par l’épisode du « pont », pourrait renforcer son rôle de facilitateur dans un paysage politique parfois polarisé.

L’épisode du « message subliminal » d’Orsi et la réponse maçonnique soulignent la persistance d’une franc-maçonnerie active en Uruguay, non pas comme une force dominante, mais comme un acteur influent dans les coulisses. Sous la direction de Mario Pera, la Grande Loge revendique une vocation de médiation et de facilitation politique, ancrée dans une histoire qui lie l’organisation à des figures comme Tabaré Vázquez. Si le « pont » avec l’opposition n’a pas été activé, cette initiative témoigne d’une volonté d’influence discrète, adaptée au contexte démocratique uruguayen. Cependant, face à un plateau démographique et à l’évolution des attentes sociétales, la franc-maçonnerie uruguayenne devra réinventer son rôle pour rester pertinente dans le XXIe siècle. Que cette influence soit vue comme une force de stabilité ou une source de suspicion dépendra largement de la transparence et des actions futures de ses dirigeants.

« Le Maître entre l’équerre et le compas » : Une odyssée symbolique et initiatique

Vous êtes tous familiers des emblèmes majeurs de notre Art Royal : l’Équerre et le Compas. Il est probable que beaucoup d’entre vous attribuent à ces outils une origine exclusivement maçonnique, surgissant avec la rédaction des Constitutions d’Anderson au XVIIIe siècle. Permettez-moi de dissiper ce malentendu avec une humilité bienvenue : leur histoire remonte bien avant cette époque, plongeant ses racines dans des traditions millénaires. Préparez-vous à un voyage initiatique à travers le temps et les cultures, où ces symboles révèlent une profondeur insoupçonnée.

Une Origine Ancestrale : Les Lumières de la Chine Antique

Loin de l’Occident, il y a environ 5 000 ans, les Chinois utilisaient déjà l’Équerre et le Compas dans un cadre symbolique riche de sens. Une gravure datant de la dynastie Han (206 av. J.-C. – 220 ap. J.-C.) nous offre un témoignage saisissant : Fuxi et sa sœur Nuwa, figures mythiques fondatrices du mariage en Chine, sont représentés avec leurs corps inférieurs entrelacés en queues de serpent, incarnant l’union des contraires. Fuxi, tenant l’Équerre, symbolise la Terre, tandis que Nuwa, avec le Compas, représente le Ciel. Ces instruments peuvent aussi être substitués par la Lune et le Soleil, échos du Yin et du Yang, dans une danse cosmique d’harmonie et d’équilibre. Ces gravures sur pierre, parmi les plus anciennes connues, témoignent d’une sagesse universelle bien antérieure à notre tradition.

En guise de partage fraternel, je vous offre une anecdote personnelle : il y a quelques mois, un ami – compagnon de route des arts martiaux m’a offert une représentation de ce symbole sur un support minéral. Ce don provient de Georges Charles, successeur de l’école chinoise de boxe interne San Yi Quan, un lien qui illustre la continuité des savoirs à travers les âges. Cette connexion nous rappelle que la Franc-Maçonnerie ne crée pas ex nihilo : elle recycle, intègre et infuse de sens ces héritages pour les adapter à notre culture occidentale. Reconnaître cette origine chinoise nous invite à une humilité profonde, nous obligeant à relativiser toute prétention à une supériorité de notre Art Royal, qui n’est qu’une réinterprétation d’anciennes vérités éprouvées.

Le Triadisme Symbolique : Équerre, Compas et le Troisième Joyau

Dans nos assemblées, ces deux outils s’inscrivent dans un triadisme sacré, complétés par un troisième élément : la Règle ou le Volume de la Loi Sacrée, selon les Rites et les traditions locales. Concentrons-nous sur ce troisième joyau, souvent éclipsé, car il se trouve subtilement remplacé par une présence vivante : le Maçon lui-même. En intégrant les valeurs maçonniques – justice, harmonie, fraternité – le Maçon devient le porteur incarné de la Règle. L’Équerre, symbole du monde visible et matériel, s’élève aux côtés du Compas, représentant l’invisible, l’infini et les lois spirituelles. Ensemble, ils encadrent le Maçon, médiateur entre ciel et terre, dans une géométrie sacrée qui résonne avec les lois universelles.

Cette dualité évoque une image puissante : le Christ sur la Croix, figure accomplie de l’Homme, unissant la verticale de l’esprit à l’horizontale de la matière, porteur de la loi divine. De même, le Maçon, placé entre l’Équerre et le Compas, incarne cette synthèse. Mais attention : cette Règle n’est pas une soumission aux lois sociales ou aux diktats des clergés au service des pouvoirs temporels. Elle transcende les notions de bien et de mal imposées, invitant à une liberté intérieure.

La Quête de la Liberté Intérieure

Le véritable chemin maçonnique ne réside pas dans l’obéissance aveugle à une autorité extérieure – qu’elle soit maçonnique ou profane. Le Maçon n’est pas un esclave de la Règle, ni un instrument des « élus » qui la revendiquent. Son rôle exclusif est de s’affranchir de toute tutelle pour intégrer en lui-même cette loi universelle, devenant ainsi pleinement Libre. Cette Règle se matérialise dans les lois qui animent notre cosmos – ce que certains appellent Dieu ou le Principe Créateur. La Maçonnerie, dépouillée de toute divinité personnifiée, repose sur une initiation solitaire, soutenue par les Maîtres et les lois immanentes de l’univers.

Ce parcours rappelle un principe universel : l’élève doit dépasser son Maître, tout comme le fils doit un jour s’émanciper de son père pour le devenir à son tour. C’est le cycle immuable de la vie et de la mort, une leçon que tout pratiquant d’un Art – martial, philosophique ou spirituel – reconnaît. Le Maçon, pont entre le carré terrestre de l’Équerre (90°) et le cercle infini du Compas (360°), totalise une somme symbolique de 450°, un clin d’œil amusant à notre journal maçonnique bien connu, 450.fm.

Médiation entre Matière et Esprit

Cette médiation entre matière et esprit est le cœur de notre Art. Définissons-les avec soin. L’Équerre représente la matière physique, perceptible par les cinq sens du Compagnon – vue, ouïe, toucher, goût, odorat – et symbolisée par le carré du tablier d’Apprenti, avec ses quatre angles ancrés dans le concret. Le Compas, en revanche, ouvre sur l’invisible : l’esprit, l’infini, la spiritualité. Ces deux principes ne s’opposent pas ; ils se complètent, à l’image du triangle de la bavette relevée au premier degré, qui s’élève au-dessus du carré au degré suivant, spiritualisant la matière.

Ce jeu d’entrelacement – l’Équerre dominant d’abord, puis le Compas prenant le dessus – reflète la progression initiatique. Le Maçon, au centre, incarne cette alchimie, où l’esprit transcende la matière sans la nier. Mais qu’entendons-nous par « esprit » dans une logique sacrée ? Deux formes de sacré émergent. Le sacré universel, que j’associe aux lois de création et de destruction de l’univers – Éros et Thanatos selon Freud –, un principe impersonnel animant toute vie. Puis le sacré subjectif, humain, né de la transcendance : une croyance, un objet, un acte, comme le sacrifice décrit par René Girard, ou le carré long tracé par les prêtres romains pour lire les auspices, repris dans le rythme du Maître des Cérémonies au premier degré.

L’humain, seul animal à intellectualiser sa spiritualité, lui donne un sens unique, qu’il exprime et verbalise, même si les animaux pourraient la ressentir intuitivement. Cette capacité distingue notre quête.

Vers l’Unité et la Lumière

Pierre cubique sur pavé mosaïque
Pierre cubique sur pavé mosaïque

En conclusion, nos symboles – Équerre, Compas, Fil à Plomb, Niveau, Lune, Soleil, Pavé Mosaïque – ne sont pas de simples ornements. Ils attirent notre attention sur les lois universelles qu’ils incarnent : gravité, fraternité, alternance, ternaire, palingénésie. Comprendre leur polysémie via le principe de substitution nous libère des apparences, nous reliant à l’impermanence de la vie et à l’unité du monde. Mais combien de Maçons atteignent cette compréhension ? Sans statistique précise, on déplore le silence de ceux qui éclairent ce chemin. Trop s’égarent dans la quête de titres, de charges ou d’un syndicalisme maçonnique, loin de l’invitation de Démocrite : « La vérité est cachée au fond du puits. »

Vue de la Lumière du fond du puits
Vue de la Lumière du fond du puits

Pour clore avec une touche légère, imaginons une métaphore : des millions de spermatozoïdes dans la course à la vie, quelques milliers atteignant les trompes, un seul fécondant l’ovule. Parmi les milliers initiés à la Lumière, la sélection se poursuit : certains s’égarent dans les titres ou les ambitions… et rares sont ceux qui approchent la vraie Lumière. Ainsi, « M’être entre Équerre et Compas » pourrait se lire comme « mêtre » – être à soi-même, porteur des lois universelles, un avec l’UN du cosmos.

Que cette réflexion guide notre chemin initiatique, dans l’humilité et la fraternité, au-delà des structures et des apparences.

Des Lumières, de la Franc-maçonnerie, des Jansénistes et des jésuites, à l’aube de la Révolution française

Quel méli-mélo théologico-politique le 18e siecle !

« Le libéralisme théologique, parfois agressif, du siècle des Lumières, s’il fait encourir au christianisme le risque d’une dilution dans la sagesse profane-Jésus philosophe- a eu pour principal mérite de dégager un Jésus de l’histoire qui ne se confond pas totalement avec le Jésus dans l’histoire de la révélation. » Bernard Cottret (Le Christ des Lumières)

Mea culpa, mea maxima culpa ! Je confesse avoir lu un ouvrage collectif de référence sur la « Compagnie de Jésus » (1). Est-ce bien raisonnable me direz-vous ?!

Une première question vient immédiatement à l’esprit : ne correspondrait pas à la définition que l’on donne du masochisme quand on se lance dans la lecture d’un livre sérieux de 1328 pages ! Hélas, la réponse nous conforte dans cette supposition en constatant l’immense plaisir que l’on éprouve à la lecture de cette Somme sur l’un des ordres religieux qui fit, et fait encore couler beaucoup d’encre.

Augustin, évêque d’Hippone, Père de l’Église.

N’oublions pas que le dernier Pape, pour la première fois dans l’histoire de l’Église catholique, fut un Jésuite, ce qui est historiquement un bond en avant, après des décennies, alternant de la part de la papauté soit la mise en valeur de l’ordre, soit sa condamnation (Molina, La querelle des rites en Chine, les « réductions » guaranis qui empêchaient la colonisation au Paraguay, Teilhard de Chardin, la théologie de la libération). La méfiance à cet ordre terriblement efficace ira jusqu’à sa suppression à plusieurs reprises et à sa reconstitution par Rome qui peut difficilement se passer de cette somme d’intelligences qui composent l’Ordre ! Au-delà de l’histoire et de l’agressivité de Blaise Pascal contre eux (Il convient de relire avec délice ses « Provinciales », arme se voulant fatale au service de la défense du Jansénisme !)

 La Franc-Maçonnerie connue, dans son histoire, des affrontements avec les Jésuites de part son origine protestante ou plus tard laïque nettement opposées aux tentatives d »hégémonie de l’Église catholique avec sa troupe d’élite crée par le petit noble-soldat, un certain Ignace de Loyola agitant son « Ad majorem Dei gloriam » !

Ignace de Loyola

Les temps ont changé et cela est bien ainsi, car nous avons à apprendre ou à reconnaître des richesses et des valeurs communes. Maçons, nous devons surtout aux Jésuites l’immense et permanente réflexion sur le concept de discernement des « Exercices Spirituels » d’Ignace de Loyola, véritable initiation spirituelle qui ressemble à une préparation militaire et surtout la pratique d’une relation entre le religieux et le vécu dans le monde, difficile équation que nous connaissons à la sortie de nos tenues. Mais ce qui nous intéresse est la manière dont les Lumières, La Franc-Maçonnerie et l’ordre des Jésuites vont cohabiter au 18em siècle, a l’aube du grand bouleversement de 1789.

I-LE XVIIIe SIECLE, UNE RECHERCHE VERS UN CHRISTIANISME RAISONNABLE.

Omniprésente dans l’histoire de l’Europe, après le 17e siècle qui voit un regain religieux de la contre-Réforme protestante (Le « siècle des Saints »), l’Église catholique tente de maintenir le cap dans des sociétés en pleine évolution sociologiquement et qui adoptent des orientations religieuses selon des choix qui favorisent leur groupe social. C’est ainsi que nous percevons l’intérêt de la bourgeoisie montante vers le jansénisme, et qui sera le moteur de la Révolution Française de 1789. Les milieux plus intellectuels se risquerons vers le quiétisme mais le pouvoir et le paysannat resteront dans une mouvance catholique traditionnelle qui elle-même est traversée de courants divers. Le protestantisme lui-même est divisé entre la vision calviniste de la prédestination dans la définition classique et des tendances arminienne niant cette prédestination, cette dernière allant jusqu’à l’unitarianisme qui refuse l’idée trinitaire et avance que Jésus n’est qu’un prophète qui ne partage pas la nature divine, ce qui les rapprocheront des Juifs et des Musulmans dans l’idée d’un monothéisme absolu. Quelques groupes très minoritaires développent une approche de l’athéisme, mais sont rejetés unanimement par les tenants des différents courants religieux plus préoccupés d’adapter la théologie à leurs intérêts de classe sociale ! Même dans le judaïsme, nous pouvons constater la naissance de la « Haskala », qui serait l’équivalent des Lumières.

Bien entendu, le pouvoir royal va tenter d’endiguer les nouvelles orientations religieuses pour maintenir une unicité catholique. En vain, car l’idée de liberté personnelle et collective prend racine dans le religieux. C’est pourquoi que nous pouvons constater, avec surprise dans ce siècle des Lumières, d’un éclatement et d’une diversité étonnante dans les courants du christianisme, comme si la révolution à venir prenait naissance dans ces querelles théologiques. Ce qui signifie que les textes sacrés n’échappent pas plus à l’histoire que les autres corpus : la critique historique s’applique à eux aussi, et l’on constate et reconnaît l’existence de plusieurs traditions à l’intérieur même de l’Ecriture. Ce qui amène, au sein même des croyances, un affrontement entre pensées « raisonneuses » et pensées « raisonnables ».

Newton

D’où comme conséquence, en ce siècle des Lumières ou de l’ « Enlightenment », de remettre en cause la divinité de Jésus. Le discours sur l’homme prend désormais son sens, car il est dissocié du discours sur Dieu. Nous assistons, peu à peu, à une laïcisation de Jésus, trait particulièrement appuyé par Voltaire qui va se référer énormément à Newton et son humanisation de Jésus, ainsi que le rejet (discret !) de la trinité. En précisant cependant que le Dieu de Newton n’était pas celui des philosophes. Voltaire pensait pourtant que la christologie de Newton était hérétique (2) : « Il prit sérieusement le parti d’Arius contre Athanase. Il alla même un peu plus loin qu’Arius, ainsi que tous les sociniens (3). Il y a aujourd’hui en Europe beaucoup de savants de cette opinion ; je ne dirai pas de cette communion car ils ne font point de corps. Ils sont même partagés, et plusieurs d’entre eux réduisent leur système au pur déisme, accommodé avec la morale du Christ. Newton n’était pas de ces derniers. Il ne différait pas de l’Église anglicane que sur le point de la consubstantialité (4), et il croyait tout le reste ». Cela étant par excellence le rejet de la théologie issue du Concile de Nicée. Devançant l’actualité, nous pouvons dire que Newton est le créateur de la religion naturelle.

En fait, pour Newton existe une primauté de la morale sur toute autre interprétation de la Bible : « Les Ecritures ont été données à l’homme pour lui enseigner, non point la métaphysique, mais la morale ». La problématique paulinienne de la grâce, la « sola gratia », va subir une nette éclipse dans de nombreux courants religieux du 18e siècle au profit de l’idée de Loi peu à peu laïque, détachée de concepts religieux. Dès 1695, le philosophe John Locke publiait dans l’anonymat son « Christianisme raisonnable », tentative de faire une synthèse entre le rationalisme philosophique et la foi chrétienne. Mais il sera dépassé en audace dès l’année suivante par la publication du « Christianisme sans mystère » de John Toland, philosophe irlandais dont la Maçonnerie s’inspirera pour son concept de « Grand Architecte de l’Univers ». Mais dans la catholicité même, en France, le religieux va générer des orientations sociologiques qui vont accélérer le processus révolutionnaire.

II-DU DISCERNEMENT DES ESPRITS.

Le siècle des Lumières
Le siècle des Lumières

Nous croyons, à tort, que le 18em siècle est marqué par ce que nous appellerons plus tard le « Siècle des Lumières », mais qui, à l’époque, représente plus des personnalités diversifiées qu’un véritable mouvement. L’événement qui va bouleverser l’époque, la presse et les conversations en font écho, se déroule dans le domaine religieux et est lourd de conséquence : la dissolution de l’ordre des jésuites, en 1773. Un précédent avait eu lieu au Portugal en 1759 : par rapport à leurs positions en Amérique du sud, ils furent chassés du Portugal, du Brésil, de Macao par le marquis de Pombal (1699-1782), dirigeant du Portugal pendant vingt ans et reconstructeur de Lisbonne après le tremblement de terre de 1755. Ajoutons aussi : soutien de la Franc-Maçonnerie !

Jean le Rond d’Alembert (1717-1783).

Les jésuites, cet ordre missionnaire et enseignant, surnommé le « conseillers des Princes », souvent confesseur des souverains et précepteurs des enfants royaux et de ceux de la haute noblesse, (Un exemple célèbre est celui du Père Lachaise, confesseur de Louis XIV et de Louis Bourdaloue prédicateur de la cour) sont l’objet d’une « destruction » selon le terme utilisé par le philosophe et encyclopédiste D’Alembert (1717-1783). A cette époque, 1773, la « Compagnie » compte 23.000 jésuites.

Les jésuites sont un ordre qui fait grincer des dents et sont l’objet d’un anticléricalisme qui prend de plus en plus d’importance. Les raisons en sont variées et viennent de milieux différents. Examinons-en quelques-unes :

– La re-catholisation de l’Europe après le Concile de Trente (1491-1556) qui va doucement vers une méfiance de la papauté au profit d’Eglises nationales. Ce qui est le cas du gallicanisme français et sa méfiance envers les jésuites, crées pour le service de la papauté, sorte de milice ultramontaine. Le pouvoir royal, gallican, a lui aussi une certaine méfiance vers ces « serviteurs romains » !

– Conflit autour de l’Encyclopédie auquel le dictionnaire jésuite de Trévoux fait concurrence.

– Hostilité des milieux coloniaux, principalement portugais et espagnols. En 1620, 2000 jésuites sont en mission et s’opposent à l’esclavage et aux méthodes brutales des colons. Pire : ils organisent la formation des indigènes ! L’hostilité des milieux commerciaux en Europe est totale, car beaucoup de personnes vivent largement du « commerce de la traite ». De plus, par leurs écrits les jésuites démontrent la richesse intellectuelle des civilisations étrangères à une Europe qui s’estimait le centre du monde. Cela débouchera aussi sur des condamnations de l’ordre dont seront victimes certains jésuites qui voulaient assimiler certaines croyances locales au christianisme : par exemple Matteo Ricci en Chine avec la « querelle des rites », De Nobili en Inde et les « rites malabar », ou les attaques contre les « réductions » au Paraguay, qui seront qualifiées plus tard de « premiers communistes » !

– Concurrence avec l’université par la prise en main de la formation des élites et de leur influence dans l’enseignement en général. De surcroît, la Sorbonne est la forteresse du gallicanisme. Les jésuites possèdent en France 111 collèges où l’enseignement est gratuit, destiné à tous les milieux sociaux et dépassant ainsi les clivages sociétaux. La révolution étant le classement par la réussite et non par le rang. D’où, une hostilité d’une partie de la noblesse, même si souvent les jésuites proviennent de ce milieu. Tout cela est un véritable détournement de l’ordre social, une sorte de « créolisation » des milieux sociaux.

Mais, en France, les plus adversaires des jésuites seront les jansénistes qui finalement seront vainqueurs après avoir été vaincus par le pouvoir royal au cours de leur histoire. L’époque de fin du Moyen-âge avait développé la montée de la classe bourgeoise et du sentiment de puissance du libre-arbitre. Les jésuites eux-mêmes y avaient contribué : dans son traité sur « La Concorde du libre arbitre avec les dons de la grâce » publié à Lisbonne en 1588, le jésuite Molina mettait en lumière la liberté de l’homme dans son propre salut. Une réaction, à l’intérieur de l’Église catholique ne va pas tarder à se faire : en 1640, dans « L’Augustinus », ouvrage de l’évêque d’Ypres, Cornélius Jansénius, qui enseigne la corruption foncière de l’homme, conséquence de la faute originelle transmise à toutes les générations : entraînée au mal, la créature ne peut être sauvée que par une grâce gratuite de Dieu, mettant ainsi en mouvement la prédestination. Immédiatement, cette à donner ressemblance, ce parallélisme avec le protestantisme vont déclencher une méfiance du pouvoir et les persécutions de Louis XIII et de Louis XIV allant jusqu’à la destruction de l’abbaye de Port-royal et de la dispersion des religieuses et des activités des « Solitaires », groupe spirituel composé surtout de bourgeois à la recherche d’un sens à donner à la force de leur groupe social dont ils prenaient conscience et auquel il fallait, dans un premier temps, inclure dans une pensée religieuse qui représentait leur intérêt et une forme d’idéologie, avant-propos à ce qu’ils transformerons en acte politique en 1789.

Les deux reproches théologique que les jansénistes vont formuler à l’égard des jésuites sont de deux natures : l’utilisation de la casuistique (5) et de l’utilisation du discernement permanent, issu des « Exercices spirituels » (6), au lieu de la foi, faisant ainsi passer la raison et l’action individuelle comme orientations premières. Ce qui sera reproché aux jésuites comme orientation vers l’hérésie pélagienne (7). Leur grand adversaire, Blaise Pascal, janséniste convaincu les attaquera dans son célèbre ouvrage : « Les Provinciales » usant à leur endroit d’humour. Par exemple, il donne la parole à un Père jésuite qui justifie la casuistique par une forme de négociation avec le péché et la tentation pour les détourner vers un but acceptable (8) : « Sachez donc que ce principe merveilleux est notre grande méthode de diriger l’intention, dont l’importance est telle dans notre morale, que j’oserais quasi la comparer à la doctrine de la probabilité ». Cette orientation vers une forme de tolérance dirigée, était naturellement inacceptable pour ce courant augustinien d’orientation protestante où Dieu décide de tout et où l’homme, prédestiné, ne peut s’en sortir du péché que par la grâce divine. Cela à l’intérieur du catholicisme !

Après leur expulsion en 1767, il faudra attendre 1814 et la fin de l’Empire pour le retour des jésuites en France. Ironie de l’histoire : ils seront accueillis en Prusse par Frédéric II et en Russie par Catherine II, deux « Despotes éclairés », ravis d’utiliser la compétence des jésuites au sein du luthérianisme et de l’orthodoxie !

En expulsant les jésuites de France, et en laissant les jansénistes prendre leur place, la monarchie ne prend pas conscience qu’elle va perdre son pouvoir et sa tête !

III-DE QUELQUES VERITES A RETABLIR.

Jean-Jacques-François Le Barbier (dit l’Aîné, attribué à, 1738-1826). « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. La Monarchie, tenant les chaînes brisées de la Tyrannie, et le génie de la Nation, tenant le sceptre du Pouvoir, entourent le préambule de la déclaration ». Huile sur bois. Paris, musée Carnavalet.

La « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen » marque une véritable rupture avec la France d’avant 1789. En particulier dans son article 3 : « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément ». La monarchie de droit divin avec le devoir du souverain de n’avoir à faire qu’à Dieu en tant que puissance absolue, indivisible, perpétuelle s’effondre et ce qui n’est qu’une limitation du pouvoir royal va se transformer. A Louis XV qui déclarait encore en 1766 : « C’est en ma personne seule que réside la source de la puissance seule » va s’opposer le rôle des parlements où le « Tiers Etat » majoritaire, composé de la bourgeoisie très janséniste (opposée au haut clergé et à la noblesse par rapport à son histoire) et vont remporter la victoire au moment des Etats généraux convoqués par Louis XVI, à Versailles, le 17 juin 1789. Mais la fuite du roi et son arrestation à Varennes vont précipiter la mise en place de la République, copiant en cela la révolution américaine (« We are the people ! »). Ce qui n’était au départ qu’un désir de l’instauration d’une monarchie constitutionnelle, « à l’anglaise » va se terminer par l’instauration d’une république bourgeoise inspirée et dirigée par une Assemblée Nationale, très largement inspirée par le jansénisme laïcisé, qui sera obligée de combattre, à l’intérieur de la Révolution même certains courants qui croyaient que 1789 était une révolution populaire, alors qu’elle n’était que bourgeoise et qui optera pour Napoléon, afin qu’il remette de « l’ordre » ! Se pose la distinction à faire entre les Lumières et la Révolution :

– Les Lumières sont une volonté de de la poursuite de ce qu’on appelait « République des Lettres ». Mouvement existant depuis la Renaissance qui était la volonté de créer un espace immatériel qui transcendait les entités territoriales et qui réunissait les lettrés européens, en particulier le monde savant des humanistes. Elle naît en 1417, au sein d’un échange épistolaire entre Francesco Barburo et le Pogge. L’expression de cette « République des Lettres » sera utilisée en Europe à partir du 16e siècle, vers 1520. Boniface Amerbach, fils du célèbre imprimeur de Bâle, fera alors d’Erasme le « Monarque de toute la République des Lettres ». Erasme à qui nous devons, dans son texte « Comment éduquer les enfants » (1519), traduit en français en 1537, la phrase célèbre : « On ne naît pas homme, on le devient ». Le professeur à la Sorbonne, Marc Fumarolli, expliquera dans un ouvrage célèbre la continuité de ce courant durant l’histoire (9). Inutile de préciser que la création de ce mouvement intellectuel n’utilise le mot « République » que de façon aléatoire, étant parfaitement dans une vocation aristocratique du savoir ou des talents. Ce que sont les Lumières qui en sont la continuité.

– Il est peu probable que les Lumières soient partisans d’une république laïque : la plupart étant pour une monarchie constitutionnelle dans laquelle ils aspiraient à un rôle de conseillers et à un ennoblissement (Monsieur « de » Voltaire !). Dans les écrits des Lumières se lit un inintérêt du peuple et de la bourgeoisie en particulier, surtout si cette dernière aspire à prendre le pouvoir : les Lumières sont successeurs de Molière et de son « Bourgeois gentilhomme » ! Chez certains philosophes des Lumières, John Locke par exemple, dans son « Traité du Gouvernement Civil » reste bien loin de ce qu’on peut décrire comme le peuple ou la nation.

– Les Lumières, dans la querelle qui oppose Jésuites et Jansénistes, ont plutôt une sympathie pour l’intellectualisme des jésuites chez qui ils firent leur scolarité (Voltaire et Diderot par exemple). Après l’expulsion des jésuites de France, Voltaire en accueillera d’ailleurs à Ferney. Ils sont partisans, dans la tradition des jésuites, d’une éducation supérieure qui s’adresse aux enfants de l’élite, alors que les jansénistes, dans leur « petites écoles » veulent développer une scolarité ouverte à des milieux plus larges, filles comprises, ce que la République va tenter d’installer à travers une éducation nationale.

– Tant qu’à l’idée de nature humaine et de fraternité, elle est sujette à caution par la pratique de l’esclavage et de la division sociale qui débouchera plus tard sur ce que Karl Marx qualifiera de « Lutte des classes ».

De par leur composition sociale les Francs-maçons se rapprochent plus de ce mouvement bourgeois et janséniste de la Révolution française que d’une philosophie aristocratique des Lumières dont elle se réclame à tort.

MINCE ENCORE UNE ILLUSION QUI FICHE LE CAMP !

 NOTES

(1) Ouvrage collectif sous la direction de

Pierre Antoine Fabre et Benoist Pierre

Les Jésuites. Histoire et Dictionnaire

Editions Bouquins. 2022.

(2) Voltaire : Mélanges. Paris. Ed. Gallimard. 1961.

(3) Sociniens : Doctrine à l’origine faite par deux théologiens italiens du XVIe siècle, Lélio et Fausto Sozzini qui développent une exégèse rationaliste expliquant la divinité de Jésus par son adoption par le Père. Persécutés en Europe, les sociniens se regroupent en Pologne où ils éditent leur catéchisme (1605) qui va exercer une grande importance sur l’ensemble du monde protestant et de sa théologie libérale ultérieure. Toute cette théorie anti-trinitaire va naturellement ressortir au 18e siècle, tant dans les milieux protestants que catholiques (Avec une forme plus déguisée pour ces derniers !).

(4) Consubstantialité : Théorie théologique catholique sur le renouvellement du sacrifice de Jésus à chaque messe, durant l’ «élévation », alors que les protestants pensent qu’il ne peut y avoir qu’un sacrifice unique de Jésus et que la Cène durant le culte, ne se fait qu « en mémoire de ».

(5) Casuistique : Forme d’argumentation utilisée en théologie morale. Elle consiste à résoudre les problèmes par une discussion autour des principes généraux et la considération des particularités du cas traité. Les jésuites l’utiliseront surtout pour l’administration de la pénitence, la « confession ».

(6) « Exercices spirituels » (1548) : Ouvrage de prière faite de méditation progressive et systématique composé par Ignace de Loyola, fondateur de la Compagnie de Jésus, à partir de sa propre expérience de Dieu dans sa vie. Le concept de discernement y est mis en valeur.

(7) Pelage (350-420) : Moine ascète breton dont les idées sur le caractère contingent de la grâce divine furent jugées hérétiques par l’Église catholique en 418. Son grand adversaire théologique sera Saint-Augustin (354-430), soutien d’un prédestination s’opposant au Libre-arbitre pélagien.

(8) Pascal Baise : Oeuvres complètes. Paris. Ed. Du Seuil. 1963. (Page 397).

(9) Fumarolli Marc : La République des Lettres. Paris. Ed. Gallimard. 2015.

 BIBLIOGRAPHIE

– Beauchamp Paul : L’Un et l’Autre Testament. Accomplir les Ecritures. Paris. Ed. Du Seuil. 1990.

– Brunet Paul : L’introduction des théories de Newton en France au XVIIIe siècle. Genève. Ed. Slatkine. 1970.

– Chaunu Pierre : La civilisation de l’Europe des Lumières. Paris. Ed. Flammarion. 1982.

– Cottret Bernard : Le Christ des Lumières- Jésus de Newton à Voltaire. 1660-1760. Paris. Ed. Du Cerf.1990.

– Cronin Vincent : Matteo Ricci-Le sage venu de l’occident. Paris. Ed. Albin Michel. 2010.

– Culmann Oskar : Le salut dans l’histoire. Suisse. Neuchâtel. Ed. Delachaux-Niestlé. 1966.

– Hume David : Enquête sur l’entendement humain. Paris. Ed. Beyssade. 1983.

– Ouvrage collectif : Religion, érudition et critique à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle. Paris. PUF. 1968.

– Plongeron Bernard : Théologie et politique au siècle des Lumières. Genève. Ed. Droz. 1973.

– Pomeau René : La religion de Voltaire. Paris. Ed. Nizet. 1969.

– Soboul Alfred : La civilisation et la Révolution française. Paris. Ed. Arthaud. 1978.

– Taveneaux René : La vie quotidienne des Jansénistes. Paris. Ed. Hachette. 1973.

Résonances entre l’École de Saint-Victor et les rites initiatiques contemporains, dont le RER

Une filiation spirituelle méconnue

« La lecture nous instruit, la méditation nous éclaire, la prière nous purifie, la contemplation nous ravit »

Hugues de Saint-Victor

L’École de Saint-Victor, née dans le silence monastique de l’abbaye parisienne au XIIe siècle, a profondément marqué la spiritualité occidentale. Elle ne fut pas une école dogmatique, mais une école de l’âme, un sanctuaire intérieur où la contemplation s’unissait à l’intelligence, où la connaissance conduisait à la sagesse, et où l’architecture de l’homme reflétait celle du cosmos.

Ce travail explore les résonances entre cette école et les rites initiatiques contemporains, en particulier la franc-maçonnerie spirituelle et le Rite Écossais Rectifié (RER). Il met en lumière une même dynamique de transformation intérieure, une même pédagogie de l’éveil par les symboles, et une même quête d’unité entre l’homme et le divin.

Convergences symboliques et anthropologiques

« L’homme est un petit monde ; tout ce que contient le grand monde est aussi contenu en lui »

Hugues de Saint-Victor

L’un des apports majeurs des Victorins est l’idée que l’homme est un microcosme, un temple intérieur. Cette conception, développée notamment par Hugues et Richard de Saint-Victor, pose une anthropologie trinitaire : mémoire, intelligence, volonté. Ce schéma se retrouve dans le RER sous forme opérative.

La progression initiatique, comme chez les Victorins, suit une logique de purification (mort symbolique), d’illumination (réception de la lumière), puis d’union (réintégration).

La franc-maçonnerie structure ainsi ses grades comme les Victorins structuraient les étapes de la contemplation. Les symboles ne sont pas ornementaux : ils sont les outils de la transformation de l’âme.

Degrés de contemplation et grades initiatiques

« La sagesse vient à ceux qui gravissent patiemment l’échelle de la connaissance, de la foi et de l’amour »

Richard de Saint-Victor

L’échelle spirituelle chez les Victorins repose sur une pédagogie graduelle : des sens vers l’esprit, puis vers l’intuition contemplative. Chaque degré est un travail sur soi : nettoyage, silence, intériorisation, illumination.

Dans les rites initiatiques modernes, les grades successifs accompagnent un mouvement similaire : comprendre (Apprenti), intégrer (Compagnon), renaître (Maître). Chaque étape correspond à un niveau d’être. La lumière, dans les deux cas, est reçue en proportion de la purification.

Chez Richard de Saint-Victor, cette lumière est aussi un reflet de la Trinité : la vision trinitaire de l’homme est donc un cadre opératif d’élévation.

La Voûte Sacrée : du sanctuaire biblique au cœur mystique

« Le cœur de l’homme purifié devient l’asile de la présence divine »

Richard de Saint-Victor

La Voûte Sacrée dans les hauts-grades maçonniques est le lieu de révélation du Nom divin. Dans l’École de Saint-Victor, la voûte est la représentation de l’esprit illuminé par la sagesse divine.

Ces lieux – voûte, cœur, sanctuaire – sont identiques dans leur fonction spirituelle : ils symbolisent l’ultime rencontre de l’homme avec la source, l’union du créé et de l’Incréé. Ils sont l’équivalent intérieur du Saint des Saints.

Le silence y règne, la lumière s’y manifeste, et l’homme, s’il est prêt, y renaît à une dimension supérieure de lui-même.

Messages essentiels

« L’amour est dans l’intelligence ce que la chaleur est dans le feu : son mouvement le plus intime »

Richard de Saint-Victor

• La spiritualité victorine propose un chemin opératif, tout comme les rites initiatiques.

• L’homme est un temple à édifier par l’ascèse, la symbolique, et la contemplation.

• Les degrés initiatiques sont une résonance contemporaine des degrés mystiques.

• La lumière intérieure est toujours le fruit d’un dévoilement progressif.

• La tradition maçonnique, loin d’être moderne, s’enracine dans des matrices médiévales comme celle de Saint-Victor.

Conclusion et perspectives

« Il ne suffit pas de savoir, il faut goûter. Il ne suffit pas de comprendre, il faut brûler »

Hugues de Saint-Victor

L’École de Saint-Victor n’a pas disparu : elle survit dans l’architecture symbolique des rites. Elle nous apprend que le Temple n’est pas seulement un lieu extérieur mais une structure intérieure à restaurer. Elle rappelle à chaque initié que la lumière n’est donnée qu’à ceux qui gravissent les degrés du silence, de l’étude et de l’amour.

Ce legs est vivant : dans la franc-maçonnerie spirituelle, il trouve un prolongement, une mise en œuvre, un langage nouveau pour des vérités anciennes. Le dialogue entre Victorins et initiés ne fait que commencer.

En préparation un livre sur « l’école de pensée de Saint-Victor »

Tableau de correspondance des 5 éléments de l’initiation de la Franc-maçonnerie

Dans l’univers riche et symbolique de la Franc-Maçonnerie, l’initiation est un voyage intérieur qui transcende les simples rituels pour toucher l’essence même de l’être humain. Inspirée par des traditions millénaires, cette quête spirituelle trouve des échos profonds dans la philosophie taoïste chinoise, notamment à travers la théorie des cinq éléments : Bois, Feu, Terre, Métal et Eau. Ces éléments, au cœur de la médecine traditionnelle chinoise (MTC) et du taoïsme, établissent des correspondances entre les organes, les émotions, les saisons et les cycles naturels, offrant un cadre pour comprendre l’harmonie universelle.

En adaptant cette grille à la Franc-Maçonnerie, nous pouvons dresser un tableau initiatique où chaque élément éclaire une étape ou une dimension de l’évolution maçonnique, reliant le corps, l’esprit et l’âme dans une quête de perfectionnement. Cet article propose une concordance complète, inspirée du modèle taoïste, pour explorer comment les cinq éléments enrichissent l’initiation maçonnique, des premiers pas de l’Apprenti jusqu’à la sagesse du Maître.

Les Fondements de la Théorie des Cinq Éléments

Avant d’entrer dans les correspondances maçonniques, rappelons brièvement le cadre taoïste. Les cinq éléments – Bois, Feu, Terre, Métal et Eau – interagissent selon deux cycles principaux : le cycle d’engendrement (Bois nourrit Feu, Feu crée Terre, Terre produit Métal, Métal génère Eau, Eau alimente Bois) et le cycle de contrôle (Bois contrôle Terre, Terre domine Eau, Eau éteint Feu, Feu fond Métal, Métal coupe Bois). Chaque élément est associé à un organe Yin, une entraille Yang, une saison, une direction, une couleur, une émotion et une qualité énergétique. Cette dynamique reflète l’équilibre du cosmos et du corps humain, un principe que la Franc-Maçonnerie, avec son emphasis sur l’harmonie et la géométrie sacrée, peut intégrer pour structurer son parcours initiatique.

Adaptation aux Cinq Degrés Initiatiques de la Franc-Maçonnerie

La Franc-Maçonnerie, dans ses rites les plus courants (notamment le Rite Écossais Ancien et Accepté), repose sur trois degrés principaux – Apprenti, Compagnon, Maître – souvent enrichis de grades philosophiques supplémentaires. Pour aligner cette progression avec les cinq éléments, nous inclurons les étapes préparatoires (candidature et initiation) et les degrés symboliques avancés (comme le 4e degré ou l’élévation spirituelle), créant un tableau initiatique complet. Voici une analyse détaillée :

1. L’Élément Bois : La Candidature – Préparation et Intention

Sous bois à l'aube, forêt de gros arbres en été
Sous bois à l’aube, forêt de gros arbres en été
  • Organe Yin : Foie – siège de la planification et de la vision.
  • Entrailles Yang : Vésicule Biliaire – organe de la décision et de la clarté.
  • Saison : Printemps – temps de renouveau et de croissance.
  • Direction : Est – où le soleil se lève, symbolisant un nouveau départ.
  • Couleur : Vert – couleur de l’espoir et de la régénération.
  • Émotion : Colère – énergie de transformation ou d’obstruction.
  • Qualité : Flexibilité et expansion.
  • Correspondance Maçonnique : La candidature marque l’entrée dans le chemin maçonnique. Comme le Bois, qui pousse et s’élève, le candidat exprime une intention de croissance spirituelle. Le Foie, associé à la vision, reflète la réflexion préalable, tandis que la Vésicule Biliaire symbolise le choix conscient de frapper à la porte du Temple. Le printemps évoque l’ouverture à une nouvelle vie, et la colère peut représenter les doutes ou résistances internes à surmonter. Cette étape pose les bases de l’harmonie future, exigeant une souplesse pour s’adapter aux exigences maçonniques.

2. L’Élément Feu : L’Initiation (Apprenti) – Éveil et Passion

  • Organe Yin : Cœur – centre de l’esprit et de la vitalité.
  • Entrailles Yang : Intestin Grêle – organe de discrimination.
  • Saison : Été – période de pleine activité et de chaleur.
  • Direction : Sud – lieu de lumière et d’énergie maximale.
  • Couleur : Rouge – symbole de vie et d’enthousiasme.
  • Émotion : Joie – énergie de connexion, mais aussi d’excès.
  • Qualité : Transformation et illumination.
  • Correspondance Maçonnique : L’initiation en Apprenti est un feu intérieur qui s’allume. Le Cœur, gouvernant l’esprit, incarne l’éveil de la conscience lors de la cérémonie, tandis que l’Intestin Grêle reflète la capacité à distinguer le vrai du faux dans les premiers enseignements. L’été symbolise l’intensité de cette étape, et le Sud, la lumière reçue après le bandeau retiré. La joie accompagne la découverte, mais un excès peut mener à l’orgueil, un défi à maîtriser. Cette phase transforme le profane en un être en quête, allumant la flamme initiatique.

3. L’Élément Terre : Le Compagnon – Stabilité et Travail

  • Organe Yin : Rate – centre de la transformation et de la réflexion.
  • Entrailles Yang : Estomac – organe de réception et de digestion.
  • Saison : Fin d’été – période de maturation et d’équilibre.
  • Direction : Centre – point d’ancrage et d’harmonie.
  • Couleur : Jaune – couleur de la neutralité et de la fertilité.
  • Émotion : Inquiétude – énergie de soin ou de dispersion.
  • Qualité : Équilibre et nourishment.
  • Correspondance Maçonnique : Le grade de Compagnon est une phase de consolidation. La Rate, associée à la réflexion, soutient le travail sur la pierre brute, tandis que l’Estomac symbolise l’assimilation des connaissances acquises. La fin d’été reflète une maturité progressive, et le Centre, la quête d’un équilibre intérieur. L’inquiétude peut surgir face aux défis techniques ou philosophiques, mais elle devient une force lorsqu’elle pousse à la persévérance. Cette étape nourrit l’âme du Maçon, préparant le terrain pour une élévation.

4. L’Élément Métal : Le Maître – Purification et Intégrité

  • Organe Yin : Poumon – siège de la respiration et de l’intégrité.
  • Entrailles Yang : Gros Intestin – organe d’élimination.
  • Saison : Automne – temps de récolte et de lâcher-prise.
  • Direction : Ouest – lieu du crépuscule et de la réflexion.
  • Couleur : Blanc – symbole de pureté et de clarté.
  • Émotion : Tristesse – énergie de deuil ou de renouveau.
  • Qualité : Clarté et structure.
  • Correspondance Maçonnique : Le degré de Maître marque une purification intérieure. Les Poumons, liés à la respiration, symbolisent l’inspiration spirituelle après la mort symbolique d’Hiram, tandis que le Gros Intestin représente l’élimination des illusions. L’automne évoque la récolte des leçons, et l’Ouest, la transition vers une sagesse plus profonde. La tristesse peut émerger face à la perte des anciennes certitudes, mais elle ouvre à une renaissance. Cette phase forge une intégrité, structurant l’âme du Maçon.

5. L’Élément Eau : L’Élévation Spirituelle (4e Degré ou au-delà) – Sagesse et Profondeur

  • Organe Yin : Reins – réservoir de l’essence vitale.
  • Entrailles Yang : Vessie – organe de stockage et de libération.
  • Saison : Hiver – période de repos et d’introspection.
  • Direction : Nord – lieu de mystère et de puissance cachée.
  • Couleur : Noir – symbole de l’inconnu et de la potentialité.
  • Émotion : Peur – énergie de respect ou d’immobilité.
  • Qualité : Fluidité et profondeur.
  • Correspondance Maçonnique : L’élévation spirituelle, souvent explorée dans les grades avancés, plonge dans les profondeurs de l’âme. Les Reins, source de l’essence vitale, reflètent la sagesse accumulée, tandis que la Vessie symbolise la libération des attaches matérielles. L’hiver invite à l’introspection, et le Nord, à la découverte des mystères. La peur peut surgir face à l’inconnu, mais elle se transforme en respect pour les lois universelles. Cette étape fluidifie l’expérience initiatique, reliant le Maçon au cosmos.
Wuxing

Le Cycle Initiatique et l’Harmonie Maçonnique

Comme dans le taoïsme, ces cinq éléments forment un cycle d’engendrement et de contrôle au sein de l’initiation maçonnique. La candidature (Bois) nourrit l’initiation (Feu) par l’intention qui s’embrase en passion ; l’Apprenti (Feu) crée le Compagnon (Terre) en transformant l’énergie en travail stable ; le Compagnon (Terre) produit le Maître (Métal) en affinant la matière brute ; le Maître (Métal) génère l’Élévation (Eau) en purifiant l’esprit ; et l’Élévation (Eau) revient au Bois en régénérant l’intention initiale. Le cycle de contrôle, quant à lui, assure un équilibre : l’Eau (peur) tempère le Feu (joie excessive), le Feu (passion) fond le Métal (rigidité), le Métal (clarté) coupe le Bois (doutes), le Bois (croissance) domine la Terre (inquiétude), et la Terre (stabilité) stabilise l’Eau (immobilité).

Implications Pratiques pour les Loges

Wuxing

Ce tableau des cinq éléments peut guider les loges dans leur travail. Par exemple, une loge pourrait organiser des méditations saisonnières : au printemps, focus sur l’intention (Bois) ; en été, sur l’éveil (Feu) ; à la fin d’été, sur la réflexion (Terre) ; en automne, sur la purification (Métal) ; en hiver, sur la profondeur (Eau). Les rituels pourraient intégrer des couleurs ou des symboles associés, renforçant l’expérience sensorielle et spirituelle. De plus, reconnaître les émotions liées à chaque étape – colère, joie, inquiétude, tristesse, peur – permet aux Maçons de travailler sur leurs déséquilibres internes, alignant leur chemin initiatique sur les lois naturelles.

Une Synthèse Universelle

Le tableau des cinq éléments offre à la Franc-Maçonnerie un miroir taoïste pour enrichir son initiation. En harmonisant les organes, les émotions et les cycles naturels avec les degrés maçonniques, il révèle une universalité qui transcende les cultures. Comme les bâtisseurs d’antan taillaient leurs pierres avec soin, les Maçons d’aujourd’hui peuvent sculpter leur âme en suivant ce cycle, alliant tradition et sagesse intemporelle. Ce cadre invite à une pratique plus consciente, où chaque étape est un pas vers l’harmonie universelle, reflet de l’ordre cosmique cher à notre Art Royal.