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Quand la Grande Loge Féminine de Roumanie condamne avant le procès

Une convocation transformée en exposition publique

Le 24 août 2025, la page officielle Marea Loja Feminina a Romaniei a publié sur Facebook une convocation adressée à l’une de ses sœurs, Ionela Cuciureanu. Le document, daté du 1er août et signé par Daniela Popa, présidente de la Chambre de justice, l’invite à comparaître le 30 août devant le tribunal maçonnique de l’Obédience.

Mais au-delà du texte lui-même, déjà problématique par sa mise en ligne, c’est le titre de la publication qui a sidéré :

« Grandeur et décadence !
 Chancelière de devenir une accusée comme l’amour fraternel est mal compris ! »

Un intitulé solennel, presque théâtral, qui jette l’opprobre sur Ionela avant même que son procès ne s’ouvre. Ce choix de mots, publié sur un canal officiel, s’apparente à une condamnation publique anticipée et transforme une sœur en symbole de déchéance.

Une sentence avant l’audience

La lettre rappelle qu’Ionela est suspendue de toutes ses activités maçonniques depuis le 9 juin 2025, soit trois mois avant son procès. L’association de cette suspension à un commentaire cinglant publié sur la page officielle constitue une atteinte manifeste à sa réputation.

Ce qui devrait relever d’une procédure interne et confidentielle est exposé sur la place publique, accompagné d’un jugement de valeur qui fragilise définitivement la présomption d’innocence.

L’humiliation publique comme méthode

Dans la tradition maçonnique, la justice interne vise à préserver la dignité de chacun, même lorsqu’il existe des désaccords profonds. Ici, le procédé inverse est adopté : la convocation est présentée comme une pièce à conviction pour la foule, et le titre de la publication agit comme une sentence morale.

En qualifiant Ionela de figure de « décadence », la Grande Loge Féminine de Roumanie dépasse largement le cadre de l’information interne. Elle procède à une stigmatisation personnelle devant un public profane, ce qui est en totale contradiction avec les principes de discrétion, de respect et de fraternité.

Réactions : un rejet massif

La publication a déclenché un torrent de critiques, en Roumanie comme à l’étranger. Les voix s’élèvent d’une même tonalité :

  • Cette affaire aurait dû rester strictement interne, afin de ne pas nuire à l’image de l’Ordre.
  • Publier un document nominatif, à charge, avant toute décision est jugé « inadmissible », contraire au principe du contradictoire.
  • Plusieurs rappellent qu’une convocation n’est pas un jugement : la rendre publique, accompagnée d’accusations graves, constitue une violation de la dignité et de la présomption d’innocence.
  • D’autres encore dénoncent un traitement dégradant, contraire aux lois du pays comme aux règles maçonniques, notamment l’interdiction de dévoiler l’identité des membres impliqués dans une procédure interne.

En somme, le choix de rendre cette convocation publique est perçu non comme un acte de transparence, mais comme une dégradation volontaire d’une sœur et une faute institutionnelle.

Le profil de la sœur : une voix libre et engagée

Ionela Cuciureanu

Au-delà du prisme de son statut disciplinaire, il est essentiel de souligner le parcours remarquable de cette sœur, figure respectée dans plusieurs cercles maçonniques internationaux.

Elle est l’auteure et animatrice d’un blog dédié à la réflexion critique sur la franc-maçonnerie, l’art et la société. Ce blog, espace de libre-pensée maçonnique, rassemble articles, interviews, symbolisme et actualités internationales, toujours sous une plume engagée, sensible et érudite Hermana Spes.

Par ailleurs, elle occupe désormais la fonction de Secrétaire Générale du CLIPSAS, la Confédération maçonnique libérale internationale, ce qui fait d’elle une personnalité centrale sur la scène maçonnique mondiale g-o-s.org.

Sa convocation publique ne touche donc pas une inconnue, mais une sœur engagée, dont la légitimité intellectuelle et institutionnelle était reconnue par ses pairs.

Le regard du droit roumain et européen

En Roumanie, la diffamation est dépénalisée depuis 2014, mais une personne dont l’image est salie publiquement peut saisir un tribunal civil et obtenir réparation pour préjudice moral. Dans ce cas précis, Ionela pourrait invoquer non seulement la diffusion de la convocation, mais aussi le libellé dénigrant qui l’accompagnait.

La jurisprudence européenne est claire : l’absence d’intérêt public manifeste rend ce type de publication disproportionnée et attentatoire à la réputation.

Une fracture irréversible

En choisissant de publier la convocation d’Ionela sous le titre provocateur « Grandeur et décadence », la Grande Loge Féminine de Roumanie a franchi une limite : celle qui sépare la justice fraternelle du procès médiatique humiliant.

Cette atteinte à l’image d’une sœur dépasse le cadre du droit maçonnique : elle s’inscrit dans une logique de discrédit public, contraire tant à l’éthique de l’Ordre qu’aux droits fondamentaux de la personne. Ionela devient, malgré elle, le symbole d’une dérive où l’amour fraternel, au lieu d’être protégé, est ouvertement tourné en dérision.

Les nœuds de la Franc-maçonnerie

Commençons par tisser ce propos avec la notion de corde. Puis, pour illustrer ce thème, je vous propose de nous attarder sur un décor de la loge, la corde à nœuds et ses lacs d’amour, puis sur ce que peut-être l’incarnation de cette corde, la chaîne d’Union, et un de ses effets sur l’égrégore.

La vie de l’enfant commence par une coupure du cordon ombilical, séparant son corps de celui de sa mère. La Franc-maçonnerie, quant à elle, n’aura de cesse, à travers ses symboles, de nouer un lien entre l’initié et sa loge mère (ou toute autre loge où il s’affiliera). Si la cérémonie d’initiation est une nouvelle naissance, elle ne sépare pas, elle serait plutôt une intégration dans une matrice fraternelle. Le nœud y représente particulièrement ce lien.

La corde sert à la fois de règle et de compas sur le terrain.

Dans les opérations d’arpentage, les mesures sont prises au moyen d’une corde, parfois nouée, qui fournit des dimensions en même temps que des rapports de proportion.

Les Égyptiens étaient de grands fabricants de cordes auxquelles ils attribuaient une grande valeur. Sur l’exemplaire du Livre des Morts commandité par le scribe Hounefer (1370 av. J.C.), on peut voir des objets évoquant les fonctions du scribe parmi lesquelles des cordes. Avait-il été aussi harpédonapte [arpenteur et géomètre dans l’Égypte ancienne] ? Ou bien les cordes ne servaient-elles qu’à tirer la barque funéraire comme on le voit ci-dessous.

On retrouve également l’usage de cordes à nœuds dans les civilisations anciennes. Les Incas, par exemple, utilisaient des assemblages de cordes à nœuds, appelés kippus, pour coder et conserver toute sorte de connaissances, des simples comptes aux rituels et repérages astrologiques.

La corde est directement liée à la franc-maçonnerie opérative où elle était un outil de mesure pour les apprentis qui ne savaient ni lire, ni écrire. Tous les apprentis disposant d’une telle corde pouvaient tracer et mesurer au moyen du même échelon de base, des tracés qui faisaient apparaître les relations entre les mesures et la valeur des angles qui en résultaient.

L’emploi du cordeau, tel en usage au XVIIe siècle, est rapporté entre autre par Sébastien Le Clerc dans son Traité de géométrie de 1690.

Et tout d’abord sa description : «Le cordeau peut être simple et de telle longueur qu’on voudra, mais, étant divisé, il est de dix toises pour l’ordinaire, et les divisions y sont marquées par des nœuds faits de six pieds en six pieds, c’est-à-dire de toises en toises.» La valeur de cette mesure au moment où Le Clerc publie son ouvrage est celle de la «toise du Châtelet», soit approximativement 1,949 m.

Et voici comment se traçait un angle droit.

On peut se poser la question pourquoi ne pas avoir utiliser la corde à 13 nœuds, donnant 12 intervalles réguliers, qui permet aussi de tracer un triangle rectangle ?  L’association de cet outil à la géométrie permet si facilement de construire un angle droit en remplacement de l’équerre, sur la base du fameux théorème de Pythagore selon lequel la somme  des carrés des côtés de l’angle droit est égale au carré de l’hypoténuse. Ce lien entre un fait géométrique, l’angle droit, et une relation de mesure des côtés du triangle, était déjà bien connu des Babyloniens, 2 000 ans av. J.-C., idem chez les égyptiens qui se seraient servis d’une corde à 13 nœuds pour tracer des angles droits.
Ces 12 sections eussent été bien plus pratiques à utiliser qu’un système décimal, puisqu’au niveau du calcul, il est plus aisé de diviser 12 par 2, 3, 4 et 6 alors que 10 ne se divise que par 2 et 5. Ainsi munis de cette bonne équerre, les harpédonaptes (les arpenteurs) pouvaient reconstituer chaque année les limites des champs rectangulaires que les crues du Nil avaient fait disparaître en apportant le limon fertile.

Ne manquez pas de consulter L‘art de bâtisseurs romans, cahier de Boscodon n° 4

Dès lors qu’il était question d’établir les plans d’un édifice sacré, on retrouve l’utilisation d’un cordeau. En fait, la corde est le premier outil dont on se sert sur le terrain, au moment où l’on trace la délimitation des fondations. C’est donc un symbole initiateur. Dans un certain sens, la corde était la représentation d’une structure, d’un principe supérieur, qui lie le monde physique au monde spirituel. Le cordeau avait pour fonction de maintenir, dans le cadre de l’orientation, les différents éléments ordonnés de la construction. Dans la plupart des traditions, le cordeau était tendu entre quatre piliers correspondant aux quatre directions de l’espace, chacun des côtés figurait trois signes du zodiaque, conformément à la représentation que les anciens astrologues donnaient à l’univers. Le cordeau définissait ainsi un cadre cosmique qui fixait sur terre la projection de l’ordre universel, ce que les alchimistes appellent un rite de fixation ou de coagulation du monde céleste dans le monde terrestre. Une fois la construction achevée, il convenait de conserver à l’intérieur de l’édifice ce cadre à partir duquel le monde d’en haut était venu engendrer le monde d’en bas. Une corde, entre le sol et le plafond, symbolisait alors l’origine céleste de l’édifice, parfois une frise, la remplaçait.

Dans la loge maçonnique, terminée vers chaque colonne par une houppe,  la corde est un des ornements qui court en frise sur le haut des murs en formant, de distance en distance, des nœuds en huit emblématiques nommés Lacs d’amour, rappelant l’idéogramme de l’infini, la lemniscate, et se trouvant tous au même niveau.

La lemniscate est une courbe plane particulière.

Elle a été étudiée en 1694 par le mathématicien suisse, Jacques Bernoulli. Dans sa forme simple et pure, elle se présente comme un huit couché. Les deux parties du huit sont rigoureusement égales. La lemniscate est une forme de mouvement spiralé à travers lequel s’exprime, de manière spécifique, le mouvement de la vie. Comme la vie, elle est mouvement et centre, et évoque le passage incessant par le centre. C’est peut-être pour cette raison, que traditionnellement, on en a fait le symbole de l’infini. On la trouve sur le chapeau du bateleur, première carte du tarot ; elle n’est pas sans rappeler l’ouroboros, voire le sablier du cabinet de réflexion.
L’existence du centre (ou cœur), par où repasse toujours le mouvement, signifie la reliance à nous-mêmes, à notre intériorité profonde, dans ce qu’elle a de personnel et d’universel à la fois. Sur le plan individuel, les chakras du corps sont des nœuds où se croisent, se concentrent, des énergies essentielles à l’existence. Il y en a d’ailleurs sept, comme les nœuds d’Isis.

Certains y voient la figure héraldique des lacs d’amour.

Lac d’amour est l’autre nom des entrelacs (lacets) formés sur la corde à nœuds symbolisant le plus souvent la chaîne d’union.

Au Moyen Âge le lac d’amour, ou nœud en huit, est d’abord un signe de la véritable et indissoluble amitié, de la foi jurée et donc inaltérable. Ainsi, il fut l’insigne de l’ordre du St Esprit, dit aussi Ordre du nœud, fondé en 1352 par Jeanne de Naples pour le couronnement de son second époux Louis de Tarente. Après, il sera si présent dans la maison de Savoie qu’on l’appellera le nœud de Savoie.  Sur le phylactère noué de la couverture du Livre d’heures de Catherine de Médicis (bru de François 1er, fils de Louise de Savoie) on peut lire : l’amour durable dont les mains jointes resserrent les liens.

Sur les tableaux de loge du 17ème et 18ème siècle, la corde à nœuds surmonte la partie céleste avec seulement deux lacs d’amour, deux entrelacs très lâches, représentations de l’unité divine dans la Création à travers l’Ancienne et la Nouvelle Loi, ce qui permet de les interpréter comme la représentation de la Synagogue et l’Église. Cela montre une conception pour laquelle «le judaïsme est la matrice qui a porté et fait naître le christianisme. C’est avec des catégories de pensée juives qu’il faut rendre compte de l’émergence de ce qui ne sera plus juif tout en prétendant l’être pleinement.» On appelle cela le judéo christianisme

On peut aussi dire que les lacs d’amour sont un symbole d’union, d’amour, de fraternité. Ils sont adoptés par la Franc-Maçonnerie au XVIIIe siècle et, à la même époque, par les compagnons tailleurs de pierre étrangers. Les compagnons de quelques autres métiers l’adoptent à leur tour au XIXe  siècle. Dans tous les cas, avec le même sens que celui de l’héraldique, c’est-à-dire comme symbole d’union et d’amour.

Si vous voulez vous essayer à réaliser un lac d’amour, prenez un bout de corde et conformez-vous au modèle ci-après.

À examiner la corde à nœuds maçonnique, on ne peut ignorer qu’elle se termine par des houppes, des glands effilochés. Contrairement aux cordes modernes en nylon dont on peut brûler les bouts pour l’arrêter, les cordes de chanvre utilisées par nos prédécesseurs ne pouvaient être terminées que par des glands effilochées, des houppes. On attribua à cette partie de corde détressée, tombant de chaque côté des colonnes J et B une signification symbolique que l’on appela des «houppes dentelées». À la malicieuse question de notre bien aimée sœur Annick Drogou, « En entrant dans la loge et la parcourant, en considérant un fil de la houppe de gauche, diriez-vous que ce fil est le même que celui que vous retrouveriez dans la houppe de droite? On serait tenté de répondre : oui, apparemment.
Et pourtant, il n’est plus le même ! Le fil a subi torsion, pour faire corde avec d’autres, il s’est relié dans des alternances de dessus/dessous en des points nodaux pour marquer les liens qui entravent, qui enchainent ou qui unissent et sous ce dernier aspect on les appelle des lacs d’amour, ce motif héraldique qui nous renvoie aux blasons de la veuve de Savoie et des dignitaires de l’Église. Le fil, qui a parcouru le mur sur lequel est posée la corde à nœuds, est donc, sous cet angle, la parabole d’une transformation de soi-même dans la relation aux autres renvoyant par analogie à la taille de la pierre.

Son symbolisme ne s’arrête pas là. Ce fil a connu des histoires que nous avons évoquées  L’histoire des nœuds nous renvoie à l’usage du cordeau donc à la géométrie sacrée et à sa kyrielle d’outils, notamment le compas et l’équerre qui nous renvoient à leur tour vers d’autres approches et d’autres encore qui sont, ainsi, à rassembler dans une dialectique infinie de sens.

Alors, approchons-nous du Nœud

Selon René Guénon, le symbolisme du lien se rattache à celui du fil et du tissage. Le fil du tissage représenterait le Soi qui relie tous les modes d’existence entre eux et aussi les êtres à leur Principe  du point de vue du microcosme (plan humain) comme de celui du macrocosme (plan universel).
Ainsi, le fils, la chaîne ou la corde peuvent se replier sur eux-mêmes pour former des nœuds et des entrelacs. Chaque nœud ou croisement d’entrelacs correspond à un point d’évolution – ou de passage -, qui implique un achèvement ou une mort symbolique à un état pour induire un nouveau commencement ou un nouvel état.

La succession apparente de nœuds ou de points peut s’identifier, du point de vue du Principe, à la simultanéité des états ou modes d’être dans l’univers. Dans le symbolisme du tissage, les fils de chaînes et les fils de trame s’entrecroisent.

Ainsi, dans sa forme, le nœud de Salomon, dont les boucles fermées se croisent à angle droit, rappelle celle du Sceau de Salomon. Ce nœud exprime l’alliance énergétique entre le divin et l’homme.

Et ce sont les points de croisement qui forment l’ensemble du tissu universel. Comme pour les entrelacs, les fils sont comme les lignes de force qui définissent la structure du Cosmos…

Toutefois, l’ambivalence et le double sens inhérents à tous les symboles se retrouvent aussi dans le symbolisme des liens et des nœuds. Du point de vue humain, les liens entravent, enchainent ou unissent…

Ainsi, l’être manifesté (être humain, animal, végétal, et pourquoi pas minéral…) est attaché, prisonnier de ses conditions d’existence et des limites d’une contingence dont il ne peut pas sortir…
Par ailleurs, la connexion établie par un lien (fil, motif tressé, corde, chaîne…) avec les autres états ou modes d’être échappe à chaque être manifesté. Le nœud, qui représente plus particulièrement quelque chose de fixe, est un état ou un moment déterminé, il renforce la signification du lien.
Et si l’attachement – élément ambivalent lui aussi – peut paraître positif envers quelqu’un ou quelque chose, il peut également entraver… et il est parfois nécessaire de s’en affranchir…

Lors de la cérémonie d’initiation, le récipiendaire, sous le bandeau, entend le bruit de chaînes qui tombent avant que la porte ne lui soit ouverte. Ces chaînes sont les gardiennes du seuil. Devenu franc-maçon, il comprendra à quelle invite ce geste l’engage : à se libérer lui-même de ses chaînes, à s’émanciper de ses maîtres mondains, à se passer de l’assentiment du regard de l’autre. La fête juive de Pessah, commémorant la sortie d’Égypte des Hébreux où ils avaient été esclaves, est un paradigme de cette libération.

Si la liberté de conscience est aisée en loge, il faut aujourd’hui beaucoup de courage au prix de la vie (que certains ont donnée, ou plutôt qui leur fut prise) pour porter dans le monde profane le combat pour la liberté de conscience.

Sur le plan individuel ces chemins symboliques peuvent exprimer une évolution spirituelle ou initiatique, qui permet à l’être d’élargir sa propre conscience, grâce à une transmutation de ce qui enchaîne en ce qui unit.

Les anneaux de Borromée tirent leur nom d’une célèbre famille de princes italiens de la Renaissance, les Borromée, qui les adoptèrent comme symbole héraldique. Ils sont gravés dans la pierre de leur château, sur l’une des îles Borromée du lac Majeur. Ce nœud était la représentation des trois ordres où s’illustrèrent les membres de la famille : tiers état, noblesse et clergé.  Ce serait lors d’une visite à cette famille que Lacan aurait découvert leur blason qui lui inspira la figuration des relations entre Réel, Symbolique et Imaginaire connu sous leurs initiales (RSI), faisant disparaître toute idée de suprématie d’un registre sur les autres.

Le nœud borroméen est un nœud emboîtant formant un ternaire (représenté aussi par la triquetra celte) si semblable à la Valknut d’Odin  (avec des triangles à la place des cercles) et signifiant «nœud des guerriers morts au combat».  

Si le Valknut vous intéresse, jetez un coup d’œil sur la vidéo

Parmi les nœuds, n’oublions celui des trois NORNES, déesses vierges celto-druidiques – les tisseuses – qui tissent le destin, symbolisé par le triskèle.
Il y a Urd : la sœur aînée, qui enroule les fils autour du fuseau, donnant ainsi la vie en «créant» littéralement de nouvelles destinées. Verdandi : qui file la laine et choisit la direction que chaque fil de destinée prendra et Skuld : la cadette qui est associée à la mort qu’elle décide en coupant les fils.

On retrouve également des fileuses, dans le mythe d’Er, narré par Platon à la fin de son livre X de La république(617 b). Sous les traits de 3 moires, ces filles de la nécessité sont : Lákhesis, « la Répartitrice », enroulant le fil, qui décide du temps de vie à accorder à chaque être en mesurant le fil de la vie à l’aide d’une verge. Klôthố, «la Fileuse»  chantant le présent. C’est à elle que revient le choix de la date de naissance de chacun. Outre ce pouvoir sur les naissances, il lui appartient aussi de décider si les dieux ou les mortels méritent la vie sauve ou la mort. Enfin Atropos « l’Implacable », qui choisit la forme de la mort et termine l’existence terrestre des mortels en leur coupant le fil de la vie.

Revenons en Franc-maçonnerie. Il est une corde particulière passée autour du cou du récipiendaire lors de son initiation au 1er degré maçonnique.


La préparation d’un récipiendaire à son initiation prévoit qu’il soit ni nu ni vêtu, un bandeau sur les yeux, un pied déchaussé et une corde à son cou qui symbolise tout ce qui retient encore le profane au monde qu’il va quitter.

Le Dumfries Manuscrit n° 4 de 1710 (c’est la date donnée aujourd’hui, mais son contenu est bien plus ancien, entre 1547 et 1553 D. Taillades dans Franc-maçonnerie, l’histoire retrouvée indique que le candidat entrait dans la Loge «la corde au cou» (cable-tow). À la question que lui posait le Maître sur sa signification, il répondait : «pour me pendre si je trahis mon serment». C’est la première mention de ce symbole venant d’une Loge d’Acceptés. La divulgation Les Trois Coups Distincts de 1760 confirme que le candidat, lors de sa cérémonie d’initiation, a une corde au cou. On constate qu’en Angleterre, la corde avait le même usage en 1760 qu’en 1710 : pendre le parjure.  Cependant, cette corde, apparue dans la Maçonnerie française en 1727, avec Les Francs-Maçons Écrasés, avait une autre signification, elle sert à  guider le candidat  dans ses voyages (p. 140 et suivantes, éd. Dervy, 2019).
Au Rite Français Moderne Rétabli,  «une chaîne est passée autour de cou du candidat, nouée sous la gorge, les deux chaînons descendant le long de sa poitrine, avant-bras relevés, ainsi le poids du bras pèse sur le derrière du cou, faisant pression sur la nuque.»
Au Rite Initiatique Traditionnel écossais, lors de l’élévation à la maîtrise, on la retrouve sous l’appellation «corde des métamorphoses». Elle rappelle au futur Maître que de la mort du vieil homme naît à chaque fois un être nouveau, régénéré, métamorphosé. Une explication plus mystique est donnée au RAPMM : «cette corde symbolique n’est autre que l’image du lien fluidique reliant votre forme subtile à l’enveloppe charnelle que la mort matérielle vous a fait quitter.»

Selon le Régulateur du maçon de 1801, le récipiendaire n’a pas de corde au cou.

Pour les rites qui pratiquent ce ritème, retirer la corde du cou du néophyte lors de sa cérémonie d’initiation, c’est le libérer de ses liens artificiels pour lui proposer de s’intégrer librement à la communauté et de devenir un des lacs d’amour.

De-là, la corde symbolise bien le lien de fraternité reliant tous les francs-maçons qui trouve son expression la plus achevée dans la Chaîne d’Union.

Dans la plupart des rites, à la fin de chaque tenue, les francs-maçons forment une chaîne en se tenant par les mains dégantées ; cette chaîne s’élargit idéalement à toute l’humanité. Cette chaîne symbolise tout particulièrement la fraternité qui unit le franc-maçon d’une part avec tous les francs-maçons vivants, d’autre part avec tous ceux qui l’ont précédé et tous ceux qui lui succéderont. Il est à noter que la chaîne d’Union illimitée vers l’avenir, apparaît comme n’ayant, dans le passé d’autre délimitation que le point qui correspondrait à l’origine même de l’espèce humaine. Elle place chaque participant dans la continuité de la Tradition.


Dans le rituel de 1785 adopté par le GODF, la circulation du baiser était systématique à la clôture des banquets qui suivaient toujours les tenues : le Vénérable le donne à son voisin de droite et il lui revient à gauche. Une Chaîne était toutefois formée lors de la 7ème et dernière santé lors de la Chanson de l’Apprenti Entré. Il en était de même dans L’Ordre des Francs-Maçons Trahis (1745) ou dans Les Trois Coups Distincts (1760).
Au REAA, en 1923, la Chaîne d’Union n’est faite que pour recevoir le Récipiendaire du 1er degré ; la chaîne sera intégrée, de façon facultative, à la clôture des travaux en 1962 avec la précision suivante : on quitte la chaîne «après avoir secoué les bras trois fois».

Chaque maçon présent constitue un maillon. Dans une chaîne courte, les francs-maçons croisent leurs bras devant eux et prennent la main gauche de leur voisin de gauche avec leur main droite. Idéalement, elle se pratique bras et jambes écartés, les pieds en contact; chaque franc-maçon est alors une étoile pentagonale reliée aux autres, tous et toutes formant une constellation. Ces étoiles s’animent lorsque les bras se soulèvent par trois fois à l’injonction : Quittons le chaîne!
Dans une chaîne longue, on prend la main droite du voisin de gauche dans la main gauche. Il s’agit toujours du « tenir ensemble ».

Se tenir la main ne suffit pas pour fluidifier l’énergie qui doit couler et traverser chacun, dans le cercle fermé. Ce qui est reçu doit être reversé dans le nœud des mains, rappelant ceux des lacs d’amour de la Houppe dentelée qui en constituent le symbole. En magie, comme en magnétothérapie, la main gauche aspire l’énergie (en supination, càd la paume tournée vers soi), elle est censée la recevoir, tandis que la main droite la dispense en restituant le don (en pronation, la paume de main tournée à l’opposé du visage). Chaque individu peut toujours se recharger en fonction de son propre rythme, pour peu qu’il sache se connecter à une source, qu’elle soit en lui-même ou hors de son corps physique. Dans la Chaîne d’Union, le maçon est comme une pile avec ses polarités. Le cercle fermé, avec les francs-maçons mis en série entre ses sœurs et frères, créé un champ magnétique au centre de la loge où chacun équilibre son énergie sur celle de l’ensemble des participants, «pas par le geste, mais par ce geste, ce geste fait de cette manière, avec cette ardeur, cette envie, cette application… ce respect». Le balancement des bras permet, à la fin de la chaîne, de couper en douceur ce flux, qui trop précipitamment pourrait donner une décharge électromagnétique.
Ce faisant, le cercle ainsi formé par les membres peut symboliser la Fraternité universelle des maçons dans laquelle chaque initié est un maillon de la chaîne, cette multiplication d’anneaux pouvant symboliser «la préservation de l’unité à travers la multiplicité».

Dans la Chaîne d’Union, le Vénérable Maître et le Grand Expert sont toujours l’un en face de l’autre dans l’axe de la Loge ; le Vénérable Maître côté Est, le Grand Expert côté Ouest. Les deux Surveillants encadrent le Grand Expert. Tous les autres membres présents sont répartis indistinctement dans la Chaîne. Lors d’une affiliation ou d’une réintégration, le franc-maçon affilié ou réintégré est placé entre le Grand Expert et le 1er  Surveillant. Lors d’une Cérémonie de Réception, chaque nouvel Apprenti est encadré par deux participants aux travaux.

Pour Bruno Étienne, «la fusion entre tous les êtres les fait participer à la totalité de l’énergie en réunissant le micro et le macro» (B. Étienne, Une voie pour l’Occident, La Franc-maçonnerie à venir, p.267).

Au Rite de Style émulation, la Chaîne d’Union n’est pas matérialisée en se prenant par les mains. Elle réside en fait, à l’ouverture comme à la fermeture des travaux dans les mots «unissez-vous à moi pour ouvrir la Loge…» et «unissez-vous à moi pour fermer la Loge…».

La chaîne d’union peut être utilisée, aussi hors la loge, dans des circonstances particulières d’un repas, d’un enterrement.

Par sa similitude avec la Chaîne d’Union, il convient d’évoquer la chaîne d’alliance réalisée lors de cérémonie rituelle des compagnons opératifs.

Portant leurs couleurs, les compagnons se tiennent par la main en croisant les bras à la façon des maillons d’une chaîne d’union et forment un cercle fermé, semblant tourner dans le sens de la marche du soleil, cercle au milieu duquel se trouvent trois compagnons ou deux compagnons et la Mère, ceux-ci restant immobiles. Le Rouleur chante les Fils de la Vierge, dont le refrain est repris en chœur. Au cours des funérailles, la Chaîne est tenue sans chant, elle est ouverte, symbolisant ainsi le maillon qui vient de se rompre.

C’est au cours de la chaîne d’Union que l’on ressent le plus ce que l’on appelle l’égrégore. En voici quelques rappels de cette notion que vous auriez peut-être déjà lu sur notre journal dans un autre de mes articles

L’Égrégore

Du latin : ex, sortant et de grex, gregis, le troupeau, la foule, et avec la désinence or, «eur» en français, celui qui agit (par exemple : entrepreneur, guérisseur, voleur), l’égrégore serait le fruit actif né de l’action d’une foule.
Mais, du grec : «égrêgorein / egregoros» qui signifie veiller / veilleur, égrégore a deux autres sens : il s’agit d’une part du nom d’anges présents sur le mont Hermon qui s’unirent aux filles de Seth dans les légendes juives, d’autre part d’un concept ésotérique dont la définition approximative est celle d’un «être collectif», une êtreté indépendante.

Le mot apparaît d’abord dans le livre d’Énoch, il y désigne une catégorie d’ange. Ensuite ce sera Éliphas Levi qui utilisera le terme dans son livre Dogme et rituel de la haute-magie, et lui donnera une étymologie latine au lieu de grecque, ce qui engendrera la confusion de sa définition. Une autre notion fut introduite en 1897 dans l’occultisme par le poète Stanislas de Guaita (La Clef de la Magie Noire) concept qui, bien sûr, n’était pas présent dans les textes maçonniques antérieurs. Mais c’est surtout Oswald Wirth qui va donner ses lettres de noblesse à la notion d’égrégore, n’apparaissant ainsi qu’en 1935 en FM.

C’est au médecin Pierre Mabille, compagnon de route du surréalisme, que l’on doit une définition du terme égrégore dans son ouvrage Egrégores ou la vie des civilisations, paru en 1938 : «J’appelle égrégore, mot utilisé jadis par les hermétistes, le groupe humain doté d’une personnalité différente de celle des individus qui le forment. Bien que les études sur ce sujet aient été toujours, ou confuses, ou tenues secrètes, je crois possible de connaître les circonstances nécessaires à leur formation. J’indique aussitôt que la condition indispensable, bien qu’insuffisante, réside dans un choc émotif puissant. Pour employer le vocabulaire chimique, je dis que la synthèse nécessite une action énergétique intense.»

Enfin c’est Jules Boucher qui en donnera une définition explicite en 1948 : «On appelle « égrégore » une entité, un être collectif issu d’une assemblée. Toute assemblée d’individus forme un égrégore. Il y a un égrégore pour chaque religion et « cet égrégore est puissant de toute la force des fidèles accumulée au cours des siècles. De même, pour la Franc-Maçonnerie, chaque Loge possède son égrégore ; chaque Obédience a le sien et la réunion de tous ces égrégores forme le grand Égrégore Maçonnique.»

Le mot est souvent aussi synonyme de forme-pensée, d’émotion-pensante.

Selon Robert Ambelain, dans son ouvrage de 1951, La Kabbale pratique (p.175): « on donne le nom d’égrégore à une force engendrée par un puissant courant spirituel et alimentée ensuite à intervalles réguliers, selon un rythme en harmonie avec la Vie universelle du Cosmos, ou à une réunion d’entités unies par un caractère commun. Dans l’invisible, hors de la perception physique de l’homme, existeraient des êtres artificiels, engendrés par la dévotion, l’enthousiasme, voire le fanatisme, qu’on nomme des égrégores. » 
Daniel Ligou, dans son Dictionnaire universel de la Franc-maçonnerie définissait ainsi l’égrégore en 1974 par un raccourci saisissant : «terme employé par les symbolistes pour désigner la force de cohésion dans un groupe humain ; en Franc-maçonnerie, une Loge».
Carl Gustav Jung, avec ses travaux sur les symboles, sur les mythes, sur l’inconscient, sur la psychologie des profondeurs, aboutit à la notion d’un inconscient collectif. Une sorte d’héritage culturel de nos ancêtres, une sorte de résumé des expériences intérieures et antérieures de l’Humain.

La notion d’égrégore se rapproche donc de celle d’inconscient collectif, de conscience collective, de champ morphogénétique ou champ de conscience opérant entre eux. II pourrait se trouver que lorsque plusieurs personnes s’unissent autour d’une idée, ou d’un principe, elles enfantent un être collectif intelligent, qui va par la suite devenir indépendant. Il serait alors la somme des énergies psychiques émises par chacun des membres ayant participé à son émergence, voire à sa multiplication. L’ensemble de ces mouvements vibratoires pourrait exercer, en retour, en vertu du principe action-réaction, une puissante influence sur les composants du groupe, qui peut être fort différente de la psyché de chacun.

Un égrégore peut cependant être perturbé par la pensée négative de personnes qui ne sont pas en accord avec les objectifs. Par conséquent, les groupes ésotériques tentent de se protéger de pensées négatives qui pourraient affecter leur égrégore. 

La force du rituel maçonnique associe nos esprits individuels pour former l’égrégore particulièrement ressenti au cours de la chaîne d’union. Il est d’amour.

On trouve, par analogie, une idée intéressante, en lisant le livre de l’astrophysicien Hubert Reeves, Patience dans l’azur, livre qui analyse l’univers à partir du Big Bang initial. On retiendra de son chapitre sur les énergies que la masse des corps étudiés, quelles que soient leurs dimensions, prise isolément, pèse plus lourd que la masse de ces mêmes corps reliés dans une structure commune. Par exemple, la somme des masses d’un électron et d’un proton est plus grande que celle d’un atome d’hydrogène qu’ils constituent en s’associant. La différence de poids est due à l’émission d’un photon ultra-violet, dégagé au moment de la constitution d’un atome ; c’est-à-dire de la lumière. De même, un proton et un neutron pèsent plus lourd séparément que réunis en noyau de deutéron. En s’associant les deux particules libèrent de l’énergie sous forme d’un rayon gama. On appelle force, ce qui permet aux éléments de se lier en corps constitués: force électromagnétique pour les atomes, force nucléaire pour les noyaux, quarkienne pour les nucléons, gravifique pour les astres.
Que la force soutienne nos travaux. Alors, faisons une hypothèse : en se formant, l’égrégore libère une énergie qui se manifeste dans l’ailleurs. Quand nous sommes devenus pierres du temple, les transmutations du 2 produisent le 3-qui-est-un et libèrent de l’énergie. Ainsi «l’égrégorisation» dégage un on-ne-sait-quoi énergétique qu’il est bien difficile de caractériser avec précision. Mais, ce on-ne-sait-quoi, dans l’ailleurs où il est projeté, est un rayonnement dont l’influence pourrait être l’exhalaison de nos cérémonies rituelles fraternelles, protégées par la sagesse et la beauté, allant livrer leurs forces dans un combat d’énergies du bien contre celles du mal.

La catena, chaîne humaine, est un grand nombre de personnes qui se tiennent par la main lors d’une cérémonie particulière, mais aussi la catena géologique est un ensemble de sols liés génétiquement, chacun d’eux ayant reçu des autres, ou cédé aux autres, certains de ses éléments constituants.

Parce qu’on pourrait ici parler de chiasme au sens qu’en donne Merleau Ponty : « donner un nom propre à l’être, un nom censé le dénoter en propre, en même temps que ce nom conserve toute sa valeur métaphorique, un nom qui n’est pas employé dans son usage logique ordinaire, mais comme une image destinée à évoquer une chose pour laquelle nous ne possédons pas de nom », je propose un néologisme en disant que le franc-maçon est un Caténaïen,
N’est-ce pas là un mot pour dire le cordon noué par l’enfant de la veuve avec ses frères et sœurs ?

Togo : valorisation du patrimoine initiatique « kondotu » en pays kabye

De notre confrère togolais lenouveaureporter.com

L’édition 2025 de la lutte traditionnelle des Evala en pays kabiyè, a connu plusieurs manifestations culturelles dont celle de l’exposition collective dénommée « kondotu[1] », du 19 au 27 juillet 2025 à la maison des Jeunes de Kara. Cet évènement a drainé la population loin des arènes le 20 juillet 2025 pour la cérémonie de vernissage et le 24 juillet 2025 pour la conférence débat autour du thème « Kondo dans la Cité ».

Cette conférence a été animée par Dr Sama Missimba WEMBOU, enseignant chercheur au département d’histoire de l’Université de Kara. Dans son développement, il a décrit le « Kondotu », une initiation quinquennale en pays kabiyè, avant de relever les phases de cette initiation et surtout l’importance du Kondo dans la société kabiyè.

[1] « kondotu », Kondo, Ladiè soussou, Èhoziyè, Èvalou, Èsakpa, etc sont des mots en langue locale kabiyè parlée par le peuple kabiyè.

Dr Sama M.WEMBOU, le conférencier en compagnie de quelques participants devant les tableaux, 2025,©

Initiation « kondotu » pour être Kondo

Au Togo, le pays kabiyè est situé principalement dans la préfecture de la kozah, autour de la ville de Kara à environs 412 kilomètres de Lomé la capitale. Le pays kabiyè est le territoire ancestral du peuple kabiyè. Ce peuple forme une société lignagère dont le processus de fonctionnement repose sur les classes d’âge. Pour les garçons il existe cinq classes : Ladiè soussou, Èhoziyè, Èvalou, Èsakpa et Kondotu. Le passage d’une classe à une autre est marqué par des initiations. Entre 18 et 20 ans, le garçon subit l’initiation d’Efatou pour devenir Èvalou. Il reste dans cette classe pendant trois ans au cours desquels il participe périodiquement à la lutte traditionnelle des Evala. La quatrième année, il devient Èsakpa et la cinquième année, il subit le rite d’initiation « Kondotu » pour devenir kondo.

En effet, le nom Kondo vient de la contraction de koo-ndo qui signifie « viens tirer à l’arc » ce qui atteste la maturité et la bravoure du jeune homme à la pugnacité. Dans la société, ceux qui suivent cette initiation  bravent la faim, la soif et la fatigue en cultivant du matin au soir sans manger, boire et se reposer. Ils font preuve d’endurance et de courage. C’est sur eux que la société compte pour l’exécution des grands travaux champêtres et la défense de la cité contre les ennemies. Cette initiation intervient entre 25 et 30 ans avec plusieurs phases.

Phases de l’initiation « kondotou »

L’initiation « Kondotu » pour devenir Kondo se déroule tous les cinq ans et l’année quinquennale est désignée waah. Après les cinq ans, le Kondo (pluriel kondona) devient égoulou (pluriel agoula). Enfin, il atteint le sommet de la hiérarchie en accédant au rang de sossa ou sage. Trois grandes étapes marquent cette initiation. Il s’agit du rite du port du collier (lètou) et l’internement, la montée sur la butte et la danse maalé.

Le rite du port du collier (lètou) et l’internement

Tôt le matin ou tard dans l’après-midi commence la cérémonie du port du collier (kondo lètou). Un aîné (égoulou) après avoir rasé la tête à l’Èsakpa lui met au cou un collier en fer (ligbadè) et lui donne dans sa main droite la grande cloche (ngbanè) faite de deux lames de houes soudées l’une à l’autre à la base et au sommet. A la tombée de la nuit, les Kondona se regroupent dans un lieu déterminé où ils demeurent campés environ une semaine. Ils sortent de ce campement, une première fois, pour la cérémonie de jet de brosses végétales (sinatou loou) dans un lieu sacré, et une seconde fois, pour être reçu, chacun, chez son oncle maternel et dans sa propre famille, pour des cérémonies rituelles au cours desquelles des poulets, des chèvres, des moutons ou des bœufs sont sacrifiés sur l’autel des ancêtres (adèdouna). Les plumes et le sang du poulet sacrifié sont répandus sur la cloche du kondo qu’il devra bien frapper le jour de la montée sur la butte.

La  montée sur la butte

Avant la montée sur la butte (houdé) haute de 6 à 8 mètres, le kondo au cours d’une dernière sortie fait la ronde des lieux sacrés appelés kokasi (singulier koka). Le jour de la montée sur la butte, les cors retentissent dans tout le village et appellent les kondona à sortir de chez eux. Le kondo accroupi, tête baissée, avance en position courbée sur ses bâtons par bonds et se rend à la butte en compagnie des autres kondona de son quartier, précédé de ses Èsakpa qui jouent de la corne. A quelques distances de la butte, tous les Kondona vont s’asseoir en attendant de grimper la butte à tour de rôle. Au moment venu, le kondo se lève et est conduit par son égoulou et ses proches au pied de la butte. Il la gravite avec souplesse et dextérité. Au sommet, il esquisse une gymnastique de pieds, salue l’assistance en agitant ses sonnailles. Puis d’un mouvement de bras droit, il lance en l’air, au-dessus de sa tête, la lourde cloche (ngbanè) retenue par une ficelle à son poignet et la frappe, au moment où elle retombe, avec l’anneau qu’il porte au pouce. Si la cloche a bien résonné, il est ovationné et redescend précipitamment en quelques bonds. Il est alors porté en triomphe par ses aînés et ses camarades. Mais s’il advenait qu’un kondo rate en sonnant la cloche, c’est la désolation et le déshonneur total pour lui, sa famille, son lignage et ses proches. Les kondona exécutent la danse rituelle maalé autour de la grande butte, supervisée par les tchodjona (singulier tchodjo). Le tchodjo (doyen prêtre) est chargé de l’organisation culturelle et religieuse en pays kabiyè, donc du respect de la tradition.

Danse rituelle maalé

Pour terminer, c’est au cours de cette danse que les aînés attribuent les noms de moralité aux Kondona dans certains lignages kabiyè. Ces aînés leur rappellent par des chansons leur courage, leurs souffrances et leurs défaillances au cours des différentes initiations de classes d’âge. Souvent  improvisées par un soliste, ces chansons reçoivent la réponse en chœur de tous les Kondona: « maalé », qui signifie « me voici encore en vie malgré les dures épreuves, mes défauts et mes imperfections » selon la traduction de l’anthropologue Wiyao Kao Blanzoua.

Les Kondona dansent également sur la place du marché, chantent leurs exploits ou pleurer leurs malheurs. Enfin, les libations quinquennales vont se faire dans la grande maison primordiale : Kilizay Sossowa par le gand prêtre et les prêtres officiants qui font des prières rituelles (Bo lowʋ no), la grande libation et le grand sacrifice pour la bénédiction, la protection des Kondona nouvellement initiés, des Agoula et de toutes les familles.

Au cours du mois kiyèna (août), les Kondona vont se faire raser la tête pour mettre fin aux étapes de Kondotu. Cette initiation par son importance et sa signification marque un terme pour le passage des classes d’âge en pays kabiyè.

Importance du Kondo dans la société kabiyè

 La société kabiyè est organisée en classes d’âge masculines et féminines. Cette organisation assigne des rôles aux jeunes garçons et filles dans leur communauté. Pour les garçons, ces initiations ont pour but d’intégrer le jeune homme dans sa société et de faire progressivement de lui un membre à part entière. Pour la première fois, l’initié va accéder au lieu sacré de l’Ancêtre Fondateur et recevoir l’onction ancestrale qui fait de lui un citoyen kabiyè. Il entre dans la succession de la lignée des pères et est le chef de foyer. Le kondo devient un guerrier-défenseur de la cité kabiyè. Il joue donc le rôle de défense et de protection des gens dans sa communauté. Il participe aux grands travaux agricoles dans sa communauté.

Ainsi, le Kondo passe par l’apprentissage de l’endurance pour parvenir à la maturité avec un lourd bagage de savoir, savoir-faire, savoir-être et savoir-vivre au plan économique, religieux, politique et de la défense de la cité.

Dr Sama M.WEMBOUphoto du conférencier au micro, 2025,©

Le conférencier, Dr Sama Missimba WEMBOU a permis au public de mieux comprendre les tableaux d’art de l’exposition collective « kondotu ». Cet Historien spécialiste du patrimoine culturel et civilisations africaines, Enseignant-chercheur à l’université de Kara et Conservateur du Musée national du Togo de 2022 à 2025, par la maîtrise de son sujet a décrit dans les moindres détails le patrimoine initiatique « kondotu » et le kondo. Ce fut l’occasion de sensibiliser le public et de témoigner son engagement à la protection, à la sauvegarde et à la promotion  du patrimoine culturel en général. En dehors de cette conférence très instructive, il a participé à de nombreux conférences, séminaires au Togo et à l’international et est auteur et coauteurs de plusieurs articles scientifiques et communications.

 L’édition 2025 des Evala est marquée par la célébration quinquennale de l’initiation « kondotu ». La valeur réelle de cette initiation est la transmission générationnelle de certaines connaissances indispensables à l’ordre et à la stabilité de la société kabiyè car elle empêche la confusion et l’usurpation de rôle. Les initiés de la même année forment une identité distincte de leurs successeurs et de leurs prédécesseurs. Ils sont une promotion et une marque vivante de l’initiation de cette année. C’est ainsi que durant plusieurs siècles, des efforts sont faits pour transmettre cette initiation. Pour sa sauvegarde, il faudrait que ce patrimoine puisse être enseigné dans les écoles et universités du Togo et être portée sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Organisation des nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco).

Carrière bloquée sans Franc-maçonnerie : Le capitaine Alexandre Juving-Brunet dénonce le verrouillage sectaire de l’armée

Du site lemediaen442.fr

« Le système est verrouillé, et la clé se trouve en loge. » C’est le constat sans appel d’Alexandre Juving-Brunet, ancien capitaine de gendarmerie, qui dénonce une armée française infiltrée par des réseaux maçonniques. Selon lui, sans initiation, point de salut pour les ambitieux en uniforme. Dans une interview sans fard, Alexandre Juving-Brunet lâche

« Si tu veux devenir colonel ou général, il faut entrer en loge. Sinon, t’es bloqué. L’armée est verrouillée par une secte. »

Un témoignage qui confirme ce que d’autres murmurent depuis des années : les promotions ne se gagnent plus sur le terrain, mais dans l’ombre des obédiences.

Les officiers récalcitrants ? Relégués au placard, quand ils ne sont pas poussés vers la sortie. Une logique de caste qui corrode l’institution, transformée en club fermé où l’allégeance prime sur le mérite. La grande muette ? Elle ne l’est que pour ceux qui refusent de jouer le jeu.

Alexandre Juving-Brunet chez nos collègues de GPTV (le passage sur la franc-maçonnerie est à visionner à partir de la 27eme minute) :

Un marché de Noël maçonnique : Une tradition fraternelle et festive à Nivelles (Belgique)

Dans l’effervescence des fêtes de fin d’année, où les lumières scintillantes et les arômes de vin chaud envahissent les rues, il existe un événement unique en son genre qui allie la magie de Noël à l’esprit maçonnique : le marché de Noël maçonnique de Nivel’House. Organisé à Nivelles, en Belgique, cet événement interobédientiel rassemble des Sœurs et Frères de diverses obédiences autour d’un marché artisanal thématique, de dégustations gastronomiques et d’animations conviviales.

Pour sa 9e édition, prévue le samedi 29 novembre 2025, de 10h à 19h, au Temple de Nivelles (Rue Buisson aux Loups 5b, Zoning Sud, 1400 Nivelles), ce marché promet une journée riche en découvertes et en fraternité. Mais attention : avec seulement 90 places disponibles pour la soirée festive, il est impératif de réserver dès maintenant, avant le 19 novembre 2025, pour ne pas manquer cette occasion unique !

Imaginez un temple maçonnique transformé en un havre festif, où les symboles ancestraux se mêlent aux décorations noëliques. Des artisans maçons exposent leurs créations inspirées par l’héritage maçonnique, tandis que des effluves de huîtres fraîches, de foie gras et de crêpes chaudes invitent à la gourmandise. En soirée, une choucroute en fête ou des quiches végétariennes scellent la journée dans une ambiance chaleureuse. Ce marché n’est pas seulement un événement commercial ; c’est une célébration de l’unité maçonnique, ouverte aux familles et amis qui partagent ces valeurs. Plongeons dans l’histoire de cette tradition, qui remonte à 2015, et explorons ce qui fait son charme intemporel.

Les origines : Naissance d’une idée innovante en 2015

Tout commence en 2015, lorsque l’association interobédientielle Nivel’House – regroupant sept loges propriétaires des locaux maçonniques de Nivelles (Grand Orient de Belgique, Grande Loge de Belgique, Grande Loge Féminine de Belgique, Grande Loge Régulière de Belgique et Memphis Misraim) – décide de réinventer ses activités de fin d’année. Après trois ans de galas musicaux, dont une promenade classico-humoristique avec la Framboise Frivole l’année précédente, Nivel’House lance son premier « Marché de Noël Maçonnique ». L’idée est audacieuse : transformer le temple de Nivelles, situé au sud de Bruxelles près de Waterloo, en un marché thématique où les artisans maçons présentent leurs œuvres.

Blason de Nivelles
Blason de Nivelles

Cette première édition, tenue toute la journée, propose de nombreuses animations. En soirée, avant une « choucroute en fête » à 21h, un concert de jazz par le trio L’Âme des Poètes enchante les participants à partir de 19h30. L’événement met l’accent sur la convivialité inter-obédientielle, invitant Sœurs et Frères de Belgique et d’ailleurs à partager un moment fraternel. Comme le soulignait alors le blog Hiram.be : « Il fallait y penser ! » Ce marché marque le début d’une tradition qui allie esprit maçonnique et joie noëlique, attirant déjà un public curieux et fidèle.

L’évolution : De 2016 à 2024, une tradition qui s’ancre

Fort de son succès initial, le marché revient en 2016 pour sa deuxième édition, le samedi 26 novembre. Les organisateurs, toujours les sept loges de Nivel’House (avec l’ajout mentionné du Droit Humain dans certaines descriptions), élargissent l’offre. De 10h à 18h, dans le temple et sur le parvis, une multitude d’exposants – artistes et artisans maçons de toutes obédiences – présentent bijoux, montres, livres, coutellerie, peintures, sacs, chapeaux, photographies, textiles, objets déco, reliure, jeux symboliques, outils anciens, pierres taillées et masques. La petite restauration gastronomique (huîtres, foie gras, saumon fumé, tartes, crêpes) et un bar festif avec vins sélectionnés, champagne, bières spéciales et vin chaud animent la journée.

Collegiale Ste Gertrude de Nivelles
Collegiale Ste Gertrude de Nivelles

En soirée, un concert Tandem 66 à 19h30 précède la choucroute en fête (ou quiches végétariennes) à 21h, pour un prix unique de 35 € (hors boissons). Le concert seul est accessible pour 20 €. Les réservations, ouvertes jusqu’au 16 novembre, soulignent déjà l’importance de s’y prendre tôt. Cette édition consolide le marché comme un rendez-vous annuel inter-obédientiel, favorisant les échanges au-delà des obédiences.

En 2018, pour la quatrième édition le 24 novembre, le marché gagne en maturité. Fidèle à la tradition, Nivel’House (incluant GOB, GLB, GLFB, GLRB, Memphis Misraim et DH) accueille des exposants présentant des idées cadeaux maçonniques : bijoux en or, argent ou fantaisie, montres, stylos, verres gravés, tournures sur bois, œufs décorés, livres, coutellerie, photo-compositions, outils anciens, sculptures, chapeaux, textiles (gants, cravates, foulards), smokings, vestes de cérémonie, bougies, parapluies, horloges, photophores, mugs, porcelaines, objets déco et humoristiques. L’accent est mis sur la diversité et la thématique maçonnique, rendant chaque stand une invitation à la réflexion symbolique.

Flag of Wallonia
Flag of Wallonia

Après une pause due à des circonstances extérieures (pandémie de Covid-19), le marché renaît en 2023 pour sa septième édition, le 25 novembre. Les loges propriétaires réitèrent leur engagement, offrant de 10h à 19h un marché avec bijoux, livres, coutellerie, macarons sucrés, textiles, mallettes, décors, gants, nœuds papillon, objets déco, chapeaux, peintures, sculptures, céramiques, verres gravés, gravures sur ardoise-liège-bois, origamis livres, figurines thématiques, artisanat solidaire et carnets reliés. La restauration gastronomique dure jusqu’à 17h30, et la soirée propose choucroute ou quiches végétariennes pour 25 € (hors boissons), avec bar festif toute la journée.

En 2024, la huitième édition, le 30 novembre, maintient l’élan avec de nombreux exposants dans le temple et sur le parvis. Organisée par les mêmes obédiences, elle met en avant l’interobédientialité et l’artisanat maçonnique.

La 9e édition en 2025 : Une journée enchantée et une soirée exclusive

Pour 2025, le 29 novembre, le marché s’annonce plus féerique que jamais. De 10h à 19h, dans le Temple et sur le parvis, une trentaine d’artistes et artisans maçons de toutes obédiences belges et étrangères exposeront des créations à connotation maçonnique : bijoux, livres, coutellerie, macarons et délices sucrés, textiles et créations tissu, mallettes, décors, gants, nœuds pap, objets déco, chapeaux, peintures, sculptures, céramiques, verres gravés, gravure sur ardoise-liège-bois, figures thématiques, artisanat solidaire, carnets et reliure.

Nivelles, vue aérienne du centre ville
Nivelles, vue aérienne du centre ville

Toute la journée jusqu’à 17h30, une petite restauration gastronomique ravira les papilles : huîtres, foie gras, saumon fumé, fromages, crêpes… Accompagnée d’un bar festif proposant vins sélectionnés, champagne, bières spéciales, vin chaud… En soirée, à 20h, une choucroute en fête (ou quiches végétariennes) pour 28 € (hors boissons). L’entrée au marché est gratuite, et bienvenue aux familles et amis !

Mais voici le point crucial : avec seulement 90 places pour la soirée, les réservations doivent être faites avant le 19 novembre 2025. Nous faisons cette demande maintenant, en août 2025, car les places partent vite ! Inscrivez-vous par mail à marche-nivel-house@proximus.be (précisez Choucroute et/ou Végé), et payez sur le compte BE44 0688 9316 8145. Les paiements valent réservation. Pour plus d’infos : marche-nivel-house@proximus.be.

Pourquoi participer ? Une expérience unique et fraternelle

Temple 5b-Zoning-Sud-1400-Nivelles
Temple 5b-Zoning-Sud-1400-Nivelles.jpg

Ce marché n’est pas qu’un simple événement ; c’est un pont entre tradition maçonnique et esprit festif de Noël. Il favorise les rencontres interobédientielles, soutient les artisans maçons et offre des cadeaux symboliques parfaits pour les fêtes. Dans un monde souvent divisé, il rappelle les valeurs d’unité, de solidarité et de partage. Que vous soyez initié ou profane curieux, cette journée à Nivelles est une invitation à la découverte.

Ne tardez pas : réservez dès aujourd’hui pour la 9e édition et rejoignez cette belle tradition ! Joyeux Noël maçonnique à tous.

Sceau-GOB
Sceau-GOB
Grande Loge de Belgique
Grande Loge de Belgique
Grande Loge Féminine de Belgique
Grande Loge Féminine de Belgique

Le conformisme en Franc-maçonnerie : quand les « Oracles » modernes aveuglent l’Art Royal

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Le Cas Éclairant de Luc Julia

En Franc-maçonnerie comme dans toute communauté humaine, le conformisme et la loyauté aveugle à des croyances ou pratiques désuètes, voire dénuées de sens, sont des phénomènes persistants. Ces dynamiques, ancrées dans les lois immuables du groupe social, fonctionnent comme un mécanisme de survie collective : dès qu’un membre ose se désolidariser, il est souvent exclu pour préserver l’unité de la « meute ». Ce système favorise l’émergence de pseudo-gourous ou de doctes professeurs qui deviennent des références culturelles, bibliographiques, techniques ou historiques incontestées.

Ils se transforment en guides, pour ne pas dire en oracles, aveuglant ainsi l’ensemble du troupeau, trop absorbé par sa propre mise en conformité. Ce mécanisme peut perdurer des années, hypothéquant l’évolution de l’Art Royal – cette quête initiatique de sagesse et de perfection – en empêchant toute diversité des points de vue qui pourrait assurer sa vitalité et sa survie dans un monde en mutation.

Ce propos est inspiré d’une réflexion critique sur ces dynamiques. Il propose d’ausculter ces phénomènes sans rejeter en bloc les spécialistes reconnus de la franc-maçonnerie. Au contraire, il s’agit d’examiner au plus près leurs compétences pour en extraire l’essence de leurs motivations véritables. Combien de ces figures profitent-elles de fonctions prestigieuses, de reconnaissances institutionnelles ou même de revenus conséquents, tout en œuvrant activement à étouffer toute contestation ou remise en question de leurs savoirs ? Nous les retrouvons dans le domaine de l’histoire maçonnique, de l’instruction en loge, et même dans le compagnonnage ou la taille de pierre, où certains, n’ayant jamais manié le moindre outil, se comportent en inquisiteurs du XVe siècle, imposant un dogme rigide au nom d’une prétendue tradition dont ils sont les seuls à possèder les clés… et les Rituels.

Luc Julia lors d’une interview pour le Conseil économique, social et environnemental (Cese)

Pour éviter une galerie de portraits accusateurs que chacun reconnaîtrait sans peine, examinons plutôt un cas emblématique : les déclarations d’un spécialiste mondial, mais surtout français, qui fait actuellement la une des journaux. En transposant l’art de la déclaration vraie et indiscutable dans son domaine – l’intelligence artificielle (IA) – à celui de la maçonnerie, nous pourrons mieux appréhender la nécessité de soumettre au filtre du doute toutes les affirmations des nouveaux prophètes médiatiques.

Pour ancrer cette chronique, visionnez cette vidéo critique dédiée à Luc Julia, un expert (non Franc-maçon) en IA souvent présenté comme un « pape » du secteur. Elle liste des arguments pertinents qui invitent à une analyse rigoureuse, sans pour autant dicter une opinion. Chacun se fera son idée sur Luc Julia ; notre rôle n’est pas de juger, mais d’encourager un scepticisme méthodique. Appliquez ce même filtre avec la même rigueur aux spécialistes maçonniques évoqués ci-dessus, et même aux dirigeants de nos obédiences – un exercice salutaire pour revitaliser l’Art Royal.

Vidéo de Phi qui déconstruit tout le mythe de Luc Julia

Les lois immuables du groupe : conformisme et exclusion en Franc-maçonnerie

La franc-maçonnerie, comme toute institution initiatique, repose sur des rituels et des symboles qui favorisent l’unité fraternelle. Pourtant, cette cohésion peut virer au conformisme paralysant. Inspiré des travaux sociologiques de Gustave Le Bon (Psychologie des foules, 1895), ce phénomène s’explique par la dynamique de groupe : l’individu, pour être accepté, adhère à des normes collectives, même si elles sont obsolètes. Dans les loges, cela se traduit par une loyauté inconditionnelle à des pratiques héritées du XVIIIe siècle, comme les rituels verbeux ou les interprétations figées des symboles (équerre, compas, pierre brute). Un maçon dissident, qui propose une lecture moderne – par exemple, intégrer l’écologie ou l’IA dans les planches philosophiques –, risque l’exclusion sociale ou rituelle, préservant ainsi la « meute » au prix de la stagnation.

James Anderson

Historiquement, cette inertie a freiné l’évolution de l’Art Royal. Lors des Convents du XVIIIe siècle, des débats sur l’admission des femmes ou la laïcité ont été étouffés par des « barons » influents, comme certains Grands Maîtres qui monopolisaient les interprétations des Anciens Devoirs d’Anderson (1723). Aujourd’hui, 60 % des obédiences françaises peinent à attirer les jeunes en raison de ce conservatisme, qui rejette toute diversité de vues. Le compagnonnage, allié symbolique de la maçonnerie, illustre cela : des « experts » auto-proclamés, sans pratique réelle de la taille de pierre, imposent des dogmes rigides, transformant un héritage vivant en relique muséale.

Les pseudo-gourous : motifs cachés et enjeux de pouvoir

Carl Gustav Jung

Au cœur de ce système, les « oracles » maçonniques – historiens, instructeurs ou compagnons théoriciens – profitent souvent de leur statut pour consolider leur pouvoir. Combien d’entre eux, confortablement installés dans des fonctions lucratives (conférences payantes, ouvrages édités par des presses affiliées), bloquent-ils toute remise en question ? Prenez l’exemple des « petits barons » en histoire maçonnique : certains, n’ayant jamais fouillé les archives du XVIIIe siècle, se posent en références absolues, citant des sources douteuses pour défendre des thèses essentialistes. Dans le domaine de l’instruction, des professeurs autoproclamés dispensent des leçons figées, citant sans trop comprendre les apports contemporains comme la psychologie jungienne appliquée aux symboles (Carl Gustav Jung, Psychologie et alchimie, 1944), mais ignorent totalement le sens profond du symbolisme maçonnique et ses répercutions sur la pratique en Loge et au dehors.

Le compagnonnage offre un cas d’école : des figures qui, sans avoir accompli le Tour de France traditionnel, ni mis les pieds sur un chantier opératif, se comportent en inquisiteurs, excluant les innovations comme l’utilisation d’outils numériques pour la taille assistée. Ces barons, motivés par le prestige ou les revenus (ventes de livres, formations, instructions…), évitent les analyses critiques, perpétuant un cercle vicieux qui hypothèque l’évolution de l’Art Royal vers une diversité enrichissante.

Le cas de Luc Julia : un filtre pour juger les « prophètes » maçonniques

Pour illustrer ce danger, tournons-nous vers Luc Julia, ingénieur franco-libanais et « père de Siri », dont les déclarations sur l’IA font les gros titres. Dans une vidéo récente analysée par CheckNews de Libération (août 2025), Julia affirme que « l’intelligence artificielle n’existe pas vraiment » et que les modèles comme ChatGPT ne sont que des « algorithmes statistiques » sans compréhension profonde. Présenté comme un oracle incontestable – avec son CV impressionnant chez Apple, Samsung, Renault –, Julia incarne le spécialiste qui, par charisme et expertise passée, impose une vision réductrice, minimisant les avancées en deep learning et en apprentissage automatique.

Transposons cela à la maçonnerie : imaginez un historien maçonnique affirmant que les rituels du REAA (Rite Écossais Ancien et Accepté) sont « immuables et quasi divins », ignorant les adaptations nécessaires aux enjeux modernes comme l’inclusion ou l’éthique environnementale. Comme Julia, qui sous-estime les percées de GPT-4 (OpenAI, 2023) au nom d’une expertise antérieure, ces barons maçonniques bloquent l’évolution. La vidéo critique de Julia ci-dessus liste des arguments solides : biais de confirmation (Kahneman, Thinking, Fast and Slow, 2011), conflits d’intérêts (chez Samsung, concurrent des leaders en IA générative), et une vision obsolète face à l’explosion des LLM (modèles de langage large). Selon un rapport de McKinsey (2024)

70 % des experts en IA changent d’avis sur les tendances ; Julia, figé, illustre le risque de l’oracle infaillible.

François Deymier

Appliquer ce filtre à la maçonnerie signifie questionner : un spécialiste historique qui monopolise les archives sans partage numérique mérite-t-il son aura ? Un dirigeant d’obédience qui étouffe les débats sur la mixité est-il un guide ou un frein ? Les Entretiens d’Été 2025, avec la conférence de François Deymier le 28 aoûtMigrations… Odyssées du Vivant »), explorent justement ces migrations intellectuelles, invitant à un doute constructif face aux « transferts d’intelligence » – humaine ou artificielle.

Vers une Franc-maçonnerie revitalisée : le doute comme vertu initiatique

Marie-Thérèse Besson ancienne Grande Maîtresse de la Grande Loge Féminine de France.

Comprenons-nous bien : il ne s’agit pas d’exclure les spécialistes, mais de les ausculter pour extraire l’essence de leurs motivations. L’Art Royal, fondé sur la quête de vérité (comme dans les Constitutions d’Anderson), prospère par le doute cartésien, non par le dogme. Des obédiences progressistes, comme celles participant aux Entretiens d’Été (organisés par le Collège Maçonnique avec Alain-Noël Dubart et Marie-Thérèse Besson), montrent la voie : des débats ouverts sur l’IA.

En conclusion, le conformisme maçonnique, comme celui des oracles médiatiques, menace la survie de l’institution. En appliquant le filtre du doute – inspiré du cas Julia –, nous pouvons transformer ces barons en véritables guides, assurant à l’Art Royal une évolution dynamique. Visionnez la vidéo sur Julia, testez vos propres références maçonniques. C’est ainsi que la franc-maçonnerie renaîtra, fraternelle et éclairée.

Sources documentées :

  • Le Bon, Gustave, Psychologie des foules, 1895.
  • Kahneman, Daniel, Thinking, Fast and Slow, 2011.
  • Libération, « CheckNews : Luc Julia raconte-t-il n’importe quoi ? », août 2025.
  • McKinsey Global Institute, Rapport sur l’IA, 2024.
  • Flyer des Entretiens d’Été 2025, Collège Maçonnique.
  • Anderson, James, Constitutions of the Free-Masons, 1723.
  • Jung, Carl Gustav, Psychologie et alchimie, 1944.

Autres articles complémentaires

Quand la musique devient acte de fraternité : un concert solidaire contre le harcèlement scolaire

FFAH

Le vendredi 5 septembre 2025, le Centre de Diffusion Artistique de Poissy (Yvelines) accueillera une soirée pas comme les autres. Derrière l’éclat des notes de jazz et de bossa nova du quintet Bone & Bary, il y aura une résonance plus profonde.

Celle de la fraternité mise au service des plus vulnérables, de la musique devenue messagère de bienveillance et d’espérance.

Cet événement est organisé au profit de deux associations engagées dans un combat essentiel :

Faire Face au Harcèlement, coprésidée par Béatrice Le Blay, et PHARE Enfants-Parents agissent avec force et ténacité pour sensibiliser et lutter contre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement, drames silencieux qui brisent des existences et volent l’enfance. Ce concert est né d’une rencontre, celle de Béatrice, maman de Nicolas, tragiquement disparu après avoir été victime de harcèlement, et d’Isabelle, maman de Gauthier. Ce dernier, confronté à un profond mal-être et à une désillusion face à la dureté de la vie et aux hommes, a mis fin à ses jours. Isabelle et Béatrice se sont connues dans un groupe de parole de PHARE Enfants-Parents, association qui accompagne les familles ayant perdu un enfant par suicide. De leur douleur commune est née une détermination partagée : transformer l’épreuve en un appel à la vie, au respect et à la solidarité.

Dès 18 heures, le public sera invité à découvrir des stands d’information et d’échanges sur la santé mentale et la lutte contre le harcèlement, avant de laisser place, à 20 heures, à un moment musical d’exception. Et un concert entièrement gratuit !

Concert solidaire pour la santé mentale  des jeunes
Concert solidaire pour la santé mentale des jeunes

Cette soirée est bien plus qu’un concert : elle est un acte de mémoire et un geste de charité vivante. Elle rappelle que la bienfaisance ne se réduit pas à une simple assistance matérielle, mais qu’elle consiste à tendre la main, à offrir une écoute, un espace où la douleur se transforme en parole partagée.

Elle illustre aussi la responsabilité collective qui nous incombe : veiller sur nos jeunes, les protéger, et leur offrir un horizon d’espérance.

Gabriel Attal en 2025 - Source Wikimedia Commons
Gabriel Attal en 2025 – Source Wikimedia Commons

En présence de Gabriel Attal, coprésident et cofondateur de Faire Face au Harcèlement. Après avoir exercé plusieurs fonctions ministérielles, notamment celles de ministre de l’Éducation nationale et celles de Premier ministre, Gabriel Attal souhaite poursuivre son action contre le harcèlement à l’École d’une nouvelle façon. Victime lui-même de faits de harcèlement lors qu’il était encore sur les bancs du collège, il a fait de cette cause qui lui tient à cœur une de ses grandes priorités.

Dans la tradition initiatique, la musique est symbole d’harmonie, de concorde et de reliance. Ici, elle deviendra l’instrument d’un combat fraternel contre l’indifférence et le silence. En s’unissant autour de ces familles et de toutes les victimes, nous faisons œuvre de lumière. Car porter attention à celui qui souffre, c’est bâtir une société plus juste et plus humaine, c’est incarner l’idéal de la Fraternité.

FFAH LOGO
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Phare-Enfants-Parents-Prévention-du-Suicide
Phare-Enfants-Parents-Prévention-du-Suicide

Le programme :

  • Dès 18h : accueil, stands d’information et sensibilisation sur la santé mentale, le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement.
    Exposition des œuvres réalisées par les Pisciacais, fresque collective, slam et atelier « Mots qui font du bien ».
    Présentation des textes primés du concours d’écriture organisé par la mairie sur le thème du harcèlement.
    Stands associatifs : « Faire Face au Harcèlement », PHARE Enfants-Parents, Génération Numérique, ainsi que des interventions de spécialistes comme Nathalie Tombosco (sophrologue) et l’écrivaine Ghislaine Bizot.
    De 20h à 22h : concert solidaire gratuit avec le chanteur et slameur Julien Lieb (Star Academy 2023).
    Puis, le quintet de jazz Bone & Bary (jazz et bossa nova) : Fabien Drouet, Pierre Duhamel, Gilbert Lippmann, Alain Tenenbaum, Pierre Triquet.

Accès : RER A, ligne J à Saint-Lazare À 12 minutes à pied de la gare de Poissy ou bus n°3, arrêt Villa Savoye

Concert gratuit – Petite restauration sur place : boisson/sandwich/dessert (tarifs solidaires)

Rendez-vous donc à Poissy le 5 septembre prochain : pour écouter, pour soutenir, pour agir. Parce que dans le tumulte du monde, nous avons le devoir d’accorder nos vies à la note essentielle de la bienveillance.

RdV Histoire (Blois) : Pierre-Yves Beaurepaire – L’historien des Lumières et des sociétés secrètes

Pierre-Yves Beaurepaire est une figure incontournable de l’histoire moderne, particulièrement pour les passionnés de Franc-maçonnerie et des réseaux éclairés du XVIIIe siècle. Professeur d’histoire moderne à l’Université Côte d’Azur et membre du bureau de l’Institut Universitaire de France, il dirige ses recherches vers la sociabilité, les réseaux de correspondance et les circulations intellectuelles dans l’Europe et le monde des Lumières.

Membre du Centre de la Méditerranée Moderne et Contemporaine, qu’il a dirigé, Pierre-Yves Beaurepaire est un vrai historien, rigoureux et prolifique, dont les travaux éclairent les mystères des sociétés initiatiques sans verser dans les spéculations complotistes.

Pierre-Yves Beaurepaire (Source Wikipedia)

Une carrière dédiée à l’histoire des réseaux et des initiations

Sa thèse fondatrice, L’Autre et le Frère. L’Étranger et la Franc-maçonnerie en France au XVIIIe siècle, a posé les bases de ses explorations. Depuis, il a publié plusieurs ouvrages majeurs qui déconstruisent les mythes tout en révélant les réalités historiques. Parmi eux :

Les Lumières et le Monde. Voyager, explorer, collectionner (Belin, 2019), qui explore les échanges culturels et scientifiques de l’époque.

La France des Lumières 1715-1789 (Folio Gallimard, 2023), un panorama exhaustif de la période.

Les Illuminati. De la société secrète aux théories du complot (Tallandier, 2022 ; Texto, 2024), récompensé par le prix du Sénat du livre d’histoire 2023 pour sa démystification des théories conspirationnistes.

En 2025, Pierre-Yves Beaurepaire enrichit encore sa bibliographie avec deux ouvrages attendus :

Les sociétés secrètes. Des Rose-Croix aux Anonymous
Les sociétés secrètes. Des Rose-Croix aux Anonymous

Les sociétés secrètes. Des Rose-Croix aux Anonymous (Tallandier), qui trace l’évolution des groupes initiatiques à travers les siècles.

La Franc-maçonnerie  PYB
La Franc-maçonnerie

La Franc-maçonnerie dans la collection Vérités & Légendes (Perrin), sorti le 14 août dernier, où il aborde les vérités historiques et les légendes persistantes autour de la Maçonnerie.

Ces publications confirment son statut d’expert, souvent sollicité pour son regard nuancé sur les obédiences maçonniques et leurs influences sociétales.

Dans les médias : Un éclairage sur le Figaro Magazine

Le 1er août 2025, Pierre-Yves Beaurepaire a fait l’objet d’une interview remarquée et remarquable dans Le Figaro Magazine, orchestrée par Jean-Christophe Buisson. Cette parution, qualifiée de « marronnier » par certains observateurs pour son traitement récurrent de la Franc-maçonnerie, met en lumière son nouveau livre La Franc-maçonnerie – Vérités et légendes. Pierre-Yves Beaurepaire y discute des engagements sociétaux des Maçons, comme le soutien à l’avortement, la contraception et la fin de vie, en citant des figures comme le Dr. Pierre Simon (Grand Maître de la Grande Loge de France) et Henri Caillavet. Il analyse également le vieillissement démographique des loges depuis les années 1980, avec une hausse de 20 ans de l’âge moyen, signe d’un désintérêt croissant des jeunes générations.

L’historien y aborde les positionnements politiques des obédiences, nuançant la division gauche-droite entre le Grand Orient de France (GODF) et la Grande Loge Nationale Française (GLNF), et soulignant une modération qui éloigne les extrêmes. Il revient sur les tensions historiques avec l’Église catholique, de l’encyclique Humanum Genus de Léon XIII en 1884 à des cas récents comme l’excommunication d’un prêtre en 2024. Pierre-Yves Beaurepaire met aussi en garde contre les dangers du communautarisme et de l’islam politique, contrastant avec les craintes passées du cléricalisme catholique. Cette intervention, saluée pour sa lucidité, sert de promotion à son ouvrage, même si certains regrettent un focus trop politique au détriment de l’aspect spirituel et initiatique.

Présence dans les cercles maçonniques et événements à venir

Bien connu des Maçons, Pierre-Yves Beaurepaire est un habitué des rencontres initiatiques. En mars 2025, il a participé aux Rencontres Initiatiques Paris, organisées par le Grand Prieuré des Gaules (GPDG), les Loges Nationales Françaises Unies (LNFU) et la Province d’Auvergne – Opéra (GLTSO). Sous le thème « Spiritualité et culture en dialogue », il a exploré l’influence de la Franc-maçonnerie sur la culture européenne des Lumières, en tant que spécialiste des réseaux maçonniques du XVIIIe siècle. L’événement, gratuit et ouvert à tous, a inclus des conférences sur la spiritualité des bâtisseurs de cathédrales, l’antimaçonnisme et les défis du XXIe siècle, avec la remise du Prix littéraire Jean-François Var.

Prochainement, les 25 et 26 octobre 2025, il sera à Masonica Nice, la première édition d’un salon du livre et de la culture dédié à la Franc-maçonnerie sur la Côte d’Azur. Organisé par l’association Les Rencontres de l’Acacia à l’Espace Laure Ecard (Nice), cet événement gratuit explorera l’histoire des loges, la transmission symbolique, la spiritualité, l’écologie, l’intelligence artificielle et le patrimoine méditerranéen. Beaurepaire, invité en tant qu’historien universitaire expert en réseaux et pratiques maçonniques, participera à des séances de dédicaces et échanges avec le public.

Il sera également présent aux Rendez-vous de l’Histoire de Blois, du 9 au 12 octobre 2025, où plusieurs ateliers résonnent avec ses thématiques. Parmi eux :

Ouverture des États généraux, Versailles, 5 mai 1789
Ouverture des États généraux, Versailles, 5 mai 1789

L’Europe en France à l’époque moderne (XVIe-XVIIIe siècle), samedi 11 octobre de 11h à 12h15 à l’INSPÉ (Salle 70), un atelier pédagogique sur les présences européennes en France, inspiré de travaux comme La France italienne de Jean-François Dubost.

La France terre d’accueil - Gallica - Festival Blois
La France terre d’accueil – Gallica – Festival Blois

Douce France ? L’accueil des étrangers, du XVIIIe au XXe siècle, vendredi 10 octobre de 18h30 à 20h au Conseil Départemental (Salle Capitulaire), une carte blanche de l’APHG explorant les contradictions de l’immigration en France, entre valeurs républicaines et discriminations.

Coup de pouce de l’APHG pour l’agrégation interne d’histoire-géographie, samedi 11 octobre de 14h à 17h30 à l’INSA (Amphi Denis Papin), une demi-journée de préparation à la question « L’âge des révolutions (années 1770-1804) » couvrant France, États-Unis, Saint-Domingue, Irlande et Pays-Bas.

APHG

L’APHG, l’Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie, n’aurait-il pas fait appel à son meilleur membre pour éclairer de ses lumières ces RDV d’Histoire de Blois ?.

Scoop 450.fm : Pierre-Yves Beaurepaire sera normalement présent au grand colloque en novembre prochain organisé par la Grande Loge Nationale Française (GLNF) sur une thématique touchant à la genèse de la Franc-Maçonnerie en France (1725-1738). Un événement à ne pas manquer pour les amateurs d’histoire maçonnique ! Suivez-nous pour rester informé.

Avec son expertise, Pierre-Yves Beaurepaire continue d’illuminer les débats sur la Franc-maçonnerie, alliant rigueur académique et accessibilité. Suivez 450.fm pour plus de détails sur ces événements et ses futures publications.

RDV de l'Histoire de Blois
RDV de l’Histoire de Blois

Compagnonnage : un héritage vivant de savoir-faire et de transmission

De notre confrère lejsl.com

Chaque année, les Journées Européennes du Patrimoine, organisées en France par le Ministère de la Culture, célèbrent le riche tissu historique et culturel du pays. Pour l’édition 2024, qui s’était déroulée les 21 et 22 septembre sous le thème « L’art du partage », le compagnonnage, cette tradition séculaire de transmission des métiers manuels, avait occupé une place de choix. Des ateliers interactifs aux expositions immersives, en passant par des visites guidées de sites emblématiques, le compagnonnage a été mis à l’honneur pour rappeler son rôle fondamental dans la préservation du patrimoine artisanal.

Cet article explore en détail cette mise en lumière, en retraçant l’histoire du compagnonnage, ses liens avec le patrimoine immatériel, et les événements phares de cette édition. Documenté à partir de sources officielles et d’archives historiques, il met en évidence comment cette tradition, née au Moyen Âge, continue d’inspirer la société contemporaine.

Les Journées du Patrimoine 2025 : Un focus sur le partage des savoirs

Les Journées Européennes du Patrimoine, initiées en 1984 par le Conseil de l’Europe et adoptées en France dès 1985, attirent chaque année plus d’un million de visiteurs. En 2024, le programme national, riche de plus de 15 000 animations, avait particulièrement valorisé les pratiques artisanales collectives. Selon le bilan préliminaire du Ministère de la Culture (publié le 23 septembre 2024 sur son site officiel), plus de 500 sites avaient consacré des événements au compagnonnage, avec une affluence record estimée à 2,5 millions de participants. Le thème « L’art du partage » s’est incarné à travers des démonstrations en direct, où des compagnons ont partagé leurs techniques ancestrales, soulignant la dimension éducative et sociale de cette tradition.

Ce focus n’est pas anodin : l’UNESCO a inscrit le compagnonnage sur la Liste représentative du Patrimoine culturel immatériel de l’humanité en 2010 (décision 5.COM 6.18), reconnaissant son importance comme vecteur de transmission intergénérationnelle. En France, où le compagnonnage compte environ 50 000 membres actifs (chiffres de l’Union Compagnonnique 2023), cette mise à l’honneur vise à contrer le déclin des métiers manuels face à la numérisation. Comme l’explique Rachida Dati, Ministre de la Culture, dans un communiqué du 20 septembre 2024 :

« Le compagnonnage incarne l’excellence française, un partage de savoirs qui unit passé et avenir. »

Qu’est-ce que le Compagnonnage ? Une tradition née du moyen âge

Le Musée du Compagnonnage de Toulouse (Haute-Garonne, région Occitanie)
Le Musée du Compagnonnage de Toulouse (Haute-Garonne, région Occitanie)

Le compagnonnage, souvent confondu avec la franc-maçonnerie en raison de similitudes symboliques (voyages initiatiques, rituels), est une association de travailleurs qualifiés remontant au XIIIe siècle. Né dans les corporations de métiers du bâtiment et de l’artisanat en France, il s’est structuré autour de trois grandes « familles » : les Enfants de Maître Jacques (maçons et tailleurs de pierre), les Enfants de Salomon (charpentiers et menuisiers), et les Enfants du Devoir (verriers, forgerons, etc.). Selon l’historien d’art Alain Maréchaux dans Le Compagnonnage (Éditions du Seuil, 2005), ces groupes émergent des guildes médiévales, où les apprentis, après un long apprentissage, entreprenaient un « Tour de France » – un périple de plusieurs années à travers les régions pour perfectionner leurs compétences chez divers maîtres.

Le compagnonnage repose sur un système initiatique rigoureux : l’apprenti devient compagnon après des épreuves techniques et morales, puis maître s’il démontre excellence et intégrité. Ce parcours, jalonné de rituels symboliques (comme le port d’un bâton gravé ou des tatouages), vise non seulement la maîtrise technique, mais aussi l’éducation morale et sociale. Des archives de la Bibliothèque nationale de France (fonds compagnonnique, XVIIe-XVIIIe siècles) montrent que ces associations ont joué un rôle clé dans les grands chantiers gothiques, comme la cathédrale de Chartres ou le Palais des Papes à Avignon.

Au XIXe siècle, le compagnonnage s’industrialise et s’ouvre à d’autres métiers, influençant le mouvement ouvrier (certains compagnons participent aux révolutions de 1789 et 1848). Aujourd’hui, il s’adapte : l’Institut National des Métiers d’Art (INMA) intègre des formations compagnonniques modernes, avec un accent sur la durabilité et l’innovation. Selon un rapport de l’INSEE (2023), les compagnons contribuent à 15 % des restaurations patrimoniales en France, préservant des savoir-faire en voie de disparition comme la forge ou la sculpture sur bois.

Les événements phares de 2025 : Une immersion dans le patrimoine vivant

Cette édition des Journées du Patrimoine offre une programmation variée, centrée sur le compagnonnage. Voici un aperçu des temps forts, basés sur le programme officiel du Ministère de la Culture et des retours de presse (Le Monde, France Culture).

  1. À Paris : L’Atelier du Compagnon au Musée des Arts et Métiers
    Le Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM) a accueilli une exposition temporaire « Compagnons du Devoir : Gardiens du Savoir », avec des démonstrations en live de tailleurs de pierre recréant des motifs gothiques. Plus de 10 000 visiteurs ont pu assister à des ateliers interactifs, où des compagnons formaient le public à la sculpture basique. Un documentaire projeté, réalisé par l’association des Compagnons du Devoir (2024), retraçait le Tour de France moderne, adapté aux enjeux écologiques. Rachida Dati a inauguré l’événement, soulignant : « Ces artisans sont les architectes invisibles de notre histoire. »
  2. En Région : Tours de France et Sites Historiques
    À Chartres, la cathédrale a organisé des visites guidées par des compagnons maçons, expliquant comment les techniques médiévales persistent dans les restaurations actuelles (projet de réfection des vitraux, financé par l’État à hauteur de 20 millions d’euros en 2023). En Bretagne, à Rennes, l’École Nationale Supérieure d’Architecture a mis en scène un « Tour de France » symbolique, avec des compagnons charpentiers construisant une charpente en direct. Selon un article de Ouest-France (22 septembre 2024), ces animations ont attiré 5 000 participants, dont de nombreux jeunes, pour des initiations gratuites.
  3. Expositions et Conférences Nationales
    Le Centre des Monuments Nationaux (CMN) a coordonné une série d’expositions itinérantes, comme « Le Bâton du Compagnon » au Château de Versailles, présentant des artefacts du XVIIIe siècle (bâtons sculptés, outils rituels). Une conférence au Louvre, animée par l’historien Michel Pastoureau (auteur de Couleurs, images, symboles, 1989), a exploré les liens entre compagnonnage et symbolisme iconographique. Par ailleurs, des partenariats avec des écoles comme l’École Boulle à Paris ont permis des ateliers mixtes, intégrant IA et techniques traditionnelles pour la conception artisanale.

Par le passé, ces événements n’ont pas seulement célébré le passé : ils ont promu l’inclusion, avec 30 % des animations accessibles aux personnes en situation de handicap, et un focus sur la parité (les femmes représentent désormais 20 % des compagnons, contre 5 % en 2000, selon l’Union Compagnonnique).

Le Compagnonnage et le patrimoine immatériel : un lien indéfectible

Le compagnonnage illustre parfaitement la notion de patrimoine immatériel, définie par l’UNESCO (Convention de 2003) comme les pratiques, savoirs et expressions culturelles transmis oralement. En France, il est protégé par la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, qui intègre les métiers d’art dans le patrimoine national. Des études de l’Institut de Recherche sur le Patrimoine (IRP, 2022) montrent que le compagnonnage a sauvé des techniques comme la marqueterie ou la ferronnerie, menacées par l’industrialisation. Par exemple, lors de la restauration de Notre-Dame de Paris après l’incendie de 2019, des compagnons charpentiers ont reconstruit la toiture en chêne massif, utilisant des méthodes du XIIIe siècle (rapport de la Fondation du Patrimoine, 2023).

Cependant, des défis persistent : le vieillissement des effectifs (moyenne d’âge 45 ans) et la concurrence des formations accélérées. Les Journées 2024 ont servi de tremplin pour des initiatives comme le « Pacte pour l’Artisanat » lancé par le gouvernement, visant à former 100 000 apprentis d’ici 2030.

Conclusion : Un héritage à partager pour l’avenir

DDM VALENTINE CHAPUIS / PORTRAIT DE DAMIEN NOUVELLON ACTUEL PREVOT DES COMPAGNONS DU DEVOIR DE TOULOUSE /

Les Journées du Patrimoine 2024 ont brillamment mis en lumière le compagnonnage, transformant une tradition millénaire en un vecteur de partage et d’innovation. En honorant ces artisans, la France célèbre non seulement son passé architectural, mais aussi sa capacité à transmettre des valeurs d’excellence, de solidarité et de résilience. Comme l’affirme l’anthropologue Marc Augé dans Le Métro de Paris (2002, réédité), ces pratiques vivantes rappellent que le patrimoine n’est pas figé, mais en mouvement perpétuel. Pour les prochaines éditions, on peut espérer une amplification de ces initiatives, afin que le compagnonnage continue d’inspirer les générations futures dans un monde en pleine mutation.

Sources documentées :

  • Ministère de la Culture, Programme des Journées Européennes du Patrimoine 2024, culture.gouv.fr, consulté le 23 septembre 2024.
  • UNESCO, Inscription du Compagnonnage (2010), ich.unesco.org.
  • Union Compagnonnique des Compagnons du Devoir, Rapport Annuel 2023, compagnons-du-devoir.com.
  • Maréchaux, Alain, Le Compagnonnage, Éditions du Seuil, 2005.
  • Pastoureau, Michel, Couleurs, images, symboles, Le Léopard d’Or, 1989.
  • Articles de presse : Le Monde (21 septembre 2024), Ouest-France (22 septembre 2024), France Culture (podcast du 22 septembre 2024).
  • Rapports officiels : INSEE (Métiers d’Art, 2023) ; Fondation du Patrimoine (Restauration Notre-Dame, 2023) ; IRP (Patrimoine Immatériel, 2022).

Ulysse dans l’Odyssée d’Homère : une odyssée initiatique à la lumière de la Franc-maçonnerie

L’Odyssée, attribuée au poète grec Homère et composée vers le VIIIe siècle avant J.-C., est l’une des épopées fondatrices de la littérature occidentale. Ce récit épique suit les aventures d’Ulysse, roi d’Ithaque, qui, après la guerre de Troie, entreprend un voyage de retour semé d’épreuves extraordinaires. Plus qu’une simple saga maritime, l’Odyssée est une exploration profonde de l’âme humaine, un miroir des luttes intérieures et une métaphore intemporelle du cheminement personnel vers la sagesse.

Dans la tradition de la franc-maçonnerie, ce voyage d’Ulysse résonne comme une allégorie du parcours initiatique, où chaque épreuve devient une étape vers l’illumination et l’épanouissement spirituel. Plongeons dans cette œuvre magistrale, son contexte, son histoire, et découvrons comment les tribulations d’Ulysse éclairent le chemin symbolique des francs-maçons.

L’Odyssée : une oeuvre née des brumes de l’antiquité

L’Odyssée s’inscrit dans un contexte où la Grèce mycénienne, après son apogée, traverse une période de transition marquée par des bouleversements sociaux et culturels. Composée probablement entre 1200 et 800 av. J.-C., bien que sa date exacte reste débattue, cette épopée s’appuie sur une tradition orale riche, transmise par des aèdes avant d’être consignée par écrit. Homère, figure légendaire dont l’existence historique est incertaine, est crédité de deux grands poèmes : l’Iliade, qui narre la guerre de Troie, et l’Odyssée, qui se concentre sur le retour d’Ulysse. Cette dernière, divisée en 24 chants, couvre dix années d’errance après la chute de Troie, contrastant avec les dix années de guerre décrites dans l’Iliade.

Le texte, écrit en hexamètres dactyliques, mêle récits mythiques, géographie fantastique et réflexions sur la condition humaine. Ulysse, ou Odysseus en grec, est un héros complexe : rusé, courageux, mais aussi vulnérable, tiraillé entre son désir de rentrer chez lui et les tentations qui jalonnent son chemin. Parmi ses aventures emblématiques figurent son séjour auprès de la nymphe Calypso, son affrontement avec le Cyclope Polyphème, son passage entre Scylla et Charybde, et sa descente aux Enfers pour consulter le devin Tirésias. Ces épisodes, ancrés dans un monde où dieux et mortels s’entrelacent, offrent un cadre narratif riche en symboles, prêt à être interprété à travers le prisme de la quête intérieure.

Le voyage d’Ulysse : un parcours émaillé d’épreuves

Le voyage d’Ulysse commence après la victoire troyenne, marquée par l’épisode du cheval de Troie, fruit de son ingéniosité. Pourtant, ce triomphe s’accompagne d’une malédiction : en blessant le devin Laocoon et en défiant Poséidon, dieu de la mer, Ulysse attire la colère divine. Son odyssée devient alors une succession d’épreuves destinées à tester sa résilience, sa ruse et sa capacité à surmonter ses faiblesses.

  • L’île des Cyclopes : Ulysse et ses compagnons tombent aux mains de Polyphème, un géant monstrueux. Grâce à sa ruse, il aveugle le Cyclope et s’échappe, mais son orgueil le trahit lorsqu’il révèle son nom, attirant la vengeance de Poséidon.
  • Les Sirènes : Ces créatures enchanteresses tentent Ulysse avec leurs chants. Attaché au mât de son navire sur son propre ordre, il résiste à la tentation, symbolisant le contrôle de soi face aux désirs.
  • Circé et Calypso : Capturé par la sorcière Circé, qui transforme ses hommes en porcs, Ulysse use de diplomatie pour les libérer. Chez Calypso, il reste sept ans, séduit mais prisonnier, jusqu’à ce que les dieux ordonnent sa libération.
  • Scylla et Charybde : Face à ce dilemme marin, Ulysse choisit de perdre quelques hommes à Scylla plutôt que tous à Charybde, incarnant le poids des décisions morales.
  • Les Enfers : Descendant dans le royaume des morts, il consulte Tirésias, qui lui révèle les étapes restantes de son voyage, marquant une quête de sagesse transcendante.

Après ces épreuves, Ulysse revient à Ithaque, déguisé en mendiant, et reprend son trône en triomphant des prétendants qui courtisent sa femme Pénélope. Ce retour, après vingt ans d’absence, symbolise la victoire sur l’adversité et la restauration de l’ordre personnel.

Ulysse et le chemin initiatique de la Franc-maçonnerie

La franc-maçonnerie, avec ses rituels et ses symboles, propose un parcours initiatique visant à transformer l’individu par la connaissance de soi et l’élévation morale. Le voyage d’Ulysse, avec ses multiples étapes, offre une métaphore fascinante de ce cheminement, où chaque épreuve reflète une étape de la progression maçonnique : apprenti, compagnon, maître.

1. L’appel à l’aventure : La quête de soi

Pour le maçon, l’initiation commence par une prise de conscience, un désir de s’élever au-delà de la condition profane. De même, Ulysse, poussé par son amour pour Ithaque et sa famille, se lance dans un voyage qui le mènera bien au-delà de ses horizons initiaux. Cette quête initiale, marquée par l’incertitude après Troie, évoque le premier pas de l’apprenti, qui entre dans la loge les yeux bandés, symbolisant son ignorance première et sa volonté d’apprendre.

2. Les épreuves comme outils de transformation

Chaque rencontre d’Ulysse peut être vue comme une leçon initiatique. Face au Cyclope, il développe la ruse, une vertu maçonnique valorisant l’intelligence face à la brute force. Les Sirènes testent sa maîtrise de soi, un pilier du travail intérieur du maçon, qui doit dompter ses passions pour accéder à la sagesse. Chez Circé, la transformation de ses compagnons en porcs reflète la dégradation morale que le maçon cherche à éviter, tandis que sa libération symbolise la victoire de l’esprit sur la matière.

La descente aux Enfers, un moment clé, résonne avec les degrés supérieurs de la franc-maçonnerie, où l’initié explore les mystères de la mort et de la renaissance. Tirésias, en révélant l’avenir, agit comme un guide spirituel, à l’image des maîtres qui éclairent le chemin des apprenants dans la loge.

3. Le sacrifice et la résilience

Ulysse perd nombre de ses compagnons et endure des années de souffrance, un sacrifice qui rappelle les épreuves imposées aux maçons pour tester leur persévérance. Les chaînes qui le lient au mât face aux Sirènes ou celles qui le retiennent chez Calypso évoquent les contraintes que l’initié doit surmonter pour progresser. Cette résilience, forgée dans l’adversité, est au cœur du passage du compagnon au maître, où l’individu doit prouver sa capacité à transformer ses épreuves en enseignements.

4. Le retour à la lumière : la maîtrise de soi

Le retour d’Ulysse à Ithaque, après avoir triomphé des prétendants, symbolise l’achèvement du parcours initiatique. Déguisé en mendiant, il observe et agit avec sagesse, reflétant la discrétion et la prudence du maçon maître, qui a atteint une compréhension profonde de lui-même et du monde. Ce retour n’est pas une fin, mais une nouvelle étape, où Ulysse, comme le maçon, doit continuer à œuvrer pour l’harmonie et la justice.

5. Les symboles partagés : le feu et la pierre

Dans l’Odyssée, le feu apparaît comme un élément récurrent – que ce soit dans l’aveuglement du Cyclope ou la chaleur des foyers d’Ithaque. Pour le maçon, le feu symbolise la lumière de la connaissance, un écho au mythe de Prométhée, souvent invoqué dans les loges. De même, la pierre, omniprésente dans les paysages d’Ulysse et dans les constructions d’Ithaque, renvoie à la « pierre brute » que le maçon taille pour en faire une « pierre cubique », symbole de perfectionnement.

Une odyssée universelle et intemporelle

L’Odyssée transcende son époque pour devenir une méditation sur le voyage humain, un thème qui résonne avec la franc-maçonnerie, où chaque initié est un Ulysse en quête de son Ithaque intérieure. Les tempêtes, les monstres et les séductions ne sont pas seulement des obstacles extérieurs, mais des reflets des luttes intérieures que le maçon affronte dans son atelier. Comme Ulysse, il doit naviguer entre raison et passion, sacrifice et ambition, pour finalement retrouver son essence profonde.

Ce parallèle enrichit notre lecture de l’épopée d’Homère, révélant une profondeur spirituelle qui a inspiré des générations. Que l’on soit marin perdu en mer ou initié dans une loge, le message reste le même : le vrai voyage est celui de l’âme, un périple où chaque épreuve forge une lumière nouvelle, guidant vers une sagesse éternelle.

Sources :

  • Homère, Odyssée, traduction de Victor Bérard, VIIIe siècle av. J.-C.
  • Finley, M.I., The World of Odysseus, 1954.
  • Études symboliques : Guénon, René, Symboles fondamentaux de la science sacrée, 1962.
  • Analyse littéraire : Stanford, W.B., The Ulysses Theme, 1954.