Hier matin, mardi 17 juin 2025, à 9h, au Temple La Fayette, s’est tenue une réunion de la Section Permanente de la Chambre Suprême de Justice Maçonnique, comme nous l’annoncions dans notre article du 11 juin 2025. Elle avait été saisie par le Conseil de l’Ordre en procédure d’urgence en vue de suspendre le Frère Alain Bauer, membre de la loge sélective Intersection à l’Orient de Paris, à titre conservatoire, temporaire et exceptionnel, en raison des faits retenus à son encontre, conformément à l’article 93, paragraphe 6.
« les poursuites, devant la justice profane, justiciables de peines criminelles ou délictuelles ou condamnation à l’une de ces peines ».

Pour qu’une demande de suspension soit initiée par le Conseil de l’Ordre, il n’est pas requis qu’une condamnation soit prononcée ; il suffit que des poursuites soient en cours, ce qui correspond exactement à la situation du Frère Alain Bauer. Figure médiatique et ancien Grand Maître du Grand Orient de France (GODF, 2000-2003), il était hier encore présent sur CNews et BFM TV pour débattre du conflit entre Israël et l’Iran.

En effet, depuis plusieurs années, il fait l’objet de poursuites judiciaires menées par le Parquet National Financier (PNF) dans au moins deux affaires : l’affaire Proglio-EDF et l’affaire Caisse des Dépôts et Consignations (CDC). Dans la première, il a bénéficié d’un non-lieu en première instance, mais le PNF a fait appel. Dans la seconde, il a été condamné le 5 mars 2025 par le tribunal correctionnel de Paris à 12 mois de prison avec sursis, une amende de 375 000 euros et une interdiction de participer à des marchés publics pendant trois ans, en raison d’un « risque de récidive ». Il a fait appel de cette décision, plaçant ainsi les deux affaires sous procédure d’appel.

Ces enquêtes ont débuté en 2014, suite à des révélations de Médiapart, avec des investigations confiées à l’Office Central de Lutte contre la Corruption et les Infractions Financières et Fiscales (OCLCIFF). La Cour des Comptes a qualifié les prestations des sociétés d’Alain Bauer de « d’incertaines, d’utilité contestable et onéreuses », notamment dans le cadre de l’achat par la CDC des Guides gastronomiques Champérard pour 333 596 euros.
Depuis 2017, tous les Conseils de l’Ordre étaient informés de ces poursuites, particulièrement de l’affaire CDC, sans qu’aucune mesure n’ait été prise contre le Frère Bauer, dont l’influence au sein du GODF restait notable. Il avait même préfacé le livre de l’ancien Grand Maître Jean-Philippe Hubsch, La Fraternité est un combat, un ouvrage qui a valu à ce dernier une sanction par un Jury Fraternel : privation d’éligibilité et interdiction de représentation jusqu’en juin 2026.
Hier matin, l’exposé des motifs, présenté par le Garde des Sceaux Gérard Sabater, ancien bâtonnier, a été sobre, détaillant la situation. Alain Bauer, absent, était représenté par Maître Vaillant, également conseil de Philippe Guglielmi. Après une première requête visant à annuler la procédure pour vice de forme, la défense a plaidé que la présomption d’innocence, liée aux appels en cours, devait empêcher toute sanction. Ce scénario était anticipé par Alain Bauer dans deux commentaires publiés sur 450.fm le 11 juin 2025, où il déclarait :
« Ayant moi-même engagé de nombreuses procédures comme Garde des Sceaux et Grand Maître, dans l’intérêt de l’Obédience, j’ai demandé que celles-ci me soient appliquées… et de demander le respect des règles que le GODF défend pour tous : présomption d’innocence jusqu’à la fin de la procédure. »

Cependant, la Section Permanente n’a pas suivi ce raisonnement. Elle a prononcé la suspension des droits et qualités d’Alain Bauer pour la durée des procédures profanes, une décision qui devrait être publiée dans les 15 jours, conformément à l’article 141 des Principes fondamentaux des débats et de la publication des jugements. À noter que, par le passé, deux décisions similaires n’ont pas été publiées dans les délais : celle concernant le Frère Hubsch (plus de 4 mois après la décision du 18 juin 22) et celle du Frère Gérard Plumecoq (2023), annulant une suspension dans des conditions jugées exorbitantes du droit maçonnique.
Toute décision de justice maçonnique étant susceptible d’appel, le Conseil de l’Ordre ou Alain Bauer dispose d’un délai de trente jours suivant la notification pour faire appel. La question se pose désormais : le Conseil de l’Ordre fera-t-il appel de cette décision, et sur quelles bases ?
Alain Bauer, quant à lui, fera-t-il appel de cette sanction, qui, contrairement à certaines interprétations, n’est pas une mesure administrative mais une véritable sanction, la présomption d’innocence n’ayant pas de portée juridique dans le droit maçonnique du GODF ?
Affaire à suivre…
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Bonjour à toutes et à tous. Je suis en maçonnerie essentiellement par l’héritage que nous ont laissés les Lumières. Leur lecture nous éclaire. Pour autant, j’avoue mon manque coupable d’intérêt pour tout un ensemble de réglementations, certes utiles et nécessaires mais dont, parfois, je me pose la question de la portée : n’y a-t-il pas, parfois, emballement, manque de recul, confusion entre rigueur et rigidité, etc, dans l’application d’une règle ? Ici, il s’agit de la présomption d’innocence. Même si notre RG permet d’évincer Alain Bauer, est-il judicieux de l’évincer sans attendre que la justice républicaine soit passé ? Je n’ai pas de réponse tranchée mais je doute. Dans l’esprit des lois, Montesquieu tenait au moins autant à l’esprit qu’à celles-ci ou à leur application…
La sanction qui frappe Alain Bauer est conforme à l’article 6. En demandant lui même à être traduit devant la section permanente, il a rendu la corde pour se faire pendre car il avait fourni le poison et le remède
La présomption d’innocence. Malheureusement pour lui, la Section permanente a suivi strictement le RG.
Alain Bauer ne fera pas appel car les délais sont tels que ce sera la même Section permanente qui interviendra À moins que le Conseil de l’Ordre ne retire sa saisine ?? À moins que la puissante Loge Intersection n’interpelle le Conseil de l’Ordre lors du Convent car c’est sous sa responsabilité devant le Convent que la saisine s’est faite
Dans les questions que pose 450FM manque la question de la responsabilité du CO devant le Convent. Que va décider le Convent si d’aventure la question vient en débat?
Ce qui me gêne, c’est qu’il faille une décision disciplinaire pour obtenir ce qui devrait être une évidence : lorsqu’on est mis en cause dans une procédure pénale, on devrait de soi-même se mettre en retrait, pour préserver à la fois sa présomption d’innocence et la dignité de l’institution à laquelle on appartient. Pour le reste, je ne connais pas le dossier et je respecte la personne d’Alain Bauer qui a été sans doute un des GM du GODF les plus brillants de ces 30 dernières années.
Je croyais que les FM n’étaient pas dans le jugement…
Un rappel des textes s’impose (ref. CONSTITUTION ET RÈGLEMENT 58 GÉNÉRAL DU GODF – ÉDITION 2024-2025) :
ART. 93. – SUSPENSION.
Le Conseil de l’Ordre est habilité, sous sa responsabilité devant le Convent, à saisir,
en procédure d’urgence, la Section Permanente de la Chambre Suprême de Justice
Maçonnique prévue à l’article 148 du Règlement Général, en vue de suspendre tout
Franc-Maçon à titre conservatoire, temporaire et exceptionnel, en raison des faits suivants
retenus à son encontre ou d’exclure tout Franc-Maçon en raison des faits retenus à son
encontre comme indiqué au point 7 :
6) poursuites, devant la justice profane, justiciables de peines criminelles ou délictuelles
ou condamnation à l’une de ces peines, à l’exception des infractions jugées politiques par
les Instances maçonniques,
Sans préjuger du verdict de la justice profane ni, sans ce prononcer sur le fond des affaires, la section permanente du la Chambre Suprême de Justice Maçonnique peut SUSPENDRE tout Franc-Maçon dans l’attente du prononcé par la justice profane du Verdict. On ne peut que regretter le zèle, parfois à géométrie variable, mis en oeuvre par de Conseil de l’Ordre à saisir la section permanente.
Mais si mais si mais si ,il y a un droit maçonnique qui doit respecter le droit des associations
Chaque association est libre de rédiger ses propres règles et aucune ne s’en prive
C’est vrai que l’hypertrophie de la phraséologie maçonnique entraîne des abus de langage
Mais en l’occurrence le droit maçonnique a été respecté mais il faut attendre la publication de la décision
Ceci dit avoir joué la présomption d’innocence dans cette situation est très étonnant de la part de son conseil habituellement mieux avisé
À ma connaissance il n’y a pas de « droit maçonnique » ni de « justice maçonnique » mais des structures de règlements des conflits et de discipline. Cela étant dit, la sanction judiciaire n’étant pas définitive le frère Bauer est suspendu et non exclu.
Attendons donc la fin des procédures judiciaires en cours avant de nous même juger
Cher Jeronimo
Il te faut relire le RG dans son article 93 -6
Alain Bauer est l’objet de poursuites judiciaires profanes en raison de faits considérés comme délictuels
Ces délits sont tels qu’ils portent atteinte gravement aux intérêts généraux de l’Ordre
Le Conseil ne pouvait pas ne pas saisir la section permanente devant la condamnation en première instance . Les Conseils précédents depuis 2017prudents ou frileux , le Grand Chapitre General la Loge Intersection ne sont pas intervenus sans doute en raison de la grande notoriété du frère Bauer
Mais ce qui est intéressant c’est que c’est le frère Bauer himself qui a sollicité la saisine de la CSJM en fournissant la solution la présomption d’innocence
Malheureusement pour eux les trois membres de la section permanente ont appliqué au sens strict le droit maconnique au grand dam de l’oligarchie
Dans cette affaire , la chambre s’est affranchie des pressions politiques :une grande première depuis trois présidences
Dura lex sed lex
Chère Sophia Lapidus,
En effet, l’article 93-6 est clair.
Je ne comprends pas vos commentaires sur les Conseils précédents depuis 2017, le GCG et la Loge qui n’auraient rien fait depuis 2017. A ma connaissance, Alain Bauer n’a été sanctionné qu’une fois le 6 mars 2025, donc pourquoi 2017 ?
Merci également de préciser ce que vous entendez par « pressions politiques », de quelles informations disposez-vous et ce depuis 3 présidences ?
C’est bien de jeter en l’air des opinions mais encore faut-il les étayer
Merci
Ça ressemble furieusement à un règlement de compte. Je rappelle que les lois de la maçonnerie ne peuvent être en contradiction avec les lois de la République. Or la présomption d’innocence, est un principe fondamental du droit français. Alors, on joue à quoi ?
Je subis dans ma loge un appriori … Que dois je faire
Petit commentaire sur lmes commentaires…. pour que les choses soient claires.
Non, il n’y a pas de « droit maçonnique » ni de « justice maçonnique » (OK Zeghni), mais ces appelations, si elles sont des abus de langage, sont des commodités de langage.
Le règlemnt du GO, comme celui des boulistes de Fréjus, n’est que son règlement intérieur qui ne s’appluque qu’à ses membres. Dans le droit canonique, la justice du Vatican peut excommunier un paroissien. Mais ces justices et ses condamnations n’ont aucun effet civil, donc la présomption d’innocence n’a pas à s’appliquer. etc. (à Xano) Si le GO décide que la femme de César ne doit pas être soupçonnée, c’est son droit. Il faut juste que les sanctions ne soient pas contre les lois de la république (encore Xano). le Vatican peut excommunier un catho, mais ne peut le brûler vif !
a priori (séparé et sans accent sur le a) vous devez répondre par un a posteriori.
Toute personne qui n’est pas jugée définitivement est réputée innocente.
La justice maçonnique s’assied t elle sur la présomption d’innocence?
En fraternité