jeu 18 décembre 2025 - 22:12
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Un prêtre suspendu pour participation à des rites maçonniques à Ormoc City

Du site antimaçon riposte-catholique.fr

L’Ordre des Augustins Déchaussés* a annoncé la suspension temporaire du Père Libby Daños, prêtre missionnaire en Asie, après sa participation à une cérémonie maçonnique à Ormoc City, aux Philippines. Cette décision, révélée le 1er septembre 2025 dans une déclaration signée par le Père Luigi Kerschbamer, prieur provincial, et le Conseil provincial de la Province de Saint-Nicolas de Tolentino, fait suite à la bénédiction d’un monument maçonnique le 11 août à Barangay San Pablo.

Le Père Daños, qui a servi en Asie pendant près de 30 ans, a reconnu sa présence lors de l’événement, tout en affirmant qu’il ignorait initialement la nature maçonnique de la cérémonie.

Cependant, le conseil provincial a jugé que cette participation, quelle qu’en soit l’intention, contrevient aux enseignements de l’Église catholique, qui considère l’adhésion ou l’approbation des activités maçonniques comme « inconciliable avec la doctrine ».

Cette position a été réaffirmée en novembre 2023 par le Dicastère pour la Doctrine de la Foi, avec l’approbation du pape François, interdisant formellement aux catholiques toute implication dans la franc-maçonnerie.

La participation du Père Daños a également provoqué un scandale parmi les fidèles, aggravant la gravité de l’incident.

Exprimant de « profonds remords », le Père Daños coopère actuellement à une enquête canonique en cours. En attendant les conclusions, il a été suspendu de son ministère public. Cette affaire soulève des questions sur la compatibilité des engagements religieux et des affiliations maçonniques, un débat qui continue de diviser, comme en témoigne le cas du Père Weninger, franc-maçon assumé et membre du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux.

O.S.A, blason
O.S.A, blason

*Ordre mendiant catholique issu d’une réforme de l’Ordre de Saint Augustin (OSA) au XVIIe siècle en Italie, dans le contexte de la Contre-Réforme. Fondé en 1610, il met l’accent sur l’austérité, la prière, la pénitence et un quatrième vœu d’humilité, symbolisé par le port de sandales (d’où « déchaussés »).

Ses origines remontent au philosophe et théologien chrétien romain et amazigh Augustin d’Hippone ou saint Augustin (354-430) nom latin est Aurelius Augustinus –, un des quatre premiers Pères de l’Église latine à se voir conférer le titre honorifique de docteur de l’Église. La devise de l’Ordre est « Anima una et cor unum in Deum », qui traduit par « Une seule âme et un seul cœur tournés vers Dieu ».

Costume d'un augustin (1811)
Costume d’un augustin (1811)

Sa Règle inspire la vie communautaire, l’amitié et la recherche de Dieu. Au Moyen Âge, des ermitages italiens se forment, menant à la création de l’OSA en 1256 par le pape Alexandre IV, unifiant des communautés mendiantes.

La réforme OAD débute en 1592 à Rome et Naples, avec des habits rudes et des constitutions approuvées en 1598, établissant une branche distincte. Une branche féminine émerge en 1589 en Espagne, influencée par sainte Thérèse d’Avila, et s’étend au Portugal, aux Philippines et en Amérique du Sud. L’ordre s’expande en Europe (Italie, Bohême, Autriche) et en missions : Chine et Tonkin (1697-1811), Brésil (1948), Philippines (1994), Indonésie, Vietnam et Inde.

Frei-Nei-Marcio-Simon-OAD-Brasil
Frei-Nei-Marcio-Simon-OAD-Brasil

Il gère des écoles, orphelinats et missions éducatives, comme Notre-Dame de la Consolation à Manille. Malgré des suppressions (Révolution française 1790), il compte, en 2022, 233 frères dans 38 maisons – contre 220 en 2018 –, avec un charisme missionnaire inspiré de saint Augustin.

Aujourd’hui, dirigé par le prieur général Nei Marcio Simon, l’OAD allie contemplation et apostolat, servant l’éducation et les missions avec humilité.

L’autre histoire : Templiers, Illuminati, Francs-Maçons… entre mythe et révélation

Avec Secrets d’Histoire – Au cœur des sociétés secrètes, le lecteur va franchir un seuil. Les pages se déploient comme les portes d’un temple intérieur. Chaque article devient une pierre, chaque illustration une fresque. Sous la plume et la direction de Stéphane Bern, nous sommes invités à descendre dans les souterrains de l’histoire. Les sociétés secrètes y apparaissent comme autant de veines invisibles. Elles irriguent notre mémoire collective. Elles inspirent nos rêves, nos peurs et nos quêtes spirituelles.

Secrets d'Histoire n°47
Secrets d’Histoire n°47
Stéphane Bern - photo coll. particulière
Stéphane Bern – photo coll. particulière

Stéphane Bern n’est pas seulement un conteur. Il est un passeur. Journaliste, écrivain, animateur, il consacre sa vie à la sauvegarde du patrimoine. Ses combats pour les châteaux et les traditions sont bien connus. Mais derrière le défenseur des pierres, se tient un gardien des âmes. Ses récits possèdent une force initiatique. Ils ne racontent pas simplement l’histoire. Ils la rendent vivante. Ils l’illuminent.

Pierre-Yves Beaurepaire (Source Wikipedia)

À ses côtés, Pierre-Yves Beaurepaire nous guide. Historien moderne, professeur à l’Université Côte d’Azur, membre de l’Institut Universitaire de France, il s’est imposé comme un spécialiste incontournable des réseaux maçonniques et intellectuels du XVIIIe siècle. Ses recherches sur les Lumières révèlent comment lettres, correspondances et Loges tissaient une Europe souterraine. Une Europe invisible mais décisive. Ses travaux rejettent les fantasmes complotistes. Ils replacent les sociétés secrètes dans la vérité de leur époque. Ils montrent combien elles furent, et demeurent encore, des laboratoires d’idées et de spiritualité.

Templiers à cheval

Le dossier principal de ce numéro déroule un panorama fascinant. Templiers, Illuminati, Francs-Maçons, Rosicruciens, Carbonari. Tous sont là. Chacun apparaît comme une constellation. Chaque fraternité incarne une manière de chercher l’absolu. Chaque symbole, chaque rituel, chaque légende est une étoile qui éclaire notre nuit intérieure.

Sceau Templier

Les Templiers surgissent en premier. Leur histoire est un drame sacré. Jacques de Molay, dernier grand maître, immolé par le feu en 1314, incarne la croix du sacrifice. Leur trésor, qu’il soit matériel ou spirituel, devient une légende intemporelle. Dissous par Philippe le Bel, l’Ordre n’a pas disparu. Il s’est transformé. Sa flamme circule encore. Elle se mêle aux rêves alchimiques. Elle nourrit les mythes modernes. Elle demeure une énigme initiatique : la pureté peut-elle survivre aux puissances temporelles ?

Les illuminati
Les Illuminati

Viennent ensuite les Illuminati de Bavière. Adam Weishaupt les fonde en 1776, année d’indépendance américaine. Leur projet : unir raison et intuition, science et mystère. Les princes s’inquiètent. Les interdits s’abattent. L’Ordre est supprimé en 1785. Mais la légende ne s’éteint pas. Elle s’amplifie. Les Illuminati deviennent des maîtres invisibles accusés de manipuler les révolutions et même les guerres modernes. Leur œil devient un emblème. Une vigilance éternelle. Symbole hermétique. Invitation à discerner la vraie illumination des fausses lueurs.

La Franc-Maçonnerie rayonne ensuite. Figures tutélaires : Benjamin Franklin, George Washington. Dans la Loge, l’équerre et le compas sculptent l’homme intérieur. La pierre brute devient pierre polie. Les Constitutions américaines se nourrissent de ces idéaux : liberté – égalité – fraternité. Trois mots gravés dans la chair des révolutions. Mais aussi trois mots inscrits dans l’âme de l’humanité. L’Apprenti gravit les degrés. L’homme s’élève. L’harmonie cosmique se reflète dans la construction sociale. L’histoire rejoint le rituel.

Hommes du Ku,Klux,Klan en réunion
Hommes du Ku,Klux,Klan en réunion

La revue n’oublie pas les ombres. Mafias, Ku Klux Klan. Ces organisations pervertissent les codes initiatiques. Les serments de silence deviennent masques du crime. Les rituels d’entrée se muent en rites de domination. Ce qui était lumière se change en ténèbres. Ce qui était fraternité devient instrument de haine. Le contraste est saisissant. Il rappelle que chaque symbole possède deux faces. L’initié doit discerner. Toujours. Car la tentation de l’ombre guette.

Les rosicruciens apparaissent comme une réponse lumineuse. Leurs manifestes du XVIIe siècle parlent d’une rose éclose sur la croix. Alchimie spirituelle. Fusion du christique et de l’hermétique. Anonymes, leurs textes influencent des générations. Ils inspirent la théosophie d’Helena Blavatsky. Ils annoncent une sagesse universelle, où Orient et Occident dialoguent. Ils rappellent que toute initiation est une quête d’unité.

Drapeau carbonariste
Drapeau carbonariste

Les carbonari ferment la marche. Ces « hommes du charbon » prêtent serment sur les flammes. Le feu purifie. Le feu libère. Leur clandestinité alimente l’unité italienne. Leur engagement politique est une initiation collective. Ils prouvent que la fraternité secrète peut devenir levier d’émancipation nationale.

Ainsi, au fil des pages, nous découvrons que ces sociétés ne sont pas seulement des organisations cachées. Elles sont miroirs. Elles reflètent les espoirs et les dérives de l’humanité. Elles incarnent nos rêves de fraternité et nos peurs d’asservissement. Elles rappellent qu’il y a deux histoires, comme l’écrivait Honoré de Balzac : l’officielle et la secrète. La première rassure. La seconde révèle.

Chaque image, chaque article, chaque symbole résonne comme un appel. Croix ansée, étoile flamboyante, œil providentiel. Tous deviennent des clés de conscience. Ils invitent à reconstruire notre temple intérieur. Le lecteur ne reste pas spectateur. Il devient participant. Le secret se transforme en appel à l’éveil.

Secrets d’Histoire, détail

Au terme de la lecture, nous sentons une transformation. Ce numéro ne nourrit pas seulement la curiosité. Il éveille l’âme. Il rappelle que la quête des sociétés secrètes n’est qu’un reflet de la nôtre. La quête de l’homme éternel qui, à travers épreuves, ténèbres et initiations, cherche la lumière.

Cette revue n’est pas une enquête journalistique comme les autres. Elle est un voyage. Elle est une initiation de papier. Elle nous relie à la grande chaîne invisible. Celle qui traverse les siècles. Celle qui unit les peuples. Celle qui espère, au-delà des dogmes et des complots, une fraternité universelle éclairée par l’aube ésotérique de la conscience.

Secrets d’Histoire détail

Secrets d’Histoire – Au cœur des sociétés secrètes

Uni-médias, N°47, sept.-oct.-nov. 2025, 114 pages, 5,95 €

Autres articles sur
Pierre-Yves Beaurepaire

Les loges maçonniques de Culiacán saluent une amélioration de la sécurité dans la capitale de Sinaloa

De notre confrère debate.com.mx

Dans un contexte marqué par des années de défis sécuritaires, la ville de Culiacán, capitale de l’État de Sinaloa au Mexique, semble connaître une embellie notable. Lors d’une récente déclaration, les dirigeants des loges maçonniques locales ont exprimé leur reconnaissance envers les progrès réalisés en matière de sécurité dans la région.

Cette annonce, relayée par le journal El Debate le 30 août 2025, met en lumière une dynamique positive dans une ville longtemps confrontée à des problématiques de violence.

Un constat encourageant des leaders maçonniques

Les représentants des loges maçonniques de Culiacán, figures respectées au sein de la communauté pour leur engagement en faveur de la paix et de la cohésion sociale, ont salué les efforts des autorités locales et nationales pour réduire l’insécurité. Selon eux, les initiatives mises en place, notamment les opérations de sécurisation menées par les forces de l’ordre, portent leurs fruits. Ces actions incluent des patrouilles renforcées, des stratégies de prévention et une collaboration accrue entre les différents niveaux de gouvernement – municipal, étatique et fédéral – pour rétablir un climat de sérénité dans la ville.

Culiacán, fondée en 1531 et reconnue pour son importance agricole, a souvent été sous les feux des projecteurs en raison de la violence liée à la criminalité organisée, notamment en lien avec le cartel de Sinaloa. Les récents rapports font état d’une diminution significative des incidents violents, ce qui a permis de restaurer une certaine confiance parmi les habitants et les acteurs économiques locaux. Les leaders maçonniques, dont l’influence s’étend au-delà des cercles initiatiques, soulignent que cette amélioration contribue à renforcer le tissu social et à encourager le développement économique, notamment dans les secteurs clés comme le commerce, le tourisme et l’agriculture.

Un engagement maçonnique pour la paix et le développement

temple de La Lomita, une image prise de la colline du canal 3

Cette reconnaissance s’inscrit dans la continuité de l’engagement des loges maçonniques à Culiacán, qui se sont historiquement investies dans des initiatives visant à promouvoir la paix et le bien-être communautaire. Lors du XLIII Congrès Maçonnique National organisé à Culiacán en juillet 2022, plus de 300 participants avaient abordé des thématiques cruciales telles que la construction d’une culture de la paix, la préservation de l’environnement et l’accès à l’eau. Les propositions issues de cet événement avaient été transmises aux autorités pour enrichir les politiques publiques. Les loges maçonniques continuent de jouer un rôle actif, notamment à travers des projets philanthropiques comme la création d’un centre de soins pour enfants brûlés ou nécessitant des traitements orthopédiques, en collaboration avec les États de Sonora, Baja California et Sinaloa.

Les leaders maçonniques ont également insisté sur l’importance de maintenir cet élan positif. Ils appellent à une mobilisation continue de la société civile et des institutions pour pérenniser ces avancées. Leur discours met en avant des valeurs fondamentales de la franc-maçonnerie, telles que la fraternité, la justice et l’engagement citoyen, comme leviers pour bâtir une communauté harmonieuse et résiliente.

Une lueur d’espoir dans un contexte complexe

Malgré ces progrès, Culiacán reste confrontée à des défis. La ville a connu des périodes sombres, marquées par des vagues de violence, comme en 2017, lorsque Culiacán s’est classée parmi les villes les plus violentes au monde selon le Conseil Citoyen pour la Sécurité Publique et la Justice Pénale. Plus récemment, en octobre 2024, des incidents graves, tels que l’attaque armée contre les locaux du journal El Debate et le kidnapping d’un de ses employés, ont rappelé la persistance des tensions liées à la criminalité organisée. Ces événements, survenus dans un contexte de luttes internes au sein du cartel de Sinaloa, ont suscité une mobilisation des autorités pour renforcer la sécurité.

Cependant, les déclarations des leaders maçonniques mettent en lumière une perspective optimiste. Les efforts conjoints des forces de sécurité et des initiatives communautaires semblent créer un environnement plus stable, permettant à la ville de se projeter vers un avenir plus serein. Les autorités locales, soutenues par le gouverneur Rubén Rocha Moya, continuent de promouvoir des stratégies pour protéger les habitants et encourager les investissements, comme en témoigne la croissance de 17 % des investissements privés en 2017 dans des secteurs comme le commerce et le tourisme.

Une invitation à la vigilance et à l’optimisme

En saluant les progrès réalisés, les loges maçonniques de Culiacán appellent également à la vigilance. La réduction de la violence ne signifie pas la disparition des défis, et la consolidation de ces avancées nécessitera un engagement soutenu de toutes les parties prenantes. Leur message est clair : la paix et la sécurité sont des biens communs qui exigent une responsabilité collective.

Cette reconnaissance des améliorations sécuritaires par les leaders maçonniques est un signal fort pour Culiacán et ses habitants. Elle invite à célébrer les progrès tout en poursuivant les efforts pour faire de la capitale de Sinaloa un modèle de résilience et de développement. Dans un État où l’histoire récente a été marquée par des défis complexes, cette lueur d’espoir portée par des voix influentes comme celles des francs-maçons est un encouragement à continuer sur la voie de la paix et de la prospérité.

Informations clés :

  • Source : El Debate, 30 août 2025
  • Lieu : Culiacán, Sinaloa, Mexique
  • Contexte : Amélioration notable de la sécurité reconnue par les loges maçonniques
  • Perspectives : Renforcement des initiatives pour la paix et le développement communautaire

Cette dynamique positive, portée par l’engagement des institutions maçonniques et des autorités, redonne espoir à une ville qui aspire à un avenir plus sûr et harmonieux.

Les origines du christianisme – 4

Si vous n’avez pas lu l’épisode d’hier…

L’article d’aujourd’hui aborde les défis de reconstruire l’histoire du christianisme primitif, les sources fragmentaires disponibles, les dynamiques de la communauté primitive de Jérusalem, les tensions culturelles et théologiques entre les Hébreux et les Hellénistes, et l’émergence de figures comme celle d’Étienne.

Les défis de la reconstruction historique du christianisme primitif

L’histoire du christianisme primitif est difficile à reconstituer en raison de la nature fragmentaire des sources de l’Antiquité, contrairement à l’histoire contemporaine où les documents abondent. De nouveaux éléments et documents exigent des historiens de repenser constamment le tableau global. Les sources disponibles présentent d’innombrables lacunes, rendant impossible un récit continu, comme on le ferait pour l’histoire moderne. On ne peut éclairer que certains points grâce à de rares témoignages, tandis que la majorité demeure dans l’ombre.

Les sources les plus anciennes sont cruciales : les sept épîtres authentiques de Paul (1 Thessaloniciens, vers 50 ; Romains, vers 56-57 ; Philippiens, peut-être 62, bien que discuté), suivies de l’Évangile selon Marc (vers 70). Luc est particulièrement remercié pour avoir offert l’Évangile de Luc et les Actes des Apôtres. Les Évangiles sont essentiels pour les paroles de Jésus, tandis que les Actes constituent une source incontournable pour situer chronologiquement les épîtres de Paul et écrire l’histoire du christianisme primitif, de la mort et résurrection de Jésus jusqu’à l’emprisonnement de Paul à Rome en 62.

Cependant, un problème majeur est que Luc, historien des premières communautés chrétiennes, se focalise sur le groupe de Jérusalem, le valorisant à l’excès. Quelques semaines après la mort de Jésus, les disciples semblent tous réunis à Jérusalem. Luc, pour des raisons diverses, s’attache à cette communauté, montrant son premier acte à la Pentecôte : profitant d’une grande fête de pèlerinage juive, ils annoncent la Bonne Nouvelle du Christ ressuscité à tous les présents.

Pourquoi Jérusalem ? Risques et attentes apocalyptiques

Pourquoi ces disciples, majoritairement Galiléens – des provinciaux peu familiers de la capitale, ne s’y rendant qu’occasionnellement pour la Pâque – choisissent-ils de retourner à Jérusalem, un milieu hostile où le Temple et sa police représentent un danger ? C’est un choix risqué et courageux : risqué, car ils sont complices d’un condamné à mort ; courageux, car ils risquent un sort similaire à celui de Jésus. Pourquoi un mouvement galiléen s’établit-il si vite à Jérusalem après la crucifixion ?

La réponse réside dans la spéculation apocalyptique, un état d’esprit et une religiosité spécifiques, non universels. Jérusalem est l’endroit où le Royaume de Dieu doit s’établir, pas en périphérie. Les disciples et la famille de Jésus, tous Galiléens (région au nord d’Israël, opposée à la Judée), s’y installent malgré les risques, car ils attendent le retour imminent de Jésus, lié à la pleine réalisation du Royaume. Cette attente de la fin des temps motive leur présence : ils veulent être là pour accueillir Jésus.

Dans un premier temps, cette attente extrêmement courte entraîne un choix radical : la communauté des biens. Inspirée peut-être par la communauté essénienne de Qumrân (pratiquant le partage des biens), la communauté primitive de Jérusalem cherche à réaliser dès à présent ce qui sera effectif dans le Royaume : une vie de partage parfait et de fraternité intégrale. Les Actes relatent ce choix, qui semble plausible au vu des pratiques esséniennes.

La communauté des biens et ses tensions : l’exemple d’Ananie et Saphira

Un récit pittoresque et effrayant des Actes (chapitre 5) illustre ce modèle : Ananie et Saphira, censés donner tous leurs biens à la communauté, en gardent une partie. Pierre les confronte : “Ananie, comment se fait-il que Satan a envahi ton cœur, pour que tu mentes à l’Esprit, l’Esprit Saint, et que tu détournes pour toi une partie du montant du domaine ?” Leur mort subite reflète un règlement strict, inspiré du modèle essénien, prévoyant une mise en commun progressive des biens. Ananie et Saphira auraient triché, brûlant les étapes tout en assurant leurs arrières. Ce cas montre une communauté stricte, peut-être sectaire, avec des règles d’exclusion et un désir de ne pas trop se mêler aux non-Juifs.

Dans les Actes, les biens sont mis en commun ; ceux qui gardent pour eux suscitent crainte ou respect. Beaucoup admirent la communauté sans la rejoindre, nécessitant un acte volontaire d’adhésion. Comme dans le judaïsme de l’époque, on distingue prosélytes (convertis au judaïsme) et “craignant-Dieu” (sympathisants païens). La communauté fait la différence entre membres officiels et non-membres, mais son organisation exacte reste inconnue. Les premières communautés chrétiennes semblent très strictes, observantes, similaires aux communautés esséniennes, avec des règles et une discipline rigoureuses.

Une communauté ascétique et apocalyptique

Le texte des Actes suggère une tendance ascétique : les Actes mentionnent des veuves (exclues de la sexualité), Philippe convertissant un eunuque (chapitre 8, 27 à 39, exclu de la sexualité), et quatre filles vierges (chapitre 21, ayant choisi la virginité). Cela reflète un renoncement à la vie sexuelle, donc à la reproduction interne. La communauté ne peut se perpétuer qu’en recrutant des adeptes extérieurs, lié à l’attente de la fin des temps : pas besoin de se marier ou d’avoir des enfants, car le Royaume est proche. Cette attente motive un mode de vie tendu vers l’annonce imminente de la parousie (retour du Seigneur).

Le dernier mot du Nouveau Testament, “Maranatha” (“Seigneur, viens” en araméen), est un écho de cette attente originelle. Longtemps, les chrétiens l’attendent, mais doivent réaliser que cela prendra du temps. Les communautés actuelles sont moins motivées par cet article du Credo (“Il reviendra juger les vivants et les morts”), moins central qu’aux origines, où la parousie était essentielle : Jésus ressuscité doit revenir bientôt pour le Règne de Dieu, les événements finaux et le jugement.

La faillite économique et l’adaptation face au retard de la parousie

Cette attente de la fin des temps mène à une faillite économique. La communauté des biens, viable à court terme, devient problématique en quelques années (ou mois). La communauté de Jérusalem, initialement fraternité chaleureuse, doit envisager un autre mode d’existence pour durer face au retard de la parousie. Questions : pourquoi le Royaume n’arrive-t-il pas ? Les pratiques ou doctrines sont-elles erronées ? Qui a raison ? Que faire ? Face à la longue durée, il faut systématiser les pratiques, organiser les églises, établir des responsabilités et hiérarchies.

Les sectes millénaristes (attendant la fin des temps) face à l’échec ont deux options : se dissoudre ou se solidifier via des mécanismes de protection et d’autorité. Le christianisme primitif choisit la seconde voie. Dès la fin du Ier siècle, on distingue des rôles : prédicateurs, prophètes, organisateurs administratifs ou spirituels. Les sociologues montrent que, dans les mouvements millénaristes, le démenti catalyse l’activité, poussant à surmonter l’échec par l’organisation.

Les conflits internes : Hébreux contre Hellénistes

Le Livre des Actes est quasiment la seule documentation sur les débuts du mouvement, mais, écrit un demi-siècle après les événements, il exige une lecture minutieuse. Les expressions comme “en ces jours-là” manquent de précision chronologique, et les chiffres (3000, 4000 convertis) sont aussi réels que “voir 36 chandelles” : symboliques. Les disciples sont dénommés diversement (“saints”, “partisans de la Voie”, “fidèles”, “disciples”), sans uniformité.

Malgré la présentation irénique de Luc (unanimité, harmonie), des tensions apparaissent. Actes 6,1 note que “le nombre des disciples augmentait, et les Hellénistes récriminaient contre les Hébreux parce que leurs veuves étaient oubliées dans le service quotidien.”
Qui sont ces Hébreux et Hellénistes ? Les Hébreux, parlant araméen/hébreu, sont associés aux apôtres (Pierre nommé “Kephas” en araméen). Les Hellénistes, influencés par la culture grecque, ne se limitent pas à parler grec ; ils représentent un christianisme se développant en Égypte, dans la diaspora araméenne, voire jusqu’aux Indes, fondé sur les paroles de Jésus.

Jérusalem est une cité judéo-hellénistique : 40 % des inscriptions sur 280 ossuaires sont en grec ; 15-20 % de la population (surtout femmes) ne parle pas araméen. Les Juifs hellénophones, souvent de la diaspora, s’installent à Jérusalem pour être près du Temple, lieu sacré où le Messie doit advenir. Ne pouvant suivre le culte en araméen, ils créent des communautés distinctes en grec (20-30 fidèles). Cela entraîne des tensions linguistiques et culturelles.

Luc relate un conflit sur la distribution des secours aux veuves (chapitre 6) : les Hellénistes estiment leurs veuves négligées par rapport à celles des Hébreux. Sept diacres, dont Étienne et Nicolas (prosélyte païen converti au judaïsme), sont désignés pour le “service des tables” (diaconie, service social). Mais cela ne fonctionne pas bien ; la communauté n’est pas aussi harmonieuse que Luc le décrit. Inspiré de l’Ancien Testament, il présente une communauté idéale (“un corps, une âme, pas de pauvres”), mais des affrontements surgissent.

Luc hiérarchise deux mouvements parallèles : les Hébreux (fidèles au judaïsme, à la Loi) et les Hellénistes (Juifs libéraux, imprégnés de philosophie grecque, universalistes). Il projette une subordination à Jérusalem, mais les intervenants pensent à deux communautés distinctes : les Sept (leaders hellénistes) face aux Douze (leaders pétriniens). La famille de Jésus collabore peut-être occasionnellement, mais il ne faut pas accepter Luc sans esprit critique.

La crise (Actes 6) est probablement plus profonde qu’une question de distribution. Les tensions touchent l’application de la Loi de Moïse, essence du judaïsme. Les Hellénistes (Étienne) ont une vision libérale, les Hébreux sont prudents.
Étienne, premier diacre, devient prédicateur à succès, premier martyr chrétien, non pour sa diaconie mais pour sa prédication. Originaire des synagogues de la diaspora, il défend ses convictions contre la communauté juive de Jérusalem, suscitant résistances et accusations de provocation. Son discours (Actes 7) critique l’attribution de la construction du Temple à Salomon (« “Dieu n’habite pas une demeure faite de main d’homme” »47 Mais ce fut Salomon qui lui construisit une maison.48 Pourtant, le Très-Haut n’habite pas dans ce qui est fait de main d’homme, comme le dit le prophète : 49 Le ciel est mon trône, et la terre, l’escabeau de mes pieds. Quelle maison me bâtirez-vous, dit le Seigneur, quel sera le lieu de mon repos ? 50 N’est-ce pas ma main qui a fait tout cela ? »). C’est un écho de l’accusation contre Jésus (Marc). Luc, s’appuyant sur des sources archaïques, ne camoufle pas le conflit mais minimise ses éléments.

Le martyre d’Étienne et ses conséquences

Le martyre d’Étienne, lapidé, répète la Passion de Jésus : mêmes paroles (“Pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font”, “Je remets mon esprit”). Luc présente Jésus comme premier martyr, Étienne comme second. Cette théologie lucanienne s’appuie sur une tradition locale, non nécessairement inventée, mais amplifiée. Étienne, vu comme précurseur de Jésus par les Hellénistes, a des vues progressistes, peut-être mieux comprises que Jésus, provoquant une cabale des Juifs grecs restés juifs. Sa condamnation, comme celle de Jésus, est un procès régulier, mais probablement truqué.
La lapidation d’Étienne entraîne une grande persécution contre l’Église de Jérusalem.
Tous se dispersent dans les villages de Judée et Samarie, sauf les apôtres. Étonnamment, les chefs (apôtres) restent, assurant la pérennité du témoignage de Jésus à Jérusalem.
Les judéo-chrétiens conservateurs, attachés à la Torah et au Temple, restent, n’ayant pas de raison d’être inquiétés.
Les Hellénistes, trublions, sont expulsés.

les judéo-chrétiens conservateurs auraient été contents de leur départ, car ils compliquaient leurs relations avec le judaïsme.

La synagogue, jouissant d’un statut d’exception dans l’Empire romain, marque sa distance avec les chrétiens pour ne pas être assimilée à eux. Des phénomènes de dénonciation apaisent les tensions, permettant aux Juifs de maintenir des relations paisibles avec l’Empire. La persécution, déchaînée par la caste sacerdotale et les Pharisiens, vise les Hellénistes.
Les Hellénistes fuient vers Antioche, évangélisant les païens, souvent des “craignant-Dieu” (païens judaïsés, plus faciles à convertir). Leur mission, d’abord centripète (vers Jérusalem), devient centrifuge, dépassant le judaïsme. Ils portent l’Évangile aux païens, cherchant à abolir le Temple et la Loi, provoquant un affrontement inévitable avec la communauté de Jacques et des traditionalistes.

Fractures et séparation définitive

Cette fracture entre Hébreux (judéo-chrétiens attachés à la tradition) et Hellénistes (libéraux, universalistes) est terrible, avec des conséquences dévastatrices. Sans la prendre en compte, on ne peut comprendre les épîtres de Paul ni le récit harmonisateur de Luc.
Les Hellénistes, jamais réintégrés, se radicalisent contre Jérusalem, le judaïsme, et la Loi. Vers 49-50, après le concile de Jérusalem, les deux chemins (Hébreux et Hellénistes) se séparent définitivement.

Un nouveau personnage apparaît : Paul, jeune homme approuvant le meurtre d’Étienne et poursuivant les partisans de Jésus pour défendre la Loi.

Illustration de l’article : Le Jugement Dernier par Michel Ange pour la chapelle Sixtine, début XVIe siècle

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Les Journées Européennes du Patrimoine 2025 : Une plongée unique dans l’univers maçonnique au Temple de Piolenc

Chaque année, les Journées Européennes du Patrimoine offrent une occasion exceptionnelle de découvrir des lieux chargés d’histoire et de mystère, souvent inaccessibles au public. Parmi ces trésors, la Franc-Maçonnerie, avec son riche héritage symbolique et culturel, ouvre les portes de ses temples à travers la France. En 2025, la Grande Loge de France (GLDF) invite une nouvelle fois les curieux à explorer ses lieux emblématiques, dont le remarquable Temple de Piolenc, situé dans le Vaucluse.

Ce lieu, véritable joyau architectural et spirituel, se distingue par ses décorations uniques en Europe, faisant de cette visite un moment inoubliable pour les amateurs d’histoire, d’art et d’ésotérisme.

Un temple d’exception au cœur du Vaucluse

Le Temple de Piolenc, érigé après l’incendie du Temple d’Orange, est bien plus qu’un simple lieu de réunion pour les francs-maçons de la loge Sagesse et Persévérance. Il se présente comme un véritable conservatoire de la tradition maçonnique, où chaque détail architectural et décoratif raconte une histoire. Ce qui rend ce temple si particulier, ce sont les fresques et ornements réalisés par deux artistes passionnés d’ésotérisme, Serge et Fabienne Boyër. Leur travail, d’une précision et d’une profondeur rares, transforme l’espace en une œuvre d’art vivante, où symboles maçonniques, références historiques et spiritualité se mêlent harmonieusement.

Les peintures murales, riches en couleurs et en significations, illustrent les valeurs fondamentales de la Franc-Maçonnerie : la quête de connaissance, la fraternité et la réflexion sur soi et sur le monde. Chaque recoin du temple invite à la contemplation et à la découverte, offrant aux visiteurs une immersion dans un univers où l’art et la spiritualité dialoguent.

Une expérience immersive lors des Journées du Patrimoine

Les 20 et 21 septembre 2025, le Temple de Piolenc ouvrira ses portes au public pour deux journées riches en découvertes. Les visites, accessibles sans réservation, se tiendront le samedi de 14h à 17h30 et le dimanche aux mêmes horaires. Les visiteurs auront l’opportunité d’explorer ce lieu unique, guidés par les membres de la loge Sagesse et Persévérance, qui se feront un plaisir de répondre aux questions et d’éclaircir certains mystères entourant la démarche maçonnique. Ces échanges, toujours empreints de bienveillance, permettent de lever le voile sur une institution souvent méconnue, tout en respectant son caractère initiatique.

Le samedi soir, un concert de clarinette et de piano viendra clore la journée dans une ambiance conviviale, ajoutant une touche culturelle à cette expérience déjà riche. Cet événement musical, organisé au sein du temple, offrira un moment de partage et d’émotion, en parfaite harmonie avec l’esprit des Journées du Patrimoine.

Une popularité croissante pour un patrimoine méconnu

Chaque année, les Journées Européennes du Patrimoine attirent un public de plus en plus nombreux, curieux de découvrir les coulisses de la Franc-Maçonnerie. L’ouverture des temples, comme celui de Piolenc, permet de démystifier cette tradition, tout en mettant en lumière son importance culturelle et historique. La Grande Loge de France, par cette initiative, s’inscrit dans une démarche d’ouverture et de dialogue, offrant au public une chance unique de comprendre les valeurs et les symboles qui animent ses membres.

Le Temple de Piolenc, par son unicité et sa beauté, incarne parfaitement cet esprit. Il ne s’agit pas seulement d’un lieu de réunion, mais d’un espace où l’art, la spiritualité et l’histoire se rencontrent pour offrir une expérience mémorable. Que vous soyez passionné d’ésotérisme, amateur d’art ou simplement curieux, cette visite promet d’être une parenthèse hors du temps.

Informations pratiques

  • Dates : Samedi 20 et dimanche 21 septembre 2025
  • Horaires : De 14h à 17h30
  • Lieu : Temple de Piolenc, Vaucluse
  • Accès : Entrée libre, sans réservation
  • Événement spécial : Concert de clarinette et piano le samedi soir

Ne manquez pas cette occasion unique de découvrir un patrimoine exceptionnel et de plonger dans l’univers fascinant de la Franc-Maçonnerie. Le Temple de Piolenc vous attend pour vous révéler ses secrets et sa beauté, dans le cadre des Journées Européennes du Patrimoine 2025.

La Franc-maçonnerie au Sénégal : une histoire discrète marquée par des controverses

De notre confrère sénégalais seneweb.com

La Franc-maçonnerie, souvent entourée de mystère et de spéculations, occupe une place particulière au Sénégal, où elle suscite à la fois curiosité et méfiance. Présente depuis l’époque coloniale, cette institution discrète a connu des développements significatifs, mais son implantation reste marquée par des tensions avec certains segments de la société sénégalaise, notamment les groupes religieux. Cet article explore l’histoire, la présence et les controverses liées à la Franc-maçonnerie au Sénégal, en s’appuyant sur plusieurs sources disponibles.

Une implantation ancienne mais discrète

Sénégal
Sénégal drapeau

La franc-maçonnerie est arrivée au Sénégal dès 1781, avec la création de la première loge par le Grand Orient de France à Saint-Louis, alors capitale coloniale. Cette implantation s’inscrivait dans le contexte de la colonisation européenne, où les loges maçonniques servaient souvent de lieux de rencontre pour les élites administratives et intellectuelles. Parmi les figures historiques associées à la franc-maçonnerie sénégalaise, on cite souvent Blaise Diagne, premier député africain élu à l’Assemblée nationale française, dont l’appartenance présumée à la franc-maçonnerie a alimenté de nombreux débats, bien que des incertitudes persistent sur son initiation effective.

Aujourd’hui, la franc-maçonnerie au Sénégal reste active, mais ses activités se déroulent largement dans la confidentialité. Selon Jeune Afrique, le Sénégal compterait cinq antennes du Grand Orient de France, qui se réunissent de manière discrète. La Grande Loge du Sénégal (GLS) est également mentionnée comme une structure active, organisant régulièrement des conclaves à Dakar. Ces organisations se présentent comme des espaces de réflexion humaniste et philanthropique, visant à promouvoir des valeurs telles que la fraternité, la liberté et l’éducation.

Les Rencontres humanistes et fraternelles africaines et malgaches (Rehfram) : un rendez-vous controversé

Un événement clé de la Franc-maçonnerie africaine est les Rencontres humanistes et fraternelles africaines et malgaches (Rehfram), un congrès annuel qui réunit des francs-maçons de divers pays pour discuter de thèmes comme le développement, l’éducation et la gouvernance. En 2018, Dakar devait accueillir la 26e édition de cet événement les 2 et 3 février, avec pour thème :

« Quel modèle de développement économique et social pour le progrès de nos sociétés : Libertés, Éducation, Gouvernance ? »

Cependant, cette rencontre a suscité une vive opposition de la part d’organisations religieuses, notamment l’ONG Jamra, qui y voyaient une menace à leurs valeurs.

Un temple du Grand Orient de France situé au siège de la rue Cadet à Paris -Crédit Photo GODF

L’opposition, menée par des groupes musulmans et chrétiens, a conduit à une forte pression sur les autorités sénégalaises, aboutissant à l’annulation de l’événement au King Fahd Palace. Le Grand Orient de France a dénoncé ce qu’il a qualifié de « manœuvres liberticides » orchestrées par des « forces obscurantistes », affirmant son intention de ne pas céder aux intimidations. Malgré les rumeurs d’une annulation officielle, certaines sources, comme Seneweb en janvier 2018, ont rapporté que la rencontre n’avait pas été formellement annulée, laissant planer le doute sur une possible délocalisation dans un autre lieu au Sénégal. Cette controverse a mis en lumière les tensions entre la laïcité prônée par l’État sénégalais et les sensibilités religieuses d’une partie de la population.

Perceptions et critiques dans la société sénégalaise

La Franc-maçonnerie au Sénégal est souvent perçue à travers le prisme du secret et du pouvoir. Des rumeurs persistantes associent des personnalités politiques et économiques de premier plan, comme d’anciens présidents ou hommes d’affaires, à des loges maçonniques. Ces allégations, bien que rarement étayées par des preuves concrètes, alimentent un imaginaire collectif où la Franc-maçonnerie est vue comme une force influente, voire manipulatrice, dans les sphères du pouvoir. Par exemple, des commentaires sur Seneweb en 2018 évoquaient des figures comme Macky Sall ou Abdoulaye Wade comme étant potentiellement liées à la franc-maçonnerie, sans toutefois apporter de preuves formelles.

Pour certains Sénégalais, la franc-maçonnerie est perçue comme incompatible avec les valeurs religieuses dominantes, dans un pays à majorité musulmane (environ 95 %) et avec une forte présence chrétienne. Des critiques, souvent relayées par des groupes comme Jamra, associent la franc-maçonnerie à des pratiques ésotériques ou même sataniques, bien que ces accusations soient rejetées par les francs-maçons eux-mêmes, qui insistent sur leur engagement humaniste. D’autres voix, plus modérées, appellent à une approche pragmatique, soulignant que la franc-maçonnerie n’est pas une religion et qu’elle coexiste avec d’autres formes d’associations dans un Sénégal laïc.

Une institution en quête de légitimité

Malgré les controverses, la franc-maçonnerie sénégalaise cherche à se positionner comme une force de réflexion et de progrès. Un initié sénégalais, Zorobabel Ndiaye, interviewé par Seneweb en 2025 et par 450.fm en 2022, a décrit la franc-maçonnerie comme une organisation favorisant les rencontres intellectuelles et professionnelles, tout en insistant sur son caractère non religieux et son attachement à des valeurs morales. Cependant, le secret entourant ses rituels et son fonctionnement continue de nourrir les suspicions, notamment dans un contexte où les dérives de certaines confréries religieuses ou pratiques mystiques locales sont également critiquées.

Antimaçonnique par senego.com
Antimaçonnique par senego.com – Ong islamique Jamra

L’annulation des Rehfram en 2018 a marqué un tournant, révélant la difficulté pour les francs-maçons de s’afficher publiquement au Sénégal. Comme l’a souligné Mame Makhtar Guèye, vice-président de Jamra, l’abrogation de l’arrêté interdisant les rencontres maçonniques ne signifiait pas une autorisation explicite de leurs activités, soulignant un terrain social et politique peu favorable.

En conclusion

La Franc-maçonnerie au Sénégal, bien qu’historiquement ancrée depuis plus de deux siècles, reste une institution discrète, souvent incomprise et sujette à des controverses. Entre son ambition de promouvoir des valeurs humanistes et les résistances qu’elle rencontre dans une société profondément religieuse, elle navigue dans un équilibre précaire. Les événements comme l’annulation des Rehfram en 2018 illustrent les défis auxquels elle fait face pour s’intégrer pleinement dans le paysage sénégalais. Toutefois, son existence continue d’alimenter des débats sur la laïcité, la liberté d’association et le rôle des organisations ésotériques dans un pays en constante évolution.

Sources :

  • Seneweb, « Congrès des francs-maçons : La rencontre n’a pas été (officiellement) annulée », 31 janvier 2018.
  • Seneweb, « Comment les organisations religieuses ont obtenu l’annulation de la rencontre des francs-maçons à Dakar », 20 février 2023.
  • Seneweb, « Franc-maçonnerie : Les confessions d’un initié sénégalais », 9 avril 2025.
  • Seneweb, « L’histoire de la franc-maçonnerie au Sénégal », 3 mai 2025.
  • Senenews, « Annulation du meeting de Dakar : les francs-maçons menacent », 29 janvier 2018.

Quand le « Testament » devient chemin de lumière…

« Al filh de la lutz » – aux fils de la lumière. C’est par ces mots gravés sur l’enseigne d’une auberge de Montségur que s’ouvre Testament de Guy-Philippe Dufour. Nous aimons particulièrement ce début, où la langue gasconne méridionale, enracinée dans la terre d’Occitanie, résonne comme une formule de reconnaissance.

Croix occitane, symbole de ralliement cathare
Croix occitane, symbole de ralliement cathare
Le Testament
Le Testament

Ce n’est pas seulement un nom d’estaminet, c’est un signe de ralliement, un appel à ceux qui cheminent dans la nuit pour chercher la lumière. L’auteur installe d’emblée son lecteur dans un univers où chaque mot est plus qu’un mot, où chaque inscription devient symbole, où le visible dissimule l’invisible.

Avec Testament, le lecteur acceptede se laisser entraîner dans une longue marche initiatique, une quête qui prend la forme d’un récit romanesque mais qui, sous l’apparente simplicité du voyage, se révèle une méditation profonde sur le sens de la vie, de la mort et de la lumière. Le texte, porté par Philippe Amaury de Guilhem, pèlerin sans âge, se déploie comme une fresque intérieure où chaque halte, chaque rencontre, chaque parole échangée devient pierre posée dans l’édifice invisible de la sagesse.

Montsegur i el Prat dels Cremats
Montsegur i el Prat dels Cremats

La nuit d’agapes à Montségur, au pied du Pog illuminé par les flammes du bûcher cathare, n’est pas seulement une scène de mémoire, elle est un rituel de passage où la mort se transmue en vie, où l’histoire douloureuse se fait ferment d’un espoir universel. Nous sentons que le récit se situe toujours dans cet entre-deux où la temporalité profane se dissout dans l’éternité du symbole, où les convives de l’auberge deviennent des archétypes, des Frères intemporels qui nous rappellent que le vrai banquet est celui du partage et de la lumière.

Ce roman se lit comme une succession d’épreuves initiatiques. Chaque étape est un degré, chaque interlocuteur un miroir tendu à l’errant, chaque parole une clé ouvrant une porte. Le colporteur Jobert, les saltimbanques bohèmes, le mystérieux Inconnu de Montségur ou encore Haïm le sage dans sa caravane, tous sont figures de compagnonnage spirituel. Ils enseignent l’art de discerner, de transformer les signes du quotidien en symboles vivants, de comprendre que la vérité ne se conquiert pas par des dogmes mais par la fraternité, l’amour et la compassion.Dans cette succession d’épisodes, nous retrouvons la méthode initiatique de la franc-maçonnerie et de l’hermétisme : l’errance, la rencontre, le silence, le partage, le passage de l’ombre à la lumière. Les mots de Guy-Philippe Dufour, chargés d’images poétiques, résonnent comme des mots de passe. Ils rappellent que la sagesse n’est pas un point d’arrivée mais un chemin, que l’Agapè est plus qu’un repas, qu’elle est communion universelle, égrégore vivant qui relie les hommes aux étoiles et les générations les unes aux autres.

Montségur
Montségur

La force de ce livre réside dans sa manière d’entrelacer l’histoire et la légende, le souvenir des Parfaits et la voix des Bohémiens, les pierres de Montségur et le désert du Sinaï. Tout converge vers l’idée que la Jérusalem véritable est intérieure, qu’elle ne se trouve pas derrière des murailles de pierre mais au plus intime de l’âme. Ce que nous lisons est un testament au sens fort : une transmission, une injonction à ne pas laisser s’éteindre le tison du bûcher cathare, à garder vivant l’esprit des agapes de lumière. Guy-Philippe Dufour nous rappelle que l’homme est un pèlerin de l’éternel, que le voyage importe plus que le but, et que dans chaque rencontre se cache une étincelle de vérité. Le roman, ainsi, devient miroir de nos propres voyages intérieurs, nous invitant à transformer nos pas quotidiens en chemins initiatiques.

Le Testament, 4e de couv.
Le Testament, 4e de couv.

Guy-Philippe Dufour, écrivain engagé dans la voie de l’ésotérisme et de la littérature initiatique, inscrit avec Testament une œuvre qui dialogue avec les traditions hermétiques, la mémoire cathare et l’esprit maçonnique. Ses précédents travaux, marqués par une attention aux symboles, à l’histoire sacrée et à la transmission spirituelle, trouvent ici une forme de maturité, comme si l’auteur, à travers la voix de son pèlerin, nous offrait non pas un roman au sens courant, mais un livre-chemin, un viatique pour l’âme. Sa plume tisse l’histoire avec la poésie, l’expérience intime avec la méditation universelle. C’est une œuvre qui s’adresse moins à l’intellect qu’au cœur et à l’esprit, un appel à réveiller la flamme de l’Agapè dans nos vies.

Avec cet ouvrage, qui ne se résume donc pas à parcourir un récit, nous entrons dans un labyrinthe de symboles, suivre un pèlerin à travers les siècles, entendre la voix des anciens et des voyageurs, et recevoir à notre tour l’injonction de transmettre. Nous ressortons de cette lecture comme d’une tenue, emplis de silence et de lumière, avec le sentiment que quelque chose a été confié à notre vigilance. Ce livre n’est pas une fin mais une invitation, un héritage qui nous presse d’agir, de vivre et de chercher. Il nous rappelle, dans une langue habitée, que nous sommes tous des fils de la lumière et que notre tâche est de ranimer sans cesse la flamme fraternelle au cœur des hommes.

Testament

Guy-Philippe DufourÉditions L.O.L., coll. Mystère initiatique, 2025, 244 pages, 11 € – Format Kindle 6 €

Éditions L.O.L. / Disponible ICI

20/09/25 à 19h30 GLDF Conférence publique : « Henri Bonis et la Loge Travail et vrais amis fidèles »

Cette conférence de Christian Mange sera agrémentée d’un fort accompagnement musical de l’ensemble vocal Vox Hominis, le choeur de la Grande Loge de France et des pianistes Hugues LECLERE, Maciej PIKULSKI et Karolos ZOUGANELIS.

Henri Bonis fut un peintre célèbre du tournant des XIX° et XX° siècle. Il fut aussi maçon et vénérable de cette Loge. Évoquer son parcours, c’est parler du patrimoine artistique de la Grande Loge de France.

La Loge « Travail et vrais amis fidèles » existe encore aujourd’hui, mais sous le vocable « José Roigt – Thomas Jefferson ». Elle connut en effet de nombreuses tribulations avant que les grandes obédiences ne se stabilisent davantage.

Partie prenante notamment de la dissidence de la Grande Loge Symbolique Écossaise, elle eut un parcours sinueux, illustratif de la vie riche de la franc-maçonnerie du dernier quart du XIX° siècle. Évoquer ce parcours, c’est rendre hommage au patrimoine historique et social de la Grande Loge de France.

Chrisian Mange : Maître de conférences honoraire en histoire de l’art contemporain à l’université Toulouse II Jean-Jaurès, ses travaux de recherche ont porté, dans la lignée des études de Bruno Foucart, sur le renouveau de la peinture religieuse à Toulouse et dans le Midi au cours du second XIXe siècle. Il travaille actuellement sur les peintres de la salle du Conseil municipal de Toulouse.

Engagé dans la vie de son université, il a été durant de nombreuses années Vice-président en charge de la Vie universitaire et de la Culture.

Hugues Leclère est pianiste concertiste, il s’est produit dans 45 pays, à la Philharmonie de Paris, au Concertgebauw à Amsterdam, au Rudolfinum de Prague, en soliste comme avec les Solistes de l’Orchestre de Paris, le Quatuor Talich ou la Camerata du Berliner Philharmoniker. Il interprètera des œuvres françaises de la Belle époque, contemporaines d’Henri Bonis.

inscription obligatoire sur ce lien :

https://my.weezevent.com/conference-publique-henri-bonis-et-la-loge-les-vrais-amis-fideles

Les origines du christianisme -3

Si vous n’avez pas lu l’épisode d’hier

Voici un article sur les attentes des disciples de Jésus concernant le Royaume de Dieu, avant et après sa mort, les variations dans les récits évangéliques, l’évolution des espérances eschatologiques (liées à la fin des temps), et les adaptations théologiques des premières communautés chrétiennes face à l’absence de réalisation immédiate du Royaume.

Les Promesses de Jésus concernant le Royaume de Dieu

Selon les Évangiles, Jésus avait promis à ses disciples qu’ils partageraient avec lui le royaume de Dieu. Ce royaume est désigné de manière ambivalente : tantôt comme le royaume d’Israël, évoquant une restauration politique et terrestre de la nation juive, tantôt comme le royaume des cieux, suggérant une dimension spirituelle, eschatologique ou céleste. Jésus proclamait l’éruption imminente de ce royaume, avec une espérance à court terme. Il espérait que son message recevrait un accueil favorable du peuple juif, menant à une adhésion massive et à une instauration quasi naturelle du royaume, que Dieu parachèverait rapidement. Cette promesse s’inscrit dans un contexte messianique où la mort de Jésus pose des questions cruciales : marque-t-elle le déclenchement immédiat d’une crise divine pour réaliser le royaume, ou un report à l’avenir ? Pour de nombreux Juifs non convertis, Jésus apparaît comme un faux prophète, car le royaume ne s’est pas matérialisé malgré ses annonces.

Juste après la mort de Jésus, les attitudes des disciples varient d’un récit évangélique à l’autre, oscillant entre espoirs persistants et désespoir profond. Cependant, les Évangiles s’accordent sur un point central : le désarroi général des disciples, leur défaitisme face à l’échec apparent.
La crucifixion s’est déroulée sans signe prodigieux, sans prodige divin, et sans le retournement des événements que les disciples avaient peut-être espéré jusqu’au dernier moment – un rebond miraculeux de Jésus ou une intervention divine pour annoncer l’arrivée du royaume.

L’annonce de la résurrection les prend à revers, comme une nouvelle inattendue qui les force à se retourner et à revenir à Jérusalem. Un exemple symbolique fort est l’histoire des pèlerins d’Emmaüs, qui tournent le dos à Jérusalem, métaphore probable du constat d’échec messianique après la mort de Jésus, crucifié par les Romains avec possible implication des autorités juives. Pour ceux n’ayant pas bénéficié d’apparitions du ressuscité, rien ne suggère un événement radicalement nouveau ; Jésus reste un prophète trompé pour une grande partie des Juifs.

Les attentes eschatologiques et politiques : restauration d’Israël ou royaume spirituel ?

Le royaume promis par Jésus est envisagé sous un horizon principalement terrestre, avec une conclusion imminente sur la terre d’Israël. Dans l’Évangile selon Matthieu,19,28, le logion des 12 trônes – une parole attribuée à Jésus – promet aux disciples qui l’ont suivi de siéger sur douze trônes lors de la nouvelle création, lorsque le Fils de l’homme sera assis sur son trône de gloire, pour juger (ou régir) les douze tribus d’Israël. Ce texte est riche : le verbe grec pour «juger» traduit l’hébreu «chafat», qui signifie non seulement juger mais aussi gouverner ou exercer un pouvoir.
Si cette parole remonte au Jésus historique, elle permet une double lecture : une promesse de participation des disciples à un gouvernement terrestre d’Israël dans son entier, ou une vision eschatologique plus large. C’est en exprimant l’abandon total des biens des disciples que Pierre reçoit en réponse cette assurance de leur rôle dans le renouvellement d’Israël. Cela implique que les douze doivent rénover Israël, anticipant un royaume céleste pour certains (où ils monteront à l’appel du ressuscité) ou terrestre pour d’autres (sur la terre d’Israël purifiée des Romains).

Le Symbolisme et la Composition du Groupe des Douze Disciples

Jésus rassemble autour de lui douze disciples, un nombre hautement symbolique évoquant les douze tribus d’Israël, exprimant une prétention à rassembler et renouveler Israël autour de la proclamation du royaume. Au début des Actes des Apôtres, le groupe est reconstitué après la trahison de Judas, soulignant son importance pour la mission eschatologique. Judas faisait partie des douze, et sa défection nécessite un remplacement pour maintenir l’intégrité symbolique. Jésus n’institue pas les douze de manière solennelle ou publique ; c’est un fait progressif : il constate un groupe fidèle proche de lui et lui donne un sens symbolique, les envoyant aux douze tribus. Trois listes des disciples apparaissent dans Matthieu, Marc et Luc, mais elles ne concordent pas exactement, avec des variations de noms et de places. Le groupe n’est pas rigide : un cercle restreint d’intimes (les douze) est entouré d’un cercle plus large d’adhérents, incluant Joseph d’Arimathée, Zachée, des femmes comme celles mentionnées en Luc 8 (Marie de Magdala, etc.). Les douze ne sont pas nécessairement douze fixes ; c’est un chiffre symbolique, avec un quatuor de tête (Pierre comme leader, Jacques, Jean, André) et des frontières flexibles. Des anecdotes révèlent une mentalité parfois sectaire : débats sur «qui est le plus grand» (récurrents, même au moment ultime), ou réactions hostiles envers d’autres accomplissant des miracles en son nom sans appartenir au groupe («appeler le feu du ciel sur eux»). Cela montre une attitude étroite : «nous sommes le vrai groupe».

Espoirs de Restauration d’Israël dans le Contexte du Judaïsme Palestinien

Dans les Actes des Apôtres (Chap.1,06), les disciples interrogent le ressuscité pendant ses 40 jours avec eux : «Seigneur, est-ce maintenant le temps où tu vas rétablir le royaume pour Israël ?» Cela reflète l’attente dominante dans le judaïsme palestinien des années 30 : une restauration d’Israël par Dieu ou un envoyé, libérant le peuple du poids des païens romains.
L’occupation romaine est humiliante pour un peuple conscient de témoigner de la sainteté de Dieu dans un monde païen ; elle empêche même cette mission, avec des non-Juifs (Grecs) habitant la Terre sainte et des temples païens. Pour les traditionalistes, la situation est inacceptable. L’espoir varie mais converge sur la restauration de la pureté d’Israël : terrassement des impies (Romains comme vecteurs du mal), conversion des pécheurs internes, instauration d’une théocratie.
Les zélotes (ou «élotes») défendent cette lecture théocratique, avec des mouvements de rébellion croissants contre les gouverneurs romains féroces – pillages, rançons, qualifiés de «brigands» ou «sikarioi» (porteurs de sica, poignard court). Entendre parler du royaume de Dieu évoque inévitablement une théocratie rétablie sur la terre d’Israël, remplaçant l’économie artificielle sous occupation, où rois et grands prêtres collaborent avec l’ennemi. Cependant, les Évangiles sont silencieux sur une épaisseur politique à l’action de Jésus ; les sources postérieures réécrivent l’histoire à la lumière de l’échec politique, ne permettant pas d’hypothétiser que la libération militaire était prioritaire pour lui.

Jésus défend un idéal de réforme d’Israël, mais sans discours nationaliste légitimant la violence. Les disciples s’attendaient à la restauration du royaume d’Israël, comme en témoigne l’histoire d’Emmaüs où les pèlerins expriment leur tristesse : ils espéraient que Jésus libérerait Israël du joug romain.

Des pièces de monnaie de l’an 66 portent des slogans pour la libération d’Israël, reflétant des espoirs partagés par de nombreux Juifs partis en guerre. Pourtant, la prédication de Jésus manque de traits spécifiques du nationalisme juif. L’occupation romaine est vue comme source d’exactions et d’impureté, mais Jésus l’aborde symboliquement : l’exorcisme du démon «Légion» (évoquant les troupes romaines) implique que Dieu intervient en chassant les démons matérialisant l’occupation, sans organiser de révolte politique. Il déclare : «C’est par le doigt de Dieu que j’expulse les démons, alors le royaume de Dieu a fait éruption jusqu’à vous.» Ses actes sont apolitiques a priori, liés à la libération personnelle plutôt qu’activiste. Jésus se présente comme un prophète annonçant l’irruption incroyable du royaume, avec des disciples plutôt que des partisans armés.

Flavius Josèphe décrit d’autres prophètes exécutés par les Romains pour promesses de signes (comme un prophète égyptien promettant la chute des murailles de Jérusalem), perçus comme menaces séditieuses. Josèphe, dans ses œuvres (Guerre des Juifs vs. Antiquités juives), atténue ces aspects dans les versions tardives pour ne pas présenter les figures juives comme dangereuses pour Rome. Les Évangiles minimisent la menace, avec des phrases comme «rendre à César ce qui est à César», mais pour les Romains, deux royaumes ne coexistent pas ; Pilate voit une guerre potentielle. Paradoxalement, pour Jésus, le royaume commence déjà indépendamment de l’expulsion romaine ou d’une purification militaire.

Dans les Évangiles synoptiques, des éléments soutiennent deux tendances : un royaume intérieur («le royaume de Dieu est en vous», parabole de la graine de moutarde comme petite chose grandissante) et un eschatologique (fin des temps, destruction du Temple). Cela pourrait résulter d’un processus éditorial, attribuant la première au Jésus historique et la seconde à des rédacteurs tardifs, ou refléter des réactions variées de Jésus. Historiquement, sa crucifixion avec un panneau «roi des Juifs» montre que sa proclamation fut comprise politiquement par certains ( dans l’évangile selon Marc : 25 C’était la troisième heure, quand ils le crucifièrent. 26 L’inscription indiquant le sujet de sa condamnation portait ces mots: Le roi des Juifs. ».
Rien ne confirme que Jésus espéra régner sur Israël, mais Israël n’était pas secondaire pour lui.

Aucune prophétie attribuée à Jésus ne s’est réalisée, pourtant les premières générations persistent dans l’attente, comme dans les Actes.

Dans les Actes (chapitre 1), Jésus répond aux disciples : «Vous n’avez pas à connaître les temps que le Père a fixés, mais vous recevrez la puissance du Saint-Esprit.» Cela témoigne du problème persistant : les disciples demandent la restauration du royaume d’Israël. Luc présente cela comme interrogation initiale, puis change les priorités via tout le livre : déni de maîtrise apocalyptique du temps (pas de calendrier pour la fin), transfert de l’attention à un programme de témoignage animé par l’Esprit (sur le ressuscité), et déplacement de l’espoir d’une restauration pour Israël à un témoignage universel (Jérusalem, Judée, Samarie, extrémités de la terre). Les disciples sont détournés d’un rétablissement politique imminent vers un accomplissement divin seul, avec un écart temporel rempli par une œuvre missionnaire. Cette promesse, proclamée par le ressuscité (seule parole dans les Actes), est prodigieusement habile : elle énonce le plan du livre, où le Christ agit à travers les disciples.

Évolution des Attentes : De l’Imminence à la Spiritualisation

Vingt à trente ans après la crucifixion, il est clair que le royaume d’Israël ne sera pas restauré ; le royaume de Dieu ne s’établit pas sur terre incluant Israël. Pourtant, les disciples (y compris gentils) peinent à abandonner l’espérance eschatologique attachée à Israël 20-40 ans plus tard. L’auteur des Actes crée une situation où cette espérance n’existe plus, glissant d’un royaume historique à un spirituel. À l’époque des premiers écrits chrétiens, l’avenir suscite débats : attentes impatientes, mouvements apocalyptiques, ou position pharisienne (accepter l’occupation, prier pour l’occupant, conscience d’une réalité céleste supérieure, remplaçant temps par espace). Paul modifie les interprétations : Jésus comme professeur de morale attendant un royaume politique/national, exécuté par Rome craignant son instauration. Paul élimine le nationalisme, faisant agir le ressuscité au plan individuel : résurrection comme système théologique promettant immortalité et salut à ceux attachés à Jésus. Dans ses épîtres anciennes (aux Thessaloniciens, Corinthiens), Paul anticipe son retour imminent comme juge, sans royaume mondain, mais transformation d’un monde ravagé par le péché. Pour Jésus, le royaume commence déjà ici-bas, transformable. L’apocalyptique éclate le particularisme : pas d’opposition terrestre/eschatologique ; eschatologique signifie fin des temps ou futur simple. Jésus parlait araméen ; pour lui et les Juifs, le royaume signifie salut politique d’Israël, indépendance, retour de la Diaspora, vie exemplaire sur la terre d’Israël – manifestation du règne de Dieu.

Avec le temps, « l’écart grandit entre espoirs des disciples vivants (restauration nationale) et post-mortem (croyance en la résurrection transformant Jésus en Seigneur/Christ). Les disciples attendent son retour (parousie) pour la pleine réalisation du royaume, combiné à la résurrection : vivants transformés, morts ressuscités, victoire sur forces hostiles avant remise au Père.
La première génération voit cela comme bouleversement intégral (monde humain/céleste), forme extrême de judaïsme «radioactif» évoluant vite. Paul, après voyages, proclame encore le salut imminent (épître aux Romains,13,11) : «le salut est plus près de nous maintenant qu’à l’époque où nous sommes devenus croyant»), malgré 20 ans sans avènement. En prison, il envisage sa mort avant le retour, mais maintient l’imminence. Le problème s’aggrave avec le retard ; il faut interpréter théologiquement le présent (entre résurrection/ascension et retour).

Paul le pense bref ; Luc (Actes) offre la première réflexion profonde, marginalisant le retour comme horizon non décisif. Dans le Nouveau Testament, plus le texte est tardif (Paul aux évangiles), plus l’urgence diminue. Marc (chap. 13) lie destruction du Temple à une fin imminente ; Matthieu/Luc l’infléchissent. La 2e épître de Pierre (texte pseudépigraphe en excellent grec) aborde les doutes sur le retard : preuve des derniers jours, Dieu mesure le temps différemment, accordant généreusement du repentir. Chez les Pères (Justin Martyr, Irénée ~180, Tertullien), on trouve des variétés : fin approchant, résurrection des corps, saints à Jérusalem, visée millénariste orthodoxe. «Bientôt» évolue jusqu’à «aujourd’hui». Pour la communauté primitive, un horizon lointain est inconcevable.

Sans manifestation du royaume, les problèmes reprennent : s’organiser, s’installer dans la durée.

Découvrir la suite…

La Fraternité en Franc-maçonnerie

Qu’est-ce que c’est ? Comment aborder la fraternité en Franc-maçonnerie au REAA ?

La fraternité, valeur première des Francs-maçons en même temps que principe républicain, est un concept à la fois fondamental, flou et redoutable. Le mot fraternité est très largement cité et commenté en loge. Mais savons-nous vraiment de quoi nous parlons quand nous y faisons référence ?

Le mot fraternité vient du latin fraternitas, qui signifie confraternité, fraternité.

La fraternité est un lien et un sentiment de solidarité qui unit (ou devrait unir) tous les membres de l’espèce humaine. Cela signifie-t-il qu’il faille aimer tous les hommes sur terre comme nous aimons notre propre frère au sens maternel du terme ?

Si oui, que penser de cette fraternité qui liait dès les débuts de la Création les deux premiers frères Caïn et Abel ? Car de tous temps, l’homme a envié et jalousé son semblable…

Tentons de donner une définition de la fraternité au sens maçonnique. La fraternité et son rapport avec la liberté et de l’égalité. La révolution française a redécouvert la fraternité en l’associant à la liberté et à l’égalité, qui sont des termes de nature juridique, alors que la fraternité possède une dimension avant tout morale.

Mais le maçon abordera plutôt ces termes dans leur dimension spirituelle.

Pour le franc-maçon, la fraternité est au cœur du triptyque. En effet, elle forme à la fois la base et le ciment des deux autres termes de la devise :

Elle fonde l’égalité, car deux frères sont avant tout deux égaux, elle fonde aussi la liberté, car en acceptant la part de l’autre, le franc-maçon s’oblige à sortir de l’idée qu’il est le centre du monde. C’est ainsi qu’il brise l’aveuglement dû à son orgueil, à ses préjugés et à ses attachements. Il se délivre de ses illusions, il sort de sa prison mentale : il devient libre.

La fraternité est donc un moyen très efficace de sortir de soi-même : les limites s’effacent, l’horizon s’élargit, le chemin se dévoile. La fraternité est donc un puissant levier de progression spirituelle, une progression qui ne peut se faire qu’à plusieurs.

La fraternité maçonnique : tentative de définition.

Pour définir la fraternité au sens maçonnique, il faut d’abord dire ce qu’elle n’est pas.

La fraternité maçonnique n’a pas tout à fait le sens qu’on trouve dans la devise républicaine : elle n’est pas un idéal, mais plutôt un devoir librement consenti, une expérience à vivre et à reproduire.

La fraternité maçonnique n’est pas non plus cette convivialité parfois superficielle voire artificielle, encore moins une jovialité de façade. Elle n’est pas non plus cette solidarité parfois dévoyée au profit d’intérêts personnels, selon le principe bien connu du renvoi d’ascenseur.

La fraternité ne doit pas être confondue avec l’altruisme ni avec l’empathie, qui est l’aptitude à s’identifier à l’autre dans ce qu’il ressent, et donc la tendance à souffrir avec lui. Il a été démontré que l’empathie est plus ou moins développée en fonction des individus selon la taille de la zone du cerveau concernée : ce serait donc une caractéristique physiologique et un héritage génétique.

La fraternité au sens maçonnique n’est pas un sentiment. Elle n’a rien à voir avec la génétique. Elle ne relève pas non plus de l’inconscient.

Mais alors, qu’est-ce que la fraternité ?

La fraternité, c’est l’acceptation de l’autre tel qu’il est, dans un climat de tolérance, menant à une amitié profonde et sincère. La fraternité est d’une part un principe qui s’impose à l’esprit, et d’autre part une pratique qui ne peut se vivre que par le cœur.

Sur le plan de l’esprit, la fraternité repose sur la compréhension (qu’elle soit intuitive ou qu’elle repose sur un raisonnement logique) que je suis l’autre car nous faisons partie du même Tout, suivant le grand principe de l’interdépendance et de la loi d’Amour, sur le plan du cœur, elle est une pratique sincère, authentique. La fraternité se traduit alors par un lâcher-prise qui peut aller jusqu’au don de soi pour les autres, voire jusqu’au sacrifice.

Ici, l’esprit et le cœur sont indissociables. Il s’agira de relier la parole à l’acte, le principe à la pratique.

L’esprit seul mènerait à une fraternité de papier, fragile car purement théorique. La fraternité réclame pour être solide, effective et réelle, une mise en application concrète, ce qui est loin d’être toujours facile. Car nous l’avons vu, la fraternité demande un dépassement de soi.

Fraternité au-dedans et au-dehors.

Pour être effective, la fraternité doit sortir de la loge pour imprégner nos rapports avec les autres, conditionner nos paroles, nos actes, nous guider sur le chemin du respect, de l’écoute, de l’entraide, de la considération.

Etre fraternel, c’est consentir librement à l’obligation de secourir et d’aimer ses frères, tous ses frères. Cet amour de l’autre nécessite le don de soi et l’effacement du « moi ».

C’est cette relation entre tous les hommes sans exception qui doit imprégner notre chaîne d’union. La fraternité ne peut se pratiquer qu’avec le cœur. Elle doit être vivante, comprise et ressentie en profondeur. Car c’est dans le cœur et par le cœur que l’esprit agit en l’homme. C’est dans le cœur et par le cœur que l’esprit permet à la fraternité de s’exprimer en nous.

Ainsi, la fraternité suppose simplicité de pensée, sincérité d’engagement, effort et sérieux dans cette entreprise. Pour cela, l’homme et le maçon doivent être de bonne volonté, émus par la simple évocation du mot « fraternité ».

La fraternité est aussi un Devoir et une responsabilité vis-à-vis des autres. Elle peut amener à des choix lourds de conséquences, surtout lorsqu’ils entrent en contradiction avec d’autres principes : l’autorité, l’ordre, la liberté…

En tant qu’élan humaniste, la fraternité doit primer. Elle doit parfois nous amener à refuser et à transgresser. Car le maçon s’estime responsable devant les hommes, devant ses frères et soeurs, de ses actes, de ses pensées et actions.

Mise en garde.

La fraternité peut être la meilleure comme la pire des choses. Elle est la pire des choses quand elle est dévoyée au service d’intérêts personnels ou partisans. Ainsi, fraternité ne doit pas être pour nous synonyme de « confrérie ».

L’un des grands principes de la Franc-Maçonnerie est l’universalité. Précisément, si la Franc-Maçonnerie est universelle, c’est parce qu’elle est un ordre initiatique traditionnel fondé sur la fraternité. Elle constitue une alliance d’hommes libres et de bonnes mœurs, de toutes races, de toutes nationalités et de toutes croyances.

La Franc-Maçonnerie a pour devoir « d’étendre à tous les membres de l’humanité les liens fraternels qui unissent les Francs-Maçons sur toute la surface du Globe ». Il s’agira chaque jour de nous demander, si, dans nos relations avec l’autre, quel que soit cet autre, nous nous sommes montrés suffisamment fraternels.

Commençons notre démarche en animant simplement, avec de petites fraternités quotidiennes, le monde profane, lentement, pour le ré humaniser…

Conclusion sur la fraternité maçonnique.

Au-delà de la convivialité et de la solidarité, la fraternité fonde la démarche maçonnique. Elle est un garde-fou : la progression individuelle ne peut se faire qu’en reconnaissant à l’autre la même valeur qu’à soi-même.

La fraternité préserve du fanatisme (qui est le sentiment d’avoir raison, de détenir la vérité) car elle nous rappelle que l’autre détient aussi une part de vérité, à laquelle nous devons nous ouvrir.

En connectant les consciences, la fraternité nous préserve de l’ignorance. Elle est intelligence collective. Elle est une remise en cause permanente, un rappel constant à l’humilité, à la modération ; elle est une invitation à comprendre, à chercher toujours plus loin.

Enfin, la fraternité mène au bonheur : c’est la puissance du partage, c’est la joie de la communion, le rappel que nous ne sommes pas seuls sur la voie. Nous nous entraidons, nous nous soutenons sur le chemin, nous nous assistons mutuellement.

Plus que des frères et des sœurs, nous sommes-nous pas des « compagnons de route » ?