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Le Golem et la liberté

Le mythe du Golem, loin d’être une simple fable hébraïque pour effrayer les enfants, est une tragi-comédie philosophique. Imaginez une créature d’argile, née des mains d’un rabbin facétieux, qui s’interroge sur la liberté tout en renversant les étals du marché par mégarde. Ce pantin de boue soulève des questions graves, mais avec une maladresse qui prêterait à rire dans un salon du XXIe siècle.

Ce tas de boue animé, c’est un peu comme si Frankenstein avait un cousin en terre cuite qui se pose des questions sur la liberté tout en cassant des murs par mégarde.

I. D’où sort ce Golem, au fait ?

Le Golem : Une Création des plus singulières

Le terme « golem » apparaît dans le Psaume 139:16, désignant un brouillon divin, une matière encore informe. Mais c’est à Prague, dans le ghetto juif, que notre héros d’argile prend vie sous les doigts du rabbin Judah Loew, dit le Maharal, un érudit qui, ayant trop feuilleté le Sefer Yetsirah, s’improvise démiurge. À une époque où les Juifs, accablés par les persécutions, vivaient dans l’angoisse des pogroms, le Maharal se dit : « Pourquoi ne pas façonner un colosse de terre pour protéger mes ouailles ? »

Ne montez pas le son, c’est un film muet !

Comment donne-t-on vie à un golem ? Rien de plus aisé, à condition d’avoir l’âme d’un alchimiste, la connaissance d’un kabbaliste et la patience d’un horloger :

Le modelage : On pétrit l’argile au bord d’une rivière, car l’eau, dit-on, confère une certaine poésie à l’affaire. Le résultat ? Une silhouette humaine, disgracieuse mais robuste. Les incantations : On récite des formules kabbalistiques, jouant avec les lettres hébraïques comme un typographe en transe. C’est un peu comme composer une symphonie, mais avec des noms divins. L’activation : On glisse un parchemin orné d’un nom sacré dans la bouche du golem, ou l’on grave emet (vérité) sur son front. Et voilà, la statue s’anime ! Le souffle vital : On tourne autour de la créature en psalmodiant, tel un maître de ballet mystique. Les grimoires parlent de « 231 portes » à ouvrir, mais nul n’a jamais compris ce charabia.

Ce golem, prénommé Yossef (ou Yossel pour les intimes), est un gaillard d’argile aussi fort qu’un bœuf, mais dénué d’esprit et de conversation. Sa mission ? Patrouiller dans le ghetto, déjouer les complots et donner une bonne frayeur aux malandrins.

On raconte qu’il surprit des scélérats cachant des corps pour accuser les Juifs de crimes odieux.

Mais voilà, Yossel commence à péter les plombs. Certaines légendes disent qu’il se met à jouer les rebelles, genre ado en crise qui casse tout. D’autres racontent que le Maharal flippe et décide de le mettre hors service. À la fin, le Maharal démonte Yossel, pas parce qu’il a la trouille, mais parce qu’il est sage. C’est comme débrancher une console avant qu’elle ne grille tout. Marek Halter nous glisse un message : la liberté, ce n’est pas avoir le plus gros jouet, c’est savoir quand appuyer sur « off ».

 Comment ? En virant le Post-it magique ou en effaçant une lettre sur son front pour transformer emet (vérité) en met (mort). Et pouf, Yossel redevient un tas d’argile. On dit que ses restes traînent encore dans le grenier de la synagogue Vieille-Nouvelle de Josefov à Prague, avec un panneau « Ne pas toucher, sinon ça va barder ».

Le Golem, c’est un peu nous : super forts, mais un peu paumés, coincés entre obéir aux ordres et rêver de faire nos propres bêtises. Sa « destruction » ? Une leçon kabbalistique : jouer à Dieu, c’est cool, mais faut pas pousser mémé dans les orties.

Signification (ou pas)

Le Golem, ce n’est pas juste un videur de ghetto. C’est : L’espoir des opprimés : « On va tous se faire sauver par un géant d’argile ! » Un warning cosmique : Créer des trucs puissants sans mode d’emploi, c’est la porte ouverte à toutes les fenêtres. Un miroir de l’humain : On veut être des dieux, mais on oublie souvent où on a garé notre âme.

    La Kabbale adore le Golem, parce que les lettres hébraïques, c’est la Wi-Fi de l’univers. Et puis, il a inspiré plein de trucs : Frankenstein, les robots de SF, et même ton aspirateur qui fait n’importe quoi. Bon, l’histoire du Golem de Prague, c’est peut-être un peu du pipeau inventé au XIXe siècle par Judah Rosenberg, mais chuuut, ça gâche le fun.

    Dans le roman Le Kabbaliste de Prague de Marek Halter, le Golem, c’est un héros tragique qui veut juste être un grand garçon, mais qui finit par tout casser comme un éléphant dans un magasin de porcelaine.

    II. Le Golem et la Liberté

    Prague, le Bronx du XVIe siècle

    Imaginez le ghetto de Prague, des tensions partout, des Juifs qui vivent comme dans un escape game permanent. Le Maharal crée le Golem pour jouer les super-héros, mais il se demande : « Et si mon joujou devient un Terminator ? » C’est le dilemme : déléguer le pouvoir, c’est bien, mais si le Golem décide de faire du moonwalk au lieu de protéger le ghetto, on fait quoi ?

    Yossel veut sa carte d’identité

    Dans le bouquin de Halter, Yossel commence à avoir des feelings. Il mate les oiseaux, il fronce les sourcils, il désobéit un peu, mais surtout il est la risée d’enfants. On dirait Pinocchio qui veut devenir un vrai garçon, mais en version bodybuildée. Ce Golem, c’est le symbole des Juifs opprimés qui rêvent de liberté, mais qui galèrent à comprendre comment ça marche. Problème : Yossel, avec sa cervelle d’huître, casse tout sans faire exprès. Morale ? La liberté sans GPS éthique, c’est comme donner les clés d’une Ferrari à un hamster.

    III. Philosophie et Kabbale : On rigole, mais pas que

    Liberté, Responsabilité

    Créer un Golem, c’est un peu comme pirater le code source de l’univers. Le Maharal, en jouant les démiurges, sait qu’il marche sur des œufs. Sartre dirait : « T’es libre, mec, mais assume si tout part en vrille. » Le Golem, lui, est libre comme un aspirateur : il fait ce qu’on lui dit, mais s’il déraille, c’est le chaos. La vraie liberté, ce n’est pas juste faire ce qu’on veut, c’est savoir pourquoi on le fait.

    Le Golem, c’est nous (mais en moins mignon)

    Le Golem, c’est l’humanité qui bricole des IA, des fusées et des applis de rencontre. On veut jouer les dieux, mais nos créations finissent souvent par nous faire des doigts d’honneur. Halter nous fait cogiter : comment rester libres face à nos propres jouets ?

    IV. Le Golem, toujours d’actu

    Le Golem, c’est l’ancêtre de Siri, Alexa et de tous ces algos qui décident à notre place. Ils sont censés nous aider, mais parfois, on dirait qu’ils complotent pour nous faire acheter des chaussettes fluo. La liberté, aujourd’hui, c’est se battre pour ne pas devenir les marionnettes de nos propres gadgets.

    Bibliographie (pour frimer)

    • Sartre, Jean-Paul. L’Existentialisme est un humanisme. Paris : Gallimard, 1946. (Parce que la liberté, c’est compliqué.)
    • Halter, Marek. Le Kabbaliste de Prague. Paris : Robert Laffont, 2010. (Un page-turner avec de l’argile et du drame.)
    • Scholem, Gershom. La Kabbale et sa symbolique. Paris : Payot, 1966. (Pour les fans de mysticisme sérieux.)

    La problématique de la gouvernance pour éviter le chaos !

    Il est courant de n’envisager les questions philosophiques qu’au seul niveau de l’individualité ! L’initiation maçonnique, elle-même, est conçue comme l’effet d’émerveillement capable de transformer un ou une profane en un ou une initiée. L’effet d’accompagnement du rituel est censé conforter l’impact de la cérémonie initiatique.

    Pourquoi la philosophie devrait-elle s’intéresser à la « gouvernance », notion souvent perçue comme technocratique, managériale ou simplement juridique ?

    Plusieurs raisons peuvent être citées qui concernent les relations entre les individus et le groupe :

    1. Les questions de justice

    Le respect de l’autorité et sa crédibilité dans la prise de décisions qui concernent le groupe humain 

    Quels droits pour les minorités ?

      2. Les relations entre les êtres humains et la qualité du lien social

      3. La place de l’humanité dans le monde vivant

      4. Les défis philosophiques nouveaux

      • Interdépendance
      • Post-humanisme
      • Gestion des communs
      • Anthropocène

      5. La question du monde souhaité et la prévention des dérives.

      Ces cinq raisons concernent les différents groupes sociaux y compris la loge maçonnique.

      En loge, la gouvernance se veut théoriquement collective avec les dix officier-e-s le plus couramment rencontrés :

      1. Le ou la vénérable qui conduit les travaux
      2. L’orateur ou oratrice qui rappelle la loi
      3. Le ou la trésorier-e qui veille à la bonne gestion financière
      4. L’expert-e qui vérifie le respect des rituels
      5. Le ou la 1ère surveillant-e qui accompagne les compagnon-ne-s
      6. Le ou la couvreur – couvreuse qui contrôle l’influence extérieure
      7. Le ou la 2ème surveillant-e qui accompagne les apprenti-e-s
      8. Le ou la maître-sse des cérémonies qui met en pratique le rituel
      9. L’hospitalier-e s’occupe de la bienveillance
      10. Le ou la secrétaire et sa fonction d’archiviste.

      Dans leurs fonctions les officier-e-s sont théoriquement autonomes sans lien hiérarchique : il s’agit là d’une spécificité remarquable du travail maçonnique qui est bien souvent oubliée !  Pourtant cette répartition des tâches permet de prendre en compte le concept de Bien commun !

      Le Bien commun est une des réflexions philosophiques les plus anciennes ; on la retrouve chez Platon et Aristote, on la retrouve avec la Res publica, et aussi dans le Contrat social et aujourd’hui dans la philosophie des communs !

      Dans la franc-maçonnerie contemporaine, le ou la Vénérable sont devenus des président-e-s d’associations 1901 ! Ce faisant les officier-e-s sont démotivé-e-s  et la gouvernance collective disparaît pour faire lace à une chambre d’enregistrement aux désiderata du ou de la VM et de son clan !

      La gouvernance collective en loge, avec cette répartition des fonctions fondamentales à la bonne gestion du groupe, mériterait d’être réactivée avec une durée des fonctions limitées à un an !

      Elle pourrait même servir de modèle pour une gestion municipale plus consensuelle moins handicapée par les conflits politiciens.

      Dans cette réflexion sur le caractère indispensable d’une bonne gouvernance ne retrouve-t-on pas la notion de la nécessité d’une indispensable protection ?

      Les travaux maçonniques sont placés sous cette nécessité d’un endroit protégé à l’écart du monde profane !

      Trois philosophes contemporains ont intégré cette réflexion :

      Hannah Arendt pour les origines du totalitarisme,

      Paul Ricœur

      Et Jürgen Habermas.

       L’actualité nous donne toujours cette confirmation que la pensée humaine n’est plus audible quand le chaos domine ! Et le chaos ne peut dominer que si la gouvernance est inefficiente !

      Seule une bonne gouvernance peut contrôler l’irruption d’une irrationalité émotionnelle déstabilisatrice ! Une loge qui se déchire, c’est comme une foule parasitée par des hooligans qui détruisent tout sur leur passage !

      Tout cela suppose une réflexion et une action ! C’est possible à condition de le vouloir et de ne pas succomber au découragement et à l’impuissance !

      L’expérience montre que l’irrationalité de la pulsion du chaos est imperméable à la raison ! Telle une tempête dévastatrice, elle va détruire ! Ensuite viendra le temps de la reconstruction !

      Tout l’enjeu de la bonne gouvernance est de prévenir l’arrivée de ces tempêtes ! Avouez que cela mérite notre attention !

      Dans le laboratoire d’un alchimiste du Moyen Âge : la découverte d’une substance secrète par des scientifiques

      De notre confrère linternaute.com

      Le 22 mai 2025, Linternaute. com publiait un article fascinant intitulé « Dans le laboratoire d’un alchimiste du Moyen-Âge, des scientifiques tombent sur une substance secrète ». Ce récit, nous plonge dans une découverte qui mêle histoire, science et mystère, tout en ravivant notre fascination pour les alchimistes, ces figures énigmatiques du passé. Voici un article complet et documenté, inspiré de cette publication, qui explore les détails de cette trouvaille et son contexte.

      Une découverte inattendue dans un laboratoire médiéval

      L’histoire débute dans une crypte oubliée, mise au jour lors de fouilles archéologiques dans une région non précisée d’Europe – un choix probablement volontaire pour protéger le site. Les archéologues, accompagnés de scientifiques spécialisés en chimie historique, ont exhumé ce qui semble être un laboratoire d’alchimiste datant du XIVe siècle. Parmi les creusets, les alambics et les parchemins noircis par le temps, une découverte a captivé l’attention : une fiole scellée contenant une substance mystérieuse, décrite comme un liquide visqueux aux reflets argentés.

      Les alchimistes médiévaux, souvent perçus comme des précurseurs de la chimie moderne, étaient obsédés par la quête de la pierre philosophale, censée transformer le plomb en or et offrir l’immortalité. Ce laboratoire, avec ses outils rudimentaires mais ingénieux, témoigne de leurs expérimentations audacieuses. Mais cette substance secrète, soigneusement conservée, intrigue : de quoi s’agit-il ? Une potion ratée, un élixir inachevé, ou quelque chose de plus extraordinaire ?

      Une analyse scientifique qui soulève des questions

      Alchimie
      Alchimie

      Les scientifiques ont soumis la substance à une batterie d’analyses modernes : spectroscopie de masse, chromatographie et datation au carbone 14. Les premiers résultats, dévoilés dans l’article, sont surprenants. La substance contient des traces de mercure, de soufre et d’herbes médicinales comme la mandragore, des ingrédients typiques des recettes alchimiques. Mais un élément inattendu a été détecté : une molécule organique complexe, inconnue des bases de données scientifiques actuelles. Cette molécule, selon les chercheurs, pourrait avoir des propriétés antimicrobiennes, suggérant que l’alchimiste travaillait peut-être sur un remède plutôt que sur la transmutation des métaux.

      Ce n’est pas la première fois que des découvertes alchimiques bousculent notre compréhension du Moyen Âge. Par exemple, des études récentes ont montré que certains alchimistes, comme Nicolas Flamel (bien que sa légende soit entourée de mythes), utilisaient des techniques proches de la chimie pour produire des pigments ou des médicaments. La substance découverte pourrait donc être le fruit d’une expérimentation empirique, un mélange entre science naissante et croyances ésotériques.

      Le contexte alchimique : entre science et mysticisme

      L'Alchimie, Paracelse et Hippolyte Baraduc...
      L’Alchimie, Paracelse et Hippolyte Baraduc…

      Pour mieux comprendre cette trouvaille, replaçons-la dans son contexte. Au Moyen Âge, l’alchimie était une discipline à la croisée des chemins : elle mêlait des savoirs pratiques hérités des Arabes (comme ceux d’Al-Razi, qui influença l’Europe via les traductions latines) à une vision mystique du monde. Les alchimistes croyaient que la matière pouvait être purifiée et transformée, à l’image de l’âme humaine. Le soufre et le mercure, souvent présents dans leurs recettes, symbolisaient les principes fondamentaux de la matière : l’un pour le feu, l’autre pour la fluidité.

      Mais l’alchimie n’était pas qu’une quête spirituelle. Elle avait aussi des applications pratiques. Les alchimistes fabriquaient des teintures, des remèdes et même des explosifs – on pense à la poudre à canon, perfectionnée en Europe à partir de recettes chinoises. La substance découverte pourrait donc être un produit hybride, à la fois médicament et expérience mystique. L’hypothèse d’un remède antimicrobien est d’autant plus crédible que les herbes comme la mandragore étaient prisées pour leurs vertus curatives, bien que souvent toxiques si mal utilisées.

      Une découverte qui interroge notre vision de l’histoire

      Cette trouvaille, relatée par Linternaute.com, nous pousse à réévaluer le rôle des alchimistes dans l’histoire des sciences. Trop souvent caricaturés comme des charlatans ou des rêveurs, ils étaient en réalité des pionniers, travaillant dans des conditions précaires pour comprendre les mystères de la nature. La molécule inconnue détectée dans la fiole pourrait même ouvrir de nouvelles pistes pour la recherche médicale moderne – un paradoxe fascinant, quand on pense que ces alchimistes étaient souvent persécutés par l’Église ou les autorités, qui voyaient en eux des hérétiques ou des sorciers.

      L’article de Linternaute.com souligne également l’émotion des chercheurs face à cette découverte. L’un d’eux, cité anonymement, confie : « C’est comme ouvrir une fenêtre sur l’esprit d’un homme du XIVe siècle. On touche du doigt ses espoirs, ses échecs, ses rêves. » Cette phrase capture l’essence de l’alchimie : un mélange d’ambition démesurée et de quête sincère de vérité.

      Linternaute.com : un média qui éclaire les mystères

      Alchimie sur la table de l'alchimiste
      Alchimie sur la table de l’alchimiste

      Il faut saluer le travail de Linternaute.com et de sa rédaction pour avoir mis en lumière cette découverte. Depuis sa création en 2000 par le Benchmark Groupe, le site s’est imposé comme une référence pour les curieux, avec 24 millions de visiteurs uniques en 2020. Racheté par le groupe CCM en 2010, puis intégré au Groupe Figaro en 2015, Linternaute excelle à mêler actualité, culture et découvertes, comme le montre cet article. En explorant des sujets aussi variés que l’alchimie médiévale ou les avancées scientifiques modernes, le média incarne une mission quasi maçonnique : éclairer les esprits, chercher la lumière dans les ténèbres de l’ignorance.

      Un pont entre passé et futur

      La découverte de cette substance secrète dans un laboratoire alchimique nous rappelle que le passé a encore beaucoup à nous apprendre. Elle illustre la ténacité des alchimistes, ces précurseurs méconnus qui, malgré leurs limites, ont jeté les bases de la science moderne. Si la molécule inconnue révèle un jour des propriétés révolutionnaires, elle pourrait bien transformer notre vision de l’histoire – et peut-être même notre avenir.

      En attendant, cette histoire nous invite à rêver, comme le faisaient ces alchimistes d’antan, tout en gardant les pieds ancrés dans la rigueur scientifique. Merci à Linternaute.com de nous avoir offert ce voyage dans le temps, entre mystère médiéval et promesses d’avenir. Que la quête de la lumière continue !

      Le Dessin de Jissey : « Pierre Dac est une inspiration »

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      Mes très chers Frères et Sœurs, si la Franc-maçonnerie est un temple de sagesse, Pierre Dac, lui, y a glissé une bonne dose de loufoquerie ! Initié à la Grande Loge de France en 1946, ce Frère pas comme les autres a su apporter un vent de légèreté dans nos tenues parfois un peu trop amidonnées. Parce que, soyons honnêtes, entre deux symboles à décrypter et trois colonnes à polir, un peu d’humour, ça fait du bien à l’âme maçonnique !

      Pierre Dac, c’était le roi des calembours et des aphorismes qui tapent juste. On lui doit des perles comme : « Les maçons sont des chercheurs, pas des trouveurs » – une petite pique fraternelle pour nous rappeler de ne pas trop nous prendre au sérieux. Mais son chef-d’œuvre, c’est sans doute le Rituel des Voyous, une parodie hilarante des rituels maçonniques, probablement coécrite avec ses compères Léo Campion et Francis Blanche. Imaginez un Vénérable Maître rebaptisé « Taulier », des Surveillants devenus « Matons », et un Couvreur transformé en « Bignoleur » qui va « bigler si la carrée est aux pommes » ! De l’argot, de la dérision, et une bonne tranche de rigolade : Pierre Dac a osé chatouiller le sacré maçonnique, et on l’en remercie.

      Car l’humour, en Loge, c’est une arme secrète. Jissey le confirme lui-même : « En maçonnerie, la quantité de nos certitudes est un bon indicateur de notre niveau d’ignorance ». Pierre Dac, avec son esprit pince-sans-rire, nous a appris à rire de nos illusions de grandeur – ces moments où l’on se prend pour un Grand Architecte alors qu’on n’a même pas fini de tailler sa pierre. Il nous a rappelé que la vraie lumière, parfois, elle passe par un éclat de rire partagé en agapes, un schmilblick absurde ou une blague bien placée.

      Alors, mes Frères et Sœurs, la prochaine fois que vous sentirez la solennité vous corseter un peu trop, pensez à Pierre Dac. Sortez un bon mot, riez de vos décors un peu trop brillants, et rappelez-vous que l’humour, c’est aussi une façon de s’élever – à la manière d’un Frère loufoque qui, mine de rien, nous a tous rendus un peu plus humains. La joie soit dans les cœurs… et un sourire sur vos lèvres !

      La Grande Loge de France en bonne voie d’obtenir l’appellation « musée de France »

      Thierry Zaveroni, le Grand Maître de la Grande Loge de France qui descend de charge au prochain convent, mène rondement ses affaires, on pourrait même dire tambour battant…

      Après l’inauguration très réussie du musée de la Grande Loge de France, le 27 mars dernier, puis la visite historique du Président de la République, Emmanuel Macron, accompagné de la ministre de la Culture, Rachida Dati, en l’hôtel de la rue Puteaux, le 5 mai suivant, le Journal Officiel (J.O.R.F. № 0119, 22 mai 2025, texte № 135) rapporte que « le Haut Conseil des musées de France émet un avis favorable à la demande d’appellation « musée de France » présentée par l’association Grande Loge de France pour le « musée de la Grande Loge de France » à Paris ».

      C’est le signe que la procédure a été enclenchée séance tenante, un dossier bien complet ayant été préparé en parallèle des travaux entrepris car, aux termes de l’article L442-1 du code du patrimoine, « l’appellation « musée de France » est attribuée à la demande de la ou des personnes morales propriétaires des collections, par décision de l’autorité administrative après avis du Haut Conseil des musées de France ».

      On n’attend donc plus que l’arrêté du préfet de région

      Rigueur des gestes rituels en Franc-maçonnerie

      La rigueur est indispensable à la réussite d’une tenue maçonnique, c’est-à-dire à toute réunion de Francs-maçons. La rigueur est celles des mots, bien sûr, mais aussi celle des gestes, des attitudes, de tout, ce qui plus qu’il n’y paraît, est porteur de sens. Rien n’est indifférent, rien ne peut ni ne doit être laissé au hasard. Il ne s’agit pas de priver les participants de leur libre-arbitre, encore moins de faire d’eux des marionnettes, jouant une pièce imposée de l’extérieur. Il s’agit au contraire de donner à chacun l’envie de concourir à une forme de symbiose, compris ici comme l’association librement acceptée par chacune et/ou chacun, potentiellement différents, mais qui choisissent de s’associer pour un mutuel bénéfice.

      Contrairement aux mots qui ont besoin de silence entre eux pour faire sens, la gestuelle ne laisse aucun espace silencieux ; tout est signifiant, que ce soit dans le mouvement ou que ce soit dans l’immobilité – il y a un silence impossible du corps qui, comme tout langage, a une fonction de dénomination.

      La Franc-Maçonnerie donne des significations particulières aux attitudes, aux gestes du franc-maçon en tenue qui bouge, et même s’il ne bouge pas. Il est encadré par le rituel qui s’impose à lui par des impératifs verbaux, posturaux, matériels, contextuels, et chacun d’eux complète et précise le sens des autres.

      Rien en cela n’est fortuit ou insignifiant.

      C’est précisément dans l’exercice de ce rituel, et dans le cadre collectif d’une loge, que se manifestent les mystères, également appelés « secrets de la Franc-Maçonnerie ». Ces mystères ne se révèlent qu’à l’intérieur de chacun. Ils constituent linvitation permanente faite au maçon de se connaître lui-même. La rigueur et le sens des gestes rituels soutiennent donc activement cette démarche de connaissance de soi en structurant et en chargeant de sens l’expérience vécue durant la tenue.

      La nature profonde de ces secrets prend racine dans l’expérience individuelle vécue durant le rituel. Cette expérience souligne le passage du « moi » au « soi ». L’exercice rigoureux du rituel, incluant la précision des gestes et des attitudes qui sont chargés de sens, est donc le cadre et un élément essentiel de cette expérience individuelle du sens. « Toute expérience est expérience du sens » et « Tout ce qui apparaît à la conscience… est sens ». Les gestes rituels, par leur caractère signifiant et non fortuit, participent directement à ce Heidegger a appelé cette « phénoménalité du phénomène » qu’est le sens.

      L’égrégore est défini comme cet esprit de groupe constitué par l’agrégation des intentions, des énergies et des désirs de plusieurs individus réunis dans le même lieu et le même temps sacrés.
      C’est précisément la rigueur collective des gestes et postures qui permet l’atteinte de l’égrégore. Chacun, même sans fonction particulière, est essentiel, et sa volonté de conformité au sens voulu par le rituel contribue à l’ensemble qui permet l’émergence de l’égrégore. Elle permet d’éviter que quiconque soit « décalé, asynchrone ou hors du rituel », assurant ainsi une unité et un alignement des intentions, énergies et désirs des individus. En donnant à chacun l’envie de concourir à une forme de « symbiose » – une association librement acceptée pour un bénéfice mutuel –, en assurant que chaque participant soit aligné et participe pleinement au rituel selon ses règles précises, cela empêche la dispersion ou la « destruction » de l’énergie collective.

      Un seul participant décalé, asynchrone ou hors du rituel suffit à l’annihiler. Cela signifie que la négligence même d’un seul individu, peut détruire cet esprit de groupe.

      Si l’on scrute les postures, elles ne sont pas que des gestes mais bien une attitude, un positionnement du corps tout entier. Rien de fortuit ici, rien qui ne soit insignifiant. C’est pourquoi, on ne saurait venir en Loge en jean et en polo. Il faut anticiper et être vêtu de manière appropriée, il s’agit de travail collectif sur un chantier. Certaines obédiences féminines ont réglé le problème en faisant de la robe une tenue solennelle que les Sœurs portent lorsqu’elles sont en Loge…

      Il va de soi que certains gestes, comme celui consistant à se mettre «à l’ordre», ou celui dans la Chaîne d’Union, entre autres exemples, ont une portée majeure, qui justifie que l’on ne puisse y admettre l’approximation. Voyons cela plus en détail avec ces deux exemples sus-cités.

      Être debout et à l’ordre 

      Debout et à l’ordre est l’attitude prise par les maçons sur la demande du Vénérable, notamment lors de l’ouverture et de la fermeture des travaux.

      Cette stature précède toute prise de parole et/ou l’exécution des signes. En dehors des officiers, toute parole se fait debout et à l’ordre du degré de la tenue ou au signe de fidélité selon le rite. C’est une attitude immobile, alignée et silencieuse qui se montre aux autres, attestant de ce que le franciscain Duns Scot, au 13ème siècle, nommait déjà l’eccéité de chacun. « L’eccéité » désigne ce qui fait qu’un être humain est lui-même et non un autre, qu’il est distinct de tout autre être humain.

      Comme l’écrit Merleau-Ponty dans Phénoménologie de la perception« Les sens, et en général le corps propre, offrent le mystère d’un ensemble qui, sans quitter son eccéité et sa particularité, émet au-delà de lui-même des significations capables de fournir leur armature à toute une série de pensées et d’expériences[1] ».

      C’est pourquoi les officiers, lorsqu’ils parlent au nom du rituel, et non en leur nom propre, devraient rester assis.

      Debout et à l’ordre, c’est ainsi que le franc-maçon se positionne, selon les usages, pour signaler qu’il demande la parole (parfois, il fait sa demande assis en levant la main ou en tapant dans sa main tendue ou non). C’est à l’ordre qu’il se déplace à l’intérieur du temple.

      Dans les rites maçonniques, on est toujours debout face à une personne ou à un point cardinal, jamais dans une direction floue.

      La verticalité, l’hominisation, la spiritualité, le questionnement sont constitutifs du « debout et à l’ordre » – posture d’ouverture sur la parole, concrétisation de la mémoire qui invite à l’accomplissement d’une transcendance. À chaque injonction du Vénérable « debout et à l’ordre », chaque franc-maçon présent, en se levant, s’érige, dans le temple, en médiateur du ciel et de la terre comme un axis mundi.
      Comme l’expression « à l’ordre » l’indique, c’est une sortie du chaos, pour servir la maîtrise de la parole ou de l’écoute, c’est un ordonnancement du corps assurant le pouvoir de l’esprit sur tout désordre intérieur ; le corps, dans cette position, matérialisant symboliquement la rectitude de l’esprit et les pieds en équerre symbolisant la justesse des actions.

      La mise à l’ordre du Grand Expert et du Maître des Cérémonies est particulière : pour se mettre à l’ordre, le Maître des Cérémonies cale la pointe de la canne contre son pied droit et tend son bras droit dans le prolongement de la ligne des épaules, puis « le frère Expert et le Maître des Cérémonies se font face, tiennent respectivement du bras tendu, l’épée et la canne d’ébène, qu’ils croisent en équerre au-dessus des trois grandes Lumières (le volume de la loi sacrée, l’équerre et le compas)[2] ».

      Ne retenons, pour cet article, que la mise à l’ordre d’Apprenti au premier degré

      C’est une posture immobile, debout, talons joints et pointes en équerre, la tête redressée, la main droite bloquant la gorge (au REAA, le pouce en équerre par rapport aux autres doigts), le bras gauche le long du corps, le regard droit.

      Les pieds sont le réceptacle et le vecteur de toutes les énergies humaines venues d’en-haut. En médecine orientale, on admet que le pied, qui a la forme d’un germe, contient le corps tout entier, et qu’en lui est inscrit le devenir de l’homme.

      La main droite[3] constitue un emblème de vérité et de fidélité,en même temps qu’un symbole de pouvoir. Dans le système hiéroglyphique égyptien, la main signifie «le principe manifesté, l’action, la donation, le labeur». On peut considérer la main sous la gorge comme le symbole du Principe Directeur d’Activité. De ce fait, la main droite, est le symbole de l’énergie positive efficiente : la force qui s’exprime du dedans vers le dehors.
      Par conséquent, la main, et particulièrement le pouce constituent des instruments de la volonté et de la pensée. Le pouce est précisément l’expression de l’ego humain et reflète la partie corticale du cerveau, véhicule physique de la manifestation de la conscience, de la volonté et de la capacité à rationnaliser[4]. Le larynx, organe du Verbe, est appelé «la porte des dieux», ou «la porte qui garde l’entrée». Le pouce contre la gorge c’est la volonté de spiritualiser l’action.

      Cette attitude permet de séparer symboliquement deux parties du corps :

      1°/ la noble portion, qui contient la tête, siège de la raison et des affects, des facultés intellectuelles et spirituelles, naturellement inscrite dans un triangle, pointe en haut dirigée vers le ciel

      2°/ les zones corporelles, sièges des passions (plexus solaire et parties génitales camouflées sous le tablier), symbolisées par un triangle pointe en bas dirigée vers la terre. Ainsi, celle qui doit travailler est protégée, par la conscience du geste, des influx considérés comme inférieurs, que l’on pourrait appeler « l’ego »[5].

      Au RÉR et au RF traditionnel : le bras droit est relâché contre le buste, pas nécessairement à l’horizontale. Au RÉAA, dans la position à l’ordre, le larynx est entre le pouce droit et les quatre autres doigts serrés en équerre.
      Aux ROS, RÉR, RAPMM, RF traditionnel : la main droite est sur le cœur, le pouce étant relevé en équerre, la main gauche pendante[6].

      Le Due guard est la posture pour toutes les mises à l’ordre exécutée avant le signe pénal pendant l’ouverture et la clôture des travaux des trois premiers grades aux RY, Rite Standard d’Écosse ou Rite Écossais d’Écosse, dans les cas où le franc-maçon est autorisé ou invité à prendre la parole. Il passe par tous les signes (due guard + signe pénal) et se tient au signe de fidélité, le talon du pied droit à l’équerre dans le creux du pied gauche dirigé vers l’orient.

      L’origine de la locution désignant cette mise à l’ordre est un mystère, toute filiation historique entre la Maçonnerie et l’Ordre du Temple étant improbable, malgré l’importante littérature romantique et fantaisiste à ce sujet.

      En effet, le cri « Dieu garde ! » est un authentique cri de guerre et d’encouragement lors de la charge de certains « vrais » Templiers à l’époque de l’ordre, au même titre que « Dieu aide », « Beaucéant », « Madame Sainte Marie », etc. Les Templiers de la Maison Écossaise de Ballantrodoch (province d’Écosse) ont réutilisé phonétiquement le cri français, qui donna « Due Guard ». Il s’est retrouvé dans les loges du XVIIIe siècle en Irlande et en Écosse pour désigner le signe d’obligation d’apprenti. Il signifie, de toute façon, que le secret est bien gardé par l’apprenti qui se place, lui-même, sous la garde de Dieu.

      Il existe beaucoup de variantes sur la posture exacte de ce signe. Par exemple : « tenez la main gauche un peu devant le corps et alignée avec le bouton du bas de la veste, la main ouverte et la paume tournée vers le haut. Maintenant, placez la main droite horizontalement sur la gauche à environ deux ou trois pouces au-dessus de celle-ci, en pronation [7]. »

      ATTENTION, La posture de la mise à l’ordre est une posture immobile. Elle n’a pas le même sens que le signe pénal qui lui est un mouvement.

      Le signe pénal ne complète que la posture à l’ordre par un mouvement traçant l’horizontale puis la verticale ; on dit qu’il se fait par équerre, niveau et perpendiculaire.

      Il convient de distinguer ce geste en conscience. Il favorise l’éveil de la conscience et la concentration nécessaire à tout travail d’ordre intérieur. On peut mesurer l’efficacité du geste et du rite à l’attention qui lui est donnée dans son accomplissement, autant que par l’excellence de sa bonne exécution. Au premier degré, étant à l’ordre d’Apprenti, il se fait en glissant la main le long de la gorge, de gauche à droite, avant de laisser retomber le bras le long du corps, pour rappeler la promesse faite au cours de la cérémonie d’initiation : « Je préférerais avoir la gorge tranchée plutôt que manquer à mon serment. »

      Ce signe, rappelant les serments[8] prêtés lors des différentes réceptions de grade, est un geste de synchronie discursive[9]. Plus qu’une pénalité en cas de manquement au serment, il correspond à un engagement vis-à-vis de soi-même.

      Lors de l’ouverture des travaux, les Surveillants circulent pour vérifier l’appartenance des membres des colonnes au grade de la tenue. Au passage des Surveillants, debout et tourné vers l’orient, le franc-maçon effectue : au premier degré une simple mise à l’ordre ; aux deuxième et troisième, à l’ordre suivie par le signe pénal de son grade au passage des Surveillants.

      Le signe pénal se fait lors de l’appel en loge, toujours précédé par la mise à l’ordre ; à la fin de chaque prise de parole (il est ponctué par l’expression : « J’ai dit ! ») ; lors des marches ; à chaque salutation des officiers lors de l’introduction en loge du Maçon quand les travaux sont déjà ouverts.

      Ce signe pénal du 1er degré est considéré comme un signe de reconnaissance même en dehors du temple.

      La Chaîne d’Union

      Dans la plupart des rites, à la fin de chaque tenue, les frères (et sœurs) forment une chaîne en se tenant par les mains dégantées ; cette chaîne s’élargit idéalement à toute l’humanité. La Chaîne d’Union symbolise tout particulièrement la fraternité qui unit le franc-maçon d’une part avec tous les francs-maçons vivants, d’autre part avec tous ceux qui l’ont précédé et tous ceux qui lui succéderont. Il est à noter que la Chaîne d’Union illimitée vers l’avenir apparaît comme n’ayant, dans le passé, d’autre délimitation que le point qui correspondrait à l’origine même de l’espèce humaine. Elle place chaque participant dans la continuité de la Tradition.

      Chaque maçon présent constitue un maillon. Dans une chaîne courte, les francs-maçons croisent leurs bras devant eux et prennent la main gauche de leur voisin de gauche avec leur main droite protégeant ainsi leur cœur. Idéalement, dans certaines obédiences, elle se pratique bras et jambes écartés, les pieds en contact ; chaque franc-maçon est alors une étoile pentagonale reliée aux autres – tous et toutes formant une constellation. Ces étoiles s’animent lorsque les bras se soulèvent par trois fois à l’injonction : « Quittons cette chaîne ! »

      Se tenir la main ne suffit pas pour fluidifier l’énergie qui doit couler et traverser chacun, dans le cercle fermé. Ce qui est reçu doit être reversé dans le nœud des mains, rappelant ceux des lacs d’amour de la Houppe dentelée qui en constituent le symbole.
      En magie, comme en magnétothérapie, la main gauche aspire l’énergie (en supination de l’avant-bras, la paume tournée vers soi), elle est censée la recevoir ; tandis que la main droite la dispense en restituant le don (en pronation, la paume de main tournée à l’opposé du visage). Chaque individu peut toujours se recharger en fonction de son propre rythme, pour peu qu’il sache se connecter à une source, qu’elle soit en lui-même ou hors de son corps physique.

      Dans la Chaîne d’Union, le maçon est comme une pile avec ses polarités. Le cercle fermé – avec les francs-maçons mis en série entre leurs sœurs et frères – crée un champ magnétique au centre de la loge où chacun équilibre son énergie sur celle de l’ensemble des participants, « pas par le geste, mais par ce geste, ce geste fait de cette manière, avec cette ardeur, cette envie, cette application… ce respect ».

      Le balancement des bras permet, à la fin de la chaîne, de couper en douceur ce flux, qui, trop précipitamment, pourrait donner une décharge électromagnétique.

      Ce faisant, le cercle ainsi formé par les membres peut symboliser la fraternité universelle des maçons dans laquelle chaque initié est un maillon de la chaîne ; cette multiplication d’anneaux pouvant symboliser « la préservation de l’unité à travers la multiplicité ».
      C’est l’inscription fraternelle du franc-maçon dans le « Grand Temps », celui des vivants, des morts et des pas encore nés. Ce temps cosmique est aussi symbolisé par le cordeau. Pour Bruno Étienne, « la fusion entre tous les êtres les fait participer à la totalité de l’énergie en réunissant le micro et le macro[10] ».

      Dans une chaîne longue, on prend la main droite du voisin de gauche dans la main gauche.

      Lors d’une cérémonie de réception, chaque nouvel apprenti se doit d’être encadré par deux participants aux travaux pour qu’ainsi lui soit transmis la posture et la position des mains.

      Au Rite de Style Émulation, la Chaîne d’Union n’est pas matérialisée en se prenant par les mains. Elle réside, en fait, à l’ouverture comme à la fermeture des travaux dans les mots : « Unissez-vous à moi pour ouvrir la loge… » et « Unissez-vous à moi pour fermer la loge… »[11]
      Au Rite d’York, la Chaîne d’Union n’apparaît qu’à partir du degré de Maçon de l’Arche Royale (première catégorie des Hauts Grades) et selon une connotation différente (en Écosse, ce grade se pratique toujours selon son origine, en loge bleue et en complément du grade de compagnon).

      En mêlant nos souffles dans un espace clos, nous respirons, telle une chaîne d’union, les particules de notre être-ensemble qui transforment le moi en Nous.

      Alors, comme l’a écrit, il y a vingt siècles, l’empereur mais aussi philosophe stoïcien Marc Aurèle dans Pensées pour moi-même Livre V, par. XVI p.78. « telles que sont le plus souvent tes pensées, telle sera ton intelligence, car l’âme se colore par l’effet des pensées. Colore-la donc par une attention continue… »

      Vous retrouverez ce thème dans le livre de Solange Sudarskis « Interprétations de la théâtralité maçonnique », à paraître très bientôt aux éditions Le compas dans l’œil.


      [1] Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Gallimard, 1945, p. 147.

      [2]. Luc Néfontaine, La Franc-Maçonnerie : une fraternité révélée, Éd. du Cerf, 1990, p. 79-80.

      [3]. La main droite, en hébreu iamin (ימין), est à rapprocher du mot « amen » (אמן) qui signifie être fidèle, être confiant. La main droite est la main bénissant active. La main gauche est la main de la réflexion et de la sagesse (non action).

      [4]. Le blog de Anck 131, La gestuelle maçonnique, 4 février 2012.

      [5]. « Nous avons la raison pour refroidir nos passions furieuses, nos élans charnels, nos désirs effrénés », W. Shakespeare, Othello, acte 1, scène 3.

      [6]. Compléter avec l’article des p.13 à 19 de la revue Le symbolisme des rites, octobre 2024.

      [7]. Duncan’s Ritual and Monotor of Freemasonry, Fig. 1. Duegard of an entered Apprentice

      [8]. À propos du serment, lire la planche de Nicolas Roll, Autorité, Hiérarchie, Serment, 2008, sur le site de la loge maçonnique Cordialité et Vérité no 15

      [9]. Les éléments du discours sont autres que le noyau informatif du message, et ils travaillent à la constitution d’une structure discursive.

      [10]. Bruno Étienne, Une voie pour l’Occident : la Franc-Maçonnerie à venir, Dervy, 2012.

      [11]. Pierre-Philippe Baudel, Verbum Diminum.

      « Tu ou Vous ? » maçonniquement parlant

      Etienne Kern

      Étienne Kern, dans son ouvrage Le tu et le vous, l’art français de compliquer les choses souligne que le tutoiement et le vouvoiement « saisissent quelque chose de l’évolution de notre société, de sa complexité, des grands débats qui la traversent. »  L’usage a certes évolué au fil des siècles. Même si le vouvoiement n’est plus aussi usité, les règles qui établissent ce qu’il convient de faire entre « Tu et Vous » ne sont pas aussi limpides.

      Les origines de cette diférence de style dans l’apostrophe remontent à la fin du 3eme siècle lorsque l’empire romain traversait une période de crise. S’y multipliaient les revers militaires, l’instabilité politique…. Dès lors, l’Empereur Dioclétien cherchait une solution pour redonner prestige à l’autorité impériale et maintenir l’unité de l’Empire s’étendant de l’Orient à l’Occident.

      Son idée s’en sortir  la « tétrarchie ». De quoi s’agit-il ?

      D’un gouvernement à quatre empereurs. Ainsi, à partir de l’an 293 et pendant plus de vingt ans, deux Augustes et deux Césars se partageront le pouvoir. S’appelaient-ils vraiment Auguste et César ? Non, Auguste et César sont des titres. Dans la réalité, les « Auguste » sont Dioclétien et Maximien. Et les deux empereurs chargés de seconder les deux premiers avaient pour noms Galère et Constance Chlore.

      Les quatre se répartissent l’empire d’un point de vue géographique.

      Tête de l’empereur romain Dioclétien conservé au musée archéologique d’Istanbul.

      Dioclétien se consacre à l’Orient, Maximien à l’Afrique, l’Italie et l’Espagne, Constance à la Gaule et la Bretagne, tandis que Galère s’occupe de l’Illyrie et des frontières danubiennes. Quoi qu’il en soit, dans les cérémonies officielles, quand l’un des empereurs prenait la parole, il le faisait au nom des trois autres. Il disait donc « nous » . Par conséquent, on lui répondait « vous ».

      L’historienne Christel Freu, professeure d’histoire romaine à l’Université d’Évry-Paris Saclay, dans l’émission sur France Culture  Le Cours de l’histoire du lundi 9 septembre 2024 a confirmé ce fait : « Avant, on disait « tu » à l’empereur. Mais à partir du 4ᵉ siècle, on voit effectivement apparaître le vouvoiement, dans les actes administratifs, comme dans la correspondance privée. »

      Entre Tu et Vous, lorsque il s’agit de s’interpeller en Franc Maconnerie, la forme prononimale  à adopter est codée selon le rituel. Ainsi à  la Grande Loge Féminine de France, dans les tenues et cérémonies officielles, le vouvoiement est usité entre les membres. 

      Ce vouvoiement respecte les usages établis dans la société française jusqu’au XVIIIe et respecte un sens pluriel : il est synonyme de « hiérarchie, verticalité, respect  et non réciprocité ». Le vouvoiement installe effectivement une distance entre celui qui parle et celui à qui l’on s’adresse. Il fonde l’échange dans une altérité conscientisée. Par contre, passées les tenues, sur les parvis comme aux agapes, la simplicité est de mise : le « tu » ne s’occupe plus des grades et chacune s’appelle par les prénoms.

      Dans d’autres obédiences la règle est identique mais il existe d’honorables obédiences où c’est le tutoiement qui est la règle universelle entre initiés quels ques soient leurs grades, le lieu et le moment. Ce tutoiement fonde l’importance de l’échange sur la fraternité, une « altérité »  d’emblée affective.

      Dans l’environnement maçonnique, avant et après une intervention, les formules de politesse sont la régle et donnent de la solennité au temps présent.

      A travers ce court moment convenu pour leur énonciation, la Soeur ou le Frère en profite pour calmer les battements de son cœur et prendre souffle pour faire une intervention conforme aux règles de la rhétorique maçonnique. Avec le type de formules recommandées, difficile d’éloigner des présents dans l’assemblée ! Quantà la hiérarchie dans l’Ordre elle transparaît dans l’exergue.

      Ainsi au plateau de l’Orateur ou de l’Oratice, toute prise de parole pour celui ou celle qui s’y rend pour donner « sa planche », commencera par la formule suivante :

      V.M. et vous tous mes FF. en vos grades et qualités,

      Version longue : V.M., V.M. d’honneur, Dignitaires qui siégez à l’Orient, et vous tous mes FF. en vos grades et qualités,

      Dans les loges mixtes : V.M. et vous tous et toutes mes FF. et mes SS. en vos grades et qualités,
      Dans certaines loges mixtes : V.M. et vous tous et toutes mes FF. et mes SS. en toute égalité.

      Quant il s’agit de conclure la prise de parole, les  formules d’usage sont rapides mais toujours courtoises :

      • V.M., j’ai dit.
      • V.M. et vous tous mes FF. et mes SS., j’ai dit.

      Sources :

      • Le tu et le vous, l’art français de compliquer les choses, Étienne Kern, Flammarion, octobre 2020.

      Deux Augustes + deux Césars = une tétrarchie : épisode 1/4 du podcast Jeux de pouvoir, histoire des seconds en politique | France Culture

      Entre sable et symbolisme

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      Et le temps efface sur le sable les pas des amants désunis…

      J’aime beaucoup cette phrase issue de la chanson des « Feuilles mortes » de Jacques Prévert et de Joseph Kosma.

      Au passage le poème des « Feuilles Mortes » a donné lieu à pas moins pas moins de 600 versions musicales au niveau planétaire qui vont de Yves Montant, Juliette Gréco, Nat King Cole, Franck Sinatra et tant d’autres. Ce n’est pas l’objet du sujet de cette rubrique, cependant permettez-moi ce petit moment d’humour: il est dit dans la chanson à un moment, les feuilles mortes se ramassent à la pelle. Certaines mauvaises langues prétendent que Jacques Prévert aurait dit sur le ton de l’humour, « moi maintenant c’est plus les feuilles que je ramasse à la pelle avec cette chanson mais l’oseille ! »

      Je ne peux m’empêcher d’y penser, non pas au passage du tronc de la Veuve, mais quand l’Expert(e) préposé au traçage du tableau de la loge efface les symboles qu’il a délicatement tracés au début des travaux dans un bac à sable, un moment symbolique de forte teneur. Tous les membres de la loge sont en communion avec le geste du frère qui participe à la clôture des travaux

      « nous quittons le monde initiatique pour rejoindre le monde profane »

      Le râteau s’agite avec douceur et planifie la surface du sable, c’est un moment semblable à celui de la vague qui revient pour effacer définitivement les écris sur le sable comme un au revoir que nous retrouverons lors d’une prochaine tenue.

      On ne laisse plus de traces. On fait table rase, nous emportons avec nous nos secrets, ils sont présents maintenant dans notre temple intérieur et ils vont faire leur chemin qui conduit à notre perfectionnement. C’est un moment unique qu’il faut vivre et ressentir. Il n’est pas question dans ce moment de brouiller les cartes comme dans un tour où l’on va les redistribuer pour recommencer à jouer, il n’est pas non plus question de brouiller les pistes, mais tout simplement

      « on met le mot fin comme dans un film sur cette séquence »

      C’est ce moment que nous vivons tous que j’avais envie de partager avec vous mes très chères soeurs et mes très chers frères. Je laisse maintenant le soin au Grand René de brouiller les pistes pour le transmettre au monde profane dans sa video ci-dessous, si toutefois…

      L’énigme des Maîtres -21- Noblesse oblige

      Pour lire l’épisode précédent : ici

      Le Joyau et l’Infini gardé par la Franc-maçonnerie

      Rendez-vous fut pris par Sir Archibald et Guido Lhermitt avec le Très Respectable Grand Maître de la Grande Loge Unie d’Angleterre, fondée en 1813, l’héritière de la Grande Loge de Londres et de Westminster dont le Duc de Montagu fut le 4ème Grand Maître. Ils s’annoncèrent, le comte sous ses titres nobiliaires et Guido sous ses fonctions à Interpol.

      Freemasons’ Hall

      La façade est imposante, avec ses colonnes corinthiennes et les fenêtres à arc. L’entrée principale est marquée par un grand hall et un escalier monumental.

      Freemasons’ Hall n’est pas seulement un lieu de rassemblement, mais aussi un symbole de la Franc-maçonnerie anglaise. Le bâtiment incarne les idéaux de fraternité, de liberté et de tolérance, qui sont au cœur de l’organisation. Il représente aussi la continuité de l’histoire maçonnique en Angleterre, depuis sa fondation au XVIIIe siècle jusqu’à son influence actuelle.

      L’intérieur du bâtiment est tout aussi impressionnant. Le Great Hall, la salle principale, est un espace vaste et élégant, utilisé pour les cérémonies maçonniques importantes. C’est une pièce de grande envergure, boiseries et sols en marbre bien sûr. Le plafond, chef-d’œuvre de l’Art déco. À ses coins, les quatre vertus cardinales — la Prudence, la Tempérance, la Force et la Justice — sont présentes, illustrant des vertus fondamentales de la Franc-maçonnerie et sept étoiles pour les sept arts libéraux.

      Guido ne manqua pas d’en faire la remarque et un commentaire

      – Les sciences libérales, entendons qui libèrent, sont pour les Grecs les neuf muses, filles de Mnémosis, qui présidaient aux arts libéraux : Histoire (Clio), Musique (Euterpe), Comédie (Thalie), Tragédie (Melpomène), Danse (Terpsichore), Élégie (Érato), Poésie lyrique (Plymnie), Astronomie (Uranie) et Éloquence (Calliope).

      Lorsque Cicéron parle d’artes liberales, il ne s’agit absolument pas pour lui d’une liste de sciences en nombre déterminé : en principe, ces arts libéraux comprennent toutes les sciences qui sont dignes d’un homme libre. En fait, Cicéron fait un certain choix entre ces sciences ; ce choix ne coïncide pas du tout avec les sept arts libéraux qui nous sont connus par le Moyen Âge. Pour Cicéron, ce qui compte, c’est l’étude de la littérature grecque et latine, de l’histoire, de la philosophie (la dialectique comprise), de la rhétorique et du droit romain.

      Christofle de Savigny publie en 1587 Tableaux accomplis de tous les arts libéraux, livre dans lequel il en répertorie 18 : arithmétique, géométrie, optique, musique, cosmographie, astrologie, géographie, physique, médecine, métaphysique, éthique, jurisprudence, chronologie, théologie, grammaire, rhétorique, poésie, dialectique. On en trouve davantage encore comme base de la connaissance.

      Jusqu’au xviie siècle au moins, la conception des arts libéraux repose sur la définition proposée dès le Ve siècle par Martianus Capella dans son ouvrage De Nuptiis Philologiae et Mercurii, puis généralisée par l’enseignement scolastique médiéval, à savoir : sept disciplines réparties en deux divisions, le Trivium le Quadrivium. Les trois premières formaient le cercle d’études appelé Trivium, l’Intelligence, les arts de la parole. Les quatre autres, le Quadrivium,conduisent à l’approfondissement de la connaissance de la terre et du ciel.

      En évoquant l’astronomie, Guido pensa à son ami Alexander et à sa visite de la bibliothèque d’Istanbul. Il savait qu’il avait gardé en lui le souvenir de l’incandescence de ses sentiments quoi qu’ait pu faire Amélie.

      C’est dans la salle remarquable de la bibliothèque et musée de la Franc-maçonnerie que leur hôte les accueillit en leur serrant la main.

      Physiquement, il est un homme de grande taille. Il a une silhouette élancée et se distingue par une posture droite, reflet de sa formation militaire à l’Académie royale militaire de Sandhurst. Avec l’âge, son visage s’est affiné, signe de vieillissement ainsi que ses rides prononcées et une peau très pâle.  Le haut de son visage en occupe les  trois quarts avec un crâne plus développé que la moyenne, un très grand front dégarni, un nez fin un peu allongé et des lèvres minces pincées. Ses cheveux, autrefois plus fournis, sont désormais clairsemés et de couleur grise. Il porte un costume en flanelle gris clair, cravate violine, chemise bleu pâle assortie à son regard.

      Le Très Respectable Grand Maître, est l’un des membres les plus emblématiques de la famille royale britannique, non seulement pour son rôle royal mais aussi en tant que figure de proue de la Franc-maçonnerie moderne, un rôle qu’il exerce avec discrétion, mais aussi avec une grande détermination et un engagement manifeste envers les idéaux maçonniques en incarnant les principes fondamentaux de la Franc-maçonnerie : l’humanisme, la philanthropie, la tolérance et l’éthique.

      Après quelques mots de courtoise prise de contact, c’est avec élégance et fierté qu’il présenta et commenta la collection exceptionnelle d’artefacts, de livres rares, et d’objets historiques liés à l’histoire de la Franc-maçonnerie, insistant sur des documents qui remontent à plusieurs siècles, offrant ainsi un aperçu unique des traditions maçonniques en concluant :

      – Le symbole est le signe sensible au moyen duquel l’Artiste a exprimé sa pensée ; c’est le sacrement de l’incarnation de son esprit. L’artiste, par la méditation des symboles, devient réellement un conseiller spirituel, un conducteur d’âmes.

      Le véritable objet des études en Franc-maçonnerie, « c’est pour ajouter à tout domaine de la sagesse [et de la concordance entre les humains]. Ce sont les grandes vérités, quant à tout ce qui concerne le plus l’homme, quant à ses droits, ses intérêts et ses devoirs, que la Maçonnerie cherche à enseigner à ses Initiés ». Bien sûr, ce n’est, qu’en si peu de temps, que l’essentiel de ce que l’on peut dégager de commun dans la diversité et la profusion des créations d’obédiences qui caractérise son évolution historique, politique et sociale à travers les différents pays où elle est implantée.

      Puis, il emmena ses deux visiteurs dans son bureau où ils  prirent place dans de profonds fauteuils victoriens Chesterfield en acajou et cuir noir. Aucune odeur de cigares ou de cigarettes ne polluait l’espace.

      – Si je comprends votre démarche, vous voudriez m’entretenir  des conclusions de vos recherches qui vous laissent penser que nous aurions en dépôt sans le savoir un secret qui pourrait changer le monde ? S’enquit  le Grand Maître.

      Sans un mot, Sir Archibald présenta alors la lettre non signée trouvée à Istanbul relatant la transmission du diamant par Léonard de Vinci et sortit, d’un petit coffret de protection, le morceau de tissu grisâtre lamé d’or terni découvert dans le livre de compte du château Lamothe.

      Un long silence enveloppa les trois hommes, puis le rompant, Sir Archibald lui narra toute leur enquête depuis la menace de vol du tableau de Newton.

      – Venez, je vais vous montrer… et le Grand Maître n’acheva pas en se dirigeant vers une lourde porte dissimulée dans sa bibliothèque qu’il ouvrit.

      Ils pénétrèrent dans une petite salle où sur les murs se trouvaient plusieurs portraits dont celui de Sir John Braddick Monckton, qui fut président du conseil d’administration de la Grande Loge d’Angleterre, où à l’évidence la position des doigts de la main en était l’intérêt. Cela leur confirmait que la transmission du diamant s’était effectuée au sein de l’Institution maçonnique.

      À l’intérieur de la pièce, une lumière étrange adoucissait jusqu’à l’air. Au centre de l’espace, sur un piédestal, sous une cloche pyramidale transparente au pyramidion et aux coins dorés, brillait le diamant. Un linge de lin blanc tissé d’or, parfaitement conservé, déchiré dans un de ses coins lui faisait une litière.

      Le diamant est plus petit que Guido et Sir Archibald ne l’imaginaient, presque insignifiant, mais son éclat semblait renfermer les secrets de l’univers dans ses 70 degrés de fluorescence. Pur au-delà de la pureté, d’une lueur presque irréelle, dans sa transparence qui reflétait tout ce qui l’environnait, il semblait respirer d’un souffle suspendu, comme si le temps lui-même attendait qu’il réveille ses pouvoirs.

      Le Grand Maître en ouvrit sa cage, le sortit en le prenant à deux doigts et le présenta.

      – Voilà, nous en sommes les gardiens depuis que le jeune baron, comte de Salisbury l’ait transmis à sa descendance jusqu’à notre ancien Grand Maître le Duc de Montagu qui l’a confié au trésor de la Franc-maçonnerie. Nous attendions celui qui un jour apporterait le morceau de tissu/sumbolon prélevé. Et vous venez, non seulement de nous en éclairer l’origine, mais de vous faire reconnaître comme son destinataire.

      Il le tendit à Sir Archibald qui le reçut dans sa main en creux comme un nid pour recevoir un oisillon. C’est avec une émotion d’infinie tendresse pour le gemme qu’il le caressa, à peine, en pensant à Lévinas et se tournant vers Guido lui fit signe de le prendre à son tour.

      Guido le reçut, la main en supination, dans la position observée sur la fresque de la Cène. La pierre roula à la jointure du majeur et de l’annulaire. Dans un geste de protection, Guido replia légèrement ces deux doigts et, naturellement, ils s’écartèrent davantage des autres.

      Aussitôt, ses pensées lui échappèrent et ça pensa pour lui depuis le diamant qui irradiait une lumière semblant exister par elle-même, un être lumineux sans source, baignant l’ensemble de l’espace dans une clarté tranquille mais omniprésente.

      Guido défaillit dans son enveloppe corporelle. Son esprit s’en libéra de ses contraintes, comme s’il se dissolvait dans une substance infinie, flottant entre les dimensions. Les frontières de son être devinrent floues, un mélange subtil de présence et d’extase pure. Il entendit intérieurement, en écho, ce que ça pensait.

      – Je suis dans le monde de l’être non-être, des états juxtaposés, celui de la tendance à exister. Toutes les possibilités et non possibilités sont présentes. Seule une observation en fixe une, le temps d’une observation, tout s’effondre. Rien n’est fixé, rien n’est établi. L’éventualité se consolide dans sa décohérence. C’est un décor, une illusion. Cette réduction n’est qu’un aperçu de sa réalité. Pourquoi je te vois diamant ? Me vois-tu aussi ? Pourquoi dans cet état plutôt qu’un autre ? Comment ne pas songer à ces métamorphoses de soi par les regards qui ne voient qu’une face de la lune ? En s’interrogeant, il se sentit devenir une baleine, un loup, une montagne, une rivière, une coupe, une écorce d’arbre, une pierre, une terre sacrée flottant au milieu des eaux, minotaure, basilic, sphinx et licorne.

      Maintenant, autour de Guido, des formes indistinctes flottent, se mouvant lentement et dans une parfaite harmonie. Elles sont à la fois présentes et absentes, des échos de pensées ou des manifestations d’êtres spirituels, qui le regardent sans jugement, mais avec la tendresse infinie de « ce sourire de l’Unité du flot des figures, ce sourire de la simultanéité, au-dessus des milliers de naissances et de décès ». Parfois, leurs silhouettes se transforment en des vagues d’énergie pure, des courants vibrants qui s’entrelacent et s’étendent à l’infini, créant des motifs subtils et fractals, comme si la structure même de l’univers était en perpétuel renouvellement. Il n’y a plus aucune pression, aucune urgence. Tout est à sa place, et pourtant, tout est en mouvement constant. Commencement et fin n’ont plus de sens. Le silence est un murmure profond, une vibration apaisante, qui semble communiquer une sagesse que l’esprit humain n’est même pas capable d’appréhender. Il est à la fois un avec l’âme du monde et spectateur de ce déploiement sans fin. Tout son être se dissout dans l’expérience de l’éternité qui se fait sentir non pas comme une durée mesurable, mais comme une suspension, une présence intemporelle de champs des possibles qui englobe tout ce qui a été, ce qui est, et ce qui sera. Son souffle devient une mélodie éternelle, une note pure qui résonne à travers l’univers, le temps linéaire n’est plus. L’idée même de la mort lui paraît absurde, un concept de l’ancienne réalité qui n’a plus de prise sur lui. Les secrets de l’univers s’offrent à lui, mais il ne ressent aucune urgence, car il sait qu’il a tout le temps pour les explorer. Chaque instant devient un flot infini de découvertes, une vision en perpétuelle expansion qui se déploie en lui sans fin.

      Les sensations physiques de son corps ont disparu peu à peu, comme si la notion même de matière n’était plus nécessaire pour son existence. Il n’est plus une entité singulière, mais une onde d’existence dans l’océan de l’infini. L’idée de vivre éternellement ne le terrifie plus. Au contraire, elle le calme, lui apporte une sérénité profonde, comme s’il faisait partie d’une danse cosmique qui se perpétue sans fin, et qu’il en avait toujours fait partie, depuis le tout début. Il se sent recevoir non seulement la vie éternelle, mais la possibilité de tout comprendre, de tout percevoir, de tout devenir, tout en restant, paradoxalement, lui-même. Il est devenu l’Énergie Créative, un point au centre du Cercle de l’immensité. Le diamant n’est plus que lumière, une et tout. Guido n’a plus de nom.

      Refermant sa main en couvrant le diamant, Guido revint à lui et reprit contact avec son corps et son esprit.

      Le diamant, activé par la posture des mains, avait non seulement révélé son pouvoir, mais aussi provoqué une décharge d’énergie qui perturba les circuits de communication par un flux d’énergie inouïe, comme si sa propre existence était réajustée au fil du temps et dont la puissance transcendantale était capable d’influencer le tissu même du temps. Un pouvoir qui, une fois déclenché, pouvait inverser le temps à une échelle quantique et conférer l’immortalité.

      Cela n’avait pas duré plus qu’une seconde et cela passa inaperçu pour les deux autres témoins. Ils ne remarquèrent que le changement d’intensité de l’électricité.

      – Je ne sais si je dois vous le remettre comme le voudrait le fait qu’il soit à transmettre à celui qui posséderait l’autre partie du tissu ?

      Le Grand Maître était tiraillé entre son désir de conserver et de protéger sans trahir ce qui fut confié à l’Institution et le devoir de respecter les engagements mutuels du sumbolon. Il avait sa part de responsabilité du pacte établi par Léonard de Vinci. Celui qui recevrait un morceau du sumbolon n’était-il pas lié à l’autre par un pacte de loyauté, de confiance ? N’était-il pas le garant de devoir reconnaître celui qui présenterait la partie séparée comme un membre légitime de l’accord par delà toute autre considération. Le sumbolon ne servait-il pas de preuve tangible de l’existence de la réciprocité d’une promesse ?

      Il laissa entendre qu’il fallait qu’il réfléchisse avant de leur remettre le diamant.

      La suite la semaine prochaine

      Sacrée gageure !

      2

      (Les « éditos » de Christian Roblin paraissent le 1er et le 15 de chaque mois.)

      Quand un Franc-maçon met son grain de sel dans les affaires de ce monde, c’est normalement pour que les choses aillent mieux. Certains, campant sur leurs certitudes, mettent plutôt des grains de sable dans la machine. Au demeurant, il n’est pas simple de savoir quelle parole tenir, quel rôle jouer, quand les circonstances sont indécises voire hostiles, auquel cas l’esprit de bravoure et l’action intrépide peuvent même avoir tendance à aggraver la situation, au lieu d’aider à la rétablir. En général, le sens de l’autocritique n’est pas le point fort de la plupart des hommes et les capacités d’écoute de chacun rencontrent vite leurs limites – triste constat, malheureusement de plus en plus actuel !

      Sous ce bénéfice, nous devons reconnaître ne pas toujours consacrer nos meilleurs efforts pour faire droit aux objections les plus solides ni accueillir les solutions les plus diverses qui conviendraient à d’autres, sans aucunement menacer les positions que nous défendons. Cet orgueil de la puissance, nous sommes prompts à le ressentir et à nous y cramponner, même petitement… à peine semble se dessiner un avantage des forces, en notre faveur.

      Nos exercices d’ouverture et de détachement ont précisément pour objectif de cultiver la plus grande ouverture possible aux dynamiques de la vie. On n’en conviendra pas moins qu’il est plus facile de prospérer quand « on a du grain à moudre », comme eût dit André Bergeron[1]. Ainsi se circonscrivent bien des enjeux majeurs de la démocratie. Pourtant, si la coexistence est faite de multiples nuances, l’homme pressé n’en a cure. C’est pourquoi, en loge, nous nous disciplinons aux fulgurances de l’immobilité car seul le temps suspendu permet de saisir rapidement les contraires pour les concilier harmonieusement.

      Entre ceux qui ont un grain et ceux qui veillent au grain – tendances qui peuvent vite devenir de doux délires –, une certaine confusion naît dans notre esprit, du fait également qu’en écho à Sénèque[2], il n’est « point de génie sans un grain de folie ». On a coutume de considérer qu’il faut quelque déviance, quelque « pas de côté », pour sortir des sentiers battus et faire avancer l’art ou la science — et plus généralement les hommes. J’ai dit « les hommes » ; j’aurais pu dire « l’humanité », mais cela n’aurait pas eu tout à fait le même sens… Bref, on perçoit, dans l’affaire, toute l’ambivalence du danger, qu’il ne faut pas mépriser, mais maîtriser, et ce, sans déchoir ni décevoir… sacrée gageure[3] !


      [1] Célèbre pour sa formule, l’ancien secrétaire général de Force Ouvrière, André Bergeron, a même publié un bilan de sa vie et de sa carrière de syndicaliste, sous le titre : Tant qu’il y aura du grain à moudre (Robert Laffont, coll. « Vécu », 1988, 244 p.). Une réédition numérique a paru en 2016, grâce au travail patrimonial de FeniXX, qui numérise et commercialise des livres indisponibles du XXe siècle.

      [2]  On trouve, chez Sénèque, dans le neuvième livre de ses Dialogues, intitulé : Sur la tranquillité de l’âme (De Tranquillitate animi), à la 10e section, cette maxime souvent citée : « Nullum magnum ingenium sine mixtura dementiae fuit « , que l’on peut littéralement traduire par : « Il n’y a jamais eu de génie sans mélange de folie », c.-à-d. sans que n’y soit mêlé un brin ou un grain de folie. Sénèque en attribuait la première pensée à Aristote, quoique celui-ci ne l’ait jamais exprimée directement. Il s’agissait donc, plus que d’une paraphrase, d’une extrapolation des réflexions du Stagirite dans ses Problèmes (Προβλήματα), plus précisément  au Problème XXX.1, connu sous le titre de commodité : « L’homme de génie et la mélancolie ». On peut retrouver cette suite de questions-réponses dans une édition particulière en poche (préf. & trad. du grec par le Pr. Jackie Pigeaud, Rivages Poche Petite Bibliothèque № 39, 2019, 128 p.).

      [3] La prononciation classique : ga·jur, semble se perdre or « le nom féminin gageure se prononce gaʒyʀ, comme dans injure, et non [gaʒœʀ] (ga‑jeur) comme dans joueur ». Ainsi que le note Le Projet Voltaire : « Ici, la voyelle ‟e” est muette ; elle sert simplement à donner le son [je], comme dans le prénom Georges. » Et cet outil d’entraînement en ligne à une meilleure pratique du français d’ajouter : «  Pour guider la prononciation, un tréma a été introduit en 1990 sur le ‟u” de gageure, devenu ‟gageüre”. » Cette graphie,  non plus, n’est pas davantage respectée.

      Pour ma part, connaissant la règle et l’usage traditionnel, je n’ai pas cru devoir, sur ce mot, alourdir une voyelle de deux points juxtaposés, alors qu’hormis dans quelques dictionnaires, je n’ai jamais rencontré cette curiosité incitative ou « insistative », si l’on veut bien me pardonner un hapax dicté par mon goût immodéré de la paronymie… que je viens encore d’illustrer, jusque dans la dernière phrase de cet édito !