L’ancien Grand Maître de la Grande Loge de Cuba et l’ancien Grand Trésorier ont remboursé un million de pesos après un détournement de fonds s’élevant à plus de 40 000 dollars, provoquant une crise interne et un discrédit public. Mario Urquía Carreño, ancien Grand Maître de la Grande Loge de Cuba, et Airam Cervera Reigosa, ancien Grand Trésorier, ont restitué ce vendredi un million de pesos cubains (CUP) à l’institution maçonnique, suite à la dénonciation d’un détournement d’un million présentée par la direction actuelle, comme l’a confirmé le média indépendant Cubanet.
Mayker Filema Duarte
Le actuel Grand Maître, Mayker Filema Duarte, a révélé dans un communiqué officiel auquel Cubanet a eu accès que la remise de l’argent a eu lieu en présence de fonctionnaires du Ministère de l’Intérieur, du Ministère de la Justice et de la Banque Nationale de Cuba, ainsi que des responsables de la Grande Loge de Cuba, parmi lesquels le Grand Secrétaire Juliannis Galano Gómez et le Grand Trésorier Juan Carlos Yero Ramos.
Grande Loge de cuba
Selon le rapport du média indépendant, les accusés avaient déjà détourné au moins 2,1 millions de pesos par le biais de manipulation d’états bancaires et de falsification de factures, ce qui équivaut à plus de 17 600 dollars au taux de change officiel.
La directive maçonnique a également informé que dans les prochains jours, d’autres 3 millions de pesos supplémentaires pourraient être restitués, dans le cadre du processus de restitution. La recherche a révélé que Cervera Reigosa, en complicité avec Urquía Carreño, modifiait les registres comptables officiels pour dissimuler les opérations illicites. Ils ont même ordonné à la comptable de l’institution de comptabiliser comme perte le vol de 2 700 dollars. Le scandale a également inclus la dénonciation du supposé racket de 19 000 dollars du bureau de l’ancien Grand Maître, de l’argent appartenant à l’Asile National Maçonnique, pour lequel aucune explication n’a encore été donnée.
La Grande Loge de Cuba a assuré que, grâce à la dénonciation présentée en septembre 2024, la possible fuite à l’étranger des accusés a été évitée.
Cependant, comme l’a soutenu Cubanet, le détournement total confirmé s’élève à plus de 40 000 dollars, ce qui a provoqué une profonde crise interne au sein de l’institution maçonnique et un discrédit public de ses anciens dirigeants. L’écrivain et franc-maçon politique Ángel Santiesteban-Prats s’est demandé dans une publication sur Facebook pourquoi, si « le fait est déjà consommé et prouvé », Urquía et Cervera sont toujours en liberté.
« Pourquoi le Ministère de la Justice l’a-t-il défendu et protégé jusqu’à ce qu’il soit contraint de démissionner par les maçons ? Parce que s’il n’y avait pas eu son expulsion, il serait encore soutenu aujourd’hui », a-t-il interrogé et a émis comme hypothèse que le régime essaie de donner « un coup d’éclat » à la masse maçonnique. »
La Grande Loge en débat
La masonnerie cubaine, frappée en 2024 par le scandale de corruption impliquant l’ancien Grand Maître Mario Urquía Carreño, traverse aujourd’hui une grande crise. Mais cette fois, la réponse a été différente : unité, mobilisation et défense de ses principes fondateurs.
Son successeur, Mayker Filema Duarte, a dénoncé publiquement la fraude. La restitution d’un million de pesos en août 2025 par Urquía et Cervera, en présence des autorités du MININT, du Ministère de la Justice et de la Banque Nationale de Cuba, n’a pas apaisé l’indignation, car il reste encore à clarifier le sort de plusieurs millions supplémentaires.
Questions fréquentes sur la crise de la Grande Loge de Cuba et le scandale de corruption
Que s’est-il passé avec la Grande Loge de Cuba et l’ancien Grand Maître Mario Urquía Carreño ?
Mario Urquía Carreño et Airam Cervera Reigosa, anciens dirigeants de la Grande Loge de Cuba, ont restitué un million de pesos après avoir été accusés d’un détournement d’au moins 2,1 millions de pesos, ce qui a engendré une crise interne au sein de l’institution maçonnique.
Comment ce scandale a-t-il affecté la franc-maçonnerie à Cuba ?
Le scandale de corruption a provoqué une crise de réputation au sein de la maçonnerie cubaine, aggravée par l’ingérence du régime dans ses affaires internes. La Grande Loge de Cuba fait face à un discrédit public et à une division interne, en plus de l’intervention étatique qui a été perçue comme une tentative de contrôler l’institution.
Quelle a été la réponse du Ministère de la Justice face à la situation à la Grande Loge ?
Le Ministère de la Justice a été accusé d’intervenir dans les affaires internes de la franc-maçonnerie, en soutenant Mayker Filema Duarte, qui a refusé de quitter son poste de Grand Maître après avoir été destitué. Cependant, le ministre de la Justice a nié toute ingérence de l’État, arguant que la situation relève d’un sujet interne à la franc-maçonnerie.
Quelles mesures les francs-maçons ont-ils prises pour faire face à la crise de la Grande Loge ?
Les maçons ont choisi l’unité et la mobilisation pour défendre leurs principes fondateurs et l’autonomie de leur institution. Ils ont organisé des manifestations et des rassemblements pour exiger la destitution de dirigeants imposés et ont dénoncé publiquement l’ingérence gouvernementale.
Du confrère polytechnique-insights.com – Par Laure Soulier, maîtresse de conférences à Sorbonne Université, équipe Machine Learning and Information Access
L’intelligence artificielle générative (IA générative) produit des contenus variés comme du texte, des images ou des vidéos, en s’appuyant sur des modèles de probabilité et des réseaux neuronaux entraînés sur de vastes ensembles de données. Bien qu’efficace, elle ne peut être assimilée à l’intelligence humaine, car elle privilégie la vraisemblance plutôt que la vérité. Elle reflète les biais et erreurs des données sur lesquelles elle a été formée. Utilisée comme outil, elle ne devrait pas remplacer massivement les emplois, mais pourrait en créer de nouveaux. Son avenir reste incertain, avec des enjeux environnementaux à considérer, notamment via le développement d’une IA plus frugale.
1. Qu’est-ce que l’IA générative ?
L’IA générative se distingue par sa capacité à créer
– VRAI
Dans le domaine de l’intelligence artificielle, l’IA générative se démarque par sa capacité à produire du contenu : textes, images, vidéos, etc. Des outils comme ChatGPT, Bard, Midjourney ou DALL-E en sont des exemples connus. Leur fonctionnement repose sur des modèles de probabilité : ils prédisent le mot ou le pixel suivant en fonction du contexte, grâce à des réseaux neuronaux profonds entraînés sur d’énormes volumes de données. Ces modèles identifient des correspondances probables pour générer des résultats cohérents.
L’IA générative est-elle intelligente ?
– FAUX
Bien que les performances de l’IA générative soient impressionnantes, elles ne relèvent pas d’une intelligence comparable à celle des humains. Ces systèmes effectuent des calculs mathématiques complexes à grande vitesse, mais ils ne possèdent ni conscience ni capacité à raisonner comme une intelligence humaine générale. Ils se limitent à des tâches spécifiques, fonctionnant comme un assemblage d’IA spécialisées au sein d’un même modèle.
L’IA générative peut-elle tout faire ?
– INCERTAIN
L’IA générative est utilisée dans divers domaines : création musicale, conception de décors pour jeux vidéo, rédaction de textes, traduction ou génération de code. Cependant, ses limites sont liées aux données d’entraînement. Les biais présents dans ces données, comme les stéréotypes de genre (par exemple, traduire « the nurse » par « l’infirmière »), se retrouvent dans les résultats. De plus, les réponses peuvent varier selon la formulation des questions, et l’explicabilité des processus reste un défi, bien que des recherches soient en cours pour mieux comprendre ces systèmes.
2. L’IA générative est-elle fiable ?
L’IA générative peut produire des erreurs
– VRAI
L’objectif de l’IA générative n’est pas de fournir des vérités absolues, mais des résultats probables basés sur ses données d’entraînement. Si ces données contiennent des erreurs ou des biais, ceux-ci se répercutent dans les outputs, entraînant des « hallucinations » – des réponses incorrectes ou incohérentes. Une étude de l’université de Hong Kong indique que ChatGPT (version GPT-3.5) atteint un taux de pertinence de 64 %, soulignant un risque d’erreur non négligeable.
L’IA générative va-t-elle se rebeller ?
– FAUX
Les craintes d’une révolte des machines, popularisées par la science-fiction, sont infondées. Les IA génératives se contentent de calculer des probabilités et n’ont ni émotions ni conscience. En 2015, Andrew Ng, spécialiste en IA, comparait ces peurs à s’inquiéter de la surpopulation sur Mars avant même d’y avoir posé le pied. Cette perspective reste pertinente malgré les avancées technologiques récentes.
L’IA générative pose-t-elle des risques pour la sécurité et la confidentialité ?
– INCERTAIN
La plupart des modèles d’IA générative sont hébergés sur des serveurs américains, soumis au Patriot Act et au Cloud Act, ce qui peut permettre aux autorités d’accéder aux données. De plus, les informations fournies à ces systèmes sont souvent réutilisées pour améliorer les modèles, posant des risques pour la confidentialité, notamment pour les entreprises. Des solutions comme des serveurs locaux ou des IA open source existent, et la réglementation, comme l’AI Act adopté par l’Union européenne fin 2023, vise à mieux encadrer ces technologies en respectant le RGPD.
3. L’IA générative et le marché du travail
L’IA générative peut-elle remplacer certaines tâches humaines ?
– VRAI
L’IA générative est un outil précieux pour automatiser des tâches comme la rédaction, la programmation ou la planification. Cependant, ses productions nécessitent souvent une vérification humaine pour garantir leur exactitude ou y ajouter une touche personnelle. Elle permet ainsi de gagner du temps et d’augmenter la productivité, mais certains métiers à faible valeur ajoutée pourraient être affectés, comme cela a été le cas avec d’autres avancées technologiques par le passé.
L’IA générative va-t-elle causer un chômage de masse ?
– FAUX
L’impact de l’IA générative sur l’emploi doit être nuancé. Comme d’autres outils technologiques, elle ne devrait pas remplacer totalement les travailleurs, mais plutôt transformer leurs tâches. De nouveaux métiers émergent, comme le prompt engineering, qui optimise les interactions avec l’IA. Selon l’Organisation internationale du Travail (OIT), l’IA générative est plus susceptible d’augmenter les emplois en automatisant des tâches spécifiques plutôt que de les éliminer.
Quel avenir pour l’IA générative ?
– INCERTAIN
Prédire l’évolution de l’IA générative reste complexe. Des innovations comme le retrieval-augmented generation (RAG), qui combine IA générative et recherche d’information, visent à améliorer la pertinence des résultats. Par ailleurs, l’empreinte écologique de ces technologies, liée à leur forte consommation de ressources, pousse vers le développement d’une IA frugale, moins gourmande en énergie et en données.
Pour débuter ce travail j’ai souhaité présenter un extrait d’un poème qui m’a interpelé par sa clarté, sa lumière profonde et vivace dans notre conscience d’Initié. En effet, le poème de Victor Hugo « La conscience » nous fait pénétrer dans l’œil du divin.
Alors il dit: « je veux habiter sous la terre Comme dans son sépulcre un homme solitaire ; Rien ne me verra plus, je ne verrai plus rien. » On fit donc une fosse, et Caïn dit « C’est bien ! » Puis il descendit seul sous cette voûte sombre. Quand il se fut assis sur sa chaise dans l’ombre Et qu’on eut sur son front fermé le souterrain, L’œil était dans la tombe et regardait Caïn.
Cabinet de réflexion maçonnique
Mes frères, Mes Soeurs, il ne s’agit pas de retourner dans le cabinet de réflexion, mais bien de se retrouver au plus prés de la lumière avec le delta lumineux qui illumine sans faille la loge, nos travaux de midi à minuit dès que le couvreur a refermé les portes du temple. Je ne souhaite pas tel Icare que nous nous brulions les ailes. Je vais donc essayer de vous faire partager mes nombreuses interrogations, mes réflexions sur ce symbole aussi énigmatique que passionnant.
Dans un premier temps, je vais vous décrire ma rencontre avec le delta lumineux puis celui-ci nous soufflera de sa substantifique saveur symbolique. Depuis mon entrée en loge, je ne vois que le delta lumineux. Rassurez-vous, loin de moi l’idée d’être aveuglé, je vais tempérer mes propos. En effet, dès lors que nos yeux se tournent vers la lumière, nos regards se posent sur le delta lumineux. J’ai donc trouvé très attirant ce sujet. Passé les moments d’extase et d’euphorie vient le moment de rentrer dans le vif du sujet.
A ce titre, je vais vous livrer une digression qui s’est vite imposée à moi. Quelle est la représentation exacte du delta lumineux ? Existe-t-il une forme parfaite ? Une forme « légale » ? Un guide de tracer afin de pouvoir retrouver le sens symbolique le plus vrai. Si nous sommes à la recherche de la parole perdue, nous devons bien avoir quelque part des informations sur l’iconographie, le design.
Le mot est dit, le design. Quel mot étrange pour parler d’un symbole aussi fort que le delta lumineux. Mais je suis obligé de me rendre à l’évidence des dérives artificielles crées par des illustrateurs. Est-ce que la nécessité du Beau doit prévaloir sur le Signe ? Est ce que l’Esthétisme et la Vérité peuvent côtoyer le symbolisme sans en dénaturer le sens ? Est-ce que la vie Profane ne s’immisce pas trop dans la représentation symbolique de notre rite ?
Est-ce que nous voulons un rite à la mode ?
Les plus sages d’entre vous rappellerons avec bienveillance que nous sommes une loge initiatique et que nous travaillons sur les symboles. Qu’importe si le pavé mosaïque de notre temple n’est pas un carré long, qu’importe si les grenades ont été mangées…
Je suis comme Caïn, je vois l’œil tel le miroir dans la lumière.
J’ai relu la légende d’Hiram et il y est décrit comme ceci : « On le reconnaissait à sa haute stature, à ses larges épaules, à sa longue barbe ondulée et à ses yeux d’un bleu perçant sous un front couronné de cheveux bruns et bouclés. Sous la tunique de lin blanc, serrée à la taille par une corde de chanvre, il portait, à même la peau, une chaine d’or autour du cou. Il tenait ce bijou de son père. Au bout de la chaine pendait une lourde plaque de métal précieux, et de forme triangulaire. Sur son avers était gravé l’œil de « Celui » qui voit tout et sur son revers, contre le cœur d’Hiram, les quatre lettres du Nom que l’on ne peut prononcer et qui peut seulement épeler : IOD, E, VAU, E. »
Ce tétragramme est le nom divin dont la prononciation était réservée aux grands prêtres, chez les hébreux, une seule fois par an.
Le delta lumineux appelé également delta rayonnant, lumineux ou radieux est constitué d’un triangle pointe en haut, d’un œil sans paupière en son centre, plusieurs rayons s’en dégagent. Il est l’une des représentations symboliques parmi les plus visibles du temple maçonnique puisque situé à l’orient, au dessus de la place du Vénérable, entre la lune et le soleil. Par cette position, le Delta domine physiquement les travaux. Delta est le nom de la 4éme lettre grecque qui en majuscule, est représentée par un triangle.
Je vais commencer par vous parler du triangle :
Issu du patrimoine de Pythagore comme d’autres symboles que nous utilisons, le delta lumineux se rattache à la tradition primordiale et son histoire est celle du triangle lui-même.
C’est le symbole de la stabilité, c’est le profil des pyramides égyptiennes, mais aussi celui des toitures de tout âge. Il existe plusieurs formes de triangles, selon l’abbé Aubert : « d’après Plutarque, Xénocrate comparait la divinité à un triangle équilatéral : c’était la faire avec raison parfaitement égale en toutes ses perfections, tandis que les génies ne ressemblaient qu’au triangle isocèle, qui n’a que deux de ses côtés égaux, et par conséquent par manque de quelque perfection. Enfin, les hommes étaient symbolisés par le triangle scalène, dont tous les cotés sont inégaux : c’était l’idée la plus exacte possible de toute les inégalités de notre nature. »
Le triangle équilatéral représente souvent la trinité divine. On traduit souvent les trois cotés du Triangle par la formule : Bien penser, bien dire, bien faire. Jules Boucher nous donne également des pistes de recherche sur la représentation idéale du delta. Il trouve le triangle équilatéral instable malgré toutes ses perfections. Il y préfère un triangle isocèle dont l’angle au sommet est de 108° et deux angles de base de 36° chacun, comme le fronton d’un temple. Ce triangle présente alors les rapports du nombre d’or. Trois positions de ce triangle permettent de tracer le pentagramme qui était également dénommé triple triangle recroisé.
Abordons-le côté symbolique des chiffres. Nous savons que 180° est la somme des 3 angles d’un triangle. 108 est le nombre de l’Homme, 72 le nombre de la terre et 36 le nombre du ciel. Puisque 72 + 36 font 108, il y a là corrélation entre la Terre, le Ciel et l’Homme.
Si nous traçons un cercle autour du triangle équilatéral et un autre dans le triangle lui-même, il s’avère que le point central est identique. Si nous symbolisons le grand cercle par le Collectif et le petit cercle par l’Individuel cela nous fait penser au rapport entre le macrocosme et le microcosme. Un élément pour nous rappeler l’Unité mais aussi que l’Homme est infiniment petit par rapport à l’Univers.
Triangle maçonnique avec son oeil
Le triangle, dont la pointe est orientée vers le haut symbolise la masculinité et le feu, la pointe vers le bas la féminité et l’eau. De la composition de ces 2 triangles, résulte une étoile à 6 branches qui est le symbole très ancien du Sceau de Salomon. Elle est également l’emblème de l’Etoile de David dans la religion juive.
Je vous propose maintenant de nous concentrer sur les trois points du Delta lumineux formant chaque angle. Les trois points disposés en triangle équilatéral, dont un sommet est dirigé vers le haut, sont souvent employés pour abréger les mots « Franc-maçonnerie » ou « Frère», ce qui a valu aux Francs Maçons d’être appelés « les frères Trois points. »
Les rayons qui en émanent sont le témoignage de la transmutation et du résultat du
« VITRIOL, Visite l’intérieur de la terre, et en rectifiant tu trouveras la pierre cachée ».
Ces rayons montrent que ce symbole est actif et autonome. En effet, que ce soit le Maillet, le Ciseau, l’Equerre, ou le Compas une action de l’Homme est nécessaire afin de les employer. Il rayonne de manière autonome et prodigue à qui veux bien le reconnaitre ses vertus, sa direction, son chemin. Nous sommes aux premières loges du combat perpétuel : Que ces ténèbres se changent en lumière, et, comme le dit le poète grec Sophocle, « que le jour sorte de la nuit ainsi qu’une victoire ». Enfin, le triangle nous laisse découvrir en son centre un Œil. Cet œil qualifié de divin, omniscient semble tout embrasser dans son champ de vision.
Pierre-Simon de Laplace formula la question de l’omniscience en ces termes :« Une intelligence qui à un instant déterminé devrait connaitre toutes les forces qui mettent en mouvement la nature, et toutes les positions de tous les objets dont la nature est composée, si cette intelligence fut en outre suffisamment ample pour soumettre ces données à analyse, celle-ci renfermerait dans une unique formule les mouvements des corps plus grands de l’univers et des atomes les plus petits ; pour une telle intelligence nul ne serait incertain et le propre futur comme le passé serait évident à ses yeux »
Cet œil est également appelé « œil d’Horus » ou L’œil Oudjat (oudjat voulant dire intact). Il symbolise la vision, la fécondité, l’intégrité physique, la pleine lune, la bonne santé. Sur les tombes, il permet au défunt de voir le monde des vivants. L’œil Oudjat est peint aussi sur les proues des bateaux, leur permettant de « voir » et de tenir leur cap.
Tout est dans l’œil d’Horus. Le combat incessant du Bien et du Mal, le mystère de la Vie et de la Mort, la quête de la Lumière et de la Connaissance, le pouvoir de Justice et le triomphe de la Vérité. Dans l’œil est le feu du Soleil, le Verbe divin
L’œil d’Horus, comme tant de symboles fondamentaux, trouve sa naissance dans un mythe qui se veut une explication fondamentale de l’Univers. Osiris, le dieu bon, l’homme-dieu cosmique, pivot de cet Univers, a été assassiné par son frère Seth qui est le dieu traître, le dieu mauvais, l’ange déchu. Isis, la sœur-épouse, rassemble les morceaux épars d’Osiris et le ressuscite. Et de leur union naît Horus. Horus, vengeur de son père, combat contre Seth et l’émascule, mais dans le combat il perd un œil.
Osiris
Osiris reste ainsi, à travers cette légende, le dieu momifié, éternellement mort-vivant et qui aide chacun des hommes à franchir le passage, à réussir sa mort dans la vie retrouvée. Osiris préside aux métamorphoses. Il est l’Etre primordial, le maître de l’éternité, le roi des dieux.
Dans nos travaux, il semble plus observer que juger, il sonde la conscience de chacun d’entre nous. Il incite l’individu à découvrir son propre mystère pour le fondre à celui de la Nature, à chercher les réponses à ses questions depuis la nuit des temps. Il nous invite à l’éveil, à l’ouverture et à la vigilance.
Temple en soi, ce regard énigmatique symbolise l’effort vers la connaissance. Il symbolise également la vigilance et la clairvoyance qui permettent de discerner la réalité de l’illusion. Son articulation ternaire induit « force, sagesse, beauté » et le témoignage de l’égrégore de nos tenues.
L’ensemble des symboles vu de manière indépendante ne doit nous faire perdre de vu la cohérence du Delta Lumineux.
Il nous invite à nous unifier, à réunir ce qui en nous est épars « Ordo ab chao » afin de nous accomplir dans une plénitude certaine.
« Qu’adviendrait-il si, un jour, le sens du beau et celui du bien se fondaient en un concert harmonieux. Qu’arriverait-il si cette synthèse devenait un merveilleux instrument de travail, une nouvelle algèbre, une chimie spirituelle qui permettrait de combiner, par exemple, des lois astronomiques avec une phrase de Bach et un verset de la Bible, pour en déduire de nouvelles notions qui servirait à leur tour de tremplin à d’autres opérations de l’esprit ? » Hermann Hesse – Le jeu des perles de verre
Le Delta Lumineux, une porte de communication, un symbole qui nous guide, un décor que j’ai vu à mon premier regard en loge lors de mon initiation. Il nous aide à construire notre temple intérieur, à tailler notre pierre brute. Il nous rappelle que nous devons transmettre au dehors ce que nous avons reçu au-dedans.
Le delta flamboyant représente la Trinité de la Connaissance, la figuration du Grand Œuvre par la régénération cosmique perpétuelle et son principe de Création. Il souffle et veille à la construction de notre idéal.
Bibliographie
La symbolique du grade d’apprenti – R. Bertaux
La franc maçonnerie Histoire et Initiation – Christian Jacq
L’édifice – www.l’edifice.net
Points de Vue Initiatiques
La symbolique maçonnique – Jules Boucher
La franc maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes – Oswald Wirth
L’article explore la tension entre l’identité juive de Jésus, de ses premiers disciples et l’ouverture ultérieure du christianisme aux non-Juifs (païens ou Gentils), un phénomène qui marque une transformation majeure dans l’histoire du christianisme primitif. Jésus, sa famille et ses disciples sont profondément enracinés dans le judaïsme, et ses enseignements, tels que rapportés dans les Évangiles, semblent initialement limiter sa mission au peuple d’Israël. Cependant, après sa mort, ses partisans, notamment sous l’impulsion de figures comme Paul, s’ouvrent aux païens, jetant les bases d’un christianisme universel.
Jésus, un Juif centré sur Israël
Jésus est juif, sa famille est juive, ses disciples sont juifs, et il semble n’avoir eu d’autres horizons que le judaïsme. Les Évangiles prêtent à Jésus des paroles catégoriques d’hostilité aux païens (Gentils, non-Juifs). Or, après sa mort, ses partisans vont d’abord timidement, puis de façon délibérée, s’ouvrir aux non-Juifs et porter le message au-delà du peuple d’Israël.
Les chercheurs travaillant sur les strates rédactionnelles des Évangiles notent que les phrases embarrassantes – comme celles limitant la mission à Israël – sont souvent traces d’une tradition authentique. Par exemple, des expressions comme “Ne prenez pas le chemin des païens” ou “Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël” pourraient être plus tardives, peut-être après la chute du Temple en 70, pour expliquer l’échec de la mission auprès des Juifs et justifier l’ouverture aux païens.
La biographie de Jésus montre un homme de Galilée, voyageant de Galilée à Jérusalem, sans occasion de croiser des Gentils. On ignore comment il aurait réagi. Dans Matthieu, deux paroles étonnantes : à la fin de l’Évangile (28:19), “Allez, faites de toutes les nations des disciples” (mission universelle) ; mais lors de l’envoi des Douze en mission (10:5-6), “Ne prenez pas le chemin des païens, n’entrez pas dans une ville de Samaritains, allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d’Israël.” Au chapitre 15 (parallèle en Marc), une femme cananéenne suit Jésus ; elle insiste, les disciples demandent de la renvoyer ; Jésus répond : “Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël.” Il y a un coude manifeste dans Matthieu : interdiction formelle d’évangéliser les païens au chapitre 10, mission universelle à la fin.
Pour Matthieu, Jésus est venu pour les Juifs ; les missionnaires ne doivent pas évangéliser les païens. Après la résurrection, cela change : mission devient universelle. Matthieu en dira : on est allé chez les païens parce que cela a raté avec les Juifs.
La véritable question : comment des gens d’origine juive, par formation et manière d’être persuadés de l’importance de la communauté juive, ont-ils pu s’ouvrir aux autres ? La réponse est simple : dans le judaïsme ancien, dès le VIe siècle avant notre ère (début de l’exil des Juifs dans la diaspora, environ 600 ans avant la période discutée), deux phénomènes marquent la vie des Juifs en diaspora. Deux faces de la même médaille : d’un côté, la haine pour les Juifs (antisémitisme, terme créé par un Allemand il y a 123 ans, mais phénomène ancien) ; de l’autre, l’admiration totale pour les Juifs, le judaïsme, la Torah, le mode de vie juif, culminant dans un grand mouvement de judaïsation et de prosélytes.
Cela se voit dans les derniers livres de la Bible hébraïque : prophéties d’Isaïe (anonyme, chapitres 40-66), dernier prophète Malachie, Livre d’Esther. Page merveilleuse d’Isaïe (60) : “Lève-toi, Jérusalem, et voici que vers toi toutes les nations.” À la fin des temps, les nations montent vers Jérusalem, rejoignant Israël. Il y a ainsi deux courants dans le judaïsme palestinien : avec ceux refusant de s’occuper des autres, se concentrant sur les brebis d’Israël ; et avec ceux comme le grand Isaïe (venant de Babylone, extérieur), disant qu’il faut faire rentrer les autres, convoquer les nations à Jérusalem sous la mouvance du Dieu unique.
Les livres des prophètes envisagent la place des non-Juifs ; dans le Nouveau Testament, Paul semble faire de la mission aux païens une question nouvelle et vitale. La question des Gentils apparaît : qu’arrive-t-il aux Gentils ? Vont-ils rejoindre sur la montagne de Dieu et recevoir la Torah ? Au moment eschatologique (fin des temps), il faut décider de leur sort. Ce n’est pas créé par Paul, mais résulte d’un mélange d’éléments particuliers de sa biographie et des circonstances.Jésus, né en Galilée, est un Juif dont l’horizon semble exclusivement tourné vers le peuple d’Israël. Les Évangiles, notamment celui de Matthieu, prêtent à Jésus des paroles qui restreignent explicitement sa mission aux Juifs. Par exemple, dans Matthieu 10:5-6, Jésus envoie ses douze disciples en mission avec cette instruction claire : « Ne prenez pas le chemin des païens, n’entrez pas dans une ville de Samaritains, mais allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d’Israël. » Cette directive, inscrite dans un contexte de mission précoce, reflète une focalisation sur la restauration spirituelle d’Israël.
Un autre épisode significatif, rapporté dans Matthieu 15:21-28 (avec un parallèle dans Marc 7:24-30), illustre cette exclusivité. Une femme cananéenne, une païenne, implore Jésus de guérir sa fille. Les disciples, agacés par son insistance, demandent à Jésus de la renvoyer. Jésus répond : « Je n’ai été envoyé que pour les brebis perdues de la maison d’Israël » (Matthieu 15:24). Bien qu’il finisse par exaucer la demande de la femme en raison de sa foi, cet épisode renforce l’idée que la mission de Jésus est d’abord orientée vers les Juifs.
Ces paroles restrictives, souvent perçues comme « embarrassantes » pour un christianisme ultérieurement universaliste, sont probablement authentiques. Selon le texte, les déclarations limitant la mission aux Juifs reflètent une tradition ancienne, antérieure à l’ouverture aux païens. Cette focalisation sur Israël pourrait être postérieure à la chute du Temple en 70, mais elle correspond à la réalité historique de Jésus, qui, en tant que Galiléen, n’aurait eu que peu d’occasions d’interagir avec des non-Juifs, vivant dans un contexte géographique et culturel juif.
L’Évangile de Matthieu présente un contraste frappant. À la fin de l’Évangile, après la résurrection, Jésus donne la « grande commission » : « Allez, faites de toutes les nations des disciples » (Matthieu 28:19). Ce virage, qualifié de « coude manifeste » dans le texte, suggère une évolution dans la compréhension de la mission chrétienne. Pour Matthieu, l’ouverture aux païens semble être une conséquence de l’échec relatif de la mission auprès des Juifs. Cette idée reflète une théologie selon laquelle Jésus est venu d’abord pour les Juifs, mais, face à leur rejet, la mission s’élargit aux nations.
L’ouverture aux païens : une rupture avec le judaïsme ?
Après la mort de Jésus, ses partisans vont timidement, puis délibérément, aller vers les païens et s’ouvrir aux non-Juifs. Jacques et Pierre ne se contentent pas de prêcher uniquement parmi les Juifs. Si l’auteur des Actes prétend que tout a été fait pour aller vers les Juifs, Paul, comme dans bien des cas, interprète théologiquement le phénomène, proposant un scénario intégrant la mission aux païens dans le plan de Dieu avant la fin. Comment des disciples juifs, profondément ancrés dans leur identité et leur tradition, ont-ils pu s’ouvrir aux païens ? Cette ouverture, d’abord timide, devient délibérée après la mort de Jésus et sera portée par des figures comme Pierre, Jacques et surtout Paul.
Un passage révélateur dans sa lettre aux Romains (chap.1), Paul en fin de carrière missionnaire écrit que Dieu lui a donné la grâce d’être “officiant de Jésus-Christ en direction des nations”, se consacrant à l’Évangile pour que l’offrande des païens devienne agréable, sanctifiée dans l’Esprit Saint : « selon l’Esprit de sainteté, a été établi dans sa puissance de Fils de Dieu par sa résurrection d’entre les morts, lui, Jésus Christ, notre Seigneur. Pour que son nom soit reconnu, nous avons reçu par lui grâce et mission d’Apôtre, afin d’amener à l’obéissance de la foi toutes les nations païennes ».
Le judaïsme de la diaspora, dès le VIe siècle avant notre ère, est marqué par deux phénomènes opposés, décrits comme « les deux faces de la même médaille » : – La haine envers les Juifs : Bien que le terme « antisémitisme » soit anachronique, les Juifs de la diaspora ont souvent été confrontés à l’hostilité des populations locales. – L’admiration pour le judaïsme : Parallèlement, le judaïsme attire de nombreux païens par son monothéisme, sa Torah, son éthique rigoureuse et son ancienneté. Ce mouvement de « judaïsation » se manifeste par l’émergence de prosélytes (païens pleinement convertis au judaïsme, y compris par la circoncision pour les hommes) et de « craignants-Dieu », des païens attirés par le judaïsme sans s’y convertir totalement.
Les prophéties bibliques, notamment dans Isaïe, Malachie ou le Livre d’Esther, anticipent une ouverture aux nations. Par exemple, Isaïe 60:1-3 imagine les nations affluant vers Jérusalem pour se placer sous la mouvance du Dieu d’Israël. Cette vision universaliste coexiste avec une tendance plus exclusiviste, qui limite la mission aux « brebis d’Israël ». Ces deux courants au sein du judaïsme préparent le terrain pour l’ouverture chrétienne aux païens.
Dans les synagogues de la diaspora, Paul rencontre trois groupes distincts :
Les Juifs de naissance, attachés à la Torah et à l’identité juive.
Les prosélytes, des païens ayant adopté le judaïsme, souvent circoncis pour les hommes.
Les craignants-Dieu, un groupe plus fluide, fasciné par le judaïsme sans s’y convertir pleinement. Ces derniers, sensibles à l’éthique et à l’histoire d’Israël, constituent un public réceptif à l’annonce chrétienne, surtout lorsque celle-ci, dans sa version paulinienne, dispense de la circoncision.
Environ 10 % de la population de l’Empire romain (soit 6 à 6,5 millions de personnes sur 60 millions) était juive vers l’an 50, un pourcentage significatif qui reflète l’attraction du judaïsme. Cette ouverture relative, bien que freinée par des exigences comme la circoncision, facilite l’annonce de l’Évangile aux païens.
Le concile de Jérusalem : une décision cruciale
Vers 48 ou 49, une réunion décisive, souvent appelée l’« assemblée de Jérusalem » (à ne pas confondre avec un concile institutionnel), réunit les leaders chrétiens pour trancher une question cruciale : les païens convertis au christianisme doivent-ils se faire circoncire et adopter la Loi mosaïque pour être sauvés ? Cette question, rapportée dans Actes 15 et Galates 2, oppose deux visions : – Une position traditionnaliste, défendue par certains judéo-chrétiens, exige que les païens deviennent prosélytes juifs, c’est-à-dire qu’ils se fassent circoncire et suivent la Torah. – Une position ouverte, portée par Paul et Barnabé, considère la circoncision et l’observance de la Loi comme non indispensables pour le salut des païens.
Les deux sources, bien que divergentes sur certains détails, convergent sur l’essentiel : les païens n’ont pas à devenir juifs pour être chrétiens.
Dans Actes 15, Jacques, le frère de Jésus, joue un rôle central. Il cite Amos 9:11-12 pour justifier l’inclusion des païens : « En ce temps-là, je relèverai de sa chute la maison de David, J’en réparerai les brèches, j’en redresserai les ruines, Et je la rebâtirai comme elle était autrefois Afin qu’ils possèdent le reste d’Édom et toutes les nations… » Dans ce chapitre 15 des Actes, Jacques fixe conditions admission païens : « Frères, écoutez-moi. Siméon (Pierre) a exposé comment dès le début Dieu a pris soin de tirer d’entre les païens un peuple réservé à son nom. Cela concerne avec les paroles du prophète [Amos]».
Pour Jacques, le christianisme n’est pas troisième entité entre judaïsme et monde païen, mais un mouvement de réforme intérieur au judaïsme qui prépare la fin des temps en intégrant les nations.
Dans Galates 2, Paul raconte sa participation à cette réunion, où il expose « l’Évangile qu’il prêche parmi les païens » (Galates 2:2). Il insiste sur le fait que les leaders de Jérusalem (Jacques, Pierre et Jean) ne l’ont pas contredit et n’ont pas exigé la circoncision de Tite, son compagnon grec (Galates 2:3). Paul présente cette décision comme une victoire pour sa vision : la foi en Christ suffit pour le salut, sans passer par la Loi.
La solution adoptée, connue comme le « décret apostolique » (Actes 15:20, 29), impose aux païens un minimum éthique inspiré des lois noachiques, des commandements donnés à Noé avant la Loi mosaïque et la circoncision (établir des lois et interdire de maudire Dieu, l’idolâtrie, la sexualité illicite, l’effusion de sang, le vol et de manger de la chair d’un animal vivant). Ces interdits retenus incluent les souillures des idoles, les unions illégitimes, la viande non saignée et le sang.
Ces règles, considérées comme une version simplifiée de la Loi juive, permettent une coexistence entre judéo-chrétiens et pagano-chrétiens. Elles représentent un compromis : les païens ne sont pas tenus d’adopter la Torah dans son intégralité, mais ils doivent respecter un minimum éthique pour intégrer la communauté.
Les tensions communautaires : l’incident d’Antioche
La question de la coexistence entre judéo-chrétiens et pagano-chrétiens atteint son paroxysme lors de l’« incident d’Antioche » (Galates 2:11-14). À Antioche, une ville abritant une forte communauté juive, la communauté chrétienne est confrontée à un problème pratique : le partage du repas eucharistique. Les judéo-chrétiens, respectueux des lois alimentaires de la Torah, refusent de manger avec les païens, qui ne suivent pas ces prescriptions. Cette division menace l’unité de la communauté.
Paul reproche à Pierre, qui initialement partageait les repas avec les païens, de s’être retiré sous la pression de représentants de Jacques, adeptes d’une observance stricte. Paul qualifie cette attitude d’« hypocrisie » et s’oppose fermement à toute séparation des communautés à table. Pour lui, imposer la Torah aux païens crée une fracture inacceptable, car la foi en Christ doit transcender les distinctions ethniques et rituelles. Paul identifie la Torah comme un élément de division. Si les judéo-chrétiens continuent à observer la Loi, il n’y a aucune raison d’exiger des païens qu’ils abandonnent leurs pratiques pour adopter la Loi mosaïque. Dans Galates 2:16, Paul affirme : « L’homme est justifié par la foi en Jésus-Christ et non par les œuvres de la Loi. » Cette théologie de la justification par la foi devient le cœur de son message, distinguant son approche de celle des judéo-chrétiens traditionnalistes.
Paul et la mission aux païens : une vision révolutionnaire
Paul développe une vision radicalement nouvelle : la mort et la résurrection de Jésus constituent le seul chemin de salut, rendant la Torah superflue pour les païens. Dans Romains 15:16, il décrit sa mission comme une offrande cultuelle : « La grâce m’a été donnée par Dieu afin que je sois officiant de Jésus-Christ en direction des nations, me consacrant à l’Évangile de Dieu afin que l’offrande des païens devienne agréable, sanctifiée dans l’Esprit Saint. » Cette image cultuelle positionne les païens comme une offrande à Dieu, intégrés dans le plan divin sans passer par la circoncision.
Paul ne rejette pas la Torah pour les Juifs – il continue lui-même à respecter certains rites juifs, comme le montrent les Actes – mais il s’oppose à son imposition aux païens comme condition de salut. Cette position, qualifiée de « circoncision du cœur » (Romains 2:28, 29), met l’accent sur une transformation intérieure par la foi, plutôt que sur des pratiques rituelles : « 28 Ce n’est pas ce qui est visible qui fait le Juif, ce n’est pas la marque visible dans la chair qui fait la circoncision ; 29 mais c’est ce qui est caché qui fait le Juif : sa circoncision est celle du cœur, selon l’Esprit et non selon la lettre, et sa louange ne vient pas des hommes, mais de Dieu ».
Contrairement à une idée répandue, Paul ne commence pas sa mission auprès des païens isolément. Comme le montrent les Actes, il se rend d’abord dans les synagogues, où il rencontre des Juifs, des prosélytes et des craignants-Dieu. Ce n’est qu’en cas de rejet par les autorités juives qu’il « secoue la poussière de ses chaussures » (Actes 13:51) et se tourne vers les païens. Cette stratégie reflète la continuité entre sa mission et le judaïsme, tout en exploitant la réceptivité des craignants-Dieu, sensibles à un message qui dispense de la circoncision.
Dans Galates 2:7-8, Paul établit une symétrie entre sa mission et celle de Pierre : « L’évangélisation des incirconcis m’a été confiée, comme celle des circoncis l’a été à Pierre. » Cette polarité – Pierre pour les Juifs, Paul pour les païens – vise à légitimer sa mission tout en reconnaissant l’autorité de Pierre. Cependant, Paul insiste sur son indépendance, affirmant que sa vocation vient directement de Dieu, et non de Pierre ou des apôtres (Galates 1:1).
Les Actes des Apôtres : une reconstruction orientée
Les Actes des Apôtres de Luc, rédigés vers 80-90, présentent une vision harmonisée du christianisme primitif, minimisant les conflits entre Paul et les apôtres de Jérusalem. Pierre y joue un rôle de pionnier, notamment dans l’épisode de la conversion de Corneille, un centurion païen (Actes 10), qui marque la première intégration d’un non-Juif dans l’Alliance. Paul, quant à lui, est dépeint comme l’instrument qui met en œuvre cette ouverture, mais sous l’égide de Pierre.
Cette construction narrative, qualifiée de « judicieusement et artistement construite », vise à montrer une continuité entre Jésus, Pierre et Paul. Pierre assure le lien avec le Jésus historique, tandis que Paul étend la mission aux païens. Les Actes minimisent les divergences théologiques, présentant Pierre et Paul comme des « frères jumeaux » avec des rôles complémentaires.
L’auteur des Actes, traditionnellement identifié comme Luc, semble utiliser Pierre pour légitimer la mission de Paul. En attribuant à Pierre le rôle d’initiateur de la mission aux païens, Luc cherche à montrer que Paul n’a pas innové, mais a prolongé une dynamique déjà amorcée. Cette reconstruction, cependant, entre en tension avec le récit de Paul dans Galates, où il revendique une mission indépendante, sans dépendance vis-à-vis de Pierre.
Les tensions avec le judaïsme : une rupture inévitable ?
L’incident d’Antioche révèle les limites de l’accord de Jérusalem. Paul reproche à Pierre et aux représentants de Jacques d’imposer des distinctions qui divisent la communauté. Cette confrontation, qualifiée d’« engueulade » dans le texte, marque un point de rupture. Paul, fidèle à sa vision de la foi comme seul critère d’unité, s’oppose à toute tentative de réintroduire la Torah comme condition de salut.
Cette position marginalise Paul au sein du christianisme primitif, surtout parmi les judéo-chrétiens. Les Actes tentent de masquer cette rupture en suggérant un arrangement à l’amiable, avec une répartition des champs missionnaires : Pierre pour les Juifs, Paul pour les païens. Cependant, Galates révèle une réalité plus conflictuelle, où Paul est accusé d’encourager les Juifs à abandonner la circoncision, une accusation qu’il réfute.
L’intégration croissante des païens semble comme la cause principale de la séparation entre judaïsme et christianisme. À mesure que les non-Juifs deviennent majoritaires dans les communautés chrétiennes, celles-ci s’éloignent des pratiques juives, un phénomène qualifié de « déjudaïsation ». Les différences dans les pratiques – comme les lois alimentaires, le respect du shabbat ou la circoncision – rendent la coexistence difficile. Contrairement aux divergences théologiques, comme la croyance en la résurrection de Jésus, ces questions pratiques (repas, mariages, observance de la Loi) créent un schisme inévitable.
Un passage troublant de laPremière Épître aux Thessaloniciensest à remarquer (datée de 50-51, considérée comme le texte le plus ancien du Nouveau Testament), où Paul exprime une critique virulente contre les Juifs (1 Thessaloniciens 2:14-16). Ces versets, accusant les Juifs d’avoir tué Jésus et de s’opposer à la mission, semblent anticiper la rupture consommée entre judaïsme et christianisme un siècle plus tard. Cette rhétorique reflète les tensions croissantes entre les communautés chrétiennes et juives, exacerbées par l’ouverture aux païens. Le texte met en lumière la transition du christianisme d’un mouvement juif centré sur Israël à une religion universelle englobant les païens. Jésus, ancré dans le judaïsme, limite initialement sa mission aux Juifs, mais les prophéties universalistes du judaïsme et l’attraction du judaïsme dans la diaspora préparent le terrain pour une ouverture aux non-Juifs. Le concile de Jérusalem, en dispensant les païens de la circoncision, marque un tournant décisif, porté par Paul, dont la théologie de la justification par la foi redéfinit l’identité chrétienne.
Cependant, cette ouverture crée des tensions, notamment lors de l’incident d’Antioche, où Paul s’oppose à Pierre et Jacques sur la question de la Loi. Les Actes des Apôtres tentent d’harmoniser ces conflits, présentant Pierre et Paul comme complémentaires, mais Galates révèle un Paul indépendant, parfois en conflit avec les apôtres de Jérusalem.
L’intégration des païens, facilitée par la réceptivité des craignants-Dieu et l’abandon des exigences de la Torah, conduit à la « déjudaïsation » du christianisme, posant les bases de sa séparation d’avec le judaïsme.
Paul, bien qu’il ne soit pas l’initiateur de cette dynamique, y contribue de manière décisive, façonnant un christianisme universel qui marque l’histoire religieuse de l’Occident.
C’est une situation qu nous avons rencontrée assez souvent dans notre vie en dehors d’ailleurs des classiques signes et autres artifices de reconnaissances que nous usons parfois pour entrer en contact. A ce propos, je répondais à une époque à de vieux amis non maçons qui connaissaient mon appartenance et qui avaient coutume de me taquiner sur la question.
Mais comment fais tu pour savoir qu’il est Franc-maçon ? Et je répondais: -Tu sais ça ne s’explique pas, c’est en nous.
Un frère qui lui était magicien de profession subissait les memes prérogatives, on lui demandait toujours s’il pouvait expliquer son tour. En général il disait: ok. – Mais sais tu garder un secret? – Oui répondait l’autre. Et il clôturait la discussion en disant: – Moi aussi. Il avait reprit cette boutade pour les demandes à propos de la franc-maçonnerie et ses réponses suscitaient toujours le même succès qui laissait dans la frustration les demandeurs sympathiques.
« la vie maçonnique se prolonge dans le monde profane nous le répétons sans cesse à chaque tenue. »
Donc dans la vie de tous les jours, rencontrer des sœurs ou des frères et une suite logique guidée par le hasard, ça coule de source. Ces rencontres fortuites sont comme un évènement. On est du même village, de la même region et surtout de la même famille. On découvre son frère sa soeur,
« Nous ne sommes pas en tenue mais tout de mÊme dans la fraternitÉ »
et en général, l’ambiance est conviviale, dans l’esprit maçonnique et pour peu que nous nous soyons rencontrés durant les vacances, c’est encore plus festif car loin des soucis quotidiens.
Au risque de passer pour un rabat joie, je dois dire que je suis toujours prudent avec la famille. J’en ai fait l’expérience toute la vie car issu de différentes familles un peu éparpillées et venant de différentes cultures. C’est un terreau certes enrichissant, mais qui laisse place parfois à une certaine amertume du fait de l’éloignement qui ne facilite pas les relations fréquentes et durables nécessaires pour la construction d’une forte fraternité
J’ai aussi un peu trop tendance à associer ce type de rapport familial à notre mode de fonctionnement « familial maçonnique ». C’est sans doute une erreur, il faut laisser venir les choses comme on dit.
« Quand nous découvrons de nouveaux membres de notre famille »
« cela ne veut pas dire que le courant va passer forcément. »
Comme avec Le Grand René d’ailleurs dans la video ci-dessous:
Il est des monuments que l’on croit connaître et qui demeurent muets tant que l’on ne les aborde pas avec le regard initiatique. La Grande Arche de la Défense, inaugurée en 1989, en est un exemple. Beaucoup ne la voient que comme un colossal immeuble de bureaux, planté dans la modernité glaciale du quartier d’affaires. Mais pour nous, initiés, elle est un livre de pierre et de verre.
Déclaration des droits de l’Homme
Élevée pour célébrer le bicentenaire de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, elle fut dès son origine placée sous le signe de la Fraternité. Son nom initial était d’ailleurs « la Grande Arche de la Fraternité ». Ce n’est pas un détail. Car dans l’axe royal de Paris, où triomphe l’Arc de l’Étoile célébrant les victoires militaires, l’Arche se dresse comme son miroir spirituel : non pas un monument aux armes, mais un monument à l’Homme. Non pas la gloire des conquêtes, mais la proclamation de l’universalité.
Johan Otto von Spreckelsen – source maisonstemoin.fr
Le cube et la pierre parfaite
L’architecte danois Johan Otto von Spreckelsen conçut l’Arche comme un cube. Or le cube, dans notre symbolisme, est la pierre parfaite, celle que le Maître Maçon tend à devenir. Ici pourtant, ce cube est évidé. Il ne contient pas, il s’ouvre. Il ne s’enferme pas dans sa masse, il ménage un vide central. Cette béance devient le véritable sanctuaire : un Saint des Saints moderne, un athanor invisible où circule l’air et où descend la lumière.
L’Arche nous enseigne ainsi une leçon alchimique : la perfection n’est pas dans le plein mais dans le vide. Le cube n’est accompli que lorsqu’il s’ouvre à l’infini.
Le vide comme lieu sacré
Le creux monumental de l’Arche pourrait contenir la cathédrale Notre-Dame tout entière. Ce vide n’est pas absence. Il est présence subtile, espace sacré, lieu de l’Esprit. Les alchimistes savent que l’athanor n’agit que parce qu’il est creux, qu’il contient l’air, l’espace, l’invisible.
Paris, 1988, la Grande Arche en construction
De même, le Temple de Salomon contenait un Saint des Saints vide, où le Nom imprononçable seul résidait. La Grande Arche, en son vide central, nous rappelle que le cœur de l’Œuvre est un espace réservé, où l’Homme se rencontre lui-même et rencontre l’infini.
Les colonnes et l’arche
Deux piliers gigantesques encadrent l’espace. Nous y reconnaissons nos colonnes Jakin et Boaz, que nous franchissons dès l’initiation. Mais ici, nulle porte close. Le passage est ouvert au ciel. L’Arche n’est pas un arc de triomphe des armes, mais une Arche de Fraternité, fidèle à la Déclaration de 1789.
Arche d’Alliance
Arche : ce mot, dans la tradition, signifie alliance. Arche de Noé, Arche d’Alliance : refuge, mémoire, promesse. La Grande Arche s’inscrit dans cette lignée. Elle est l’alliance républicaine et maçonnique de l’Homme avec l’Homme, de l’Homme avec ses idéaux.
Le cube et l’arbre séphirotique
La Kabbale éclaire encore ce monument. Le cube évoque Malkhout, le Royaume, où l’énergie divine s’incarne. Mais ce cube étant ouvert, il laisse paraître une transparence qui appartient à Tiphereth, la Beauté, lieu d’équilibre et de médiation. Quant au vide central, il correspond à Daath, la non-Séphira, connaissance invisible, point de passage entre mondes.
La Grande Arche devient ainsi une figuration séphirotique géante : base solide, élévation vers la lumière, espace invisible au centre, lieu de la connaissance silencieuse.
L’hypercube et les mondes invisibles
Certains ont vu dans la Grande Arche la projection en trois dimensions d’un hypercube à quatre dimensions, un tesseract. Cette lecture est précieuse. Car l’initié apprend à concevoir l’invisible, à pressentir les dimensions supérieures. Le visible n’est que l’ombre de l’invisible, le cube n’est que la projection du tesseract.
Tesseract
Ainsi, l’Arche se dresse comme un mandala urbain, une géométrie sacrée, une méditation de pierre sur l’infini.
Le décalage de 6,30° : une brisure signifiante
L’Arche n’est pas parfaitement alignée avec l’axe royal. Elle est décalée de 6,30°. Les ingénieurs expliquent qu’il fallait respecter autoroutes et réseaux. Mais pour nous, ce chiffre est signe. Six, sceau de Salomon, union des contraires. Trois, nombre trinitaire, harmonie de la loge. Le décalage devient une leçon initiatique : la Vérité n’est pas dans une rectitude aveugle, mais dans le pas de côté qui ouvre à la profondeur.
Spreckelsen, plaque commémorative à Viborg, Danemark
Un destin hiramique
L’histoire de Johan Otto von Spreckelsen rejoint la légende d’Hiram. Architecte inconnu, habité par la forme du cube ouvert, il fut choisi à la surprise générale. Mais comme Hiram, il ne vit pas l’achèvement de son œuvre. Ulcéré par les compromis, il quitta le chantier, puis ce monde, avant l’inauguration.
La Grande Arche est donc marquée du sceau de l’absence de son maître. Elle porte en elle la mémoire d’un sacrifice créateur : une œuvre qui dépasse son concepteur et lui survit.
La Grande Arche
La lecture de Laurence Cossé
C’est tout le mérite de Laurence Cossé que d’avoir raconté cette histoire dans son livre La Grande Arche : l’histoire du bâtiment emblématique de la Défense (Gallimard, coll. nrf, 2016). Sa plume, vive, ironique, enjouée, trempée de dérision, taille dans la pierre brute des faits comme un ciseau initiatique. Elle révèle les drames humains, les tensions politiques, les compromis, mais aussi la grandeur cachée de ce chantier.
Elle nous rappelle que derrière la technicité, il y a toujours de l’humain ; que sous la froideur d’un immeuble, il y a la chaleur d’un mythe ; et que tout ce qui paraît « rébarbatif » peut devenir initiatique, si l’on apprend à le lire autrement.
Les Champs Élysées
Son style ironique agit comme le décalage de 6,30° : il brise l’alignement apparent, introduit de la profondeur, et nous force à voir l’invisible derrière le visible.
Frères, Sœurs, Compagnons de route, bien plus qu’un monument moderne, la Grande Arche de la Défense est un temple de lumière. Elle nous rappelle que la véritable perfection n’est pas dans la masse mais dans l’espace ménagé pour l’infini. Elle nous enseigne que le vide est plus sacré que le plein, que la fraternité triomphe sur les armes, que l’homme s’élève en ouvrant et non en fermant.
Inaugurée en 1989 pour le bicentenaire de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, elle proclame silencieusement ce que nous savons au plus profond de nous : que l’initiation est une libération, que la lumière habite le vide, et que la Fraternité demeure le nom le plus sacré de l’humanité.
L’arc de triomphe de l’Étoile vu de la Grande Arche
En contemplant la Grande Arche, souvenons-nous que nous sommes appelés à devenir nous-mêmes des cubes ouverts, des arches intérieures, des pierres vivantes où la lumière circule.
Et que chaque pas franchi sous cette Arche – comme chaque pas que nous faisons sous celles de nos temples – soit une traversée vers l’invisible, une entrée dans la Fraternité universelle.
Puisse cette méditation t’accompagner en ce jour. Bon dimanche, et bons baisers de Paris, éternelle Ville Lumière !
Exploration initiatique entre langage, chaos et néant
Introduction
Dans la symbolique maçonnique, l’Alpha et l’Oméga premières et dernières lettres de l’alphabet grec sont souvent interprétées comme les bornes d’un chemin initiatique, représentant l’origine et l’accomplissement.
« Dans l’alphabet grec, alpha (Α, α) et oméga (Ω, ω) désignent respectivement le début et la fin. Cette idée est évoquée dans le Livre de l’Apocalypse dans la Bible, où elle symbolise Dieu ou Jésus comme le commencement et la fin de toute chose, représentant ainsi l’Éternel qui embrasse l’ensemble de l’existence. »
Apocalypsis cum Figuris, titre de la seconde édition (1511)
Mais cette dualité, empruntée aux traditions religieuses, mérite une lecture critique. À l’heure où la franc-maçonnerie revendique la neutralité spirituelle et la suspension du dogme, il est légitime de questionner la pertinence de ces symboles. Sont-ils des clés d’accès à la lumière ? Ou des vestiges culturels dont le sens s’est dissous dans une illusion de totalité ?
Ce texte propose une exploration rigoureuse de cette polarité symbolique, avec le concours de penseurs qui éclairent ou troublent ce que nous croyons y voir.
I. L’arbitraire du langage : entre ethnocentrisme et illusion d’universalité
Utiliser les lettres grecques pour figurer l’infini pose déjà problème : le langage est porteur de culture, de tradition, de croyance.
« Le langage n’est pas le vêtement de la pensée, mais son corps même. »
Michel Foucault
Le choix de l’Alpha et de l’Oméga introduit une forme d’ethnocentrisme symbolique, une géographie du sens empruntée à une langue spécifique. Ce qui se présente comme universel peut, en réalité, cloisonner la pensée initiatique dans un référentiel historique limité.
II. La linéarité temporelle : contradiction avec l’initiation
Le chemin maçonnique n’a pas de tracé rectiligne. Il se vit dans la rupture, la transformation, la réinvention.
« L’avenir n’est pas ce qui vient après le présent, mais ce qui rompt avec le présent. »
Emmanuel Levinas
Penser l’initiation comme une simple traversée entre un Alpha et un Oméga, c’est nier sa véritable nature : celle d’une disruption intime, hors du temps. La symbolique linéaire enferme la pensée dans un cadre rigide, alors que la progression initiatique est spirale, labyrinthe, rhizome.
III. Le Néant comme matrice initiatique : lecture symbolique d’Isaïe 44:6
« Je suis le premier et je suis le dernier, et hors moi il n’y a point de Dieu. »
Isaïe 44:6
Ce verset biblique ne renvoie pas seulement à une autorité divine, mais à une structure métaphysique dans laquelle Dieu est à la fois origine et achèvement. Si l’on dépasse la lecture théologique, ce verset devient l’expression d’un néant originaire, une matrice silencieuse qui précède toute forme, englobe toute temporalité et absorbe toute fin.
– Le néant n’est pas le vide passif, mais le silence primordial :
Avant l’Alpha, lorsque rien n’est encore manifesté.
Après l’Oméga, lorsque tout est dissous, dépouillé de ses apparences.
C’est dans ce vide que s’opère le dépouillement du profane, dans le silence que naît la parole intérieure, et dans l’obscurité que se révèle la lumière. Isaïe 44:6 permet ainsi de détacher l’Alpha et l’Oméga de leur charge dogmatique et d’en faire des seuils symboliques, encadrés par ce néant plein, où l’initié s’éveille à lui-même.
« Dieu est un pur néant, mais ce néant est plénitude : là où cessent les formes et les images, commence l’union. »
Maître Eckhart (paraphrasé)
IV. Chaos et émergence : dépasser le début et la fin
Friedrich Nietzsche
L’idée même d’un commencement et d’un accomplissement est étrangère à une vraie dynamique de pensée.
« Il faut encore porter du chaos en soi pour accoucher d’une étoile qui danse. »
Friedrich Nietzsche
L’initiation véritable naît du désordre, du vacillement, du saut hors des repères. Elle ne commence ni ne s’achève : elle est perpétuelle. Le chemin initiatique ne trace pas une ligne entre deux points. Il est feu, recommencement, éclats.
V. L’obsession des points fixes : l’humain face à son vertige
Pourquoi avons-nous besoin de l’Alpha et de l’Oméga ? Peut-être pour conjurer le vertige du non-sens.
« L’homme est un animal symbolique. »
Ernst Cassirer
Le besoin de stabiliser l’invisible transforme souvent le symbole en béquille mentale. Mais faut-il encore vérifier si la béquille mène quelque part… L’Alpha et l’Oméga deviennent ainsi un placebo existentiel, une tentative d’encadrer l’indomptable.
VI. L’illusion de la totalité : du tout initiatique à la fragmentation du réel
Adgar Morin (Crédit photo Gérald Garitan)
Évoquer un « tout » par deux lettres, c’est méconnaître la nature multiple, éclatée, mouvante de la réalité.
« Le tout est plus que la somme des parties, mais il n’existe jamais sans elles. »
Edgar Morin
En croyant aux bornes fixes du chemin spirituel, on appauvrit la diversité des expériences et des éclairages. Le symbole devient clôture.
VII. Penser au-delà des lettres : vers une initiation non-langagière
Le langage est outil, mais aussi limite. Peut-on imaginer une initiation qui ne repose pas sur le signe, mais sur l’expérience nue ?
« L’écriture commence là où le mot échoue. »
Maurice Blanchot
L’initiation se poursuit là où le symbole s’efface dans les silences, les regards, les gestes. L’Alpha et l’Oméga deviennent alors ce que l’on dépasse.
Conclusion
Les figures de l’Alpha et de l’Oméga rassurent, mais sans doute trop. En les interrogeant, la franc-maçonnerie se donne la possibilité de penser autrement : non plus en ligne droite, mais en éclats de vérité. Il est temps de se libérer des bornes figées, d’accueillir le doute, le chaos, la pluralité, comme sources légitimes d’initiation.
La lumière ne vient pas entre deux lettres. Elle jaillit là où le symbole se dissout et l’esprit s’ouvre.
Clin d’œil socratique : « Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien. » Socrate C’est là que commence le véritable travail de l’esprit.
Dans l’ombre des colonnes, là où résonne encore l’écho des serments et des voyages rituels, s’élève la voix de deux Frères, Gilles Ducret, reçu au Rite Écossais Rectifié (RER) en 1978 et engagé pour la spiritualité et la recherche initiatique au sein dudit rite et Pierre-Éric Parizot, initié en 1992 et ayant vécu tout le parcours du Rite Écossais Ancien et Accepté et du RER, tentant toujours de faire partager sa passion pour les rites maçonniques.
La Franc-maçonnerie et le retour de la Lumière
Leur ouvrage, La Franc-maçonnerie et le retour de la Lumière, n’est ni un traité académique ni un essai doctrinal figé dans la pierre de dogmes inébranlables, mais une invitation à pénétrer les arcanes d’une quête initiatique qui, loin de se dissoudre dans le fracas du monde moderne, retrouve son éclat dans le silence intérieur des chercheurs de vérité.
Citil, logo
Sublimant cet ouvrage, la première de couverture et les illustrations sont signées Julie Lô, du Centre International des Traditions de l’Image de Lumière (CITIL), fondé par le maître enlumineur Jean-Luc Leguay. Par son art, elle accompagne cette quête spirituelle d’une lumière symbolique, résonnant avec l’essence même du texte.
La plume des auteurs, empreinte de fraternité et de cette sincérité propre à ceux qui ont longuement médité leur cheminement, nous convie à une méditation sur l’essence même de la Franc-Maçonnerie. Non comme un simple vestige d’un passé glorieux, mais comme un viatique nécessaire pour l’Homme en quête de sens. Cette quête, ils la situent à la croisée des temps, reliant l’interrogation des premiers maçons du XVIIIe siècle à l’aspiration contemporaine d’un face-à-face avec l’ultime réalité.
Dès les premières pages, une évidence s’impose : la Franc-Maçonnerie ne saurait être qu’un assemblage de symboles et de rituels si elle n’est pas vécue dans toute son exigence spirituelle. Les auteurs rappellent avec force que l’initiation n’est pas une simple transmission de formes, mais une ouverture à une expérience intérieure, une ascèse qui, par le travail sur soi, permet de se tenir debout entre le ciel et la terre.
Gilles Ducret
Au fil des chapitres, Gilles Ducret et Pierre-Éric Parizot tissent un dialogue subtil entre tradition et modernité, entre la mémoire d’un passé fondateur et la nécessité d’une maçonnerie vivante, non figée dans une nostalgie stérile. Ils interrogent la place du chrétien dans l’Ordre initiatique, non pour enfermer la Franc-Maçonnerie dans un carcan confessionnel, mais pour en souligner la portée universelle. Car si la maçonnerie chrétienne, notamment celle du Rite/Régime Écossais Rectifié, structure leur pensée, c’est pour mieux montrer que le christianisme lui-même n’a de sens que dans sa dimension initiatique, et non dans la simple observance d’une foi dogmatique.
L’un des points majeurs de leur réflexion réside dans la fonction chevaleresque de l’initiation. Devenir Franc-Maçon, c’est accepter d’être un Chevalier Bienfaisant de la Cité Sainte (CBCS), un bâtisseur de l’invisible, celui qui, par son engagement, restaure la justice et la lumière au cœur de la cité des hommes. Il ne s’agit pas d’une posture romantique ou d’un vague idéal ésotérique, mais d’une discipline de l’âme, d’une vigilance constante face aux mirages du monde profane.
La Franc-maçonnerie et le retour de la Lumière
Mais cette lumière que le Maçon cherche à retrouver n’est pas une clarté éblouissante qui s’impose à lui. Elle est cette lueur fragile qui vacille dans l’obscurité et ne demande qu’à être attisée. Elle est ce regard intérieur qui, à force d’interrogations et d’abandons, découvre que le temple véritable n’est pas de pierre mais de silence. Car c’est dans le silence que naît la parole véritable, celle qui édifie l’homme et le conduit vers son propre centre.
La Franc-maçonnerie et le retour de la Lumière n’est donc pas seulement un livre, mais une invitation à se tenir à la frontière de l’invisible, là où l’initiation prend tout son sens. Gilles Ducret et Pierre-Éric Parizot nous rappellent que la démarche maçonnique ne se résume pas à l’apprentissage des rituels ou à la quête d’un savoir livresque. Elle est un engagement total, une voie où l’on accepte d’être dépouillé de ses certitudes pour mieux accueillir l’inattendu du Divin.
Dans une époque où la Franc-Maçonnerie est parfois réduite à une sociabilité sans transcendance ou à un conservatoire de traditions désincarnées, cet ouvrage vient rappeler avec justesse que l’Ordre initiatique ne trouve sa raison d’être que dans la lumière qu’il parvient à raviver en chaque Frère. Une lumière qui n’est ni un héritage à conserver jalousement, ni une vérité à imposer, mais une expérience intime, vibrante et toujours recommencée.
Dessin Julie Lô
À travers ce livre, Gilles Ducret et Pierre-Éric Parizot s’inscrivent dans la grande lignée de ces Maçons pour qui l’initiation n’est pas un simple mot, mais une aventure intérieure, exigeante et exaltante. Que ceux qui cherchent, s’arrêtent un instant sur ces pages ; ils y trouveront sans doute un reflet de leur propre quête, un écho discret de cette parole oubliée qui, depuis les premiers âges, murmure à l’oreille des initiés : celui qui cherche la Lumière doit d’abord consentir à traverser la nuit !
Dessin Julie Lô
La Franc-maçonnerie et le retour de la Lumière
Gilles Ducret – Pierre-Éric Parizot
Éditions Numérilivre, coll. Voies de la Connaissance, 2025, 160 pages, 22 €
Aujourd’hui nous abordons le rôle central de Paul dans l’histoire du christianisme primitif, sa conversion (ou vocation), ses épîtres authentiques, ses relations avec les autres figures apostoliques (Pierre, Jacques), et les contrastes entre l’autoportrait de Paul dans ses lettres et le portrait idéalisé dans les Actes des Apôtres. Il sera mis en évidence l’importance exagérée de Paul due à ses écrits, et les implications théologiques de sa vision du Christ, en soulignant la diversité originelle du christianisme et les reconstructions littéraires ultérieures.
Paul, une figure centrale du christianisme primitif
Avant sa conversion, Paul, alors appelé Saul, est décrit comme un adversaire acharné de l’Église chrétienne naissante. Selon les Actes des Apôtres (chapitre 9), Saul « respirait toujours la menace et le meurtre contre les disciples du Seigneur » (Actes 9:1). Il demandait des lettres au Grand Prêtre pour persécuter les adeptes de Jésus dans les synagogues de Damas, cherchant à les arrêter et à les ramener enchaînés à Jérusalem. Cette image d’un Saul zélé, pharisien rigoriste, reflète son engagement initial dans le judaïsme, où il se présente comme un défenseur fervent de la Loi mosaïque.
Paul lui-même confirme cette période de persécution dans ses épîtres. Dans l’Épître aux Galates (1:13), il écrit : « Vous avez entendu parler de mon comportement naguère dans le judaïsme, avec quelle frénésie je persécutais l’Église de Dieu et je cherchais à la détruire. » Le terme grec utilisé, porthein, traduit par « ravager », souligne l’intensité de son opposition. Cette période sombre constitue l’« avant » dans le schéma narratif de sa vie, qu’il oppose radicalement à l’« après » de sa vocation.
La conversion de Paul : un tournant décisif
Le moment clé de la transformation de Saul en Paul est son expérience sur le chemin de Damas, décrite à trois reprises dans les Actes des Apôtres (chapitres 9, 22 et 26). Alors qu’il approche de Damas, une lumière céleste l’enveloppe, le faisant tomber à terre. Une voix divine lui demande : « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? » (Actes 9:4). Jésus se révèle à lui, déclarant : « Je suis Jésus, c’est moi que tu persécutes. » Incapable de voir, Saul est conduit à Damas, où il reste aveugle pendant trois jours, sans manger ni boire, jusqu’à ce qu’Ananiae, un disciple, le guérisse et le baptise. Les Actes insistent sur l’aspect héroïque et providentiel de cet épisode, qui marque le passage de Saul, le persécuteur, à Paul, l’apôtre des Gentils. Cependant, ce récit est avant tout littéraire, conçu pour souligner l’intervention divine dans la vie de Paul et son rôle dans l’expansion du christianisme.
Dans ses propres écrits, Paul évoque sa vocation de manière plus sobre, mais le schéma fondamental reste similaire. Dans Galates 1:15-16, il affirme : « Lorsqu’il a plu à Dieu de révéler son Fils en moi pour que je l’annonce parmi les nations… » Il ne mentionne pas explicitement l’épisode du chemin de Damas tel que décrit par Luc, mais il insiste sur une révélation directe de Dieu, qui le distingue des apôtres ayant connu Jésus de son vivant. Cette expérience mystique, où le Christ ressuscité lui apparaît, confère à Paul une autorité apostolique qu’il revendique avec force, malgré son absence de lien direct avec le Jésus historique.
Paul lui-même ne parle pas d’« abjuration » du judaïsme, contrairement à ce que certains récits postérieurs pourraient suggérer. Sa transformation est davantage une vocation, un appel à annoncer le Christ aux non-Juifs, plutôt qu’un abandon total de son identité juive. Cette nuance est essentielle pour comprendre la continuité entre son passé pharisien et sa mission chrétienne, même si les Actes tendent à dramatiser cet événement pour en faire une rupture nette.
Paul dans le contexte du christianisme naissant
Paul n’est pas un acteur isolé dans le christianisme primitif. Il s’inscrit dans une « grande constellation » de courants et de figures missionnaires. Le texte identifie plusieurs courants distincts :
Le judéo-christianisme de Jérusalem, centré sur Jacques, le frère de Jésus, et attaché à la Loi mosaïque.
La mission de Pierre, qui s’étend d’Antioche à Rome, marquant l’expansion du christianisme vers l’Occident.
Le courant joannique, qui se cristallise dans le quatrième Évangile (Jean) et les épîtres de Jean.
La tradition des paroles de Jésus, recueillie dans les Évangiles de Luc et de Matthieu.
Paul, vecteur du courant helléniste issu d’Antioche, représente une branche spécifique du christianisme, marquée par son ouverture aux Gentils (non-Juifs). Cependant, il n’est pas le premier à prêcher aux non-Juifs, contrairement à ce que sa centralité dans le canon du Nouveau Testament pourrait laisser croire. D’autres missionnaires, moins documentés, ont également joué un rôle dans la diaspora juive.
Paul occupe une place démesurée dans le Nouveau Testament, en partie à cause de la conservation de ses lettres authentiques (comme Romains, 1 et 2 Corinthiens, Galates, Philippiens, 1 Thessaloniciens et Philémon). Ces écrits, rares pour un penseur religieux de l’Antiquité, offrent un témoignage direct et personnel, contrastant avec le silence des sources sur d’autres figures contemporaines, comme Yohanan ben Zakkai, le père du judaïsme rabbinique. Cette abondance de sources pauliniennes crée un effet de « lumière excessive », où Paul semble éclipser d’autres missionnaires chrétiens de son époque.
Les épîtres de Paul : un témoignage irremplaçable
Les épîtres de Paul constituent une source majeure pour comprendre sa pensée et son rôle. Contrairement aux Actes, qui présentent une vision extérieure et postérieure, les lettres offrent un accès direct à la théologie et à la personnalité de Paul. Elles révèlent un homme complexe, à la fois humble et audacieux, revendiquant son titre d’apôtre tout en se décrivant comme « le moindre des apôtres » (1 Corinthiens 15:9) ou un « avorton » (terme utilisé pour exprimer son indignité face à ceux qui ont connu Jésus de son vivant).
Les lettres authentiques, rédigées entre les années 50 et 60, abordent des questions théologiques (comme la justification par la foi), des conflits avec ses communautés, et des débats avec ses adversaires. Elles témoignent de son activité missionnaire intense, marquée par la fondation de communautés chrétiennes dans des régions comme la Galatie, la Macédoine et l’Achaïe.
La pensée de Paul se distingue par son accent sur la mort et la résurrection du Christ comme événements centraux du salut. Contrairement aux judéo-chrétiens, qui mettaient l’accent sur la vie et les enseignements de Jésus, Paul considère que la vie terrestre de Jésus est secondaire par rapport à son rôle cosmique. Dans ses épîtres, il cite rarement les paroles de Jésus (seulement quatre mentions explicites, principalement dans 1 Corinthiens), ce qui a conduit certains chercheurs à supposer qu’il connaissait peu la vie de Jésus. Cependant, le texte soutient que Paul en savait probablement davantage, mais qu’il choisissait de se concentrer sur la dimension rédemptrice de la mort et de la résurrection du Christ.
Cette focalisation théologique s’explique par la vision mystique de Paul : pour lui, Jésus est avant tout un « personnage céleste », révélé par Dieu, et non un maître terrestre dont les paraboles ou les miracles seraient centraux. Cette perspective entre en conflit avec celle de ses adversaires judéo-chrétiens, qui prônaient un Jésus attaché à la Loi mosaïque et à la tradition juive.
Les Actes des Apôtres : une vision aseptisée de Paul
Un point frappant du texte est le silence des Actes des Apôtres sur l’activité épistolaire de Paul, pourtant centrale dans sa mission. Les lettres, qui représentent un labeur considérable et une expression clé de sa théologie, ne sont jamais mentionnées par Luc, l’auteur présumé des Actes. Ce silence intrigue, d’autant plus que les épîtres circulaient probablement à la fin du Ier siècle, période où les Actes auraient été rédigés (vers 80-90).
Plusieurs hypothèses expliquent cette omission :
Ignorance de Luc : Bien que peu probable, il est possible que Luc n’ait pas eu connaissance des lettres de Paul.
Choix délibéré : Luc aurait choisi de ne pas mentionner les épîtres, soit parce qu’elles ne cadraient pas avec son projet narratif, soit parce qu’elles contenaient des éléments théologiques ou conflictuels qu’il préférait passer sous silence.
Priorité aux voyages : Luc met l’accent sur les voyages missionnaires de Paul, présentés comme des actes héroïques, plutôt que sur son activité intellectuelle et épistolaire. Les Actes privilégient une image de Paul en action, prêchant et fondant des communautés, plutôt qu’un théologien écrivant des lettres.
Les Actes dépeignent Paul comme un missionnaire héroïque, mais aussi comme un personnage « domestiqué » et orthodoxe, subordonné à l’autorité de l’Église de Jérusalem. Contrairement à ses épîtres, où il apparaît comme un penseur radical, prenant ses distances avec certains aspects du judaïsme, les Actes le présentent comme un Juif pieux, respectueux de la Loi mosaïque. Par exemple, Luc insiste sur le lien de Paul avec Jérusalem, suggérant qu’il aurait étudié auprès de Gamaliel, un maître pharisien, une affirmation absente des épîtres et contredite par Paul lui-même, qui affirme n’être allé à Jérusalem que trois ans après sa vocation (Galates 1:18).
Cette image aseptisée répond à un projet littéraire : Luc cherche à harmoniser l’histoire du christianisme naissant, en minimisant les conflits et en présentant Paul comme un continuateur de la tradition juive. Les divergences entre les Actes et les épîtres reflètent donc une tension entre l’autoportrait de Paul et le portrait postérieur de Luc, rédigé une génération plus tard.
Les différences entre les Épîtres et les Actes
Plusieurs contradictions sont évidentes entre lesÉpîtres de Paul et les Actes des Apôtres :
La chronologie et les détails biographiques : Les épîtres offrent peu de détails biographiques, rendant difficile la reconstitution d’une chronologie précise. Les Actes, en revanche, proposent une narration plus linéaire, mais parfois en désaccord avec les épîtres. Par exemple, Paul mentionne un séjour en Arabie après sa vocation (Galates 1:17), un épisode absent des Actes.
L’identité juive de Paul : Dans ses lettres, Paul revendique son identité pharisienne et sa fidélité à la tradition juive (Philippiens 3:5), mais il ne mentionne jamais avoir étudié à Jérusalem ou auprès de Gamaliel, contrairement aux Actes. De même, l’idée qu’il soit citoyen romain ou qu’il maîtrise l’hébreu, avancée par Luc, semble peu plausible à la lumière des épîtres, où Paul s’appuie exclusivement sur la Septante (la Bible grecque) et non sur le texte hébraïque.
Les conflits et les crises : Les épîtres révèlent des tensions entre Paul et ses communautés, ainsi qu’avec d’autres missionnaires chrétiens, notamment les judéo-chrétiens. Les Actes, en revanche, minimisent ces conflits pour présenter une image harmonieuse de l’Église primitive.
Contrairement à l’idée ancienne selon laquelle le christianisme aurait été unifié à ses débuts avant de se diversifier, la recherche contemporaine montre que la diversité théologique et institutionnelle était première. Le christianisme primitif était marqué par une pluralité de courants, de pratiques et de rapports à la tradition juive. Ce n’est qu’au IIe siècle que des efforts d’unification, comme la constitution du canon du Nouveau Testament ou l’adoption de confessions de foi, ont cherché à réguler cette diversité.
Paul s’inscrit dans cette diversité, mais sa centralité dans le canon donne l’impression qu’il domine le mouvement chrétien. En réalité, il n’est qu’un acteur parmi d’autres, bien que son influence ait été déterminante pour le christianisme occidental, en raison de son ouverture aux Gentils et de sa théologie universaliste.
Paul et ses adversaires : une théologie en débat
Pour comprendre la portée du message de Paul, il est essentiel d’examiner ses adversaires. Ses épîtres révèlent des conflits avec des missionnaires judéo-chrétiens, qui insistaient sur la nécessité de respecter la Loi mosaïque pour être chrétien. Ces opposants, parfois qualifiés de « super-apôtres » dans 2 Corinthiens, prêchaient un Jésus terrestre, fidèle à la Loi, en opposition à la vision de Paul, centrée sur le Christ céleste et la rédemption par la foi.
Le texte suggère que les ennemis de Paul sont plus utiles que ses collaborateurs pour comprendre sa théologie, car ils mettent en lumière les idées contre lesquelles il s’oppose. Par exemple, en Galates, Paul critique ceux qui exigent la circoncision des chrétiens non juifs, défendant l’idée que la foi en Christ suffit pour le salut.
Vers l’an 49, un incident majeur éclate autour de la question : faut-il être juif avant d’être chrétien ? Jacques, le frère de Jésus, convoque les représentants de l’Église d’Antioche, dont Paul, pour débattre de cette question à Jérusalem (Actes 15). Ce « concile » marque un tournant dans l’histoire du christianisme, car il officialise l’ouverture aux Gentils sans l’obligation de se conformer à la Loi mosaïque. Paul, dans ses épîtres, revendique son rôle dans cette décision, affirmant son apostolat auprès des non-Juifs (Galates 2:7-9).
Paul, apôtre des Gentils : une mission universelle
Paul se revendique comme apôtre, un titre qu’il défend avec vigueur dans ses lettres, bien qu’il n’ait pas connu Jésus de son vivant. Dans 1 Corinthiens 9:1, il déclare : « N’ai-je pas vu Jésus, notre Seigneur ? » Cette vision du Christ ressuscité, qu’il mentionne également dans 1 Corinthiens 15:8 (« Il m’est apparu à moi aussi, comme à un avorton »), constitue la base de son autorité apostolique. Paul refuse de se considérer comme inférieur aux autres apôtres, malgré les critiques de ceux qui valorisent le lien direct avec le Jésus historique. La mission de Paul se concentre sur les Gentils, auxquels il annonce un salut universel, détaché des prescriptions de la Loi mosaïque. Cette approche le distingue des judéo-chrétiens et explique son succès dans la diaspora juive, où il prêche en grec et s’adresse à des communautés mixtes. Cependant, il ne fonde pas le mouvement missionnaire auprès des Gentils, qui existait avant lui. Comme il le revendique dans Romains 15:20, Paul préfère « planter des communautés sur des sols vierges », évitant de prêcher là où d’autres ont déjà établi des Églises, comme à Rome.
À l’évidence il y a une tension fondamentale entre deux portraits de Paul : celui des épîtres, où il apparaît comme un penseur radical, et celui des Actes, où il est dépeint comme un missionnaire héroïque mais orthodoxe. Cette dualité reflète les objectifs distincts des sources : les épîtres sont des écrits contextuels, où Paul défend sa théologie et répond à des crises spécifiques, tandis que les Actes visent à construire une histoire harmonieuse du christianisme naissant.
Pour l’historien, cette diversité des sources pose un défi : les Actes ne sont pas une biographie fiable, mais un récit littéraire destiné à unifier l’Église. Les épîtres, bien que fragmentaires, offrent un témoignage direct sur la pensée de Paul.
Paul reste une figure énigmatique, dont l’influence sur le christianisme occidental est indéniable, mais dont la vie et la théologie doivent être abordées avec prudence, en tenant compte de la diversité originelle du christianisme et des silences des sources.
En seulement trois mois, la United Grand Lodge (UGL), une nouvelle obédience maçonnique de l’île Maurice, a consacré six loges, marquant une progression notable dans le paysage maçonnique local. La dernière consécration, réalisée récemment, s’inscrit dans la continuité de la fondation officielle de l’UGL le 10 mai 2025.
Cette initiative est portée par des membres, majoritairement issus de la Grande Loge de Maurice, ayant collectivement démissionné en janvier 2025 pour créer une nouvelle structure. Leur objectif : établir une obédience ancrée dans les principes fondamentaux de la franc-maçonnerie, tels que l’égalité, l’intégrité et la fraternité.
Lors de la cérémonie fondatrice, le Grand Maître, Christian Lefèvre, a souligné l’importance des engagements maçonniques : « Ces serments nous guident pour bâtir une institution où prévalent l’égalité et l’intégrité, en respectant les rituels et les valeurs de la franc-maçonnerie. » Il a également rappelé que l’UGL aspire à être un espace de rassemblement pour des hommes partageant des valeurs de sagesse et de respect mutuel, sans distinction de statut ou de privilèges.
L’UGL met l’accent sur un recrutement rigoureux, basé sur les qualités personnelles plutôt que sur des relations d’intérêt. Cette démarche vise à préserver l’esprit originel de la franc-maçonnerie, en s’appuyant sur les trois piliers traditionnels : la Sagesse, la Force et la Beauté.
La consécration de la sixième loge marque une étape supplémentaire pour l’UGL, qui cherche à renforcer la fraternité et à promouvoir une pratique maçonnique fidèle à ses idéaux. Cette dynamique reflète un renouveau dans la communauté maçonnique mauricienne, avec une volonté de construire une institution durable et respectueuse des traditions.
Informations clés :
Date de fondation : 10 mai 2025
Nombre de loges consacrées : 6 en trois mois
Objectif : Promouvoir une franc-maçonnerie basée sur l’égalité et l’intégrité
Grand Maître : Christian Lefèvre
L’United Grand Lodge de Maurice continue ainsi de poser les bases d’une franc-maçonnerie ancrée dans ses valeurs fondamentales, avec l’ambition de fédérer une communauté unie et engagée.