dim 07 décembre 2025 - 17:12
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La route des Templiers au Portugal : un chemin mystique vers l’histoire

De notre confrère theportugalnews.com

Imaginez un sentier sinueux qui serpente à travers des collines verdoyantes, des châteaux perchés sur des îles fluviales et des couvents enveloppés de légendes ésotériques. Au Portugal, la Route des Templiers n’est pas qu’un itinéraire géographique : c’est une invitation à plonger dans l’âme d’un ordre chevaleresque qui a façonné l’Europe médiévale. Fondée sur un héritage de croisades, de mysticisme et d’innovation architecturale, cette route relie seize municipalités du pays, transformant des vestiges oubliés en joyaux touristiques durables.

En novembre 2025, alors que Tomar, la « capitale templière » du Portugal, accueille un sommet dédié à ce patrimoine, explorons ensemble ce trésor caché qui allie histoire, culture et économie locale. Préparez votre passeport templier : l’aventure commence.

Les racines chevaleresques : une histoire forgée dans le feu des croisades

L’Ordre des Templiers, né au XIIe siècle pour protéger les pèlerins en Terre Sainte, trouva au Portugal un terreau fertile pour s’épanouir. Fondé en 1160 par Gualdim Pais, maître portugais de l’Ordre, le château de Tomar devint le bastion emblématique de cette présence. Inspiré des fortifications des Croisades, ce site stratégique défendait les frontières chrétiennes contre les invasions mauresques, tout en servant de centre spirituel et économique. Contrairement à l’Europe continentale, où les Templiers furent dissous en 1312 par le pape Clément V sous l’influence du roi Philippe IV de France, le Portugal préserva leur legs en transférant leurs biens à l’Ordre du Christ.

Ce dernier propulsa l’Âge des Découvertes : les caravelles portugaises, financées par cet ordre, explorèrent le monde, infusant l’architecture manuéline – un style exotique mêlant gothique et influences maritimes – dans des monuments comme la fameuse fenêtre du Couvent du Christ à Tomar. Cette transition unique explique pourquoi le Portugal abrite les traces les plus intactes de l’héritage templier. Des forteresses comme Almourol, émergeant comme un mirage au milieu du Tage, aux tours de guet pentagonales de Dornes, ces sites racontent une saga de chevaliers, de trésors légendaires et de mysticisme.

Selon les historiens, les Templiers géraient ici non seulement des routes commerciales, mais aussi des savoirs ésotériques : symboles alchimiques gravés dans la pierre, croix pattées et références au Temple de Salomon. À Tomar, la Charola – rotonde octogonale inspirée du Saint-Sépulcre de Jérusalem – reste la plus grande et la mieux conservée d’Europe, un témoignage architectural qui conjugue roman, gothique et manuelin. Ce passé n’est pas figé : il pulse encore dans les légendes locales, comme celle de Celinda à Sertã, où une jeune Templière défia les Hospitaliers pour l’amour d’un chevalier.

Les joyaux éparpillés : un itinéraire de sites inoubliables

La Route des Templiers s’étend du Nord au Sud, reliant des territoires ruraux et urbains dans un réseau de seize municipalités : Abrantes, Arronches, Castelo Branco, Ferreira do Zêzere, Idanha-a-Nova, Mogadouro, Ourém, Pombal, Reguengos de Monsaraz, Sabugal, Sertã, Soure, Tomar, Torres Novas, Vila Nova da Barquinha et Vila Velha de Ródão.

theportugalnews.com Lancée en 2023 via un protocole entre ces communes, le Turismo de Portugal et des entités régionales comme le CIM Médio Tejo, cette voie propose des itinéraires thématiques pour une exploration immersive.

Jour 1 : Tomar, le Cœur Battant
Commencez par Tomar, classée UNESCO depuis 1983. Le Couvent du Christ, avec ses 18 000 m² de labyrinthes architecturaux, domine la ville : escaliers hélicoïdaux, chapelles cachées et un aqueduc de 6 km, les Pegões, qui irriguait les terres templières.

Visitez l’église Santa Maria do Olival, panthéon gothique des maîtres templiers, ou la synagogue du XVe siècle, l’une des plus anciennes d’Europe. Ne manquez pas la roue du Nabão, un moulin à eau géant du XVIe siècle, symbole de l’ingéniosité hydraulique de l’Ordre. Pour une touche mystique, errez dans la Mata dos Sete Montes, où se niche la « Charolinha », un temple miniature dédié à la Charola.

Jour 2 : Le Mystère Fluvial et les Forteresses Oubliées
Dirigez-vous vers Vila Nova da Barquinha pour le Château d’Almourol, forteresse isolée sur une île du Tage, accessible par bateau. Construit en 1171, il évoque les châteaux légendaires des croisades, avec ses murailles crénelées et ses vues panoramiques.

À proximité, le Centre d’Interprétation Templier d’Almourol (CITA) offre des expositions interactives sur la vie des chevaliers. Poursuivez à Dornes (Ferreira do Zêzere), où une tour pentagonale du XIIIe siècle veille sur la lagune de Castelo de Bode – un spot idéal pour une croisière au coucher du soleil. À Abrantes, la forteresse du XIIe siècle défendait la ligne du Tage, tandis qu’à Ourém, le château médiéval et ses ruelles pavées invitent à déguster une ginjinha, liqueur locale aux cerises.

Jour 3 : Patrimoine Rural et Symboles Cachés
Explorez Sertã et son château templier éphémère (1165-1174), lié à la légende de Celinda, ou Torres Novas avec ses grottes de Lapas, possibles refuges médiévaux. À Soure, le premier château templier portugais (près de Coimbra) marque le début d’une extension nordique. Le passeport de la Route, un carnet à tamponner, guide ces découvertes : collectez des preuves de visites pour un « diplôme » final, encourageant une exploration ludique.

Ces sites, souvent nichés dans des zones rurales, offrent une alternative au tourisme de masse : randonnées douces, vélo le long du Tage et dégustations de produits locaux comme les vins de Reguengos de Monsaraz.

Initiatives touristiques : de la réunion de Tomar à l’innovation numérique

Le 25-26 novembre 2025, Tomar a accueilli le premier « Encontro da Rota dos Templários de Portugal », un sommet thématique sur « Expérience touristique et patrimoine templier ». Organisé par la mairie de Tomar avec Turismo de Portugal et des partenaires régionaux, il a réuni experts, universitaires et maires pour forger une stratégie nationale.

Des panels ont exploré la médiation patrimoniale, l’innovation (tourisme 4.0 avec réalité augmentée) et les réseaux communautaires. Le maire Tiago Carrão a déclaré :

« Tomar est, par essence, la capitale templière au niveau national et une référence internationale. Nous devons tirer parti de ce capital pour attirer plus de visiteurs et renforcer le lien entre histoire, tourisme et économie. »

Au-delà de cet événement, des initiatives structurantes émergent : centres d’interprétation comme celui de Levada à Tomar ou le CITA d’Almourol, applications mobiles pour circuits personnalisés, et événements immersifs – reconstitutions historiques, gastronomie thématique (viandes rôties des chevaliers) et expositions temporaires.

La Fédération Européenne de la Route des Templiers (TREF) intègre le Portugal dans un réseau transnational, reliant Tomar à des sites en Espagne ou en France. Des tours guidés, comme ceux de Celina Tours ou The Cooltours, proposent des excursions d’une journée à Almourol et Tomar, avec options de croisière.

Impacts économiques et perspectives durables : un héritage vivant

Cette route n’est pas qu’un reliquat du passé : elle dynamise l’économie locale. En 2025, le Couvent du Christ attire plus de 500 000 visiteurs annuels, générant des revenus pour les artisans, hébergements ruraux et produits du terroir.

Les initiatives favorisent l’allongement des séjours hors saison, la création d’emplois dans le tourisme culturel et une consommation locale – vins, fromages et artisanat – tout en promouvant la durabilité : mobilités douces et implication communautaire.

À l’avenir, le Portugal vise une reconnaissance européenne par le Conseil de l’Europe, transformant la route en un « laboratoire du tourisme culturel » avec IA pour visites virtuelles et événements paneuropéens.

Des extensions vers l’Alentejo (Reguengos) ou le Nord (Mogadouro) enrichiront l’offre, attirant un public en quête d’authenticité.

Empruntez le chemin, réveillez les chevaliers

La Route des Templiers au Portugal est bien plus qu’un circuit : c’est un pont entre époques, où le murmure des croix pattées rencontre l’innovation touristique. De Tomar l’illuminée aux îles mystiques d’Almourol, elle invite à une lenteur contemplative, à des découvertes qui nourrissent l’âme et l’économie. Comme l’affirmait Tiago Carrão, c’est un « moteur culturel et économique » pour des territoires vivants.

Prenez la route – avec un passeport en main et un esprit curieux. Les Templiers vous attendent, gardiens éternels d’un Portugal enchanté.

Sources consultées incluent Turismo de Portugal, The Portugal News et le passeport officiel de la Route. Pour plus d’infos, visitez visitportugal.com ou cm-tomar.pt.

La liberté de conscience, cœur battant du REAA et des valeurs républicaines : de Lausanne à la loi de 1905

Il est des dates qui se répondent comme deux pierres d’angle dans la même architecture. Septembre 1875, Convent de Lausanne. Décembre 1905, vote de la loi concernant la séparation des Églises et de l’État. Entre ces deux moments, un même fil secret : la liberté de conscience. D’un côté, les Suprêmes Conseils du Rite Écossais Ancien et Accepté redéfinissent le sens du Grand Architecte de l’Univers et l’universalisme du Rite ; de l’autre, la République française affirme qu’elle « garantit le libre exercice des cultes » tout en reconnaissant à chaque citoyen la pleine souveraineté de sa conscience.

Le Convent de Lausanne
Le Convent de Lausanne

Deux lieux, deux langages, deux temporalités, mais un même enjeu : délivrer l’être humain de toute tutelle spirituelle imposée et lui permettre de se tenir debout, comme maçon et comme citoyen.

À l’approche du 9 décembre 2025, 120ᵉ anniversaire de la loi de 1905, ce dialogue silencieux entre le Temple et la cité vient rejoindre l’ici et maintenant, comme un appel à revisiter ce que nous mettons vraiment derrière les mots liberté, laïcité, République. Trop souvent, ces termes se figent en slogans, se réduisent à des positions de camp, se laissent confisquer par les polémiques. Pourtant, derrière la devise affichée sur les frontons des mairies et les façades des écoles, il y a une exigence concrète : organiser la vie commune de manière à ce que personne ne soit forcé de croire, empêché de croire ou humilié pour ce qu’il croit.

Le Rite Écossais Ancien et Accepté naît comme un grand récit initiatique qui, du 1ᵉʳ au 33ᵉ degré, conduit le franc-maçon à interroger la justice, la mort, la transmission, la responsabilité, loin des dogmes rigides, sclérosés, voire enfermants.

Ce n’est pas un système de croyances à ajouter à d’autres, mais un chemin de décapage de la conscience. À Lausanne, les délégués affirment que le Grand Architecte de l’Univers n’est pas l’étendard d’une confession imposée, mais le symbole d’un principe créateur, d’une Source qui dépasse les représentations particulières. La question n’est plus : « En quel Dieu crois-tu ? », mais : « Acceptes-tu qu’il existe un principe d’ordre et de sens devant lequel ton ego s’efface ? »

Dès lors, la liberté de conscience n’est pas un vague droit individuel de plus, empilé sur d’autres droits ; elle devient une exigence spirituelle : chacune et chacun est appelé à nommer ce Principe selon sa culture, sa tradition, sa philosophie, à condition de reconnaître au frère ou à la sœur le même droit inaliénable de nommer, de chercher, de se taire.

L'aigle bicéphale dessiné pour le Convent de Lausanne
L’aigle bicéphale dessiné pour le Convent de Lausanne

Entre Lausanne et 1905, l’Europe bruisse de conflits religieux, de crispations identitaires, de tentatives d’emprise des Églises sur l’État et de résistances laïques parfois agressives. La loi de séparation n’arrive pas dans un ciel serein, elle vient mettre de l’ordre là où se confondent pouvoir spirituel et pouvoir temporel. Ce que la maçonnerie écossaise a commencé à expérimenter dans ses temples, la République l’écrit dans le marbre de la loi : l’État n’a pas vocation à dicter le contenu des croyances, mais à en garantir la libre expression dans le respect de l’ordre public. La laïcité devient le cadre juridique qui permet à la liberté de conscience de se déployer sans que l’une ou l’autre croyance s’arroge le monopole du vrai.

Et c’est là que la perspective devient résolument citoyenne. La liberté de conscience n’est pas seulement protégée à l’intérieur des temples ou dans l’intimité des cœurs ; elle s’éprouve dans la vie quotidienne : à l’école, où l’élève ne doit ni être stigmatisé pour sa foi, ni transformé en objet de prosélytisme ; dans les services publics, où chacun doit pouvoir être accueilli comme usager, non comme membre d’une communauté religieuse déterminée ; dans les entreprises, où les convictions personnelles ne doivent ni devenir un motif de discrimination, ni un prétexte à imposer une norme spirituelle aux autres. La République ne demande pas aux citoyens de renoncer à ce qui les habite, mais de renoncer à imposer ce qui les habite.

Dans ce cadre, la laïcité ne signifie pas la mise à l’écart du spirituel

Elle signifie la neutralité de la puissance publique et la protection de la pluralité des chemins intérieurs. La République n’exige pas que les consciences se vident de toute référence transcendante ; elle affirme que nul ne peut être contraint ni empêché de chercher, de douter, de croire ou de ne pas croire. Elle institue un espace commun où la foi du croyant, la méditation du philosophe, le silence de l’agnostique et la conviction du libre penseur peuvent se côtoyer sans se nier. Cette cohabitation est exigeante : elle suppose que chacun accepte de faire un pas de côté, de ne pas transformer ses convictions en norme pour l’autre, de supporter que la vérité de sa vie ne soit pas universellement reconnue.

Dans cette perspective, la liberté de conscience devient le socle concret des valeurs républicaines

Elle commande la liberté d’expression et de culte, elle nourrit l’égalité des droits indépendamment des croyances, elle rend possible une fraternité qui ne soit pas seulement l’amitié entre semblables mais la solidarité entre différents. Quand un hôpital public accueille indifféremment croyants de toutes religions et non-croyants, quand un maire marie deux personnes sans se demander de quelle famille spirituelle elles proviennent, quand un professeur tient sa classe en respectant les convictions de chacun tout en transmettant les savoirs communs, c’est la liberté de conscience, devenue pratique citoyenne, qui se donne à voir.

pierre brute,outils apprenti,ciseau,maillet
pierre brute avec maillet et ciseau

Vue depuis la loge, cette exigence ressemble à un travail sur la pierre brute : dégager la conscience des scories de la peur et de la domination pour qu’elle puisse entrer en dialogue sans se renier. Sous la voûte étoilée du Rite, la laïcité prend une forme symbolique. Le Temple n’est ni une chapelle, ni un parlement : il devient un laboratoire de l’humain, où se rencontrent croyants, agnostiques, libres penseurs, héritiers de traditions religieuses diverses. Tous travaillent côte à côte, à la même pierre, sous l’invocation du Grand Architecte de l’Univers, sans que jamais leur appartenance confessionnelle ou leur absence de religion ne leur confère privilège ou handicap. Nul n’a à se justifier de ce qu’il croit ou ne croit pas : seule compte la loyauté à la méthode, à l’écoute, au travail sur soi.

Panneau liberté égalité fraternité de la République Française
Panneau liberté égalité fraternité de la République Française

Cette égalité de statut devant le Mystère fait écho à l’égalité des citoyens devant la loi ; tous sont libres et responsables, nul n’est assigné à résidence spirituelle ou identitaire. Dans cet espace, les valeurs de la République – Liberté, Égalité, Fraternité – cessent d’être des mots gravés sur le fronton des mairies pour devenir une discipline intérieure. La devise de la République est aussi celle de la Grande Loge de France et figurait déjà, en 1795, dans les Livres d’Architecture. Aujourd’hui encore, le triptyque républicain est inscrit au « Chapitre II – Souveraineté de la Grande Loge – Autonomie des Loges, Article 1 » de la Constitution et règlements généraux, 6024, et s’affiche dès la première page : « À la Gloire du Grand Architecte de l’Univers – Grande Loge de France – franc-maçonnerie de Rite Écossais Ancien et Accepté – Ordo Ab Chao – Liberté, Égalité, Fraternité – fondée en 5728, reconstituée le 7 novembre 5894 – Constitution et règlements généraux ».

La liberté s’y vit comme liberté de pensée, de conscience, de parole, mais aussi comme capacité à entendre celle de l’autre sans l’écraser. L’égalité se traduit par le refus des hiérarchies d’origine, de fortune, de croyance : le plus humble des Apprentis partage la même dignité que le dignitaire le plus élevé. La fraternité, enfin, ne se réduit pas à une bienveillance tiède ; elle est cette décision obstinée de reconnaître l’autre comme un sujet, y compris lorsqu’il ne pense pas, ne croit pas comme nous. Transposées dans l’espace citoyen, ces exigences invitent à une vigilance quotidienne : dans la manière de débattre, de légiférer, de commenter l’actualité, de parler des « autres » – migrants, minorités religieuses, athées, croyants – sans les réduire à leurs appartenances.

Le Convent de Lausanne, relu à la lumière de 1905, apparaît comme une préfiguration maçonnique de la laïcité républicaine : un cadre commun, non dogmatique, au sein duquel peuvent coexister des convictions différentes, voire opposées, pourvu qu’elles renoncent à la violence et à la prétention hégémonique. Le REAA montre que cette cohabitation n’est pas seulement possible, elle est féconde. Les degrés invitent à méditer des mythes bibliques, chevaleresques, hermétiques ; ils convoquent Salomon et Hiram, Jean l’Évangéliste et les bâtisseurs anonymes, sans exiger que ces figures soient « crues » au sens catéchétique. Elles sont proposées comme des miroirs, des paraboles, des outils pour dégager la conscience de ses habitudes et lui permettre de se tenir dans un espace où plusieurs interprétations peuvent coexister.

Transposée à la cité, cette logique symbolique nous rappelle que l’espace public n’a pas à effacer les différences, mais à les rendre compatibles. La loi de 1905 n’est pas un catéchisme de plus, elle est un mode d’emploi pour vivre ensemble : elle trace une frontière nette entre ce qui relève de la puissance publique – les règles communes, les droits, les devoirs – et ce qui relève du for intérieur – les croyances, les refus, les doutes. Quand la laïcité est comprise ainsi, elle cesse d’être un prétexte à exclure tel ou tel signe de l’espace social au nom d’une prétendue pureté culturelle ; elle devient une méthode de pacification, un art de la distance juste entre la conviction personnelle et la loi commune.

Dans le langage des valeurs républicaines, la liberté de conscience est volontiers présentée comme le cœur de la laïcité. Dans le langage du REAA, elle apparaît comme l’autel intérieur où chacun dépose ses certitudes pour les éprouver à la lumière du symbole. Entre ces deux registres, civique et initiatique, il n’y a pas opposition, mais circulation. Le citoyen qui apprend à respecter la conviction d’autrui, y compris lorsqu’elle le bouscule, fait un pas vers l’attitude maçonnique. Le maçon qui, en loge, s’exerce à écouter des paroles venues d’horizons spirituels divers, s’initie à une citoyenneté capable d’affronter les tensions de la société sans céder aux réflexes d’exclusion.

Temple maçonnique de Rochefort (Crédit rochefort-ocean)

Lorsqu’il s’agit d’accompagner des agents publics confrontés à une provocation identitaire, à un prosélytisme agressif, à une revendication religieuse dans un service, se retrouve, sous une autre forme, la même exigence que dans le Temple : faire passer la personne avant l’étiquette, la dignité avant l’appartenance, la recherche de la paix avant le goût de la polémique. Il ne s’agit pas de céder à toutes les demandes, mais de les examiner à la lumière d’un principe simple : ce qui protège la liberté de conscience de tous mérite d’être défendu ; ce qui prétend imposer une vérité à tous doit être limité.

Dans un monde travaillé par les crispations identitaires, les replis communautaires et les simplifications haineuses, la maçonnerie écossaise rappelle que la liberté de conscience n’est pas une concession fragile, mais la condition même de ce qu’il est possible de nommer non pas seulement le vivre-ensemble, mais la concorde universelle. La laïcité, loin d’être une arme dirigée contre les religions, se révèle alors comme une méthode de pacification : chacun laisse son dieu, ses certitudes, ses refus, sur le seuil des institutions publiques ; tous se retrouvent comme citoyens, à égalité de droits et de devoirs. Dans le Temple, le geste est analogue : chacune et chacun est invité à déposer ses appartenances profanes pour ne garder que l’essentiel, cette part de lui-même qui consent à travailler pour davantage de justice, de lucidité et de fraternité. Ce dépouillement n’abolit pas les identités, il les désarme.

Relire Lausanne à l’heure de la République laïque, c’est accepter une double interpellation Pour les maçons du REAA, il s’agit de ne pas transformer le Grand Architecte de l’Univers en frontière implicite, en test d’orthodoxie déguisé, mais de rester fidèles à l’esprit d’ouverture voulu en 1875. La référence au Principe ne doit pas devenir une arme contre celles et ceux qui le nomment autrement ou qui choisissent de ne pas le nommer. Pour les citoyens de 1905 comme de 2025, il s’agit de se souvenir que la laïcité n’est ni une religion d’État, ni un athéisme obligé, mais un cadre de liberté et de responsabilité. Elle n’a de sens que si la liberté de conscience reste vivante, instruite, éclairée, si nous acceptons de la défendre pour ceux dont nous ne partageons pas les convictions.

Entre la salle des pas perdus d’un palais de justice, la cour d’une école, la salle du conseil municipal et le pavé mosaïque d’un Temple écossais, la même exigence circule : permettre à l’être humain de se tenir debout, sans maître spirituel imposé, mais jamais livré à la seule tyrannie de son ego. C’est peut-être là le vrai legs de Lausanne et de 1905, à l’heure de leur dialogue renouvelé : avoir fait de la liberté de conscience non une abstraction juridique ou un thème de colloque, mais une voie de croissance pour chacun, une condition de la paix civile et une manière d’approcher le Mystère, en citoyens et en maçons, sous le regard discret du Grand Architecte de l’Univers, à l’ombre vigilante des valeurs de la République et à la lumière apaisante de la laïcité.

Aimer, Prières pour soi et les autres – Love, Prayers for oneself and others 

Aimer, Prières pour soi et les autres se présente comme un long rosaire de paroles adressées, un collier de textes qui ne cherchent pas à expliquer l’amour mais à le faire respirer. Dès les premières pages, nous entendons la voix d’Alexandre Rosada qui ne s’abrite pas derrière un concept abstrait, mais s’avance avec sa propre histoire, ses blessures, ses reconnaissances, ses fidélités. L’amour n’est pas ici un sentiment vague, encore moins un slogan. Il devient ce choix de présence dont parle la quatrième de couverture, une manière de se tenir debout face au monde, dans le souci de soi, dans l’acceptation de l’autre, dans la responsabilité envers la cité.

Chaque méditation est façonnée comme une prière intime, mais jamais confinée à une chapelle privée. Le texte français dialogue avec sa version anglaise – traduction de Saddam Hussein Abdul Kadir –, phrase après phrase, comme deux colonnes entre lesquelles circule un même souffle. Cette alternance n’est pas un simple dispositif éditorial. Elle travaille le lecteur, elle l’oblige à entendre la même pensée dans deux musiques différentes, à travers deux rythmes, deux mémoires, deux imaginaires. Nous sentons alors combien la langue elle-même devient un outil initiatique, comparable à ces instruments symboliques qui, dans la tradition maçonnique, servent à dégrossir la pierre brute. Passer d’un idiome à l’autre, c’est déjà élargir la loge intérieure, ouvrir l’amour à d’autres horizons, reconnaître que la fraternité n’a pas de langue officielle.

Alexandre Rosada aborde l’amour par cercles concentriques. Il commence par cette réalité presque inconcevable qu’est « Aimer l’Amour », cette source inépuisable qui irrigue ensuite toutes les autres formes de relation. Il décrit l’amour comme une émotion fondatrice, puissance de cohésion dans un monde fracturé, mais aussi comme une musique secrète, proche des murmures des forêts ou des fleurs nocturnes, qui révèle la beauté cachée des choses. À travers cette première méditation, nous percevons déjà une tonalité très proche de la démarche hermétique. L’amour est présenté comme un principe alchimique, capable de transmuter la division en unité, la peur en ouverture, l’égoïsme en générosité. Nous sommes renvoyés à ce travail intérieur dont parlent les rituels, ce lent passage du plomb des passions au métal plus pur d’une joie désappropriée.

Sainte Famille

Puis viennent les amours les plus proches, ceux qui sculptent la mémoire de chacun et fondent l’architecture du sujet. Aimer ses Frères et ses sœurs, aimer son Père, aimer sa Mère. Ces textes, nourris d’expériences très personnelles, touchent à la fois à la psychologie et au symbole. Dans l’évocation de la fratrie, nous retrouvons la première école de la différence, là où se négocient les jalousies, les rivalités, mais aussi les connivences et l’épaule offerte dans les moments sombres. Alexandre Rosada montre comment cette fraternité, parfois malmenée, parfois presque perdue, reste un lien indestructible, un fil rouge qui traverse les années. Nous pensons à la chaîne d’union maçonnique, à ces mains qui se tendent malgré les malentendus, parce qu’un même serment secret circule dans les profondeurs.

Le texte consacré au père se déploie comme une lente tentative de réconciliation avec une absence. L’auteur évoque la blessure silencieuse d’un père lointain, la quête jamais achevée d’un visage qui se dérobe, le sentiment d’un manque qui ne se comble pas, quelles que soient les substitutions affectives. Il ne s’agit pas d’un règlement de comptes, mais d’un travail de lucidité. Reconnaître le manque, l’accepter, discerner ce qu’il a façonné en nous, voilà déjà un acte d’amour. Le geste d’Alexandre Rosada rejoint ici une démarche initiatique profonde. Aimer son père, même lorsqu’il a été défaillant, revient à reconnaître l’axe vertical de notre généalogie, cette colonne qui, même fissurée, structure la maison intérieure. La maçonnerie ne dit pas autre chose lorsqu’elle invite à honorer la mémoire des anciens, non comme des figures idéales, mais comme des êtres faillibles à travers lesquels nous recevons une transmission.

Hans Memling – Mater Dolorosa

À la mère, l’auteur adresse des paroles de gratitude presque liturgiques. La mère devient demeure, veilleuse, présence inlassable. Le texte laisse affleurer une image mariale, discrète mais sensible. Nous entendons résonner la figure de la Mater Dolorosa, mais aussi celle de toutes les femmes silencieuses qui ont porté les générations. Aimer sa mère, ici, c’est reconnaître l’énergie matricielle qui traverse le monde, cette matrice où se mêlent soin, douceur et force. Dans une perspective maçonnique, cette figure rappelle la dimension féminine de la sagesse, cette Sophia que des courants hermétiques ont célébrée comme l’âme du monde.

Peu à peu, les méditations quittent le cercle familial pour s’ouvrir vers d’autres visages. « Aimer l’Autre », celui qui ne nous ressemble pas, celui qui nous dérange ou nous décale, apparaît comme une étape décisive. Alexandre Rosada insiste sur l’abandon de soi, non comme humiliation mais comme dépassement de la crispation identitaire. Aimer l’Autre, c’est reconnaître en chaque personne une valeur irréductible, au-delà des appartenances, des croyances et des préjugés. Les lignes consacrées à ce thème prennent une dimension quasi politique. Elles dénoncent les sociétés clivées, les régimes qui se nourrissent de la stigmatisation, et elles exaltent les communautés inclusives où chaque être humain peut trouver sa place dans le respect de ses droits et de ses devoirs. La fraternité, ici, quitte le domaine du sentiment pour devenir un projet de société. Nous ne sommes pas loin de l’idéal maçonnique d’une humanité rassemblée, où la diversité n’est plus vécue comme menace mais comme richesse partagée.

Ce qui frappe tout au long du livre, c’est la volonté de ne laisser aucune figure aux marges de l’amour. Alexandre Rosada se tourne vers les personnes handicapées, vers les malades, vers les mourants et ceux qui les accompagnent, vers les prisonniers, vers les pauvres autant que vers ceux qui vivent dans l’abondance, vers les personnes homosexuelles ou transgenres, vers ceux qui exercent le pouvoir politique, vers celles et ceux qui enseignent, soignent, jugent, transmettent le savoir scientifique. Chaque méditation prend le temps d’explorer la manière dont l’amour peut habiter ces situations, parfois marquées par l’exclusion, la honte, la domination ou la peur. Il ne s’agit pas de paroles morales qui surplombent, mais d’une tentative de se tenir au plus près de l’expérience.

Ainsi, aimer les prisonniers, c’est reconnaître la part d’ombre de la société, ce lieu où se concentrent les échecs, les violences, les ruptures de destin. Le texte invite à dépasser le seul registre de la faute pour accueillir la possibilité de la rédemption. Nous retrouvons ici un écho profond avec la symbolique de la Pierre d’achoppement, qui peut devenir pierre d’angle, si elle est remise à sa juste place. Aimer les personnes homosexuelles ou transgenres, c’est accueillir des existences qui, souvent, ont dû traverser le rejet, l’incompréhension, voire la persécution. Cette ouverture rejoint la quête maçonnique d’une fraternité sans exclusion, où chaque être est reconnu dans la singularité de son parcours.

L’amour ne se limite pas aux relations humaines. Plusieurs méditations célèbrent la nature, l’univers, la beauté du monde sensible. La forêt, les étoiles, les saisons, deviennent autant de modes de présence du divin, ou du moins d’une dimension sacrée de l’existence. Nous sommes proches d’une sensibilité cosmique très ancienne, que l’hermétisme, le symbolisme chrétien ou le bouddhisme ont, chacun à leur manière, honorée. Dans cette perspective, aimer la nature n’est pas une option écologique parmi d’autres. C’est reconnaître que nous ne sommes pas propriétaires de la création, mais participants d’un immense organisme vivant. Là encore, la lecture maçonnique affleure, avec l’idée que l’univers tout entier forme un Temple, dont chaque être constitue une pierre, un pilier, une ligne de force.

Une originalité majeure du livre réside dans la manière dont Alexandre Rosada traite la dimension religieuse. L’amour embrasse ici la foi, le bouddhisme, la figure de Dieu, mais aussi l’athéisme. La prière ne se réduit pas aux croyants. Aimer la foi, c’est reconnaître la puissance d’espérance et de consolation qu’elle porte, sans fermer les yeux sur ses dérives possibles. Aimer le bouddhisme, c’est honorer une sagesse de la vacuité et de la compassion. « Aimer Dieu… », c’est consentir à un Mystère qui dépasse nos définitions, qu’elles soient dogmatiques ou rationalistes. Mais aimer l’athéisme, c’est tout autant accueillir la quête sincère de ceux qui ne peuvent adhérer à une figure divine, et qui cherchent la vérité dans l’honnêteté de leur refus. Cette coexistence de regards traduit une spiritualité vraiment transversale, qui ne sacrifie ni l’intériorité ni l’esprit critique. Nous sommes loin d’un relativisme mou. Il s’agit plutôt d’une fraternité de chercheurs, telle que la franc-maçonnerie aime à la favoriser, où la diversité des convictions est tenue comme une richesse et non comme un motif de rupture.

André Comte-Sponville en 2014

Les méditations consacrées à la vie en communauté, à la famille, au célibat, à la jeunesse, à la vieillesse, composent une véritable anthropologie spirituelle. Alexandre Rosada n’idéalise ni l’enfance ni la maturité. Il montre comment chaque âge de la vie comporte sa grâce et ses déchirures, et comment l’amour, lorsqu’il est travaillé comme une voie intérieure, permet de traverser les étapes, d’accepter les transformations, de renoncer à la domination pour entrer dans le service. Nous pourrions lire ces pages comme autant d’échos aux différents degrés d’un parcours initiatique. À mesure que l’existence se complexifie, l’amour devient moins émotion brève que décision répétée, fidélité à la présence de l’autre, patience obstinée face aux contradictions du monde.

Une dimension plus discrète, mais essentielle, concerne la relation au temps, à l’histoire, au secret, au mystère. « Aimer le Temps », c’est refuser de faire de l’instant un tyran. C’est reconnaître que l’histoire de chacun, comme l’histoire collective, se construit dans la durée, que le passé porte encore des ressources de sens, que l’avenir peut être accueilli comme un champ de promesses plutôt que comme une menace. Aimer le secret, c’est accepter qu’il existe des zones de silence nécessaires à la profondeur de la relation. Là se glisse une tonalité très maçonnique. Le secret n’est pas dissimulation, il est espace de maturation. Le mystère, lui, n’est pas un vide, mais une surabondance de sens qui déborde nos mots. L’amour, tel que l’écrit Alexandre Rosada, n’épuise jamais ce mystère. Il en est le chemin privilégié.

Saint Jean l’Évangeliste

À la fin du parcours, trois méditations retiennent particulièrement l’attention, consacrées à Philia, Storgê et Agapè. En convoquant ces distinctions grecques, l’auteur rappelle que l’amour n’est pas monolithique. Philia, c’est l’amitié, l’affection réciproque entre égaux. Storgê renvoie à l’attachement familial, à la tendresse discrète qui lie les générations. Agapè désigne l’amour gratuit, sans retour, qui se donne sans calcul. Cette triade forme comme un triangle sacré. Elle n’est pas sans rappeler l’articulation entre les trois grandes vertus maçonniques, souvent associées à l’Équerre, au Compas et au Volume de la Loi sacrée. Alexandre Rosada invite à ne pas opposer ces formes d’amour, mais à les laisser se féconder mutuellement, afin que nos existences deviennent des lieux de passage pour une générosité plus vaste que nos seuls désirs.

Spinoza

Tout au long du livre, des citations jalonnent le chemin. André Comte-Sponville, Baruch Spinoza, Jean l’Évangéliste, Saint-Paul, Alain, Maurice Chapelan et quelques autres sont convoqués, non pour faire érudition, mais pour former une sorte de loge invisible de penseurs et de témoins. Chacun apporte une pierre à la compréhension de ce mystère qu’est l’amour. Cette polyphonie situe l’ouvrage dans une tradition de sagesse. L’auteur n’écrit pas isolé, il se tient dans une lignée de voix, comme un frère parmi d’autres, qui prend la parole à son tour dans le grand chantier de la conscience humaine.

Saint Paul écrivant ses épîtres par Valentin de Boulogne (1618-1620), Musée des beaux-arts de Houston

La tonalité maçonnique de l’ensemble ne tient pas à des allusions explicites aux rituels ou aux symboles de Loge. Elle se manifeste plutôt dans le regard porté sur l’humain, dans cette conviction qu’aucune existence n’est indigne d’être travaillée, relevée, transmutée. Chaque méditation ressemble à une planche intérieure, rédigée à la lumière des expériences vécues, des rencontres, des blessures et des joies. Le bilinguisme agit comme une double colonne. Les figures multiples de l’amour forment autant de pierres disposées sur le tracé d’un temple en chantier, temple qui n’est autre que la communauté humaine appelée à plus de justice et de paix.

Alexandre Rosada apparaît ainsi comme un passeur singulier. Journaliste durant près de quarante ans, il a traversé les secousses de l’histoire contemporaine dans la presse écrite et à la télévision, en gardant la rigueur de l’enquêteur. Mais derrière l’homme de médias se tient un homme d’âme. Écrivain du seuil, selon la belle expression utilisée pour le présenter, il relie spiritualité, traditions orientales, mémoire coloniale, science du symbolisme. Il est aussi poète, auteur de sonnets, amoureux de philosophie et de mythologie. Ce livre vient se situer à la croisée de ces héritages. Il porte la marque d’une plume sobre mais habitée, qui n’a pas peur de conjuguer la fragilité des confidences personnelles avec l’ampleur des interrogations métaphysiques.

Alexandre Rosada

Aimer, Prières pour soi et les autres est ainsi bien plus qu’un recueil de textes pieux. C’est un itinéraire de conscience qui invite chacun de nous à interroger sa manière d’aimer, à reconnaître les zones désertes où la peur a pris la place de l’ouverture, à accueillir les visages oubliés que la société relègue en périphérie. En refermant ces pages, nous sentons que l’amour, loin d’être un supplément d’âme, devient un travail quotidien, une ascèse, presque un art royal. Un art de vivre où chaque relation, qu’elle soit intime, sociale, politique ou spirituelle, peut devenir l’occasion d’ériger un peu plus de lumière dans ce monde troublé.

Aimer, Prières pour soi et les autres – Love, Prayers for oneself and others-Essai

Alexandre RosadaNouvelles Éditions Noir au Blanc, 2025, 240 pages, 22 €

Pour commander, c’est ICI

Sport & Laïcité : une journée à vivre ensemble en Charente

Aujourd’hui, samedi 29 novembre 2025, le Grand Orient de France donne rendez-vous au lycée de l’Oisellerie, à La Couronne (Charente), pour une grande journée publique « Sport & Laïcité – Enjeux et perspectives » de 10 h à 18 h. Une journée à vivre ensemble, ouverte à toutes et à tous, où se croisent le monde sportif, la réflexion citoyenne et l’engagement laïque.

Organisée par les loges du GODF de Charente, cette rencontre s’articule autour de plusieurs conférences-débats, d’une exposition consacrée à « La Laïcité et la Franc-Maçonnerie » et de témoignages de grandes figures du sport français. Mais pour mesurer la portée de l’événement, il suffit de regarder le parcours des intervenants qui ont répondu présent.

Au premier rang d’entre eux, Jean-Michel Quillardet, avocat au barreau de Paris, docteur en droit et licencié ès lettres, figure bien connue des francs-maçons et du monde laïque. Ancien Grand Maître du Grand Orient de France (2005-2008), il a marqué son mandat par un engagement constant en faveur de la laïcité, du débat public et de l’ouverture de l’Obédience sur la Cité. Initié au GODF dans les années 1980, il est également à l’origine de l’Observatoire international de la laïcité contre les dérives communautaires et l’auteur de plusieurs ouvrages consacrés à l’humanisme républicain et à la Franc-Maçonnerie.

À ses côtés, Médéric Chapitaux apporte l’expertise d’un homme de terrain et de recherche. Docteur en sociologie du sport, ancien gendarme, il est spécialiste des questions de radicalisation et de laïcité dans le champ sportif. Chef d’entreprise dans le secteur de la formation professionnelle, il est membre du Conseil des sages de la laïcité, organe consultatif rattaché au ministère de l’Éducation nationale, et intervient régulièrement auprès des collectivités et des acteurs du sport sur les enjeux de citoyenneté, de neutralité et de prévention des dérives.

Le regard plus philosophique est porté par Xavier Bryon, professeur de philosophie. Il travaille notamment sur les questions d’éthique, de responsabilité et de fair-play, en lien avec les pratiques sportives. Son intervention « Fair-play dans le sport » ouvre un espace de réflexion sur ce que signifie, concrètement, « jouer le jeu » dans une société traversée par les tensions identitaires, économiques et culturelles.

Autre universitaire invité, Joris Vincent, maître de conférences et historien du sport, spécialiste du rugby et de ses transformations. Ses travaux portent sur l’évolution des techniques de jeu, l’histoire sociale du rugby français et les liens entre professionnalisation, territoires et modèles éducatifs. Il apporte un éclairage précieux sur la façon dont un sport collectif peut devenir à la fois un outil d’intégration, un laboratoire social… ou un terrain de crispations.

La journée prend aussi une dimension très concrète avec la présence de trois grandes figures du sport de haut niveau

Lénaïg Corson, ancienne joueuse internationale de rugby à XV et à 7, passée par les plus grands clubs français et anglais, est de ces sportives qui ont incarné l’essor du rugby féminin. Médaillée de bronze à la Coupe du monde 2017, plusieurs fois vice-championne d’Europe, elle s’est reconvertie comme entrepreneure à impact, conférencière et militante engagée pour le sport féminin et la protection de l’environnement. Son témoignage fait résonner, de manière très concrète, la question de l’égalité, du respect et de la responsabilité à travers le sport.

Mayar (Mahyar) Monshipour, ancien champion du monde de boxe (WBA super-coqs), incarne quant à lui une trajectoire de vie emblématique. Né à Téhéran, arrivé en France adolescent, il devient champion de France, puis champion du monde au début des années 2000. Sa carrière, faite de combats, de travail acharné et de résilience, et son engagement ultérieur en faveur de la jeunesse et de l’intégration en font une voix forte pour parler de ce que le sport peut offrir à celles et ceux qui cherchent une place dans la société.

Enfin, Abdelatif Benazzi, ancien capitaine du XV de France, complète ce plateau d’exception. Né à Oujda au Maroc, international marocain puis français, joueur emblématique d’Agen et de l’équipe de France, il a été l’une des grandes figures du rugby mondial dans les années 1990. Aujourd’hui très impliqué dans la gouvernance du rugby, il occupe notamment des responsabilités à la Fédération française de rugby et au niveau international. Sa parole, forte et apaisée, porte sur la fraternité du vestiaire, la diversité dans les équipes nationales et la capacité du sport à faire tomber les frontières.

Tout au long de la journée, l’exposition « La Laïcité et la Franc-Maçonnerie » rappellera le lien ancien qui unit les ateliers maçonniques à la défense de la liberté de conscience, de la neutralité de l’État et du respect de chaque personne, quelles que soient ses convictions.

Une façon de montrer que, du Temple aux stades, du débat en loge aux terrains de jeux, c’est bien le même idéal qui est à l’œuvre : faire de la République un espace d’émancipation, de dignité et de fraternité.

Blason GODF

Si tu es en Charente ou à proximité, cette rencontre est clairement à ne pas manquer aujourd’hui : un moment rare où des chercheur(es), des militants(es) de la laïcité et des champions et championnes de haut niveau se retrouvent pour parler, ensemble, d’un même enjeu essentiel : comment faire du sport un véritable terrain de liberté, de respect et de fraternité partagée.

Les places étant limitées, l’inscription est obligatoire par courriel à l’adresse indiquée sur l’affiche. Si tu es en Charente ou à proximité, c’est LA rencontre à ne pas manquer aujourd’hui !

Infos pratiques

Lycée de l’Oisellerie – La Couronne
40 Allée de L’Oisellerie
16400 La Couronne
05 45 67 10 04
legta.angouleme@educagri.fr

Thanksgiving, mythe fondateur américain et miroir des valeurs maçonniques ?

Cette année, Thanksgiving est tombé le jeudi 27 novembre. Ce jour-là, des dizaines de millions d’Américains – ou presque – se sont retrouvés en famille ou entre amis, autour d’une dinde rôtie, de purée de patates douces et de tartes à la citrouille, pour dire « merci ». Merci pour l’année écoulée, pour la vie qui continue, pour le simple fait d’être réunis. Fête nationale, mythe fondateur, rite civil… et, si l’on regarde de plus près, miroir assez troublant de bien des thématiques chères à la franc-maçonnerie.

De la récolte au mythe fondateur

Les manuels scolaires aiment fixer la scène en 1621 : un repas partagé à Plymouth, en Nouvelle-Angleterre, entre colons anglais – les fameux « Pilgrims » – et Wampanoags, peuple autochtone sans lequel la petite colonie n’aurait probablement pas survécu à ses premières années. Ce banquet de récolte, l’un parmi d’autres, n’est pas encore « Thanksgiving », mais il deviendra, deux siècles plus tard, le récit officiel du « premier Thanksgiving ».

En réalité, les colons de Nouvelle-Angleterre, d’inspiration calviniste, observaient déjà des « jours d’action de grâce » ou de jeûne, proclamés ponctuellement pour remercier la Providence après une victoire, la fin d’une épidémie ou une bonne récolte. Ce n’est qu’au XIXᵉ siècle, après des décennies de lobbying d’une éditrice, Sarah Josepha Hale, qu’Abraham Lincoln décrète en 1863 une journée nationale de Thanksgiving, en novembre, au cœur même de la guerre de Sécession, pour tenter de rassembler une nation déchirée.

Plus tard, en 1941, Franklin D. Roosevelt – initié à New York le 11 octobre 1911 – fixe définitivement la date au quatrième jeudi de novembre, ce qui explique que Thanksgiving tombe en 2025 le jeudi 27 novembre. Autrement dit, nous avons affaire à une fête à la fois très ancienne dans son inspiration – les repas de récolte existent dans toutes les cultures – et très moderne dans sa forme nationale, forgée par les besoins politiques et symboliques des États-Unis.

Une fête maçonnique ? Pas vraiment… mais les frères ne sont jamais loin

Thanksgiving ne naît pas dans une loge, ni comme une célébration rituelle maçonnique. Elle est d’abord enracinée dans la culture religieuse des colons protestants, puis dans la construction d’un récit national américain. Mais lorsqu’on regarde qui façonne ce récit au XVIIIᵉ siècle, les visages de plusieurs Francs-maçons apparaissent très vite.

Ainsi, en 1789, George Washington, qui a reçu la lumière le 4 novembre 1752, que George Washington, âgé de vingt ans, au sein de la Loge de Fredericks (actuellement Loge n° 4 de la Grande Loge de Virginie) et élevé à la maîtrise le 4 août 1753, et premier Président des États-Unis d’Amérique, proclame par décret une journée de « thanksgiving » et de prière, pour remercier la Providence du nouveau gouvernement et de la jeune Constitution. Ce texte, souvent relu dans les cercles maçonniques, ressemble à bien des égards à une planche de loge : reconnaissance d’un Dieu de raison et de Providence, insistance sur la gratitude, appel à l’unité nationale.

De nombreux auteurs maçonniques contemporains se sont d’ailleurs amusés à retracer les liens discrets entre Thanksgiving et la culture maçonnique : influence des Pères fondateurs membres de la fraternité, style quasi « rituel » de certaines proclamations, rôle des loges dans les cérémonies publiques, jusqu’aux monuments commémoratifs dont les premières pierres furent posées par des Grandes Loges, comme à Plymouth pour le monument aux Pères pèlerins.

Il serait abusif de dire que « la Franc-maçonnerie a inventé Thanksgiving ». En revanche, il est difficile de nier que la sensibilité maçonnique – religiosité non dogmatique, valorisation de la vertu civique, importance de la gratitude et de la fraternité – a largement irrigué l’univers symbolique dans lequel cette fête s’est déployée.

Gratitude, agapes et « blé, vin et huile »

Du point de vue maçonnique, Thanksgiving ressemble presque à une immense tenue de table profane à l’échelle d’un continent. On y retrouve plusieurs motifs familiers :

  • Le repas partagé : au-delà de la dinde et des traditions familiales, Thanksgiving affirme un principe simple : s’asseoir ensemble, quelles que soient nos opinions, pour reconnaître ce que nous avons reçu. C’est tout le sens des agapes maçonniques, qui prolongent le travail au Temple dans un moment de convivialité, de parole libre et de fraternité.
  • Les fruits de la Terre : la table de Thanksgiving, dressée à la fin de l’automne, exhibe les produits de la récolte : maïs, courges, céréales… Les auteurs maçons n’ont pas manqué d’y voir un écho au triple symbole du « blé, du vin et de l’huile » des rituels maçonniques de consécration et de pose de première pierre, qui représentent la prospérité, la joie et la paix.
  • La parole de gratitude : dans de nombreuses familles américaines, on fait un tour de table pour dire à voix haute ce pour quoi l’on est reconnaissant. Plusieurs Grandes Loges ont fait le parallèle avec la notion maçonnique d’« action de grâces » : un moment où le frère ou la sœur, au-delà des demandes, reconnaît ce qui lui a été donné par le Grand Architecte, par la vie, par ses proches.

Pour un œil maçonnique, Thanksgiving devient ainsi un « rituel civil » qui met en scène, dans la maison familiale, ce que la loge cherche à cultiver dans le Temple : la conscience des dons reçus, le partage, la modération, la mémoire des épreuves traversées.

Une fête entre lumière… et ombre

Toute fête nationale est aussi un récit, donc un tri. Depuis plusieurs décennies, des voix, notamment amérindiennes, rappellent que le mythe de l’harmonie entre colons et peuples autochtones masque la violence de la conquête, les spoliations de terres, les épidémies et les massacres qui suivront. Des institutions culturelles américaines invitent aujourd’hui à « repenser Thanksgiving » à partir du point de vue des peuples autochtones, en déconstruisant le roman rose du « premier repas partagé ».

Pour un franc-maçon, cette tension n’est pas un accident, mais presque une clé de lecture. Toute lumière projette une ombre. Une fête de gratitude qui ne prendrait pas en charge la mémoire des victimes, des exclus, des voix étouffées, se transformerait en simple anesthésie collective. Au contraire, une Thanksgiving lucide peut devenir un moment d’examen de conscience : de quoi vivons-nous, et à quel prix ?

On peut alors imaginer des loges américaines profitant de la semaine de Thanksgiving pour rappeler que la vraie fraternité ne se limite pas à ceux qui sont déjà assis à table, mais s’étend aux absents, aux marginalisés, aux peuples dont l’histoire a été effacée du récit dominant.

Pourquoi cette fête parle aussi aux Francs-maçons… jusqu’en France

Vue depuis l’Hexagone, Thanksgiving est souvent réduite à un cliché de séries télé : grosse dinde, football américain et promotions du « Black Friday » le lendemain.

Mais si l’on dépasse la caricature, cette fête interroge des questions qui nous sont familières en loge :

  • Comment une société construit-elle un mythe fondateur, et que fait-elle des parts d’ombre de ce mythe ?
  • Comment un peuple articule-t-il sa gratitude – religieuse, spirituelle ou simplement humaine – sans sombrer dans le prosélytisme ni la consommation ?
  • Comment un rituel civil peut-il, à son insu, mettre en scène des valeurs maçonniques : fraternité, fidélité à la parole donnée, mémoire des origines, aspiration à l’unité au-delà des clivages ?

Le jeudi 27 novembre 2025, lorsque les foyers américains ont allumé leurs fours et ont dressé leur table, nous pourrons, de ce côté-ci de l’Atlantique, regarder cette fête avec un œil un peu différent. Non comme une curiosité exotique, mais comme un miroir : celui d’une humanité qui cherche, tant bien que mal, à remercier pour la vie qui lui est donnée, tout en apprenant, pas à pas, à regarder son propre passé avec plus de vérité.

Et si nous profitions nous aussi de cette occasion pour faire – il n’est jamais trop tard –, en silence ou à voix haute, notre propre « action de grâce » maçonnique – pour les rencontres, les épreuves, les travaux de l’année –

alors Thanksgiving, sans être une fête maçonnique, aura trouvé une résonance très particulière dans nos cœurs d’initiés.

« Tire la chevillette, la bobinette cherra » : une invitation symbolique à frapper à la porte du Temple

Dans l’univers enchanté des contes de Charles Perrault, une phrase anodine en apparence résonne comme un écho initiatique : « Tire la chevillette, la bobinette cherra. » Tirée du Petit Chaperon rouge, cette formule, prononcée par la grand-mère – ou plutôt par le loup déguisé – invite l’enfant à actionner le mécanisme qui ouvre la porte de la chaumière. Mais au-delà du récit enfantin, cette expression porte en elle les germes d’une symbolique profonde, particulièrement résonnante dans le monde maçonnique.

Charles-Perrault,-portrait–par-Charles-Le-Brun


Elle fait écho aux invitations répétées au sein du paysage maçonnique, qui encourage les profanes à frapper à la porte du Temple. Comme si, en tirant sur cette chevillette imaginaire, on libérait non seulement un loquet, mais les chaînes de l’ignorance pour accéder à la lumière intérieure. Ce paysage multiplie les initiatives telles que des expositions, des conférences à Paris, dans toute la France et même à l’étranger, pour recruter de nouveaux membres, reflétant un désir partagé d’ouverture à ceux en quête de sens.
 
 
Le conte de Perrault : un voyage initiatique dissimulé

Charles Perrault, maître des contes moraux du XVIIe siècle, n’était pas franc-maçon – la Franc-Maçonnerie moderne naîtra quelques années après sa mort en 1703. Pourtant, ses récits regorgent de motifs symboliques qui prêtent à une lecture ésotérique. Dans Le Petit Chaperon rouge, la jeune fille, coiffée de son chaperon écarlate symbolisant l’innocence et le sang des épreuves, s’aventure dans la forêt obscure – métaphore du chaos primordial et des épreuves de l’initiation. Le loup, figure du trompeur, incarne les illusions et les faux guides qui guettent le profane sur le chemin de la connaissance.

Arrivée à la porte de la grand-mère, l’héroïne entend la voix altérée : « Tire la chevillette, la bobinette cherra. » Ce mot de passe, simple en surface, est un test d’obéissance et de confiance. En actionnant le mécanisme, le Chaperon ouvre la porte… et entre dans le ventre de la bête. Dans une approche maçonnique du conte, cette ingestion symbolise l’absorption par le mystère, une mort symbolique suivie d’une renaissance – à l’image des rites d’initiation où le candidat est « avalé » par le Temple pour renaître en apprenti. La chevillette devient ainsi le fil conducteur vers l’intérieur, rappelant le fil à plomb maçonnique qui descend du ciel pour sonder les profondeurs de l’âme.
Cette interprétation n’est pas nouvelle : des analyses maçonniques du conte soulignent comment le loup représente les dangers de la naïveté face à l’autorité déguisée, invitant à un discernement essentiel en Maçonnerie. « Tire la chevillette » n’est pas qu’un ordre ; c’est une invitation à agir, à transformer le plomb de la peur en or de la sagesse, selon la devise alchimique V.I.T.R.I.O.L. – « Visita Interiora Terrae, Rectificando Invenies Occultum Lapidem » – souvent évoquée dans les cercles maçonniques.

L’écho contemporain : l’appel collectif aux profanes

Aujourd’hui, le paysage maçonnique français manifeste une claire volonté de recruter en invitant les profanes à frapper à la porte du Temple.
 
Cette ouverture se traduit par une multiplication d’initiatives : expositions thématiques, conférences publiques à Paris ou dans d’autres villes de France, et même des événements à l’étranger, ainsi que des formulaires en ligne pour faciliter les candidatures spontanées. Pour ce paysage, frapper à la porte n’est pas un acte physique isolé, mais une métamorphose intime, reliant l’exploration de soi à une quête spirituelle.
Mais attention : comme dans le conte, l’invitation n’est pas sans garde-fou. La Maçonnerie, quel que soit le rite pratiqué, exige respect, liberté de conscience et un doute fécond. Tirer la chevillette, c’est oser, mais avec discernement – éviter le loup des illusions pour embrasser la grand-mère de la sagesse. Le paysage maçonnique insiste sur cette fraternité universelle : il n’impose rien, il propose un chemin symbolique pour transformer le cœur. Des initiatives comme des conférences communes ou des engagements pour l’égalité et l’ouverture internationale illustrent cette volonté de recruter largement tout en préservant les valeurs essentielles.

Et maintenant ? Une chevillette pour l’avenir

En ces temps pressés, où le monde extérieur hurle comme un loup affamé, la Franc-Maçonnerie offre un refuge pour l’âme en quête. « Tire la chevillette, la bobinette cherra », nous murmure Perrault à travers les siècles, et le paysage maçonnique le reprend en écho : frappez à la porte ! Que ce soit lors d’une conférence publique ou en frappant à la porte d’une Loge, l’acte est le même – un pas vers la lumière, une transmutation alchimique.
Toutefois, cette multiplication d’initiatives soulève une question : cela relève-t-il de l’initiatique ou du besoin d’accroître son chiffre d’affaires afin de faire face aux charges fixes en perpétuelles augmentations ?
Chers lecteurs de 450.fm, si vous entendez cet appel, n’hésitez pas. La bobinette cherra, et avec elle, les voiles de l’ignorance. Comme le soulignent ces efforts collectifs, la Maçonnerie est une chevalerie spirituelle : tirez, frappez, et découvrez l’occultum lapidem en vous.

B’nai B’rith : Une fraternité juive au service de l’humanité depuis 1843

B’nai B’rith est une organisation juive internationale de type fraternel et humanitaire, fondée à New York en 1843 par douze immigrés juifs allemands. Son objectif initial était de soutenir les nouveaux arrivants confrontés à des conditions de vie difficiles dans une Amérique en pleine expansion.

Calqué à l’origine sur le modèle des sociétés de loges maçonniques – avec des rituels, des grades et un esprit de solidarité mutuelle –, l’“Ordre indépendant du B’nai B’rith” (qui signifie « Fils de l’Alliance » en hébreu) s’est transformé au fil des décennies en une ONG présente dans de nombreux pays.

Aujourd’hui, elle se consacre à la solidarité communautaire, à la défense des communautés juives face à l’antisémitisme, et à la promotion des valeurs humanistes du judaïsme, en écho aux principes universels de fraternité et d’entraide chers à la Franc-maçonnerie.

En cette année 2025, B’nai B’rith met en lumière son réseau dédié aux jeunes professionnels : B’nai B’rith Connect

Cette initiative se présente comme un véritable incubateur de leadership juif engagé, articulant défense d’Israël, mémoire de la Shoah, action sociale et diplomatie publique. À travers sa dernière newsletter (ou one-pager) pour 2025, intitulée « Global Opportunities for Young Professionals », l’organisation invite une nouvelle génération à s’impliquer dans des actions concrètes, alliant engagement local et impact global.

Un réseau mondial de jeunes leaders

La newsletter 2025 de B’nai B’rith Connect met en avant une génération de jeunes adultes juifs déterminés à répondre à la montée de l’antisémitisme en ligne, à la délégitimation d’Israël et au négationnisme. Héritier de 181 ans d’engagement de B’nai B’rith International, ce réseau offre une voie structurée vers les responsabilités communautaires et la philanthropie pour des professionnels en début ou milieu de carrière. Les membres participent à des événements exclusifs, comme des rencontres dans des consulats et ambassades, ou des discussions stratégiques avec des leaders mondiaux, contribuant ainsi à avancer les priorités politiques de l’organisation sur la scène internationale.

Mémoire de la Shoah et responsabilité historique

Crypte du Memorial de la Shoah Paris

Au cœur de cette publication figure le programme « Unto Every Person There Is A Name », soit « À chaque personne est donné un nom », en partenariat avec Yad Vashem. Ce rituel consiste à réciter les noms des victimes de la Shoah lors d’une cérémonie émouvante, rappelant que derrière chaque statistique se cache une histoire humaine unique. B’nai B’rith Connect agit comme le relais nord-américain de cette initiative, chargeant les jeunes générations de la mission de transmettre, d’éduquer et de combattre l’oubli. La newsletter relate également des témoignages poignants, comme celui d’Eden Gafner, survivante des attaques du Hamas du 7 octobre 2023, qui incarne la résilience et appelle à l’action collective.Plaidoyer pour Israël et diplomatie citoyenne

Le soutien à Israël est central dans les activités de Connect

Taxis jaunes à NYC - Time Square
Taxis jaunes à NYC – Time Square

La newsletter évoque des participations à des marches comme l’Israel Day on 5th Parade à New York, ou des visites dans des ambassades étrangères. Les « Diplomatic Encounters » offrent un accès privilégié à des diplomates du monde entier pour discuter d’enjeux cruciaux : Israël, la lutte contre le mouvement BDS (Boycott, Divestment and Sanctions), et la combat contre l’antisémitisme. Ces expériences transforment les membres en activistes informés, engagés dans une diplomatie citoyenne qui prolonge l’esprit fraternel de B’nai B’rith.

Éducation, mentorat et service communautaire

Un volet innovant mis en lumière est le partenariat avec le programme « Chat Away in Israel » de l’organisation ESRA (English Speaking Residents Association). Des bénévoles de Connect aident des collégiens et lycéens israéliens à perfectionner leur anglais conversationnel via des appels hebdomadaires sur Zoom. S’ajoutent à cela des actions locales, comme la préparation de kits d’urgence pour seniors à la résidence B’nai B’rith dans le Bronx, ou des projets de mentorat. Ces initiatives incarnent la devise « people helping people » – des gens aidant des gens –, adaptée aux aspirations des jeunes générations, et rappellent les valeurs humanitaires partagées avec les traditions maçonniques.

Le pont Japon–États-Unis–Israël : le projet Kakehashi

B'nai B'rith

La newsletter revient sur la participation de leaders de Connect au Kakehashi Project, un programme de diplomatie culturelle financé par le ministère japonais des Affaires étrangères et géré par le Japan International Cooperation Center (JICE). Depuis 2016, B’nai B’rith y prend part, favorisant des échanges trilatéraux entre les États-Unis, le Japon et Israël. Un témoignage de Gabby Glubochansky décrit une visite émouvante au musée-mémorial du tremblement de terre de Kobe, soulignant la résilience collective et l’importance de la solidarité – des thèmes qui résonnent avec l’histoire juive et les principes de fraternité universelle.Pour en savoir plus sur les événements à venir, les modalités d’adhésion ou de don, la newsletter renvoie au site dédié de B’nai B’rith Connect (https://www.bnaibrith.org/connect/) et aux coordonnées de la program manager, Liz Krebs (BBIConnect@bnaibrith.org).

Elle invite explicitement les jeunes professionnels – y compris ceux issus de milieux maçonniques ou fraternels – à rejoindre ce réseau où fierté juive rime avec engagement concret et humanitaire.

B’nai B’rith, avec son héritage fraternel inspiré des loges, continue de tisser des liens de solidarité dans un monde en quête de valeurs partagées. Pour 450.fm, cette organisation illustre comment les principes d’entraide et de défense des opprimés transcendent les frontières, en écho à l’universalisme maçonnique.

450.fm avait déjà consacré deux articles au B’nai B’rith

articles déjà parus

2 avril 2022

B’naï B’rith France : Philippe Meyer réélu Président

ParLa Rédaction

5 juin 2024

Italie : quand le Grand Orient d’Italie (GOI) tenait tête au fascisme

Sous le titre de couverture « Massoneria e fascismo », le numéro de novembre 2025 d’Erasmo – Notiziario del GOI déroule une méditation sur la persécution maçonnique et la reconstruction de l’Ordre en Italie. Ouvert par des citations de Dante et de Tolstoï autour du ciel étoilé et de la « vita nuova », il se place d’emblée sous le signe d’une sortie des ténèbres vers la lumière, faisant dialoguer mémoire des lois fascistes, courage des frères et renaissance maçonnique.

Le dossier principal, dans la rubrique « La nostra storia », est consacré au centenaire de la mise au ban du Grande Oriente d’Italia par le régime fasciste. L’article « Il tempo del coraggio » revient sur le décret du 22 novembre 1925 par lequel le Grand Maître Domizio Torrigiani décide de dissoudre les quelque cinq cents loges de l’Obédience, quelques jours avant la loi sur les associations qui interdit de fait la franc-maçonnerie en Italie. Le texte rappelle que cette décision est présentée comme une mesure de protection des frères face aux violences des squadristes et à la dérive liberticide des « lois fascistissimes ».

L’article retrace ensuite la montée en puissance de la dictature, le rôle de Mussolini, l’assaut de Palazzo Giustiniani, la campagne de presse anti-maçonnique, les procès politiques et le confino. Torrigiani, arrêté en 1927 après le procès de Zaniboni et Cappello, devient la figure emblématique du « Gran Maestro martire ». Exil, clandestinité et dispersion des frères à l’étranger sont décrits comme les seules alternatives à la soumission. Le texte insiste sur la contribution des loges en exil à la future renaissance de l’obédience et sur l’aide de la Masonic Service Association américaine après 1945, dans un cadre de solidarité maçonnique internationale soutenue par le président Truman.

Le récit se prolonge jusqu’à la reconstitution du GOI en 1945 et à l’élection de Guido Laj comme premier Grand Maître de l’après-guerre. Le portrait brosse la figure d’un socialiste réformiste et républicain, attaché à la laïcité de l’État, à la lutte contre toute forme de tyrannie et à la reconstruction d’une classe dirigeante démocratique. Il rappelle la position du GOI en 1946, laissant libres les frères dans le choix entre monarchie et république, mais en les invitant à se référer à l’héritage mazzinien.

Autour de ce noyau historique, le numéro donne une large place à la vie interne de l’Ordre. Un article relate à Casa Nathan une tenue de célébration du gemellaggio entre quatre loges (Garibaldi-Pisacane di Ponza-Hod, Savorgnan d’Osoppo, Galileo Galilei et Aletheia), en présence de plusieurs dignitaires, centrée sur une planche consacrée à la justice maçonnique et à l’équilibre entre justice interne et recours au droit profane.

Une autre page présente, à Rome, une cérémonie d’initiation particulièrement mise en valeur : un profane musulman reçoit la lumière dans la loge Adriano Lemmi, initié par un Vénérable Maître de confession juive. Le texte insiste sur la portée symbolique de ce moment dans le contexte des tensions contemporaines entre communautés, et sur la vocation universaliste du GOI au-delà des dogmatismes religieux.

À Milan, la revue rend compte d’une agape rituelle réunissant près de cent frères de seize loges dans la Casa Massonica. L’article parle d’un « rinascimento lombardo » : il met l’accent sur la dimension éducative et initiatique de l’agape, sur la rigueur du cérémonial et sur la volonté de renforcer l’harmonie entre les ateliers autour du nouveau Collège des Maîtres Vénérables.

Un bloc important est consacré à Gaetano Filangieri, présenté comme un « profeta dei diritti ». La revue rappelle sa biographie, sa place dans l’Illuminisme napolitain, sa grande œuvre La Scienza della Legislazione – best-seller européen du XVIIIᵉ siècle –, et son influence sur la naissance du constitutionnalisme moderne et sur le débat américain à l’époque de Franklin. L’article insiste sur l’intuition centrale de Filangieri : les droits fondamentaux doivent être garantis par un texte supérieur à la loi ordinaire, la constitution, qui limite les abus de pouvoir et fixe des garanties non négociables.

Rome,-Palais-Giustiniani-GOI

Une rubrique News & Views s’ouvre sur la présentation de l’exposition « Dalí. Il sogno del classico » à Rome, mettant en avant le dialogue de l’artiste avec la tradition picturale et le surréalisme, puis sur les vingt ans du MUMEC d’Arezzo, dont une partie des collections est proposée au programme UNESCO « Memory of the World » sur le thème « The Means of Memory ». Le texte insiste sur la fragilité paradoxale de la mémoire à l’ère numérique.

Le Temple maçonnique de Santa Cruz de Tenerife (îles Canaries, Espagne)
Le Temple maçonnique de Santa Cruz de Tenerife (îles Canaries, Espagne)

Dans la même rubrique, un article relate la réouverture, à Santa Cruz de Tenerife, du temple maçonnique restauré, après des décennies de profanation et d’abandon depuis la Guerre civile espagnole et la loi franquiste de répression de la franc-maçonnerie et du communisme. L’ensemble offre un contrepoint international au dossier sur fascisme et totalitarismes, en montrant comment la restauration d’un temple s’inscrit dans un travail de mémoire civique.

Portrait publicitaire de Clark Gable, vers 1940.

Les pages « Anniversari » évoquent notamment un concert Sibelius du 25 octobre 1945 et un article sur l’acteur Clark Gable confronté au racisme hollywoodien, prolongeant la réflexion sur les libertés et les droits dans le monde profane. La rubrique « Grande Letteratura » s’arrête sur Tolstoï et la Franc-maçonnerie, en lien avec les citations de Guerre et Paix en ouverture, pour interroger la dimension de quête spirituelle et de renaissance intérieure dans l’œuvre de l’écrivain russe.

Stefano-Bisi Photo Ansa
Stefano-Bisi Photo Ansa

Enfin, un « Speciale elezioni » présente le décret du Grand Maître Stefano Bisi fixant au 1ᵉʳ février 2026 l’élection du nouveau Grand Maître et de la nouvelle Giunta pour le quinquennat 2026-2031. Deux listes complètes sont publiées, avec les noms des candidats aux fonctions de Grand Maître, Grands Maîtres Adjoints, Grands Surveillants, Grand Orateur et Grand Trésorier, ainsi que les modalités de vote, incluant la possibilité d’un second tour si aucun candidat n’atteint 40 % des suffrages exprimés. Les curricula des candidats complètent ce dossier institutionnel.

L’ensemble du numéro articule ainsi mémoire de la persécution fasciste, valorisation de figures des Lumières, vie rituelle des ateliers et actualité institutionnelle du GOI, dans une perspective qui lie défense des libertés, universalité des droits et pratique maçonnique contemporaine.

Le mot de René : « La conscience : dimension morale du maçon »

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La définition de la conscience par « la connaissance qu’a l’homme de ses états, de ses actes et de leur valeur morale » (lexilogos) confond avec brio les deux dimensions de cette notion : cognitive et morale. Le premier aspect a été présenté le 5 novembre 2025.

Deuxième étape aujourd’hui.

La conscience : dimension morale

« Ne jamais agir à l’encontre des commandements de sa conscience »

Constitutions d’Anderson.

« L’œil était dans la tombe et regardait Caïn ».

(La Légende des siècles) Victor Hugo

Dernier vers de Victor Hugo de son poème La conscience : on n’échappe pas à sa conscience morale, même dans son tombeau.

Individuelle

« Connais-toi toi-même ».

Socrate

« L’Homme n’accède à un niveau de conscience que quand il a transmué le vil plomb des pulsions fondamentales ».

Rituel

Si l’examen de conscience avait été inventé par les pythagoriciens, c’est au fronton du temple d’Apollon à Delphes qu’on lit la sentence : « Connais-toi toi-même, laisse le monde aux dieux. » Cela rappelle à l’homme qu’il doit se contenter de sa condition, ne pas chercher à se rapprocher du divin. Socrate ne retient de l’expression complète que « Connais-toi toi-même » ; pendant les vingt dernières années de sa vie, sa mission consiste à aider ses concitoyens à accéder à la connaissance intérieure.

Se connaître soi-même, c’est se soucier de soi : l’homme doit détourner son attention de ce qui n’est pas son être véritable pour la tourner vers ce qu’il est réellement, ou plutôt vers ce qu’il doit être. Il ne s’agit pas de se complaire dans ses opinions mais de se hausser jusqu’à ce qui appartient à la nature humaine en général. En tout esprit humain existe un savoir qui n’attend que d’être extrait. C’est la voie pour échapper à ce que Platon nomme « la double ignorance » : ne pas avoir conscience de son ignorance.

Ce n’est donc pas une introspection narcissique et égotiste mais un programme de vie morale. Selon Aristote, Socrate cherche à définir les vertus, à en saisir l’universalité afin de rendre les hommes vertueux. On ne succombe au mal que parce qu’on ne le connaît pas. Le bonheur est indissociable de la vertu.

Saint Augustin

Saint Augustin donne une nouvelle dimension au logos des philosophes anciens en mettant Dieu au plus profond de lui, dans sa conscience. « Et voici que Tu étais dedans et moi dehors et c’est là que je te cherchais. Tu dis : montre-moi ton Dieu. Je dis : montre-moi ton âme. » Un maître intérieur nous enseigne et nous attend : « Au lieu d’aller dehors, rentre en toi-même. C’est dans l’homme intérieur qu’habite la vérité. »

« Le sentiment d’un tribunal intérieur en l’homme « devant lequel ses pensées s’accusent ou se disculpent l’une l’autre » est la conscience » Kant, Métaphysique des mœurs, 1797.

« Ma conscience pure… est ma force »

Rituel.

Dans Tintin au Tibet, Milou est écartelé entre les conseils de son ange gardien qui lui indique son devoir et l’envie de suivre son démon tentateur pour s’emparer d’un os.

Socrate entendait la voix divine de son démon. Mais qu’est-ce qui délibère en nous lorsque nous sommes dans la situation de Milou ou de Socrate ? Kant pose que c’est en nous que cela se tient. Pour savoir si ce que nous faisons est bien ou mal, il faut d’abord en avoir conscience ; il faut avoir connaissance de ce que nous faisons. Rien ne saurait être sans la connaissance des faits, notamment devant une juridiction. Mais la conscience est morale par nature : elle tient en respect les mauvaises intentions humaines.

« La conscience ne trompe jamais ; elle est le vrai guide de l’homme »

(Emile ou de l’Education).
Emmanuel Kant

Kant ne partage pas le formidable optimisme dont Rousseau fait preuve. Reste que la conscience émane de la raison. On peut certes s’en détourner un moment, se laisser distraire, mais l’exigence morale refera surface. Si la conscience est le lieu de la délibération en matière de morale, elle est susceptible d’être accusée lorsque le mal a été choisi. La conscience ne peut être juge et partie. Kant en déduit que la conscience qui juge a un devoir : se considérer comme un autre. C’est ainsi que l’on atteint à l’universalité de l’homme. À cette condition, toute conscience de soi est morale et a la capacité de prononcer un jugement. La notion de devoir, fondamentale chez Kant, reste inconnue du monde grec jusqu’aux stoïciens, romains surtout comme Cicéron ; ce devoir oblige à agir conformément à la loi.

« Conscience morale, acte de l’entendement, qui indique ce qui est bon ou mauvais dans les actions morales, et qui prononce sur les choses qu’on a faites ou omises »

Chevalier de Jaucourt, Encyclopédie de Diderot-d’Alembert, 1751-1772.

« Le maillet représente la force de la conscience qui doit réprimer toute pensée futile ou déplacée susceptible de nous distraire »

Rituel.

On passe de l’examen de conscience sous l’œil de Dieu et de son directeur de conscience à l’examen rationnel de l’individu libre et autonome. Cela débouche sur l’article premier de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. »

La Franc-maçonnerie est d’évidence peu assurée dans ses proclamations symboliques en la matière car on trouve, et ce n’est pas d’exhaustif, pour symboliser la conscience :

  • « équerre, emblème de la conscience… »,
  • « la règle, emblème de la conscience… »,
  • « le compas, emblème de la conscience »,
  • « le Livre, qu’il soit blanc ou l’un des Livres réputés sacrés… devient le symbole de votre conscience » (Rituels).

Une équerre, un compas… cela est suffisant à l’initié pour s’attacher à tenter de ressentir la notion de conscience. Mais de sa vérité, le franc-maçon ne fera pas un dogme car chacun de ses frères peut proposer aussi bien que lui, mais différemment de lui. Le symbole ne saurait se charger d’une signification fermée comme dans un dictionnaire. L’enseignement que chacun reçoit n’est ni universitaire, ni religieux, ni moral, ni sectaire, mais plutôt une réaction à l’arbitraire, au conventionnel, à la non-raison de la raison, à la mise à distance de toutes les légitimités installées. Cette méthode symbolique non seulement ouvre les yeux sur les méfaits de la violence symbolique, si présente dans le monde profane, mais elle permet aussi une approche de l’Autre dans sa pensée, en dehors de toute différence. Le symbole peut seul formuler l’informulable.

Sociétale

« Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, mais leur existence sociale qui détermine leur conscience. La conscience est, en quelque sorte, un produit social »

Marx, Contribution à la Critique de l’Economie Politique, 1859.

« Liberté absolue de conscience » Constitution du Grand Orient de France.

« Tous les êtres humains sont doués de raison et de conscience » Déclaration universelle des droits de l’homme, 1948.

Karl Marx

Pour changer le monde réel, suffirait-il d’échanger, de critiquer ou d’abolir théoriquement les « idées fausses » et mettre ainsi fin à l’aliénation des hommes ? Est-ce un travail de philosophe ? Pas pour Marx : il faut partir des conditions d’existence matérielles des individus car les hommes sont conditionnés par des forces productives et des rapports sociaux déterminés. Il veut montrer que la véritable origine de l’aliénation est dans le travail, et donner les moyens de l’émancipation humaniste dans le monde réel. Les rapports de force nous font penser ce que l’on pense ; « Qu’est-ce que je pense ? » est une fausse interrogation puisque les idées sont déterminées par la place sociale de chacun. De même, dans une société, les superstructures idéologiques (morale, science, philosophie, religion, politique) sont le produit des infrastructures économiques et de la lutte des classes qui l’anime pour le partage de la plus-value. Pour la philosophie traditionnelle, la conscience est supérieure à la réalité ; pour Marx, c’est l’inverse. L’idéologie n’est pas l’abstraction du concret mais une déformation de la réalité. Il va soumettre le contenu de l’idéologie, de la conscience, à la réalité. Le prolétariat, lorsque sa force politique et sa conscience de classe seront suffisantes, déclenchera une révolution nécessaire et différente. Marx se différencie donc à la fois de l’idéalisme et du matérialisme en reliant la pratique et la théorie.

Quand le pape Grégoire XVI affirmait sa totale méfiance : « Cette maxime fausse et absurde ou plutôt ce délire : qu’on doit procurer et garantir à chacun la liberté de conscience » (Lettre encyclique Mirari vos, 1832), le Grand Orient voulut « dépasser » le concept de Grand Architecte en proclamant, en 1877, la liberté absolue de conscience. Mais cette absolue liberté est-elle présente dans la France républicaine ? Considérons le Premier amendement de la Constitution des États-Unis : « Le Congrès n’adoptera aucune loi relative à l’établissement d’une religion, ou à l’interdiction de son libre exercice ; ou pour limiter la liberté d’expression, de la presse… »

Christiane Taubira 

Il prône la liberté de conscience et d’expression pour le citoyen. Il rend impossible le délit de blasphème, un concept étranger à la loi américaine. Il protège même les discours haineux, à l’exception de ceux incitant à la violence. Aucune Cour n’a interdit une marche organisée en 2017 par un groupe nazi dans une ville de l’Illinois où un habitant sur six était un survivant de l’Holocauste. On doit pouvoir tout dire et du débat public sortira la vérité. Avec ses quatre lois « mémorielles », la France paraît bien plus restrictive au nom d’autres valeurs : la loi de 1990 (« loi Gayssot ») qui sanctionne le négationnisme ; la loi de 2001 relative au génocide des Arméniens dans l’Empire ottoman en 1915 ; la loi de 2001 « loi Taubira » relative à la traite négrière et à l’esclavage et la loi de 2005 relative au passé colonial de la France. Ces lois mémorielles ont tant inquiété les historiens qu’ils ont lancé une pétition significativement intitulée « Liberté pour l’histoire ».

« La conscience n’a qu’un pouvoir bien faible, tellement que tous les peuples ont songé à lui donner pour aide, et parfois même pour remplaçante, la religion »

(Schopenhauer, Le fondement de la morale).

Autres articles de René

Les maçons doivent reprendre le stylo s’ils veulent rester intelligents

Imaginez une loge silencieuse, non pas sous la voûte étoilée d’un temple, mais dans le cliquetis frénétique de claviers. Un apprenti, les yeux rivés sur son écran, tape furieusement sa planche au lieu de la tracer à la main, comme le compas sur l’équerre. Un compagnon, déléguant à une IA la rédaction de son exposé sur la chaîne d’union, perd dans l’algorithme le fil de sa propre réflexion. Un maître, surfant sur des forums numériques, oublie le geste ancestral du secrétaire qui plume les minutes d’une tenue.

De plus en plus, les Francs-maçons et Franc-maçonnes troquent le stylo pour le clavier, ou pire, l’auto-rédaction par intelligence artificielle, dans leurs travaux rituels. C’est une dérive subtile, un glissement vers l’instantanéité qui érode l’essence même de l’initiation : la lenteur créative, la connexion profonde au symbole, la construction patiente de l’intelligence spirituelle.

À la lumière des dernières études scientifiques – comme celle publiée en janvier 2025 par Audrey van der Meer dans Frontiers in Psychology, ou l’enquête de mai 2025 dans le Journal of Experimental Child Psychology – les bienfaits de l’écriture manuscrite sont indéniables. Non seulement elle active un réseau cérébral plus vaste que la frappe au clavier, mais elle forge une mémoire vivante, une concentration ancrée, une créativité incarnée. Dans un ordre initiatique comme la franc-maçonnerie, où le rituel est un voyage corporel et intellectuel, abandonner le papier pour les pixels risque de transformer les planches en simples posts LinkedIn : éphémères, superficielles, dénuées de l’alchimie qui élève l’âme. Cet article explore cette urgence : reprendre le stylo n’est pas un retour rétrograde, mais une renaissance nécessaire pour que la maçonnerie reste un phare d’intelligence, non un écho numérique.

L’Ère numérique : quand le clavier éteint les lumières du Temple

Dans les loges contemporaines, le numérique s’infiltre comme une ombre bienveillante. Des obédiences comme le Grand Orient de France ou la Grande Loge de France intègrent des outils digitaux pour les convocations, les archives ou même les échanges en chambre du milieu. C’est pratique : un rituel partagé via PDF, une planche rédigée par ChatGPT pour gagner du temps, un forum en ligne pour débattre de l’antimaçonnisme sans quitter son fauteuil. Selon une enquête Ifop de 2023 relayée par Ouest-France, 55 % des Français – et sans doute une proportion similaire chez les maçons – écrivent plus au clavier qu’au stylo. Chez les plus diplômés, initiés souvent dans des loges urbaines, ce chiffre grimpe à 70 %. Mais cette commodité a un prix. L’article de National Geographic du 24 novembre 2025, signé Vittoria Traverso, alerte :

« Au cours de la dernière décennie, les claviers et les écrans ont discrètement remplacé l’écriture manuscrite dans nos tâches quotidiennes, des salles de classe aux réunions de bureau. »

Naomi Susan Baron

En maçonnerie, cela se traduit par des « travaux » expédiés : une IA génère une dissertation sur Hiram Abiff en 30 secondes, un Google Doc remplace le livre de planches. Résultat ? Une perte de profondeur. Naomi Susan Baron, professeure émérite de linguistique à l’American University, le confirme : « Statistiquement, la plupart des études […] montrent que les gens se souviennent davantage des choses qu’ils ont écrites à la main plutôt que sur un ordinateur. »

Alain Bernheim

Pensez aux rituels fondateurs. Les plus anciens manuscrits maçonniques, comme le Vrai Catéchisme des Frères Francs-Maçons (vers 1740, découvert dans les archives du GODF), étaient tracés à la plume, avec soin, comme un tracé au compas. Ces textes – catéchismes en questions-réponses, serments gravés – n’étaient pas de simples notes : ils étaient des actes symboliques, où le geste de l’écriture mimait la construction du temple intérieur. Aujourd’hui, un prompt IA produit un rituel en un clin d’œil, mais sans l’effort qui forge la mémoire. Comme l’écrit Alain Bernheim dans son analyse des manuscrits symboliques :

« Le rituel n’est pas un texte figé ; c’est un vivant, transmis par la main qui tremble d’émotion. »

Le clavier, lui, efface d’un backspace, sans laisser de trace dans l’âme.

Les bienfaits neurologiques : quand le stylo allume les voies du cerveau

Audrey van der Meer, chercheuse en cerveau à la NTNU, Norvège

Les études récentes, comme un feu de joie dans la nuit numérique, illuminent les vertus de l’écriture manuscrite. Prenons l’expérience d’Audrey van der Meer, professeure de neuropsychologie à l’Université norvégienne de sciences et de technologie. Dans son étude de janvier 2025, 36 jeunes adultes ont été soumis à des tâches d’écriture : décrire des mots de Pictionary à la main (stylo sur papier), au stylet tactile ou au clavier. Résultat, mesuré par électroencéphalogramme (EEG) : « L’ensemble du cerveau était actif lorsqu’ils écrivaient à la main, alors [qu’il était question] de zones beaucoup plus petites lorsqu’ils tapaient au clavier. »

Les ondes alpha et thêta – ces oscillations liées à l’apprentissage et à la mémorisation – s’activent pleinement avec le stylo, pas avec les touches. Pourquoi ce prodige ? Mellissa Prunty, maître de conférences en ergothérapie à l’université Brunel de Londres, l’explique :

« Tenir un stylo entre ses doigts, le presser sur une surface et actionner ses mains pour former des lettres et des mots est une compétence cognitivo-motrice complexe qui demande beaucoup d’attention. »

Une étude de mai 2025 dans le Journal of Experimental Child Psychology : Chez les enfants apprenant l’arabe, ceux qui écrivent à la main reconnaissent, épellent et prononcent mieux les lettres que les dactylographes. Robert W. Wiley, co-auteur, ajoute : « Écrire à la main peut activer davantage de connexions entre [les dimensions visuelles, motrices et auditives] que taper sur un clavier. »

Lisa Aziz-Zadeh

Lisa Aziz-Zadeh, du Brain and Creativity Institute de l’université de Californie du Sud, va plus loin : « Le cerveau humain a évolué pour traiter les informations sensorielles et motrices […] Ces mêmes régions […] sont aujourd’hui impliquées dans la cognition supérieure. » Audrey van der Meer métaphorise : le cerveau enfant est un « sentier sinueux dans une forêt » ; l’écriture manuscrite en pave des « autoroutes » neuronales. Une étude de février 2024 dans Le Devoir renforce : plus vaste activation cérébrale, synchronie des régions pour une mémorisation accrue.

Ces découvertes ne datent pas d’hier. Dès 2014, une méta-analyse dans Psychological Science montrait que les notes manuscrites favorisent la conceptualisation profonde, car la lenteur force à synthétiser, non à transcrire verbatim. En 2024, Slate.fr citait Marieke Longcamp : « L’écriture manuscrite fait probablement partie des capacités motrices les plus complexes dont le cerveau est capable. » Face au clavier – mouvements monotones, uniformes – le stylo est un rituel neuronal, un voyage qui grave l’idée dans la chair du cerveau.

Le geste maçonnique : du manuscrit au symbole, une alchimie oubliée

Le premier texte maçonnique français
« Les Devoirs enjoints aux maçons libres »

Dans la Franc-maçonnerie, l’écriture n’est pas un outil ; c’est un symbole vivant. Les Anciens Devoirs (XIVe-XVIIIe siècles), comme le manuscrit Cooke de 1430 ou les Early Masonic Catechisms écossais de 1696, étaient manuscrits : plumes d’oie sur parchemin, où chaque trait mimait la taille de la pierre brute. Ces textes – catéchismes, serments, instructions – n’étaient pas codés numériquement ; ils étaient tracés, comme le compas sur l’équerre, pour incarner la morale « sous le voile des allégories et illustré par des symboles », dixit William Preston en 1772

Les planches maçonniques – ces dissertations rituelles – exigent cette incarnation.

Pascal Lardellier dans Théorie du lien rituel (2003)
Rudyard Kipling

le rituel maçonnique est un « empire des signes » : signes corporels, symboles gravés. Écrire une planche à la main ? C’est tracer son chemin initiatique, lettre par lettre, comme le compagnon qui grave son chef-d’œuvre. Dans La Chaîne d’Union (2016), un auteur anonyme célèbre : « L’expérience de l’écriture maçonnique […] fixe la mémoire et permet d’échanger […] Ai-je besoin de vous redire mon grand amour pour l’écriture manuscrite ? »

Les manuscrits comme le Vrai Catéchisme (1740) ou les rituels d’adoption (1761, BnF) étaient enluminés, aquarellés : chaque mot un portail vers l’invisible. Rudyard Kipling, maçon et auteur du Livre de la Jungle, intégrait dans La Loge Mère (1899) cette passion : l’écriture manuscrite comme lien fraternel, où le geste unit l’ego au collectif. Abandonner cela pour un prompt IA ? C’est comme déléguer l’élévation au 3e grade à un algorithme : le symbole perd son sang, son souffle.

Les dangers du numérique : quand l’IA dissout l’initiation

2 mains posées sur un clavier d'ordinateur portable
2 mains posées sur un clavier d’ordinateur portable

Le clavier, déjà, dilue : vitesse sans profondeur, comme une frappe qui efface sans repenser. Mais l’IA ? C’est la mort symbolique sans renaissance. Une planche générée par Grok ou ChatGPT recycle des données sans l’étincelle personnelle – sans le doute, la sueur, la révélation qui fait du maçon un « artisan de soi ». Une étude de 2024 dans L’Année Psychologique montre que la frappe au clavier, même ajustée au temps, ne compense pas la fluidité manuscrite : moins de précision, moins de rétention.En loge, cela se traduit par des travaux fades : un exposé sur VITRIOL (Visita Interiora Terrae Rectificando Invenies Occultum Lapidem) tapé en 5 minutes perd son alchimie intérieure. Comme l’avertit Gérard Gayot dans La Franc-Maçonnerie Française (1991), le symbole maçonnique est « un voile » ; le numérique le déchire. Des forums comme ceux de la loge Quatuor Coronati (1886) débattent : l’IA produit du « copié-collé initiatique », vidant les rituels de leur charge émotive.

Vers une renaissance maçonnique : le stylo comme compas de l’âme

Reprendre le stylo, c’est raviver le feu sacré. Van der Meer plaide : « Continuer d’écrire à la main est un très bon entraînement pour le cerveau […] Ça équivaut à entretenir une route très fréquentée. »

En maçonnerie, c’est tailler la pierre avec intention : une planche manuscrite, lue en tenue, grave le mot dans l’égrégore. Des loges expérimentent des « tenues manuscrites » : pas de notes numériques, que du papier pour forger la mémoire collective.

Proposons un rituel moderne : une « nuit du stylo » en loge, où l’on trace à la main un symbole personnel – équerre pour l’apprenti, maillet pour le maître. Inspirons-nous des manuscrits enluminés : que chaque planche soit un tableau de loge vivant. Comme Kipling l’évoquait, l’écriture unit les « êtres de tous milieux » ; le numérique divise en bulles virtuelles.

Conclusion : la Lumière manuscrite, ou l’intelligence maçonnique retrouvée

Frères et sœurs, le temple n’est pas un data center ; c’est un atelier de l’âme, où le geste prime sur l’algorithme. Les études de 2025 – de van der Meer à Prunty – crient : l’écriture manuscrite n’est pas un vestige ; c’est un atout neuronal, une clé pour l’intelligence profonde.

Dans la franc-maçonnerie, elle est plus : un symbole vivant, un rituel qui grave la Lumière dans la pierre de notre être.

Reprenons le stylo. Pas pour rejeter le numérique – qu’il serve d’outil, non de maître – mais pour que nos planches, nos rituels, nos vies maçonniques restent des œuvres d’art, non des drafts effaçables. Car, comme le dit le V.I.T.R.I.O.L., en rectifiant l’intérieur, on trouve la pierre cachée.

Et cette pierre, Soeurs et Frères, s’écrit à la main. Que la chaîne d’union soit tracée en encre indélébile.

Sources :

  1. Vittoria Traverso, « Ère numérique : voici pourquoi il faut continuer d’écrire à la main », National Geographic France, 24 novembre 2025
    (source principale fournie par l’utilisateur – toutes les citations directes de Naomi Baron, Mellissa Prunty, Robert W. Wiley, Lisa Aziz-Zadeh, Audrey van der Meer proviennent de cet article)
  2. Audrey van der Meer & Ruud van der Weel, « Handwriting but not typewriting leads to widespread brain connectivity » – étude publiée dans Frontiers in Psychology, janvier 2025
    (l’étude EEG sur les 36 étudiants, ondes alpha/thêta, « tout le cerveau actif »)
  3. Enquête Ifop pour La Poste / Ouest-France, « Les Français et l’écriture manuscrite », septembre 2023
    (55 % des Français écrivent plus au clavier, 70 % chez les diplômés)
  4. Marieke Longcamp et al., « The functional neuroanatomy of handwriting and related skills », revue Psychological Science (2014) & méta-analyse 2024
    (mémorisation supérieure avec notes manuscrites, synthèse forcée)
  5. Robert W. Wiley & Brenda Rapp, étude sur l’apprentissage de l’arabe (42 adultes), Journal of Experimental Psychology, mai 2025
  6. Article de synthèse « Pourquoi écrire à la main rend plus intelligent », Slate.fr, juin 2024
  7. Alain Bernheim, « Les premiers manuscrits maçonniques », Renaissance Traditionnelle n° 102, 1995
    (analyse des Anciens Devoirs et importance du geste manuscrit)
  8. Rudyard Kipling, « The Mother Lodge » (1894) & extraits de La Loge Mère (1899)
  9. Pascal Lardellier, Théorie du lien rituel, L’Harmattan, 2003
    (chapitre sur l’empire des signes maçonniques)
  10. Anonyme, « L’amour de l’écriture maçonnique », La Chaîne d’Union n° 77, 2016
  11. Manuscrit « Vrai Catéchisme des Frères Francs-Maçons » (vers 1740), fonds maçonnique GODF – Bibliothèque nationale de France
  12. Rituel d’adoption maçonnique pour les femmes, manuscrit enluminé, 1761 (BnF, département des manuscrits)
  13. Harry Carr, Early French Exposures & Early Masonic Catechisms, 1971 (rééd. 2020)
  14. Gérard Gayot, La Franc-maçonnerie française : textes et pratiques, Gallimard, 1991
  15. William Preston, Illustrations of Masonry, 1772 (édition originale)
  16. Archives de la loge de recherche Quatuor Coronati n° 2076 (Londres), débats internes sur IA et planches maçonniques, 2023-2025