dim 07 décembre 2025 - 10:12
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La parole du Véné du lundi : « Notre Amour Fraternel doit tous les rendre jaloux »

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Mes Bien-Aimés Frères en tout et pour tout,

Ce soir, comme d’habitude, le flyer nous promettra « une Loge havre de paix, temple de lumière, fraternité éternelle, amour universel, bisous et câlins ». On y croirait presque… si on n’avait pas déjà mis les pieds dedans. Parce que soyons sérieux deux minutes : la Franc-maçonnerie est le seul endroit au monde où l’on arrive en quête d’harmonie cosmique et où l’on ressort avec une envie furieuse de rétablir la peine de mort pour port de tablier mal repassé.

Ici, l’Apprenti se fait plumer de 3 000 € par le Frère Trésorier « pour un placement sûr en or et pierre » (spoiler : l’or était en plaqué et la pierre était tombale).
Le Compagnon reste quatre ans la bavette baissée parce qu’il a osé dire que le rituel d’ouverture ressemblait à une chorégraphie de colonie de vacances.
Et les Maîtres ? Ah, les Maîtres… Ils passent leurs tenues à se battre comme des hyènes autour d’un maillet, histoire de savoir qui aura le privilège de diriger la troupe de clowns pendant les douze prochains mois.

Et que dire des étages supérieurs, dans l’Obédience ? Là-haut, c’est plus subtil : on ne se tape pas dessus avec les épées flamboyantes, on se fait juste blackbouler à vie, exclure pour « atteinte à l’harmonie », ou on découvre que le Très Respectable qui prêche la tolérance depuis trente ans a monté une kabbale pour virer le Frère X parce que… sa femme est plus jolie que la sienne.

Franchement, pourquoi venir en Loge si c’est pour retrouver les mêmes aigris, les mêmes escrocs, les mêmes egos surdimensionnés qu’au bureau ou au club de pétanque ?

Au moins, au bureau, on est payé pour supporter les idiots.

Alors oui, la Franc-maçonnerie n’attire plus grand monde. Normal. Netflix propose exactement le même niveau de drame, de trahisons et de coups bas, mais en 8 épisodes et sans cotisation annuelle. Et surtout, quand tu éteins la télé, c’est fini.

En Loge, ça peut te pourrir la vie pendant dix ans. Et quand tu te fais lâcher par ton « Frère » de 25 ans pour une histoire de place au banquet, tu te surprends à murmurer : « Finalement, les trois mauvais compagnons, ils avaient peut-être raison… »

Allez, mes Frères, sourions : nous sommes le seul ordre initiatique où l’on pratique encore le meurtre d’Hiram… mais en version slow motion et en différé.

À lundi prochain. Apportez du paracétamol et un gilet pare-balles. Le Vénérable, un peu fatigué de vous aimer tous.

Un avenir désirable

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(Les « éditos » de Christian Roblin paraissent le 1er et le 15 de chaque mois.)

« C’est une triste chose de songer que la nature parle et que le genre humain n’écoute pas »

…déplorait déjà Victor Hugo, dans ses Carnets[1], il y a plus de cent cinquante ans, en lointain devancier d’un certain Jacques Chirac, qui s’exclamait, au sommet de la Terre de Johannesbourg, le 2 septembre 2002, soit peu après sa réélection comme Président de la République française : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs, » formule demeurée célèbre[2] mais alerte peu suivie d’effet par celui-là même dont on pouvait espérer qu’en la proférant, il en avait pris conscience.

À mon humble niveau, je m’étais vu confier, en décembre 2021, par le Grand Maître en exercice[3] de l’Obédience à laquelle j’appartiens, une conférence de Tenue de Grande Loge, sur le thème : « Franc-maçonnerie et Environnement ». On avait pris soin de ne pas l’intituler : « Franc-maçonnerie et Écologie », pour éviter de heurter frontalement les susceptibilités politiques, en cultivant l’espoir que les Frères fussent sensibles à une approche intégrative, encouragée par la correspondance symbolique du microcosme et du macrocosme ou l’évocation combinée de la voûte étoilée et du pavé mosaïque, pour s’en tenir à ces deux exemples ; mais l’imbrication des écosystèmes, qui fait naturellement  sentir la communauté de destin du vivant sur la planète, n’a guère insolemment saisi les consciences et, pour tout dire, a semblé tout au plus susciter une indifférence polie, comme s’il se fût agi d’un énième exercice rhétorique, sans doute louable mais dénué de toute portée.

Jean Dumonteil

Et, cette absence d’intérêt véritable, j’ai récemment eu le regret d’en mesurer l’ampleur au public plutôt clairsemé qui assistait, le samedi 22 novembre 2025, dans une grande salle parisienne, à un colloque consacré à « l’écospiritualité », notion qui eût mérité davantage de curiosité de la part d’esprits éveillés, surtout qu’était tout à fait remarquable le plateau des conférenciers, réuni à l’initiative de notre Frère Jean Dumonteil[4], sous l’égide de la Grande Loge de l’Alliance Maçonnique Française (l’Alliance). La journée n’en fut pas moins passionnante, ouvrant de multiples pistes de réflexion qu’il appartenait ensuite à chacun de poursuivre avec cœur et résolution.

Ce qui est évidemment fâcheux à notre échelon, c’est que la franc-maçonnerie, comme instrument d’accompagnement des êtres dans l’élévation de leur conscience concomitamment à la recherche subtile et à la paisible jouissance de leur harmonie, ne saurait, sans concourir au risque funeste de disparition du jeu multiple des poids et des contrepoids dans l’organisation du vivant, faire l’impasse sur un engagement plus profond – collectif, personnel et quotidien – non seulement contre les lourdes et incessantes prédations de notre espèce envers son milieu, où qu’il se trouve, mais en faveur de l’émergence d’un mode de vie sobre, respectueux des régulations naturelles et des équilibres tendanciels qui se sont perpétués, pendant des millénaires, à leur rythme et à leur dimension, tout en se transformant – quoiqu’au cours des deux derniers siècles, ils aient eu à manifester une capacité de résilience extraordinaire, malheureusement aujourd’hui compromise par des ruptures en chaîne.

Nous autres, francs-maçons, devrions être aux avant-postes, dans la reconnaissance de l’interdépendance des phénomènes, dans la perception de cette solidarité universelle, dans l’apprentissage de cette langue des choses qui permet à la raison sensible de passer progressivement de « ce que je veux » à « ce dont la terre a besoin », bref, dans la revendication de cette nécessité, devenue aujourd’hui une urgence, de réconcilier les humains et la nature.

Ne comprenons-nous pas qu’à vivre « hors-sol, comme des tomates hollandaises », nous perdons tout sens des priorités et qu’à force de nous refuser à comprendre que nos déséquilibres intérieurs provoquant la démesure de nos consommations – et réciproquement dans un cycle infernal – ont fini par infester la terre entière, engendrant des déséquilibres écologiques bientôt irréversibles[5] ?

Petit arbre qui pousse entre les mains
Petit arbre qui pousse entre les mains

En retrouvant le sens de la sacralité du monde, il nous reste à découvrir que nous sommes capables et de nous confronter à la conscience de la mort et de nous recentrer sur des finalités à la fois sobres et joyeuses, en recherchant de nouveaux accomplissements dans nos vies et en nous construisant ainsi, ensemble, un avenir désirable.


[1] Victor Hugo, Choses vues (Carnets – Albums – Journaux), 1870, in : Œuvres complètes, volume 35, tome I, Éditions Rencontre, 1968.

[2] Pour accéder à la notice Wikipedia qui se rapporte à ladite formule, cliquer ici. On peut aussi se reporter à un entretien avec le Professeur Jean-Paul Deléage, son auteur originaire, qui précise les circonstances dans lesquelles il l’a introduite dans le discours du chef de l’État, en cliquant ici.

[3] Pierre-Marie Adam, alors Grand Maître de la Grande Loge de France, que je remercie encore de sa confiance.

[4] Jean Dumonteil est l’auteur de Sentiment océanique – Lettres à un frère (Éditions Numérilivre, 2023, 186 pages, 18 €) et co-titulaire, avec Annick Drogou, de la rubrique « Mot dico », dans ce Journal, avec comme mot du mois en novembre 2025 : « Horizon ».

[5] Je passe ici sous silence le désastre de ces déséquilibres intérieurs dans la seule histoire de l’humanité, quoique tout, évidemment, ait partie liée.

La grenade, gardienne des mystères maçonniques

De notre confrère expartibus.it – Par Rosmunda Cristiano

La grenade se distingue dans le firmament symbolique de la franc-maçonnerie comme un archétype vibrant : elle représente la tension entre l’unité et la multiplicité, entre la certitude de l’Ordre et l’incertitude de la recherche, entre le silence et la parole qui illumine.

La forme sphérique évoque la perfection pythagoricienne, la coque dure symbolise la Tradition, les nombreux et distincts grains rouges témoignent de l’irréductible richesse des subjectivités maçonniques, unies dans la Loge sans jamais être annulées.

Dans le langage hermétique, la relation entre le fruit et l’Institution devient paradigmatique : la Loge est la grenade, un microcosme dans lequel chaque graine est un Frère ou une Sœur, unique et essentiel à la prospérité de l’ensemble ; l’Obéissance est la coquille qui accueille, protège et maintient l’unité, afin qu’elle ne sombre pas dans l’indifférence.

Le sentiment d’appartenance est la pierre angulaire du chemin initiatique :

Unus pro omnibus, omnes pro uno

Grenades

une attitude intérieure qui n’entrave pas la liberté, mais la raffine jusqu’à l’engagement partagé.

Chaque grain nourrit : une Loge s’épanouit lorsque chacun se sent partie prenante de l’Œuvre, responsable de son propre chemin de lumière. L’obéissance, douce et ferme, n’est pas une soumission aveugle : c’est une écoute attentive, une discipline consciente, le choix d’adhérer aux règles qui nous précèdent afin que, ensemble, nous puissions chercher la Vérité.

C’est une obéissance raisonnée , l’antithèse de l’obéissance passive, car la liberté du franc-maçon brille précisément dans le consentement lucide et partagé aux lois de l’Atelier.

Rien n’exprime mieux la dynamique évolutive de la Loge que le fruit ouvert : diversité et similitude coexistent dans les noyaux brillants, et le tout est plus grand que la somme de ses parties. La Tradition nous met en garde : la perte d’un noyau perturbe l’intégrité. Pourtant, la plante perdure, se renouvelle et porte de nouveaux fruits ; il en va de même pour la Loge, qui régénère sa sève même après le départ d’un Frère ou d’une Sœur.

Omnia mutantur, nihil interit

Il ne s’agit pas de destruction, mais de transformation.

L’héritage de la fraternité demeure, tout comme les valeurs qui font de l’Atelier un lieu de travail et d’espoir.

Et, pour rappeler la noblesse de la dissidence, on pourrait dire avec Voltaire, par la bouche d’Evelyn Beatrice Hall :

Je ne suis pas d’accord avec toi, mais tu vas te battre contre moi pour pouvoir me le dire .

Grenades

La Loge préserve son intégrité et, en même temps, s’enrichit de la friction fructueuse entre les idées sincères.

L’écorce, parfois amère, toujours ferme, se défend contre l’agression du monde profane sans isoler : elle ouvre des portes, filtre, éduque. L’initiation enseigne que l’amour a de multiples voix : agapè, éros, philia , respect, passion, amitié ; comme trois courants qui convergent au cœur du fruit et font de la communauté initiatique une communion exigeante et féconde.

La femme franc-maçonne est la voix et la graine de la grenade, incarnant son alchimie : force créatrice et modération, humilité et fermeté, acceptation et rigueur. Dans la grenade, elle perçoit son œuvre quotidienne : préserver la pluralité des graines sans perdre le centre ; défendre la différence, la protégeant de la dispersion comme de la standardisation.

Elle apporte à la Loge un savoir guérisseur qui, loin d’édulcorer la loi, la rend vivable ; une intelligence relationnelle qui n’a pas peur du conflit, car elle croit au travail progressif de l’harmonie. Lorsqu’elle s’incline devant la diversité des points de vue, elle ne recule pas : elle reconnaît que l’unité est un accomplissement, un exercice d’écoute, une pratique de la responsabilité.

Grenades

Sa voix, flamme tenace, nous rappelle que la Tradition n’est pas un sanctuaire, mais une sève qui coule : la coquille protège, certes, mais elle s’ouvre au moment opportun pour nourrir le monde. Dans ce geste, de la certitude de la coquille à l’incertitude de la graine, la femme franc-maçonne témoigne que la liberté n’est pas solitude, mais appartenance choisie ; que la force n’est pas dureté, mais bienveillance ; que le rituel n’est pas habitude, mais renaissance continue de l’Œuvre.

Ainsi le cercle se referme et se rouvre aussitôt : de l’Un à la multiplicité et vice-versa, de la parole au silence fécond, de la perte à la renaissance. La grenade, au cœur de la franc-maçonnerie, demeure une invitation et un avertissement : cherchez l’Un dans la diversité, ne craignez pas la métamorphose, veillez à ce que chaque graine, chaque Frère, chaque Sœur, trouve sa place et sa raison d’être dans l’Œuvre éternelle.

Et lorsqu’une graine tombe, la plante ne meurt pas : elle se prépare pour la saison suivante, fidèle au soleil de la fraternité, au souffle de l’égalité, au vent libre de l’exploration.

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La Grande Loge Unie d’Angleterre : influence et rayonnement international

Au cœur de Londres, dans l’élégant écrin du Freemasons’ Hall, bat le pouls d’une institution qui transcende les frontières et les siècles : la Grande Loge Unie d’Angleterre (GLUA), ou United Grand Lodge of England (UGLE). Fondée en 1813 comme union de deux obédiences rivales, elle n’est pas seulement la plus ancienne grande loge maçonnique au monde, mais aussi un phare de régularité et d’universalité pour la Franc-maçonnerie. Avec plus de 175 000 membres actifs en Angleterre, au Pays de Galles et dans ses districts d’outre-mer, et une influence rayonnant sur quelque 600 000 Francs-maçons dans le monde, la GLUA incarne un idéal de fraternité, de charité et de principes éthiques immuables.

Son rayonnement international, forgé par l’expansion de l’Empire britannique et consolidé par des critères de reconnaissance stricts, en fait une force culturelle et morale qui continue de modeler la maçonnerie contemporaine. Dans un monde fracturé, explorons comment cette « loge mère » – Mother Lodge – tisse un réseau invisible d’unité, tout en naviguant entre héritage royal, controverses et modernité.

Les origines : de la taverne au Temple de l’universalité

Temple de la Grande Loge Unie d’Angleterre – Le Temple (GLUA)

L’histoire de la GLUA est celle d’une naissance tumultueuse, marquée par l’innovation et les rivalités. En 1716, quatre loges londoniennes se réunissent à la taverne The Apple Tree Tavern (Le Pommier), à Covent Garden, et décident de se doter d’une instance commune de gouvernement. L’année suivante, le 24 juin 1717, jour de la Saint-Jean-Baptiste, elles se rassemblent de nouveau à l’ale-house Goose and Gridiron (L’Oie et le Gril), près de la cathédrale Saint-Paul, et se constituent formellement en Grande Loge – ce qui sera considéré comme la naissance de la Première Grande Loge d’Angleterre, point de départ symbolique de la franc-maçonnerie moderne.

Ces loges étaient alors désignées par le nom des tavernes où elles se réunissaient : Goose and Gridiron Ale-house (L’Oie et le Gril), The Crown Ale-house (La Couronne), The Apple Tree Tavern (Le Pommier), The Rummer and Grapes Tavern (Le Gobelet et les Raisins). Elles deviendront plus tard les fameuses loges, à l’origine de la tradition spéculative organisée qui irrigue encore, de manière plus ou moins directe, la plupart des obédiences actuelles.

Cette Grande Loge de Londres et de Westminster, première du nom, pose les bases de la maçonnerie spéculative moderne avec les Constitutions dites d’Anderson en 1723, un code qui régule les loges et propage les idéaux des Lumières : tolérance, raison et fraternité. Dès 1738, elle s’autoproclame Grande Loge d’Angleterre et connaît une expansion fulgurante, warrantant des loges dans les colonies britanniques d’Amérique, d’Inde et d’Afrique.Mais cette ascension n’est pas sans heurts. En 1751, un schisme éclate : des loges « irlandaises » et traditionalistes fondent la Grande Loge des « Anciens« , accusant les « Modernes » d’avoir dilué les anciens landmarks (devoirs ancestraux). Cette querelle, qui divise les maçons anglo-saxons pendant 62 ans, oppose rituels, symboles et allégeances. Elle s’achève le 27 décembre 1813 par l’Act of Union, orchestré par le duc de Sussex (premier Grand Maître de la GLUA jusqu’en 1843), qui harmonise les pratiques via une Loge de Réconciliation.

Ce traité fondateur non seulement unifie l’Angleterre, mais exporte un modèle de régularité qui influencera des centaines d’obédiences mondiales. Sous l’égide royale – des ducs de Montagu à Kent –, la GLUA devient un pilier de la société victorienne, promouvant la charité pour éviter la « maison de travail » aux maçons démunis, et engageant la fraternité dans les réformes sociales du XIXe siècle.

Structure et organisation : un échafaudage mondial

Temple de la Grande Loge Unie d’Angleterre – Le Temple (GLUA)

Aujourd’hui, la GLUA est un colosse bien huilé : elle supervise près de 7000 loges en Angleterre, au Pays de Galles, aux îles Anglo-Normandes et de Man, avec un siège emblématique au Freemasons’ Hall, joyau Art déco ouvert au public depuis les années 1990. Sa structure pyramidale repose sur 48 Grandes Loges Provinciales (alignées sur les comtés historiques), une Grande Loge Métropolitaine pour Londres, et 33 Districts Grand Lodges outre-mer – de l’Afrique de l’Est à l’Amérique du Sud.

Cinq groupes mineurs sont gérés par des Grands Inspecteurs, tandis que 18 loges « non sous district » relèvent directement de Londres. Le Grand Maître, actuellement le prince Edward, duc de Kent (en poste depuis 1967), incarne l’autorité suprême, assisté d’un Pro-Grand Maître pour les affaires courantes.Cette organisation n’est pas figée : elle intègre des innovations comme les University Scheme Lodges pour les étudiants et des podcasts comme Craftcast (lancé en 2022) pour démocratiser l’accès. Avec une membership ouverte aux hommes de plus de 18 ans, sans distinction de race ou de confession (mais exigeant la croyance en un Être Suprême), la GLUA compte environ 20 000 membres dans ses districts étrangers, couvrant cinq continents.

Son influence structurelle s’étend via des constitutions modélisées par des obédiences du Commonwealth, favorisant une uniformité rituelle et philanthropique qui unit des cultures disparates sous les bannières de l’équerre et du compas.

Relations internationales et rayonnement : la reconnaissance comme pouvoir doux

Il y a plus de 175 000 francs-maçons en Angleterre et au Pays de Galles sous la Grande Loge Unie d’Angleterre.

Le rayonnement de la GLUA est avant tout diplomatique : elle n’exerce pas de contrôle direct, mais son octroi de reconnaissance – ou son retrait – définit la « régularité » maçonnique mondiale. Reconnue par 246 Grandes Loges étrangères sur six continents, elle milite pour des principes immuables codifiés en 1929 (règle en huit points) et affinés en 1989 : régularité d’origine, croyance au Grand Architecte de l’Univers, serment sur un Volume de la Loi Sacrée, membership masculin exclusif, souveraineté sur les degrés symboliques, exposition des Grandes Lumières, interdiction des débats politiques ou religieux, et respect des landmarks.

Ces critères excluent les obédiences adogmatiques comme le Grand Orient de France, suite à la Querelle du Grand Architecte (fin XIXe siècle), mais reconnaissent des alliés comme la Grande Loge Nationale Française (GLNF) dès 1913.

Historiquement, la GLUA a délivré des patentes aux loges dès les années 1730, propageant la maçonnerie via l’Empire : en Amérique (où elle influence les Pères fondateurs), en Inde (districts actifs) et en Afrique (comme le District Grand Lodge of East Africa couvrant Kenya, Tanzanie et Ouganda). En 2017, pour son tricentenaire, 136 Grandes Loges de 50 pays se réunissent à Londres, célébrant son rôle de « loge mère« . Aujourd’hui, son soft power s’exerce via des réseaux philanthropiques : dons annuels de millions de livres sterling pour des causes comme le cancer ou la jeunesse, et des échanges inter-lodges qui transcendent les frontières. En Amérique du Sud, par exemple, le Southern District (Argentine, Uruguay, Paraguay) intègre technologies et service communautaire, incarnant le mantra « One Journey, One Organisation« .

Controverses et adaptations : entre ombre et lumière

Freemasons’Hall, Grande Loge Unie d'Angleterre, Londres
Freemasons’Hall, Grande Loge Unie d’Angleterre, Londres

Malgré son prestige, la GLUA n’échappe pas aux ombres. Au XXe siècle, elle est accusée d’influence conservatrice : blackballing de députés travaillistes dans les années 1920, ou liens présumés avec des scandales comme l’enquête Titanic (1912) ou Bloody Sunday (1972). Des théories conspirationnistes – de Nesta Webster à Stephen Knight – l’accusent de complots impliquant la royauté ou les Illuminati.

Politiquement, le Parti travailliste la voit comme un bastion tory, menant à des propositions (années 1990) d’obligation de déclaration maçonnique pour juges et policiers, abandonnées en 2009 pour violation des droits humains.Pour contrer cela, la GLUA s’ouvre : visites publiques au Freemasons’ Hall (musée labellisé d’importance nationale en 2007), inclusion des transgenres en 2018 (un homme transgenre peut rester membre si initié homme), et campagnes anti-stéréotypes. Son blason royal (accordé par George V en 1919) – avec arche de Noé, chérubins et devise « Audi, vide, tace » (Écoute, vois, tais-toi) – symbolise cette discrétion vertu.

Impact actuel et perspectives : une fraternité globale en évolution

Elizabeth II, Berlin 2015
Elizabeth II, Berlin 2015

En 2025, la GLUA reste un moteur : son rapport annuel 2024-2025 souligne une « transition en douceur » post-Elizabeth II, avec un accent sur la stabilité et l’innovation. Elle forme des élites – du duc de Kent à des leaders africains – et exporte des valeurs universelles, comme en Russie via Andrei Bogdanov, ou en Turquie. Son réseau, couvrant des millions de membres, démontre que la maçonnerie transcende cultures et religions, unie par une philosophie intemporelle.

Conclusion : un rayon d’unité dans un monde divisé

La Grande Loge Unie d’Angleterre n’est pas qu’une institution : c’est un legs vivant, où l’héritage des tavernes londoniennes illumine des temples du monde entier. Son influence, tissée de reconnaissance et de principes, rappelle que la fraternité peut unir sans dominer. Comme l’affirmait le duc de Kent, elle est « responsable de l’existence de la Franc-Maçonnerie pendant plus de 300 ans« .

Dans une ère de fractures, la GLUA invite à l’audace : écouter, voir, et agir en silence pour le bien commun.

Fête de la Laïcité 2025 : « La Laïcité à travers les Arts et la Culture » au GODF

Le Grand Orient de France (GODF) organise, le samedi 13 décembre 2025, une journée dédiée à la célébration de la laïcité sous le thème « La Laïcité à travers les arts et la culture ». Cet événement, qui se tiendra au siège du GODF au 16 rue Cadet à Paris (IXe arrondissement), met en lumière les valeurs républicaines à travers un programme varié incluant projections, spectacles, rencontres et expositions.

Intervenants et participants : des artistes et historiens engagés

Cette fête rassemble une pléiade d’intervenants issus du monde du cinéma, du théâtre, de la musique et des arts plastiques, tous unis pour explorer la laïcité comme fondement de la liberté de conscience. Parmi les figures centrales :

Bruno Fuligni, historien et écrivain français né en 1968, est au cœur de plusieurs événements.

Auteur de plus de vingt ouvrages sur l’histoire parlementaire et les complots, il a scénarisé le film La Séparation et co-écrit le spectacle théâtral inspiré de son livre Dieu au parlement. Fuligni, connu pour ses apparitions dans des documentaires comme Napoléon, Albine, Betsy et les autres (2024), apporte une expertise historique rigoureuse, enrichie de son expérience en tant qu’historien des assemblées. Rappelons que Bruno Fuligni est le président du jury, composé de 11 journalistes, du premier prix des Hussards noirs d’Unité Laïque qui sera délivré le 8 décembre prochain.

Robert Bensimon, coauteur et interprète du spectacle « Laïcité – Liberté de conscience – Engagement », collabore étroitement avec Bruno Fuligni. Il est rejoint sur scène par une troupe talentueuse : la soprano Lisa Lévy, la comédienne Corine Thézier, Pierre Carteret, Alexandre Messina, le pianiste Brice Martin et la jeune violoniste Xiaorao Li. Ce spectacle met en valeur des textes emblématiques de penseurs comme Robespierre, Victor Hugo ou Louise Michel, fusionnant théâtre, musique et réflexion philosophique.

Françoise Schein, artiste-plasticienne belge née en 1953, présente son œuvre à 18h00.Formée en architecture à La Cambre (Bruxelles) et en urbanisme à Columbia University (New York), Schein explore les droits humains et la citoyenneté à travers des installations publiques monumentales.

Son travail le plus célèbre est la céramique couvrant la voûte de la station de métro Concorde à Paris, reproduisant la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Lors de la rencontre, elle dévoilera la vidéo « Human Rights for Schools », un projet éducatif sur les droits fondamentaux, soulignant son engagement pour une humanité civique sur « Gaia, notre Terre ».

Julie Le Toquin, artiste pluridisciplinaire née en 1992 à Quimper, expose ses œuvres tout au long de la journée. Elle interroge la mémoire collective et individuelle à travers des créations comme « Les oiseaux de la laïcité ». Guide-conférencière spécialisée dans les publics en situation de handicap, professeure et conteuse, Julie Le Toquin intègre également des éléments culinaires (alumni de Le Cordon Bleu Paris) dans son art.

En fin de journée, une « mise à feu » symbolique de son œuvre explorera « Les mots et les maux de la laïcité », invitant à une réflexion poétique sur les défis actuels de la laïcité.

Le Collectif Fractales, avec la soprano Coline Infante, clôture la soirée par un concert de musique classique à 20h00, interprétant des œuvres de Haendel, Bach, Fauré, Dvorak, Borodine et Verdi, reliant la laïcité à l’universalité de l’art musical.

Les équipes des films – réalisateurs comme François Hanss, Dominique Dattola et Yannick Séguier, ainsi que le narrateur Bruno Solo – seront présentes pour des échanges avec le public, enrichissant les projections d’anecdotes et de contexte historique.

Blason GODF

Les films : des œuvres engagées sur l’histoire de la laïcité

Les projections constituent le pilier cinématographique de la journée, offrant des regards documentés et fictionnels sur l’évolution de la laïcité en France.

À 14h30, La Séparation (2005), téléfilm documentaire réalisé par François Hanss sur un scénario de Bruno Fuligni.

Ce docu-fiction recrée les débats parlementaires de 1905 menant à la loi de séparation des Églises et de l’État, promulguée le 9 décembre 1905 – un centenaire célébré en 2005.

Avec un casting prestigieux – Pierre Arditi en Aristide Briand, Jean-Claude Drouot en Jean Jaurès, Claude Rich, Michael Lonsdale et d’autres – le film illustre les tensions entre cléricaux et anticléricaux, expliquant le contexte historique et les enjeux républicains.

L’équipe du film sera présente pour discuter de cette œuvre qui, malgré des critiques mitigées dues à des controverses, reste une référence éducative.

À 17h00, Les 3 Vies du Chevalier (2014), docu-fiction réalisée par Dominique Dattola.

Ce film retrace l’histoire de la liberté de penser de l’Ancien Régime à aujourd’hui (1765-2005), centrée sur le procès du Chevalier de la Barre, exécuté pour blasphème à 19 ans, et les luttes pour sa réhabilitation par des figures comme Voltaire. Dominique Dattola, réalisateur habitué des rouages judiciaires (il a travaillé à la Cour Pénale Internationale), mélange archives, reconstitutions et interviews pour souligner le combat continu des libres-penseurs.

Avec des acteurs comme Félicien Delon et Emmanuel Ball, c’est une méditation sur la tolérance et la justice.

À 20h00, Laïcité Liberté Égalité Fraternité (2025), documentaire-fiction de Yannick Séguier, narré par Bruno Solo.

Sorti le 9 décembre 2025 pour le 120e anniversaire de la loi de 1905, ce film retrace 2000 ans de construction de la laïcité en France, de l’Antiquité aux débats contemporains. Yannick Séguier, originaire de Narbonne, explore comment la laïcité facilite la liberté, l’égalité et la fraternité, à travers une narration passionnée par Solo, comédien féru d’histoire. L’équipe sera présente, offrant un regard frais sur cette « longue marche » historique.

Le musée de la franc-maçonnerie : un trésor historique ouvert gratuitement

Musée de la franc-maçonnerie
Musée de la franc-maçonnerie

À l’occasion de cette fête, le musée de la franc-maçonnerie, labellisé musée de France depuis 2004, sera accessible librement et gratuitement de 10h00 à 20h00.

Créé en 1889 au sein du GODF, ce musée victime des vicissitudes historiques (comme les spoliations nazies) abrite un patrimoine riche reflétant les mutations sociétales vers la modernité.

Ses collections incluent des objets maçonniques – tabliers, bijoux, documents – illustrant l’histoire de la franc-maçonnerie française depuis le XVIIIe siècle, avec un accent sur son rôle dans la promotion des idéaux républicains et laïcs.

Situé au 16 rue Cadet, il participe régulièrement à des événements comme les Journées européennes du patrimoine.

Cette ouverture gratuite vise à démocratiser l’accès à ce lieu emblématique, invitant le public à explorer les liens entre franc-maçonnerie, laïcité et humanisme. Pour plus d’informations, visitez www.museefm.org.

GODF – Hall Léon Bourgeois

Cette Fête de la Laïcité n’est pas seulement un événement culturel, mais un espace de réflexion sur les valeurs qui fondent notre République. Réservez vite pour une journée unique, mémorable et exceptionnelle !

Le Grand Orient de France, première obédience maçonnique en France, directement issu du siècle des Lumières, travaille à l’amélioration matérielle et morale, au perfectionnement intellectuel et social de l’Humanité. Sa devise est Liberté, Égalité, Fraternité.

GODF - Grand Temple Arthur Groussier, fresque
GODF – Grand Temple Arthur Groussier, fresque

Le Grand Orient de France est un lieu de réflexion et de transmission de la connaissance. Il organise régulièrement des conférences et des évènements culturels ouverts à tous.

La distance en Franc-maçonnerie

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« Favorise t’elle le développement d’une loge ? »

Aujourd’hui nous parlons de communication, nous utilisons de nombreux outils regroupés sous les termes « techniques de productivité » mais nous restons confrontés aux notions de distances. Une loge est avant tout un lieu de rencontre où un nombre de frères et de soeurs vont travailler ensemble pour une duré déterminée.

« Une définition simple, un moment de convivialité, un moment d’échange pour construire, bâtir et plus. »

Dans des rapports de distances simplistes, il semble plus évident avec notre loge de créer une routine qui va nous lier voire nous relier car nous avons intégré par rapport à nos tenues la notion de distance afin de travailler, dirons nous, plus dans le confort.

Nous sommes encore dans la dépendance des déplacements, nous qui proposons d’aller visiter d’autres loges afin de s’ouvrir à d’autres courants de pensées et de découvrir nos consoeurs et confrères.

Nos espérances ne sont pas toujours panifiables pour se rendre à ces tenues et aller visiter des loges éloignées du fait de l’exigence des moyens de transports et de la distance à notre domicile. 

C’est un problème concret auquel nous sommes confrontés et les solutions techniques comme la visioconférence ou l’I.A. n’ont pas trouvé de solutions satisfaisantes pour ces cas de figures relatifs à la réalisation et à l’organisation de ces tenues.

« La proximité serait donc un lien essentiel au développement de nos réunions »

un facteur difficile à contourner pour amener à former et créer une chaîne d’union qui va nous unir, prospérer et se prolonger dans la vie profane, même si nous passons dans cette vie des années sans se connaitre ou se reconnaitre.

Se revoir plus facilement, plus régulièrement, certes c’est prolonger ses rapports, c’est créer une continuité plus facilement en alimentant sur un mode de fraternité continue un « foyer » pour le futur. 

Dans ce sens la distance simplifiée apparaît pour ainsi dire plus évidente car non perturbée par ces notions de déplacements.

Qu’en penses-tu mon Frère Le Grand René dans ta video ci-dessous ? :

Toi qui es souvent en déplacement…

La carte postale du 30 novembre : Des pierres brutes comme s’il en pleuvait

Frères, Sœurs, Compagnons de la voie initiatique,

Une leçon maçonnique au cœur de l’Aveyron ?

Au détour d’un sentier forestier de l’Aveyron, dans la vallée sinueuse du Lot, se dresse un sanctuaire naturel qui semble avoir été sculpté par la main invisible du Grand Architecte de l’Univers Lui-même. Je vous écris depuis le « Clapas de Thubiès », ce clapier géant niché sur la commune de Lassouts, au sud-est d’Espalion, à la lisière méridionale du massif de l’Aubrac. Perché entre 500 et 800 mètres d’altitude, exposé au nord, cet ensemble de larges blocs anguleux s’étend comme un fleuve pétrifié, un torrent de pierres brutes avançant inexorablement à travers la forêt de hêtres, de chênes et de châtaigniers.

Improprement baptisé « coulée de lave de Roquelaure », ce n’est point une rivière de magma figée, mais un éboulis basaltique, un chaos rocheux où les pierres, issues du démantèlement d’orgues basaltiques, paraissent tomber du ciel en une pluie infinie.

Comme s’il en pleuvait, dirions-nous avec un sourire complice, mais avec la profondeur symbolique qui anime notre Art Royal

Pour nous, Francs-Maçons, la pierre brute – ce symbole cardinal de notre initiation – représente l’homme profane, rugueux, imparfait, chargé des scories de l’ignorance et des passions. Elle attend le maillet et le ciseau pour être taillée, polie, et finalement intégrée à l’édifice harmonieux de la société humaine.

Ici, au Clapas de Thubiès, la nature offre une allégorie vivante de cette pierre brute multipliée à l’infini. Ces blocs, aux formes régulières de prismes à cinq ou six faces – vestiges d’une coulée volcanique ancienne du Puech de Roquelaure –, gisent en un désordre apparent, accumulés sur des dizaines de mètres de profondeur dans des vallons creusés par des sources souterraines. L’érosion, ce grand tailleur cosmique, a inversé le relief : la lave basaltique, jadis au fond d’une vallée préfigurant le Lot actuel, trône désormais au-dessus d’un socle calcaire perméable.

Les ruisseaux invisibles, coulant en souterrain, emportent les débris fins et végétaux, empêchant toute végétation autre que mousses et lichens de s’enraciner. N’est-ce pas là l’image même de l’âme non initiée, stérile aux semences de la vertu tant que les eaux purificatrices de la connaissance n’ont pas lavé ses impuretés ?

Remontons aux origines géologiques pour approfondir la symbolique

Cet éboulis est un héritage périglaciaire de l’époque würmienne, forgé durant les glaciations quaternaires par la macrogélivation – ce gel intense qui fend la roche comme le doute fissure l’esprit. Le volcan de Roquelaure, éteint depuis plus de 7 millions d’années, a vu sa coulée se désagréger sous l’assaut des éléments, formant ce « chirat » comparable à ceux du massif du Pilat dans la Loire, mais ici de roches basaltiques plutôt que cristallines.

Durant l’Holocène – époque géologique s’étendant sur les 12 000 dernières années, toujours en cours –, avec le réchauffement climatique marquant la fin des dynamiques périglaciaires, l’illuviation des particules fines a structuré l’éboulis, créant un lacunaire où la vie peine à s’implanter.

Observez ces bourrelets transversaux à l’ouest : ils pourraient témoigner d’une ancienne présence de glace, un permafrost ayant transformé l’ensemble en glacier rocheux ou en éboulis fluant. Une hypothèse qui appelle à plus d’observations, tout comme notre Travail maçonnique exige une quête incessante de la Vérité.

Dans ce paysage, le chaos n’est qu’illusion. Comme dans nos Temples, où le pavé mosaïque alterne ombre et lumière, ordre et désordre, le « Clapas de Thubiès » révèle une harmonie sous-jacente. Les pierres, anguleuses et brutes, évoquent les Apprentis entrant en Loge, dispersés par les vents de la vie profane. Mais imaginez-les taillées par le temps

Saint-Côme-d’Olt

géologique : un jour, polies par l’érosion patiente, elles pourraient former les fondations d’un nouveau monde. N’est-ce pas le parcours de l’initié ? De la pierre brute à la pierre cubique, du profane au Maçon éclairé, du fleuve tumultueux à l’édifice stable. Et cette exposition nord, face aux vents froids, symbolise les épreuves que nous surmontons pour atteindre la Lumière de l’Orient.

La coquille, symbole général du chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle

Le site, accessible 800 mètres avant le château de Roquelaure – cette forteresse médiévale dominant Saint-Côme-d’Olt –, offre un point de vue imprenable sur la vallée. Un panneau pédagogique, tel un Volume de la Loi Sacrée ouvert aux profanes, détaille la formation : du démantèlement de la corniche basaltique aux flux souterrains qui maintiennent le site en perpétuel mouvement subtil.

Saint-Côme-d’Olt-Hôtel-de-ville

En occitan, « lo Clapas de Thubiès » – un tas de cailloux près du hameau de Thubiès, à la frontière d’Espalion et Lassouts – résonne comme un mantra ancien, rappelant nos racines ésotériques ancrées dans les traditions populaires et les mystères de la terre.

Frères et Sœurs, si vos pas vous mènent en Aveyron – terre des Templiers et Hospitaliers avec ces 5 villages fortifiés que sont La Couvertoirade, Sainte-Eulalie-de-Cernon, Saint-Jean d’Alcas, La Cavalerie et la Tour du Viala du Pas de Jaux – contemplez ce clapas.

C’est une carte postale du Grand Œuvre : des pierres brutes en profusion, comme s’il en pleuvait du ciel, attendant le Maçon pour être élevées.

Elles nous enseignent l’humilité face à la nature, la persévérance dans le Travail, et la transformation du chaos en Ordre – Ordo ab chao, devise du Rite Écossais Ancien et Accepté qui est, en vérité, une règle de vie. Que cette vision nourrisse vos méditations en Loge, et que la pierre brute en vous soit taillée avec sagesse.

En lumière, force et union fraternelle.

Puisse cette méditation t’accompagner en ce jour. Bon dimanche, et bons baisers de l’Aveyron, éternelle terre de lumière !

Partout où vous vivez, partout où vous voyagez, vous avez l’œil : un fronton, une grille, un heurtoir, un vitrail, un symbole perdu dans la pierre ou dans le métal… Vous repérez ces clins d’œil maçonniques que beaucoup ne voient pas. À 450.fm, nous savons que nos lectrices et nos lecteurs sont de véritables chasseurs de symboles, des photographes inspirés, des conteurs nés. Alors plutôt que de laisser vos trouvailles finir noyées dans des compilations anonymes ailleurs, envoyez-nous vos photos accompagnées de quelques lignes d’explication. Vos « cartes postales maçonniques » seront ici présentées, signées, mises en valeur et partagées comme elles le méritent : avec respect pour votre regard et reconnaissance pour votre talent.

Illustrations : Wikimedia Commons ; Photos © Yonnel Ghernaouti, YG

La route des Templiers au Portugal : un chemin mystique vers l’histoire

De notre confrère theportugalnews.com

Imaginez un sentier sinueux qui serpente à travers des collines verdoyantes, des châteaux perchés sur des îles fluviales et des couvents enveloppés de légendes ésotériques. Au Portugal, la Route des Templiers n’est pas qu’un itinéraire géographique : c’est une invitation à plonger dans l’âme d’un ordre chevaleresque qui a façonné l’Europe médiévale. Fondée sur un héritage de croisades, de mysticisme et d’innovation architecturale, cette route relie seize municipalités du pays, transformant des vestiges oubliés en joyaux touristiques durables.

En novembre 2025, alors que Tomar, la « capitale templière » du Portugal, accueille un sommet dédié à ce patrimoine, explorons ensemble ce trésor caché qui allie histoire, culture et économie locale. Préparez votre passeport templier : l’aventure commence.

Les racines chevaleresques : une histoire forgée dans le feu des croisades

L’Ordre des Templiers, né au XIIe siècle pour protéger les pèlerins en Terre Sainte, trouva au Portugal un terreau fertile pour s’épanouir. Fondé en 1160 par Gualdim Pais, maître portugais de l’Ordre, le château de Tomar devint le bastion emblématique de cette présence. Inspiré des fortifications des Croisades, ce site stratégique défendait les frontières chrétiennes contre les invasions mauresques, tout en servant de centre spirituel et économique. Contrairement à l’Europe continentale, où les Templiers furent dissous en 1312 par le pape Clément V sous l’influence du roi Philippe IV de France, le Portugal préserva leur legs en transférant leurs biens à l’Ordre du Christ.

Ce dernier propulsa l’Âge des Découvertes : les caravelles portugaises, financées par cet ordre, explorèrent le monde, infusant l’architecture manuéline – un style exotique mêlant gothique et influences maritimes – dans des monuments comme la fameuse fenêtre du Couvent du Christ à Tomar. Cette transition unique explique pourquoi le Portugal abrite les traces les plus intactes de l’héritage templier. Des forteresses comme Almourol, émergeant comme un mirage au milieu du Tage, aux tours de guet pentagonales de Dornes, ces sites racontent une saga de chevaliers, de trésors légendaires et de mysticisme.

Selon les historiens, les Templiers géraient ici non seulement des routes commerciales, mais aussi des savoirs ésotériques : symboles alchimiques gravés dans la pierre, croix pattées et références au Temple de Salomon. À Tomar, la Charola – rotonde octogonale inspirée du Saint-Sépulcre de Jérusalem – reste la plus grande et la mieux conservée d’Europe, un témoignage architectural qui conjugue roman, gothique et manuelin. Ce passé n’est pas figé : il pulse encore dans les légendes locales, comme celle de Celinda à Sertã, où une jeune Templière défia les Hospitaliers pour l’amour d’un chevalier.

Les joyaux éparpillés : un itinéraire de sites inoubliables

La Route des Templiers s’étend du Nord au Sud, reliant des territoires ruraux et urbains dans un réseau de seize municipalités : Abrantes, Arronches, Castelo Branco, Ferreira do Zêzere, Idanha-a-Nova, Mogadouro, Ourém, Pombal, Reguengos de Monsaraz, Sabugal, Sertã, Soure, Tomar, Torres Novas, Vila Nova da Barquinha et Vila Velha de Ródão.

theportugalnews.com Lancée en 2023 via un protocole entre ces communes, le Turismo de Portugal et des entités régionales comme le CIM Médio Tejo, cette voie propose des itinéraires thématiques pour une exploration immersive.

Jour 1 : Tomar, le Cœur Battant
Commencez par Tomar, classée UNESCO depuis 1983. Le Couvent du Christ, avec ses 18 000 m² de labyrinthes architecturaux, domine la ville : escaliers hélicoïdaux, chapelles cachées et un aqueduc de 6 km, les Pegões, qui irriguait les terres templières.

Visitez l’église Santa Maria do Olival, panthéon gothique des maîtres templiers, ou la synagogue du XVe siècle, l’une des plus anciennes d’Europe. Ne manquez pas la roue du Nabão, un moulin à eau géant du XVIe siècle, symbole de l’ingéniosité hydraulique de l’Ordre. Pour une touche mystique, errez dans la Mata dos Sete Montes, où se niche la « Charolinha », un temple miniature dédié à la Charola.

Jour 2 : Le Mystère Fluvial et les Forteresses Oubliées
Dirigez-vous vers Vila Nova da Barquinha pour le Château d’Almourol, forteresse isolée sur une île du Tage, accessible par bateau. Construit en 1171, il évoque les châteaux légendaires des croisades, avec ses murailles crénelées et ses vues panoramiques.

À proximité, le Centre d’Interprétation Templier d’Almourol (CITA) offre des expositions interactives sur la vie des chevaliers. Poursuivez à Dornes (Ferreira do Zêzere), où une tour pentagonale du XIIIe siècle veille sur la lagune de Castelo de Bode – un spot idéal pour une croisière au coucher du soleil. À Abrantes, la forteresse du XIIe siècle défendait la ligne du Tage, tandis qu’à Ourém, le château médiéval et ses ruelles pavées invitent à déguster une ginjinha, liqueur locale aux cerises.

Jour 3 : Patrimoine Rural et Symboles Cachés
Explorez Sertã et son château templier éphémère (1165-1174), lié à la légende de Celinda, ou Torres Novas avec ses grottes de Lapas, possibles refuges médiévaux. À Soure, le premier château templier portugais (près de Coimbra) marque le début d’une extension nordique. Le passeport de la Route, un carnet à tamponner, guide ces découvertes : collectez des preuves de visites pour un « diplôme » final, encourageant une exploration ludique.

Ces sites, souvent nichés dans des zones rurales, offrent une alternative au tourisme de masse : randonnées douces, vélo le long du Tage et dégustations de produits locaux comme les vins de Reguengos de Monsaraz.

Initiatives touristiques : de la réunion de Tomar à l’innovation numérique

Le 25-26 novembre 2025, Tomar a accueilli le premier « Encontro da Rota dos Templários de Portugal », un sommet thématique sur « Expérience touristique et patrimoine templier ». Organisé par la mairie de Tomar avec Turismo de Portugal et des partenaires régionaux, il a réuni experts, universitaires et maires pour forger une stratégie nationale.

Des panels ont exploré la médiation patrimoniale, l’innovation (tourisme 4.0 avec réalité augmentée) et les réseaux communautaires. Le maire Tiago Carrão a déclaré :

« Tomar est, par essence, la capitale templière au niveau national et une référence internationale. Nous devons tirer parti de ce capital pour attirer plus de visiteurs et renforcer le lien entre histoire, tourisme et économie. »

Au-delà de cet événement, des initiatives structurantes émergent : centres d’interprétation comme celui de Levada à Tomar ou le CITA d’Almourol, applications mobiles pour circuits personnalisés, et événements immersifs – reconstitutions historiques, gastronomie thématique (viandes rôties des chevaliers) et expositions temporaires.

La Fédération Européenne de la Route des Templiers (TREF) intègre le Portugal dans un réseau transnational, reliant Tomar à des sites en Espagne ou en France. Des tours guidés, comme ceux de Celina Tours ou The Cooltours, proposent des excursions d’une journée à Almourol et Tomar, avec options de croisière.

Impacts économiques et perspectives durables : un héritage vivant

Cette route n’est pas qu’un reliquat du passé : elle dynamise l’économie locale. En 2025, le Couvent du Christ attire plus de 500 000 visiteurs annuels, générant des revenus pour les artisans, hébergements ruraux et produits du terroir.

Les initiatives favorisent l’allongement des séjours hors saison, la création d’emplois dans le tourisme culturel et une consommation locale – vins, fromages et artisanat – tout en promouvant la durabilité : mobilités douces et implication communautaire.

À l’avenir, le Portugal vise une reconnaissance européenne par le Conseil de l’Europe, transformant la route en un « laboratoire du tourisme culturel » avec IA pour visites virtuelles et événements paneuropéens.

Des extensions vers l’Alentejo (Reguengos) ou le Nord (Mogadouro) enrichiront l’offre, attirant un public en quête d’authenticité.

Empruntez le chemin, réveillez les chevaliers

La Route des Templiers au Portugal est bien plus qu’un circuit : c’est un pont entre époques, où le murmure des croix pattées rencontre l’innovation touristique. De Tomar l’illuminée aux îles mystiques d’Almourol, elle invite à une lenteur contemplative, à des découvertes qui nourrissent l’âme et l’économie. Comme l’affirmait Tiago Carrão, c’est un « moteur culturel et économique » pour des territoires vivants.

Prenez la route – avec un passeport en main et un esprit curieux. Les Templiers vous attendent, gardiens éternels d’un Portugal enchanté.

Sources consultées incluent Turismo de Portugal, The Portugal News et le passeport officiel de la Route. Pour plus d’infos, visitez visitportugal.com ou cm-tomar.pt.

La liberté de conscience, cœur battant du REAA et des valeurs républicaines : de Lausanne à la loi de 1905

Il est des dates qui se répondent comme deux pierres d’angle dans la même architecture. Septembre 1875, Convent de Lausanne. Décembre 1905, vote de la loi concernant la séparation des Églises et de l’État. Entre ces deux moments, un même fil secret : la liberté de conscience. D’un côté, les Suprêmes Conseils du Rite Écossais Ancien et Accepté redéfinissent le sens du Grand Architecte de l’Univers et l’universalisme du Rite ; de l’autre, la République française affirme qu’elle « garantit le libre exercice des cultes » tout en reconnaissant à chaque citoyen la pleine souveraineté de sa conscience.

Le Convent de Lausanne
Le Convent de Lausanne

Deux lieux, deux langages, deux temporalités, mais un même enjeu : délivrer l’être humain de toute tutelle spirituelle imposée et lui permettre de se tenir debout, comme maçon et comme citoyen.

À l’approche du 9 décembre 2025, 120ᵉ anniversaire de la loi de 1905, ce dialogue silencieux entre le Temple et la cité vient rejoindre l’ici et maintenant, comme un appel à revisiter ce que nous mettons vraiment derrière les mots liberté, laïcité, République. Trop souvent, ces termes se figent en slogans, se réduisent à des positions de camp, se laissent confisquer par les polémiques. Pourtant, derrière la devise affichée sur les frontons des mairies et les façades des écoles, il y a une exigence concrète : organiser la vie commune de manière à ce que personne ne soit forcé de croire, empêché de croire ou humilié pour ce qu’il croit.

Le Rite Écossais Ancien et Accepté naît comme un grand récit initiatique qui, du 1ᵉʳ au 33ᵉ degré, conduit le franc-maçon à interroger la justice, la mort, la transmission, la responsabilité, loin des dogmes rigides, sclérosés, voire enfermants.

Ce n’est pas un système de croyances à ajouter à d’autres, mais un chemin de décapage de la conscience. À Lausanne, les délégués affirment que le Grand Architecte de l’Univers n’est pas l’étendard d’une confession imposée, mais le symbole d’un principe créateur, d’une Source qui dépasse les représentations particulières. La question n’est plus : « En quel Dieu crois-tu ? », mais : « Acceptes-tu qu’il existe un principe d’ordre et de sens devant lequel ton ego s’efface ? »

Dès lors, la liberté de conscience n’est pas un vague droit individuel de plus, empilé sur d’autres droits ; elle devient une exigence spirituelle : chacune et chacun est appelé à nommer ce Principe selon sa culture, sa tradition, sa philosophie, à condition de reconnaître au frère ou à la sœur le même droit inaliénable de nommer, de chercher, de se taire.

L'aigle bicéphale dessiné pour le Convent de Lausanne
L’aigle bicéphale dessiné pour le Convent de Lausanne

Entre Lausanne et 1905, l’Europe bruisse de conflits religieux, de crispations identitaires, de tentatives d’emprise des Églises sur l’État et de résistances laïques parfois agressives. La loi de séparation n’arrive pas dans un ciel serein, elle vient mettre de l’ordre là où se confondent pouvoir spirituel et pouvoir temporel. Ce que la maçonnerie écossaise a commencé à expérimenter dans ses temples, la République l’écrit dans le marbre de la loi : l’État n’a pas vocation à dicter le contenu des croyances, mais à en garantir la libre expression dans le respect de l’ordre public. La laïcité devient le cadre juridique qui permet à la liberté de conscience de se déployer sans que l’une ou l’autre croyance s’arroge le monopole du vrai.

Et c’est là que la perspective devient résolument citoyenne. La liberté de conscience n’est pas seulement protégée à l’intérieur des temples ou dans l’intimité des cœurs ; elle s’éprouve dans la vie quotidienne : à l’école, où l’élève ne doit ni être stigmatisé pour sa foi, ni transformé en objet de prosélytisme ; dans les services publics, où chacun doit pouvoir être accueilli comme usager, non comme membre d’une communauté religieuse déterminée ; dans les entreprises, où les convictions personnelles ne doivent ni devenir un motif de discrimination, ni un prétexte à imposer une norme spirituelle aux autres. La République ne demande pas aux citoyens de renoncer à ce qui les habite, mais de renoncer à imposer ce qui les habite.

Dans ce cadre, la laïcité ne signifie pas la mise à l’écart du spirituel

Elle signifie la neutralité de la puissance publique et la protection de la pluralité des chemins intérieurs. La République n’exige pas que les consciences se vident de toute référence transcendante ; elle affirme que nul ne peut être contraint ni empêché de chercher, de douter, de croire ou de ne pas croire. Elle institue un espace commun où la foi du croyant, la méditation du philosophe, le silence de l’agnostique et la conviction du libre penseur peuvent se côtoyer sans se nier. Cette cohabitation est exigeante : elle suppose que chacun accepte de faire un pas de côté, de ne pas transformer ses convictions en norme pour l’autre, de supporter que la vérité de sa vie ne soit pas universellement reconnue.

Dans cette perspective, la liberté de conscience devient le socle concret des valeurs républicaines

Elle commande la liberté d’expression et de culte, elle nourrit l’égalité des droits indépendamment des croyances, elle rend possible une fraternité qui ne soit pas seulement l’amitié entre semblables mais la solidarité entre différents. Quand un hôpital public accueille indifféremment croyants de toutes religions et non-croyants, quand un maire marie deux personnes sans se demander de quelle famille spirituelle elles proviennent, quand un professeur tient sa classe en respectant les convictions de chacun tout en transmettant les savoirs communs, c’est la liberté de conscience, devenue pratique citoyenne, qui se donne à voir.

pierre brute,outils apprenti,ciseau,maillet
pierre brute avec maillet et ciseau

Vue depuis la loge, cette exigence ressemble à un travail sur la pierre brute : dégager la conscience des scories de la peur et de la domination pour qu’elle puisse entrer en dialogue sans se renier. Sous la voûte étoilée du Rite, la laïcité prend une forme symbolique. Le Temple n’est ni une chapelle, ni un parlement : il devient un laboratoire de l’humain, où se rencontrent croyants, agnostiques, libres penseurs, héritiers de traditions religieuses diverses. Tous travaillent côte à côte, à la même pierre, sous l’invocation du Grand Architecte de l’Univers, sans que jamais leur appartenance confessionnelle ou leur absence de religion ne leur confère privilège ou handicap. Nul n’a à se justifier de ce qu’il croit ou ne croit pas : seule compte la loyauté à la méthode, à l’écoute, au travail sur soi.

Panneau liberté égalité fraternité de la République Française
Panneau liberté égalité fraternité de la République Française

Cette égalité de statut devant le Mystère fait écho à l’égalité des citoyens devant la loi ; tous sont libres et responsables, nul n’est assigné à résidence spirituelle ou identitaire. Dans cet espace, les valeurs de la République – Liberté, Égalité, Fraternité – cessent d’être des mots gravés sur le fronton des mairies pour devenir une discipline intérieure. La devise de la République est aussi celle de la Grande Loge de France et figurait déjà, en 1795, dans les Livres d’Architecture. Aujourd’hui encore, le triptyque républicain est inscrit au « Chapitre II – Souveraineté de la Grande Loge – Autonomie des Loges, Article 1 » de la Constitution et règlements généraux, 6024, et s’affiche dès la première page : « À la Gloire du Grand Architecte de l’Univers – Grande Loge de France – franc-maçonnerie de Rite Écossais Ancien et Accepté – Ordo Ab Chao – Liberté, Égalité, Fraternité – fondée en 5728, reconstituée le 7 novembre 5894 – Constitution et règlements généraux ».

La liberté s’y vit comme liberté de pensée, de conscience, de parole, mais aussi comme capacité à entendre celle de l’autre sans l’écraser. L’égalité se traduit par le refus des hiérarchies d’origine, de fortune, de croyance : le plus humble des Apprentis partage la même dignité que le dignitaire le plus élevé. La fraternité, enfin, ne se réduit pas à une bienveillance tiède ; elle est cette décision obstinée de reconnaître l’autre comme un sujet, y compris lorsqu’il ne pense pas, ne croit pas comme nous. Transposées dans l’espace citoyen, ces exigences invitent à une vigilance quotidienne : dans la manière de débattre, de légiférer, de commenter l’actualité, de parler des « autres » – migrants, minorités religieuses, athées, croyants – sans les réduire à leurs appartenances.

Le Convent de Lausanne, relu à la lumière de 1905, apparaît comme une préfiguration maçonnique de la laïcité républicaine : un cadre commun, non dogmatique, au sein duquel peuvent coexister des convictions différentes, voire opposées, pourvu qu’elles renoncent à la violence et à la prétention hégémonique. Le REAA montre que cette cohabitation n’est pas seulement possible, elle est féconde. Les degrés invitent à méditer des mythes bibliques, chevaleresques, hermétiques ; ils convoquent Salomon et Hiram, Jean l’Évangéliste et les bâtisseurs anonymes, sans exiger que ces figures soient « crues » au sens catéchétique. Elles sont proposées comme des miroirs, des paraboles, des outils pour dégager la conscience de ses habitudes et lui permettre de se tenir dans un espace où plusieurs interprétations peuvent coexister.

Transposée à la cité, cette logique symbolique nous rappelle que l’espace public n’a pas à effacer les différences, mais à les rendre compatibles. La loi de 1905 n’est pas un catéchisme de plus, elle est un mode d’emploi pour vivre ensemble : elle trace une frontière nette entre ce qui relève de la puissance publique – les règles communes, les droits, les devoirs – et ce qui relève du for intérieur – les croyances, les refus, les doutes. Quand la laïcité est comprise ainsi, elle cesse d’être un prétexte à exclure tel ou tel signe de l’espace social au nom d’une prétendue pureté culturelle ; elle devient une méthode de pacification, un art de la distance juste entre la conviction personnelle et la loi commune.

Dans le langage des valeurs républicaines, la liberté de conscience est volontiers présentée comme le cœur de la laïcité. Dans le langage du REAA, elle apparaît comme l’autel intérieur où chacun dépose ses certitudes pour les éprouver à la lumière du symbole. Entre ces deux registres, civique et initiatique, il n’y a pas opposition, mais circulation. Le citoyen qui apprend à respecter la conviction d’autrui, y compris lorsqu’elle le bouscule, fait un pas vers l’attitude maçonnique. Le maçon qui, en loge, s’exerce à écouter des paroles venues d’horizons spirituels divers, s’initie à une citoyenneté capable d’affronter les tensions de la société sans céder aux réflexes d’exclusion.

Temple maçonnique de Rochefort (Crédit rochefort-ocean)

Lorsqu’il s’agit d’accompagner des agents publics confrontés à une provocation identitaire, à un prosélytisme agressif, à une revendication religieuse dans un service, se retrouve, sous une autre forme, la même exigence que dans le Temple : faire passer la personne avant l’étiquette, la dignité avant l’appartenance, la recherche de la paix avant le goût de la polémique. Il ne s’agit pas de céder à toutes les demandes, mais de les examiner à la lumière d’un principe simple : ce qui protège la liberté de conscience de tous mérite d’être défendu ; ce qui prétend imposer une vérité à tous doit être limité.

Dans un monde travaillé par les crispations identitaires, les replis communautaires et les simplifications haineuses, la maçonnerie écossaise rappelle que la liberté de conscience n’est pas une concession fragile, mais la condition même de ce qu’il est possible de nommer non pas seulement le vivre-ensemble, mais la concorde universelle. La laïcité, loin d’être une arme dirigée contre les religions, se révèle alors comme une méthode de pacification : chacun laisse son dieu, ses certitudes, ses refus, sur le seuil des institutions publiques ; tous se retrouvent comme citoyens, à égalité de droits et de devoirs. Dans le Temple, le geste est analogue : chacune et chacun est invité à déposer ses appartenances profanes pour ne garder que l’essentiel, cette part de lui-même qui consent à travailler pour davantage de justice, de lucidité et de fraternité. Ce dépouillement n’abolit pas les identités, il les désarme.

Relire Lausanne à l’heure de la République laïque, c’est accepter une double interpellation Pour les maçons du REAA, il s’agit de ne pas transformer le Grand Architecte de l’Univers en frontière implicite, en test d’orthodoxie déguisé, mais de rester fidèles à l’esprit d’ouverture voulu en 1875. La référence au Principe ne doit pas devenir une arme contre celles et ceux qui le nomment autrement ou qui choisissent de ne pas le nommer. Pour les citoyens de 1905 comme de 2025, il s’agit de se souvenir que la laïcité n’est ni une religion d’État, ni un athéisme obligé, mais un cadre de liberté et de responsabilité. Elle n’a de sens que si la liberté de conscience reste vivante, instruite, éclairée, si nous acceptons de la défendre pour ceux dont nous ne partageons pas les convictions.

Entre la salle des pas perdus d’un palais de justice, la cour d’une école, la salle du conseil municipal et le pavé mosaïque d’un Temple écossais, la même exigence circule : permettre à l’être humain de se tenir debout, sans maître spirituel imposé, mais jamais livré à la seule tyrannie de son ego. C’est peut-être là le vrai legs de Lausanne et de 1905, à l’heure de leur dialogue renouvelé : avoir fait de la liberté de conscience non une abstraction juridique ou un thème de colloque, mais une voie de croissance pour chacun, une condition de la paix civile et une manière d’approcher le Mystère, en citoyens et en maçons, sous le regard discret du Grand Architecte de l’Univers, à l’ombre vigilante des valeurs de la République et à la lumière apaisante de la laïcité.

Aimer, Prières pour soi et les autres – Love, Prayers for oneself and others 

Aimer, Prières pour soi et les autres se présente comme un long rosaire de paroles adressées, un collier de textes qui ne cherchent pas à expliquer l’amour mais à le faire respirer. Dès les premières pages, nous entendons la voix d’Alexandre Rosada qui ne s’abrite pas derrière un concept abstrait, mais s’avance avec sa propre histoire, ses blessures, ses reconnaissances, ses fidélités. L’amour n’est pas ici un sentiment vague, encore moins un slogan. Il devient ce choix de présence dont parle la quatrième de couverture, une manière de se tenir debout face au monde, dans le souci de soi, dans l’acceptation de l’autre, dans la responsabilité envers la cité.

Chaque méditation est façonnée comme une prière intime, mais jamais confinée à une chapelle privée. Le texte français dialogue avec sa version anglaise – traduction de Saddam Hussein Abdul Kadir –, phrase après phrase, comme deux colonnes entre lesquelles circule un même souffle. Cette alternance n’est pas un simple dispositif éditorial. Elle travaille le lecteur, elle l’oblige à entendre la même pensée dans deux musiques différentes, à travers deux rythmes, deux mémoires, deux imaginaires. Nous sentons alors combien la langue elle-même devient un outil initiatique, comparable à ces instruments symboliques qui, dans la tradition maçonnique, servent à dégrossir la pierre brute. Passer d’un idiome à l’autre, c’est déjà élargir la loge intérieure, ouvrir l’amour à d’autres horizons, reconnaître que la fraternité n’a pas de langue officielle.

Alexandre Rosada aborde l’amour par cercles concentriques. Il commence par cette réalité presque inconcevable qu’est « Aimer l’Amour », cette source inépuisable qui irrigue ensuite toutes les autres formes de relation. Il décrit l’amour comme une émotion fondatrice, puissance de cohésion dans un monde fracturé, mais aussi comme une musique secrète, proche des murmures des forêts ou des fleurs nocturnes, qui révèle la beauté cachée des choses. À travers cette première méditation, nous percevons déjà une tonalité très proche de la démarche hermétique. L’amour est présenté comme un principe alchimique, capable de transmuter la division en unité, la peur en ouverture, l’égoïsme en générosité. Nous sommes renvoyés à ce travail intérieur dont parlent les rituels, ce lent passage du plomb des passions au métal plus pur d’une joie désappropriée.

Sainte Famille

Puis viennent les amours les plus proches, ceux qui sculptent la mémoire de chacun et fondent l’architecture du sujet. Aimer ses Frères et ses sœurs, aimer son Père, aimer sa Mère. Ces textes, nourris d’expériences très personnelles, touchent à la fois à la psychologie et au symbole. Dans l’évocation de la fratrie, nous retrouvons la première école de la différence, là où se négocient les jalousies, les rivalités, mais aussi les connivences et l’épaule offerte dans les moments sombres. Alexandre Rosada montre comment cette fraternité, parfois malmenée, parfois presque perdue, reste un lien indestructible, un fil rouge qui traverse les années. Nous pensons à la chaîne d’union maçonnique, à ces mains qui se tendent malgré les malentendus, parce qu’un même serment secret circule dans les profondeurs.

Le texte consacré au père se déploie comme une lente tentative de réconciliation avec une absence. L’auteur évoque la blessure silencieuse d’un père lointain, la quête jamais achevée d’un visage qui se dérobe, le sentiment d’un manque qui ne se comble pas, quelles que soient les substitutions affectives. Il ne s’agit pas d’un règlement de comptes, mais d’un travail de lucidité. Reconnaître le manque, l’accepter, discerner ce qu’il a façonné en nous, voilà déjà un acte d’amour. Le geste d’Alexandre Rosada rejoint ici une démarche initiatique profonde. Aimer son père, même lorsqu’il a été défaillant, revient à reconnaître l’axe vertical de notre généalogie, cette colonne qui, même fissurée, structure la maison intérieure. La maçonnerie ne dit pas autre chose lorsqu’elle invite à honorer la mémoire des anciens, non comme des figures idéales, mais comme des êtres faillibles à travers lesquels nous recevons une transmission.

Hans Memling – Mater Dolorosa

À la mère, l’auteur adresse des paroles de gratitude presque liturgiques. La mère devient demeure, veilleuse, présence inlassable. Le texte laisse affleurer une image mariale, discrète mais sensible. Nous entendons résonner la figure de la Mater Dolorosa, mais aussi celle de toutes les femmes silencieuses qui ont porté les générations. Aimer sa mère, ici, c’est reconnaître l’énergie matricielle qui traverse le monde, cette matrice où se mêlent soin, douceur et force. Dans une perspective maçonnique, cette figure rappelle la dimension féminine de la sagesse, cette Sophia que des courants hermétiques ont célébrée comme l’âme du monde.

Peu à peu, les méditations quittent le cercle familial pour s’ouvrir vers d’autres visages. « Aimer l’Autre », celui qui ne nous ressemble pas, celui qui nous dérange ou nous décale, apparaît comme une étape décisive. Alexandre Rosada insiste sur l’abandon de soi, non comme humiliation mais comme dépassement de la crispation identitaire. Aimer l’Autre, c’est reconnaître en chaque personne une valeur irréductible, au-delà des appartenances, des croyances et des préjugés. Les lignes consacrées à ce thème prennent une dimension quasi politique. Elles dénoncent les sociétés clivées, les régimes qui se nourrissent de la stigmatisation, et elles exaltent les communautés inclusives où chaque être humain peut trouver sa place dans le respect de ses droits et de ses devoirs. La fraternité, ici, quitte le domaine du sentiment pour devenir un projet de société. Nous ne sommes pas loin de l’idéal maçonnique d’une humanité rassemblée, où la diversité n’est plus vécue comme menace mais comme richesse partagée.

Ce qui frappe tout au long du livre, c’est la volonté de ne laisser aucune figure aux marges de l’amour. Alexandre Rosada se tourne vers les personnes handicapées, vers les malades, vers les mourants et ceux qui les accompagnent, vers les prisonniers, vers les pauvres autant que vers ceux qui vivent dans l’abondance, vers les personnes homosexuelles ou transgenres, vers ceux qui exercent le pouvoir politique, vers celles et ceux qui enseignent, soignent, jugent, transmettent le savoir scientifique. Chaque méditation prend le temps d’explorer la manière dont l’amour peut habiter ces situations, parfois marquées par l’exclusion, la honte, la domination ou la peur. Il ne s’agit pas de paroles morales qui surplombent, mais d’une tentative de se tenir au plus près de l’expérience.

Ainsi, aimer les prisonniers, c’est reconnaître la part d’ombre de la société, ce lieu où se concentrent les échecs, les violences, les ruptures de destin. Le texte invite à dépasser le seul registre de la faute pour accueillir la possibilité de la rédemption. Nous retrouvons ici un écho profond avec la symbolique de la Pierre d’achoppement, qui peut devenir pierre d’angle, si elle est remise à sa juste place. Aimer les personnes homosexuelles ou transgenres, c’est accueillir des existences qui, souvent, ont dû traverser le rejet, l’incompréhension, voire la persécution. Cette ouverture rejoint la quête maçonnique d’une fraternité sans exclusion, où chaque être est reconnu dans la singularité de son parcours.

L’amour ne se limite pas aux relations humaines. Plusieurs méditations célèbrent la nature, l’univers, la beauté du monde sensible. La forêt, les étoiles, les saisons, deviennent autant de modes de présence du divin, ou du moins d’une dimension sacrée de l’existence. Nous sommes proches d’une sensibilité cosmique très ancienne, que l’hermétisme, le symbolisme chrétien ou le bouddhisme ont, chacun à leur manière, honorée. Dans cette perspective, aimer la nature n’est pas une option écologique parmi d’autres. C’est reconnaître que nous ne sommes pas propriétaires de la création, mais participants d’un immense organisme vivant. Là encore, la lecture maçonnique affleure, avec l’idée que l’univers tout entier forme un Temple, dont chaque être constitue une pierre, un pilier, une ligne de force.

Une originalité majeure du livre réside dans la manière dont Alexandre Rosada traite la dimension religieuse. L’amour embrasse ici la foi, le bouddhisme, la figure de Dieu, mais aussi l’athéisme. La prière ne se réduit pas aux croyants. Aimer la foi, c’est reconnaître la puissance d’espérance et de consolation qu’elle porte, sans fermer les yeux sur ses dérives possibles. Aimer le bouddhisme, c’est honorer une sagesse de la vacuité et de la compassion. « Aimer Dieu… », c’est consentir à un Mystère qui dépasse nos définitions, qu’elles soient dogmatiques ou rationalistes. Mais aimer l’athéisme, c’est tout autant accueillir la quête sincère de ceux qui ne peuvent adhérer à une figure divine, et qui cherchent la vérité dans l’honnêteté de leur refus. Cette coexistence de regards traduit une spiritualité vraiment transversale, qui ne sacrifie ni l’intériorité ni l’esprit critique. Nous sommes loin d’un relativisme mou. Il s’agit plutôt d’une fraternité de chercheurs, telle que la franc-maçonnerie aime à la favoriser, où la diversité des convictions est tenue comme une richesse et non comme un motif de rupture.

André Comte-Sponville en 2014

Les méditations consacrées à la vie en communauté, à la famille, au célibat, à la jeunesse, à la vieillesse, composent une véritable anthropologie spirituelle. Alexandre Rosada n’idéalise ni l’enfance ni la maturité. Il montre comment chaque âge de la vie comporte sa grâce et ses déchirures, et comment l’amour, lorsqu’il est travaillé comme une voie intérieure, permet de traverser les étapes, d’accepter les transformations, de renoncer à la domination pour entrer dans le service. Nous pourrions lire ces pages comme autant d’échos aux différents degrés d’un parcours initiatique. À mesure que l’existence se complexifie, l’amour devient moins émotion brève que décision répétée, fidélité à la présence de l’autre, patience obstinée face aux contradictions du monde.

Une dimension plus discrète, mais essentielle, concerne la relation au temps, à l’histoire, au secret, au mystère. « Aimer le Temps », c’est refuser de faire de l’instant un tyran. C’est reconnaître que l’histoire de chacun, comme l’histoire collective, se construit dans la durée, que le passé porte encore des ressources de sens, que l’avenir peut être accueilli comme un champ de promesses plutôt que comme une menace. Aimer le secret, c’est accepter qu’il existe des zones de silence nécessaires à la profondeur de la relation. Là se glisse une tonalité très maçonnique. Le secret n’est pas dissimulation, il est espace de maturation. Le mystère, lui, n’est pas un vide, mais une surabondance de sens qui déborde nos mots. L’amour, tel que l’écrit Alexandre Rosada, n’épuise jamais ce mystère. Il en est le chemin privilégié.

Saint Jean l’Évangeliste

À la fin du parcours, trois méditations retiennent particulièrement l’attention, consacrées à Philia, Storgê et Agapè. En convoquant ces distinctions grecques, l’auteur rappelle que l’amour n’est pas monolithique. Philia, c’est l’amitié, l’affection réciproque entre égaux. Storgê renvoie à l’attachement familial, à la tendresse discrète qui lie les générations. Agapè désigne l’amour gratuit, sans retour, qui se donne sans calcul. Cette triade forme comme un triangle sacré. Elle n’est pas sans rappeler l’articulation entre les trois grandes vertus maçonniques, souvent associées à l’Équerre, au Compas et au Volume de la Loi sacrée. Alexandre Rosada invite à ne pas opposer ces formes d’amour, mais à les laisser se féconder mutuellement, afin que nos existences deviennent des lieux de passage pour une générosité plus vaste que nos seuls désirs.

Spinoza

Tout au long du livre, des citations jalonnent le chemin. André Comte-Sponville, Baruch Spinoza, Jean l’Évangéliste, Saint-Paul, Alain, Maurice Chapelan et quelques autres sont convoqués, non pour faire érudition, mais pour former une sorte de loge invisible de penseurs et de témoins. Chacun apporte une pierre à la compréhension de ce mystère qu’est l’amour. Cette polyphonie situe l’ouvrage dans une tradition de sagesse. L’auteur n’écrit pas isolé, il se tient dans une lignée de voix, comme un frère parmi d’autres, qui prend la parole à son tour dans le grand chantier de la conscience humaine.

Saint Paul écrivant ses épîtres par Valentin de Boulogne (1618-1620), Musée des beaux-arts de Houston

La tonalité maçonnique de l’ensemble ne tient pas à des allusions explicites aux rituels ou aux symboles de Loge. Elle se manifeste plutôt dans le regard porté sur l’humain, dans cette conviction qu’aucune existence n’est indigne d’être travaillée, relevée, transmutée. Chaque méditation ressemble à une planche intérieure, rédigée à la lumière des expériences vécues, des rencontres, des blessures et des joies. Le bilinguisme agit comme une double colonne. Les figures multiples de l’amour forment autant de pierres disposées sur le tracé d’un temple en chantier, temple qui n’est autre que la communauté humaine appelée à plus de justice et de paix.

Alexandre Rosada apparaît ainsi comme un passeur singulier. Journaliste durant près de quarante ans, il a traversé les secousses de l’histoire contemporaine dans la presse écrite et à la télévision, en gardant la rigueur de l’enquêteur. Mais derrière l’homme de médias se tient un homme d’âme. Écrivain du seuil, selon la belle expression utilisée pour le présenter, il relie spiritualité, traditions orientales, mémoire coloniale, science du symbolisme. Il est aussi poète, auteur de sonnets, amoureux de philosophie et de mythologie. Ce livre vient se situer à la croisée de ces héritages. Il porte la marque d’une plume sobre mais habitée, qui n’a pas peur de conjuguer la fragilité des confidences personnelles avec l’ampleur des interrogations métaphysiques.

Alexandre Rosada

Aimer, Prières pour soi et les autres est ainsi bien plus qu’un recueil de textes pieux. C’est un itinéraire de conscience qui invite chacun de nous à interroger sa manière d’aimer, à reconnaître les zones désertes où la peur a pris la place de l’ouverture, à accueillir les visages oubliés que la société relègue en périphérie. En refermant ces pages, nous sentons que l’amour, loin d’être un supplément d’âme, devient un travail quotidien, une ascèse, presque un art royal. Un art de vivre où chaque relation, qu’elle soit intime, sociale, politique ou spirituelle, peut devenir l’occasion d’ériger un peu plus de lumière dans ce monde troublé.

Aimer, Prières pour soi et les autres – Love, Prayers for oneself and others-Essai

Alexandre RosadaNouvelles Éditions Noir au Blanc, 2025, 240 pages, 22 €

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