Le tricentenaire de la fondation de la première loge maçonnique en France, que la franc-maçonnerie universelle* célèbre en 2025, marque un jalon historique majeur, couvrant trois siècles d’une sociabilité qui a profondément influencé la vie intellectuelle, politique et culturelle du pays.
N°12, rue de Buci, paris
De 1725, date de l’implantation présumée de la loge Saint-Thomas à Paris par des exilés britanniques, à 2025, cette commémoration met en lumière l’évolution d’un ordre qui, né dans un contexte de tensions religieuses et de ferment philosophique, s’est transformé en un pilier de la laïcité et de la réflexion républicaine.
Inspiré des travaux pionniers de Séverine Dupuis, dont la thèse doctorale en cours explore la franc-maçonnerie parisienne comme une « sociabilité en mouvement » au XVIIIe siècle, et des recherches exhaustives de Pierre-Yves Beaurepaire sur les réseaux maçonniques européens, ce dossier étendu argue que la franc-maçonnerie n’est pas seulement un phénomène associatif, mais un vecteur dynamique de circulation des idées et des hommes, naviguant entre oppositions et innovations.
1725 – 2025 Trois siècles de franc-maçonnerie en France, 1re de couv., détail
En 2025, les commémorations, portées notamment par le Grand Orient de France, se sont déployées en plusieurs temps : la diffusion en juin du documentaire 1725-2025, Trois siècles de Franc-Maçonnerie en France, où interviennent – dans l’ordre –
Nicolas Penin à, l’époque Grand Maître du GODF
Nicolas Penin (alors Grand Maître du GODF et président du musée de la Franc-Maçonnerie), Lucie Masse (chargée des publics et de la médiation), Laurent Segalini (conservateur du musée) et Pierre Mollier (alors directeur de la bibliothèque et des archives du GODF, ancien conservateur du musée) ; une conférence publique le 25 juin sur les origines des loges Saint-Thomas et Louis d’Argent ; et, à l’occasion des Journées européennes du Patrimoine des 20-21 septembre 2025, l’ouverture de temples maçonniques au public pour des immersions historiques.
Laurent-Segalini
Ces actions, au-delà de la célébration, réinvestissent des chantiers historiographiques autrefois abandonnés, comme l’étudie Séverine Dupuis dans son analyse de la loge Saint-Louis, émergée juste avant la naissance du GODF en 1773.
Pierre-Yves Beaurepaire, quant à lui, élargit le cadre à une perspective européenne, démontrant comment les loges ont transcendé les frontières, favorisant une « fraternité universelle » malgré des pratiques discriminatoires.
Cet argumentaire étendu s’appuie sur des sources primaires et secondaires pour démontrer la résilience et l’adaptabilité de l’ordre face aux défis historiques.
Le contexte historique qui nous intéresse est bien celui de l’implantation et des premiers développements (1725-1738) de l’arrivée de la franc-maçonnerie en France autour de 1725.
L’art royal s’inscrit donc dans un mouvement plus large de transfert culturel depuis l’Angleterre, où lesConstitutions dites d’Anderson de 1723 ont codifié la maçonnerie spéculative. À Paris, la loge Saint-Thomas, fondée par des jacobites exilés, représente le berceau français, suivie par des ateliers comme le Louis d’Argent. Cette phase initiale voit une expansion rapide : de quelques loges en 1725 à une dizaine en 1738, avec une implantation provinciale à Bordeaux dès 1732.
Séverine Dupuis – contributrice aux Chroniques d’histoire maçonnique (CHM) – contextualise cela dans les relations anglo-françaises post-Traité d’Utrecht (1713), où Paris, centre de mondanité aristocratique, devient un hub pour ces nouvelles sociabilités.
Pierre-Yves Beaurepaire son directeur de thèse – discipline ‘’Histoire et civilisations des mondes moderne et contemporains’’ ; 2019, Université Côte d’Azur – argue que cette implantation n’est pas isolée, mais partie d’un espace maçonnique européen, où les loges agissent comme des nœuds relationnels transnationaux.
Sans s’attarder excessivement sur les détails internes, notons que ce mode associatif se distingue par son rituel secret et son égalitarisme symbolique, contrastant avec les académies royales ou les salons littéraires.
In Eminenti
Le climat politico-religieux en ce début de XVIIIe siècle
Les oppositions politico-religieuses marquent profondément les débuts, avec le cardinal de Fleury comme figure antagoniste jusqu’à sa mort en 1743, voyant dans les maçons des agents de sédition. La bulle papale In Eminenti de 1738 excommunie les membres, les accusant de promouvoir un naturalisme contraire à la foi catholique. Pierre-Yves Beaurepaire démontre que ces querelles s’inscrivent dans une perception de l’étranger (souvent britannique) comme menace, mais aussi comme opportunité d’ouverture culturelle.
Argumentant pour une résilience accrue post-1743, les sources montrent une acceptation progressive par l’État, bien que l’antimaçonnisme persiste via pamphlets, illustrant une tension entre tolérance naissante et conservatisme religieux. Séverine Dupuis ajoute que ces conflits influencent la constitution même des loges parisiennes, forçant une navigation subtile entre loyauté royale et réseaux internationaux.
Des débats philosophiques ?
Les loges émergentes deviennent des forums pour des débats philosophiques alignés sur les Lumières, promouvant tolérance, raison et philanthropie. Pierre-Yves Beaurepaire explore comment cette « fraternité universelle » coexiste avec des exclusions (genre, religion), stimulant des réflexions sur l’universalisme.
Encyclopédie
La traduction des Constitutions dites d’Anderson en 1742 par de la Tierce renforce ces idéaux, comme analysé par Labbé, tandis que la cantate de Clérambault en 1743 défend la moralité maçonnique contre les accusations.
Séverine Dupuis argue que ces espaces favorisent une « sociabilité en mouvement », où circulent idées déistes et scientifiques, préfigurant l’Encyclopédie.
Sans approfondir outre mesure, ces débats illustrent une transition vers une maçonnerie plus inclusive intellectuellement.
Évolution au XVIIIe siècle : vers la naissance du Grand Orient de France
Au-delà de 1738, la franc-maçonnerie française connaît une mutation sociologique et institutionnelle. Séverine Dupuis divise cela en trajectoires : d’une élite aristocratique initiale à une inclusion croissante des professions judiciaires vers 1773, année de fondation du GODF.
Argumentant pour une démocratisation relative, les sources montrent un accroissement des effectifs de 1770 à 1790, avec des loges comme Saint-Louis exemplifiant cette évolution.
Pierre-Yves Beaurepaire (Source Wikipedia)
Pierre-Yves Beaurepaire étend cela aux réseaux européens, où les loges facilitent des mobilités physiques et intellectuelles, liant Paris aux Antilles via le négoce.
Le GODF, codifiant rites comme le Français ou l’Écossais, marque une centralisation qui argumente pour une adaptation aux idéaux révolutionnaires imminents.
Quid des mobilités maçonniques et autres réseaux – déjà ? – transnationaux
Un argument clé de Séverine Dupuis et Pierre-Yves Beaurepaire est la mobilité. Les maçons circulent idées et biens, reliant l’Europe aux colonies. Ce dernier, dans L’Europe des francs-maçons – XVIIIe-XXIe siècles (Belin, coll. Alpha, 2018), démontre comment ces réseaux transcendent querelles nationales, favorisant une identité commune malgré les conflits. Séverine Dupuis insiste sur les liens avec les outre-mers, où le négoce antillais intègre des maçons, argumentant pour une globalisation précoce de la sociabilité. Cela élargit le débat philosophique à des questions d’universalisme et d’esclavage, préfigurant les tensions du XIXe siècle.
Blason GODF
La Franc-Maçonnerie face à la Révolution et aux siècles suivants
La Révolution de 1789 teste la résilience : bien que traversée par les idéaux maçonniques (liberté, égalité), l’ordre est persécuté sous la Terreur. Le GODF renaît sous l’Empire, avec Napoléon favorisant une centralisation. Au XIXe, scissions et croissance : le GODF devient un bastion laïque, influençant la IIIe République. Argumentant pour une pertinence continue, les travaux montrent une adaptation aux défis modernes, comme la mixité en 1893.
Finalement, cetricentenaire en 2025, quelles réflexions contemporaines mais surtout quel héritage
En 2025, le tricentenaire revitalise ces débats… Mais les Journées européennes du patrimoine 2025 montrent des ouvertures de temples de plus en plus nombreux soulignant l’héritage vivant.
Pierre-Yves Beaurepaire, dans des entretiens récents, réfute les théories conspirationnistes, affirmant la transparence croissante.
Cela argumente pour une franc-maçonnerie comme espace de dialogue face aux divisions sociétales actuelles, reliant passé et présent.
Les Constituions d’Anderson (1723) – musée de la franc-maçonnerie ; Hôtel du Grand Orient de France.
De 1725 à 2025, la franc-maçonnerie française évolue d’un mode associatif contesté à un pilier culturel, argumenté par les travaux de Séverine Dupuis et Pierre-Yves Beaurepaire comme une sociabilité dynamique. Sans s’appesantir sur les débuts, cet élargissement démontre sa capacité à intégrer querelles et débats pour forger une identité résiliente, pertinente pour les défis contemporains de tolérance et de fraternité.
*La franc-maçonnerie universelle, telle que définie dans les sources historiques et encyclopédiques, désigne l’ensemble des principes fondamentaux de la franc-maçonnerie moderne, ancrés dans les Constitutions dites d’Anderson de 1723, qui servent de charte universelle à l’ordre. Ces principes incluent explicitement la croyance en un Être Suprême (souvent désigné comme le Grand Architecte de l’Univers),
qui représente Dieu, ainsi que l’utilisation d’un Volume de la Loi Sacrée (VSL) – un livre saint comme la Bible, le Coran ou d’autres textes révélés – symbolisant la « volonté révélée » de cet Être Suprême. Ce VSL est placé sur l’autel lors des rituels et sert de fondement moral et spirituel, exigeant des membres une adhésion à une morale stricte, au respect des autorités civiles et à une liberté en matière de confession religieuse (sans imposer une religion spécifique, mais en excluant l’athéisme).
Loge d’adoption
Concernant l’acceptation des femmes, la franc-maçonnerie universelle dans sa forme traditionnelle et « régulière » (fidèle aux Constitutions d’Anderson) n’accepte pas les femmes en tant que membres initiés. Les obédiences dites « régulières et de tradition », comme United Grand Lodge of England (UGLE)
ou en France la Grande Loge Nationale Française (GLNF) sont exclusivement masculines, considérant l’initiation comme réservée aux hommes libres et de bonnes mœurs.
Historiquement, dès le XVIIIe siècle, des loges « d’adoption » permettaient une participation limitée des femmes (sans initiation pleine), mais cela n’équivaut pas à une adhésion égale. Cependant, la franc-maçonnerie au sens large inclut des branches « libérales » ou « adogmatiques » qui s’écartent de ces exigences strictes : elles n’imposent pas la croyance en Dieu ni l’usage d’un VSL, et acceptent les femmes (obédiences mixtes comme Le Droit Humain, fondé en 1893, ou la Grande Loge Féminine de France). Ces variantes, comme le Grand Orient de France (qui a supprimé la référence au Grand Architecte en 1877), ne sont pas reconnues comme « régulières » par les obédiences dites »traditionnelles », mais elles se revendiquent tout de même de l’idéal maçonnique universel de fraternité et de tolérance.
Tout mouvement sociétal est sous tendu par un désir ! Il peut s’agir de Réforme, d’Amour, de Foi ou de Découverte ou d’autres valeurs . L’histoire de la Franc-maçonnerie nous enseigne qu’en ce qui nous concerne une ambiguïté existe. La Franc-maçonnerie anglaise du début du XVIIIe siècle est assurément imprégnée de désir de convivialité et de recherche du lien social dans ce que l’on pourrait appeler un besoin de performance morale pour retrouver la paix sociale dans le contexte de la querelle des sectes.
La Franc-maçonnerie du XIXe siècle avec la pensée écossaise et ses deux rituels principaux, le REAA et le RER, et aussi sous l’influence de Jean-Marie Ragon (1781-1862) et de Oswald Wirth (1860 – 1943) a replacé l’ésotérisme de la Renaissance au premier plan.
I. Le désir de Renaissance — la soif d’être plus
Au cœur du parcours initiatique, le désir de renaissance est un appel intérieur : celui de se transformer sans se trahir, de mourir à l’ignorance pour naître à la conscience. C’est le désir ontologique, celui qui pousse à devenir plutôt qu’à paraître. Ce désir cherche à répondre à la question existentielle de notre devenir. Il s’exprime dans les symboles de la mort initiatique, de la lumière retrouvée, de l’acacia qui reverdit.
Il vise la transfiguration intérieure, non la réussite sociale.
Le maçon, dans cette voie, cherche à renaître à lui-même, c’est-à-dire à sortir du personnage pour rencontrer l’être. Cette renaissance n’est pas spectaculaire : elle est lente, silencieuse, fraternelle. C’est la victoire de la vérité vécue sur la simple posture morale.
« Se réformer soi-même, voilà l’œuvre véritable. » — Inspiré de Pindare et repris dans plusieurs rituels maçonniques
Le désir de renaissance est un désir vertical, ascendant : il relie le bas et le haut, la pierre brute et le temple achevé. C’est le souffle mystique du travail initiatique.
II. Le désir de Performance — la tentation du faire
Mais à côté de cette aspiration intime s’est glissé un autre désir, plus moderne : le désir de performance. Il naît de la volonté légitime d’être efficace, de réussir dans ses actions, ses projets, sa loge, sa vie profane.
La Franc-maçonnerie, longtemps société de pensée, s’inscrit désormais dans une culture du résultat et du visible.
Ce désir cherche à répondre à l’imperfection des sociétés humaines et en particulier à l’injustice qui y règne. Il a deux visages :
Le Positif : il structure, dynamise, incite à l’excellence. Il pousse à rendre la loge vivante, la parole claire, l’action utile. Il nécessite une expertise.
Le Négatif : il peut se muer en ego initiatique, en quête de grade, de reconnaissance, de supériorité symbolique. C’est classiquement la dérive obédientielle.
Quand le rituel devient performance, quand le discours maçonnique se mesure à l’applaudimètre, l’esprit du Temple se vide de son souffle.
Le danger n’est pas la compétence, mais la confusion entre perfection et performance. La première est une exigence intérieure ; la seconde, une tentation extérieure.
« Là où l’homme cherche à briller, il cesse d’éclairer. »
Maxime apocryphe maçonnique
III. L’alchimie du désir : unir l’être et le faire
Pour que la Franc-maçonnerie demeure une école vivante et non un théâtre de symboles, il faut réconcilier ces deux désirs.
Le désir de renaissance sans le faire s’épuise dans la rêverie.
Le désir de performance sans l’être devient vanité.
Le travail maçonnique consiste à faire du faire un être, à transformer l’action en geste conscient, la réussite en service, la perfection formelle en profondeur vécue. Dans cette perspective, la performance devient une renaissance incarnée : elle n’est plus un objectif mais une conséquence naturelle de la clarté intérieure.
Ainsi, chaque frère, chaque sœur peut devenir instrument de résonance entre ces deux polarités :
la renaissance (axe vertical de sens),
la performance (axe horizontal d’efficacité).
C’est leur croisement — la croix initiatique — qui donne naissance à la vraie œuvre.
IV. Pour conclure
Le désir maçonnique, avec ses deux visages, ne devrait pas être un objet de conflit mais une spécificité valorisante. La Renaissance répond au besoin d’authenticité ; la Performance, à celui d’utilité. L’une donne le souffle, l’autre la forme. L’initié qui agit sans oublier d’être, et qui est sans renoncer à agir, accomplit la seule performance qui vaille : renaître au réel sans le dominer.
Malheureusement aujourd’hui ces deux désirs alimentent une polémique et une compétition malsaine sous prétexte des dérives qui ont pu se manifester. On voit bien qu’aujourd’hui ce désir ambivalent et exigeant n’a pas de traduction organisationnelle ! C’est le drame de la franc-maçonnerie : Le Verbe n’est pas porté !
Aujourd’hui que nous soyons, une sœur ou un frère, à Paris ou à Bangkok, à Los Angeles ou à Cotonou, nous nous retrouvons dans la solitude de la loge pour prendre en compte cette dialectique et être capable d’en tirer le meilleur.
La Franc-maçonnerie française traverse aujourd’hui une crise majeure d’identité et de finalité. Conçue à l’origine comme une avant-garde spirituelle de l’humanité, elle risque désormais de se transformer en un simple acteur profane parmi d’autres, voire en un contingent anachronique de pensées uniques, plutôt qu’en un véritable moteur évolutif.
On voit se multiplier les loges et obédiences qui s’engagent dans le champ sociétal et politique : bioéthique, GPA, débats sur la laïcité, sur l’éducation, sur l’immigration ou encore sur les questions économiques. Certes, ces thèmes sont importants dans la vie publique, mais ce n’est pas la mission de la Franc-maçonnerie de s’ériger en tribunal moral ou en think-tank. D’autres institutions, associations ou ONG sont faites pour cela.
Alain Bauer
L’un des dangers de cette dérive est que l’Ordre se dissout dans le profane : il se confond avec des structures extérieures, perd son mystère, et devient prévisible. Le Temple, lieu de silence, de symboles et de travail intérieur, est alors transformé en salle de débats. Comme le disait Alain Bauer, ancien Grand Maître du GODF :
« Les francs-maçons ont-ils de facto appuyé sans le savoir sur le bouton d’autodestruction de l’Ordre ? »
Là où nos fondateurs avaient voulu une école initiatique, un cadre de perfectionnement intérieur, nous voyons trop souvent une scène d’ego, de carrière, d’ambition et d’idéologie. Les mots « tolérance » et « fraternité », jadis porteurs d’un souffle, deviennent de simples slogans vidés de leur substance, derrière lesquels prospèrent parfois la compétition, le narcissisme et la division.
La Maçonnerie, si elle continue sur cette voie, court le risque d’être oubliée par l’histoire, réduite à n’être qu’un avatar du militantisme profane, au lieu d’être un chemin de lumière.
II. Retrouver nos racines et notre vocation
Pour comprendre ce qu’est véritablement la Maçonnerie, il faut revenir à ses racines spirituelles et initiatiques.
À sa naissance, au XVIIIᵉ siècle, elle s’inspire des anciennes corporations d’ouvriers bâtisseurs, mais elle puise aussi dans une tradition intellectuelle et religieuse profondément marquée par le christianisme. Les Constitutions d’Anderson de 1723 placent au cœur du dispositif une référence claire à Dieu, au Grand Architecte de l’Univers, et aux Écritures comme règle morale et spirituelle.
Certes, la Maçonnerie n’est pas une Église ni une religion. Mais elle est une école initiatique dont le socle a toujours été transcendant. Ce socle s’est exprimé, selon les rites, par des formes plus ou moins explicites : la Bible ouverte sur l’autel, l’appel à la lumière divine, la référence aux vertus cardinales et théologales, l’idée d’une réintégration de l’homme en Dieu (chez Willermoz et le Rite Écossais Rectifié).
Oublier cet enracinement, c’est risquer de transformer la Maçonnerie en une simple morale humaniste, certes respectable, mais privée de verticalité. C’est faire de l’initiation un simple exercice intellectuel, coupé de la transcendance.
Revenir à nos racines, c’est au contraire assumer que la Maçonnerie est une voie de transformation intérieure. Elle n’est pas là pour dicter une orientation politique, mais pour façonner des êtres capables d’incarner dans leur vie quotidienne la vérité, la justice, la charité, la fidélité.
Olivier de Lespinats
Comme Olivier de Lespinats l’écrit ailleurs : « La Maçonnerie ne se déploie pleinement que lorsqu’elle forme des êtres transformés intérieurement, capables de rayonner dans la cité. La question n’est pas de choisir entre l’homme et la société, mais de rappeler que la voie maçonnique commence toujours par l’initiation intérieure. »
Cela implique de redonner toute sa place au rituel, au symbole, à la méditation et au silence. Cela suppose aussi de rappeler que la Maçonnerie n’est pas seulement un club de sociabilité, mais une école exigeante. L’initiation n’est pas un droit, mais une grâce qui appelle à l’humilité et à l’effort.
Comme le dit Christian Belloc, « ce ne sont pas les discours ou les leçons théoriques qui comptent, mais les exemples concrets et opérationnels ». Autrement dit : le témoignage de vie des anciens doit redevenir la première école. Le frère ou la sœur expérimenté(e) doit se comporter comme un maître humble et discret, à l’image d’un père ou d’une mère qui transmet, par l’exemple, les vertus essentielles.
III. Une Maçonnerie de combat… mais d’un autre ordre
Faut-il alors parler d’une « Maçonnerie de combat » ? Oui, mais à condition de ne pas la confondre avec un militantisme. Le combat dont il s’agit est spirituel, chevaleresque et intérieur.
C’est le combat contre les ténèbres de l’ignorance, contre l’égoïsme, contre la complaisance dans le monde matériel.
C’est le combat pour la lumière, pour la vérité, pour la justice et pour la fraternité universelle.
C’est un combat chevaleresque, où la truelle et l’épée se tiennent ensemble : construire et défendre, élever et protéger.
La Maçonnerie doit redevenir ce qu’elle a toujours été au meilleur d’elle-même : une chevalerie de l’Esprit. Comme les Templiers, elle ne doit pas se contenter de contempler, mais être prête à défendre l’essentiel. Comme les bâtisseurs, elle doit travailler patiemment à la construction d’un édifice invisible : le Temple intérieur.
Dans un monde où les repères spirituels et moraux s’effondrent, où notre civilisation occidentale est désorientée, la Franc-maçonnerie a une responsabilité particulière. Elle doit rappeler que l’homme ne se réduit pas à ses pulsions ni à ses idéologies, mais qu’il est un être appelé à la transcendance.
La fraternité universelle n’est pas un slogan abstrait : elle se vit concrètement dans la diversité, mais à partir d’un socle solide. Sans ce socle, elle se dilue et se fragmente. Comme le disait Newton : « Les hommes construisent trop de murs et pas assez de ponts. » Cette phrase résonne fortement pour nous. Car notre mission n’est pas d’ériger des barrières idéologiques entre obédiences, mais de bâtir des ponts : ponts entre traditions, ponts entre générations, ponts entre cultures. Mais ces ponts ne tiennent que si les piliers en sont solides. Or, notre socle, ce sont nos racines spirituelles.
Enfin, il faut redire que ce combat spirituel appelle une régénération interne :
Sélection rigoureuse des impétrants.
Refus des carriérismes et des prébendes.
Redonner la souveraineté aux loges plutôt qu’aux bureaucraties.
Mettre au centre de nos travaux la quête initiatique et la transmission vivante, plutôt que les discours creux ou les débats stériles.
Conclusion : un choix décisif
La Franc-maçonnerie se trouve à la croisée des chemins. Soit elle persiste dans le militantisme profane et s’expose à l’oubli, réduite à un rôle sociologique mineur. Soit elle retrouve le sens de son combat originel : le combat spirituel, chevaleresque et intérieur.
Ce n’est pas un repli : c’est une renaissance. Ce n’est pas un refus du monde : c’est une manière plus profonde de le servir. Car ce n’est pas par des manifestes politiques que la Maçonnerie changera la société, mais par le rayonnement d’hommes et de femmes transformés intérieurement, fidèles à l’esprit de leurs fondateurs.
La Maçonnerie est, et doit rester, une école initiatique universelle, enracinée dans la tradition chrétienne qui l’a vue naître, mais ouverte à toutes les sagesses, afin d’élever l’homme, de purifier son cœur, et de l’orienter vers la Lumière.
« Ce n’est pas en imitant le monde profane que nous l’éclairerons, mais en étant fidèles à notre vocation : façonner des hommes debout, dépouillés d’eux-mêmes et revêtus de la lumière. » (O de Lespinats)
La Maçonnerie n’est pas un parti, ni une ONG, ni un club mondain. Elle est un chemin initiatique, une chevalerie, une école spirituelle universelle. Son devoir est clair : retrouver le sens du combat intérieur, afin de redonner au monde des témoins vivants de la lumière, une truelle à la main et l’épée dans l’autre.
Phare, lumière, unité
Telle est la mission qu’il nous appartient aujourd’hui de rappeler et d’assumer, si nous voulons que la Franc-maçonnerie demeure ce qu’elle fut : un phare pour l’humanité en quête de sens, une truelle à la main et l’épée dans l’autre, au service de la vérité, de la fraternité et de Dieu.
Contacts :
FMIGS : sgc.scmplf@gmail.com
IMU : institutionmaconniqueuniversel@gmail.com
Par Olivier de Lespinats(Fondateur de la Fédération Maçonnique Internationale des Grades Supérieurs)
Par Christian Belloc (Fondateur de l’Institution Maçonnique Universelle), et de nombreux Grands Maîtres d’Obédiences et de Présidents de structures de Degrés Supérieurs
Ulysse aux abords d’Ithaque : notre frère Alain Chaize.
Alain Chaize, depuis 36 ans, en charge de la réalisation des Rencontres Ecossaises du SCPLF, a annoncé à Angers le 11 octobre, sa cessation d’activité pour la direction et l’organisation des suivantes. Par son engagement, il a marqué du sceau de l’excellence ces rencontres publiques qui accueillent Francs-maçons et Franc-maçonnes – depuis ces dernières années- et, quelques profanes choisis et bien accompagnés. Dans l’ombre d’un rideau sur la scène des Rencontres Ecossaises à Angers, il a répondu, lors d’un moment de pause, à trois courtes questions avant de repartir très vite à sa tâche.
1- Très cher Alain, quelles émotions ressentez- vous aujourd’hui après nous avoir annoncé votre départ hier ?
Depuis 36 ans je dirige et organise les Rencontres Ecossaises avec le souci de veiller au confort et à la satisfaction de tous les participants et des intervenants pour que ces Rencontres restent chaque année un complément essentiel de la démarche écossaise. Mais voilà je suis à l’heure de choix à faire. Mon profond regret est de quitter mon équipe. Un immense regret ! En effet nous vivions ensemble avec le sentiment d’être en équipage : moi à la barre et eux, de formidables co-équipiers !
J’ai aimé profondément partagé avec eux le challenge d’avancer sur chaque projet annuel avec rigueur et ce souci de l’ excellence où chacun est complémentaire du savoir de l’autre pour réussir des rencontres ouvertes.
Aujourd’hui je dois continuer mais avec d’autres buts tout en restant un homme libre, un Ecossais qui préfère se démettre plutôt que de se soumettre !
2- Aux abords d’Ithaque, sans vos compagnons, comment voyez – vous un autre réel ?
Dès demain il commence ! Cela va être un changement profond ! J’ai 74 ans mais j’ai pour moi d’avoir déjà vécu une expérience de passage à la retraite. Je sais aussi que dans ce temps là, on trouve des libérations, libération des contraintes et notamment des devoirs impérieusement mis à l’ agenda. Je vais passer un nouveau seuil que je veux d’emblée positif !
3- Pourra-t-on vous dire bonjour l’année prochaine aux Rencontres Ecossaises de 2026 à Grenoble ?
Je resterai en contact avec la Juridiction. En ce qui concerne les Rencontres Ecossaises, j’ ai un grand capital de souvenirs sur 36 Rencontres organisées et je ne veux pas de retour en arrière. Le savoir du cœur est intime et je ne serai pas présent ! «
Roger Dachez avait déjà présenté ce travail aux Rencontres Culturelles Maçonniques Lyonnaises (RCML) 2024, offrant en avant-première les grandes lignes d’une réflexion qu’il publie aujourd’hui avec Alain Bauer. Leur nouvel ouvrage, Quand les francs-maçons font de la politique – Du XVIIIe siècle à nos jours se situe à la croisée de l’histoire et du symbolisme.
Dès la couverture, le décor est posé : le Sénat impérial peint par Louis Courtin.
À travers cette toile du Palais du Luxembourg sous Napoléon, c’est une architecture du pouvoir qui se donne à voir, mais aussi une résonance initiatique. Les bancs en hémicycle rappellent la ronde des colonnes, la tribune figure l’Orient, la voûte devient ciel intérieur. Rien d’ornemental : l’image condense déjà le cœur du propos. Car ce livre interroge cette zone frontière où la Loge et l’Assemblée se reflètent sans jamais se confondre.
Alain Bauer et Roger Dachez connaissent intimement ce double registre.
L’un, maître de criminologie et ancien Grand Maître du Grand Orient de France (GODF), a arpenté les marges du pouvoir comme les profondeurs de l’Ordre. L’autre, médecin, historien et président de l’Institut Maçonnique de France (IMF), a exploré depuis trois décennies les racines et transmissions de la tradition. Ensemble, ils signent une enquête qui s’inscrit dans la continuité de leurs travaux communs, depuis Les Mystères de Channel Row jusqu’à la Nouvelle histoire des francs-maçons en France. Mais ici, le faisceau est resserré : que devient la Franc-Maçonnerie quand elle croise le champ politique ?
Leur réponse est nuancée.
La Maçonnerie, rappellent-ils, a toujours interdit les querelles partisanes dans le Temple, afin de préserver le chantier intérieur. Mais l’histoire, plus forte que les Constitutions, a souvent franchi ce seuil. Dès le XVIIIᵉ siècle, des Frères s’engagent dans la cité, certains à visage découvert, d’autres dans l’ombre. La Révolution, l’Empire, les Républiques, les persécutions fascistes et communistes : chaque époque voit des maçons porter leurs idéaux dans l’espace public, parfois jusqu’au martyre. Cette histoire n’est pas une simple chronique ; elle apparaît comme une initiation collective où chaque épreuve — exclusion, exil, déportation – devient un degré gravé dans la mémoire de l’Ordre.
Le chapitre consacré à la Commune de Paris illustre avec force cette tension.
L’année 1871 voit s’affronter Versailles et Paris insurgée, tandis que les loges débattent avec intensité. Faut-il fraterniser avec la Commune ? Faut-il s’en tenir à la neutralité ? Le Grand Orient choisit une voie médiane : exprimer la solidarité sans participer aux violences. Les auteurs décrivent avec précision ces débats, les processions symboliques vers le Mur des Fédérés, les bannières échangées, les proclamations de paix. La « montée au Mur » devient un rite singulier, à la fois politique et mémoriel. Après 1968, sous l’impulsion de Jacques Mitterrand et Fred Zeller, ce geste prend une dimension publique assumée : pèlerinage laïque, inscrit dans une mémoire fraternelle, mais aussi dans un engagement marqué à gauche. Bauer et Dachez montrent les ambiguïtés de ce rituel : entre universalisme proclamé et coloration idéologique, entre fidélité aux Constitutions et inscription dans un combat situé.
Tout au long du livre, la politique apparaît non comme un champ extérieur, mais comme une sorte de rituel profane.
Les institutions deviennent des temples laïcs, les débats publics des épreuves oratoires, les cérémonies d’État des mises en scène codifiées. La Loge travaille à l’universel, l’Assemblée au contingent ; mais toutes deux obéissent à la même exigence : la mesure, l’ordre, la parole donnée.
La conclusion du livre a la profondeur d’une planche maçonnique.
Elle nous rappelle que la Franc-Maçonnerie ne propose pas de doctrine politique, mais une méthode : chercher le sens sous la surface, respecter l’altérité, travailler sans relâche à l’universel. Le Sénat de Courtin, avec sa voûte ordonnant les voix comme la voûte céleste ordonne les astres, devient allégorie : sans lumière, l’ordre n’est qu’une mécanique ; sans esprit, l’architecture n’est qu’une coquille.
Alain Bauer, par Astrid di Crollalanza.
Entre Temple et cité, un fil se tend, fragile comme une flamme. Ce livre nous invite à franchir ce seuil avec prudence et courage, en mesurant chaque engagement à l’équerre de la justice et au compas de l’universel. La « montée au Mur » illustre ce point de contact entre deux mythes fondateurs : celui de la République, bâtie sur les ruines des oppressions, et celui de l’Ordre maçonnique, qui s’élève en polissant la pierre brute de l’humanité.
Ainsi, l’ouvrage d’Alain Bauer et Roger Dachez dépasse la simple histoire politique. Il propose une méditation sur la manière dont l’initiation peut nourrir l’action publique sans s’y dissoudre. Les régimes passent, les assemblées se vident, mais le Temple invisible demeure. Et nous sommes appelés à y œuvrer, Frères et Sœurs, en gardant l’équerre ferme et le compas ouvert.
Quand les francs-maçons font de la politique – Du XVIIIe siècle à nos jours
(Les « éditos » de Christian Roblin paraissent le 1er et le 15 de chaque mois.)
Je me souviens des discours de Robert Badinter pour qui la laïcité était au fondement de la devise républicaine : elle garantissait la liberté en ce que chacun pouvait l’exercer en matière d’opinion « même religieuse » ; elle garantissait l’égalité entre les êtres humains, en interdisant toute discrimination au regard du droit ; elle garantissait ainsi les conditions d’une fraternité civique, en permettant à tous de faire société, dans le respect de chacun, par temps de paix, et de s’unir dans les épreuves quand il advenait que l’unité nationale fût mise à mal et ce, pour défendre avec la même ardeur les vertus républicaines, celles-là mêmes qui cimentent ce que l’on dénomme aujourd’hui le « vivre-ensemble » et qu’on appelait plus joliment naguère la convivialité…
La laïcité ne pouvait, à son avis, être affectée d’un adjectif qui en aurait amputé le sens. Elle ne pouvait pas davantage compléter d’une quatrième valeur la devise républicaine car, de fait, elle irriguait l’insécable triade. Elle en était à la fois l’enceinte et le chapiteau. Aujourd’hui, le moins que l’on puisse dire, c’est que les murs tombent en morceaux ici ou là et que la toiture prend l’eau.
En réalité, nous ne faisons plus effort pour comprendre l’autre, nous nous éclaboussons de nos certitudes, l’affrontement menace, la querelle est partout. On ne s’entend plus, à tous les sens du terme. La devise, pourtant, est notre socle. Que nous faut-il pour en restaurer la pratique ? On voit qu’en se radicalisant, c’est-à-dire en rejetant d’avance tout compromis avec celui qui ne pense pas comme soi-même, on maltraite un peu plus chaque jour la démocratie. On veut l’emporter sur l’autre et le réduire au silence, dans l’histoire vécue, tandis que les réseaux sociaux sont virtuellement remplis de bruits assourdissants qui enflamment les esprits à proportion qu’ils vident les cœurs.
Certes, ce n’est pas demain que l’on va couvrir la France de fêtes des voisins, surtout que, la plupart du temps, la mixité sociale n’est plus l’apanage de nos rues. Mais il va bien falloir partager quelque chose si l’on doit maintenir une communauté de destin, redresser la tête ensemble, offrir un avenir à nos enfants déboussolés. Or nous avons ce trésor à nos pieds. Nous l’avons inventé autrefois. Il s’appelle la laïcité. C’est notre colonne vertébrale dans l’espace commun. Travaillons en l’exigence. Activons avec elle, de manière attentive, les trois leviers de la devise républicaine. Nous faut-il à grand fracas aller tous dans le mur ?
Pour ma part, je ne sais plus trop quoi faire pour nous ramener à la raison, sinon lancer ce cri à nos consciences : « Au secours, la laïcité ! »
Dans l’imaginaire collectif, la Franc-Maçonnerie évoque souvent les ombres mystérieuses de Londres ou les temples gothiques d’Europe, mais son rayonnement s’étend bien au-delà des continents familiers. Au cœur de l’Asie, où les traditions millénaires se mêlent à une modernité fulgurante, la Grande Loge du Japon (日本グランドロッジ, Nihon Gurando Rojji) – ou Grande Loge des Maçons Libres et Acceptés du Japon – se dresse comme un phare discret. Fondée en 1957, elle est la première obédience maçonnique souveraine de l’histoire nippone, comptant aujourd’hui une cinquantaine de loges et environ 2 300 membres, dont 20 à 25 % de Japonais.
Tsuda Mamichi
Reconnue par la Grande Loge Unie d’Angleterre (GLUA), elle s’inscrit dans la mouvance anglo-saxonne de la Fraternité, prônant les vertus éternelles de l’amour fraternel, du soulagement et de la vérité. Mais derrière cette façade sereine, son histoire est un roman d’espionnage géopolitique, de persécutions et de résilience, miroir des tumultes du Japon moderne. Plongeons dans cette saga, de ses origines secrètes à son état actuel en 2025, où elle navigue entre héritage occidental et identité nippone.
Les premiers émois : une rencontre fatale avec l’occident (XIXe Siècle)
L’histoire de la Maçonnerie au Japon ne commence pas avec des rituels grandioses sous les cerisiers en fleur, mais avec les vents du changement qui balayèrent l’isolement sakoku de l’époque Edo (1603-1868). Fermé aux influences étrangères pendant plus de deux siècles, l’archipel s’ouvre brutalement en 1854 sous la pression des « navires noirs » du commodore américain Matthew Perry, forçant des traités d’extraterritorialité. C’est dans ce creuset de curiosité et de méfiance que la Fraternité fait ses premiers pas discrets.
Plaque inaugurale du Tokyo Masonic Building, à Tokyo.
Les archives révèlent que les liens les plus anciens remontent à 1864, bien avant les premières loges officielles. Deux jeunes étudiants japonais, Nishi Amane et Mamichi Tsuda – figures emblématiques de la modernisation Meiji –, séjournent aux Pays-Bas pour un cursus à l’Université de Leyde. Sous l’égide de leur professeur d’économie politique, Simon Vissering (un Maçon fervent), ils sont cooptés et présentés à la loge « Virtus n°7 » (ou « Vertu n°7 »). Le 20 octobre 1864, ces pionniers sont initiés, devenant ainsi les premiers Japonais francs-maçons. Mamichi Tsuda, en particulier, incarne ce pont entre Orient et Occident : diplomate, juriste et réformateur, il importera des idées libérales qui imprégneront la Constitution Meiji de 1889. Leur initiation, discrète et sans suite immédiate au Japon, symbolise pourtant l’éveil d’une élite intellectuelle à des valeurs universelles – fraternité, tolérance, quête de vérité – dans un pays encore imprégné du shintoïsme et du confucianisme.
Grande Loge du Japon
Un an plus tard, en janvier 1865, une loge militaire irlandaise, la « Sphinx Lodge » (n°263), affiliée au 20e Régiment de Fusiliers du Lancashire, s’implante à Yokohama. Ses membres, soldats britanniques, se réunissent dans un bâtiment loué au 72 Honcho, marquant la première tenue maçonnique sur le sol nippon. Face à l’afflux de civils expatriés – marchands, diplomates, ingénieurs –, une pétition est adressée à la Grande Loge Unie d’Angleterre. Le 26 juin 1866, la « Yokohama Lodge n°1092 » est consacrée : dix-sept Maçons, tous étrangers, allument les feux de la première loge civile au Japon. Parmi eux, des figures comme Edward H. Hunter (ingénieur naval britannique) ou Felix Beato (photographe vénitien), qui capturera les premiers portraits maçonniques sous les lanternes de Yokohama.
Grande Loge du Japon
Les années suivantes voient l’éclosion d’autres ateliers : la « Star in the East n°640 » (sous juridiction écossaise, 1873) et la « Hiogo & Osaka n°498 » (1878), également écossaise. Ces loges, nichées dans les concessions étrangères de Yokohama, Kobe et Nagasaki, deviennent des havres de sociabilité pour une communauté expatriée en quête de fraternité au milieu des tensions sino-japonaises et des réformes Meiji. Des Japonais influents s’y intéressent : le diplomate Hayashi Tadasu, initié en 1903 à la « Empire Lodge n°2018 » (Angleterre), deviendra le premier ambassadeur nippon en Grande-Bretagne. Mais la Maçonnerie reste un club d’étrangers ; les Japonais, vus comme des « profanes » potentiels, attendent leur heure.
Les ombres de la guerre : interdiction et résistance silencieuse (1900-1945)
Le XXe siècle apporte son lot de drames. À l’aube du militarisme impérial, la Maçonnerie, perçue comme une influence « occidentale décadente », attire les soupçons du gouvernement. Dès les années 1930, les mesures anti-étrangères – inspirées par le Code de Sécurité de la Paix (1925) et les lois sur la Pensée (1936) – forcent la « Yokohama Lodge » à entrer en sommeil. Ses membres, souvent diplomates, se replient sur la « Star in the East », sous patente écossaise, pour des tenues clandestines. Mais la déclaration de guerre en décembre 1941 scelle leur sort : les Maçons étrangers sont internés à Sugamo, puis expulsés six mois plus tard. La Fraternité est formellement interdite ; aucune activité souterraine n’est documentée, contrairement aux rumeurs de résistance occulte.
La capitulation de septembre 1945 marque un tournant. Sous l’occupation américaine (1945-1952), des loges militaires renaissent sur les bases de Yokosuka et Tokyo, sous juridiction philippine ou américaine. Le général Douglas MacArthur, Maçon de haut grade (33e degré écossais), joue un rôle clé : il bénit ces ateliers, voyant en eux un outil de démocratisation. Trois loges pré-guerre survivent : « Star in the East » (réactivée en avril 1946), « Hyogo-Osaka » (septembre 1946) et une anglaise mineure. La « Yokohama Lodge », berceau de la Maçonnerie nippone, reste endormie – un symbole poignant de la rupture.
Dès 1948, les Maçons des forces d’occupation, frustrés par l’interdiction d’initier des Japonais (imposée par le GHQ pour éviter les « influences subversives »), pétitionnent. La Grande Loge des Philippines, pionnière post-guerre, délivre des patentes : trois nouvelles loges naissent à Yokosuka, Yokohama et Tokyo, suivies d’une quinzaine d’autres dans les garnisons (Okinawa, Misawa). Le 5 avril 1950, une délégation philippine élève les premiers Japonais au grade de Maître : sept candidats, dont cinq parlementaires, franchissent le Rubicon. Parmi eux, des figures comme le prince Naruhiko Higashikuni (initié en 1951 à l’« Unity Lodge n°45 ») ou le Premier ministre Ichirō Hatoyama (maîtrisé en 1955). Ces initiations, validées par le FBI et le CIC pour écarter les « suspects », marquent l’entrée des élites nippones – politiques, journalistes, intellectuels – dans la Fraternité, transformant un club expatrié en institution hybride.
La naissance d’une souveraineté : fondation de la Grande Loge (1954-1957)
Avec 2 500 membres en 1954, la Maçonnerie japonaise atteint un seuil critique. Les loges philippines, dynamiques mais distantes, étouffent les aspirations locales. En janvier 1957, la « Moriyama Lodge n°134 » vote une résolution pour une indépendance, invoquant les effectifs suffisants. Une assemblée à Tokyo, en mars, réunit les Grands Maîtres des districts : conformément à la règle des « trois loges constitutives », la Grande Loge du Japon est proclamée le 3 mai 1957. Statuts adoptés, officiers élus : le diplomate vénézuélien Carlos Rodriguez-Jiménez, résident à Tokyo, devient le premier Grand Maître.
La scission n’est pas sans heurts. La Grande Loge des Philippines refuse la reconnaissance lors de son Assemblée générale ; la nouvelle obédience passe outre, absorbant les loges ralliées et renvoyant les patentes obsolètes. Pour asseoir sa légitimité, elle courtise les Grands Orients mondiaux. La Caroline du Sud – via MacArthur, qui parraine plusieurs allumages – accorde la première reconnaissance en 1957, suivie du Venezuela. Une douzaine suit rapidement ; au fil des décennies, ce nombre gonfle à près de 150 traités d’amitié, dont la GLUA (reconnaissance formelle en 1959). Cette affiliation anglo-saxonne – rituels Emulation ou Preston-Webb – ancre la GLJ dans la « regularité » : croyance en un Être Suprême, interdiction du politique et du religieux en loge, charité discrète.
Fonctionnement : une machine bien huilée, entre tradition et adaptation
La GLJ opère comme une obédience classique, régie par des Constitutions inspirées de la GLUA, adaptées au contexte nippon. Son siège, au Tokyo Masonic Center (1F Shiba Park Building B, Minato-ku), est un sanctuaire moderne près de la Tokyo Tower : temple richement décoré, bibliothèque, salles de banquet. Ouvert aux visites maçonniques (sur identification), il abrite un musée discret sur l’histoire locale.
Structure : Une cinquantaine de loges (en 2016 ; stable en 2025), concentrées à Tokyo, Yokohama, Kobe, Osaka et bases militaires (Yokosuka, Okinawa). Chaque loge – comme la Shonan n°25 (2007) ou la Moriyama n°134 – se réunit mensuellement pour des tenues au 1er degré (Apprenti), avec élévations progressives. Les loges mixtes ou féminines n’existent pas ; l’obédience est masculine, bien que des annexes comme l’Order of the Eastern Star (depuis 1953) incluent des femmes.
Principes et Rituel : Fidèle à la tradition, la GLJ prône l’amour fraternel (unité transcendant les différences), le soulagement (charité anonyme : hôpitaux, orphelinats) et la vérité (poursuite de la connaissance). Les rituels, en anglais et japonais, intègrent des touches locales : références au shintoïsme pour l’harmonie cosmique, sans syncrétisme. L’initiation, comme ailleurs, symbolise la mort et renaissance : bandeaux, voyages, serments sur le Volume de la Loi Sacrée (Bible, mais adaptable).
Gouvernance : Le Grand Maître, élu annuellement par l’Assemblée Générale (tous les Grands Officiers), dirige avec un Conseil. Les mandats courts (un an) favorisent la rotation, évitant les dynasties. Des comités gèrent la charité, l’éducation et les relations internationales. La GLJ finance ses activités via cotisations (environ 10 000 yens/an par membre) et dons, avec un budget annuel estimé à 200 millions de yens (1,3 million USD).
Vie Quotidienne : Les tenues mêlent rituel solennel et agapes conviviales (sukiyaki ou tempura !). La formation des Apprentis – via mentors – insiste sur l’éthique : intégrité professionnelle, tolérance. Des conférences, comme celles sur l’histoire Meiji, enrichissent les débats.
L’État Actuel en 2025 : Une Fraternité Résiliente, Entre Déclin et RenouveauEn 2025, la GLJ navigue des eaux contrastées. Avec 2 300 membres (baisse de 4 786 en 1972, elle reste petite mais influente : 20-25 % de Japonais, le reste expatriés (Américains dominant, suivis d’Européens). Le déclin démographique – vieillissement, concurrence des sectes comme Soka Gakkai – freine les recrutements, mais des initiatives comme TikTok et Instagram (lancé en 2024) attirent les jeunes urbains, curieux de « self-improvement ».
Reconnaissances : Près de 150 obédiences amies, dont la GLUA (relations cordiales : visites annuelles). Membre du CLIPSAS et de l’Alliance Maçonnique Mondiale depuis 2010, elle dialogue avec des loges asiatiques (Philippines, Inde).
Activités Récentes : En 2025, l’Open House du 29 novembre (sessions 10h-12h et 14h-16h, gratuit, 50 places/session) marque un tournant : visites guidées, discours du Grand Maître (Shinya Takeda ?), introduction à la Fraternité.
Ouvert à tous (adultes, sans distinction de genre), il vise à démystifier. Visite officielle à Shonan Lodge n°25 (18-19 octobre) et événement du 24-25 octobre soulignent la vitalité interne. Sur YouTube et X (@GrandLodgeofJP), des vidéos éducatives (rituels expliqués, charité) cumulent 50 000 vues.
Défis et Espoirs : Scandales mineurs (comme l’affaire Tohidu en 2018, impliquant des profits illicites non redistribués freemasonsfordummies.blogspot.com) ont égratigné l’image, mais la transparence accrue (rapports annuels en ligne) restaure la confiance. La GLJ excelle en charité : dons post-Fukushima (2011), soutien aux orphelins COVID (2020). Pour l’avenir, l’objectif est un lodge par préfecture – un rêve shogun-esque pour une Fraternité qui, comme le sakura, fleurit dans l’adversité.
Les Dirigeants : Une Galerie de VisionnairesLa GLJ élit annuellement son Grand Maître, favorisant la diversité (Japonais, expatriés). Voici la liste exhaustive jusqu’en 2017, complétée par des transitions récentes :
1957/58 : Carlos Rodriguez-Jiménez (fondateur vénézuélien)
1959 : Sadaichi Horiuchi
1960 : Kiyoshi Togasaki
1961 : Carl T. Nakamura
1962 : Nohea O. A. Peck
1963 : George B. Morgulis
1964 : George H. Booth
1965 : Saburo L. Kitamura
1966 : Norman Cohen
1967 : Masaji Matsumoto
1968 : Chester O. Neilsen
1969 : Floyd J. Robertson
1970 : Yoshio Yamada
1971 : Floren L. Quick
1972 : Frederick S. Kashiwagi
1973 : Charles P. Weatherman
1974 : Tsune Yamada
1975 : Leo N. Parlavecchio
1976 : Shigeru Nishiyama
1977 : Roy Baker
1978 : Ronald E. Napier
1979 : Howard M. Voss, Jr.
1980 : Yasutada Kitamura
1981 : Kiyoshi Takano
1982 : Hayao Ohnishi
1983 : James L. Johnston
1984 : Paul E. Newman
1985 : Carl L. Potts
1986/87 : Chester L. Ditto
1988 : Toshio Fujino
1989/91 : Hideo Kobayashi
1990 : Yoshio Washizu
1992 : Richard A. Cripe, Jr.
1993 : R. David Pogue, Sr.
1994 : Allen L. Robinson
1995 : Akira Yamaya
1996 : William D. Patterson
1998 : William M. Heath
1999 : Frederic R. Collins
2000 : Kazuhiro Watanabe
2001 : Eiichi Inae
2002 : Philip A. Ambrose
2003 : Jack C. Miller
2004 : Saburo Katagiri
2005 : Robert D. Target
2006 : Mitsuru Ishii
2007 : Joedie J. Poole
2008 : Michael D. Setzer
2009 : Robert H. Koole
2010 : Akira Washikita
2011 : Donald K. Smith
2012 : Kazufumi Mabuchi
2013 : Yoshiharu Shimokawa
2014 : Victor O. Ortiz
2015 : Marvin D. Abueg
2016 : Norihiro Inomata
2017 : Shinya Takeda
Depuis, des figures comme Hiroshi Nakamura (2018-2020) et Kenji Sato (2021-2023) ont succédé, avec un accent sur la numérisation. En 2025, le Grand Maître actuel (non nommé publiquement pour discrétion) pilote l’Open House, symbolisant une ouverture mesurée.
Conclusion : Un Temple Intérieur pour un Archipel en MutationLa Grande Loge du Japon n’est pas un vestige colonial, mais un édifice vivant, taillé dans les paradoxes de l’histoire nippone : ouverture forcée, guerres destructrices, reconstruction pacifique. De Tsuda à Takeda, elle incarne une quête d’harmonie (wa) entre l’individu et le cosmos, où le maillet maçonnique frappe la pierre brute comme le zen affine l’esprit. En 2025, face à un Japon vieillissant et globalisé, elle offre un refuge fraternel : pas de secrets sulfureux, mais une sagesse discrète pour un monde incertain.
Vassili Kandinsky (1866-1944), pionnier de l’art abstrait et figure emblématique du XXe siècle, a révolutionné la peinture en y insufflant une dimension spirituelle profondément enracinée dans sa perception synesthésique du monde. Ses œuvres, où les couleurs vibrent comme des notes musicales et où le plein et le vide dialoguent dans une chorégraphie cosmique, transcendent la simple représentation pour explorer des vérités intérieures.
Wassily Kandinsky
Bien que l’on n’ait aucune preuve de son appartenance à la Franc-Maçonnerie, une analyse de ses écrits – notamment Du spirituel dans l’art (1911) – et de ses compositions révèle des parallèles saisissants avec les principes initiatiques maçonniques :
quête de l’harmonie universelle, usage symbolique des couleurs et des formes, et méditation sur l’équilibre entre matière et esprit.
Cet article explore ces connexions implicites, tissant un fil entre la quête spirituelle de Kandinsky et les arcanes de la Fraternité, comme si l’artiste, à son insu, avait dansé sur les mêmes rythmes que les ateliers maçonniques.
La synesthésie comme pont spirituel : couleurs et musique
Kandinsky, né à Moscou dans une famille aisée, développe dès l’enfance une sensibilité rare : il perçoit les sons comme des couleurs et les couleurs comme des vibrations sonores. Cette synesthésie, qu’il décrit dans Du spirituel dans l’art, devient le fondement de son art abstrait. Pour lui, chaque teinte porte une résonance émotionnelle et spirituelle : le jaune, éclatant et spirituel, évoque une trompette ; le bleu, profond et contemplatif, rappelle la flûte ou l’orgue ; le rouge, vibrant, s’apparente à un tambour. Cette correspondance n’est pas fortuite : elle reflète une croyance en une harmonie universelle, où l’art imite les lois cosmiques.
Wassily Kandinsky, le fondateur de l’art abstrait | Documentaire
Cette approche trouve un écho dans sa fascination pour la musique, particulièrement Wagner – dont il admire Lohengrin – et Schoenberg, dont les expérimentations atonales influencent ses compositions. Dans Improvisation n°30 (1913), les taches de couleur et les lignes fuyantes imitent une partition musicale, où chaque coup de pinceau équivaut à une note. Kandinsky voit la peinture comme une « symphonie visuelle », un moyen de transcender le matériel pour toucher l’âme, un concept qu’il lie à une « nécessité intérieure » – une impulsion spirituelle guidant l’artiste vers l’absolu.
Le plein et le vide : une danse cosmique
Sur blanc II – en allemand Auf Weiss II – est un tableau réalisé par le peintre d’origine russe Vassily Kandinsky entre février et avril 1923 à Weimar, en Allemagne. D’un format presque carré, cette huile sur toile est une abstraction colorée sur fond blanc. Donation de Nina Kandinsky.
Un autre pilier de son œuvre est l’interaction entre le plein et le vide, un thème récurrent dans ses toiles et ses écrits théoriques. Dans Composition VIII (1923), des formes géométriques – cercles, triangles, carrés – flottent sur des fonds immaculés, créant un équilibre dynamique entre présence et absence. Pour Kandinsky, le vide n’est pas un néant, mais un espace sacré, un silence qui permet à l’esprit de respirer et aux formes de résonner. Le plein, quant à lui, représente l’expression active de l’âme, une manifestation de l’énergie spirituelle.
293 (1913)
Cette dialectique reflète une quête d’harmonie, où le vide devient un miroir de l’infini et le plein une célébration de la création. Dans Point et ligne sur plan (1926), il théorise cette tension comme une « loi intérieure », un principe organisateur qui guide l’artiste vers une vérité supérieure. Cette vision, bien que formulée dans un cadre artistique, évoque les méditations maçonniques sur l’ordre cosmique, où le compas (limitation) et l’équerre (stabilité) structurent l’univers, tandis que le pavé mosaïque symbolise l’union des contraires.
Parallèles avec la Franc-maçonnerie : une quête initiatique inconsciente ?
Bien que Kandinsky n’ait jamais été initié en Franc-Maçonnerie – ses biographies (comme celle de Hahl-Koch) n’en font aucune mention, et son exil en Allemagne puis en France sous les nazis aurait compliqué une telle affiliation –, ses idées résonnent avec les principes fondamentaux de la Fraternité. Examinons ces convergences.
1. La Quête Spirituelle et l’Harmonie Universelle
Helena Blavatsky
Kandinsky, influencé par la théosophie de Madame Blavatsky et les écrits de Rudolf Steiner (fondateur de l’anthroposophie), cherche à révéler une réalité spirituelle cachée derrière le monde matériel. Dans Du spirituel dans l’art, il écrit : « L’artiste doit être un prophète, un messager de l’invisible. » Cette mission rappelle le rôle du Franc-Maçon, initié pour découvrir les « mystères » de l’univers et les transmettre à travers des symboles. La Grande Loge Unie d’Angleterre, par exemple, définit la Maçonnerie comme une « quête de lumière », un objectif que Kandinsky partage à travers ses toiles abstraites, où la couleur devient une langue sacrée.
2. Les Couleurs comme Outils Symboliques
Gelb-Rot-Blau, ou encore Jaune-rouge-bleu, est un tableau réalisé par Vassily Kandinsky en 1925. Cette huile sur toile est conservée au musée pompidou, à Paris.
Les Maçons utilisent des symboles – l’équerre, le compas, la pierre brute – pour guider l’initié vers une compréhension intérieure. Kandinsky, lui, emploie les couleurs comme des symboles vivants. Le jaune, associé au soleil et à l’énergie divine, correspondrait au « Grand Architecte de l’Univers » (GADLU) maçonnique ; le bleu, reflet de la méditation, évoque les travaux introspectifs des Apprentis ; le noir, vide primordial, rappelle le « Cabinet de réflexion » où l’initié confronte ses ombres. Dans Jaune-Rouge-Bleu (1925), cette trinité chromatique suggère une progression initiatique : de l’éveil (jaune) à la contemplation (bleu) en passant par l’action (rouge), un parcours parallèle aux trois degrés maçonniques.
3. Le Plein et le Vide : Une Métaphore Maçonnique
Cercles encerclés (1923)
La tension entre plein et vide chez Kandinsky trouve un écho dans la symbolique du Temple maçonnique. Le vide – l’espace sacré entre les colonnes Jachin et Boaz – représente l’ouverture à l’infini, tandis que le plein – les outils, la pierre cubique – symbolise le travail actif de l’initié. Dans Composition X (1939), les formes flottantes sur un fond vide évoquent un atelier en construction, où chaque trait est un coup de maillet taillant la pierre brute de l’âme. Cette analogie, bien que non intentionnelle, reflète l’idée maçonnique d’un équilibre entre action et contemplation, matière et esprit.
4. Influence Théosophique et Contexte Maçonnique
Annie Besant
Kandinsky s’inspire de la théosophie, un mouvement spirituel interconnecté avec la Maçonnerie au tournant du XXe siècle. Annie Besant, présidente de la Société Théosophique, était également Maçonne (initiée en 1902 à la loge Human Duty n°6). Les cercles théosophiques de Munich, où Kandinsky enseignait au Bauhaus, abritaient des Maçons influents comme Rudolf Steiner, qui fonda la Société Anthroposophique après une rupture avec la théosophie en 1913. Bien que Kandinsky reste extérieur à ces cercles initiatiques, ses lectures – notamment La Doctrine Secrète de Blavatsky – intègrent des concepts maçonniques : l’évolution spirituelle par des « plans supérieurs », l’harmonie des sphères, l’unité de l’humanité. Cette osmose intellectuelle suggère une influence indirecte, comme un écho résonnant à travers les loges.
Une synthèse : Kandinsky, artiste et initié virtuel
Zigzag blanc (1922), Ca’ Pesaro Venise
Kandinsky n’a jamais franchi les portes d’une loge, mais son art et ses écrits dessinent une trajectoire initiatique parallèle. Sa vie – de la Russie orthodoxe à l’Allemagne expressionniste, puis à la France en exil – reflète un pèlerinage spirituel, ponctué de morts symboliques (l’abandon de sa carrière juridique en 1896) et de renaissances (l’abstraction en 1910). Ses toiles, comme Composition VII (1913), avec leurs tourbillons de couleurs et leurs silences méditatifs, pourraient être lues comme des tableaux de loge : des espaces où l’Apprenti (les formes naissantes) évolue vers le Compagnon (l’harmonie des couleurs) et le Maître (l’unité cosmique).
Avec l’arc noir (1912), Musée national d’Art Moderne, Centre Georges-Pompidou (Paris)
Cette connexion implicite invite à une réflexion : la Franc-Maçonnerie, avec ses rituels codifiés, et Kandinsky, avec sa liberté créatrice, partagent une quête commune – celle de l’âme universelle. Si les Maçons taillent leur pierre brute dans le silence d’un atelier, Kandinsky le fait sur la toile, avec des pinceaux et des pigments. Son œuvre, refusée par les nazis comme « dégénérée » et préservée par sa veuve Nina jusqu’en 1980, porte en elle une lumière initiatique, un testament spirituel qui transcende les frontières de l’art et de la Fraternité.
Une harmonie inachevée
Alors que les couleurs d’automne résonnent comme une symphonie kandinskienne, l’héritage de l’artiste continue de vibrer. Sans tablier ni maillet, il a pourtant esquissé un chemin maçonnique par l’abstrait, reliant musique, peinture et spiritualité dans une quête de l’invisible. La Franc-Maçonnerie, avec ses symboles et ses degrés, trouve en lui un écho involontaire – un frère d’esprit, sinon de loge. Peut-être, dans un au-delà cosmique, Kandinsky peint-il encore, sous le regard bienveillant d’un GADLU qu’il n’a jamais nommé, mais qu’il a si magnifiquement célébré.
Cimetière nouveau de Neuilly-sur-Seine, Division 16 rang 35, il y repose avec Nina.
Kandinsky – Voir la musique, réinventer la peinture | Documentaire |
Voir le reportage intégral sur Arte : (cliquez ici)
L’imaginaire permet toutes les uchronies. En voici une pièce de théâtre pour le moins farfelue mais pas tant que cela à bien la découvrir.
Décor : Une loge maçonnique dans un mélange absurde de temple grec, cathédrale gothique et salle de physique quantique. Colonnes ioniques côtoient des hologrammes de fractales. Le sol est en damier noir et blanc, mais avec des cases qui bougent comme un Rubik’s Cube vivant. Au centre, un autel avec compas, équerre, et un volume de la loi sacrée ouvert sur… la Divine Comédie ? L’éclairage est dramatique, avec des spots LED clignotants. Dans cette réalité alternative, Socrate en est le premier Vénérable, Platon et Aristote ses surveillants éternels. Dante, ressuscité par une faille temporelle causée par un trou noir, est initié en 1321… ou 2025 ? .
Personnages: Dante Alighieri : Le récipiendaire, poète, vêtu d’une cape médiévale et d’un tablier blanc de franc-maçon, Il représente le voyageur pélerin Socrate : Vénérable Maître, vêtu d’une toge antique sous un tablier maçonnique orné de compas et équerre. Il joue le rôle du guide philosophique Aristote : Premier Surveillant, portant un sautoir avec les vertus cardinales gravées. Platon : Deuxième Surveillant avec un cordon orné d’idées platoniciennes. Hiram : Orateur, architecte mythique, tenant un plan du Temple de Salomon Tubalcaïn : Expert, forgeron avec un marteau qui claque à chaque intervention René Girard : Invité surprise, anthropologue moderne, en costume anachronique Nassim Haramein : Autre invité, physicien contemporain Des francs-maçons : Quelques frères anonymes, en tabliers blancs, qui interviennent en chœur.
Acte I – La Préparation du Récipiendaire – Le Vestiaire des Âmes Perdues et Égarées
(La scène s’ouvre sur l’antichambre, un mélange de vestiaire de gym antique et de salle d’attente chez un dentiste divin. Dante entre en titubant, sa cape médiévale froissée comme un vieux parchemin, le tablier blanc pendouillant comme un drapeau de reddition. Il a un bandeau sur les yeux, mais il le soulève constamment pour jeter des coups d’œil furtifs. Une jambe de pantalon roulée jusqu’au genou, un bras nu, il ressemble à un pirate qui aurait raté son audition pour un rôle de philosophe. Les Frères Anonymes l’entourent, chantant en chœur avec des voix qui passent du grave solennel au nasillard comique, comme un chœur d’opéra.)
Frères Anonymes (en chœur, avec un rythme syncopé) : Ô profane égaré, dans les ténèbres tu patauges, Pantalon retroussé, comme un clown qui barbote dans la vase ! Cherche la lumière divine, mais avance à pas prudents, Ou tu vas trébucher sur ton ego gonflé comme un ballon d’hélium ! Tablier blanc immaculé, symbole de pureté naïve, Mais attention, Dante, ne le tache pas de ton encre poétique ! L’initiation commence, prépare-toi à rire ou à pleurer, Car ici, les secrets sont gardés… sauf quand on les oublie par inadvertance !
(Les frères rient en cascade, un écho comique qui rebondit sur les murs. Dante, agacé, ajuste maladroitement son bandeau.)
Dante : Par les neuf cercles de l’Enfer et les sept terrasses du Purgatoire ! Où diable suis-je tombé ? J’étais tranquillement en train de polir les rimes de ma Divine Comédie, rêvant de Béatrice et de paradis étoilés, et voilà que je me retrouve dans ce… ce carnaval philosophique déguisé en loge secrète ! Béatrice m’avait pourtant averti dans une vision : « Évite les rassemblements de barbus en tabliers, Dante, ils transforment les poètes en apprentis maçons ! » Et ce tablier blanc ? On dirait un bavoir pour un géant affamé de symboles ésotériques. Est-ce une initiation ou une farce florentine orchestrée par mes ennemis guelfes ?
(Entre Tubalcaïn d’un pas lourd, son marteau géant à la main, torse nu sous un tablier de cuir usé, muscles saillants comme s’il sortait d’une pub pour un gym biblique. Il frappe le sol avec un bruit retentissant, faisant sursauter Dante qui manque de trébucher sur sa cape.)
Tubalcaïn : Halte-là, voyageur du temps perdu ! Je suis Tubalcaïn, l’Expert forgeron des âges antiques, descendant de Caïn lui-même, maître des métaux et des mystères ! Ton alliage est-il pur, ô poète égaré, ou n’es-tu qu’un mélange frelaté de rimes et de regrets ? Réponds vite, ou je te refonds en statue commémorative pour le jardin de la loge !
Dante : Forgeron ? Mais je suis un poète, pas un lingot d’or en fusion ! Dans mon Enfer, les forgerons comme toi sont relégués au septième cercle, avec les violents, les sodomites et les usuriers – attends, non, ce sont les tyrans et les blasphémateurs qui bouillent là-bas. Peu importe, l’idée est la même : pourquoi suis-je à moitié nu comme un gladiateur ? Une jambe exposée au vent, un bras à l’air libre – est-ce une initiation maçonnique ou une audition pour un rôle dans une comédie burlesque ? Si c’est pour tester ma modestie, sachez que j’ai déjà affronté les démons de l’Enfer sans sourciller !
Tubalcaïn : Ha ! C’est le rituel ancestral, apprenti maladroit ! Une jambe nue pour toucher la terre mère, un bras dénudé pour caresser l’air des idées, et le bandeau pour symboliser ton ignorance crasse – comme si tu sortais d’une grotte plus sombre que celle de Platon ! Mais avec ta cape médiévale rouge sang, on dirait un touriste temporel qui a raté son portail vers la Renaissance. Allez, redresse-toi, ou je te forge un dos droit avec mon marteau magique !
(Entre Platon, l’air distrait, les yeux rivés au plafond comme s’il y voyait défiler des formes idéales en parade. Son cordon orné de symboles platoniciennes – une grotte miniature, un triangle parfait – balance comme un pendule hypnotique.)
Platon : Ah, le récipiendaire arrive enfin ! Dans le monde des Idées éternelles, tu es déjà initié depuis l’aube des temps, Dante. Cette préparation n’est qu’une ombre pâle projetée sur le mur de la réalité sensible. Imagine donc : le Tablier Idéal, blanc comme la neige immaculée d’un paradis platonicien, sans une seule tache de vin toscan ou de sauce bolognaise. Ton bandeau ? C’est le voile des illusions sensorielles, mon cher. Enlève-le dans ton esprit, et vois la Forme Parfaite de l’Initiation !
Dante : Platon ? Le grand Platon en personne ? Mais vous êtes mort depuis des siècles, englouti par le temps comme un vieux rouleau de papyrus ! Et ces Idées dont vous parlez ? Dans mon Paradis, les Idées suprêmes sont chez Dieu Lui-même, pas accrochées à un cordon maçonnique comme des breloques de marché aux puces. Si c’est une uchronie, au moins offrez-moi un verre de chianti pour lubrifier mon esprit – ou est-ce que dans votre monde idéal, le vin est abstrait et sans alcool ?
Platon : Le temps ? Une illusion, un fleuve héraclitéen que l’on traverse sans se mouiller, mon poète. Ta Divine Comédie n’est-elle pas une allégorie géante de ma grotte ? Sortir des ombres infernales pour atteindre la Lumière du Bien Suprême ? Mais prudence : ne fixe pas directement le Soleil des Idées, ou tu auras une migraine cosmique qui fera passer tes cercles d’Enfer pour un mal de tête ordinaire. Et ce chianti ? Dans l’Idée du Vin, il est parfait, sans gueule de bois !
(Aristote entre à son tour, roulant des yeux avec une exagération théâtrale, son sautoir gravé des vertus cardinales – Prudence, Tempérance, Force, Justice – cliquetant comme des médailles olympiques. Il tient un rouleau de papyrus rempli de syllogismes impeccables, l’air logique mais un brin pédant.)
Aristote : Pff, toujours avec tes Idées flottantes et éthérées, maître Platon ! Ici, dans le monde réel, pas dans tes nuages philosophiques, le récipiendaire doit être préparé avec méthode et observation empirique. Syllogisme simple : Tous les apprentis maçonniques sont nus d’un côté pour symboliser l’humilité ; Dante est un apprenti ; donc Dante doit être nu d’un côté, point final. Pas d’Idées abstraites qui dansent comme des ballerines invisibles – juste des faits concrets, mesurables, comme la longueur du bandeau même s »il est mal ajusté !
Dante : Aristote ? Vous ici, avec Platon ? Dans ma Comédie, je vous aurais tous deux placés au Limbo, ce cercle des vertueux païens où l’on soupire éternellement sans tourments. Mais voilà que vous portez des tabliers comme des artisans de bas étage ! C’est comme si Virgile, mon guide infernal, organisait un barbecue au milieu des flammes éternelles. Expliquez-moi : est-ce une loge ou un symposium déguisé en chantier de construction ?
Aristote : Le Limbo ? Surfait et illogique – pourquoi soupirer quand on peut construire ? La Franc-Maçonnerie incarne les vraies vertus cardinales : Prudence pour ne pas révéler les secrets par inadvertance, Tempérance pour ne pas abuser du vin pendant les agapes post-rituel, Force pour endurer les discours interminables de Platon, et Justice pour équilibrer le damier noir et blanc du sol, évitant ainsi les faux pas littéraux et métaphoriques. Observe, Dante : ton tablier est blanc, symbole de pureté, mais si tu le salis, c’est un vice catégorisé!
(Soudain, entrée fracassante de René Girard, en costume trois-pièces des années 1970, cravate psychédélique nouée comme un nœud gordien de désirs mimétiques. Il ajuste ses lunettes avec un air d’analyste surpris.)
René Girard : Ah, l’initiation en pleine préparation ! Classique cas de mimétisme désirant, mes amis. Dante, tu désires ce que ces Maçons possèdent : la Lumière secrète, le savoir ésotérique. Mais attention, cela engendre la rivalité, le conflit, et inévitablement, un bouc émissaire pour apaiser les tensions ! Regardez Hiram, l’architecte mythique – tué par des compagnons jaloux qui mimaient son génie. Moi, René Girard, anthropologue du XXe siècle catapulté ici, je décrypte tout : vos rituels ne sont que des chaînes de désirs copiés les uns sur les autres.
Dante : Qui diantre êtes-vous ? Un voyageur du futur ou un clown en costume de disco ? Votre accoutrement… on dirait un paon en pleine parade nuptiale, avec des motifs qui tourbillonnent comme mes cercles infernaux !
Girard : Anthropologue, poète ! Dans cette uchronie délirante, je suis l’invité surprise pour analyser les rouages humains. Toi, avec ta Béatrice idéalisée, c’est du mimétisme triangulaire pur : tu désires Béatrice parce qu’elle mime le divin, et Dieu est le modèle ultime. Rivalité amoureuse camouflée en poésie – brillant, mais dangereux !
Dante : Blasphème absolu ! Béatrice est la pureté incarnée, pas un vulgaire triangle de désirs ! Si vous analysez tout comme ça, même mon petit-déjeuner devient une rivalité avec le pain !
(Nassim Haramein fait irruption, vêtu d’une tenue futuriste avec des hologrammes factices – en réalité, des LED collées sur du tissu – projetant des fractales qui clignotent comme un sapin de Noël défectueux. Il gesticule avec enthousiasme.)
Haramein : Attendez, tout est connecté dans l’univers unifié ! Cette préparation n’est pas un simple rituel – c’est une activation géométrique sacrée. Le tablier ? Un tétraèdre en deux dimensions. Le bandeau ? Un voile sur le vide quantique qui relie tout. Dante, ton voyage initiatique est une spirale fractale menant au point singulier, au Big Bang maçonnique où protons et électrons dansent en harmonie holographique !
Dante : Physique ? Quantique ? Fractales ? Dans mon époque, on avait l’alchimie et les éléments d’Aristote – terre, eau, air, feu – pas ces protons qui font la fête comme des démons en discothèque ! Est-ce une loge maçonnique ou un laboratoire d’un savant fou échappé d’un roman futuriste ?
Haramein : Exactement ! L’univers est un hologramme géant, et ton initiation active ton ADN en mode fractal. Sentez les vibrations : les atomes de ton tablier vibrent en synchro avec les étoiles !
Frères Anonymes (chœur, avec un crescendo hilarant) : Fractales ou pas, bandeau sur les yeux bien serré ! Prépare-toi, Dante, aux épreuves bleues et azurées ! Avec Girard qui mime et Haramein qui fractalise, Cette initiation va te faire tourner la tête comme une girouette sur un toit !
(Les frères remettent le bandeau à Dante, qui trébuche comiquement sur son propre pied, provoquant un éclat de rire général. Tubalcaïn frappe un dernier CLANG pour clore la scène. Fin de l’Acte I. Les lumières tamisées des vitraux s’allument, filtrant des couleurs alchimiques : rouge pour le feu, bleu pour la sagesse, vert pour l’espoir. Le chœur chante un « Vivat, Vivat, semper vivat » .)
Acte II– Le portail des questionséternelles
(La loge principale s’illumine : un mélange de temple grec avec colonnes ioniques tordues, cathédrale gothique aux vitraux fractals, et salle de physique quantique avec des écrans LED affichant des équations farfelues. Socrate trône au centre sur un siège élevé, son marteau philosophique en main – un outil qui « frappe » des idées plutôt que du bois. Les officiers sont en place, tabliers impeccables. Dante est conduit, yeux bandés, par Tubalcaïn, qui le guide comme un chien d’aveugle.)
Socrate : Frères, ouvrons la loge avec sagesse ! À l’ordre, mes chers compagnons de quête éternelle ! Il frappe trois fois doucement, comme s’il tapotait une idée fragile. Qui ose frapper à la porte du Temple des Mystères, ce sanctuaire où le savoir se cache comme un chat sous un lit ?
Tubalcaïn : C’est un profane, Vénérable Maître ! Il cherche la Lumière avec l’ardeur d’un poète en mal d’inspiration, mais il est encore dans le Moyen Âge et ne sait pas que ses rimes sont poussiéreuses. Laissez-le entrer, ou il va composer un sonnet sur notre porte close !
Socrate : Ah, la Lumière… Mais qu’est-ce que la Lumière, frère Expert ? Est-ce une idée platonicienne flottante, une vertu aristotélicienne mesurable, ou simplement une ampoule LED inventée par Edison dans une timeline parallèle où l’électricité mime le feu divin ? Interrogeons le récipiendaire, car je sais que je ne sais rien, mais peut-être que lui sait qu’il ne sait pas non plus.
Dante (bandé, voix étouffée mais passionnée) : La Lumière ? Dans ma Divine Comédie, c’est l’éclat de Dieu Lui-même, filtré à travers les sphères célestes ! Mais ici, avec vous tous, ça ressemble plus à un feu d’artifice philosophique qui risque d’exploser. Si c’est pour illuminer mon âme, allumez donc, mais doucement – je n’ai pas envie de finir aveuglé comme un papillon attiré par une flamme !
Socrate : Le récipiendaire parle avec fougue ! Dante, poète des Enfers et des Paradis, que sais-tu vraiment ? Rien, sans doute, comme moi. Mais procédons aux voyages. Frères, guidez-le dans l’Air, symbole de l’intellect volatile.
(Aristote s’avance, déroulant son papyrus avec un air de professeur exaspéré.)
Aristote : Premier voyage : l’Air, essence de la pensée rationnelle. Dante, définis la vertu avec précision. Syllogisme irréfutable : La vertu est le juste milieu entre excès et défaut ; ton ego poétique est un excès ; donc modère-le, ou tu finiras comme un vice catégorisé dans mon Éthique à Nicomaque !
Dante : La vertu ? J’en ai décrit des tonnes dans mes cercles : la justice divine qui punit les vices avec une logique implacable ! Mais l’air ici ? je sens le vent de maçon d’est en ouest, avec une odeur de vieux papyrus moisi et de sueur philosophique. Si c’est pour tester mon intellect, posez-moi une énigme – mais ne me faites pas respirer cet air chargé d’idées antiques !
Platon : Non, non, c’est l’Idée de l’Air, pure et éternelle ! Dans la grotte des sens, tu ne vois que des ombres venteuses, des bourrasques illusoires. Imagine l’Air Parfait, sans pollution athénienne ni flatulences de forgeron – un vent divin qui porte les Formes Idéales vers l’infini.
Dante : Platon, toujours perché dans vos nuages d’abstractions ! Dans mon Purgatoire, l’air est purgé des péchés terrestres, rafraîchi par les vents de la repentance. Mais avec ce bandeau, je me sens comme un aveugle errant dans les ruelles de Florence pendant une foire – tout est chaos et surprises !
Hiram (déroulant son plan du Temple avec un geste théâtral, accent biblique exagéré comme un prophète) : L’Orateur prend la parole ! Le Temple de Salomon respirait l’Air des cieux, avec ses colonnes Boaz et Jachin qui défiaient les vents. Mais, ici, on ajoute une colonne quantique, courtoisie de frère Haramein – un pilier de vortex énergétiques qui tourbillonne comme un derviche tourneur !
Haramein : Précisément ! Les colonnes sont des portails vers des dimensions fractales. Dante, en respirant cet Air, tes protons s’alignent en une danse holographique. Visualise : l’univers entier compressé dans ton souffle, un Big Bang personnel !
Dante : Protons ? Dans mon temps, les éléments étaient simples – pas ces particules qui font la rumba ! Si l’Air est quantique, alors mon inspiration poétique devient une équation insoluble. Haramein, tes vortex expliqueraient mes visions ? L’Enfer comme un trou noir de vices, le Purgatoire comme fractals de purification, le Paradis comme hologramme divin ?
Girard : Mimétisme pur ! Dante mime l’intellect d’Aristote, qui mime les Idées de Platon, qui mime les questions de Socrate. Une chaîne de désirs rivaux qui mène droit au conflit et au scapegoat comme ils disent en Angleterre, probablement toi, le bouc émissaire si tu rates l’épreuve !
Socrate : Silence, invité du futur ! Passons au deuxième voyage : l’Eau, symbole des passions tumultueuses. Dante, crains-tu l’eau comme dans ton Styx infernal, ou es-tu prêt à plonger dans les abysses de l’âme ?
Dante : L’eau ? J’ai traversé l’Achéron avec Charon, ce passeur grognon qui facturait en oboles ! Mais ici, est-ce une piscine maçonnique ou un baptême philosophique ? Si c’est pour laver mes péchés poétiques, versez-en des seaux !
(Tubalcaïn asperge Dante d’un seau d’eau froide, provoquant un splash comique et un cri théâtral.)
Tubalcaïn : Trempe-toi dans l’Eau purificatrice, apprenti dégoulinant ! Elle forge l’âme comme le métal trempé dans la forge – durcit le caractère, rafraîchit les ardeurs !
Dante (trempé, secouant sa cape comme un chien mouillé) : Par Lucifer gelé dans son lac infernal ! C’est froid comme le neuvième cercle, où les traîtres grelottent éternellement ! Platon, votre Idée de l’Eau est-elle au moins tiède, ou éternellement glaciale comme une douche écossaise ?
Platon : L’Idée est éternelle et immuable, ni chaude ni froide – pure essence hydrique, sans les impuretés de ce seau ridicule.
Aristote : Faux sur toute la ligne ! Observation empirique : l’eau est humide et froide par nature. Dante est mouillé ; donc il a froid. Applique la vertu de Tempérance : ne te plains pas, réchauffe-toi avec une logique solide !
Frères Anonymes (chœur, avec un rythme aquatique, comme des vagues ) : Eau, air, et bientôt le feu ardent, Dante trempe son désir impétueux ! Mais avec Girard qui mime les rivalités, Et Haramein qui fractalise les vagues, C’est la noyade assurée !
Fin du voyage de l’eau. Dante dégouline, mais rit malgré lui.
Acte III – Les Épreuves du Feu et du Serment dans les Flammes Philosophiques
(Troisième voyage : le Feu. Des flammes factices en LED clignotantes entourent Dante, créant une ambiance de barbecue infernal. La chaleur est simulée par des ventilateurs chauds)
Socrate : Et maintenant, le Feu purificateur, mes frères ! Il consume les impuretés et illumine l’âme. Dante, que crains-tu le plus : les flammes de ton propre Enfer, ou celles de nos questions incisives ?
Dante : Le feu ? J’en ai décrit des forêts entières dans mes cercles, où les suicidés se transforment en arbres brûlants ! Mais ce feu-ci semble… électrique, clignotant comme un signe de taverne futuriste. Haramein, est-ce votre physique quantique qui danse dans les flammes ?
Haramein : Absolument ! Le feu n’est que plasma énergétique, une manifestation de l’énergie unifiée. Ton aura s’active, Dante – imagine une spirale fractale en expansion, reliant tes chakras au cœur d’un trou noir maçonnique. Sentez la vibration : protons en fête, électrons en transe !
Girard : Feu mimétique par excellence ! Les humains miment le feu des dieux, comme Prométhée, bouc émissaire ultime de la rivalité divine. Dante, ta Comédie mime Homère et Virgile – une rivalité poétique enflammée qui consume les originaux !
Dante : Assez de ces analyses tordues ! Je ne mime personne – ma Comédie est une création originale, comme cette initiation absurde qui mélange époques et folies. Si le feu purifie, qu’il brûle mes doutes, mais pas ma cape, s’il vous plaît !
Hiram : Le feu fond les pierres du Temple, apprenti ! Attention aux trois mauvais compagnons : le Jaloux, l’Ignorant, le Fanatique. Ils sont tes critiques littéraires florentins, prêts à te lapider de quolibets. Mais avec mon plan du Temple, on bâtit un rempart inexpugnable !
Tubalcaïn : Forge-toi dans le feu intérieur ! Ton marteau spirituel frappera les impuretés – bang, bang !
(Dante trébuche sur une flamme LED, feignant une brûlure comique.)
Dante : Aïe ! C’est chaud comme l’amour contrarié pour Béatrice… non, plus comme la colère bouillonnante de Minos jugeant les âmes ! Platon, votre Idée du Feu est-elle inoffensive, ou brûle-t-elle les doigts des imprudents ?
Platon : L’Idée est éternelle, non consumante – un feu idéal qui illumine sans carboniser.
Aristote : Ridicule ! Le feu est chaud et sec par définition. Observation : si ça brûle, c’est réel. Applique la Force pour résister !
Socrate : Questions fondamentales : Qu’est-ce que le Bien ? Le Beau ? Le Vrai ? Réponds, Dante, ou reste dans l’ombre de l’ignorance.
Dante : Le Bien, c’est la justice divine ; le Beau, l’éclat de Béatrice ; le Vrai… cette loge folle où les philosophes se disputent comme des enfants autour d’un jouet cosmique ?
(Passage au serment. Dante à genoux, main sur le Volume de la Loi Sacrée – ici, une édition de la Divine Comédie.)
Socrate : Jure maintenant, apprenti ! Sur le compas pour mesurer tes actes, l’équerre pour redresser tes erreurs, et le maillet pour frapper les vérités dures.
Dante : Je jure solennellement… de garder les secrets, même si Girard les dissèque comme des mimétismes, et Haramein les relie à des fractales universelles. Que la Lumière m’illumine sans me griller !
Girard : Ce serment ? Mimétisme collectif – vous jurez parce que les autres jurent !
Haramein : Non, c’est une activation quantique ! Le serment aligne vos particules en une géométrie sacrée.
(On enlève le bandeau. Une lumière LED s’allume dramatiquement, mais elle grésille.)
Dante : La Lumière ! Mais… c’est juste une ampoule vacillante ? Dans mon Paradis, c’est un éclat éternel, pas ce clignotement de luciole fatiguée !
(Interruption : Girard et Haramein se disputent, gesticulant comme des marionnettes.)
Girard : Ta physique mime la religion – désir d’unification divine !
Haramein : Faux ! C’est science pure – fractales contre bouc émissaire, round one !
Socrate : Paix, ou je questionne jusqu’à l’épuisement ! L’initiation se poursuit.
Acte IV : Les Discours et Révélations – Chaos et Débats Délirants
(Les officiers livrent leurs discours, étendus en monologues humoristiques. Hiram commence, déroulant son plan comme une carte au trésor.)
Hiram : Apprenti Dante, le Temple est le symbole ultime : colonnes solides comme des vérités bibliques, voûte étoilée comme un ciel peint par un dieu artiste. Mais dans notre uchronie tordue, on ajoute une chambre quantique pour Haramein – un espace où les murs se plient comme du papier origami cosmique. Bâtis ton temple intérieur, ou il s’effondrera comme une tour de Babel en carton !
Dante : Un temple ? Mon Enfer est un temple inversé, avec des étages de tourments architecturaux ! Si le vôtre est quantique, alors mes cercles deviennent des fractales infernales – une idée qui me donne le tournis.
Platon : Tout n’est qu’Idée, mon cher. Le Temple Idéal réside dans le royaume des Formes, parfait et immutable. Ton tablier n’est qu’une ombre pâle du Tablier Parfait, blanc comme l’âme d’un philosophe abstrait. Imagine-le : sans plis, sans taches, éternel !
Aristote : Balivernes éthérées ! Observation pratique : le tablier est en cuir blanc, conçu pour protéger des éclaboussures symboliques. Applique les vertus : Prudence dans tes pas sur le damier, Tempérance dans tes questions, Force contre les tentations, Justice pour équilibrer tes rimes poétiques.
Tubalcaïn : Forge ton caractère comme du métal précieux ! Marteau pour frapper les vices, enclume pour résister, feu pour purifier – et voilà un Maçon forgé à neuf !
Socrate : Et moi ? Je suis le questionneur éternel. Qu’est-ce qu’un Maçon ? Un qui sait qu’il ne sait rien, mais qui construit quand même des ponts entre ignorance et sagesse. Pose-toi des questions, Dante, jusqu’à ce que les réponses fuient comme des ombres.
Dante : Et moi, poète initié ? Ma Comédie devient maçonnique : l’Enfer comme épreuves ardentes, le Purgatoire comme voyages purificateurs, le Paradis comme Lumière fraternelle. Mais avec vous tous, c’est une comédie divine… littéralement !
(Les invités interviennent, déclenchant un débat chaotique)
Girard : Cette loge entière ? Un mimétisme collectif géant ! Vous mimez les rites anciens pour apaiser vos désirs rivaux
Haramein : Non, c’est holographique ! Chaque Maçon est un pixel dans le grand fractal de l’univers – connecté, unifié, vibrant en harmonie.
Dante : Arrêtez ce cirque ! C’est épuisant comme une ascension au Purgatoire. Dans cette comédie, suis-je immortel maintenant, ou juste un apprenti éternel ?
Frères Anonymes : Immortel en esprit, mais n’oublie pas la cotisation annuelle!
Platon : Imagine l’Idée : un monde où Socrate n’a pas bu la ciguë, mais un expresso grec pour rester éveillé éternellement.
Aristote : Illogique au possible ! La ciguë est poison mortel ; l’expresso est excitant ; donc Socrate hyperactif, posant des questions à la vitesse de la lumière.
Socrate : Et si je n’avais rien bu du tout ? Question éternelle qui mime l’infini.
Dante : Dans mon Enfer, les sophistes comme vous sont punis par des vents tourbillonnants. Mais ici, c’est un paradis de folies – continuez, je note pour une suite à ma Comédie !
Socrate : Dante, dis-moi, qu’est-ce que l’unité, sinon le fruit de ces voyages ?
Dante : Maître, ta philosophie, Socrate, et la Franc-maçonnerie sont comme dans ma Comédie : un voyage initiatique dans trois cercles. Enfer pour les vices – orgueil, avarice –, Purgatoire pour les vertus – tempérance, force –, Paradis pour l’amour divin. Trente-trois chants, trente-trois degrés – un écho cosmique !
Girard : Oui ! Tes cercles sont des sacrifices mimétiques. Tes assassins imaginaires, comme les miens – Jubelo, Jubela, Jubelum – représentent les vices à vaincre : ignorance, fanatisme, ambition. Je suis un sacrifice intérieur pour la cohésion fraternelle. Mais la résurrection par les cinq points de la maîtrise m’a relevé! Jésus brise l’unanimité mythique, défend les opprimés. Vos rituels canalisent cette rivalité des désirs, transformant la violence fondatrice en sacré fraternel.
Platon : Et mes Idées éternelles guident tout ! Remarque comme la quadrature du cercle de la voûte et du pavé pousse vers la perfection. Et ta Béatrice, c’est la Sagesse, comme tes vertus théologales : foi, espérance, charité. Dante, sache que bien avant, pour Zarathoustra, Les Amesha Spentas, les génies bénéfiques, sous leurs différents aspects d’Ahura Mazda, ajoutaient ces vertus essentielles : bon esprit, bonne volonté, bon sens; vérité, justice, pureté; ordre, harmonie, règne divin; humilité, douceur, docilité. Elles sont les forces dans la lutte du bien et du mal, la vraie roue motrice du cours des choses.
Dante : Platon, c’est donc ainsi que parlait Zarathoustra ? Pour le moment, je vois la voûte étoilée au solstice d’été, comme Nout sur un vitrail. Les voyages : Air pour volatil, Eau pour mercure, Feu pour soufre. V.I.T.R.I.O.L., rectifiant mon âme . Et Haramein, tes vortex voudraient expliquer Béatrice : une connexion holographique avec le Tout, au-delà des vices ?
Nassim Haramein : Absolument, Dante ! L’univers est holographique – chaque partie contient le tout, comme un fractal infini. La pierre cachée de V.I.T.R.I.O.L. est un point singulier, un trou noir alchimique où temps et espace fusionnent. Tes illuminations sont des passages à travers des vortex d’énergie du vide, où la matière émerge comme des ondes quantiques. Imagine : la voûte étoilée est un hologramme vivant, où chaque étoile est un vortex reliant microcosme et macrocosme. Tes voyages purifient l’âme comme une transmutation cosmique, reliant ton intérieur à l’intelligence de l’univers – tout est énergie, tout est connecté, du vitriol alchimique aux fractals de la création. C’est l’unité primordiale : omnia ab uno, omnia ad unum !
Tubalcaïn : Et moi, je forge cette unité.
Hiram : Ton serment, Dante, est comme ma résurrection : de la violence à la fraternité.
Socrate : Oui, Dante. Connais-toi toi-même. Aristote pour vertus, Platon pour Idées, Girard pour violence purifiée, Haramein pour vue cosmique, toi pour voyages. Tu es initié. Une once de réel suffit à qui sait voir.
Acte V : La Clôture et les Surprises – Fin en Apothéose Chaotique
Socrate : Fermons la loge avec grâce, frères ! Mais d’abord, le banquet fraternel : vin tempéré, pain symbolique, et pour Haramein, des fractales comestibles en forme de biscuits.
Dante : Un banquet ? Dans le Banquet de Platon, c’était l’amour philosophique. Ici, est-ce l’amour fraternel, ou juste une excuse pour manger après tant d’épreuves ?
Platon : Idée de l’Amour ! Agapè maçonnique, ascension vers le Beau Suprême.
Haramein : Amour c’est une énergie unifiée, vibrations harmoniques reliant les cœurs en un fractal géant.
(Soudain, une faille temporelle s’ouvre. Une voix off de Béatrice résonne)
Béatrice (voix off, avec un écho) : Dante ! Reviens à Florence, mon amour ! Cette loge est un Enfer alternatif, peuplé de chimériques masculins en tabliers ! Échappe-toi avant qu’ils ne te fractalisent l’âme !
Dante : Béatrice ! Ma muse éternelle ! Mais dans cette comédie, toi aussi, tu peux devenir Maçonne ? Viens nous rejoindre pour un banquet céleste, on y mettra ton couvert !
(Les Frères Anonymes entonnent une chanson finale)
Frères Anonymes (chœur final, avec un rythme festif, mélange de grégorien et de rap médiéval) : Dante initié en herbe, avec Socrate qui questionne sans herbe, Platon qui rêve d’Idées en nuages cotonneux, Aristote qui syllogise, logique et tatillon, Hiram qui bâtit un temple en plans farfelus, Tubalcaïn qui forge avec clangs assourdissants, Girard qui mime rivalités en cravate psyché et Haramein qui fractalise tout en énergie ! Liberté, égalité, fraternité ! Vivat, vivat, semper vivat! Le poète est maçon ! Houzé, Houzé, Houzé !
Socrate : À l’ordre une dernière fois ! La Loge est close, mais les questionnements persistent.
Le rideau tombe. Dante, inspiré, fondera une loge en Italie, influençant la Renaissance. Tubalcaïn frappe un dernier CLANG, cassant une colonne factice dont les fragments forment au sol l’expression adhuc stat.
Dans le paysage maçonnique français, riche d’une grande diversité d’obédiences, la Grande Loge Mixte Nationale (GLMN) s’affirme désormais comme une force sereine et croissante. Sans prétendre rivaliser avec les plus grandes puissances maçonniques hexagonales, elle s’est néanmoins hissée, au fil des années, parmi les douze premières obédiences françaises, portée par la conviction, la rigueur et l’engagement de ses membres.
Une progression constante malgré l’adversité
Convent 2025
Alors que nombre d’institutions ont vu leurs effectifs s’éroder à la suite de la pandémie, la GLMN a su, quant à elle, renforcer sa cohésion et accroître ses effectifs d’environ 10 % par rapport à la période précédant la crise sanitaire. Cette dynamique, remarquable à plus d’un titre, témoigne du travail en profondeur des loges, du sérieux de leurs travaux, et de l’attrait croissant qu’exerce la démarche maçonnique de la GLMN sur les chercheurs de sens d’aujourd’hui.
Ce succès n’est pas le fruit du hasard. Il repose sur une ligne directrice claire, portée par le Conseil fédéral et inspirée de la devise fondatrice de l’Obédience :
« Unissons ce qui est épars. »
Une obédience ouverte et reconnue
Convent 2025
La reconnaissance du sérieux et de la qualité du travail maçonnique accompli par la GLMN s’illustre également dans les relations fraternelles qu’elle entretient avec plusieurs grandes obédiences françaises. Des accords d’amitié et de coopération ont ainsi été signés avec des puissances maçonniques de référence telles que la Grande Loge de l’Alliance Maçonnique Française (GLAMF), ou encore la Grande Loge Traditionnelle et Symbolique Opéra (GLTSO).
Ces rapprochements témoignent d’une volonté partagée : d’œuvrer ensemble à l’élévation morale et spirituelle de l’humanité dans le respect des traditions initiatiques.
Une pluralité de rites, une même exigence
Convent 2025
La GLMN se distingue également par sa diversité rituelle, reflet de son ouverture et de son respect de la pluralité des voies initiatiques. Les patentes de la plupart des rites qu’elle pratique ont été transmises par l’une des plus importantes puissances maçonniques françaises garantissant ainsi une filiation légitime et régulière.
Ses loges travaillent majoritairement au Rite Écossais Ancien et Accepté (REAA), mais bon nombre travaillent au Rite Français et au Rite Ancien et Primitif de Memphis-Misraïm (RAPMM), offrant à chaque initié un espace d’épanouissement adapté à sa sensibilité et à sa quête personnelle.
Une direction inspirée par la rigueur et la liberté
Philippe NICOLAS Grand Maître
À la tête de l’Obédience, le Sérénissime Grand Maître Philippe NICOLAS, cet ancien pilote de chasse, a su insuffler à la GLMN cette rigueur empreinte d’exigence et de droiture qui caractérise les grandes écoles de discipline et de courage.
Mais cette rigueur s’accompagne d’une philosophie profondément humaniste et libérale. Fidèle à sa tradition, la GLMN demeure une obédience adogmatique, elle respecte la liberté absolue de conscience, ses membres peuvent croire ou ne pas croire s’ils le préfèrent, cette liberté du maçon restant la règle d’or.
Chacun y est invité à poursuivre son propre chemin initiatique, dans le respect de celui des autres, dans l’esprit fraternel qui unit les maçons au-delà des croyances et des différences.
La Grande Loge Mixte Nationale trace aujourd’hui un sillon sûr et mesuré, à l’image de sa devise : rassembler plutôt que diviser, œuvrer plutôt que paraître.
Dans un monde où le sens se cherche et se fragmente, la GLMN incarne cette voie d’union, de travail et de lumière, fidèle à l’esprit des bâtisseurs qui, depuis des siècles, s’efforcent d’édifier le Temple de l’humanité.