En 1951, le psychologue Solomon Asch a mené une expérience révolutionnaire qui a mis en lumière la puissance du conformisme social. Cette étude, devenue un classique de la psychologie sociale, démontre à quel point les individus peuvent être influencés par l’opinion du groupe, même face à une évidence visuelle. L’expérience impliquait un groupe d’étudiants participant à un prétendu test de vision.
Parmi eux, un seul “sujet naïf” ignorait le véritable objectif de l’étude, les autres étant des complices de l’expérimentateur. La tâche consistait à comparer la longueur de lignes sur des affiches.
Les résultats ont été stupéfiants : 37% des sujets naïfs se sont conformés aux réponses erronées du groupe, allant jusqu’à nier l’évidence visuelle. Plus troublant encore
75% des participants ont cédé à la pression du groupe au moins une fois au cours de l’expérience.
Asch a exploré diverses variantes, notamment l’impact de la taille du groupe et de l’unanimité. Il a constaté qu’un groupe de 3 à 4 complices suffisait pour maximiser le conformisme, et que la présence d’un seul allié réduisait considérablement la tendance à se conformer.
Cette étude soulève des questions importantes sur la prise de décision individuelle et collective. Elle met en évidence notre vulnérabilité face à la pression sociale, même lorsque nos sens nous disent le contraire. L’expérience d’Asch reste aujourd’hui une référence incontournable pour comprendre les mécanismes du conformisme et leurs implications dans divers domaines, de l’éducation à la politique.
Les variantes que Asch a testées pour étudier le conformisme
Asch a testé plusieurs variantes de son expérience originale pour étudier différents aspects du conformisme :
La taille du groupe : Asch a fait varier le nombre de participants de 1 à 15 personnes. Il a constaté que le taux de conformisme augmentait significativement avec 3 personnes (32%), puis plafonnait avec 3 à 4 complices. L’unanimité du groupe : Asch a introduit un partenaire de confiance qui donnait la bonne réponse, brisant ainsi l’unanimité. Cela a entraîné une diminution significative du taux de conformisme.
Le retrait d’un vrai partenaire : Après avoir soutenu le sujet “naïf”, le partenaire se ralliait à la majorité. Contrairement aux attentes, le taux de conformisme du sujet augmentait suite à cette perte de soutien. La présence d’un dissident : Même lorsqu’un complice donnait une réponse erronée différente de la majorité, le taux de conformisme du sujet “naïf” diminuait.
Ces variantes ont permis à Asch d’explorer les facteurs influençant le conformisme, comme la pression du groupe, le soutien social et l’impact de la dissidence.
Quels liens peut-on faire entre l’expérience de Hasch et la Franc-maçonnerie ?
L’expérience de conformité d’Asch et les principes de la franc-maçonnerie peuvent sembler, à première vue, diamétralement opposés. Cependant, une analyse plus approfondie révèle des liens intéressants entre ces deux domaines.
Conformisme vs. Libre pensée
L’expérience d’Asch met en lumière la tendance humaine au conformisme, même face à une évidence contraire. Dans son étude, rappelons que 37% des participants se sont conformés aux réponses erronées du groupe, allant jusqu’à nier l’évidence visuelle. Ce phénomène contraste avec l’un des principes fondamentaux de la franc-maçonnerie : la liberté de conscience et la libre pensée.
La franc-maçonnerie proclame “le principe de la liberté absolue de conscience” comme “la pensée fondamentale et comme la clé de voûte” de son organisation. Elle encourage ses membres à penser par eux-mêmes et à remettre en question les dogmes établis. Cette approche semble s’opposer directement au conformisme observé dans l’expérience d’Asch.
Pression du groupe vs. Individualité
L’expérience d’Asch démontre la puissance de la pression sociale exercée par un groupe majoritaire. Cependant, la franc-maçonnerie, tout en étant une organisation collective, met l’accent sur le développement individuel et l’importance de la conscience personnelle. Elle accepte dans son sein des hommes de toutes les croyances philosophiques, valorisant ainsi la diversité de pensée au sein du groupe.
Rôle de l’allié
Une variante intéressante de l’expérience d’Asch a montré que la présence d’un seul allié ou dissident pouvait réduire considérablement le taux de conformisme. Ce phénomène trouve un écho dans la franc-maçonnerie, où le soutien mutuel entre “frères” est valorisé, tout en encourageant la diversité d’opinions.
Quête de vérité
Bien que l’expérience d’Asch mette en évidence la tendance humaine à se conformer, même face à une erreur évidente, la franc-maçonnerie encourage une quête constante de vérité et de connaissance. Les francs-maçons sont invités à “renoncer à frapper d’ostracisme ceux de nos semblables dont la mentalité est différente de la nôtre”, ce qui pourrait être interprété comme une invitation à résister au conformisme aveugle.
Régularité et conformité
La notion de “régularité” en franc-maçonnerie, qui définit les critères de reconnaissance entre obédiences, pourrait être vue comme une forme de conformisme institutionnel. Cependant, il existe une tension entre cette recherche de régularité et le principe de liberté de conscience, illustrant la complexité des relations entre conformité et individualité au sein de l’organisation.
Le conformisme en Franc-maçonnerie
L’expérience d’Asch et les principes de la franc-maçonnerie offrent des perspectives complémentaires sur la nature humaine et les dynamiques de groupe. Alors que l’expérience d’Asch révèle notre vulnérabilité face à la pression sociale, la franc-maçonnerie propose un cadre qui vise à cultiver la pensée indépendante tout en maintenant une structure collective. Cette tension entre conformité et individualité, mise en évidence par l’expérience d’Asch, est également présente dans la franc-maçonnerie. L’organisation cherche à créer un équilibre entre l’unité du groupe et la liberté individuelle, entre la régularité et la diversité de pensée. En fin de compte, tant l’expérience d’Asch que les principes maçonniques nous invitent à réfléchir sur notre propre comportement en société, sur notre capacité à résister à la pression du groupe et sur l’importance de cultiver une pensée indépendante tout en maintenant des liens sociaux forts.