mer 16 octobre 2024 - 15:10

Qui est “La Famille”, la communauté la plus secrète de Paris

Depuis longtemps, de nombreux habitants des 11e, 12e et 20e arrondissements de Paris ont eu vent de cette mystérieuse communauté. Appelée “La Famille”, elle rassemble environ 3000 individus, qui depuis le XIXe siècle vivent et se marient exclusivement entre eux. Plongeons dans l’univers de cette société parallèle, discrètement ancrée au cœur de Paris !

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Composée de huit grandes familles, cette communauté a réussi à préserver son secret pendant près de deux siècles. Toutefois, en 2020, leur existence cachée est soudain dévoilée au grand jour, attirant l’attention des médias.

L’histoire de “La Famille” remonte à 1819, dans un bistrot de la rue Saint-Maur, où deux amis, Jean-Pierre Thibout et François Havet, prennent la décision de marier leurs enfants. Ce geste marque le début de cette communauté fermée, profondément religieuse, qui, au fil du temps, impose des mariages exclusivement endogamiques, c’est-à-dire au sein même de leurs propres familles. Bien que cela conduise parfois à des maladies liées à la consanguinité, cette pratique perdure.

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La communauté suit des règles strictes : les femmes ne peuvent ni couper leurs cheveux ni porter de pantalon. Les couleurs rouge et blanc sont interdites dans les vêtements, le rouge étant associé au diable et le blanc réservé à Dieu. D’autres interdictions religieuses s’appliquent également : les membres ne peuvent travailler ni dans le domaine juridique ni dans les professions de santé, et la contraception ainsi que le divorce sont proscrits.

Quant aux enfants, ils sont soumis à des restrictions sévères pour éviter tout contact avec le monde extérieur. Ils ne participent pas aux sorties scolaires, ne peuvent inviter des amis ni se rendre chez eux, afin de limiter au maximum les interactions extérieures et préserver l’isolement de cette communauté.

En 2020, l’existence de “La Famille” est révélée par un journaliste du Parisien après une rencontre avec certains de ses membres. L’article provoque une véritable onde de choc, suscitant même une réaction de la ministre Marlène Schiappa, qui parle d’une « emprise réelle avec des situations très difficiles sur le plan psychologique ». Quitter cette communauté s’avère en effet compliqué, bien que la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires ne la classe pas officiellement comme une secte, puisqu’elle ne possède ni gourou, ni pratiques prosélytes.

Parallèlement, une Parisienne découvre que ses enfants fréquentent la même école que des membres de “La Famille”. Intriguée, Suzanne Privat mène sa propre enquête et publie en 2021 La Famille : itinéraire d’un secret. Son livre éclaire un récit fascinant et troublant, dévoilant les mystères de cette communauté longtemps restée dans l’ombre.

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La Famille est une communauté religieuse familiale française d’inspiration chrétienne, issue du jansénisme convulsionnaire, créée en 1819. Elle regroupe huit patronymes qui représentent environ 4 000 personnes en 2021, habitant presque toutes dans trois arrondissements de l’est parisien. La communauté est suspectée de dérives sectaires par la Miviludes.

Histoire

Contexte

Selon Nolwenn Briand, « En 1775, alors que le jansénisme et le mouvement convulsionnaire « agonisent » dans le reste de la France, Claude et François Bonjour avaient été successivement curés de la paroisse de Fareins, à 40 kilomètres au nord de Lyon, un petit village alors devenu le lieu de pratiques convulsionnaires, sur fond de conflits religieux, sociaux et générationnels. Les curés Bonjour administraient à leurs paroissiennes les « secours » violents qui caractérisent l’œuvre, tout en les teintant peu à peu d’une certaine dimension érotique. Ces sévices s’accentuent jusqu’au crucifiement en 1787 de la paroissienne Étiennette Thomasson, à la suite duquel François Bonjour avait été arraché à sa cure, condamné et emprisonné, tandis que son influence sur les paroissiens survivait à son éloignement géographique. »

En 1791, les frères Bonjour s’installent à Paris rue de Montreuil ; Jean-Pierre Thibout fait leur connaissance et devient leur portier. Des deux maîtresses de François Bonjour, Claudine Dauphin accouche le 18 août 1792 à Paris d’un fils nommé Élie, car considéré à la fois comme le nouvel Élie et le nouveau Paraclet.

Le groupe bonjouriste a entre 1791 et 1805 une prophétesse nommée Sœur Élisée. Cette dernière « reçoit en elle l’Esprit-Saint lors d’épisodes de transes, de convulsions, ou encore d’état d’enfance » ; pendant plus de cinq ans, elle « tient des séances régulières dans lesquelles elle articule un discours millénariste et apocalyptique — qui repose sur la croyance en un règne terrestre du Christ pendant mille ans, aux côtés des élus et des saints ressuscités — à un discours fortement subversif et anticlérical. » « Dans l’univers conceptuel bonjouriste, Bonaparte apparaît comme l’empereur des derniers temps, le bras armé de Dieu, qui précipite l’apocalypse, annonce le retour des juifs et le règne de mille ans du Christ et du Paraclet (l’Esprit-Saint abrité dans le corps humain d’Élie Bonjour) ». Ces discours ésotériques, qui nécessitent une connaissance précise de la Bible pour être compris, ont été recueillis par le secrétaire du groupe bonjouriste et publiés en 36 volumes.

Élie, fils de François Bonjour et Claudine Dauphin, « laisse en plan ses dévots et épouse la fille d’un industriel du taffetas gommé, dont il reprend le commerce1 ». En 1830, il s’engage dans la révolution des Trois Glorieuses et apparaît même dans Les Misérables de Victor Hugo qui l’a connu en son temps. Élie meurt en 1866. Il reste cependant toujours vénéré et considéré comme un prophète par la Famille aujourd’hui.

Selon Nicolas Jacquard, « la majorité des spécialistes » considèrent que ce groupe parisien convulsionnaire qui s’est formé notamment autour de Claude et François Bonjour « a quasiment disparu au milieu du XIXe siècle, mais les bonjouristes perdurent pour devenir la Famille ».

La Famille

En 1819, naît la Famille autour de Jean-Pierre Thibout et son ami François Havet, appelés Papa Jean et Papa Yete par la Famille. « La légende dit que, réunis dans un bistrot de [la rue] Saint-Maur, chacun a posé une pièce sur la table, une troisième, celle du Saint-Esprit, étant apparue. […] Les deux hommes décident de marier leurs enfants. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, cette communauté religieuse est encore ouverte aux mariages extérieurs, et compte alors une dizaine de noms de famille ». La communauté « La Famille » est ainsi créée en 1819 par l’union de huit couples.

Malgré la démission de leur prophète Élie Bonjour, les membres de la Famille poursuivent « leurs supplices collectifs, orchestrant des cérémonies durant lesquelles un adepte est roué de coups d’épée, de bâton, des blessures ironiquement nommées « les secours » ».

Installé dans l’est parisien, le groupe se ferme totalement en 1892 en n’admettant plus que des mariages endogamiques, soit des unions consanguines par décision d’Augustin Thibout, un des aînés de la Famille surnommé « mon oncle Auguste » au sein de cette dernière. Composée uniquement de membres des mêmes familles, la communauté subsiste au début du XXIe siècle dans la discrétion. Un des huit patronymes est en train de s’éteindre lentement car la lignée est uniquement composée de filles.

Leur nom de « La Famille » viendrait, selon un membre, du fait que « à force de nous entendre nous saluer en nous disant bonjour mon cousin, bonsoir ma tante, les gens ont pris l’habitude de nous appeler la Famille ».

Pratiques et croyances religieuses

La scène de l’union des familles de Jean-Pierre Thibout et son ami François Havet dans un bistrot de la rue Saint-Maur est toujours célébrée chaque premier samedi de janvier à Saint-Maur, au cours d’une fête dite « des haricots ».

La rue de Montreuil à Paris

« La légende veut que leur prophète, Élie Bonjour, ait laissé l’avant-garde de son « troupeau » rue de Montreuil, à Paris. C’est là qu’à la fin des temps, il est censé venir récupérer ses ouailles. Longtemps, la Famille s’est donc épanouie dans le quartier, avant que ses membres n’essaiment dans les 11e, 12e ou 20e arrondissements, chassés ou par la hausse des loyers. »

Le groupe a son propre langage ésotérique : « Rototo » désigne le diable, « Bon-papa » Dieu, les « accordailles » sont les fiançailles et « faire ramcha » signifie étudier des livres pieux1.

Les femmes ne se coupent pas les cheveux et ne portent pas de pantalon. Personne ne s’habille en rouge, couleur du Malin, ni en blanc, couleur réservée à Dieu seul.

Les mariages sont conclus autour de la vingtaine — les jeunes gens ont le choix parmi une soixantaine de leurs cousins et cousines — mais ne sont pas toujours déclarés à l’État civil ; la contraception comme le divorce sont interdits.

La pratique de certains métiers demeure interdite car ils ne sont pas compatibles avec leur foi : « il est interdit de travailler dans le domaine juridique, car la loi divine prévaut, ou dans les métiers de la santé, car Dieu seul est maître des corps. » Les professions commerciales sont mal vues.

Les membres de La Famille paient leurs impôts, scolarisent leurs enfants — qui ne se rendent ni en classe verte, ni aux sorties scolaires —, et participent peu aux élections. Ils ne contractent pas de crédit mais mettent en commun de l’argent sous forme de tontine.

Critiques

Le 21 juin 2020, le journaliste Nicolas Jacquard publie dans Le Parisien un article sur la Famille, qui révèle son existence au grand 6public. L’auteur s’est entretenu avec une dizaine de membres l’ayant quittée, et sans avoir pu rencontrer d’autres membres qu’il avait sollicités. Cet article met en avant la consanguinité des membres — issus de seulement huit familles — menant à un taux élevé de handicaps, dont le syndrome de Bloom et une mortalité précoce, leur isolement du monde, et donne la parole à d’anciens membres qui en critiquent le fonctionnement ainsi que la doctrine. Ladite doctrine est décrite dans l’article comme étant millénariste et élitiste (les membres de la Famille pensant que la fin du monde est proche, et qu’ils seront les seuls sauvés). Un article publié dans Le Figaro du 7 août 2020 fait état de l’alcoolisme présent dès l’adolescence au sein de la communauté, des enterrements simples (dans la fosse commune du cimetière de Thiais où seuls les hommes assistent à la cérémonie) et de quelques abus sexuels cachés par la communauté.

Si l’on ne peut pas parler de secte car il n’y a pas de gourou, il existe des dérives sectaires au sein de la communauté.

Cependant, les membres en rupture ayant témoigné mettent l’accent sur la solidarité régnant au sein de la communauté et sur le sentiment d’appartenance épanouissant résultant des rencontres régulières lors des très nombreuses fêtes, catholiques ou propres à la communauté, se déroulant au sein de la maison des Cosseux, à Villiers-sur-Marne, dont chaque famille détient une part.

Le mouvement est soupçonné de dérives sectaires par la Miviludes en raison de ce repli sur soi, considéré comme « une menace d’un point de vue psychologique pour les enfants qui en font partie », malgré l’absence de prosélytisme.

En 2021, les services du ministère de l’Intérieur estiment que les huit familles comptent environ 4 000 membres.

(Source Wikipedia)

2 Commentaires

  1. «Toout ce qui a existé persiste, opiniâttrement» Freud. Il parlait de l’inconscient, mais le fait religieux gît dans l’incinscient.
    Voici des perpétuateurs des jansénists convulsionnaires (il y a encore des jansénistes, mais “normaux” !) !
    Pour mémoire, il ya encore des perpétuateurs
    -des catholiqes ayant refusé le concordat de Napoléon (“la petite Église de Vendée”)
    -des disciples de Jean Baptiste (car tous n’ont pas rejoint Jésus) : les Mandéens
    -des israëlites non déportés par Nabucchodonoisor (les Samaritains, encore 2 000)
    -des karaÏtes, peut-être issus des
    -il y aurait, dans les montagnes d’ Iran (la Perse) des communautés de prêtres zoroastriens guettant la survenue dans le ciel d’une étoile annonçant la venue du roi du minde (ils ont loupés celle de Beetlhéem !)
    -je ne suis pas sûr que l’on ne puisse dire que les FF pratiquant les rites “égyptiens” ne perpétuent pas l’antique religion égyptienne (ainsi que les R+C)…

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Alice Dubois
Alice Dubois
Alice Dubois pratique depuis plus de 20 ans l’art royal en mixité. Elle est très engagée dans des œuvres philanthropiques et éducatives, promouvant les valeurs de fraternité, de charité et de recherche de la vérité. Elle participe activement aux activités de sa loge et contribue au dialogue et à l’échange d’idées sur des sujets philosophiques, éthiques et spirituels. En tant que membre d’une fraternité qui transcende les frontières culturelles et nationales, elle œuvre pour le progrès de l’humanité tout en poursuivant son propre développement personnel et spirituel.

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