dim 24 novembre 2024 - 05:11

Joseph, le seul saint dont on se moquait : Par Laurent Ridel

Par le site de Laurent Ridel decoder-eglises-chateaux.fr

Dans le cloître de Saint-Trophime d’Arles, qui est ce personnage à l’air songeur ? Le suspens ne durera pas longtemps puisque la réponse se trouvait déjà dans le titre de cette infolettre. C’est Joseph, l’époux charpentier de Marie. Par contre, vous demander pourquoi il rêve ainsi devrait vous poser plus de difficultés, sauf aux familiers du Nouveau Testament.

En fait, cette scène se place après le mariage de Marie et de Joseph. L’époux ne comprend pas pourquoi Marie est enceinte. N’habitant pas avec elle, il n’a pas encore partagé sa couche. Suspicieux, atteint dans son honneur, Joseph songe à répudier Marie. Mais un ange, dont on aperçoit l’aile sur le chapiteau, vient le rassurer :  « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit saint ; elle mettra au monde un fils, auquel tu donneras le nom de Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. », évangile selon saint Mathieu
Cette copie d’un chapiteau de la basilique Notre-Dame-du-Port (Clermont-Ferrand) propose une version plus drôle de la scène : un ange joue le rôle d’un père Fouettard. Il tire la barbe de Joseph pour le réprimander de ses doutes.  Convaincu, le charpentier accueille finalement Marie dans sa maison.Désormais, soyez attentif dès que vous voyez un personnage songeur sur une église. Il s’agit certainement de Joseph. Comme ici sur le portail de l’église Saint-Sauveur de Dinan. 
Dans les Nativités romanes et gothiques, le mari de la Vierge ne bénéficie pas d’une image plus valorisante.  Soit il est placé en marge de la scène, à l’exemple de ce vitrail de la cathédrale de Lyon. C’est un figurant.
Soit il s’assoupit comme sur ce vitrail de la cathédrale de Strasbourg. Ronfle-t-il ? 
Ces représentations moqueuses débordent le cadre de l’église. Devant les portails ou sur les places, on jouait au Moyen Âge des mystères, des pièces de théâtre religieuses. La scène de la Nativité était reproduite. Le personnage de Joseph y semble aussi maladroit que Pierre Richard (saint du cinéma français des années 1990, NDLR). L’historien de l’art Louis Réau nous explique :  « Au moment de son accouchement, la Vierge l’envoie chercher une lanterne ; comme il s’est enrhumé dans la grotte, il éternue et éteint le lumignon. Marie lui demande de tremper la soupe : il renverse maladroitement la bouillie. Faute de langes pour emmailloter le nouveau-né, il offre une paire de vieilles culottes trouées ». « Sa maladresse n’a d’égale que son avarice de grippe-sou. Il s’empresse d’encaisser dans son coffre les offrandes des Rois Mages et quand il s’agit de verser une obole pour la Présentation de Jésus au Temple, il met en rechignant la main à son escarcelle ».  Joseph est donc aussi maltraité dans l’art que dans le théâtre médiéval.  Cependant, cette représentation change. Je l’observe dans la statuaire dès le XVe siècle. Joseph est davantage mis en valeur dans les églises, et de façon positive. Fabriquée au XVIe siècle, cette statue de l’église de Pont-Audemer (Eure) l’illustre. 
C’est la figure du père attentif, du père nourricier de Jésus qui domine ici. Elle témoigne d’une popularisation du culte de Joseph. Dans les foyers, les pères se reconnaissent en lui et les enfants y trouvent peut-être un père de substitution. Cette valorisation affecte les autres épisodes de sa vie.  Comparez la Nativité de Lyon (le vitrail plus haut) et cette Nativité d’une église du Calvados (Blangy-le-Château). 
Dans ce groupe statuaire du XVIIIe siècle, Marie et Joseph se penchent sur le bébé. Ils sont également mis en valeur. Joseph n’est plus marginalisé. Enfin une parité homme-femme dans la Nativité !  Cependant, à bien y regarder, subsiste encore dans la représentation de Joseph une trace des moqueries anciennes. Alors que la mère adopte une attitude d’adoration, son époux semble incrédule. Il se demande encore comment est né cet enfant qu’il n’a pas conçu. 
Mobilier : les 3 dispositions d’autel
Vous le savez : le meuble principal d’une église est l’autel, là où le prêtre pratique la communion lors de la messe.  Mais avez-vous distingué ses 3 configurations ?– l’autel est isolé, dans une configuration dite à la romaine. Depuis le concile de Vatican II (1962-1965), elle est obligatoire dans les églises, mais, dès le XVIe siècle, cette disposition était possible.  
– l’autel est adossé à un retable, lequel sert d’arrière-plan décoratif et majestueux par sa taille, ses boiseries, ses peintures et ses couleurs. C’est la configuration courante des anciens autels. 
– l’autel est protégé par un baldaquin. Dans cette disposition beaucoup plus rare que les précédentes, des colonnes portent un dais qui couvre l’autel. 
Exercez-vous à repérer ces trois configurations. Attention, comme les églises renferment souvent plusieurs autels, les 3 dispositions peuvent coexister.
Le piège du jour 
Barbu, cheveux mi-longs, ce personnage statufié a tout l’air de représenter le Christ. Mais le fait qu’il tient une fleur nous invite à en douter. Et les quelques lettres le désignant sous ses pieds achèvent de nous convaincre : il s’agit de saint Joseph. Selon des récits apocryphes, alors qu’on cherchait des prétendants à la main de Marie, Dieu marqua son choix en faisant fleurir la baguette de Joseph.  Je pense vous avoir aujourd’hui suffisamment sensibilisé à Joseph. Qu’il ne vous échappe pas dans votre prochaine visite d’église.

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