La connaissance ésotérique se distingue fondamentalement du savoir profane et constitue un élément central de la démarche initiatique en Franc-maçonnerie.
Une analyse du contenu du « Dictionnaire vagabond en Franc-maçonnerie » met en évidence que la Franc-maçonnerie peut conduire à une connaissance ésotérique. En voici quelques éléments rassemblés.
Nature et Acquisition de la Connaissance Ésotérique
Contrairement à la science profane qui s’enseigne par des mots, le savoir initiatique s’acquiert à la lumière de symboles. Le franc-maçon y puise sa connaissance en lui-même (la gnosis), en discernant des allusions subtiles et en devinant ce qui se cache dans les profondeurs de son esprit. Même mis en présence d’un signe muet, l’adepte est tenu de le faire parler ; penser par soi-même est le grand art des Initiés. L’ésotérisme est l’aspect intérieur de la Tradition. Son étude permet le dévoilement des Mystères. C’est une recherche désintéressée. L’ésotérisme offre l’intérêt de maintenir dynamique le système de comparaison, permettant de relier des objets apparemment éloignés et de découvrir partiellement la mécanique du symbolisme universel.
L’enseignement véritable n’est pas une accumulation de savoir, mais un éveil de conscience qui exige des étapes successives, chaque étape consistant à découvrir la clé de la porte suivante.
Contenu et Thèmes de la Connaissance Ésotérique
La connaissance ésotérique enseigne l’ultime raison des choses et initie l’homme aux lois par lesquelles le monde invisible ou spirituel est uni au monde physique ou matériel. Elle propose à ses adeptes de connaître le secret de l’univers. Elle embrasse d’une manière synthétique les sciences, les résumant en un tout et établissant un ensemble de lois générales.
Elle concerne les mystères, qui sont des rites secrets ou doctrines secrètes, inexprimables par des mots.
La gnose est une connaissance pleine, profonde et même mystique. Le dictionnaire grec la décrit comme une connaissance si profonde que l’objet connu exerce une influence puissante sur la personne qui la reçoit. Elle est une « supra-connaissance ». La Gnose pourrait être comprise comme la « connaissance dans toutes les directions ». Albert Pike a proclamé que la gnose est l’essence et la moelle de la Franc-maçonnerie. La Gnose, en tant que questionnement sur l’origine et les causes de l’univers et de la vie, est une des voies de connaissance privilégiée qui a inspiré beaucoup de francs-maçons.Elle cherche à se libérer du monde matériel pour rencontrer l’Absolu, qui est objet de connaissance. Elle permet l’accès à un ordre de réalité supra-sensible. La gnose propose une révélation intérieure qui découvre le véritable soi différent du moi. Derrière la « porte » maçonnique, celui qu’on est appelé à découvrir n’est autre que soi-même, l’être vrai.
La Kabbale est présentée comme une manière de regarder le monde, de se regarder voir le monde, associant la révélation mystique à l’étude patiente pour retrouver l’expérience de l’Unité. Tout a un sens et tout est en relation dans ce système. Le système kabbalistique des émanations, du centre (Unité absolue) vers la périphérie (matériel), a inspiré les gnostiques.
Voir mes quatre articles publiés sur le journal : ; La Kabbale I-Une voie de la connaissance; La Kabbale II-Un paradis à chercher; La Kabbale III-Les Séphiroth, chemin du divin; La Kabbale IV – La Guématrie, une mystique des nombres
La Langue des Oiseaux est également une forme de connaissance ésotérique, permettant d’accéder à un sens caché sous les significations stéréotypées. C’est le langage de la Nature, la langue des philosophes, dévoilant les vérités les plus cachées. Comprendre la langue des oiseaux signifie être initié. Elle utilise des procédés comme la Kabbale phonétique pour dissimuler des secrets.
L’Alchimie est étroitement liée à la maçonnerie ésotérique. Le processus initiatique maçonnique est considéré comme semblable à l’Œuvre alchimique (réalisation de la pierre philosophale, perfectionnement). Du point de vue alchimique, les trois premiers grades préparent cette Œuvre. L’Alchimie ajoute l’exigence de la connaissance à celle de la sagesse. Elle sert à interroger l’Univers et à découvrir son schéma de cohérence. Le mythe d’Héraclès recherchant les pommes d’or (immortalité) est vu comme un combat spirituel. Parmi les nombreux articles sur ce sujet que vous pouvez retrouver par l’onglet recherche, je n’en signalerai que le mien; après tout j’évoque ici le contenu de mon ouvrage le Dictionnaire vagabond en Franc-maçonnerie (-_-) : Notions d’ALCHIMIE pour se rapprocher d’une voie de la Connaissance
L’Initiation comme Voie d’Accès
L’initiation maçonnique est l’apprentissage de la profondeur et de la verticalité du réel en-soi, permettant le dévoilement d’autres niveaux de perception. Il s’agit d’une métamorphose du regard, d’un dessillement des yeux.
L’initiation alchimise l’initié. Elle vise une modification radicale et fondamentale de la pensée et de l’être, un passage des ténèbres à la Lumière qui illumine et dévoile. Le but n’est pas seulement théorique, mais pratique et éthique. Par la lumière, il s’agit de s’entraîner à une action plus efficace et plus juste. La véritable connaissance (distincte du savoir) s’approche de la Source au travers de la vision intuitive des mystères. Ses rayons éclairent l’esprit.
L’initiation permet d’appréhender une certaine idée de l’être et de la vérité qui le constitue, et sa valeur réside dans sa découverte liée à une démarche existentielle et volontaire. C’est un apprentissage de la vision élevée, une orthopraxie des niveaux de langages et de représentation du réel.
Le projet est de permettre à l’homme de devenir un homme véritable, de découvrir en lui la sagesse, la force, la beauté, sa spiritualité, l’amour et sa vérité. La lumière demandée lui est donnée. L’esprit illumine et transforme par cette illumination
Le véritable caractère opératif de la maçonnerie de métier permettait le passage de l’initiation virtuelle à la réalisation spirituelle. La maçonnerie spéculative a permis la survie et la transmission de l’initiation virtuelle.
Le « cherchant » (celui qui cherche) s’aventure dans ce qu’il ne sait pas pour y trouver des clairières de sens.
Symbolisme et Méthodes maçonniques
La connaissance ésotérique est transmise à travers le symbolisme. La méthode de la Franc-maçonnerie est fondée sur le postulat que tout est symbole et demande qu’il en soit fait une interprétation jusqu’à son niveau anagogique (élévation). Hiérarchiquement, dans les quatre sens de l’Écriture, anagogique vient en dernier : sens littéral, sens allégorique, sens tropologique – quelquefois appelé aussi sens moral – car le sens tropologique cherche dans le texte des figures, des vices ou des vertus, des passions ou des étapes que l’esprit humain doit parcourir dans son ascension vers le sens anagogique le plus profond et caché, visant l’essence des choses ou les réalités ultimes.. Platon appelait cela les Idées. Dante Alighieri le qualifie de «sur-sens».
En voici quelques exemples de symboles qui fondent le parcours de l’éveil.
Le Cabinet de Réflexion est un lieu essentiel qui indique des sens (directions et significations) au voyageur et lui montre l’essentiel. C’est comme une caverne alchimique où se réalise un rite de purification. La formule V.I.T.R.I.O.L. est un axe de progression vertical reliant les plans (subterrestre, terrestre, céleste).
Le principe « Connais-toi toi-même » (Gnothi seauton) est fondamental pour atteindre la connaissance et la maîtrise de soi.
Les sens ne peuvent donner qu’une image infidèle de la réalité. Ils se révèlent souvent insuffisants, voire trompeurs. Ce que l’on voit est limité par nos sens et les possibilités actuelles du cerveau. Ce que nous percevons de l’extérieur n’est qu’un reflet léger et déformé. Ce qui est vu est rien par rapport à ce qui n’est pas vu. La réalité des perceptions dues aux sens est à repenser avec les avancées de la physique quantique.
Se connaître, c’est prendre conscience de soi et de son ignorance. Ce n’est pas seulement se connaître en tant qu’individu mais comme partie de l’univers (quête de l’unité). L’humilité (qui n’est pas mépris de soi mais connaissance de soi et reconnaissance de l’autre) est fondamentale et fondatrice.
L’Étoile Flamboyante est un symbole majeur. Sa contemplation après les voyages initie à un cheminement. Elle n’est pas un astre extérieur mais une représentation de la divinité, un feu central et universel qui vivifie tout. C’est une vision intérieure perçue avec l’œil du cœur. Voir avec l’œil intérieur signifie connaître. Elle est le flambeau de la connaissance. Pour Jung, elle est un symbole du Soi (plénitude psychique atteinte par la gnose psychologique). La voie initiatique qu’elle symbolise est intérieure, transformant le voyageur.
Le Miroir est un symbole d’introspection et de connaissance de soi. Il invite à la mise en relation de l’être avec ses limites. Le face-à-face avec son reflet montre que l’initiation est un retour sur soi. Il permet de réfléchir sur soi et le monde. Il peut défigurer les traits, représentant le vice, le mensonge, l’erreur. Il n’est pas qu’objet d’auto-contemplation, mais aussi instrument de visée morale et d’alignement. Le regard de l’autre est nécessaire pour compléter la vérité de notre être, car on ne se voit soi-même qu’incomplètement. Le franc-maçon se rencontre lui-même comme miroir du Tout qu’il construit intérieurement.
L’Œil symbolise la conscience, la connaissance, la vigilance. Il est une porte ouverte qui donne à voir un espace-temps hors de portée, vers lequel la quête conduit l’initiable. Écouter, c’est essayer de découvrir le visible et l’invisible.
Le sens Sod (Secret) dans la tradition kabbalistique permet de retrouver un savoir perdu en voyant ce qui est caché derrière l’opacité de la lettre.
Le langage lui-même, dans sa spécificité lexicale et l’usage qui en est fait, constitue un outil de progression pour les francs-maçons. Comprendre les paroles entendues et interpréter les rituels est essentiel. L’évolution se fait par trois niveaux successifs de sens : entendre, comprendre (par herméneutique), et transmettre. La difficulté est de concilier légèreté sémantique pour le novice et profondeur des expressions symboliques. Tout est symbole.
Le Voyage initiatique ne vise pas à vérifier le déjà révélé, mais à exercer l’intelligence du caché. L’homme doit s’arracher du monde profane pour permettre la spéculation de l’absolu.
La lumière ou plutôt l’opposition lumière-ténèbres est un des symboles le plus importants en Franc-maçonnerie. Pour en esquisser l’enjeu symbolique, on peut introduire trois grandes acceptations de la lumière sur le plan de l’imaginaire : la lumière-séparation, la lumière-orientation, la lumière-transformation.
La possession de la connaissance ésotérique transforme ceux qui la détiennent et leur apporte une véritable évolution intellectuelle en les faisant accéder à un ordre de réalité supra-sensible.
La quête initiatique est une façon d’habiter le monde, de vouloir s’orienter et sortir du chaos. C’est un pari existentiel sur le sens contre l’absurde.
Le travail maçonnique, par l’étude de la vie et de la mort, a pour but de montrer que c’est l’intelligence et la fraternité qui constituent l’homme et qu’il faut résister aux attaques de l’ignorance, l’hypocrisie et l’ambition.
L’intelligence remonte des mains jusqu’au cerveau. La vue devient vision et intuition, l’ouïe permet l’entendement de la voie intérieure et l’écoute de l’autre, le goût donne l’appréciation des valeurs spirituelles et l’odorat unit l’intelligence au savoir.
Le Sagе doit s’appliquer à chercher ce qui se dissimule derrière les apparences, car la Vraie Réalité ne tombe pas sous les sens.
Travailler à la Gloire du Grand Architecte de l’Univers ne signifie pas chanter ses louanges, mais remplir fidèlement son rôle assigné par la destinée, faire son devoir pour contribuer à l’harmonie universelle.
La philosophie est la puissance de la réflexion et de l’interrogation, un rapport au savoir qui questionne son usage, cherche une réponse intellectuelle à la raison d’être, et affirme les ressources spirituelles de l’élévation de pensée. Le Maître franc-maçon ose penser par lui-même, ne croit qu’au témoignage de son expérience et de sa raison, et se forge sa propre philosophie.
La connaissance n’est pas que livresque, elle résulte d’un travail intime mené en soi et sur soi. C’est la transformation du savoir en une expérience de vie. Être initié, ce n’est pas seulement apprendre des secrets, c’est voir autrement la vie quotidienne, purifier sa vision et se transformer soi-même.
La Franc-maçonnerie stimule les frères et sœurs à être un décrypteur du cosmos.
La quête maçonnique, telle que présentée par le « Dictionnaire vagabond », implique un certain nomadisme intellectuel et une recherche personnelle pour construire son propre réseau de compréhension, sans chercher l’exhaustivité ou imposer une voie unique. Les « cailloux blancs » sont là pour faciliter le commencement d’un chemin, pas pour tracer la route.
La sérendipité, la capacité à découvrir par accident dans un état d’ouverture et de pensée analogique, enrichit la transmission maçonnique par les apports personnels. Le questionnement cherche un appel du sens qui ne peut être comblé.
La connaissance ésotérique (d’après les éléments du Dictionnaire vagabond) est perçue comme un savoir profond, intérieur, transformateur, non rationnel mais symbolique et intuitif, puisé dans diverses traditions (Alchimie, Kabbale, Gnose). Elle vise l’éveil de la conscience, la découverte du véritable soi, la compréhension des mystères de l’univers et l’accès à une réalité supérieure.
Cette quête est le fruit d’un travail intime, éthique et spirituel, guidé par la fraternité partagée, les symboles et les rituels initiatiques.