Il est communément admis que les symboles sont une partie essentielle du cheminement maçonnique. Il en est de même dans les textes religieux qui sont souvent considérés aujourd’hui comme essentiellement symboliques. De tels écrits utilisent cette méthode pour transmettre leur message.
Cela signifie que les thèmes présentés au lecteur dans ces ouvrages, aussi bien que dans l’enseignement de la franc-maçonnerie ne sont généralement jamais exposés de manière explicite. La Bible et les écrits alchimiques partagent cette caractéristique.
On peut se demander pour quelles raisons utilise-t-on un tel symbolisme. Habituellement si l’on veut être certain d’être compris, il faut parler clairement !
Lorsque vous achetez un livre sur la franc-maçonnerie, la philosophie, ou même le jardinage et le bricolage, vous vous attendez à trouver des explications claires ainsi que peut-être quelques exercices pratiques. Au lieu de cela, si l’auteur décide de vous offrir une série de symboles inexpliqués, vous pourriez trouver cela décevant, voire une escroquerie.
Vous pourriez soutenir que l’utilisation du symbolisme est une méthode traditionnelle d’expression, employée pour transmettre d’importants mystères à ceux qui sont prêts à les recevoir. C’est d’ailleurs l’explication principale des symboles de la franc-maçonnerie. Peut-être auriez-vous raison.
Mais tous les symboles ne sont pas égaux dans les textes religieux.
Tout au long de l’histoire, la majorité des gens n’a pas reçu une éducation approfondie. La plupart d’entre eux considéraient les récits religieux comme des faits et non comme une sorte de code complexe à déchiffrer.
Maintenant, imaginez que vous avez entre les mains un texte sacré affirmant que chaque mot, chaque lettre, est la parole révélée de Dieu lui-même. La première chose que l’on attendrait d’une puissance absolue et parfaire serait un discours clair et précis. Si Dieu s’exprime, il est crucial de comprendre parfaitement son message. Un simple texte philosophique, en revanche, peut être mal compris, mais les conséquences de ce malentendu ne sont pas aussi graves. Il en est de même si un apprenti franc-maçonnerie n’interprète pas correctement le symbolisme de l’équerre, du compas ou de la lettre G.
Si le texte sacré prétend être une révélation véritable et définitive issue d’un Dieu unique, et qu’il bénit les massacres faits en son nom, on peut être certain que cela influencera dangereusement les esprits non éduqués.
Nous pouvons même douter de l’utilité de considérer ces récits comme symboliques et honnêtement affirmer que ce type d’utilisation du symbole est dangereux. Le symbolisme ne peut pas tout justifier ! Des textes racistes ou haineux restent dangereux, même si l’on prétend qu’ils sont symboliques. Si le véritable objectif est d’enseigner des leçons spirituelles, quel besoin y a-t-il de recourir à des épisodes violents en affirmant qu’ils sont bénis par Dieu ? Bien sûr, il y a des actes violents dans le monde, mais sont-ils bénis ? Il est surprenant que quiconque puisse soutenir ce genre d’affirmation s’appuyant sur un prétexte symbolique.
Au sein du parcours maçonnique, l’étude symbolique est omniprésente. La plupart des symboles sont associés à des principes moraux. Pour ne citer que les plus connus, la règle peut symboliser la rectitude morale, la mesure de nos actions, la droiture et la justice. L’équerre représente la justice, l’intégrité et l’équilibre, tandis que le compas enseigne la modération, le respect et les devoirs que nous avons envers nous-mêmes et les autres. Peut-être trouveriez-vous d’autres significations et c’est justement le propre de ce type de langage. Demandons-nous maintenant si le temps de recherche sur la signification des symboles ne serait pas mieux employé à mettre en action les valeurs morales qu’ils représentent. Il est indéniable que nous ne procédons pas de cette façon pour enseigner l’honnêteté à des enfants, la politesse ou le respect d’autrui. Il est encore plus surprenant de le faire pour des adultes.
En conclusion, il apparaît que le langage symbolique est survalorisé dans des traditions initiatiques telles que la franc-maçonnerie ou dans des sciences traditionnelles comme l’alchimie. Non seulement cela peut apparaître comme une réelle perte de temps ne permettant pas de s’améliorer moralement, mais son utilisation peut même être injustifiable.
Nous vivons à une époque dans laquelle les individus sont mieux éduqués, mais demeurent aussi fragiles que les humains vivants il y a des siècles. Toute incitation littérale à des comportements immoraux ne peut pas être simplement considérée comme symbolique. Ces incitations sont précisément ce qu’elles semblent être : de simples comportements humains, et elles doivent être condamnées comme telles.
Tout initié, tout franc-maçon, devrait être conscient que la clarté des propos et l’absence d’ambiguïté est à la fois un gain de temps et une marque d’honnêteté. Ainsi le symbole demeurera à sa place, celle d’un simple art littéraire.
Je comprends mieux ta pensée, merci de tes précisions. Pierre Hadot fut l’un de mes Maîtres ( je suis un vieux frère!). Il serait temps, à mon humble avis, que naisse une véritable culture maçonnique nous sortant d’une binarité moraliste pour une ternarité instuant, entre autres, le Sacré laïque qui manque tant à nombre de Loges que dans la Cité. Si nos enfants apprenait en famille et à l’école que l’Homme est sacré, notre espèce parviendrait ( peut être) à éradiquer sa pulsion de mort native. Freud a encore de l’avenir dans nos rangs! GG
Gagner du temps, pour quoi faire? A notre époque de la vitesse, de l’urgence, du “tout tout de suite”, parler et juger spontanément, sans réfléchir, sans vérifier, sans douter, voilà bien là où est la malhonnêteté intellectuelle.! La méthode symbolique, tout au contraire, prend son temps! Par là même, elle exprime un éloge de la lenteur qui signe sa prudence. Et son excellence! GG
Vous avez tout à fait raison et je prône d’ailleurs la pratique de la contemplation des symboles enseignée par Plotin. Toutefois, lorsque je parle de ne pas perdre de temps, je parle de valeurs humaines et morales qu’il convient d’acquérir le plus simplement possible comme fondement préliminaire à tout type de pratique impliquant un symbole. De plus il est nécessaire pour un franc-maçon d’appliquer ces principes humanistes le plus rapidement possible. Nous le demandons aux enfants, donc l’apprenti devrait pouvoir comprendre ce qu’on attend de lui sur ce plan assez rapidement.
Réduire la Franc-maçonnerie à la “méthode symbolique” serait d’une part, précisément, faire bon marché de la puissance de la pensée abstraite dont nous sommes dotés et d’autre part, oublier que si l’ Art Royal continue de vivre depuis trois siècles, c’est qu’il s’imprègne intelligemment des progrès des époques traversées! Se représenter une chose par une ou plusieurs autres, définition même du symbole, ce n’est pas découvrir une hypothétique vérité mais, en élargissant la pensée, donner du SENS “aux choses de la vie”. Ainsi les signifiants et les signifiés des outils de la construction ont permis à la franc-maçonnerie de s’ouvrir à la philosophie ( de Socrate à Lacan) et à toutes les sciences humaines qui ont suivi ( psychologie, psychanalyse, linguistique, etc). Sans oublier les arts ( peinture, sculpture, photographie). Que seraient nos planches maçonniques aujourd’hui sans les contenus que nous puisons largement dans ces disciplines? De la pensée analogique à la pensée logique, c’est le parcours même de la franc-maçonnerie qu’elle poursuit au XXIème siècle. Point n’est besoin de mêler ici le cultuel au spirituel. La méthode symbolique est un tremplin qui nous projette en commun dans “les jardins de la raison”. Sachant bien entendu que dans ce cadre d’une spiritualité laïque qu’est la franc-maçonnerie, il ne s’agit pas d’avoir raison, mais de raisonner. GG
Tout à fait ! Cela dit, il serait temps d’enseigner une vrai méthode philosophique telle qu’elle était utilisée dans les écoles philosophiques grecques plutôt que laisser chacun se débrouiller seul. Pierre Hadot peut être d’une aide certaine sur cette voie. Je conseille de se référer à “Exercices spirituels et philosophie antique” et “La philosophie comme manière de vivre”.