mer 22 octobre 2025 - 09:10
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L’art Royal

L’alchimie est la pratique de l’Art Royal. Pourquoi le dit-on Royal ? Parce que les alchimistes du moyen âge cherchaient dans l’opération alchimique, l’obtention ou la naissance du Regulus, ou petit roi, germe de la pierre philosophale, enfant du mariage symbolique du Soleil et de la Lune.

Cette union symbolique des deux pôles, on la retrouve dans les noces chymiques de Christian Rosenkreutz. Elle figure le mariage intime des deux matières, c’est à dire du Soleil et de la Lune, du masculin et du féminin sacrés et sur un plan concret opératif, l’union de Mars et de Vénus. Cette union pour les alchimistes, aboutira à la production d’un petit roi ou Regulus, et qui donnera naissance au processus de l’Art Royal.

L’alchimie est plus un art qu’une technique. Elle est l’art de l’amour, art hermétique, sublimé par l’observation respectueuse et pénétrante du vivant.

Pénétrante, car il est une force qui pénètre tout ce qui vit et dans laquelle toute vie, toute matière trouve l’aliment qui lui est propre. La chimie, qui s’intéresse aux processus est exotérique, lors que l’alchimie, d’essence spirituelle, est ésotérique et hermétique.

Pratiquer l’alchimie, c’est mettre en œuvre ce merveilleux dessein qui consiste à extraire de toute matière, minérale, animale ou végétale, le principe de vie, l’étincelle divine au cœur de toute chose. Une fois la matière dissoute, elle est coagulée de façon subtile en une autre forme, qui lui donne un autre aspect et fait d’elle un organisme vivant participant à l’Œuvre divin. Car ce qui anime subtilement la matière, c’est l’étincelle d’esprit qu’elle recèle.

Du monde minéral au monde spirituel, l’apparente dureté des formes ou la subtilité de l’être n’est qu’une question de dosage ; dosage de l’étincelle divine, qui enlumine le minéral ou illumine l’esprit, sur une échelle progressive qui va du gris foncé au blanc étincelant. Cela les alchimistes le savent et mettent en œuvre le principe du solve coagula, pour dissoudre et recréer sans cesse ; pour  modifier, grâce à la loi des correspondances,  les dosages d’esprit et de matière, à l’intérieur du monde des formes par l’action du soufre, du mercure et du sel, c’est à dire de l’esprit, du corps et de l’âme du monde. Les alchimistes appliquent cette action aux formes subtiles, comme aux formes grossières, à l’esprit, comme à la pierre.

L’alchimie est ainsi un dialogue permanent du vivant avec le vivant. Elle dissout et recompose la matière après lui avoir fait subir une série de purifications. Elle effectue ce processus autant de fois que nécessaire jusqu’à obtention d’une substance qui reflète l’équilibre le plus parfait entre matière et esprit : la pierre philosophale.

Ainsi, la connaissance alchimique est-elle la capacité à faire vibrer notre être en harmonie l’être qu’on désire contacter ou connaître, qu’il s’agisse d’un être minéral, végétal, animal ou encore humain. L’alchimiste insuffle l’esprit dans la matière, que ce soit le corps minéral grossier d’une pierre brute, ou le corps  astral d’un être humain. C’est pourquoi en alchimie, l’oratoire, n’est jamais loin du laboratoire.

L’alchimiste est donc conduit au travers de sa pratique à porter un autre regard sur la nature afin de « Délivrer l’esprit par la matière et délivrer la matière par l’esprit ».

Mais comment pratiquer l’alchimie demande le disciple ? C’est très simple lui répond le Maître : « Regarde la nature. Tu me dis que tu la connais déjà, que tu la regardes chaque matin par ta fenêtre, en te promenant dans la forêt, ou dans ton jardin… Non. C’est autre chose que je te demande. Lorsque tu ouvres ta fenêtre le matin, regarde les arbres sans cligner des yeux. Tu ne penseras à rien d’autre qu’à garder les yeux ouverts sans que tes paupières ne cherchent à faire concurrence aux ailes des papillons. Ainsi, tu évacueras les perturbations du mental.

Au bout de quelques temps, une minute complète parfois, une éternité ! Tu verras se dessiner autour des arbres comme un halo subtil. Puis peu à peu, quand les larmes commenceront à couler, tu ne te contenteras plus de voir ce halo, tu verras progressivement se dégager de chaque plante, de chaque brin d’herbe, comme une aura d’énergie subtile qui fera monter vers toi toute la force de la terre. Et cette aura se mêlant à la tienne, tu ne distingueras bientôt plus les formes pour n’en retenir que la vie. Cette force vibrante, colossale, qui élèvera bientôt les vibrations de ton corps jusqu’au point central de la Création, tu la garderas en toi, et lorsque dans ton laboratoire tu procèderas à l’Opération, tu remercieras sans cesse le Créateur de te faire accéder avec autant de simplicité au principe vivant de toute chose.

C’est ainsi que toute opération, tu ne pourras conclure que par une prière ; une prière à l’âme du monde, prière au principe vibratoire de toute chose, à la Force sacrée de l’univers qui dynamise et ordonne toute Création en insufflant  son feu divin à travers la matière et les âmes.

C’est pour cela que tu ne pourras distinguer en leur essence l’alchimie opérative, voie humide ou voie sèche, de l’alchimie spirituelle ou voie brève qui est le principe même de toute initiation ».

Ainsi parle le Maître à son disciple, car avant de savoir, il s’agit de percevoir…

Dans le règne minéral, la pierre philosophale transmute le plomb en or, dans le règne végétal elle accélère la fabrication des élixirs et sur le plan humain elle devient être de feu, par lequel la nature spirituelle se renouvelle.

De façon similaire à la franc-maçonnerie, l’alchimie aborde les phénomènes de l’intérieur vers l’extérieur, donc de l’essence vers l’apparence formelle.

Ainsi, Art royal et franc-maçonnerie fusionnent-ils totalement en leur principe. Oswald Wirth auteur, entre autres d’un ouvrage consacré à l’Art Royal, définit la mission de la Franc-maçonnerie comme rejoignant pleinement la cohérence alchimique au travers de l’alchimie spirituelle.

Initiation donc, et travail ; travail sur la Connaissance avec des outils symboliques, et travail sur soi qui est méditation, travail sur les éléments et l’alchimie intime du corps spirituel, qui est alchimie du feu céleste.

Ora et labora, Prie et travaille, devise des premiers alchimistes mais également règle de vie des bénédictins, dont ceux-ci n’ont sans doute pas la paternité. Qu’on soit ou non dans la foi, qu’il s’agisse de prière d’initié ou de méditation, le travail sur soi est incontournable pour faire fructifier les germes que l’initiation a jetés en nous.

Notre rituel d’initiation fourmille de symboles alchimiques. Regardons simplement le cabinet de réflexion, qui réunit les trois principes alchimiques de base que sont le Soufre, symbole de l’esprit, le Sel, symbole de la Sagesse et de la Science, et le mercure sous la forme du coq, attribut d’Hermès.

Vous n’approchez pas la pratique de l’Art Royal. Vous êtes en plein dedans, dès que vous entrez en loge. N’avez-vous pas entendu dire ici et là aux agapes, ou lors d’une discussion que notre rituel est magique ? Qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire ? Un premier travail peut consister à allier fructueusement connaissance et symboles. Les symboles sont les portes que nous ouvre l’initiation pour aller vers notre être intérieur autrement dit, pour bâtir notre temple intérieur et réaliser en nous la quintessence des éléments, l’or alchimique de notre âme.

La Franc-maçonnerie symbolique et tout particulièrement la Franc-maçonnerie Egyptienne met pour cela à notre disposition tout une panoplie d’outils. En étudiant simplement ce que nous apportent ces outils, sans même aller chercher ailleurs, il y a là le travail de tout une vie. C’est pourquoi il est couramment  admis que toute l’essence du travail initiatique est accessible à travers les trois premiers degrés de la franc-maçonnerie, qui matérialisent l’Œuvre tout entier. Mais encore faut-il ouvrir les yeux pour voir et devenir conscient du trésor qui est devant nous.

Tout d’abord le rituel. Le rituel de Memphis-Misraïm a une valeur alchimique certaine. Je ne ferai pas ici pour vous le travail, car chaque travail est unique et délivre au cherchant les messages qui correspondent à sa quête. D’où le sens de « ora et labora ».

Parmi les outils que la franc-maçonnerie met à notre disposition, il y a aussi, bien naturellement nos outils, l’équerre, le compas, la règle, pour ne citer qu’eux et le travail symbolique que le maçon effectue avec ces outils. Le maçon qui travaille chaque jour son être intérieur n’est pas en franc-maçonnerie spéculative. Affirmer qu’on ne doit demeurer que spéculatif c’est accepter d’ânonner comme de bons élèves, la science des ignorants. La Franc-maçonnerie symbolique est initiatique. C’est à dire qu’elle participe à la création du temple intérieur, à l’épuration de ses lignes. De spéculative, pour le maçon qui travaille, elle devient pleinement opérative, par la pratique de l’Art Royal, de l’alchimie subtile, qui transforme ainsi l’or des bâtisseurs en or du temps, intégré à notre âme.

De la zététique à l’hérésie

J’étais en Loge hier soir, et nous avons travaillé à un degré où il est question de « décider par [soi-même] des [ses] opinions et de [ses] actions » ou encore de «[n’accepter] aucune idée que vous ne compreniez et ne jugiez vraie». Ce travail m’a rappelé mon jeune temps d’étudiant, alors que je fréquentais des proches du Cercle de Zététique de mon université. Zététique ? Mais qu’est-ce donc ? Outre les 25 points minimum que rapporte ce mot au Scrabble, la zététique est tout simplement l’art du doute. Une forme d’autodéfense intellectuelle. Le zététicien doute de tout, vérifie tout et recoupe tout. A la longue, ce peut être fatigant pour l’entourage. Mais réellement salutaire. J’ai été très heureux de constater que la démarche maçonnique dans le degré auquel j’ai travaillé ressemblait beaucoup à la démarche zététique.

Des esprits chagrins pourront accuser le zététicien d’encourager des formes de négationnisme ou de révisionnisme. Ce qui est une erreur. Le zététicien s’intéresse aux faits, et sait les reconnaître. Le révisionniste ou le négationniste chercheront à démonter un fait, et en présenter une version conforme à leur idéologie. Ainsi, l’historien négationniste Robert Faurisson, militant antisémite notoire, a cherché à démontrer que la Shoah n’avait jamais eu lieu, suivant ainsi son idéologie et refusant la rigueur qui sied aux travaux universitaires. Ses travaux ont été bien évidemment démontés, tant les preuves matérielles et les témoignages allaient contre l’hypothèse qu’il cherchait à démontrer.

Comme le zététicien s’interroge sur tout, il va forcément remettre en question toute doxa officielle et être classé parmi les hérétiques. A titre personnel, et en bon maçon écossais que je suis, je suis toujours très mesuré sur les dogmes qu’on essaie de me faire intégrer. Prenons par exemple le dogme d’urgence climatique (i). On nous martèle depuis des années que notre civilisation dégrade l’environnement et provoque un changement climatique. Soit. Posons-nous quelques questions : qui le dit ? Les militants écologistes, porteurs de biais divers, les hommes politiques, également porteurs de biais. Il existe aussi un consensus du GIEC (groupement d’experts spécialistes du climat) pour dire que l’activité humaine perturbe les saisons. Soit. Seulement, comme le disait Denis Diderot, « une hypothèse n’est pas un fait », et la science n’est ni consensus ni démocratie. Seuls comptent les faits. Et étant donné la très grande complexité des phénomènes géophysiques et atmosphériques, personne n’est encore en mesure de démontrer quoi que ce soit. Pire, les équations de Lorenz utilisées en météorologie portent en elle une immense sensibilité aux conditions initiales, pouvant engendrer des projections très différentes (ii). C’est d’ailleurs grâce à ces considérations sur la pluie et le beau temps que nos politiciens ont créé le scandaleux marché du carbone, ou spéculation sur le droit à polluer. Un marché juteux, un ensemble de politiques publiques basés sur des hypothèses non vérifiées. De quoi faire hurler le zététicien ou le franc-maçon que je suis.

Par ailleurs, de plus en plus d’infographies ou vidéos circulent, véhiculant toutes un message culpabilisant : tout est de la faute du citoyen lambda. Nous serions tous complices de cette autodestruction collective. Nous devrions donc renoncer à prendre l’avion ou la voiture, ou changer nos habitudes de consommation. Pourquoi pas ? D’ailleurs, depuis quelques années, on voit fleurir des labels « bons pour l’environnement » pour nous guider dans nos choix. Il est vrai que nous pouvons désormais choisir entre un produit manufacturé fabriqué par des enfants dans des conditions atroces et pas bonnes pour l’environnement ou un produit manufacturé fabriqué par des ouvriers payés travaillant dans des conditions décentes (iii). Quel choix en effet ! Il est juste regrettable que ces labels soient une vaste arnaque orchestrée par les lobbies de l’industrie pour nous donner bonne conscience en faisant nos achats. Ciel, j’ai péché ! Vite, je vais acheter un certificat d’indulgence à base de paquets de chips à l’huile de palme estampillés « développement durable » pour apaiser ma conscience.

En attendant, en osant remettre en cause le changement climatique, je m’exclus de moi-même des gens bien pensants, puisque je suis catalogué chez les climato-sceptiques. Toutefois, au lieu de me baser sur une hypothèse, je me base sur un fait. Vérifiable et quantifiable. L’industrie dégrade notre environnement proche. Les terres arables et les réserves d’eau sont polluées par les pesticides et engrais en tout genre imposés par la Commission Européenne et les lobbies qui la contaminent comme autant de métastases. Les rejets de l’industrie dans l’atmosphère font bien plus de dégâts que la pollution automobile. La pollution généralisée est elle-même facteur de maladies graves et altère notre capacité à nous reproduire. Ça, ce sont des faits vérifiables et quantifiables, bien plus que les salmigondis sur la pluie et le beau temps qu’on entend un peu trop en ce moment (iv).

Mettre la catastrophe environnementale sur le dos des citoyens, les culpabiliser pour mieux les contrôler est une technique bien connue des lobbies. Seulement, leurs opérations de désinformation ont plutôt bien fonctionné jusque là, puisque jamais personne n’a encore osé remettre en cause le comportement de l’industrie, voire l’industrie elle-même.

Ainsi, plus que jamais, nous avons besoin de la zététique pour comprendre et combattre les phénomènes en jeu : le comportement religieux des apôtres de l’écologie punitive, les mécanismes de manipulation des lobbies ou l’analyse des politiques publiques. La liberté, c’est le doute.

Au regard de ce comportement religieux à l’égard de l’urgence climatique, je suis donc un hérétique, à brûler comme tous les hérétiques. Chers ayatollahs de l’écologie, pensez quand même au bilan carbone lorsque vous érigerez mon bûcher !
J’ai dit.

i-Un papier a été rédigé par le Cercle de Zététique à ce propos, consultable ici : http://www.zetetique.ldh.org/rechauffement_climatique.html

ii-C’est le célèbre effet papillon : une imprécision dans les conditions initiales du système de Lorenz de l’ordre de la pression engendrée par un battement d’ailes de papillon peut engendrer dans le cas de projection à long terme des erreurs de prédiction de l’ordre d’une tempête quand il fait beau temps.

iii-J’emprunte ce raisonnement au professeur Raj Patel, de l’université du Texas, à Austin, qui analyse nos habitudes de consommation dans le film L’illusion verte que je suis allé voir récemment.

iv-J’écris ces lignes en février 2019 au moment d’un phénomène anticyclonique ayant amené le beau temps à Paris.

Hommage à Constant Chevillon

En décembre, la Marianne de l’Arc de Triomphe, puis les symboles du judaïsme, sans compter quelques temples maçonniques tagués, dont un tout près de chez moi…
Le week-end dernier, c’était à Tarbes, un temple plus que centenaire, classé aux monuments historiques… saccagé, interphone arraché, mobilier détruit, épées dérobées.
Une ligne rouge à été franchie ce week-end. Non ce ne sont clairement pas des gilets jaunes, mais des fachos vêtus de jaune… il ne faut pas tout mélanger. D’ailleurs un certain

Photo La Nouvelle République des Pyrénées

nombre de gilets jaunes de Tarbes sont venus le lendemain aider à remettre le temple en état, choqués eux aussi…
Mais nous glissons doucement, collectivement, sur une pente savonneuse.
Nous les européens, les français, pays des Droits de l’Homme, de la tolérance, de la liberté.

Qu’avons-nous donc fait de nos Lumières ?
Ca ne vous rappelle rien, les bruits de bottes ? Moi je pense aujourd’hui à Constant Chevillon, mort il y a soixante quinze ans sous les balles de la milice. A Lyon, comme Jean Moulin… Trop contents qu’ils étaient de l’avoir eu, le résistant, le franc-mac à abattre. Une proie encore plus perversement jouissive à leurs yeux que Jean Moulin… car avec Constant Chevillon, non seulement c’était un résistant, mais tout un symbole qu’on abattait !
C’est bientôt ce triste anniversaire… le 23 mars exactement.
Tiens, cette année le 23 mars tombe un samedi… Quelle sympathique surprise nous réserveront-ils donc encore le week-end du 23 mars ?
En attendant, voici un hommage à Constant Chevillon.

C’était le 23 mars 1944
Durant la funeste soirée du 23 mars 1944
Il était peut-être onze heures du soir
Peut-être minuit

Dans cette banlieue noire ou périrent tant de partisans,
Il est tombé
Sous les balles funestes des traîtres à leur patrie
Le Juste est tombé
Gémissons, mais ne désespérons pas. Car toujours, le Phoenix renaît de ses cendres,
Rien ne se perd
Tout se recrée
Il est vivant !
Constant Chevillon est parmi nous !

 

Ne sentez vous pas frémir ces mots ? Ne sentez vous pas l’âme vibrante de la Franc-Maçonnerie tout entière ? Au seuil de l’horreur, il avait écrit ces mots… « Sans prononcer une parole, sans faire un geste, par le seul fait de son existence, [la Franc-Maçonnerie] semble dire aux prévaricateurs : qu’avez-vous fait de la liberté, de la justice et de l’équité ? Ils veulent donc l’enchaîner et, mieux, l’anéantir pour supprimer jusqu’aux fantômes du remords ». En janvier 1939 il avait écrit ces mots… comme s’il sentait que l’urgence était dans le rassemblement des forces des justes, qui eux seuls pouvaient encore sauver la nation chancelante, éloigner l’ombre des corbeaux et les bruits de bottes qui déjà faisaient trembler la terre.

Constant Chevillon était un Maître. Notre Maître à tous. Une sommité de profondeur initiatique. Infatigable chantre de la tradition il avait à cœur d’extraire du rite, la substantifique moelle de l’âme humaine, la portant jusqu’aux nues pour faire rayonner l’esprit en pleine lumière. Cet homme, initié de haut vol était le Grand Maître de deux formations ésotériques initiatiques : le Rite Ancien et Primitif de Memphis-Misraïm et l’ordre des Chevaliers Maçons Elus Cohen de l’Univers. Il était également Patriarche de l’Eglise Gnostique Universelle.

Victime de la barbarie il y a déjà soixante-quinze ans, Constant Chevillon est parmi nous. A travers ces lignes il nous montre le vrai visage de la Franc-Maçonnerie : un parcours d’adeptat, un visage de lumière, la quête de toute une vie. Tous ses écrits, profondément empreints d’une spiritualité vivante nous montrent la voie.
A nous Maçons des temps modernes il nous enseigne la voie de l’intériorité, nous montre un chemin en direction des profondeurs de l’être pour en extraire la pierre cachée. Le véritable et unique outil est le rite ; la Franc-Maçonnerie dans toute sa dimension symbolique, est « l’esprit informateur des choses ».
La quête commence par une ascèse, qui après un examen de conscience, engage le maçon sur la voie de l’apostolat. A travers un exposé d’une humanité et d’une profondeur sans cesse renouvelées, Constant Chevillon nous montre qu’avant d’être sociale, exotérique ou philosophique, la Franc-Maçonnerie est d’abord et avant tout une voie intérieure, un chemin authentiquement initiatique.

Emettons le vœu que ces mots de Constant Chevillon, notre Maître à tous, demeurent un guide, une lumière qui montre la voie de l’adeptat, à travers les ténèbres du matérialisme ambiant de ce XXIème siècle. Puissent ces mots devenir une ligne de conduite pour les hommes et les femmes de bonne volonté.

Espérons !

De l’antisémitisme

J’étais en Loge hier soir et en raison de l’actualité, nous avons évoqué cette difficile question qu’est l’antisémitisme. Nous assistons à une hausse des actes antisémites, hausse catalysée à l’occasion des débordements de violence des gilets jaunes. Tags antisémites par-ci, insultes par là, bref, rien de très glorieux et malheureusement, de bien nouveau depuis 2 000 ans.

Je vois régulièrement des autocollants négationnistes, ou d’autres accusant l’état d’Israël d’exactions dignes des SS envers le peuple palestinien. Les uns sont d’affreux terroristes, les autres sont des victimes en droit de se défendre légitimement, selon le point de vue…

En fait, il y a un processus d’identification dans le monde entier au peuple palestinien, désigné comme oppressé ou terroriste, selon le point de vue et le peuple israëlien, présenté comme tortionnaire ou victime, toujours selon le point de vue. J’ai déjà vu des gens, parfois des Frères se fâcher à propos de ces questions. Ce qui m’amène à la vraie question : quel est l’intérêt dans le monde entier de s’identifier, de s’indigner ou d’en venir aux mains pour un conflit local, dans un pays de dimension comparable à la région Rhône-Alpes ou à la Corse ? J’avoue que cette identification me laisse très perplexe, d’autant plus que des conflits similaires se déroulent dans notre vieille Europe, à une heure de train de Paris. Qui dans le monde s’indigne du conflit larvé entre Wallons et Flamands en Belgique ? Qui s’indigne du fait que des petits francophones sont sanctionnés dans leur école parce qu’ils parlent leur langue naturelle ? Qui s’est indigné en 1967 du Wallen Buiten à Louvain ? Et qui pour s’indigner des bagarres et passages à tabac réguliers ou des actions ségrégatives d’un côté comme de l’autre ?

Pour les plus jeunes, en 1967, les étudiants flamands de Louvain ont bouté violemment les étudiants wallons hors de l’université, étudiants pour lesquels a été créée en urgence l’université de Louvain-la-neuve. Deux peuples qui s’affrontent, éprouvant de la haine l’un pour l’autre pour prendre le contrôle d’un territoire aux dimensions somme toute dérisoire. Ce faisant, personne en France ne s’en indigne ou ne tague des slogans antibelges… Donc, si la guerre civile larvée en Belgique n’intéresse personne alors qu’elle ressemble beaucoup au conflit israelo-palestinien, pourquoi nous indignons-nous de ce qui se passe à 6 000 km, alors que nous ignorons tout de ce qui se passe à nos frontières ?

Un grand principe stoïcien, écrit durant l’Antiquité par un certain Epictète, nous dit de différencier ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous d’une part, et de ne pas nous préoccuper de ce qui ne dépend pas de nous. Ainsi, perdre du temps et de l’énergie à s’indigner ou s’identifier à un conflit qui ne nous concerne en rien relève d’une forme de bêtise profonde. Certes, on peut s’intéresser à la question, et se construire un point de vue critique sur la politique des uns et des autres, mais en dépassionnant le débat. Nous n’en sommes pas à construire un régime avec un état d’urgence au détriment de nos droits, encore que les changement législatifs récents rognent quelques principes fondamentaux, comme la présomption d’innocence, ou la prééminence de l’exécutif sur le judiciaire.

Le politique et le religieux ont toujours été et seront toujours sources de conflits. C’est pour ces raisons que depuis sa fondation, la Franc-maçonnerie s’interdit toute controverse politique ou religieuse. L’idée étant de travailler sur ce qui rassemble et non ce qui sépare. Ou encore « bâtir des ponts plutôt que des murs entre les hommes ». Néanmoins, cela ne doit pas nous empêcher de garder une certaine vigilance : antisémitisme et antimaçonnisme sont deux mécanismes de haine subtilement intriqués, et les mouvements intégristes, quels qu’ils soient dirigent toujours leur haine et le ressentiment de leurs ouailles vers (dans le désordres) : les juifs, les francs-maçons et les homosexuels.

A ce propos, je m’inquiète du tournant politique que prennent les réponses à ces violences. Bien que nous disposions d’un arsenal judiciaire et juridique suffisant (je me base sur une chronique rédigée par l’avocat Emmanuel Pierrat), nos députés risquent de devoir voter une loi réprimant l’antisionisme. Alors que sont le sionisme et l’antisionisme ? Question complexe, qui doit être laissée aux spécialistes. Toutefois, il y a avec le sionisme une question politique et je crains que cette éventuelle nouvelle loi n’établisse une espèce de délit d’opinion. Je crains en effet qu’on ne puisse plus porter un regard critique sur la politique de l’état d’Israël sous peine de sanction. Et là, il y aurait une véritable raison de s’indigner.

J’ai dit.

L’école, l’université? Tristes modèles pour nos tenues

Tu as aimé l’école, ou l’université ?
Alors profite de tes tenues
mais réfléchis

Je suis stupéfait quand je compare une tenue maçonnique à une classe française, celle que nous avons connue quand nous étions enfants. Tout ce qui s’est passé, lors de notre scolarité, dans notre enfance et, en partie, dans notre adolescence, nous a façonnés Ne pas s’étonner si une tenue reproduit plusieurs traits d’une salle de classe. Et que telle obédience propose une université et une académie maçonnique. Le moule est en airain !
Quand la tenue maçonnique est arrivée en France, elle a vite été transformée avec les caractéristiques de notre pays. Pour le meilleur et pour le pire. Il reste que ces modifications ont fait des rites de ce style français une véritable Voie initiatique Or ce n’est pas ce que je pense de la maçonnerie anglo-saxonne, gelée en 1813 , coincée dans le vieux texte fondateur et vieilli de James Anderson.
Pour le meilleur, nous avons ajouté le plateau de l’Orateur, la circumambulation, le tableau de loge, les planches…ce qui me fait dire que notre Voie est susceptible de survivre à l’effondrement socio-écologique annoncé par les scientifiques. Mais à condition de se réformer. 
Car elle traîne encore le pire : des pratiques et une méthode d’enseignement, oui je dis bien d’enseignement, complètement obsolètes. Mais comme nous avons été formatés à l’école, nous nous posons même pas la question de ce qu’elle a fait de nous. Du moins pour-la plupart d’entre nous qui ne sommes pas des réformateurs fougueux de la pédagogie de l’Éducation nationale. Mais c’est un autre sujet.
Remarquons quand même que l’enseignement, la pédagogie du temps jadis (L’instituteur sous la IIIème République, par exemple) fut une fierté de la France ; le modèle s’ancra si bien dans notre pays qu’on ne peut s’empêcher d’y souscrire toujours ! Et ces phares de l’humanité que nous, Maçons, prétendons être répètent inlassablement les mêmes schémas pédagogiques. Démonstration avec une tenue maçonnique de style français ;
Le « Connais-toi toi-même ». ? Il nous est de plus en plus recommandé. Fort bien . Alors commençons par ce qui nous a formés et, à partir de là, prenons du recul sur les méthodes d’éducation. Pourquoi ? Jeunes, nous ingurgitions sans, évidemment à cet âge, les remettre en cause. Le modèle devint la base de nombre de nos valeurs et le socle caché de plusieurs de nos comportements. Et, entre autre, dans notre fameuse «’transmission » maçonnique que nous chantons sur tous les toits ! Et qui se déroule, en bonne partie, selon le modèle de l’enseignement scolaire.
Prenons des exemples très concrets, loin de ces premières grandes déclarations. Ils s’observent dans 90% des loges de style français. (Elles peuvent être hors de France)

• Le maître, dans l’école, est juché sur l’estrade . Pourquoi ? Pour voir tous les élèves. Tiens donc : le Vénérable est lui aussi hissé sur une estrade mais on en rajoute : de trois marches., c’est encore plus fort. D’ailleurs le nombre 3 ne s’impose-t-il pas à nous tous ? Je veux bien le croire mais je sens qu’en fait c’est pour démontrer subrepticement qu’il est le détenteur de l’autorité. D’ailleurs on lui octroie le superlatif de « Vénérable » À ce propos, je me demande toujours ce que vient faire le Secrétaire à côté de lui, à l’Orient. Cela est une autre histoire., ; sans grand rapport avec la salle de classe. Continuons.

• Dans la cour de récréation, les surveillants veillent au bon ordre : pas de risques de bagarres, de dangers et de troubles de toutes sorte. Je ne fais pas un dessin. Or les « Guardians » de la tradition anglaise sont devenus, modèle français oblige, des « Surveillants ». On ne cache pas qu’une grande partie de leur rôle est effectivement de surveiller leur colonne . On ne bavarde pas en classe.

•Au bout d’une heure, il est réputé bon pour les gosses qu’ils se détendent. Ils vont alors en récréation. j’ai vécu, dans plusieurs loges, une « récréation » pour ordonner une suspension temporaire des travaux. Sans rire !

•Quand on est un bon élève, on est félicité. Eh bien, malgré des rectifications mille fois dites, nous entendons des Frères, des Sœurs « féliciter » celui ou celle qui vient de plancher. Avec cette sinistre confusion des Maçons qui affirment qu’on ne remercie pas en franc-maçonnerie. Alors que les travaux scientifiques (1998, psychologie positive) démontrent sans discussion le contraire :il faut sans cesse avoir de la gratitude : remercier ; cela fait du bien aux deux et concourt à la fraternité. Mais il ne faut pas, en tenue, féliciter, corriger, bref juger. Cela, en effet, instruit une relation inégalitaire, loin de nos valeurs

•Dans la salle de classe, quand un élève doit parler, pour réciter, par exemple, il va au tableau, sous les regards des élèves et du maître. Et chez nous ? Nous montons sur l’estrade de l’Orient et, dans beaucoup de cas, l’Orateur est délogé et nous prenons sa place. Comment sommes-nous si confus que nous osons virer l’Orateur qui représente la Loi, dans tous les sens du terme, pour le remplacer par un conférencier ? Le soin et le loi sont les deux piliers psychiques du jeune enfant. Comment, adulte, se passer de l’un ?

• Le Frère, la Sœur conférencière prend la parole. Le modèle universitaire s’impose subrepticement. Il s’agit de bien parler. Celui qui bafouille hésite est réputé de qualité médiocre. Alors qu’avons-nous choisi pour être sûr de très bien parler, sans blancs, sans trébucher, sans redites ? 
Simple :il suffit de lire un texte que l’on a préparé chez soi. Si possible, mais ce n’est pas hélas ! toujours le cas, en « y mettant le ton ». Tiens je croyais que nous ne savions ni lire, ni écrire. « Mais c’est pour les Apprentis » me rétorque-t-on. Ah bon ?

• Le modèle universitaire, celui qui est pseudo-savant, n’a pas fini de nous enchaîner. Il s’agit de paraître érudit, très au courant, de citer des auteurs. Bref faire une démonstration solide. À cette condition, on peut donner un avis personnel. C’est encore très répandu dans nos loges. À mon sens, l’avenir est ailleurs.

• Enfin, quand il s’agit d’aller dans la classe supérieure, il faut avoir prouvé que l’on est au niveau requis. Même chose chez nous avec les planches d’évaluation, en fin d’apprentissage, de compagnonnage pour passer Maître. Il faut prouver à la loge que l’on connait bien le rituel de son degré et que l’on sait répondre correctement aux questions

Au total huit caractéristiques communes entre la classe et la tenue.
Alors que faire ? Certains s’écrieront que c’est un usage et qu’il ne faut surtout pas le changer. D’ailleurs ne fonctionne-t-il pas très bien ? D’autres, et j’en fais partie, aimeraient bien se dégager de plusieurs de ces empreintes inconscientes et qui nous meuvent à notre insu. Pourquoi ? Parce qu’elles brident la vie et la qualité humaine de nos tenues. Voici quelques exemples que. je te soumets et qui me semblent préfigurer l’avenir mais je peux complètement me tromper. Je ne ferai pas ici de longs commentaires ; je liste simplement
Changer le titre de « Surveillant » et préférer « Gardiens ». Ne pas déloger l’Orateur.
Éviter les planches qui se prétendent savantes, et pesamment historiques. Ne pas féliciter mais remercier souvent. Plus de récréation. Ne pas lire un texte. Si nous voulons mieux nous connaître et nous aimer, soyons spontané. Dans un rite, le plancheur » parle entre les colonnes . C’est un progrès, à mes yeux, gigantesque qui préfigure l’avenir de la Voie.
Toutefois je garde l’estrade avec les trois marches, les planches de passage, le silence sur les colonnes qui me semblent avoir des racines profondes dans nos esprits
.Et surtout, je garde jalousement la triangulation de la parole , cette trouvaille extraordinaire de la Maçonnerie. Je n’en touche pas une miette. Tiens, je remarque que cette méthode, elle, ne vient pas de la scolarité mais du génie intuitif de nos anciens. Qu’ils en soit chaudement remerciés !

L’étrave et le cap – Par Jacques Fontaine –

Ecoutez le chapitre 1 de « L’étrave et le cap » : Comment se préparer pour demain ?

Editions LOL (2017)

Pour commander le livre en ligne sur Amazon : http://www.editions-lol.com/parutions…

La Franc-maçonnerie vivra-t-elle encore dans quinze, vingt ans ? N’est-il pas temps de s’en préoccuper dans une époque où tout va de plus en plus vite, où le changement devient permanent ? Pour les plus jeunes d’entre nous, et pour tous ceux et toutes celles qui transmettront à leur tour, la lumière. On peut osciller entre deux positions extrêmes. La tradition maçonnique est d’airain pur ; elle est trop solide pour disparaître, car ses finalités et ses valeurs n’ont pas d’âge. Il convient donc de ne toucher à rien. Et, en face, l’on peut entendre : Les valeurs maçonniques sont certes essentielles mais devenues banales. Ne fondent-elles pas les convictions actuelles de l’Homme occidental, au moins ? La Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 est devenue la référence. Les valeurs de l’Ordre n’en disent pas plus. En outre, ses rites sont d’une autre époque, charmants et caducs. Comme nous l’apprenons en Loge, il est opportun de choisir l’hypothèse la plus réaliste et la mieux fondée. N’est-ce pas la tâche de la Chambre du Milieu, que de s’atteler à la recherche de ce fameux milieu, pour ajuster les propos et dessiner le troisième point ?

Dans la collection Les Cahiers maçonniques de Jacques Fontaine

Quel est le fameux grand secret de la Franc-maçonnerie ?

L’histoire que je vais vous raconter, se déroula il y a très longtemps. On venait de créer la première loge maçonnique. Il convenait maintenant de trouver une cachette sûre pour dissimuler durablement le grand secret de la franc-maçonnerie. Les officiers s’étaient donc réunis dans la loge pour décider du lieu.

Le premier à demander la parole fut le  Secrétaire. Il dit : « Je suis la lune, le reflet du soleil, je symbolise le côté féminin, la mémoire, l’écoute. Vous pouvez me le confier, j’en serai digne. »

Le deuxième à demander la parole fut le Maître des Cérémonies. Il dit : « Je suis Mercure, symbole du mouvement, de la communication et du savoir. Vous pouvez me le confier, j’en serai digne. »

Le troisième à demander la parole fut l’Expert. Il dit : « Je suis Saturne, symbole de la connaissance, du travail et des Anciens. Vous pouvez me le confier, j’en serai digne. »

Le quatrième à demander la parole fut le Second Surveillant. Il dit : « Je suis Vénus, symbole de l’harmonie, des relations et de l’équilibre. Vous pouvez me le confier, j’en serai digne. »

Le cinquième à demander la parole fut le Premier Surveillant. Il dit : « Je suis Mars, symbole de la force mais aussi de l’action et de l’engagement. Vous pouvez me le confier, j’en serai digne. »

Le sixième à demander la parole fut l’Orateur. Il dit : « Je suis le Soleil, symbole de l’esprit, du rayonnement, de la force vitale, de l’énergie. Vous pouvez me le confier, j’en serai digne. »

Le septième et dernier à prendre la parole fut le Vénérable Maitre. Plein de sagesse et d’humilité, il dit « Bien que je sois associé à Jupiter, la plus grosse planète du système solaire, symbole de la prospérité, je ne suis pas certain d’être le meilleur refuge pour notre secret. Je reviendrai dans 3 jours, pour vous dire où se trouve la meilleur cachette »

Les travaux furent suspendus, le Vénérable Maitre s’enferma durant 3 jours et 3 nuits dans ce cabinet de réflexion qui l’avait vu naitre. Il en ressortit éclairé et serein. Les travaux purent alors reprendre.

Tous les officiers de la loge étaient suspendus aux lèvres du Vénérable Maitre. Ce dernier, regardant avec amour et bienveillance chacun de ses frères et chacune de ses sœurs déclara : « J’ai puisé dans la sagesse du Grand Architecte De l’Univers la réponse à notre question. Je propose de cacher ce secret au fond du cœur de chaque profane qui frappera à la porte de notre temple. Ce sera sans aucun doute le dernier endroit qu’ils iront explorer ». Cette proposition fut admise à l’unanimité.

Cette tradition semble s’être perpétuée depuis des siècles. Malheureusement, tous les maçons n’ont pas été informés et certains continuent à chercher au dehors.

Auteur : Franck Fouqueray

Francs-maçons ? Mais à quoi servons-nous donc ?

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J’étais en loge hier soir, et après avoir entendu une planche symbolique très abstraite, je repensais à une question posée par une amie profane, question à laquelle j’étais bien en peine de répondre : « mais à quoi servez-vous, les Francs-maçons ? ». Et c’est une très bonne question : à quoi servons-nous ? Outre des travaux très personnels et illisibles aux profanes, que pouvons-nous apporter à la société ? Question qui m’a séché, soit dit en passant. Mais à laquelle j’ai pu trouver une réponse dans une bibliothèque oubliée.

Il est d’usage de faire remonter la fondation de la Franc-maçonnerie obédientielle à 1717 à Londres, lors de cette réunion de Loges dans l’arrière-salle d’une auberge, The Goose and the Grill, épisode qui aurait vu selon les historiens la création d’un fonds mutualisé d’entraide entre quatre loges. L’origine de la véritable maçonnerie spéculative, que nous pratiquons aujourd’hui encore est plus diffuse et remonterait à la Renaissance. Je laisse les historiens à leur querelles et disputations sur cette question ô combien épineuse.

L’histoire de la Franc-maçonnerie en France est riche, mais aussi complexe. Dans les pays anglo-saxons, la Franc-maçonnerie est un club-service, une organisation de bienfaisance impliquée dans la santé et les actions caritatives, à l’instar du Lions Club ou du Rotary. En France, la Franc-maçonnerie est indissociable du pouvoir politiquei, puisqu’au temps des Lumières, les grands intellectuels fréquentaient eux-mêmes les Colonnes : Montesquieu, d’Holbach, Condorcet, d’Alembert…
Du temps de la IIIe République, les politiciens du parti majoritaire, le Parti Radical, étaient eux-mêmes Francs-maçonsii et grand nombre d’idées développées en Loge se sont vues mises en application dans le monde profane. Il a fallu du courage à ces politiciens pour les porter et les faire accepter. Notre utilité a permis d’améliorer la société, et peut-être même l’homme !

A propos des Lumières, la Franc-maçonnerie s’est vue accusée d’avoir fomenté la Révolution Française, à cause d’une fake news dont les effets perdurent aujourd’hui : le délirant Mémoire pour servir l’histoire du jacobinisme du jésuite Augustin Barruel. On notera qu’aujourd’hui encore, la presse à sensation nous octroie un pouvoir à faire rêver ! J’aimerais bien avoir autant de pouvoir ou d’influence que ce qu’on peut lire dans la presse déchaînée. Néanmoins, si nous n’avons pas de réelle possibilité de disposer d’un réseauiii d’influence, à quoi servons-nous donc ?

Au-delà de ces considérations me vient une autre question : à quoi sert d’avoir une utilité ? Est-ce que toutes nos actions doivent être orientées ou intéressées ? Ne peut-on pas faire les choses sans réel but, pour le plaisir de les faire et la beauté de l’action ?

En faisant du tri dans les archives de ma famille, je suis tombé sur un compte-rendu de Convent de la Grande Loge de France. Un document très intéressant, où un ensemble de Frères proposaient la création d’une zone d’échanges commerciaux et intellectuels entre la France et son voisin d’outre-Rhin. Il y était décrit les conditions d’un marché commun entre les deux pays, d’échanges culturels et d’étudiants, l’utilisation d’une langue commune pour les documents officiels et techniques, en l’occurrence, l’espéranto. On y proposait aussi de mettre en commun les ressources stratégiques, et d’œuvrer à la paix. En fait, c’était Erasmus et la Communauté Economique Européenne avant l’heure. On y invitait aussi à renoncer à l’Alsace et la Lorraine, condition importante pour construire l’union de deux peuples.
Ce document très émouvant datait d’avril 1914. La suite nous est connue. « Nous autres, civilisations, savons que nous sommes mortelles » chantait Paul Valery. Rétrospectivement, on peut dire que nous avions eu raison trop tôt. Mais peut-être que nos belles idées de 1914 ont servi à la création de ce que l’Europe a de meilleur, le rapprochement des peuples ?

Si je voulais répondre à mon amie, je lui dirais que nous servons parfois d’espace d’échanges d’idées pour le futur, ou encore de laboratoire prospectifs. Mais à l’heure actuelle, nous n’avons plus guère d’utilité en tant que fonction, en tout cas guère plus qu’un club de sport, un club d’échecs ou club de réflextion.
Nous sommes surtout des sociétés de pensée, et nos Loges ont permis à de grands penseurs d’apparaître et d’exprimer leur potentiel : Léon Bourgeois et le solidarisme, Raspail et la santé, Jules Ferry, qu’on ne présente plus, Arthur Grousier, rédacteur du premier Code du Travail, et plus proche de nous, Pierre Simon et la loi Neuwirth (le droit à l’IVG, sans cesse remis en cause par les intégrismes de tout poil). Dans le fond, le travail maçonnique, sous réserve qu’il soit fait sérieusement, a la même utilité que la pratique de n’importe quelle autre discipline, telle que la gymnastique, la danse, ou les arts martiaux : faire de nous des hommesiv libres et éclairés, tout simplement.

J’ai dit.

i Aux Etats-Unis aussi, les pères fondateurs étant eux-mêmes Francs-maçons et on retrouve un certain nombre d’éléments symboliques dans les éléments de la nation… Mais c’est une autre histoire !

ii Je vous recommande deux passionnants ouvrages sur la question, Les Aventuriers de la République de Jacques Ravenne et Laurent Kupferman et Ce que la France doit aux Francs-maçons de Laurent Kupferman et Emmanuel Pierrat.

iii D’expérience, les réseaux d’anciens élèves, de syndicats ou d’associations sont bien plus efficaces dans les milieux professionnels.

iv Au sens d’être humain, donc merci de ne pas m’accuser de tentative de phallocratie.

Hiram sur le divan du psy

Hiram sur le divan du psy

Que vient faire la psychanalyse dans l’initiation ? Ce sont deux choses qui n’ont pas de rapports entre elles. La progression maçonnique n’a rien à voir avec les psy. Surtout si ce sont des psychanalystes. De toute façon, Freud, c’était bon pour son époque et encore…

Maintenant c’est dépassé ! Et puis, tout ramener au sexe, est-ce que ce n’est pas exagéré ? Enfin, la psychanalyse prétend toujours expliquer tout. N’est-ce pas dogmatique et insupportable ?

Voilà des propos que j’ai entendus plusieurs fois de la part de Sœurs et de Frères, par ailleurs parfaitement loyaux et de bonne volonté. Pas facile de les amener à la curiosité et à la sérénité requises pour découvrir la lumière que cette approche dévoile. La psychanalyse, en bref, éclaire avec acuité le monde de l’inconscient individuel et collectif dans les profondeurs obscures de l’être ; bien au-delà de la morale et des jugements. Et c’est pourquoi elle est, oui c’est cela ! une école de tolérance. Mettant au jour ce qui est enfoui et le plus souvent indicible, elle fait remonter à la conscience des émotions anciennes et fondatrices. La mise à l’ordre, justement, n’est-elle pas une invitation à descendre en soi-même, et à soulever la marmite des pulsions ?

Le propos de cet article n’est pas du tout de comparer les démarches maçonnique et psychanalytique. Il est d’expliquer, avec les concepts de la psychanalyse, ce qui se trame dans l’inconscient sous les symboles, le mythe et le rituel. Le projet peut paraître détestable.

Pourquoi remuer la boue, concèdent celles et ceux qui songent que, vraiment, il y a un monde de mystères glauques ? Pas étonnant, dans ces conditions, qu’elle ait de très nombreux détracteurs. Pourtant, allonger Hiram sur le divan est une entreprise enthousiasmante. Participer ensuite, à une élévation, une exaltation à la Maîtrise bouleverse et apporte l’oxygène nécessaire à la plongée en soi. Merveilleux rite maçonnique qui, en une tenue, parvient à condenser des traits essentiels de l’inconscient, les arcanes de nos secrets ! Il s’agit clairement, dans cet article, d’utiliser les concepts classiques de la psychanalyse, pour mieux appréhender ce que le rite d’élévation à la Maîtrise met en œuvre dans notre inconscient. Pour que cela ne vive plus à notre insu. On peut évidemment travailler avec d’autres approches, telles la sociologie, la psychologie des groupes restreints, l’ethnologie ; ou bien, d’une autre manière, l’alchimie, l’hermétisme, l’arithmologie, par exemple. Ces démarches réclament érudition et réflexion et, en tant que telles, peuvent servir à une lecture du fait et du rite maçonnique. Il n’en va pas de même avec la psychanalyse. On peut lire tout Freud et ne rien comprendre à l’affaire. Rien ne remplace le vécu, celui de la cure par excellence. Dans ce cas, on a l’occasion de sentir de l’intérieur le bien-fondé de l’approche psychanalytique. Comme pour une tenue, il faut la vivre. S’allonger sur le divan rend plus lucide sur soi-même et ouvre sur une meilleure maîtrise de ses pulsions. C’est un gain inouï dans la connaissance de soi. La dramaturgie rituelle de l’élévation, elle, est tout à fait en mesure de faire remonter, dans le silence et l’émotion, les contenus inconscients qui structurent cette cérémonie.

Or, la démarche maçonnique, à notre époque, met en avant, comme tâche primordiale, le « Connais-toi toi-même ». Cette injonction devient même un leitmotiv, une exigence dans certains rites et certaines Loges. De fait, la plupart des parcours de sagesse, à travers le temps et l’espace, guident leurs adeptes sur cette voie. Et l’Ordre peut s’enorgueillir d’y être parvenu progressivement, au cours des décennies. Le processus initiatique n’est-il pas devenue, grâce à cette évolution, un véritable et solide parcours de sagesse, dont la devise pourrait être : une spiritualité pour agir ?

Quand nous descendons, nous entrevoyons des pulsions à l’œuvre, des désirs de résistance et des accommodements, pour faire passer la coupe de breuvage amer. En tant qu’humain, nous avons tous des dispositions psychiques semblables dans le fond, mais qui se différencient selon l’histoire personnelle ; notamment en fonction de notre sexe. Le vécu d’une fille, par exemple, dans les relations fondatrices à la mère, au père, n’est pas tout à fait le même que celui d’un garçon. Sans qu’il soit tenu un seul instant, pour conséquence, une inégalité sociale des femmes et des hommes. Or, je suis, Jacques Fontaine, un homme et je ne me permettrais pas de décrire l’inconscient des Sœurs lors de l’élévation. Ce serait outrecuidant. Je livre ici, les découvertes et le vécu d’un homme. Je n’ignore pas, que dans cette cérémonie, il est question de vie, de mort, de violence, de renaissance, qui concernent les deux sexes, mais chacun à sa manière. L’amour et la haine ne se tissent pas avec les mêmes fils dans les deux cas. Seule une Sœur, ayant expérimenté la psychanalyse, pourrait écrire cet article complémentaire. Je livrerai donc, ici, le récit hiramite vu par un initié, un homme. Occasion pour les Frères de se percevoir dans les méandres de leur inconscient. Opportunité pour les Sœurs de découvrir ce qui se trame dans les profondeurs psychiques de la plupart de leurs Frères ; pour mieux comprendre et déclencher en elles, le désir d’effectuer un parcours équivalent, mais distinct.

Lecteur, lectrice, mon Frère, ma Sœur, ne rejetez pas, a priori, cette lecture. Car le rite maçonnique laisse éclater son génie dans l’élévation à la Maîtrise. Il délivre un message original, puissant et renversant. Un joyau ! Aussi, avant de vous forger un jugement, lisez cet article sans crainte ou vindicte, les paumes ouvertes, dans le silence de votre âme.

Suivons la chronologie de la cérémonie de passage, non point dans les diversités culturelles des rites, mais dans la structure immuable que l’on observe dans tous les rituels. Valable pour le REAA, le rite français et les autres ; plus loin, pour le rite d’York, les rites de style Émulation. Partout, où est mis en scène le mythème du meurtre du père. Car c’est par cette porte, déjà repérée par plusieurs auteurs et Francs-maçons,  que nous allons pénétrer des mystères du Maître, moins connus, voire ignorés.

La Loge est tendue de noir. L’Expert fait entrer le Compagnon qui doit être élevé. La Chambre du Milieu veut s’assurer qu’il n’est pas l’assassin d’Hiram. Elle le constate, en effet. Intéressant, car c’est ce même Compagnon, a priori innocent, qui recevra les coups qui tuent. Démêlons ! L’assassin ne peut être l’un des Maîtres ; poser la question est déjà insupportable. Mais, dans la réalité du drame, c’est quand même les Maîtres, par l’intermédiaire de trois d’entre eux, dont, dans certains rites, le Vénérable lui-même. Les Maîtres se sentent coupables, car ils ont en eux le secret désir de tuer le père. Que faire de sa culpabilitédissimulée et lourde ? « C’est l’autre, le jeune, le coupable, pas nous ! ». Tout commence par une dénégation. Le moteur des désirs et des peurs est ainsi mis en route.

Arrivent les trois coups meurtriers. Soyons vigilants et scrutons les replis de l’âme, comme il est proféré au Rite français de 1785. Les Maîtres font d’une pierre, deux coups. D’abord, ils tuent l’Architecte, leur père, par le truchement de trois d’entre eux. Pour fuir leur culpabilité, ils mettent en scène, dans le rituel, trois mauvais Compagnons, qui vont mimer un vrai meurtre. Sur les colonnes, ils assistent à cette mort du père, tout en prétendant qu’ils n’en sont pas les auteurs. Hiram Abi signifie, c’est clair, « Hiram mon Père ». Le complexe d’Œdipeamène la plupart des petits garçons à se rivaux de leur père, dans leur amour pour leur mère. Ainsi naissent en eux, des désirs d’élimination de l’obstacle. Les Maîtres sont bien, en fait, les fils violents d’Hiram, leur père. Même, si inconsciemment, ils l’ignorent, ou veulent taire en mentant ; leur haine habite leur inconscient. Parricide classique !Mais qui veut tuer son père mérite une très lourde punition ; c’est leur crainte effroyable d’être castrés par ce père qui leur interdisait l’accès à la mère. On verra qu’ils feront tout pour éviter ce sort terrible, et on le comprend sans peine.

Mais, en outre, dans la réalité du drame fictif, ils font semblant de tuer le Compagnon ; c’est lui qui reçoit les coups mimés. Parce que, eux aussi, se prennent pour les pères de ce Compagnon, qui, dans sa toute puissance fantasmée, ose désirer la mère. Les rôles sont inversés. C’est souvent, dans les rites, le Vénérable, autre incarnation du père, dans l’imaginaire des Frères et Sœurs, qui assène le coup de grâce.

On tue, dans un seul élan de violence, un père et un fils, Hiram et le Compagnon. Parricideet infanticidesimultanés. Bref, on joue deux rôles quand ça arrange les désirs enfouis ; gagnant sur tous les fronts. Mais il reste une sacrée culpabilité dont il faut se débarrasser. En tous les cas, la peur panique de la castration se calme, puisque le père est mort, et qu’en conséquence, il ne peut pas y procéder sur son fils. Hiram ne commandera plus les Maîtres, ses enfants.

Ce point est capital, et laisse voir une formidable lumière qui inonde toute la doctrine maçonnique : il faut que le père meurt pour que le fils vive. Et pas seulement symboliquement, puisque dans la cérémonie, le récipiendaire est allongé comme mort. Alors que de grands pans de la civilisation occidentale déploient, depuis deux millénaires, la croyance chrétienne qui donne raison à Dieu le Père, qui assassine le Fils, Jésus :il faut que le fils meurt pour que le père vive. L’infanticide chrétien ! avec tout ce que cela charrie : la domination, parfois la brutalité du père, de l’homme ; et l’obéissance des enfants et des femmes. Et bien, la Franc-maçonnerie clame autre chose. Oui, les fils doivent mourir comme le Compagnon qui joue le rôle d’Hiram, mais en même temps, elle refuse cette conception et en propose l’inverse. D’abord, le Compagnon-fils est castré symboliquement : les trois coups qui lui sont portés. Mais ensuite, cette castration sera évitée, quand les Maîtres feront jouer au candidat, le rôle du père assassiné. On connaît le dénouement du mythe. Les fils ne seront pas castrés, punis, mais vivront dans la félicité d’une fratrie heureuse. Mais pour y arriver, il va falloir encore un peu de détours, d’oublis et de refoulements.

En attendant, comme le père n’est plus, la mère est enfin disponible, et réhabilitée majestueusement ; c’est l’inceste béat, la fusion dans le corps sacré de la mère, femme d’Hiram, femme du père. Tout à l’heure, dans la tenue, on apprendra au nouveau Maître, le signe de détresse, dernier souvenir de la castration : « A moi, les enfants de la Veuve ! ». Puis chacun, chacune, glissera une pièce dans le « tronc » de la Veuve ; avant de retourner au monde profane « secourir la Veuve et l’orphelin… » de père seulement bien entendu.

La cérémonie rituelle de l’élévation continue ; dans le pathos et la culpabilité brûlante. Les Maîtres partent en procession lugubre pour retrouver le corps de ce père qu’ils ont tué, qui est aussi celui du fils-Compagnon. Ils font comme s’ils ne se rappelaient pas le lieu du forfait. Il faut chercher et chercher encore et encore. Sans renoncer, accablés par la souffrance de la double culpabilité. Comment, à tout prix, s’en débarrasser ? Et, dans le même temps, ils souhaitent posséder la puissance du père Hiram. Deux injonctions contradictoires ! C’est un problème angoissant. Ils s’approchent toujours plus près, et discernent enfin, une branche d’acacia. La vie ! Alors, c’est la révélation ; il n’est pas mort, il est toujours vivant. Il faudrait, à la fois, simuler la mort de l’architecte et s’identifierà lui, pour s’approprier la puissance paternelle. Ce serait très bien ; plus de culpabilité et assimilation de la force du père. Mais comment faire ? Comment ne pas avouer le double meurtre ? Comment se protéger contre les pensées haineuses ? En un premier temps, les Maîtres vont projeterleur désir d’identification sur le Compagnon étendu. Celui-ci devient le représentant symbolique de la Chambre du Milieu. Il faudrait que le Compagnon ne soit plus Hiram agressé, mais un Maître qui s’identifie à lui. Mais le plus fort reste à venir.

Dans un second temps, c’est par un tour de magie, un subterfuge extraordinaire que la solution s’impose : la palingénésie ? On découvre le cadavre du père-fils et on fusionne les deux entités. Le fils Compagnon se fond dans le père-Hiram, et devient ce Maître qui, apparemment, a réglé ses douloureux problèmes. Les Maîtres sont enfin tranquilles ; le père n’est pas mort, la preuve ? Il se relève. Le fils n’est pas mort non plus, la preuve ? Il se relève aussi. Et avec ce puissant déni, ils annulent leur double forfait : « Nous ? On n’a rien fait ! ». Tout va bien mieux, avec ce refoulement plus qu’astucieux. L’amour peut alors se donner libre cours et terrasser la haine ; ce sont les cinq points parfaits de la Maîtrise où les corps s’étreignent. Ce n’est pas tout…

Qui sont, à présent, les protagonistes ? Des Maîtres ; à savoir des fils-amants qui risqueraient d’être en rivalité. Mais les pulsions d’amour, cet amour qui vient d’être démontré par les corps serrés l’un contre l’autre, vont trouver un destin naturel. L’amour pour le jeune Maître et pour tous les autres, s’appuie et se renforce en activant la phase d’homosexualité, que nous avons tous connus, avant de devenir, pour beaucoup d’entre nous, hétérosexuels.

C’est le triomphe irréfragable de la grande et belle fraternité, valeur maçonnique entre toutes. Nous avons partagé les mêmes souffrances, nous avons vécu la même histoire : « Je t’aime, mon Frère. Mon amour pour toi est plus fort que ma haine ». L’amour homosexuel n’est-il pas indispensable à une société, qui, sans lui, serait en conflits, en déchirements, en guerre perpétuelle ? C’est, en effet, ce qu’affirme la psychanalyse. On sait, hélas, que le chemin des pulsions n’est pas toujours aussi pacifique et ne se fraie pas systématiquement un chemin dans la violence des hommes.

Tout le monde, dans cette histoire, joue un double jeu, sauf Hiram Abi. Les Maîtres sont, tour à tour, des pères, puis des fils. Le Compagnon, lui, est censé être, d’abord un fils, puis devient un père. L’écheveau est délicat à dénouer, tellement la pelote inconsciente des désirs et des peurs est emmêlée. On ne doute pas, qu’à chaque élévation, l’inconscient de la majorité des Maîtres est sollicité et orienté vers des voies que la conscience ordinaire méconnaît. Il reste aux Sœurs, de se prononcer sur la validité, pour elles, de ce mythe, en tout ou partie. Déjà, la problématique de la mort est commune aux deux sexes. Le mythème de la renaissance pourrait être interprété avec une force saisissante, pour celles qui peuvent donner la vie. Ce que racontent certaines Sœurs. A explorer.

Le mythe d’Hiram, dans sa dramaturgie exceptionnelle, est une occasion magnifique et précieuse, pour les initiés, de visiter leur propre triangulation œdipienne : le père, la mère et moi. Et d’affirmer les valeurs de jouissance et de bonheur qu’ils peuvent tirer de ce retour vers les arcanes de leur propre enfance. Pour peu qu’ils soient loyaux dans leur introspection.

Dans le rêve prométhéen d’accomplir le destin de leur vie belle. En bref, les Francs-maçons connaissent le secret des secrets. Le mythe d’Hiram, recteur dans la vie de l’initié, est une pure merveille de l’Ordre. Si beaucoup de Frères aiment, d’un attachement intense, leur Franc-maçonnerie, c’est parce qu’elle est en mesure de donner un sens à leur destin. Et, par ce faire, les soulever dans un élan de spiritualité.

Beaucoup de bruit pour rien…

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J’étais en loge hier soir et la Tenue a failli dégénérer en foire d’empoigne. On se serait cru à l’Assemblée Nationale. Ou en réunion de copropriétaires, ce qui revient au même. On notera à l’intention des partisans de la théorie du complot illuminati-reptilien–maçonnique qu’il suffit d’assister à ce type de réunion pour se rendre compte de l’inanité de ces théories. Des Frères qui n’avaient pas la parole ont exigé et pris la parole sans l’autorisation du Vénérable pour donner leur avis (non sollicité) sur une décision dudit Vénérable. D’autres, plus dissipés, bavardaient allègrement sur les Colonnes. Tout cela a brisé le fragile égrégore de la Loge. Il est très malheureux de voir que les travers du monde profane se sont installés en Loge. Le Vénérable a dû faire usage de son autorité et faire taire les vieux maçons aussi dissipés qu’indisciplinés.

Si dans la vie courante, on tend à ne pas respecter la parole d’autrui en le coupant, ou en parlant en même temps que lui, il n’en est pas de même en Loge. Normalement. Nous pratiquons une prise de parole particulière, la « triangulation de la parole ». Le Vénérable dit que la parole circule, et chacun peut s’exprimer, après avoir reçu l’autorisation du Vénérable, autorisation elle-même transmise par le Surveillant de la colonne. Le Frère qui souhaite parler peut alors exprimer ce qu’il a à dire, à la condition expresse de ne s’adresser qu’au Vénérable et à l’ensemble des Frères. Le but est de rendre le discours inclusif, autrement dit, de n’exclure personne. Le Vénérable doit alors reformuler ce qui a été dit et le transmettre au Frère concerné, très souvent le conférencier du soir. Autrement dit, tout dialogue exclusif entre deux Frères est proscrit. Le Vénérable a ici un rôle de modérateur. Il doit temporiser les échanges parfois vifs. Mais il revient à chacun de faire l’effort de se modérer, de « rester à l’ordre » et de formuler son discours de manière à s’adresser à tous, et non à un seul, ce qui requiert l’utilisation du style indirect. Une petite gymnastique à faire, mais qui en vaut la peine. Inutile de dire que mes dents d’Expert grincent quand les Frères de ma Loge commencent à dialoguer d’une Colonne à l’autre ou pire, à bavarder sur les Colonnes !

Notre individualisme exacerbé nous incite à donner notre opinion, et parfois à sortir du cadre du débat. Nous pensons que ce que nous disons est important, quitte à sortir du cadre et digresser, parfois au détriment du temps passé en loge. Je pense qu’il s’agit d’un désir de briller. En général, c’est la preuve que le Frère n’a pas déposé tous ses métaux. D’ailleurs, ça me rappelle un Vénérable qui fit un jour un long discours pour nous vanter l’éloge de la synthèse, montrant ainsi combien nous étions tous perfectibles… Mais dans le fond, donner son opinion, exposer ce qu’on pense d’un sujet, est-ce si important ? Dans quelle mesure cela peut-il faire avancer les choses ? Venons-nous en Loge pour briller ou pour éclairer ?
Voilà une série de bonnes questions qu’il faut se poser. Une Sœur que j’ai bien connue parlait volontiers d’éthique du silence.

En un sens, s’écouter parler, c’est faire du bruit. En effet, on peut définir le bruit comme une information non sollicitée envahissant la zone propre du sujet. Si l’on va plus loin, nous vivons dans un monde de bruit : bruits mécaniques en villes, musiques ou paroles non sollicitées, publicités envahissantes sur nos ordinateurs et tablettes, écrans publicitaires à cristaux liquides installés partout (au détriment du dogme d’économie d’énergie, applicable aux citoyens mais pas aux professionnels…).

En Loge, nous devons aussi faire silence, au moins le temps de notre apprentissage. Faire silence permet d’accueillir ce que l’Autre a à dire, sans juger. En nous taisant, nous apprenons à écouter, ce qui est très important à notre époque de bruit permanent. En fait, l’écoute constitue la première éthique et une lutte contre la violence. Écouter l’Autre permet de l’accueillir, et de le reconnaître comme sujet. Bien sûr, cela n’est possible que dans le cadre privilégié de la Loge, qui est normalement protégée de toute sorte de bruit -d’où l’importance de bien déconnecter ses appareils et surtout de se taire. Dominer son envie de briller et laisser ainsi l’Autre exister, n’est-ce pas là un bel exemple de Fraternité au quotidien ?

Et moi, je vais profiter du calme de ma soirée, et écouter le silence de mon salon une aurore boréale pour mieux me ressourcer.