lun 07 avril 2025 - 16:04
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Du rire maçonnique

J’étais en Loge hier soir, mais au théâtre. Oui, il m’arrive de sortir et même d’avoir une vie sociale, aussi étonnant que cela puisse paraître. Je suis allé écouter un jeune humoriste de stand-up. C’était intéressant, j’ai bien ri (ce qui est assez rare, je suis connu pour mon grand sérieux). Mais j’ai trouvé le texte, l’humour un peu gentillet.

En fait, l’humour devient plan-plan, trop gentil. On ne doit plus se moquer des « classes opprimées », paraît-il. Par classe opprimée, j’entends tout ce qui n’appartient pas à la catégorie des mâles, blancs, bourgeois, chrétiens, hétérosexuels, bref, tout ce qui n’est pas dans la classe des « mâles blancs dominants ». Ca en fait, du monde. Je précise que la demande ne vient pas forcément des « classes opprimées », mais plutôt des classes dominantes, qui s’estiment gardiennes de la bien-pensance ou encore arbitres des élégances. J’ai encore en mémoire un sketch de l’humoriste Stéphane Guillon à propos du handisport. Comme souvent, Stéphane Guillon a été voué aux gémonies par les gens bien-pensants et valides. Mais étrangement, les associations de handisport et les associations de handicapés ont plutôt apprécié qu’on se moque ainsi d’eux (on parle de relation de plaisanterie, en ethnologie, qui instaure un rapport d’égal à égal), plutôt que d’être considérées avec condescendance. Pour une fois que l’humour permet d’élever plutôt que de rabaisser !

Je trouve malheureux que désormais, il se soit constitué une police de la pensée, qui nous fait ressembler à la société américaine, ce qui n’est pas un compliment. Il ne faut pas se moquer de telle ou telle classe supposée opprimée par la classe dominante, au motif que ce serait « méchant ». Donc, plus de blagues sur les Belges (même si leurs médias ou leur vie politique ne nous aident pas), plus de blagues sur les handicapés (ça ne va pas plaire à un prof de maths que j’ai connu et qui qualifiait ses élèves de « trisomiques 20,9 » ou mon prof de sport en lycée qui qualifiait ma classe de « déficients mentaux »), et bien évidemment, plus de blagues sexistes. L’humoriste et homme de télévision Tex en sait quelque chose (i). On va proscrire aussi toutes les blagues sur les corps de métiers, les fonctionnaires, les communautés diverses et variées (qui n’appartiennent pas aux « mâles blancs dominants »), les politiques… En fait, on ne va garder que les blagues Carambar pour s’éviter les poursuites!

Le vrai secret serait plutôt de « rire avec », plutôt que « rire de ». Pierre Desproges l’avait bien compris, lui qui disait « on peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui ». D’ailleurs, à notre époque, je crains que Desproges ne soit censuré, frappé d’interdit ou mis à l’index par les gens bien-pensants-comme-il-faut. Et ne parlons pas de Coluche !

En fait, j’ai l’impression que l’humour est intimement lié à la morale, et que ce qui est humoristiquement acceptable dépend de la classe dominante, tout comme ce qui est moralement acceptable. Ce qui implique de facto une date de péremption de l’humour, ou plus précisément, une relativité de l’humour dépendant du contexte. Tout comme la morale, il n’existe pas d’humour absolu.

Malheureusement, je crains que l’on n’ait oublié quelques principes fondamentaux du rire : le rire provient toujours d’une chute, ainsi que l’a démontré Bergson dans ses écrits. On en a oublié aussi sa fonction cathartique. Le rire permet en effet de mettre le doigt sur la plaie. C’était d’ailleurs la fonction du Fou du roi : dire certaines vérités, parfois déplaisantes pour le pouvoir ou la cour, mais sans jamais être pris au sérieux. L’autre clé de l’humour réside dans l’interprétation. Si on prend la saillie d’un humoriste à la lettre (ce qui est aussi stupide de prendre un texte religieux à la lettre), bien sûr, il y a de quoi hurler. Il est paradoxal que dans une civilisation qui communique de plus en plus par l’image, on ne comprenne l’image que par la lettre, et sans l’esprit. Je ne puis m’empêcher de penser à une manifestation de la pulsion de mort, quand je vois les censeurs, moralistes et autres social justice warriors qui tentent d’empêcher quiconque de rire.

A y bien regarder, rire, c’est bouger, c’est remettre en cause l’ordre établi, c’est s’animer, c’est animer. Avoir de l’esprit, c’est analyser, détourner, décaler. Rire, c’est être libre ! Bref, tout ce que la pulsion de mort nous fait détester. J’en viens à penser que les censeurs et autres garants de moralité sont des gens qui n’aiment pas la vie, entièrement sous l’emprise de la pulsion de mort, vivant dans « l’attrait de l’inanimé ».

J’en viens à une question lancinante. Rire et Franc-maçonnerie sont-ils compatibles ? Un des Frères de Loge qui, ironie du sort, va plancher sur la question (même le Grand Architecte de l’Univers a de l’humour) m’a expliqué que non. J’adresse toute ma compassion à ce Frère qui m’a expliqué fort sérieusement qu’on ne venait pas en Loge pour rigoler…

Bien entendu, je ne suis pas d’accord. Ne dit-on pas à la fermeture des travaux « que la joie soit dans les cœurs » ? D’ailleurs, de grands humoristes ont été Francs-maçons : Pierre Dac, Achille Zavatta… Notre démarche de questionnement nous permet de mettre une certaine distance et ainsi de développer un certain sens de l’humour. Et le secret qui entoure nos travaux nous permet de parler librement, sans les foudres des censeurs en tout genre !

A propos d’humour, je me souviens ainsi de la dernière conversation que j’ai eue avec mon parrain. En lui passant un coup de fil, il m’avait dit être hospitalisé pour une batterie d’examens. Il m’avait dit en riant « moi qui n’avais plus vu un médecin depuis 40 ans, je suis en train de me rattraper ». Il est décédé quelques jours après…

En fait, l’humour est ce qui nous humanise, le rire aussi. Rire permet une mise à distance salutaire et même de prendre un peu de hauteur. Parfois, quand c’est bien fait, l’humour permet aussi de remettre en question l’ordre établi. Le rire provient toujours d’une chute, et donc sera au détriment de quelqu’un ou quelque chose. Celui qui fait rire ou qui rit aura donc une certaine responsabilité, mais comme la responsabilité est indissociable de la liberté, en fait, rire, c’est être libre !

Allez, n’oubliez pas cette morale : « faites l’humour, pas la guerre » (ii).

J’ai dit.

(i)-Tex a été congédié de France Télévisions après une blague jugée de mauvais goût : « Vous savez ce qu’on dit à une femme qui a déjà les deux yeux au beurre noir ? (…) On lui dit plus rien, on vient déjà de lui expliquer deux fois ! » Blague certes douteuse, qui met la lumière sur la violence faite aux femmes, mais sans nécessairement la cautionner…

(ii) -j’emprunte ce trait d’esprit à Marcel Gotlib, René Goscinny et bien évidemment Frédéric « Fred » Aristidès).

L’influence illusoire du pouvoir en Franc-maçonnerie

« La justice sans la force est impuissante ; la force sans la justice est tyrannique. » Ainsi s’exprime Pascal dans ses célèbres pensées.

Si on se tourne maintenant vers le sens étymologique du mot pouvoir. On retrouve des réponses tel que : « désigne quelqu’un qui possède l’autorité, la puissance de faire quelque chose. » ou encore « Être responsable en quelque chose ». Tout cela nous parle dans le fond d’ascendant sur les autres et pourtant l’étymologie latine « posse » est intrinsèquement un verbe composé de potis sum « je suis maître de ». Or être Maître, n’est-ce pas ce que nous venons cultiver en Loge. Je ne parle évidement pas de contrôle mais bien de Maîtrise. Le contrôle c’est le pouvoir sur l’extérieur, alors que la maîtrise concerne l’intérieur. Le latin magister nous dit que c’est « celui qui commande, celui qui dirige » et diriger c’est bien une notion de sens. Or le sens ou la direction, c’est précisément ce que la géométrie sacrée de la Franc-maçonnerie nous enseigne. C’est grâce à elle que nous pouvons nous centrer et nous orienter vers la destination finale du même nom… l’Orient, qui devient pour l’occasion éternel.

En résumé, et pour en finir avec mon introduction, on peut certainement dire que « Le pouvoir c’est acquérir une puissance couronnée de sagesse, afin de devenir exemplaire pour animer les autres »

Le lieu où nous sommes ne permet pas les débats, les commentaires ou les éclats de rire, mais j’entends d’ici quelques sarcasmes et autres commentaires intérieurs. J’entends par exemple certaines petites voix susurrer : « Tout cela n’est que foutaise dans la pratique, car le Maître est généralement celui qui ordonne à l’esclave ». Ce n’est pas faux, Etienne de la Boétie avec son « Discours de la servitude volontaire », il y a 5 siècles, nous a dressé un portait toujours d’actualité des rapports abusifs du Maître, mais aussi et de la soumission du dominé.

Avouez quand même que sans la soumission complice des victimes, il ne peut plus y avoir de Maître abusif. Chacun sait que le renard est le prédateur des poules et pourtant en mars dernier, en Bretagne, on a pu lire dans la presse « Des poules prennent leur revanche et tuent un renard à coups de bec ». On peut certainement en déduire que lorsque les victimes se lèvent pour occuper leur vraie place, les Maîtres se ravisent et les relations changent. Sans vouloir nier le statut de certaines victimes du pouvoir abusif, il est intéressant de soulever un point qui est celui de l’acte d’indignation, si chère à Stéphane Hessel (à voir sur Youtube). Se tenir droit et devenir Maître ainsi d’un pouvoir qui n’aura jamais de prise sur celui qui ne baisse pas les yeux. L’Homme debout en somme ! A l’image de Nelson Mandela qui durant 27 ans de captivité cultiva la Sagesse et la Puissance.

Nous nous souvenons tous de l’expérience de Stanley Milgram en 1962, sur la soumission à l’autorité. A l’époque, 1000 personnes ont participé à une expérience médicale dont le thème annoncé était : « l’effet de la punition sur la mémoire ». Ils devaient administrer de 15 volts en 15 volts des décharges électriques à un autre participant assis dans une chaise « électrique » lorsque ce dernier commettait des erreurs dans ses réponses (à voir sur Youtube). En réalité, tout était truqué. Le but était de voir jusqu’où un individu sous l’emprise d’une autorité est capable de se soumettre à celle-ci, s’il la juge légitime et s’il n’a aucune responsabilité dans les conséquences. Le résultat fut effrayant. Sur 1000 individus comme vous et moi, 66 %, les 2/3, poussèrent le curseur de 450 volts. Une torture abominable pour les participants… s’ils n’avaient pas été eux aussi des comédiens complices de l’expérience. Vous me direz certainement que tout cela, c’était avant. Mais non, l’expérience à été reproduite en 2010 dans un studio TV avec l’animatrice Tania Young qui remplaçait le docteur Milgram en blouse blanche (à voir sur Youtube). Une horde de spectateurs écervelés stimulait les participants au jeu. L’expérience médicale était remplacée par un banal jeu TV. Depuis le temps qu’on remémore les génocides et autres tueries humaines, nous sommes tous devenus des êtres responsables. Pourtant, il y a moins de 10 ans de cela, 81 % des participants sont allés jusqu’à 450 Volts. 15% de soumission supplémentaire par rapport à 50 ans plus tôt.

Ainsi, la soumission au pouvoir sans conscience est une maladie mortelle et dangereuse du côté des victimes, car elle en fait de dangereux bourreaux par procuration. Comme l’a écrit le pasteur protestant Martin Niemöller, « Le silence des pantoufles est plus dangereux que le bruit des bottes. »

J’affirme pour ma part que la complicité des participants sans conscience est le terreau de la dictature.

Reparlons maintenant du pouvoir en Franc-maçonnerie. Nous savons tous qu’il s’agit d’un simulacre de pouvoir. Il dure tout au plus 3 heures par mois pendant 3 an. Pourtant, une horde d’ambitieux se querellent pour savoir qui va se faire appeler Illustrissime Machin, Sérénissime Truc ou Très Respectable Bidule. J’ai l’habitude de dire que si on dote les dignitaires maçonniques de décors aussi lourds et puissants, c’est pour les lester afin que les leur orgueil ne les fasse pas s’envoler. Le problème c’est qu’après trois ans, ils ne veulent plus quitter leurs décors. C’est comme au football, il faudrait leur offrir à tous un ballon afin qu’ils n’aient plus à courir et ainsi, on se débarrasserait par la même occasion des supporters. Imaginez un instant, tout le monde ici serait sérénissime avec des guirlandes électriques et une crèche à roulette derrière pour faire office de traîne. Il n’y aurait plus bagarre, car tout le monde serait chef.

Le problème c’est qu’ensuite, tout le monde se battrait pour devenir Apprenti et il y aurait des compétitions pour savoir qui est le plus humble et qui possède le tablier le plus petit et le plus blanc. Avouons quand même que tout cela n’est pas très sérieux. Le rôle d’un dignitaire est justement d’être digne. Or la dignité c’est avant tout le respect, le principe selon lequel une personne ne doit jamais être traitée comme un objet ou comme un moyen. Cela signifie que le Grand Maître est à votre service et non au sien. Il n’est pas celui qui parle, mais celui qui écoute. Il n’est pas celui qui abuse ou qui favorise les abus, mais celui qui est juste et permet à chacun de grandir. Pour revenir aux pensées de Pascal, c’est justement celui qui est puissant et qui est juste. Ainsi, c’est celui qui travail sur lui-même et qui est censé représenter la Sagesse. Le philosophe américain Ralph Waldo Emerson avait une phrase que j’aime beaucoup « Qui tu es parle tellement fort que je n’entends pas ce que tu dis ». Il me semble justement que le dignitaire, quel qu’il soit, doit être avant tout dans son corps et dans son esprit, un fil à plomb guidé par l’amour fraternel.

Malheureusement, l’illusion du pouvoir l’emporte trop souvent et c’est justement là que se trouve la racine du mal de la Franc-maçonnerie. L’illusion et le monde des apparences sont les deux sources de notre perdition future si nous n’ouvrons pas les yeux.

Franck Fouqueray

Des agapes et des intolérants

J’étais en Loge hier soir, et comme très souvent, j’ai partagé les agapes avec mes camarades. Le terme dérive du repas pris en commun par les premiers chrétiens et a pour origine étymologique le terme grec ἀγάπη (amour au sens philanthropique). En un sens, les agapes sont similaires au banquet final qui clôt chaque aventure d’Astérix, où tout le monde se réconcilie après les dissensions (et bagarres) habituelles concernant la fraîcheur du poisson ou la tactique à adopter contre les Romains. Après avoir réfléchi sur des questions aussi cruciales que l’entrelacement du compas et de l’équerre ou avoir débattu des heures sur le montant de la cotisation annuelle avec de solides engueulades, il est toujours bon de se réconcilier autour d’un bon repas. Encore que le terme de bon soit discutable. Dans certains temples, il arrive que les agapes soit administrées par une structure de type restauration collective (avec la qualité gastronomique que cela implique) ou soient le résultat du travail d’un traiteur, avec menu unique. A l’inverse, dans la plupart des temples maçonniques, il existe une salle à manger avec une petite cuisine collective. Les Frères montent un pot commun et chacun amène quelque chose pour le repas, ce qui fait des agapes un vrai moment de partage. Nous mangeons quelque chose en commun. Dans certains rites, (rite Emulation), les agapes sont un élément structurant de la Tenue. On y a une pensée pour les absents, on se rappelle que d’autres souffrent de la faim, et on y dit les grâces, avant de procéder à la Chaîne d’Union.

Ainsi, quel que soit le rite, le repas est un élément fondamental dans la socialisation des Frères.

Et pourtant, je commence (hors agapes, s’entend) à observer un autre phénomène, induit par les effets de mode ou les phobies alimentaires : les phénomènes dits d’intolérance. Un terme qui donne de l’urticaire au Franc-maçon que je suis. Ben oui, la Franc-maçonnerie exige de tous la tolérance. Doit-elle être alimentaire? Ca vaudrait mieux.

Parmi les intolérances proclamées, il y a celle au gluten, cette substance présente dans le blé qui a les propriétés d’une colle (d’où le nom de gluten). Dans les intolérances au gluten, il convient de distinguer des autres intolérances celle de la maladie cœliaque, qui est une vraie maladie, reconnue, et diagnostiquée par un médecin. N’étant pas professionnel de la santé, je ne dirai rien sur la maladie cœliaque, si ce n’est qu’elle rend très complexe la vie quotidienne du patient. Par contre, les autres…

En fait, ce phénomène d’intolérance autoproclamée vient des Etats-unis, où les lobbies de l’alimentation créent d’abord un phénomène de peur alimentaire (e.g Pourquoi le blé nuit à votre santé, de William R. Davies) et comme par hasard, organisent une réponse aux craintes des consommateurs, sous forme de lignes de produits rassurants, bien évidemment plus onéreux, la santé n’ayant pas de prix.

Les craintes pour la santé, les craintes sur l’alimentation et l’ignorance véhiculée par Internet semblent catalyser des phénomènes de rumeur et enrichissent des charlatans. Pire, les rumeurs engendrent une défiance en France envers le corps médical. Ainsi, des sites de charlatans expliquent que les tests allergologiques français ne sont pas fiables et qu’il vaut mieux se baser sur des tests pratiqués à l’étranger. Tests non homologués en France, bien sûr.

Le problème est qu’un test médical doit être lu et interprété par un médecin, qui a la compétence pour le faire. En tout cas, plus qu’un quidam moyen n’ayant même pas un bac scientifique… A ce propos, j’ai pu remarquer que les intolérants, prêts à croire n’importe quel charlatan rejoignaient souvent la mouvance Antivax, parce que les vaccins, c’est dangereux! La preuve, c’est sur Internet!

A ce propos, une mère a récemment été condamnée pour avoir tué son bébé (i). Elle avait décidé (sans avis médical) que son bébé était intolérant au lactose et ne l’alimentait pas comme il le fallait. Le nourrisson en est mort. L’ignorance tue. Littéralement. La bêtise aussi.

De manière plus générale, j’ai le sentiment que l’intolérance alimentaire supposée (ou autoproclamée) constitue une marque d’appartenance au groupe social des Bobos -déjà tellement moqués ou conspués, mais aussi enviés- tout comme nos signes, paroles ou attouchements de Francs-maçons. J’ai l’impression qu’avoir une intolérance alimentaire (hors cas médical avéré) est avoir la maladie à la mode, la maladie «branchée». C’est avoir le petit supplément qui fait entrer dans le club fermé des gens selects du moment.

En allant plus loin, je pense que l’on peut faire un parallèle avec les observations de Freud dans Totem et Tabou. J’ai l’impression que cette classe intellectuellement favorisée s’organise en groupe totémique. Ils se créent un aliment interdit (ou tabou) qu’ils s’interdisent de consommer et auquel ils attribuent des vertus ou des malédictions, bref, des pouvoirs magiques, comme dans les tribus primitives. J’en viens à me demander si à force de refouler des vieux réflexes de civilisation, ceux-ci ne reviennent pas sous la forme de pseudo-intolérances alimentaires, non seulement pour marquer l’appartenance à un groupe, mais aussi pour se créer une forme de religion totémique, qui serait elle-même une forme de spiritualité. Peut-être est-ce là la recherche d’un réenchantement du monde, par l’attribution de Mana à une céréale, une protéine, ou quoi que ce soit d’autre?

En attendant, la mode du sans gluten m’a permis de découvrir d’autres farines et de revisiter mes recettes favorites. Les cakes à la farine de châtaigne ou de riz ont leur petit succès aux Agapes. Surtout avec un bon fromage fermier bio, sans antibiotiques (ce qui convient à mon allergie aux pénicillines -constatée et diagnostiquée par un médecin).

J’ai dit.

(i)

Voir ici: https://www.francetvinfo.fr/sante/alimentation/belgique-un-bebe-est-mort-apres-avoir-ete-nourri-au-lait-vegetal_2194899.html

Levons le voile et fichons la paix aux femmes!

J’étais en Loge hier soir et nous avons évoqué la mise sur le marché du nouveau produit d’un fabricant d’articles de sport: un hidjab de course à pied (je me refuse à écrire running, en grand conservateur de la langue française que je suis). Evidemment, toute l’intelligentsia médiatique a poussé les cris d’orfraie de circonstance: guerre de civilisation, grand remplacement, offensive de religieux mahométans et tout le bazar. Rien de bien nouveau, en somme.
Une chose m’a cependant intrigué: pas une seule fois, je n’ai lu, vu ou entendu un point de vue féminin sur la question. Dommage, il eût été intéressant d’avoir l’avis des premières concernées. Peut-être auraient-elles expliqué qu’elles n’ont pas le choix et que pour être tranquilles, elles sont contraintes d’une manière ou d’une autre de se couvrir. La contrainte venant bien évidemment des hommes, qui bien entendu sont victimes de la tentation et de la chair que représente la femme coupable d’être tout simplement.

Comme toujours, les hommes imposent aux femmes leurs comportements et la tenue vestimentaire qui leur convient. Dans les cités ou les banlieues tenues par les communautés religieuses, le plus souvent musulmanes (parce que le phénomène existe aussi dans les beaux quartiers tenus par les catholiques), dès qu’une femme sort de chez elle, elle est vilipendée, insultée, agressée, battue, parfois tuée parce que sa tenue ne plaît pas aux mâles. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le voile devient l’instrument de leur liberté. Liberté de sortir, liberté de circuler, liberté de courir…

Notre culture humaniste ne peut bien évidemment pas tolérer ça, dans la mesure où nous l’interprétons comme un avatar de communautarisme. Mais nous en oublions le vrai problème: malgré toutes les avancées en matière de droit (qui sont sans cesse remises en question par les intégristes de tout bord), les femmes ne sont pas libres de faire ce qu’elles veulent dans notre pays, et rien n’est fait pour leur donner les moyens de s’émanciper dans certains territoires.

Notre attachement à la laïcité nous incite à nous méfier, souvent à juste titre de vêtement que nous prenons pour des symboles interprétés comme une tentative de prise de territoire. Ainsi, le hidjab est présenté comme une offensive d’invasion d’une communauté refusant nos valeurs républicaines. Certes. Mais dans le cas du hidjab de course à pied, si la grande enseigne le commercialise, c’est qu’il y a une demande de la clientèle. Les hommes pour voiler leurs femmes? Ou bien les femmes pour avoir le droit de courir sans risquer de se faire harceler (sachant qu’une femme voilée sera enquiquinée parce qu’elle sera voilée mais harcelée aussi si elle ne porte pas le voile…) ?
Peut-être se trompe-t-on de combat : l’adversaire n’est pas forcément l’enseigne, mais bien le repli communautaire, suffisamment installé pour faire commercialiser ce produit, repli lui-même orchestré par des “prêtres ascétiques”, ceux décrits par Nietzsche dans sa Généalogie de la Morale, en général minoritaires mais qui veulent imposer au reste du monde leur vision de leur vérité. Et toutes les religions sont concernées par ce type d’individus. 

Certains disent que le voile est dangereux. Je ne puis qu’être d’accord, surtout en repensant à l’accident qui a coûté la vie à la danseuse Isadora Duncan… Mais ce qui est dangereux, c’est le repli communautaire, qui naît des inégalités territoriales, et qui est aggravé par l’ignorance entretenue par les institutions dévoyées, ignorance menant tout droit au fanatisme et à l’ambition démesurée. Les trois fameux Mauvais Compagnons, que tout Maître Maçon se doit de combattre et de pourchasser. Commençons déjà par combattre notre propre ignorance en ouvrant les yeux sur le monde qui nous entoure. La lucidité nous ramènera au discernement nécessaire.

Dans le fond, je rirais de ces polémiques si je ne savais pas qu’une femme n’était pas tuée toutes les 48 heures sous les coups d’un homme violent. Au delà de la polémique sur un couvre-chef, le problème est là, et bien là. Une violence dont les pouvoirs publics se rendent complices en ne donnant pas un moyen d’hébergement lors d’un dépôt de plainte par exemple, ou lors d’un rendu de décision . administrative, comme dans l’affaire Aïda, au Mans (https://www.franceinter.fr/emissions/la-revue-de-presse/la-revue-de-presse-03-janvier-2019). Cette triste affaire montre quelle place notre société fait aux femmes, et plus particulièrement aux femmes victimes de la violence. Pire, nos institutions semblent rendre (dans le cas d’Aïda) les femmes responsables de leurs malheurs.

Avant de donner des leçons de laïcité vestimentaire, je crois qu’il faut avant tout protéger les droits des femmes, comme le droit de circuler sans se faire enquiquiner par des mâles en rut, des obsédés ou des pervers.

Freud expliquait que le principe de base de la civilisation est le contrôle des pulsions (ou refoulement pulsionnel), et j’ai bien l’impression, quand je vois mes semblables, que nous régressons, à moins que le problème n’ait toujours existé chez nous et qu’il soit plus visible maintenant que la parole se libère…

Dans un vieux rituel, il est écrit que «la civilisation n’est que partiellement civilisée». Nos ancêtres avaient plutôt bien cerné le problème. Le but de la Franc-maçonnerie est de réaliser la concorde universelle, et chaque jour nous montre combien la tâche est ardue, surtout quand on se déchire pour un morceau de tissu sur lequel on étend des valeurs qui ne sont que des tentatives d’appropriation de territoire. La seule arme que nous ayons étant notre exemplarité, je crois important de rappeler au civisme dans la cité, et que tous, Frères commes Soeurs, restent vigilants sur les droits des femmes.

Dans le fond, ces polémiques ne sont qu’une vaste tartufferie de la gent masculine. Molière l’avait si bien mis en mots:

Couvrez ce sein que je ne saurais voir.

Par de pareils objets les âmes sont blessées,

Et cela fait venir de coupables pensées.

On en oublie la suite, très édifiante, qui n’a pas pris une ride, la réponse de Dorine à Tartuffe:

Vous êtes donc bien tendre à la tentation ;

Et la chair sur vos sens fait grande impression !

Certes je ne sais pas quelle chaleur vous monte :

Mais à convoiter, moi, je ne suis point si prompte :

Et je vous verrais nu du haut jusques en bas,

Que toute votre peau ne me tenterait pas.

En d’autres termes, le problème ne vient pas des femmes, mais bien des hommes…

J’ai dit.

L’art Royal

L’alchimie est la pratique de l’Art Royal. Pourquoi le dit-on Royal ? Parce que les alchimistes du moyen âge cherchaient dans l’opération alchimique, l’obtention ou la naissance du Regulus, ou petit roi, germe de la pierre philosophale, enfant du mariage symbolique du Soleil et de la Lune.

Cette union symbolique des deux pôles, on la retrouve dans les noces chymiques de Christian Rosenkreutz. Elle figure le mariage intime des deux matières, c’est à dire du Soleil et de la Lune, du masculin et du féminin sacrés et sur un plan concret opératif, l’union de Mars et de Vénus. Cette union pour les alchimistes, aboutira à la production d’un petit roi ou Regulus, et qui donnera naissance au processus de l’Art Royal.

L’alchimie est plus un art qu’une technique. Elle est l’art de l’amour, art hermétique, sublimé par l’observation respectueuse et pénétrante du vivant.

Pénétrante, car il est une force qui pénètre tout ce qui vit et dans laquelle toute vie, toute matière trouve l’aliment qui lui est propre. La chimie, qui s’intéresse aux processus est exotérique, lors que l’alchimie, d’essence spirituelle, est ésotérique et hermétique.

Pratiquer l’alchimie, c’est mettre en œuvre ce merveilleux dessein qui consiste à extraire de toute matière, minérale, animale ou végétale, le principe de vie, l’étincelle divine au cœur de toute chose. Une fois la matière dissoute, elle est coagulée de façon subtile en une autre forme, qui lui donne un autre aspect et fait d’elle un organisme vivant participant à l’Œuvre divin. Car ce qui anime subtilement la matière, c’est l’étincelle d’esprit qu’elle recèle.

Du monde minéral au monde spirituel, l’apparente dureté des formes ou la subtilité de l’être n’est qu’une question de dosage ; dosage de l’étincelle divine, qui enlumine le minéral ou illumine l’esprit, sur une échelle progressive qui va du gris foncé au blanc étincelant. Cela les alchimistes le savent et mettent en œuvre le principe du solve coagula, pour dissoudre et recréer sans cesse ; pour  modifier, grâce à la loi des correspondances,  les dosages d’esprit et de matière, à l’intérieur du monde des formes par l’action du soufre, du mercure et du sel, c’est à dire de l’esprit, du corps et de l’âme du monde. Les alchimistes appliquent cette action aux formes subtiles, comme aux formes grossières, à l’esprit, comme à la pierre.

L’alchimie est ainsi un dialogue permanent du vivant avec le vivant. Elle dissout et recompose la matière après lui avoir fait subir une série de purifications. Elle effectue ce processus autant de fois que nécessaire jusqu’à obtention d’une substance qui reflète l’équilibre le plus parfait entre matière et esprit : la pierre philosophale.

Ainsi, la connaissance alchimique est-elle la capacité à faire vibrer notre être en harmonie l’être qu’on désire contacter ou connaître, qu’il s’agisse d’un être minéral, végétal, animal ou encore humain. L’alchimiste insuffle l’esprit dans la matière, que ce soit le corps minéral grossier d’une pierre brute, ou le corps  astral d’un être humain. C’est pourquoi en alchimie, l’oratoire, n’est jamais loin du laboratoire.

L’alchimiste est donc conduit au travers de sa pratique à porter un autre regard sur la nature afin de “Délivrer l’esprit par la matière et délivrer la matière par l’esprit”.

Mais comment pratiquer l’alchimie demande le disciple ? C’est très simple lui répond le Maître : « Regarde la nature. Tu me dis que tu la connais déjà, que tu la regardes chaque matin par ta fenêtre, en te promenant dans la forêt, ou dans ton jardin… Non. C’est autre chose que je te demande. Lorsque tu ouvres ta fenêtre le matin, regarde les arbres sans cligner des yeux. Tu ne penseras à rien d’autre qu’à garder les yeux ouverts sans que tes paupières ne cherchent à faire concurrence aux ailes des papillons. Ainsi, tu évacueras les perturbations du mental.

Au bout de quelques temps, une minute complète parfois, une éternité ! Tu verras se dessiner autour des arbres comme un halo subtil. Puis peu à peu, quand les larmes commenceront à couler, tu ne te contenteras plus de voir ce halo, tu verras progressivement se dégager de chaque plante, de chaque brin d’herbe, comme une aura d’énergie subtile qui fera monter vers toi toute la force de la terre. Et cette aura se mêlant à la tienne, tu ne distingueras bientôt plus les formes pour n’en retenir que la vie. Cette force vibrante, colossale, qui élèvera bientôt les vibrations de ton corps jusqu’au point central de la Création, tu la garderas en toi, et lorsque dans ton laboratoire tu procèderas à l’Opération, tu remercieras sans cesse le Créateur de te faire accéder avec autant de simplicité au principe vivant de toute chose.

C’est ainsi que toute opération, tu ne pourras conclure que par une prière ; une prière à l’âme du monde, prière au principe vibratoire de toute chose, à la Force sacrée de l’univers qui dynamise et ordonne toute Création en insufflant  son feu divin à travers la matière et les âmes.

C’est pour cela que tu ne pourras distinguer en leur essence l’alchimie opérative, voie humide ou voie sèche, de l’alchimie spirituelle ou voie brève qui est le principe même de toute initiation ».

Ainsi parle le Maître à son disciple, car avant de savoir, il s’agit de percevoir…

Dans le règne minéral, la pierre philosophale transmute le plomb en or, dans le règne végétal elle accélère la fabrication des élixirs et sur le plan humain elle devient être de feu, par lequel la nature spirituelle se renouvelle.

De façon similaire à la franc-maçonnerie, l’alchimie aborde les phénomènes de l’intérieur vers l’extérieur, donc de l’essence vers l’apparence formelle.

Ainsi, Art royal et franc-maçonnerie fusionnent-ils totalement en leur principe. Oswald Wirth auteur, entre autres d’un ouvrage consacré à l’Art Royal, définit la mission de la Franc-maçonnerie comme rejoignant pleinement la cohérence alchimique au travers de l’alchimie spirituelle.

Initiation donc, et travail ; travail sur la Connaissance avec des outils symboliques, et travail sur soi qui est méditation, travail sur les éléments et l’alchimie intime du corps spirituel, qui est alchimie du feu céleste.

Ora et labora, Prie et travaille, devise des premiers alchimistes mais également règle de vie des bénédictins, dont ceux-ci n’ont sans doute pas la paternité. Qu’on soit ou non dans la foi, qu’il s’agisse de prière d’initié ou de méditation, le travail sur soi est incontournable pour faire fructifier les germes que l’initiation a jetés en nous.

Notre rituel d’initiation fourmille de symboles alchimiques. Regardons simplement le cabinet de réflexion, qui réunit les trois principes alchimiques de base que sont le Soufre, symbole de l’esprit, le Sel, symbole de la Sagesse et de la Science, et le mercure sous la forme du coq, attribut d’Hermès.

Vous n’approchez pas la pratique de l’Art Royal. Vous êtes en plein dedans, dès que vous entrez en loge. N’avez-vous pas entendu dire ici et là aux agapes, ou lors d’une discussion que notre rituel est magique ? Qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire ? Un premier travail peut consister à allier fructueusement connaissance et symboles. Les symboles sont les portes que nous ouvre l’initiation pour aller vers notre être intérieur autrement dit, pour bâtir notre temple intérieur et réaliser en nous la quintessence des éléments, l’or alchimique de notre âme.

La Franc-maçonnerie symbolique et tout particulièrement la Franc-maçonnerie Egyptienne met pour cela à notre disposition tout une panoplie d’outils. En étudiant simplement ce que nous apportent ces outils, sans même aller chercher ailleurs, il y a là le travail de tout une vie. C’est pourquoi il est couramment  admis que toute l’essence du travail initiatique est accessible à travers les trois premiers degrés de la franc-maçonnerie, qui matérialisent l’Œuvre tout entier. Mais encore faut-il ouvrir les yeux pour voir et devenir conscient du trésor qui est devant nous.

Tout d’abord le rituel. Le rituel de Memphis-Misraïm a une valeur alchimique certaine. Je ne ferai pas ici pour vous le travail, car chaque travail est unique et délivre au cherchant les messages qui correspondent à sa quête. D’où le sens de « ora et labora ».

Parmi les outils que la franc-maçonnerie met à notre disposition, il y a aussi, bien naturellement nos outils, l’équerre, le compas, la règle, pour ne citer qu’eux et le travail symbolique que le maçon effectue avec ces outils. Le maçon qui travaille chaque jour son être intérieur n’est pas en franc-maçonnerie spéculative. Affirmer qu’on ne doit demeurer que spéculatif c’est accepter d’ânonner comme de bons élèves, la science des ignorants. La Franc-maçonnerie symbolique est initiatique. C’est à dire qu’elle participe à la création du temple intérieur, à l’épuration de ses lignes. De spéculative, pour le maçon qui travaille, elle devient pleinement opérative, par la pratique de l’Art Royal, de l’alchimie subtile, qui transforme ainsi l’or des bâtisseurs en or du temps, intégré à notre âme.

De la zététique à l’hérésie

J’étais en Loge hier soir, et nous avons travaillé à un degré où il est question de « décider par [soi-même] des [ses] opinions et de [ses] actions » ou encore de «[n’accepter] aucune idée que vous ne compreniez et ne jugiez vraie». Ce travail m’a rappelé mon jeune temps d’étudiant, alors que je fréquentais des proches du Cercle de Zététique de mon université. Zététique ? Mais qu’est-ce donc ? Outre les 25 points minimum que rapporte ce mot au Scrabble, la zététique est tout simplement l’art du doute. Une forme d’autodéfense intellectuelle. Le zététicien doute de tout, vérifie tout et recoupe tout. A la longue, ce peut être fatigant pour l’entourage. Mais réellement salutaire. J’ai été très heureux de constater que la démarche maçonnique dans le degré auquel j’ai travaillé ressemblait beaucoup à la démarche zététique.

Des esprits chagrins pourront accuser le zététicien d’encourager des formes de négationnisme ou de révisionnisme. Ce qui est une erreur. Le zététicien s’intéresse aux faits, et sait les reconnaître. Le révisionniste ou le négationniste chercheront à démonter un fait, et en présenter une version conforme à leur idéologie. Ainsi, l’historien négationniste Robert Faurisson, militant antisémite notoire, a cherché à démontrer que la Shoah n’avait jamais eu lieu, suivant ainsi son idéologie et refusant la rigueur qui sied aux travaux universitaires. Ses travaux ont été bien évidemment démontés, tant les preuves matérielles et les témoignages allaient contre l’hypothèse qu’il cherchait à démontrer.

Comme le zététicien s’interroge sur tout, il va forcément remettre en question toute doxa officielle et être classé parmi les hérétiques. A titre personnel, et en bon maçon écossais que je suis, je suis toujours très mesuré sur les dogmes qu’on essaie de me faire intégrer. Prenons par exemple le dogme d’urgence climatique (i). On nous martèle depuis des années que notre civilisation dégrade l’environnement et provoque un changement climatique. Soit. Posons-nous quelques questions : qui le dit ? Les militants écologistes, porteurs de biais divers, les hommes politiques, également porteurs de biais. Il existe aussi un consensus du GIEC (groupement d’experts spécialistes du climat) pour dire que l’activité humaine perturbe les saisons. Soit. Seulement, comme le disait Denis Diderot, « une hypothèse n’est pas un fait », et la science n’est ni consensus ni démocratie. Seuls comptent les faits. Et étant donné la très grande complexité des phénomènes géophysiques et atmosphériques, personne n’est encore en mesure de démontrer quoi que ce soit. Pire, les équations de Lorenz utilisées en météorologie portent en elle une immense sensibilité aux conditions initiales, pouvant engendrer des projections très différentes (ii). C’est d’ailleurs grâce à ces considérations sur la pluie et le beau temps que nos politiciens ont créé le scandaleux marché du carbone, ou spéculation sur le droit à polluer. Un marché juteux, un ensemble de politiques publiques basés sur des hypothèses non vérifiées. De quoi faire hurler le zététicien ou le franc-maçon que je suis.

Par ailleurs, de plus en plus d’infographies ou vidéos circulent, véhiculant toutes un message culpabilisant : tout est de la faute du citoyen lambda. Nous serions tous complices de cette autodestruction collective. Nous devrions donc renoncer à prendre l’avion ou la voiture, ou changer nos habitudes de consommation. Pourquoi pas ? D’ailleurs, depuis quelques années, on voit fleurir des labels « bons pour l’environnement » pour nous guider dans nos choix. Il est vrai que nous pouvons désormais choisir entre un produit manufacturé fabriqué par des enfants dans des conditions atroces et pas bonnes pour l’environnement ou un produit manufacturé fabriqué par des ouvriers payés travaillant dans des conditions décentes (iii). Quel choix en effet ! Il est juste regrettable que ces labels soient une vaste arnaque orchestrée par les lobbies de l’industrie pour nous donner bonne conscience en faisant nos achats. Ciel, j’ai péché ! Vite, je vais acheter un certificat d’indulgence à base de paquets de chips à l’huile de palme estampillés « développement durable » pour apaiser ma conscience.

En attendant, en osant remettre en cause le changement climatique, je m’exclus de moi-même des gens bien pensants, puisque je suis catalogué chez les climato-sceptiques. Toutefois, au lieu de me baser sur une hypothèse, je me base sur un fait. Vérifiable et quantifiable. L’industrie dégrade notre environnement proche. Les terres arables et les réserves d’eau sont polluées par les pesticides et engrais en tout genre imposés par la Commission Européenne et les lobbies qui la contaminent comme autant de métastases. Les rejets de l’industrie dans l’atmosphère font bien plus de dégâts que la pollution automobile. La pollution généralisée est elle-même facteur de maladies graves et altère notre capacité à nous reproduire. Ça, ce sont des faits vérifiables et quantifiables, bien plus que les salmigondis sur la pluie et le beau temps qu’on entend un peu trop en ce moment (iv).

Mettre la catastrophe environnementale sur le dos des citoyens, les culpabiliser pour mieux les contrôler est une technique bien connue des lobbies. Seulement, leurs opérations de désinformation ont plutôt bien fonctionné jusque là, puisque jamais personne n’a encore osé remettre en cause le comportement de l’industrie, voire l’industrie elle-même.

Ainsi, plus que jamais, nous avons besoin de la zététique pour comprendre et combattre les phénomènes en jeu : le comportement religieux des apôtres de l’écologie punitive, les mécanismes de manipulation des lobbies ou l’analyse des politiques publiques. La liberté, c’est le doute.

Au regard de ce comportement religieux à l’égard de l’urgence climatique, je suis donc un hérétique, à brûler comme tous les hérétiques. Chers ayatollahs de l’écologie, pensez quand même au bilan carbone lorsque vous érigerez mon bûcher !
J’ai dit.

i-Un papier a été rédigé par le Cercle de Zététique à ce propos, consultable ici : http://www.zetetique.ldh.org/rechauffement_climatique.html

ii-C’est le célèbre effet papillon : une imprécision dans les conditions initiales du système de Lorenz de l’ordre de la pression engendrée par un battement d’ailes de papillon peut engendrer dans le cas de projection à long terme des erreurs de prédiction de l’ordre d’une tempête quand il fait beau temps.

iii-J’emprunte ce raisonnement au professeur Raj Patel, de l’université du Texas, à Austin, qui analyse nos habitudes de consommation dans le film L’illusion verte que je suis allé voir récemment.

iv-J’écris ces lignes en février 2019 au moment d’un phénomène anticyclonique ayant amené le beau temps à Paris.

Hommage à Constant Chevillon

En décembre, la Marianne de l’Arc de Triomphe, puis les symboles du judaïsme, sans compter quelques temples maçonniques tagués, dont un tout près de chez moi…
Le week-end dernier, c’était à Tarbes, un temple plus que centenaire, classé aux monuments historiques… saccagé, interphone arraché, mobilier détruit, épées dérobées.
Une ligne rouge à été franchie ce week-end. Non ce ne sont clairement pas des gilets jaunes, mais des fachos vêtus de jaune… il ne faut pas tout mélanger. D’ailleurs un certain

Photo La Nouvelle République des Pyrénées

nombre de gilets jaunes de Tarbes sont venus le lendemain aider à remettre le temple en état, choqués eux aussi…
Mais nous glissons doucement, collectivement, sur une pente savonneuse.
Nous les européens, les français, pays des Droits de l’Homme, de la tolérance, de la liberté.

Qu’avons-nous donc fait de nos Lumières ?
Ca ne vous rappelle rien, les bruits de bottes ? Moi je pense aujourd’hui à Constant Chevillon, mort il y a soixante quinze ans sous les balles de la milice. A Lyon, comme Jean Moulin… Trop contents qu’ils étaient de l’avoir eu, le résistant, le franc-mac à abattre. Une proie encore plus perversement jouissive à leurs yeux que Jean Moulin… car avec Constant Chevillon, non seulement c’était un résistant, mais tout un symbole qu’on abattait !
C’est bientôt ce triste anniversaire… le 23 mars exactement.
Tiens, cette année le 23 mars tombe un samedi… Quelle sympathique surprise nous réserveront-ils donc encore le week-end du 23 mars ?
En attendant, voici un hommage à Constant Chevillon.

C’était le 23 mars 1944
Durant la funeste soirée du 23 mars 1944
Il était peut-être onze heures du soir
Peut-être minuit

Dans cette banlieue noire ou périrent tant de partisans,
Il est tombé
Sous les balles funestes des traîtres à leur patrie
Le Juste est tombé
Gémissons, mais ne désespérons pas. Car toujours, le Phoenix renaît de ses cendres,
Rien ne se perd
Tout se recrée
Il est vivant !
Constant Chevillon est parmi nous !

 

Ne sentez vous pas frémir ces mots ? Ne sentez vous pas l’âme vibrante de la Franc-Maçonnerie tout entière ? Au seuil de l’horreur, il avait écrit ces mots… « Sans prononcer une parole, sans faire un geste, par le seul fait de son existence, [la Franc-Maçonnerie] semble dire aux prévaricateurs : qu’avez-vous fait de la liberté, de la justice et de l’équité ? Ils veulent donc l’enchaîner et, mieux, l’anéantir pour supprimer jusqu’aux fantômes du remords ». En janvier 1939 il avait écrit ces mots… comme s’il sentait que l’urgence était dans le rassemblement des forces des justes, qui eux seuls pouvaient encore sauver la nation chancelante, éloigner l’ombre des corbeaux et les bruits de bottes qui déjà faisaient trembler la terre.

Constant Chevillon était un Maître. Notre Maître à tous. Une sommité de profondeur initiatique. Infatigable chantre de la tradition il avait à cœur d’extraire du rite, la substantifique moelle de l’âme humaine, la portant jusqu’aux nues pour faire rayonner l’esprit en pleine lumière. Cet homme, initié de haut vol était le Grand Maître de deux formations ésotériques initiatiques : le Rite Ancien et Primitif de Memphis-Misraïm et l’ordre des Chevaliers Maçons Elus Cohen de l’Univers. Il était également Patriarche de l’Eglise Gnostique Universelle.

Victime de la barbarie il y a déjà soixante-quinze ans, Constant Chevillon est parmi nous. A travers ces lignes il nous montre le vrai visage de la Franc-Maçonnerie : un parcours d’adeptat, un visage de lumière, la quête de toute une vie. Tous ses écrits, profondément empreints d’une spiritualité vivante nous montrent la voie.
A nous Maçons des temps modernes il nous enseigne la voie de l’intériorité, nous montre un chemin en direction des profondeurs de l’être pour en extraire la pierre cachée. Le véritable et unique outil est le rite ; la Franc-Maçonnerie dans toute sa dimension symbolique, est « l’esprit informateur des choses ».
La quête commence par une ascèse, qui après un examen de conscience, engage le maçon sur la voie de l’apostolat. A travers un exposé d’une humanité et d’une profondeur sans cesse renouvelées, Constant Chevillon nous montre qu’avant d’être sociale, exotérique ou philosophique, la Franc-Maçonnerie est d’abord et avant tout une voie intérieure, un chemin authentiquement initiatique.

Emettons le vœu que ces mots de Constant Chevillon, notre Maître à tous, demeurent un guide, une lumière qui montre la voie de l’adeptat, à travers les ténèbres du matérialisme ambiant de ce XXIème siècle. Puissent ces mots devenir une ligne de conduite pour les hommes et les femmes de bonne volonté.

Espérons !

De l’antisémitisme

J’étais en Loge hier soir et en raison de l’actualité, nous avons évoqué cette difficile question qu’est l’antisémitisme. Nous assistons à une hausse des actes antisémites, hausse catalysée à l’occasion des débordements de violence des gilets jaunes. Tags antisémites par-ci, insultes par là, bref, rien de très glorieux et malheureusement, de bien nouveau depuis 2 000 ans.

Je vois régulièrement des autocollants négationnistes, ou d’autres accusant l’état d’Israël d’exactions dignes des SS envers le peuple palestinien. Les uns sont d’affreux terroristes, les autres sont des victimes en droit de se défendre légitimement, selon le point de vue…

En fait, il y a un processus d’identification dans le monde entier au peuple palestinien, désigné comme oppressé ou terroriste, selon le point de vue et le peuple israëlien, présenté comme tortionnaire ou victime, toujours selon le point de vue. J’ai déjà vu des gens, parfois des Frères se fâcher à propos de ces questions. Ce qui m’amène à la vraie question : quel est l’intérêt dans le monde entier de s’identifier, de s’indigner ou d’en venir aux mains pour un conflit local, dans un pays de dimension comparable à la région Rhône-Alpes ou à la Corse ? J’avoue que cette identification me laisse très perplexe, d’autant plus que des conflits similaires se déroulent dans notre vieille Europe, à une heure de train de Paris. Qui dans le monde s’indigne du conflit larvé entre Wallons et Flamands en Belgique ? Qui s’indigne du fait que des petits francophones sont sanctionnés dans leur école parce qu’ils parlent leur langue naturelle ? Qui s’est indigné en 1967 du Wallen Buiten à Louvain ? Et qui pour s’indigner des bagarres et passages à tabac réguliers ou des actions ségrégatives d’un côté comme de l’autre ?

Pour les plus jeunes, en 1967, les étudiants flamands de Louvain ont bouté violemment les étudiants wallons hors de l’université, étudiants pour lesquels a été créée en urgence l’université de Louvain-la-neuve. Deux peuples qui s’affrontent, éprouvant de la haine l’un pour l’autre pour prendre le contrôle d’un territoire aux dimensions somme toute dérisoire. Ce faisant, personne en France ne s’en indigne ou ne tague des slogans antibelges… Donc, si la guerre civile larvée en Belgique n’intéresse personne alors qu’elle ressemble beaucoup au conflit israelo-palestinien, pourquoi nous indignons-nous de ce qui se passe à 6 000 km, alors que nous ignorons tout de ce qui se passe à nos frontières ?

Un grand principe stoïcien, écrit durant l’Antiquité par un certain Epictète, nous dit de différencier ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous d’une part, et de ne pas nous préoccuper de ce qui ne dépend pas de nous. Ainsi, perdre du temps et de l’énergie à s’indigner ou s’identifier à un conflit qui ne nous concerne en rien relève d’une forme de bêtise profonde. Certes, on peut s’intéresser à la question, et se construire un point de vue critique sur la politique des uns et des autres, mais en dépassionnant le débat. Nous n’en sommes pas à construire un régime avec un état d’urgence au détriment de nos droits, encore que les changement législatifs récents rognent quelques principes fondamentaux, comme la présomption d’innocence, ou la prééminence de l’exécutif sur le judiciaire.

Le politique et le religieux ont toujours été et seront toujours sources de conflits. C’est pour ces raisons que depuis sa fondation, la Franc-maçonnerie s’interdit toute controverse politique ou religieuse. L’idée étant de travailler sur ce qui rassemble et non ce qui sépare. Ou encore « bâtir des ponts plutôt que des murs entre les hommes ». Néanmoins, cela ne doit pas nous empêcher de garder une certaine vigilance : antisémitisme et antimaçonnisme sont deux mécanismes de haine subtilement intriqués, et les mouvements intégristes, quels qu’ils soient dirigent toujours leur haine et le ressentiment de leurs ouailles vers (dans le désordres) : les juifs, les francs-maçons et les homosexuels.

A ce propos, je m’inquiète du tournant politique que prennent les réponses à ces violences. Bien que nous disposions d’un arsenal judiciaire et juridique suffisant (je me base sur une chronique rédigée par l’avocat Emmanuel Pierrat), nos députés risquent de devoir voter une loi réprimant l’antisionisme. Alors que sont le sionisme et l’antisionisme ? Question complexe, qui doit être laissée aux spécialistes. Toutefois, il y a avec le sionisme une question politique et je crains que cette éventuelle nouvelle loi n’établisse une espèce de délit d’opinion. Je crains en effet qu’on ne puisse plus porter un regard critique sur la politique de l’état d’Israël sous peine de sanction. Et là, il y aurait une véritable raison de s’indigner.

J’ai dit.

L’école, l’université? Tristes modèles pour nos tenues

Tu as aimé l’école, ou l’université ?
Alors profite de tes tenues
mais réfléchis

Je suis stupéfait quand je compare une tenue maçonnique à une classe française, celle que nous avons connue quand nous étions enfants. Tout ce qui s’est passé, lors de notre scolarité, dans notre enfance et, en partie, dans notre adolescence, nous a façonnés Ne pas s’étonner si une tenue reproduit plusieurs traits d’une salle de classe. Et que telle obédience propose une université et une académie maçonnique. Le moule est en airain !
Quand la tenue maçonnique est arrivée en France, elle a vite été transformée avec les caractéristiques de notre pays. Pour le meilleur et pour le pire. Il reste que ces modifications ont fait des rites de ce style français une véritable Voie initiatique Or ce n’est pas ce que je pense de la maçonnerie anglo-saxonne, gelée en 1813 , coincée dans le vieux texte fondateur et vieilli de James Anderson.
Pour le meilleur, nous avons ajouté le plateau de l’Orateur, la circumambulation, le tableau de loge, les planches…ce qui me fait dire que notre Voie est susceptible de survivre à l’effondrement socio-écologique annoncé par les scientifiques. Mais à condition de se réformer. 
Car elle traîne encore le pire : des pratiques et une méthode d’enseignement, oui je dis bien d’enseignement, complètement obsolètes. Mais comme nous avons été formatés à l’école, nous nous posons même pas la question de ce qu’elle a fait de nous. Du moins pour-la plupart d’entre nous qui ne sommes pas des réformateurs fougueux de la pédagogie de l’Éducation nationale. Mais c’est un autre sujet.
Remarquons quand même que l’enseignement, la pédagogie du temps jadis (L’instituteur sous la IIIème République, par exemple) fut une fierté de la France ; le modèle s’ancra si bien dans notre pays qu’on ne peut s’empêcher d’y souscrire toujours ! Et ces phares de l’humanité que nous, Maçons, prétendons être répètent inlassablement les mêmes schémas pédagogiques. Démonstration avec une tenue maçonnique de style français ;
Le « Connais-toi toi-même ». ? Il nous est de plus en plus recommandé. Fort bien . Alors commençons par ce qui nous a formés et, à partir de là, prenons du recul sur les méthodes d’éducation. Pourquoi ? Jeunes, nous ingurgitions sans, évidemment à cet âge, les remettre en cause. Le modèle devint la base de nombre de nos valeurs et le socle caché de plusieurs de nos comportements. Et, entre autre, dans notre fameuse «’transmission » maçonnique que nous chantons sur tous les toits ! Et qui se déroule, en bonne partie, selon le modèle de l’enseignement scolaire.
Prenons des exemples très concrets, loin de ces premières grandes déclarations. Ils s’observent dans 90% des loges de style français. (Elles peuvent être hors de France)

• Le maître, dans l’école, est juché sur l’estrade . Pourquoi ? Pour voir tous les élèves. Tiens donc : le Vénérable est lui aussi hissé sur une estrade mais on en rajoute : de trois marches., c’est encore plus fort. D’ailleurs le nombre 3 ne s’impose-t-il pas à nous tous ? Je veux bien le croire mais je sens qu’en fait c’est pour démontrer subrepticement qu’il est le détenteur de l’autorité. D’ailleurs on lui octroie le superlatif de « Vénérable » À ce propos, je me demande toujours ce que vient faire le Secrétaire à côté de lui, à l’Orient. Cela est une autre histoire., ; sans grand rapport avec la salle de classe. Continuons.

• Dans la cour de récréation, les surveillants veillent au bon ordre : pas de risques de bagarres, de dangers et de troubles de toutes sorte. Je ne fais pas un dessin. Or les « Guardians » de la tradition anglaise sont devenus, modèle français oblige, des « Surveillants ». On ne cache pas qu’une grande partie de leur rôle est effectivement de surveiller leur colonne . On ne bavarde pas en classe.

•Au bout d’une heure, il est réputé bon pour les gosses qu’ils se détendent. Ils vont alors en récréation. j’ai vécu, dans plusieurs loges, une « récréation » pour ordonner une suspension temporaire des travaux. Sans rire !

•Quand on est un bon élève, on est félicité. Eh bien, malgré des rectifications mille fois dites, nous entendons des Frères, des Sœurs « féliciter » celui ou celle qui vient de plancher. Avec cette sinistre confusion des Maçons qui affirment qu’on ne remercie pas en franc-maçonnerie. Alors que les travaux scientifiques (1998, psychologie positive) démontrent sans discussion le contraire :il faut sans cesse avoir de la gratitude : remercier ; cela fait du bien aux deux et concourt à la fraternité. Mais il ne faut pas, en tenue, féliciter, corriger, bref juger. Cela, en effet, instruit une relation inégalitaire, loin de nos valeurs

•Dans la salle de classe, quand un élève doit parler, pour réciter, par exemple, il va au tableau, sous les regards des élèves et du maître. Et chez nous ? Nous montons sur l’estrade de l’Orient et, dans beaucoup de cas, l’Orateur est délogé et nous prenons sa place. Comment sommes-nous si confus que nous osons virer l’Orateur qui représente la Loi, dans tous les sens du terme, pour le remplacer par un conférencier ? Le soin et le loi sont les deux piliers psychiques du jeune enfant. Comment, adulte, se passer de l’un ?

• Le Frère, la Sœur conférencière prend la parole. Le modèle universitaire s’impose subrepticement. Il s’agit de bien parler. Celui qui bafouille hésite est réputé de qualité médiocre. Alors qu’avons-nous choisi pour être sûr de très bien parler, sans blancs, sans trébucher, sans redites ? 
Simple :il suffit de lire un texte que l’on a préparé chez soi. Si possible, mais ce n’est pas hélas ! toujours le cas, en « y mettant le ton ». Tiens je croyais que nous ne savions ni lire, ni écrire. « Mais c’est pour les Apprentis » me rétorque-t-on. Ah bon ?

• Le modèle universitaire, celui qui est pseudo-savant, n’a pas fini de nous enchaîner. Il s’agit de paraître érudit, très au courant, de citer des auteurs. Bref faire une démonstration solide. À cette condition, on peut donner un avis personnel. C’est encore très répandu dans nos loges. À mon sens, l’avenir est ailleurs.

• Enfin, quand il s’agit d’aller dans la classe supérieure, il faut avoir prouvé que l’on est au niveau requis. Même chose chez nous avec les planches d’évaluation, en fin d’apprentissage, de compagnonnage pour passer Maître. Il faut prouver à la loge que l’on connait bien le rituel de son degré et que l’on sait répondre correctement aux questions

Au total huit caractéristiques communes entre la classe et la tenue.
Alors que faire ? Certains s’écrieront que c’est un usage et qu’il ne faut surtout pas le changer. D’ailleurs ne fonctionne-t-il pas très bien ? D’autres, et j’en fais partie, aimeraient bien se dégager de plusieurs de ces empreintes inconscientes et qui nous meuvent à notre insu. Pourquoi ? Parce qu’elles brident la vie et la qualité humaine de nos tenues. Voici quelques exemples que. je te soumets et qui me semblent préfigurer l’avenir mais je peux complètement me tromper. Je ne ferai pas ici de longs commentaires ; je liste simplement
Changer le titre de « Surveillant » et préférer « Gardiens ». Ne pas déloger l’Orateur.
Éviter les planches qui se prétendent savantes, et pesamment historiques. Ne pas féliciter mais remercier souvent. Plus de récréation. Ne pas lire un texte. Si nous voulons mieux nous connaître et nous aimer, soyons spontané. Dans un rite, le plancheur » parle entre les colonnes . C’est un progrès, à mes yeux, gigantesque qui préfigure l’avenir de la Voie.
Toutefois je garde l’estrade avec les trois marches, les planches de passage, le silence sur les colonnes qui me semblent avoir des racines profondes dans nos esprits
.Et surtout, je garde jalousement la triangulation de la parole , cette trouvaille extraordinaire de la Maçonnerie. Je n’en touche pas une miette. Tiens, je remarque que cette méthode, elle, ne vient pas de la scolarité mais du génie intuitif de nos anciens. Qu’ils en soit chaudement remerciés !

L’étrave et le cap – Par Jacques Fontaine –

Ecoutez le chapitre 1 de “L’étrave et le cap” : Comment se préparer pour demain ?

Editions LOL (2017)

Pour commander le livre en ligne sur Amazon : http://www.editions-lol.com/parutions…

La Franc-maçonnerie vivra-t-elle encore dans quinze, vingt ans ? N’est-il pas temps de s’en préoccuper dans une époque où tout va de plus en plus vite, où le changement devient permanent ? Pour les plus jeunes d’entre nous, et pour tous ceux et toutes celles qui transmettront à leur tour, la lumière. On peut osciller entre deux positions extrêmes. La tradition maçonnique est d’airain pur ; elle est trop solide pour disparaître, car ses finalités et ses valeurs n’ont pas d’âge. Il convient donc de ne toucher à rien. Et, en face, l’on peut entendre : Les valeurs maçonniques sont certes essentielles mais devenues banales. Ne fondent-elles pas les convictions actuelles de l’Homme occidental, au moins ? La Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 est devenue la référence. Les valeurs de l’Ordre n’en disent pas plus. En outre, ses rites sont d’une autre époque, charmants et caducs. Comme nous l’apprenons en Loge, il est opportun de choisir l’hypothèse la plus réaliste et la mieux fondée. N’est-ce pas la tâche de la Chambre du Milieu, que de s’atteler à la recherche de ce fameux milieu, pour ajuster les propos et dessiner le troisième point ?

Dans la collection Les Cahiers maçonniques de Jacques Fontaine