mar 16 décembre 2025 - 08:12
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Journées européennes du patrimoine 2025 : Ouvrir les Temples, compter les pas

Cette année, nous sortons des Journées européennes du patrimoine avec un sentiment mêlé. En amont, canaux officiels et réseaux sociaux – grand public : Facebook, Instagram, X (ex-Twitter), Threads ; vidéo : YouTube ; pro & réseaux d’affaires : LinkedIn – ont bruissé d’invitations, de teasers et de vidéos.

Plusieurs Obédiences, au-delà de quelques articles dans la presse quotidienne régionale, ont multiplié annonces et prises de parole, jusque sur des radios à la veille du week-end, afin d’ouvrir largement les temples et d’inviter le public au dialogue.

Facebook GODF 22 septembre 2025

Le Grand Orient de France, de son côté, publiait un programme étendu par villes et Loges. Le Droit Humain relayait ses accueils et visites. La Grande Loge Féminine de France annonçait une journée de portes ouvertes commentées. Bref, une présence soutenue et très visible, destinée à capter l’attention du plus grand nombre de profanes.

À l’heure où nous écrivons, le Grand Orient de France a, lui, publié un premier bilan : 1100 visiteurs au Musée de la Franc-maçonnerie et un grand nombre de profanes à la découverte des temples de l’Hôtel Cadet, sous les auspices de la fraternité, de la concorde et de la paix.

C’est une bonne pratique à saluer. Pour les autres obédiences, aucun retour chiffré consolidé n’a encore été rendu public. En 2022, la GLDF avait communiqué après coup, images et témoignages à l’appui ; signe qu’un « retour d’expérience » est possible quand on le veut.

Où sont les bilans 2025 ? Alors posons calmement l’équerre sur la table :

le bruit n’a jamais fait de bien.

Si la foule n’est pas venue partout comme espéré, cherchons des causes plutôt que des boucs émissaires.

GLDF, musée – « musée de France »

Des causes possibles :

  • Saturation de l’offre : le week-end JEP concentre une profusion d’événements concurrents (archives, musées, écoles d’art, monuments nationaux), dont la puissance d’attraction dilue mécaniquement le flux ;
  • Message trop “interne” : nos annonces parlent souvent notre langue maçonnique ; elles enthousiasment les initiés, intriguent moins les familles et les curieux qui cherchent d’abord une promesse culturelle claire, un récit, une expérience ;
  • Distance symbolique : ouvrir une porte ne suffit pas, encore faut-il donner la clef. Certains formats restent perçus comme cérémoniels ou “en surplomb”, quand le public attend du sensible, du pédagogique, de l’immersif ;
  • Calendrier et géographie : des Temples très attractifs existent… mais parfois hors des flux naturels de promenade patrimoniale. Sans passerelles avec les institutions voisines, on se prive d’un ruissellement de visiteurs ;
  • Communication “push” sans preuve sociale : beaucoup d’annonces, peu d’aperçus concrets avant/après, peu de chiffres, peu d’histoires de visiteurs – donc peu d’effet d’entraînement.
GLDF, musée – « musée de France »

Des pistes très concrètes pour 2026

  1. Un récit grand public par site. Pour chaque Temple ouvert, une promesse simple : “ce que vous allez voir, apprendre, ressentir en 20 minutes”. Afficher dès juin un mini-parcours illustré, avec un objet-totem par ville.
  2. Des formats “main à la pâte”. Ateliers symboles pour enfants, mini-conf’ “démonter un rituel” en langage clair, cabinet de réflexion reconstitué à explorer, storytelling d’objets.
  3. Des coalitions locales. Coprogrammer avec un musée voisin, un office de tourisme, une médiathèque, pour s’inscrire dans les circuits JEP déjà très fréquentés.
  4. La preuve par le vécu. Avant l’événement : vidéos courtes “1 minute dans le Temple”, prises de parole d’un guide, d’un voisin, d’un visiteur de l’an passé. Après : un bilan public en 72 heures, même modeste, avec chiffres, photos, verbatims.
  5. Horaires et flux intelligents. Créneaux early-bird (lève-tôt) et fin de journée, file rapide “familles”, réservation gratuite time-slot (créneau horaire) – mais les agences de communication ayant tendance à légèrement abuser des termes anglais… – quand c’est possible.
  6. Accessibilité et médiation. Panneaux bilingues FR/EN, livret de visite clair, signalétique “avant/après” dans la même rue, QR codes vers une page d’explications simples.
  7. Un ton d’hospitalité. Moins de slogans, plus de gestes : montrer l’atelier, la bibliothèque, la mémoire des lieux. Que la Loge apparaisse comme maison ouverte et non comme musée figé.
  8. Mesurer pour progresser. Un tronc commun d’indicateurs (visites, taux de remplissage, questions les plus posées, retombées presse/réseaux) publié par chaque obédience, consolidé ensuite par la rédaction de 450.fm.
GODF – Hall Léon Bourgeois

Ce qui a bien fonctionné… Capitalisons !

Les teasers vidéo et invitations directes du Grand Maître GLDF ont donné un visage, une voix, un cap. Les pages événements de la GLDF, du GODF, de la GLFF et du Droit Humain montrent qu’une programmation lisible. Préservons cet élan… mais joignons-y le retour d’expérience public et partagé.

Nous ne plaidons pas pour le retrait, encore moins pour la discrétion honteuse. Nous plaidons pour la justesse. Dans nos Temples, la lumière se lève sans vacarme. Faisons de même dans l’espace public : moins de tambours, plus de musique. Ouvrons grand, expliquons mieux, accueillons autrement, et surtout rendons des comptes. C’est ainsi que la curiosité profane devient rencontre, et que la rencontre devient confiance.

GODF, musée de la franc-maçonnerie – « musée de France »

Nota bene éditorial : si le ministère de la Culture publie traditionnellement un “retour sur les temps forts” national, il ne remplace pas les bilans maison des Obédiences.

À elles de jouer et à nous de relayer.

Équinoxe d’Automne : le jour où la lumière s’éloigne

De notre confrère expartibus.it – Par Rosmunda Cristiano

Chaque année, au retour de l’équinoxe d’automne, des rites sont célébrés, des discours sont prononcés, des passages banals et éculés de textes classiques sont cités, des formules latines qui ont désormais perdu tout leur mordant sont répétées. C’est comme si l’équinoxe était un décor de théâtre, à monter et à démonter de manière cyclique, sans vraiment ébranler le cœur de ceux qui le vivent. Mais n’est-ce pas précisément là le danger ? Transformer le vivant en liturgie automatique, le radical en habitude ?

L’équinoxe d’automne n’est pas une carte postale saisonnière anodine. C’est une coupure nette, une fissure dans le temps qui démasque l’homme. C’est le moment où la lumière recule et où l’obscurité s’installe, nous rappelant brutalement que la vie n’est jamais un bien acquis mais une conquête fragile, continuellement remise en question.

Beaucoup parlent de l’équinoxe comme du jour de l’équilibre , un équilibre qui évoquerait une harmonie paisible. Mais c’est une illusion domptée. L’équilibre que l’équinoxe nous impose est comme un couteau sur une lame : précaire, instable, prêt à céder.

C’est un équilibre troublant, car il révèle que la stabilité est toujours temporaire, jamais définitive.

En qualité moyenne, c’est un manet rare.

La vertu se trouve au milieu, mais y reste rarement.

Le franc-maçon qui se trompe en pensant avoir atteint l’équilibre intérieur grâce à son voyage initiatique commet une erreur présomptueuse. L’équinoxe lui rappelle que la véritable recherche n’est jamais une possession mais un processus et que toute conquête est vouée à l’échec. Il est trop facile de réduire l’automne à un déclin, à une lente descente vers l’hiver, vers le sommeil, vers la mort symbolique.

En réalité, l’automne est la seule saison qui ne ment pas : elle ne prétend pas être en croissance comme le printemps, elle ne se berce pas d’illusions sur l’éternité comme l’été, elle ne se cache pas dans l’obscurité totale comme l’hiver. L’automne est le miroir qui révèle la dure réalité du cycle : chaque fruit mûr porte en lui sa fin. Chaque récolte, aussi abondante soit-elle, est déjà marquée par le temps qui la consume.

Pour le Franc-Maçon, cette prise de conscience est à la fois dévastatrice et libératrice.

Dévastateur car il démolit la rhétorique consolatrice de la mère nature, toujours bienveillante. Libérateur parce qu’il nous invite à regarder notre chemin avec lucidité : la maturité n’est pas l’antichambre du repos, mais le règlement de comptes avec nos ombres, avec les œuvres inachevées, avec les incohérences que nous avons accumulées. Il n’y a pas de juge extérieur. Il n’y a pas de divinité pour établir un équilibre.

L’équinoxe d’automne est le tribunal intérieur où nous sommes contraints d’examiner le poids de nos choix, de nos silences, de notre lâcheté. La balance n’est pas un symbole abstrait, mais l’organe sensible de notre esprit : elle mesure ce que nous avons fait et, surtout, ce que nous avons évité de faire.

Un franc-maçon participant à une célébration équinoxiale devrait en ressortir bouleversé, perturbé, incapable de reprendre sereinement ses habitudes . S’il en ressort seulement rassuré, le rite aura été un échec. L’automne est souvent associé à l’obscurité qui s’installe, presque comme une menace. Mais la véritable menace n’est pas l’ombre : c’est l’attachement aveugle à la lumière.

Les ombres ne mentent pas, mais la lumière, si. La lumière aveugle quand elle devient une habitude, quand on ne la remet plus en question. La descente des ténèbres, au contraire, est une invitation à reconsidérer nos certitudes, à mettre en lumière ce que la lumière continue d’obscurcir.

Le Maçon ne doit donc pas craindre la nuit grandissante : il doit plutôt s’inquiéter de sa propre réticence à la traverser.

L’équinoxe d’automne, pris au sérieux, n’est pas une célébration, mais un acte de rébellion contre la somnolence spirituelle. C’est un rappel qui nous empêche de nous reposer dans notre propre lumière et nous force à descendre sans cesse dans les profondeurs.

C’est pourquoi, peut-être, il ne faudrait même pas le célébrer avec des ornements excessifs : cela risquerait de distraire. Peut-être devrait-il être vécu en silence, dans la solitude, comme un défi personnel, loin des paroles déjà prononcées par d’autres.

Je ne vous demande pas de contempler poétiquement les feuilles qui tombent. Je ne vous demande pas de citer des textes canoniques. Je vous le demande : de quoi lâchez-vous prise aujourd’hui ? Quels masques, quelles illusions, quelles certitudes décidez-vous de sacrifier ?

Car l’équinoxe n’est pas extérieur, mais intérieur. Ce n’est pas le soleil qui se couche : c’est vous qui devez vous coucher. Ce n’est pas la nuit qui avance : ce sont vos défenses qui doivent s’effondrer. Si l’équinoxe de cette année ne vous met pas mal à l’aise, s’il ne vous fait pas trembler au moins un peu, alors vous ne l’avez pas vécu. Vous ne ferez que participer à un rituel vide de sens.

Ritus sine spiritu mortuus est.

Le rite sans esprit est mort.

27/09/25 – Temple ouvert à la GLFF : une invitation à découvrir la Franc-maçonnerie féminine

Sceau GLFF

Le 27 septembre 2025, à 14h00, la Grande Loge Féminine de France ouvrira exceptionnellement ses portes au public à Paris, lors de l’événement Temple Ouvert. Cet événement unique offre une opportunité rare aux profanes, et notamment aux femmes, de découvrir l’univers de la franc-maçonnerie féminine et d’assister aux travaux des Francs-maçonnnes. Loin d’être une simple vitrine, cette manifestation permet d’observer des planches authentiques, présentées par leurs auteures, telles qu’elles sont réalisées en loge, suivies d’échanges avec le public.

Un programme riche et diversifié

L’événement se décline en plusieurs ateliers thématiques, chacun se tenant dans un « Temple » distinct :

  • Temple 2 : La Rencontre, Hasard ou Destin ?
    Cette session explore la notion de rencontre et d’altérité, avec une plongée musicale et historique dans l’émergence du jazz et de la franc-maçonnerie noire dans l’Amérique ségrégationniste.
  • Temple 3 : Engagement Initiatique et Engagement Citoyen
    Ce thème interroge le lien entre l’engagement personnel et la citoyenneté, soulignant une dynamique réciproque. Une réflexion sur les « Barbares » complète le propos : une figure universelle, où chacun peut être le barbare de quelqu’un d’autre.
  • Temple 4 : Fraternité
    Inspirée par Victor Hugo (« La liberté c’est le droit, l’égalité c’est le fait, la fraternité c’est le devoir »), cette session aborde la fraternité comme un devoir, enrichie par une exploration de la musique, de la science et de l’égrégore, citant Oscar Wilde : « La musique met l’âme en harmonie avec tout ce qui existe. »

Modalités pratiques

GLFF, rue du couvent

L’événement se tiendra au 4, cité du Couvent, 75011 Paris, accessible via le métro Charonne ou les bus 46, 56 et 76. L’inscription est obligatoire et doit être effectuée par email à temple.ouvert.75@gmail.com, en précisant le numéro du Temple choisi. Un contact téléphonique (06 80 92 97 25) est également disponible pour plus d’informations.

Une Occasion de Mieux se ConnaîtreTemple Ouvert n’est pas une simple exposition, mais une invitation à dialoguer et à mieux comprendre les valeurs et les réflexions portées par la Grande Loge Féminine de France. Cet événement promet d’être un moment d’ouverture et d’échange, dans un cadre à la fois solennel et accessible.

Ne manquez pas cette occasion unique de découvrir la franc-maçonnerie féminine de l’intérieur !

La Suisse maçonnique : derrière la porte discrète des Temples…

Nous avons d’abord voulu remercier le Groupe de Recherche Alpina (GRA) qui nous a conviés à célébrer le jubilé de ses quarante ans. La journée s’est déployée sous le signe du partage fraternel, avec un conférencier allemand, un conférencier belge, un conférencier suisse et un conférencier français.

Masonica GRA
Masonica GRA

En tant que membre de la Grande Loge de France, nous avons été très honoré de prendre la parole et d’apporter notre pierre à cet anniversaire de travail et de mémoire.

Blason GLDF
Blason GLDF

Il nous plaît de rappeler ici les liens qui unissent la Respectable Loge Jean Scot Érigène n°1000, Loge de recherche de la Grande Loge de France, et le Groupe de Recherche Alpina, avec lequel nous avons conclu une convention qui rend nos échanges plus féconds et plus réguliers.

Le matinée s’est ouverte sur une rétrospective qui retraçait quarante années d’histoire et d’activités du GRA, déjà si riches et si structurantes. Puis un panorama des travaux et des publications des organismes de recherche maçonnique d’Europe continentale a permis de mesurer l’ampleur des chantiers menés en Allemagne, en Suisse, en France et en Belgique. Nous sommes ensuite intervenu sur le thème « Presse et Franc-Maçonnerie, un dialogue conflictuel », pour questionner les malentendus récurrents, les représentations depuis trois siècles, et les voies d’un rapport plus juste entre le secret initiatique et l’espace public.

logo-GRA-Alpina
logo-GRA-Alpina

Si des ouvrages ont été publiés en France comme en Belgique pour donner à voir la beauté de nos Temples, celui que nous présentons ici, paru en 2014 en Suisse, demeure trop peu connu. Nous espérons contribuer à mieux faire connaître les demeures intérieures de nos très chers Frères suisses et l’intelligence symbolique de leurs architectures. C’est à cette porte discrète que nous frappons maintenant, pour entrer avec mesure et reconnaissance.

Derrière elle, la Suisse maçonnique se déploie comme une constellation de maisons intérieures. Nous avançons dans des espaces où chaque ligne a valeur de conduite morale, où la lumière est réglée comme une respiration, où les objets cessent d’être des objets pour devenir des compagnons. L’équerre n’est pas posée pour faire signe, elle tient la douceur d’une droiture qui n’humilie pas. Le compas n’est pas ouvert pour le décor, il protège une ouverture qui ne se disperse jamais. Ce livre nous apprend à lire un Temple comme une grammaire du cœur, à écouter le pavé mosaïque comme une musique du pas, à reconnaître dans les colonnes non des masses mais deux personnes de pierre qui veillent au devenir de l’âme.

La Suisse révèle ici sa manière propre d’habiter l’initiation. Nous percevons une rigueur qui ne glace pas, une sobriété qui n’appauvrit rien, une pudeur qui refuse l’ostentation sans jamais renoncer à la beauté. Les salles paraissent simples et pourtant s’approfondissent en systèmes très précis. L’Orient recueille l’aurore, l’Occident garde la mémoire du couchant, la voûte étoilée ramène l’Atelier sous le ciel. Les dais racontent l’autorité comme un service, les bannières condensent l’âme d’une loge en une image qui oblige. Les restaurations successives, les motifs retouchés ou conservés disent la fidélité vivante d’une tradition qui change pour rester elle-même. Nous ne visitons pas un musée, mais un organisme qui respire à la mesure des travaux.

L’Union des Cœurs

Le volume présente 24 loges maçonniques suisses parmi les plus remarquables par leur architecture et leur décor. Chaque atelier bénéficie d’un texte historique et descriptif accompagné de photographies récentes, soit 267 illustrations, qui permettent de saisir l’équilibre subtil entre la permanence du rite et l’inventivité des lieux. Certaines loges se lèvent comme des pierres d’angle. À l’Orient de Genève, L’Union de Cœurs relie l’intériorité du Temple à l’humanisme de la cité.

Blason de Neuchâtel

À celui de Neuchâtel – citée pour la première fois en 1010 –, La Bonne Harmonie manifeste jusque dans l’équilibre des volumes la rencontre de la rigueur géométrique et de l’accueil fraternel. À Lausanne – quatrième ville du pays en nombre d’habitants après Zurich, Genève et Bâle –, La Liberté proclame dans son nom même un programme, et son architecture épurée oriente vers l’avenir. À l’Orient de La Chaux-de-Fonds – commune fondée en 1656 et renommée pour son horlogerie et sa microtechnique –, L’Amitié transforme le Temple en cadran spirituel où chaque frère règle sa marche sur le temps juste de la conscience. À noter que le bâtiment daté de 1845 est classé monument historique par le canton et la Confédération.

Temple de la Loge L’Amitié

La photographie accompagne ce dévoilement avec patience et respect. Elle cadre, recule, approche, sans fétichiser. Le noir et blanc restitue la structure, la couleur souligne la densité du présent. Regarder devient exercice, presque ascèse. Les portes enseignent la pudeur d’entrer, le parvis fait taire la vanité, les marches imposent lenteur, les emblèmes bibliques pacifient la mémoire religieuse et l’ouvrent à l’universel. Nous sortons convaincus qu’un Temple bien construit soutient la liberté plus sûrement que bien des discours.

L’ouvrage rappelle une évidence que nos débats oublient parfois : la précision des lieux. Placer un siège, régler une lumière, déposer un maillet, déplier une bannière, cela relève d’une discipline intérieure. L’architecture maçonnique n’est pas une allégorie plaquée mais un équipement de la conscience, une école de l’allure, une discipline du souffle. La discrétion helvétique n’efface rien, elle protège la flamme du spectaculaire inutile.

GROUPE DE RECHERHCE ALPINA SUISSE

Catherine Courtiau, historienne de l’art, et Michael Leuenberger, collaborateur scientifique de la Société d’histoire de l’art en Suisse, signent ici un volume qui conjugue rigueur documentaire et sensibilité initiatique. Catherine Courtiau a consacré ses recherches aux programmes iconographiques et aux objets du Temple, inscrivant la franc-maçonnerie dans l’histoire des arts appliqués et des espaces sacralisés. Ensemble, ils offrent un ouvrage qui ne force pas les salles mais les écoute, qui ne plaque pas un système mais révèle une grammaire commune.

Logo SSK

Il faut aussi rappeler l’histoire de l’éditeur. La Société d’histoire de l’art en Suisse (SHAS), appelée en allemand Gesellschaft für Schweizerische Kunstgeschichte (GSK), fut fondée en 1880 à Zofingue sous le nom de « Société patriotique pour la conservation des monuments historiques ». Née du désir d’endiguer les destructions causées par l’industrialisation, elle a œuvré pour préserver les monuments, rassembler les œuvres d’art, éveiller la conscience patrimoniale et soutenir les artistes. En 1934, elle prit le nom actuel de SHAS et demeure aujourd’hui une référence dans le domaine éditorial, publiant de remarquables collections comme « Pages blanches », dont ce volume constitue le quatrième tome. Héritière d’un idéal patrimonial et artistique, la SHAS conjugue sauvegarde et transmission, conservant les traces pour mieux éclairer l’avenir.

GLSA - 1 rue du Petit-Beaulieu à Lausanne (Confédération suisse)
GLSA – 1 rue du Petit-Beaulieu à Lausanne (Confédération suisse)

Nous refermons le livre avec une paix active. La Suisse maçonnique qui s’y révèle n’est ni cachée ni exhibée. Elle habite ses maisons de l’esprit avec une justesse qui rend la fraternité praticable. Les voûtes étoilées nous enseignent l’humilité du regard, les colonnes nous soufflent la patience du temps, le pavé mosaïque nous réapprend l’égalité en mouvement. Lorsque nous retournerons à nos propres ateliers, nous emporterons cette méthode simple et haute : travailler avec mesure, accueillir sans se dissoudre, orienter sans contraindre. Alors la pierre devient maître, la mémoire devient avenir, la maison de l’homme respire à hauteur d’étoiles.

Drapeau de la Suisse
Drapeau de la Suisse


Loges maçonniques de Suisse, architecture et décors

Catherine Courtiau et Michael Leuenberger

Société d’histoire de l’art en Suisse (SHAS/GSK), coll. Pages blanches, 2014, 192 pages, 267 illustrations – Édition bilingue allemand-français, CHF 80 – (CHF 65.– pour les membres de la SHAS) – ISBN 978-3-03797-132-1

Le Mythe de Jason

 Prologue : Le Rhêtôr prend la parole

Je suis celui qu’on appelle le tribun. Pas un historien, pas un poète, pas un philosophe, mais un peu de tout cela, selon les jours et les vents. J’ai vu le mythe de Jason traverser les âges, se parer de gloire, de mystère, de symboles. Et j’ai décidé de le raconter.

Exposition au Musée Gregoriano Etrusco – Musées du Vatican.

Non pas pour le célébrer aveuglément, mais pour l’interroger avec tendresse, pour le regarder avec un œil amusé, parfois sceptique, toujours curieux.

Car le mythe, voyez-vous, est une chose étrange. Il prétend expliquer le monde en le rendant encore plus opaque. Il fascine, il traverse les siècles, il se réinvente, mais il ne supporte pas qu’on le regarde de trop près.

Alors, asseyez-vous. Écoutez. Et si vous le voulez, pensez.

Et souvenez-vous : Jason entre dans le récit avec une seule sandale. Un pied nu. Un lacet manquant. Ce n’est pas un fil qu’on suit, c’est une corde qu’on tient, tendue entre le grotesque et le sacré.

Le miroir et le Soleil : quand le symbolisme flirte avec le poétique

Joseph Kuhn-Régnier, Jason et Médée, dans Contes et légendes mythologiques, 1936.

Le miroir, dans le mythe, devient un objet sacré. Il reflète le Soleil, pas celui qui tape sur les transats, non, l’autre : le Soleil initiatique, celui qui éclaire les âmes.

Pourquoi un miroir ? Pourquoi pas une loupe, ou une lanterne ? Socrate aurait demandé : « Et que reflète-t-il, sinon nos propres illusions ? »

Le miroir devient passage, seuil, révélateur. Il capte la lumière et la renvoie, comme si la vérité pouvait se refléter sans se déformer. Mais peut-on vraiment croire qu’un simple objet puisse contenir l’éclat du divin ?

Montaigne aurait souri : « Nous prêtons aux choses plus de sens qu’elles n’en ont, pour mieux supporter notre ignorance. »

Et puis, il y a cette idée que le miroir nous regarde autant qu’on le regarde. Le mythe devient alors une surface réfléchissante : on y cherche des dieux, on y trouve des fragments de soi.

C’est peut-être cela, le piège du mythe : il nous promet l’universel, mais nous renvoie l’intime.

Et dans ce reflet, parfois, on aperçoit un pied nu, une sandale orpheline, un héros qui avance sans être tout à fait attaché au monde.

Jason, la Toison et les grandes questions

Jason, donc. Un héros en quête de la Toison d’Or. Déjà, le nom intrigue : pourquoi une toison ? Pourquoi d’or ? Et pourquoi suspendue dans un arbre gardé par un dragon insomniaque ?

On est à mi-chemin entre le conte pour enfants et le scénario d’un jeu vidéo. Diogène, depuis son tonneau, aurait levé les yeux : « Tout ça pour une peau de mouton ? »

Mais le mythe ne s’embarrasse pas de logique. Il avance, porté par la nécessité de croire que tout a un sens, même les péripéties les plus extravagantes.

Jason embarque sur l’Argo, entouré de héros aux talents variés, certains utiles, d’autres franchement anecdotiques. Héraclès cogne, Orphée chante, et les autres rament.

Montaigne aurait dit : « Nous sommes tous en mer, mais certains rament avec plus de style. »

Le navire, lui, est un personnage à part entière. Cinquante rameurs, une poutre qui parle, une coque blanche comme la pureté. On dirait une métaphore ambulante.

Le bateau devient yoga, discipline, structure mentale. Mais Jason, lui, semble moins préoccupé par la symbolique que par l’arrivée.

Il vogue, il avance, il espère, sans trop se demander ce qu’il cherche vraiment.

Et toujours, ce pied nu, ce lacet défait, comme une promesse de déséquilibre.

La Colchide, Médée et les raccourcis magiques

Arrivé en Colchide, Jason rencontre Médée. Là, le mythe bascule dans le théâtre. Médée, magicienne, amoureuse, stratège.

Elle résout les épreuves, trahit sa famille, et offre la Toison comme on offrirait un trophée à un joueur distrait.

Pascal aurait murmuré : « Le cœur a ses raisons que la raison ignore. »

Et Jason, lui, semble ignorer les raisons du cœur, du devoir, et parfois même du bon sens.

Le dragon est endormi, les taureaux domptés, les dents semées, mais tout cela grâce à Médée.

Jason ne combat pas, il délègue. Il ne conquiert pas, il reçoit. Et pourtant, il est acclamé comme héros.

Socrate aurait demandé : « Peut-on être héros par procuration ? »

Mais le mythe ne s’attarde pas sur ces détails. Il célèbre la victoire, même si elle est empruntée.

                              Médée

Il glorifie l’arrivée, même si le chemin est escamoté.

Et Médée, elle, devient l’ombre de cette gloire, une ombre qui finira par se venger.

Médée noue les fils là où Jason laisse pendre les siens.

Peut-on être héros quand on ne tient pas la corde de sa propre quête ?

Le souffle et la parole : quand le GADLU murmure au Rhêtôr

Jason sur une fresque antique de Pompéi.

Et puisque c’est moi qui raconte, laissez-moi vous livrer ce que j’ai vécu, non pas un événement, mais une révélation.

Ce jour-là, sur une place de pierre, sous un ciel trop bleu, je me suis levé. J’étais tribun. J’étais orateur. J’étais celui qui parle quand les autres se taisent.

Je parlais pour magnifier Jason, pour glorifier la Toison, pour sanctifier le dragon.

Je parlais comme on peint une fresque : avec des couleurs vives, des contours nets, et une absence totale de nuance.

Mais à mesure que les mots s’élevaient, quelque chose en moi vacillait. Les images devenaient trop parfaites. Les métaphores s’empilaient comme des colonnes trop hautes.

Et soudain, dans le silence entre deux phrases, je l’ai entendu.

Un souffle.

Jason apportant à Pélias la Toison d’or, cratère apulien à figures rouges du Peintre des Enfers, 340-330 av. J.-C., musée du Louvre.

Il ne venait ni du ciel ni de la mer, mais d’un lieu sans direction, sans origine.

Il s’est glissé dans mon oreille, comme une pensée qui ne m’appartient pas, comme une voix qui ne cherche pas à convaincre, mais à éveiller.

Il ne disait pas : « Voici la vérité. »

Il disait : « Regarde autrement. »

Et alors, le mythe s’est déplacé. Il n’était plus seulement une histoire de héros, de dragons, de toisons.

Il devenait une architecture. Une géométrie sacrée. Une énigme posée à l’âme humaine.

Le souffle ne parlait pas de Jason, mais de ce qu’il portait sans le savoir.

Il ne parlait pas de Médée, mais de ce qu’elle révélait malgré elle.

Le souffle disait :

« Ce n’est pas la Toison qu’il cherche. C’est le lacet. Celui qui relie le pied au sol, le héros au monde, le sens à l’errance. »

Épilogue : Le mythe comme lacet

Jason ne meurt pas. Il s’efface. Il s’élève. Il devient ce souffle que le Rhêtôr entend parfois entre deux phrases.

Il devient cette corde tendue entre le visible et l’invisible. Il devient lumière.

Alors, que nous dit ce mythe ?

Qu’il faut se méfier des quêtes trop dorées ?

Qu’un dragon insomniaque n’est jamais une bonne idée de gardien ?

Ou que parfois, tout commence par un détail : une sandale oubliée, un lacet défait, une corde qu’on ne tient pas.

Simone Weil aurait vu dans cette histoire une soif de transcendance mal orientée.

Camus, lui, aurait salué l’absurde, ce héros qui agit sans comprendre, qui souffre sans raison, et qui s’élève sans explication.

Et moi, le Rhêtôr, je vous laisse avec une dernière question :

Et vous, que tenez-vous au bout de cette corde ? Est-ce un fil ? Un nœud ? Ou le mythe lui-même, prêt à vous entraîner ailleurs ?

Visite guidée du cimetière El Salvador avec des Franc-maçonnes

De notre confrère elciudadanoweb.com – Par Priscila KahlaPhoto : Carlos Salazar

La Franc-maçonnerie, souvent enveloppée d’un voile de mystère et de légendes, représente bien plus qu’une simple société secrète. Elle est un chemin initiatique, un espace de réflexion philosophique et un levier de transformation sociale. Au cœur de cet univers traditionnellement masculin, l’émergence des femmes maçonniques trace un sillon profond, redéfinissant les frontières d’un territoire jadis exclusivement réservé aux hommes. Cet article explore cette évolution à travers une visite guidée du cimetière El Salvador de Rosario, en Argentine, où l’art funéraire révèle les empreintes subtiles de la franc-maçonnerie.

Cette promenade n’est pas seulement un voyage physique parmi les tombes et les sculptures ; elle est une plongée dans le passé, une redécouverte d’une institution née au milieu du XVIIe siècle en Grande-Bretagne, et qui continue d’animer la société contemporaine. À l’origine, des maçons et tailleurs de pierre se réunissaient en secret pour partager des savoirs techniques de construction, sous le sceau de la confidentialité et du mystère. Ces principes perdurent dans l’imaginaire collectif, mais la franc-maçonnerie va bien au-delà : elle incarne des valeurs éternelles comme la justice, la science et le travail.

En Argentine, cette tradition s’est enracinée dès avant le milieu du XIXe siècle, influencée par des dirigeants européens, pour culminer avec la fondation de la Grande Loge Argentine des Francs-Maçons Libres et Acceptés, toujours active aujourd’hui. Des figures emblématiques comme José de San Martín, fondateur de la Loge Lautaro, Manuel Belgrano, Vicente López y Planes et Mariano Moreno y ont adhéré, transformant les loges en foyers de débat éthique et moral. Loin d’être une secte fermée, la franc-maçonnerie visait l’amélioration sociétale et a joué un rôle pivotal dans l’indépendance vis-à-vis de l’Espagne. À Rosario, cette influence discrète se lit dans l’identité locale, et la visite au cimetière El Salvador offre une occasion unique d’explorer son symbolisme funéraire, tout en honorant le chemin pionnier des femmes maçonniques.

Les origines de la Franc-maçonnerie : De la pierre brute à l’édifice spirituel

Pour comprendre l’irruption des femmes dans cet univers, il faut remonter aux sources. La franc-maçonnerie émerge en Grande-Bretagne au milieu du XVIIe siècle, dans un contexte de guerres civiles et de bouleversements sociaux. À l’époque, les corporations de maçons opératifs – ces artisans de cathédrales et de châteaux – se réunissaient en loges pour protéger leurs secrets professionnels : techniques de taille de pierre, géométrie sacrée et codes de conduite. Ces assemblées secrètes, tenues à l’abri des regards, forgeaient non seulement des compétences manuelles, mais aussi un ethos moral fondé sur la discrétion et la fraternité.

La fondation de la Grande Loge d’Angleterre en 1717 marque un tournant décisif. Cette institution unifie les loges éparpillées et pose les bases d’une maçonnerie spéculative, où les symboles de la construction deviennent métaphores de l’édification intérieure. Dès lors, les critères d’admission sont rigoureux : seuls des hommes « libres et intègres » – c’est-à-dire non asservis par des dettes ou des préjugés – peuvent franchir les portes. Les trois piliers fondamentaux – justice, science et travail – guident les rituels et les débats, transformant les loges en laboratoires d’idées progressistes. Le compas, l’équerre et le maillet, outils du maçon, symbolisent l’équilibre entre esprit et matière, aspirant à polir la « pierre brute » de l’individu pour en faire une pierre taillée, harmonieuse et éclairée.

Cette exclusivité masculine n’était pas arbitraire ; elle reflétait les normes sociétales d’une ère patriarcale, où les sphères publiques et intellectuelles étaient réservées aux hommes. Pourtant, dès les origines, des voix dissidentes murmurent : des épouses et filles de maçons participent indirectement, via des « loges d’adoption » où des cérémonies symboliques leur sont offertes sous patronage masculin. Ce n’est qu’au fil des siècles que ces murmures deviennent un torrent, particulièrement en Amérique latine, où la franc-maçonnerie s’implante comme un ferment révolutionnaire.

La Franc-maçonnerie en Argentine : Un pilier de l’indépendance et de la modernité

Photographie Carlos Salazar

L’arrivée de la Franc-maçonnerie en Argentine s’inscrit dans le sillage des Lumières européennes et des luttes pour l’émancipation coloniale. Bien avant la formalisation officielle, des loges clandestines voient le jour au début du XIXe siècle, inspirées par des exilés et des intellectuels français et anglais. José de San Martín, le Libérateur, en est un pilier : en 1812, il fonde la Loge Lautaro à Buenos Aires, un cercle secret qui réunit des patriotes pour ourdir la révolution contre l’Espagne. Parmi les membres : Manuel Belgrano, artisan de la déclaration d’indépendance et créateur du drapeau argentin ; Vicente López y Planes, auteur de l’hymne national ; et Mariano Moreno, père des idées libérales. Ces figures ne se contentent pas de rituels ésotériques ; elles transforment les loges en arènes politiques, débattant de philosophie rousseauiste, de droits humains et de gouvernance éthique.

C’est au milieu du XIXe siècle que l’institution s’unifie : en 1857, naît la Grande Loge de France d’Argentine, rebaptisée en 1883 Grande Loge Argentine des Francs-Maçons Libres et Acceptés. Cette entité, toujours florissante, compte aujourd’hui des milliers de membres et des dizaines de loges à travers le pays. Loin des caricatures conspirationnistes, les maçons argentins se consacrent à l’amélioration sociétale : éducation laïque, abolition de l’esclavage, promotion de la science. Les loges deviennent des incubateurs d’idées progressistes, influençant la Constitution de 1853 et les réformes éducatives de Domingo Faustino Sarmiento.

À Rosario, deuxième ville d’Argentine et poumon industriel du pays, la franc-maçonnerie s’enracine dès les années 1860. Des loges comme la Loge Unión del Plata ou la Loge Estrella del Sur attirent commerçants, intellectuels et ingénieurs, façonnant l’identité cosmopolite de la cité. Leur influence discrète se perçoit dans l’architecture néoclassique des bâtiments publics, dans les écoles laïques et même dans les mouvements ouvriers. Mais c’est dans les espaces funéraires, comme le cimetière El Salvador – fondé en 1855 et classé monument historique –, que cette empreinte devient tangible. Ce vaste labyrinthe de marbre et de granit, abritant les dépouilles de l’élite rosarina, regorge de symboles maçonniques : acacia immortel évoquant la résurrection, équerres et compas entrelacés pour l’équilibre moral, niveaux et maillets rappelant l’humilité face au Grand Architecte de l’Univers.

Une visite guidée, organisée par des maçons contemporains, transforme ce lieu de deuil en un musée vivant. Les sculptures, souvent dues à des artistes locaux inspirés par les idéaux maçonniques, narrent des histoires de vertu et de sacrifice. Un mausolée orné d’une pyramide tronquée symbolise l’élévation spirituelle inachevée ; une autre tombe, gravée d’un œil omniscient, invoque la vigilance divine. Ces motifs, discrets mais omniprésents, rappellent que la franc-maçonnerie n’est pas un reliquat du passé, mais une force active, tissant des liens entre hier et aujourd’hui.

Le symbolisme maçonnique dans l’art funéraire : Témoignages gravés dans la pierre

Le cimetière El Salvador de Rosario est un palimpseste historique, où chaque pierre tombale conte un chapitre de l’âme collective argentine. Lors d’une visite guidée récente, organisée par la communauté maçonnique locale, les participants – curieux, historiens et initiés – ont arpenté ses allées ombragées pour décrypter les symboles gravés dans le marbre. Ce n’est pas une simple nécropole ; c’est un sanctuaire laïque où la franc-maçonnerie dialogue avec l’éternité, à travers des sculptures qui transcendent la mort pour affirmer la vie immortelle de l’esprit.

Parmi les emblèmes récurrents, l’acacia se dresse comme un phare : cette plante résiliente, impossible à éradiquer, évoque la résurrection d’Hiram Abiff, le maître maçon assassiné dans la légende fondatrice. Sur une tombe du secteur des notables, un buisson d’acacia entoure un sarcophage, rappelant que la mort physique n’est qu’une porte vers la lumière. L’équerre et le compas, duo inséparable, apparaissent entrelacés sur des frontons : l’équerre ancre dans la rectitude morale, le compas trace les limites de l’action juste. Un mausolée familial, datant de 1880, arbore ces outils au-dessus d’une urne, invitant le visiteur à mesurer sa propre conduite face à l’infini.

D’autres symboles affluent : le niveau, instrument d’égalité, souligne l’horizontalité fraternelle ; le maillet, outil de frappe, symbolise la détermination à tailler la pierre brute de l’ego. Sur une sépulture d’un éducateur maçonnique du XIXe siècle, une colonne brisée – allégorie de la vie inachevée – s’élève vers un ciel étoilé, parsemé de la « Lettre G » pour Géométrie ou Grand Architecte. Ces motifs, souvent sculptés par des artistes initiés, ne sont pas décoratifs ; ils sont des enseignements muets, transmettant des leçons de justice et de science à travers les âges.

Cette exploration funéraire met en lumière les traces des luttes pour la liberté et l’égalité. Comme l’explique Marina González, présidente ou V.·.M.·. – Vénérable Maîtresse – de la Loge Flora Tristán n° 10 : « Lors de notre visite au cimetière, nous avons exploré et découvert des symboles, des sculptures et des monuments commémoratifs qui nous rappellent les traces des luttes pour la liberté, l’éducation et l’égalité. Des hommes et des femmes maçonniques qui partageaient nos principes et faisaient de l’enseignement un acte de transformation : ils ont ouvert la voie, défendu la libre pensée et défendu l’enseignement comme moteur de changement social. » Ces paroles, prononcées au milieu des allées silencieuses, transforment la promenade en un rituel collectif, reliant les défunts aux vivants dans une chaîne ininterrompue de transmission.

Symbole maçonniqueSignificationExemple dans le cimetière El Salvador
AcaciaRésurrection et immortalité de l’âmeBuisson entourant un sarcophage du XIXe siècle
Équerre et compasRectitude morale et limites justesEntrelacés sur un fronton familial de 1880
NiveauÉgalité fraternelleGravé sur une tombe d’éducateur progressiste
Colonne briséeVie inachevée et aspiration divineÉlevée vers un ciel étoilé avec la Lettre G
Œil omniscientVigilance et providence divineAu sommet d’un mausolée notable

L’émergence des femmes maçonniques : De l’ombre à la lumière

Si la franc-maçonnerie argentine a forgé l’indépendance, son évolution vers l’inclusion féminine reflète les mutations sociétales du XXe siècle. Traditionnellement, les loges étaient des bastions masculins, où la fraternité excluait par définition la sororité. Pourtant, des fissures apparaissent dès les années 1930 à Rosario : sous l’influence du « Rite d’Adoption », des femmes – épouses ou parentes de maçons – participent à des cérémonies symboliques, supervisées par des loges masculines. Ce rite, importé d’Europe, offrait un espace limité, presque tutélaire, où les femmes initiaient une quête spirituelle parallèle, mais subordonnée.

Ce n’est qu’en 2016 que Rosario franchit un cap décisif avec la fondation de la Respectable Loge Flora Tristán n° 10, première loge exclusivement féminine à perdurer sans interruption. Nommée en hommage à Flora Tristán (1803-1844), penseuse socialiste française et pionnière du féminisme, cette loge incarne l’émancipation. Tristán, dans son ouvrage Pérégrinations d’une paria, dénonçait l’exploitation ouvrière et plaidait pour l’égalité des sexes, des idées qui résonnent avec les idéaux maçonniques de justice et de libre pensée. « En tant que loge féminine, sa simple existence est un acte de visibilité des femmes dans un domaine historiquement réservé aux hommes », souligne Marina González.

Aujourd’hui, la Loge Flora Tristán compte une vingtaine de membres, issues de divers horizons : enseignantes, artistes, professionnelles et retraitées. Elle n’est pas un ghetto ; elle est un laboratoire de sororité, où l’âge, les professions et les trajectoires se croisent pour tisser des réseaux de soutien et de mentorat. Marina González précise : « Nous souhaitons élargir l’accès des femmes aux espaces de formation symbolique et philosophique. Une loge féminine sert également de lieu de rencontre pour des femmes d’âges, d’horizons et de professions différents. Cela renforce les réseaux de soutien, de mentorat et de sororité, ce qui a un impact sur le développement personnel de ses membres et de la communauté environnante. » Ces échanges ne se limitent pas aux rituels ; ils débordent dans des ateliers sur l’éthique féministe, des lectures collectives de philosophes comme Simone de Beauvoir ou Olympe de Gouges, et des projets solidaires.

Cette intégration n’est pas isolée : en Argentine, des obédiences mixtes comme le Droit Humain, fondé en 1893 à Paris par Maria Deraismes, gagnent du terrain. À Rosario, des loges comme Flora Tristán affiliées à la Grande Loge Féminine de France pavent la voie pour une maçonnerie inclusive. Les défis persistent – préjugés persistants, rituels adaptés –, mais les bénéfices sont immenses : une voix féminine amplifie les débats sur l’égalité, la paix et l’écologie, enrichissant l’héritage maçonnique d’une perspective genrée.

L’impact communautaire : Une franc-maçonnerie ouverte et engagée

Loin de l’image d’une élite fermée, la franc-maçonnerie de Rosario s’ouvre au monde comme une fleur au soleil. La Loge Flora Tristán, en particulier, multiplie les initiatives pour ancrer ses valeurs dans le tissu social. Elle collabore avec des écoles pour des ateliers sur la citoyenneté, soutient des hôpitaux via des collectes de fonds, et lance des campagnes de sensibilisation contre les violences de genre. Ces actions incarnent le principe maçonnique du « travail bien fait » : non pour l’ostentation, mais pour le bien commun.

Les événements publics sont au cœur de cette ouverture. Les « Tenidas Blancas » – conférences accessibles à tous, sans obligation d’affiliation – attirent un public éclectique pour discuter de philosophie, d’histoire ou de défis actuels. Lors de la Nuit des Musées, la loge propose des expositions sur les symboles maçonniques, démystifiant les rituels tout en célébrant leur profondeur. Et bien sûr, les visites guidées comme celle du cimetière El Salvador : ces randonnées thématiques transforment un lieu solennel en espace de dialogue, où les symboles funéraires deviennent des miroirs de nos aspirations contemporaines.

Marina González résume cette vocation : « Avec les événements ouverts au public que nous organisons, comme les Tenidas Blancas, notre participation à la Nuit des Musées et des visites comme celle que nous proposons au cimetière, nous offrons des espaces de réflexion où les traditions maçonniques s’articulent avec les enjeux contemporains. » Ainsi, la franc-maçonnerie n’est pas un vestige ; elle est un levier vivant, favorisant le débat, la cohésion sociale et le changement. À travers les femmes maçonniques, elle gagne en vitalité, infusant ses idéaux de justice et de science d’une sensibilité nouvelle, inclusive et résiliente.

Conclusion : Un chemin pavé d’étoiles pour demain

La visite au cimetière El Salvador, avec ses symboles gravés dans la pierre, n’est que le début d’un périple plus vaste. Elle nous invite à tracer, comme les femmes maçonniques de Rosario, un chemin à travers un territoire autrefois interdit. De la Grande Loge d’Angleterre à la Loge Flora Tristán, la franc-maçonnerie a évolué d’une guilde secrète à un mouvement universel, où hommes et femmes unissent leurs forces pour polir l’âme collective.

Aujourd’hui, en 2025, cette institution reste un phare : elle défie les ombres de l’exclusion, illumine les luttes pour l’égalité et tisse des liens fraternels dans un monde fracturé. Les sculptures du cimetière, silencieuses gardiennes du passé, nous rappellent que chaque vie maçonnique – masculine ou féminine – est une pierre dans l’édifice d’une société plus juste. Que ce chemin tracé par les pionnières inspire les générations futures : non pas pour conquérir un territoire, mais pour le transformer en jardin de lumière, où la libre pensée fleurit librement. La franc-maçonnerie n’est pas finie ; elle renaît, plus inclusive, plus humaine, prête à sculpter l’avenir.

Il regrette d’avoir incendié les Temples maçonniques : condamné à 3 ans et 4 mois de prison

De notre confrère canadien cbc.ca – Par Nick Wells

Benjamin Kohlman, 43 ans, a plaidé coupable en septembre à des accusations d’incendie criminel pour avoir allumé trois incendies en une heure.

Dans les rues brumeuses de Vancouver, une ville où la modernité côtoie les vestiges d’une histoire associative discrète, un fait divers tragique a secoué la communauté au printemps dernier. Le 30 mars, en l’espace d’une heure seulement, trois temples maçonniques emblématiques de la région métropolitaine ont été la cible d’incendies criminels, causant plus de 2,5 millions de dollars canadiens de dommages. L’auteur présumé, Benjamin Kohlman, un homme de 43 ans originaire de la Colombie-Britannique, a été condamné lundi dernier à 40 mois de prison – soit trois ans et quatre mois – par la Cour provinciale de Vancouver.

Ce verdict, prononcé par la juge Laura Bakan, met un point final provisoire à une affaire qui mêle tragédie personnelle, troubles mentaux et vandalisme contre des institutions séculaires. Au-delà du châtiment, cette histoire interroge la fragilité des esprits vulnérables et la résilience des communautés touchées.

Des dégâts sont constatés dans une salle maçonnique de Lynn Valley, à North Vancouver, le 30 mars. (Ben Nelms/CBC)

Une matinée de chaos : le déroulement des faits

Tout a commencé aux premières lueurs du jour, à 6h45 heure locale, lorsque les pompiers de North Vancouver ont été appelés pour un incendie à la Lynn Valley Lodge, un temple maçonnique niché dans les collines verdoyantes de ce quartier résidentiel. Les flammes ont rapidement dévoré une partie du bâtiment historique, forçant son évacuation totale et causant des dommages structurels irréparables. Moins d’une heure plus tard, un second feu a éclaté dans un autre centre maçonnique de North Vancouver, endommageant gravement ses installations. Le troisième et dernier brasier s’est allumé à Vancouver proprement dit, au Park Lodge Masonic Centre, situé près de la rue Rupert et de l’avenue 29e, un lieu chargé d’histoire pour les Frères de la franc-maçonnerie locale.

Les autorités ont rapidement relié ces sinistres : les feux portaient la marque d’un pyromane méthodique, avec des accélérants inflammables utilisés pour maximiser les dégâts. Le bilan est lourd : des artefacts irremplaçables, des bibliothèques entières réduites en cendres, et une perte estimée à plus de 2,5 millions de dollars. Heureusement, aucun blessé n’a été à déplorer, les temples étant vides à cette heure matinale. Mais la peur s’est installée : comment un seul homme a-t-il pu semer un tel chaos en si peu de temps ?

C’est un coup de chance – ou plutôt un réflexe héroïque – qui a permis d’identifier le suspect. Un policier en repos, passant par hasard près du Park Lodge, a aperçu un homme fuyant les lieux, les mains noircies par la suie. Tentant une arrestation immédiate, l’agent s’est retrouvé aux prises avec Kohlman, qui l’a agressé avant de s’échapper dans les rues adjacentes. Traqué par les caméras de surveillance et les patrouilles, le fugitif a été appréhendé quelques heures plus tard à Burnaby, une banlieue voisine. Sur les images granuleuses diffusées par la police, on voit un homme hagard, guidé non par la rage haineuse, mais par une conviction délirante : stopper, selon ses propres mots rapportés plus tard, l’emprise des « Illuminati » via un contrôle mental.

Portrait d’un pyromane tourmenté : l’histoire de Benjamin Kohlman

Benjamin Kohlman

Benjamin Kohlman n’est pas un criminel endurci sorti des bas-fonds de Vancouver. Né et élevé à Nelson, une petite ville minière nichée dans les Rocheuses de la Colombie-Britannique, il a grandi dans l’ombre d’un traumatisme familial dévastateur. À l’âge de cinq ou six ans, son père autochtone a assassiné sa mère avant de se suicider, laissant l’enfant orphelin et confié à la garde de sa tante et de son oncle. « C’est à ce moment que tout a basculé« , confiera plus tard son avocate, Jessica Dawkins, lors de l’audience. Dès 13 ans, Kohlman sombre dans l’alcool et les drogues dures, un refuge précoce contre les démons intérieurs.

À 18 ans, il migre vers Vancouver, la grande ville tentaculaire, où il trouve un semblant de stabilité professionnelle. Pendant deux décennies, il exerce le métier de poseur de plaques de plâtre et de peintre en bâtiment, un labeur physique qui lui permet de subvenir à ses besoins. Sans casier judiciaire avant ces événements, Kohlman passe pour un homme discret, presque invisible dans la mosaïque multiculturelle de la côte Ouest. Mais sous la surface, les voix intérieures gagnent du terrain. Les experts psychiatriques évoqueront une schizophrénie exacerbée par une consommation chronique de substances – méthamphétamines et opioïdes, selon les rapports du tribunal. « Il croyait agir pour le bien commun, pour briser un complot mondial », expliquera la procureure de la Couronne, Jonas Dow, soulignant que les actes n’étaient motivés ni par la vengeance ni par une haine anti-maçonnique, mais par une « situation de santé mentale aggravée par l’abus de substances ».

Lors de l’audience de plaidoyer en septembre, Kohlman, apparaissant par visioconférence depuis la prison, a décliné de s’adresser directement à la cour. À travers son avocate, il a exprimé un remords sincère : « Il m’a dit, sans ambages, qu’il mérite d’être puni« , témoigne Jessica Dawkins. « C’était pour attirer l’attention, pas pour blesser quiconque. » Une déclaration qui a ému la salle, mais qui n’a pas effacé la gravité des faits.

Le verdict : une peine équilibrée entre justice et espoir de réhabilitation

Lundi, dans une salle d’audience bondée du palais de justice de Vancouver, la juge Laura Bakan a prononcé la sentence : 40 mois de détention fédérale. Après décompte du temps déjà passé en cellule depuis son arrestation – environ 18 mois –, il ne reste à Kohlman qu’une vingtaine de mois à purger. La procureure Jonas Dow avait réclamé jusqu’à cinq ans, arguant de la préméditation et des dommages colossaux. La défense, elle, plaidait pour deux à trois ans, insistant sur l’absence d’intention homicide et le profil réhabilitable de l’accusé.

Incendie Vancouver

Dans son jugement, la magistrate a salué l’empathie naissante de Kohlman : « Cela montre qu’il a au moins une certaine conscience du grand préjudice causé. » Elle a toutefois averti des risques de récidive si les addictions n’étaient pas traitées en profondeur. « J’espère qu’il s’attaquera à ses problèmes d’addiction pendant son incarcération« , a-t-elle ajouté, enjoignant les autorités pénitentiaires à un suivi thérapeutique rigoureux. Les autres chefs d’accusation – trois intrusions par effraction, une agression sur agent et un refus d’obtempérer – ont été ajournés, évitant un cumul de peines.

Ce verdict reflète l’approche nuancée du système judiciaire canadien face aux crimes liés à la santé mentale. Contrairement à des affaires plus sensationnelles impliquant des motifs haineux, celle-ci met l’accent sur la prévention plutôt que sur la punition pure. Kohlman, qui pourrait être libéré sous condition en 2027, devra alors naviguer un programme de probation strict, incluant des thérapies obligatoires et une interdiction de proximité avec tout site maçonnique.

Les victimes invisibles : le choc des communautés maçonniques

Au cœur de cette affaire, ce sont les Frères de la franc-maçonnerie de Colombie-Britannique qui paient le prix fort. La Lynn Valley Lodge, fondée il y a plus d’un siècle, n’est plus qu’un squelette calciné, forçant ses membres à se disperser dans des locaux temporaires. Le Park Lodge, bastion de traditions philanthropiques, a vu ses archives – des documents remontant à l’ère coloniale britannique – partir en fumée.

« Ces temples ne sont pas de simples bâtiments ; ce sont des sanctuaires de fraternité, d’entraide et de réflexion philosophique« 

confie un membre anonyme de la Grande Loge de Colombie-Britannique, contacté par notre journal. Avec 2,5 millions de dollars de pertes, l’obédience locale, qui compte des milliers d’adhérents, fait face à une crise financière majeure. Des collectes de fonds ont été lancées, soutenues par la communauté juive et autochtone de Vancouver, soulignant l’engagement caritatif historique des Maçons.

Cette vague d’incendies n’est pas isolée dans l’histoire trouble de la franc-maçonnerie, souvent cible de théories conspirationnistes. Aux États-Unis, des attaques similaires ont visé des loges soupçonnées d’être des nids d' »Illuminati« . À Vancouver, une ville cosmopolite où la Maçonnerie compte sur sa discrétion pour prospérer, cet épisode ravive les peurs. « Nous reconstruirons, plus forts« , assure le Grand Maître provincial dans un communiqué sobre. Mais le traumatisme persiste :

des veillées silencieuses ont été organisées, et des experts en sécurité recommandent désormais des mesures renforcées pour ces lieux symboliques.

Au-delà des flammes : réflexions sur une société fragile

Ce fait divers, loin d’être un simple titre en Une, éclaire les fissures d’une société où la santé mentale et les addictions forment un cocktail explosif. Au Canada, où un adulte sur cinq souffre de troubles psychiques, les Kohlman pullulent : des âmes perdues, ballottées par un système de santé surchargé. La Colombie-Britannique, avec sa crise des opioïdes – plus de 2 500 morts en 2023 –, amplifie ces drames. « C’est une situation de santé mentale provoquée par l’abus de substances de M. Kohlman », martèle Jonas Dow, appelant à plus de ressources préventives.

À l’international, cette affaire résonne avec les débats sur la criminalisation des actes délirants. En France, où la franc-maçonnerie féminine ouvre justement ses portes ce week-end pour un « Temple Ouvert » à Paris – une invitation à la transparence et au dialogue –, on suit l’événement avec inquiétude.

« La Maçonnerie, partout dans le monde, est un phare d’humanisme ; attaquer ces lieux, c’est nier la quête de lumière« , commente un initié parisien.

Pour Vancouver, la cicatrice reste vive. Tandis que les travaux de reconstruction débuteront sous peu, Benjamin Kohlman entame son chemin vers la rédemption. Espérons que, des cendres de ces temples, naîtra une vigilance accrue pour protéger non seulement les pierres, mais les esprits fragiles. Un rappel poignant :

Dans l’ombre des complots imaginaires, c’est la solidarité réelle qui triomphe.

Le mot du mois : « Préambule »

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Préambule. *prae-, *ambulare. aller devant, précéder. À bonne allure, avec allégresse et alacrité. Peut-être un préalable à une réflexion nourrie ?
Quitte à courir ? Un prodrome ? Tel le vent du Nord-Est ainsi désigné, dans l’Antiquité, comme précurseur des temps de canicule ?
Ou bien « ce qui est dit avant », préface, prolégomènes, prologue ?
Autant de comportements préliminaires, qui s’arrêtent à la limite, sur le seuil.

On serait sans doute tenté de les prendre pour synonymes, mais leurs nuances sont délicates.

Certes, ces mots déclinent la nécessité d’anticiper un événement majeur, en littérature, en politique, par exemple. Avec des intentions diverses. La « chose » ainsi annoncée et devancée est jugée d’une importance fondamentale. Novatrice, inouïe. Dérangeante, qui sait ? Risque-t-elle de soulever des vagues de réticence, de protestation, de refus ? Jugerait-on bon alors de désarmer en amont les préventions ? Quelque « haut-le-corps » ?

Mais l’introduction ne serait-elle pas presque superflue si on veut aller sans détours au cœur du sujet ? Pourquoi certains préambules ont-ils à ce point retenu l’attention que le développement subséquent s’en est vu amoindri, voire délaissé ?

Ainsi en est-il du Préambule de la Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne, que rédige Olympe de Gouges en 1791. Ou de celui de la Constitution de 1848, qui proclame les principes fondamentaux concernant les droits et les libertés.

Y verrait-on une essentielle solennité ?

Une préface, un prologue, remplissent-ils la même fonction ? Ils conditionnent la lecture à venir, par la louange quasi obligée rédigée par un autre auteur, en général célèbre, ami, connaisseur. Voire par l’auteur lui-même qui prône la démarche qui a présidé à son écriture théâtrale. Avec conviction et fougue, tel Victor Hugo dans sa Préface de Cromwell.

Bien plus qu’une introduction ! De quoi dérouler le tapis rouge qui donnera un lustre certain à « ce qui va suivre »…, avec le risque de plonger dans l’ombre, voire l’oubli, le texte même qui l’a suscitée !

Qui connaît, de nos jours, la tragédie de Cromwell ?

Tout dans le préambule est affaire de mouvement, comme son nom même l’indique.

Est-ce ce qui arrête, retarde, distrait, conditionne ce qui va suivre ? Ce qui met en appétit le lecteur, ou le rassasie ? Une manœuvre d’approche ? Une invitation à l’action ?

On explique sans dévoiler, on titille les papilles. Voici un art très subtil de suggérer le plaisir et l’intérêt en attente, sans la sécheresse d’une table des matières.

Par le Clavecin bien tempéré, Jean-Sébastien Bach offre une alternance de préludes et de fugues. Comme si on « jouait d’abord », avant de prendre la « fuite » ! À chacun de nourrir l’interstice qui l’enchantera…

Poésie si parlante des mots….

Annick DROGOU


Que dire en préambule de ce mot qui invite à l’ambulatoire ? Il n’annonce pas seulement ce qui précède, il ouvre le passage, marche devant nous pour nous introduire. Prologue, prélude, préliminaire, parvis : le préambule n’est pas encore le texte, mais déjà une marche. Il prépare l’oreille et l’esprit, comme l’ambulatoire du temple prépare le regard au sanctuaire. Non pas un décor, mais un seuil. Un point d’appui avant le départ.

Ce préambule, c’est ce que je veux vous dire avant de parler ou écrire, avant de dérouler mon exposé, mes arguments, ma démonstration. Il faut que vous sachiez pourquoi je vais dire ou écrire cela. Après ce préambule, nous pourrons cheminer et je pourrai commencer en « premier lieu », comme faisaient les anciens orateurs qui pratiquaient l’art de la mémoire, et visualiser les différentes parties de leur discours en les localisant.

Dans les lois et les traités, le préambule expose les raisons, dessine l’intention. Dans nos vies, il est ce temps de suspension, l’instant où l’on s’avance avant le franchissement.

Le préambule est un pas qu’on retient et déjà oriente, un détour nécessaire avant l’essentiel. Car on ne va pas droit au centre : il faut marcher autour, prendre force tout en laissant venir.

Et si toute vie n’était qu’un long préambule, une marche d’approche vers un mystère qui toujours nous précède ?

Jean DUMONTEIL

Fraternité d’escale : comment les Loges ont fait cité au Costa Rica

Nous entrons par l’avant-propos du Comité éditorial, véritable porte d’équerre qui oriente la lecture. Le texte annonce la double respiration du volume, d’un côté la mer pacifique de Ricardo Martínez Esquivel où la sociabilité maçonnique façonne le commerce en civilité, de l’autre la méditation de Jean-Jacques Chauvin où l’inversion des colonnes révèle la mécanique solaire du Rite.

Chroniques d’histoire maçonnique

Entre ces deux focales, la revue promet une pédagogie du réel, et tient parole. Elle noue l’histoire des circulations à la métaphysique du seuil, puis confie à la Belgique ses archives vivantes, afin que les Loges – d’Alost à Verviers, d’Anvers à Ypres, de Wavre à Turnhout – gardent mémoire des travaux qui les fondent.

Drapeau du Costa Rica

Ricardo Martínez Esquivel nous place au ras des quais de Puntarenas. Nous voyons des listes de navires devenir des généalogies de la modernité et des fraternités marchandes changer des étrangers en voisins. La Loge ouverte au port ne bénit pas les intérêts, elle les transfigure.

La province du Costa Rica en 1662

Elle transforme la concurrence en émulation, l’exil en voisinage, le gain personnel en prospérité commune. Les crises ne sont pas gommées, les quarantaines, les replis de capitaux, les revers de fortune traversent ces pages, mais une continuité demeure, soutenue par la régularité des travaux et par la parole donnée.

Blason du Costa Rica

La fraternité apparaît comme l’infrastructure morale de la cité. Elle relie banquiers, capitaines, imprimeurs, médecins, instituteurs, chacun apportant un outil au chantier commun. Nous reconnaissons ici l’équerre et le compas : droiture de l’acte et ouverture de l’accueil. L’étude devient une école civique. Elle enseigne que le contrat a besoin de probité et que la cité a besoin d’une règle tenue.

Jean-Jacques Chauvin déplace ensuite notre regard vers le seuil. Nous nous arrêtons entre Yakin et Boaz, colonnes qui respirent comme des horloges de pierre. L’auteur ne réduit pas l’inversion à une querelle décorative. Il montre, en suivant les gravures anglaises, les sources bibliques et les pratiques rituelles, que le choix des colonnes engage une cosmologie entière. Elles ne sont pas seulement gardiennes d’entrée mais piliers du temps, portant l’arc des solstices et la cadence des saisons. Les Moderns et les Antients ne s’opposent pas par goût d’école mais parce qu’ils lisent deux univers symboliques : l’un marqué par l’architecture ecclésiale occidentalisée, l’autre fidèle à la logique hébraïque et au souffle d’Ézéchiel. Déplacer le regard sans en connaître la clé trouble la musique du monde. Garder la mesure, c’est laisser la marche du Maître s’accorder à la course du soleil. Ainsi toute orientation devient morale. Le Temple n’est pas un décor, mais un instrument de justesse.

Entre la mer et le Temple surgit la figure discrète de Félix Lebossé. Inspecteur des écoles, pédagogue généreux, rédacteur attentif, il incarne cette chaîne d’union silencieuse qui fait tenir une société plus sûrement que les proclamations. À travers lui, nous voyons que l’obédience se grandit quand des serviteurs parlent bas et travaillent long.

La FM belge en 2014

Puis s’ouvre la chambre des archives belges où Jean-Michel Dufays déploie une bibliographie semblable à une carte marine. Les villes deviennent des ports : Alost, Anvers, Turnhout, Verviers, Ypres, Wavre. Chaque notice fait entendre la rumeur d’une loge, les bulletins, les annuaires, les mémoires, les monographies patientes. Ce travail n’est pas un inventaire froid, mais une sociabilité de papier qui prolonge la chaîne d’union entre générations. Le dépouillement du registre des Amis Philanthropes à l’Orient de Bruxelles réveille des vies entières, comme celle d’Armand Gaborria, imprimeur, exilé, passeur de rites, reliant Lille, Turin et l’Italie maçonnique. Ces registres prouvent que l’Europe fraternelle se pense aussi depuis ses villes carrefours, où l’industrie rencontre l’étude et où la mémoire nourrit l’avenir.

CHM 95 4e de couv.

Trois fidélités s’unissent en une seule. Fidélité au monde qui s’échange, puisque la fraternité n’a de sens que si elle règle les contrats. Fidélité au ciel qui s’incline, puisque la marche initiatique n’existe que si elle consent à la loi des saisons. Fidélité aux archives qui se souviennent, puisque la chaîne d’union se nourrit des mains qui ont écrit avant nous. Nous sortons de cette livraison enrichis d’une méthode : travailler avec droiture et mesure, nommer les choses avec exactitude, laisser aux colonnes leur fonction d’horloge, faire de la bibliothèque une chambre du Temple. Lorsque nous lirons les noms d’Alost, d’Anvers, de Verviers, d’Ypres, de Wavre ou de Turnhout, nous sentirons sous nos pas le plancher d’une maison ancienne qui tient encore parce que des Frères n’ont jamais cessé d’ajuster l’équerre à la parole et le compas à la lumière.

Chroniques d’histoire maçonnique – L’expansion maçonnique dans le monde pacifique : le Costa Rica

Collectif – Institut d’Études et de Recherches Maçonniques

Conform édition, N°95, Printemps-Été 2025, 96 pages, 14 € – port inclus

Conform édition, le site

Étude scientifique sur les états spirituels profonds… et impact sur la Franc-maçonnerie

Du site officiel de l’Université McGill à Montréal mcgill.ca

L’article publié sur le site de l’Université McGill cette année, présente une recherche pionnière codirigée par Michael Lifshitz, professeur adjoint de psychiatrie à McGill, en collaboration avec des équipes de l’Université Monash et de l’Université de Toronto. Intitulé « Une étude scientifique révèle comment l’humain peut atteindre un état spirituel profond », il explore les mécanismes cognitifs communs à des pratiques spirituelles apparemment dissemblables : la méditation bouddhique jhāna (un état d’absorption profonde) et la glossolalie chrétienne évangélique (le « parler en langues »). Et pourquoi pas étudier aussi l’impact de la Franc-maçonnerie ?

Au cœur de l’étude se trouve une découverte clé : ces pratiques induisent une « spirale d’attention, d’éveil et de libération ». Ce cycle commence par une focalisation sur un ancrage (la respiration pour les méditants, une invocation divine pour les priants), qui génère un éveil émotionnel de joie, facilitant ensuite une libération ou un abandon immersif. Ce processus, décrit comme novateur en psychologie, intensifie l’expérience spirituelle, menant à une sérénité profonde et un sentiment d’unité. Les chercheurs ont recueilli des témoignages détaillés lors de retraites bouddhistes et de cultes évangéliques aux États-Unis, complétés par des enregistrements d’activité cérébrale (bien que l’analyse neurobiologique complète soit en cours, avec des plans pour de l’imagerie en temps réel). Financée par la National Science Foundation et la John Templeton Foundation, l’étude suggère des implications thérapeutiques : mieux comprendre cette spirale pourrait démocratiser l’accès à des états de bien-être mental, tout en favorisant le dialogue interreligieux en soulignant une « unité humaine » sous-jacente.

un homme qui fait de la méditation sur un rocher
un homme qui fait de la méditation sur un rocher

Cette recherche s’inscrit dans un renouveau scientifique des états modifiés de conscience (EMC), où la spiritualité n’est plus reléguée au domaine mystique mais analysée via des outils empiriques. Elle échoit particulièrement à une époque de crise mentale post-pandémie, où les pratiques introspectives gagnent en popularité. Cependant, des limites persistent : l’échantillon est qualitatif et contextuel (États-Unis), et les corrélats cérébraux restent préliminaires. Globalement, c’est une avancée probante, reliant neurosciences et phénoménologie pour valider ce que les traditions ancestrales savaient intuitivement.

Compléments avec des chiffres statistiques officiels

Pour enrichir cette analyse, intégrons des données officielles récentes (2023-2025) sur la méditation et le bien-être mental, issues de sources fiables comme Statista, Ipsos, INSEE, OCDE et l’OMS. Ces statistiques soulignent l’essor massif de ces pratiques, corroborant l’intérêt scientifique pour des états spirituels comme ceux décrits dans l’étude de McGill.

  • En France : Selon le Baromètre INSEE 2023, environ 5 millions de Français pratiquent la méditation chaque semaine, une hausse de 20 % par rapport à 2019. Une enquête YouGov pour l’app Petit Bambou (2020, actualisée en 2023) révèle que 37 % des pratiquants ont commencé pendant le premier confinement, et 90 % des Européens ayant testé la méditation en 2020 prévoient de continuer. Chez les jeunes (18-34 ans), 47 % ont adopté la pratique pour contrer le stress post-Covid (Ouest-France, 2021 ; tendances confirmées en 2024). Le marché du bien-être mental pèse 3 milliards d’euros en 2023 (Statista), projeté à 4 milliards en 2025, avec 40 % des cours en ligne. L’OCDE note que la France a gagné deux places dans l’indice « Better Life » en 2023 grâce à un meilleur équilibre vie pro-perso, mais seulement 37 % des salariés se disent « très satisfaits » de leur vie (Malakoff Humanis, 2024). L’anxiété touche 301 millions de personnes mondialement (OMS, 2023), et en France, 71 % recourent à des médecines alternatives comme la méditation (étude 2023 sur les soins non conventionnels).
  • Au monde : Le marché global du bien-être croît de 5,8 % par an (TCAC 2023-2030, Deloitte). Les apps comme Calm dépassent 100 millions de téléchargements en 2023, et BetterHelp voit +30 % d’utilisateurs pour la thérapie en ligne. Ipsos rapporte que 74 % des Français ont investi dans du développement personnel (livres ou formations) en 2023, +12 points vs 2019 ; mondialement, le secteur pèse 49 milliards de dollars, avec +7 % prévu en 2024 (Gartner). Chez les universitaires, 51 % se disent stressés, mais 80 % gèrent via mindfulness (enquête Université de Caen, 2025). Christophe André, psychiatre renommé, prescrit « 10 minutes de méditation par jour pour tous » (France Culture, 2024), validé par des études montrant une réduction de 24 % du cortisol après 10 jours (Université de Göteborg, 2022).

Ces chiffres confirment que la « spirale » de McGill répond à un besoin sociétal urgent : dans un monde où le stress explose, la science valide des outils ancestraux pour un bien-être accessible.

La spirale de l’âme : science, spiritualité et le mystère maçonnique

Une découverte qui éclaire les profondeurs de l’esprit humain

Imaginez un instant : sous les lumières tamisées d’une retraite bouddhiste ou au cœur d’un culte évangélique vibrant, des chercheurs en blouse blanche capturent l’essence intangible de la joie spirituelle. C’est précisément ce que révèle l’étude de l’Université McGill, publiée cette année dans l’American Journal of Human Biology. Codirigée par Michael Lifshitz, psychiatre et anthropologue, cette recherche met en lumière une « spirale d’attention, d’éveil et de libération » – un cycle cognitif universel qui propulse l’humain vers des états de conscience profonds, qu’il s’agisse de la méditation jhāna bouddhiste ou de la glossolalie chrétienne, ce parler en langues extatique. Focalisez votre attention sur un ancrage – la souffle pour l’un, une prière pour l’autre –, et une vague de joie surgit, libérant l’esprit dans un abandon immersif. « À notre connaissance, cette dynamique en spirale menant aisément à un grand état de joie est une idée novatrice », s’enthousiasme Lifshitz. Financée par des géants comme la National Science Foundation, cette étude n’est pas qu’un exercice académique : elle promet de démocratiser la sérénité, en reliant neurosciences et traditions millénaires pour combattre l’épidémie mondiale d’anxiété.

Dans un monde chahuté par la pandémie et l’accélération technologique, ces findings tombent à pic. L’OMS alerte : 301 millions de personnes souffrent d’anxiété en 2023, un record absolu. En France, 5 millions pratiquent la méditation hebdomadaire (INSEE, 2023), une explosion dopée par le confinement – 37 % des néophytes l’ont adoptée dès mars 2020 (YouGov/Petit Bambou). Globalement, le marché du bien-être mental bondit de 5,8 % par an jusqu’en 2030 (Deloitte), avec des apps comme Calm dépassant les 100 millions de téléchargements. Chez les jeunes Français (18-34 ans), 47 % méditent pour juguler le stress post-Covid (Ouest-France, 2024), et 74 % investissent dans du développement personnel (Ipsos, 2023). Pourtant, sous cette effervescence, un constat amer : seulement 37 % des salariés hexagonaux se sentent « très satisfaits » de leur vie (Malakoff Humanis, 2024). La science de McGill offre une boussole : en cartographiant ces états modifiés de conscience (EMC), elle valide ce que les sages savaient – et que la modernité redécouvre à grands frais.

La Franc-maçonnerie : un laboratoire initiatique de l’âme

Mais si la spirale de Lifshitz unit bouddhisme et christianisme, ne résonne-t-elle pas plus profondément avec une tradition discrète, pourtant foisonnante en France ? La Franc-maçonnerie, cette « capitale mondiale » avec ses 160 000 à 180 000 membres (estimations 2023-2025, Grandes Loges et obédiences), n’est-elle pas un écho vivant de ces quêtes spirituelles ? Née au XVIIIe siècle comme un pont entre Lumières et mysticisme, elle invite ses « frères et sœurs » à une introspection rigoureuse, via symboles et rituels qui induisent des EMC subtils. Loin du cliché conspirationniste, la Maçonnerie est un « art de bâtir l’édifice moral de l’homme » : une quête d’humilité et d’amour infini, alignée sur le Grand Architecte de l’Univers (GADLU), principe transcendant les dogmes.

yoga meditation

Dans les loges, l’initiation – cette « mort symbolique » au profane – plonge le néophyte dans l’obscurité, forçant une méditation sur soi et l’univers. « Le silence prolongé est nécessaire pour saisir sa place au centre du cosmos », note un texte maçonnique classique (La Chaîne d’Union, 2012). Cette phase évoque la spirale de McGill : attention aux outils symboliques (équerre, compas), éveil à la joie fraternelle, libération vers une conscience élargie. Des études, quoique rares, corroborent : Michael Winkelman, anthropologue, classe les rituels maçonniques parmi les EMC « intégratifs » (hypnose, transe), favorisant empathie et régulation émotionnelle (État modifié de conscience, Wikipédia, 2025). Dans les Rites Égyptiens, la méditation fait partie du Rituel d’ouverture des travaux. De nombreuses Loges des autres Rituels pratiquent elles aussi la méditation à l’ouverture des travaux.

Statistiquement, la Maçonnerie française prospère contre vents et marées : + 5 fois plus de membres en 50 ans (Challenges, 2024), avec 3 à 4 millions mondialement (estimations 2023, malgré un déclin anglo-saxon). En Occitanie, 3 500 « frères et sœurs » dans une vingtaine d’obédiences (L’Indépendant, 2024). Pourquoi cette vitalité ? Parce qu’elle répond au vide spirituel : 71 % des Français recourent à des alternatives comme la méditation (étude 2023), et la Maçonnerie en est une forme structurée, laïque et humaniste. Osho, y voit un cadre pour « l’évolution spirituelle via méditation et humilité » (Méditations initiatiques et Franc-Maçonnerie, 2025). Des chercheurs comme Claude Saliceti (Humanisme, franc-maçonnerie et spiritualité, 1998) insistent : elle recentre sur l’éthique, « rassemblant ce qui est épars » dans un monde fragmenté.

Implications : vers une spiritualité augmentée ?

Université de McGill

L’étude de McGill n’est pas isolée ; elle s’inscrit dans un continuum où science et ésotérisme convergent. Des IRM montrent que 10 minutes de méditation quotidiennes – prescrites par Christophe André – boostent la matière grise dans le cortex frontal (mémoire, décision ; France Culture, 2024), et baissent le cortisol de 24 % (Göteborg, 2022). Imaginez coupler cela à un rituel maçonnique : une « randonnée méditative » high-tech (tendances 2025, Nexco), ou des loges virtuelles guidées par IA pour des EMC collectives. En 2030, la méditation sera « immersive et connectée ».

chimpanzé pensif devant la lumière
Recherche de la Lumière

Pourtant, un cynisme lucide s’impose : dans une société où 51 % des universitaires sont stressés (Université de Caen, 2025), ces outils risquent la marchandisation – apps à 20 milliards de dollars d’ici 2025 (Nexco). La Maçonnerie, avec son serment de secret, rappelle l’essentiel : la spiritualité n’est pas un gadget, mais une forge intérieure : « Malgré nos divergences, nous sommes unis par notre condition humaine. » Que cette spirale nous porte, Francs-maçons ou non, vers une joie libérée – et peut-être, un monde un peu moins obscur.

Sources :

  • Université McGill (2024) ;
  • INSEE,
  • Ipsos,
  • OMS (2023-2025) ;
  • Cairn.info,
  • 450.fm (2012-2025).