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Jean-Raphaël Notton, nouveau Grand Maître de la Grande Loge de France

Enracinée dans la tradition du Rite Écossais Ancien et Accepté, la Grande Loge de France est l’une des principales obédiences maçonniques en Europe. A la suite de la descente de charge de Thierry Zaveroni qui aura conduit ses destinées pendant trois ans, à la satisfaction générale de ses Frères, elle vient d’élire au second tour, ce 21 juin, lors de son convent de 2025, son nouveau Grand Maître en la personne de Jean-Raphaël Notton, face à un candidat nordiste, également de grande valeur, Thierry Sarrazin.

Âgé de 69 ans, initié en 1986 à la loge « Jean Jaurès » à Paris, médecin, officier de réserve et acteur notable du secteur de la santé, il incarne un engagement constant au service de la tradition initiatique et des défis contemporains. Il prend aujourd’hui les rênes de l’Obédience avec une vision claire : ouvrir davantage la franc-maçonnerie au monde, tout en préservant son essence spirituelle et universaliste.

Voici le portrait d’un homme dont la trajectoire, à la croisée de la fraternité maçonnique, de la défense nationale et de l’engagement social, devrait continuer de nourrir le rayonnement croissant de l’obédience dans le paysage maçonnique français et au-delà.

Un solide parcours maçonnique

Jean-Raphaël Notton n’a cessé de se dévouer à son idéal maçonnique en près de quarante années à la Grande Loge de France. Initié en 1986, il s’est rapidement distingué par son implication au sein de la Loge « Aequitas » à l’Orient de Paris, dont il fut Vénérable Maître puis Député. Son engagement ne s’est pas limité à la vie locale de sa loge : il a occupé des postes de premier plan au sein de l’obédience, témoignant de sa capacité à fédérer et à guider.

Élu à trois reprises au Conseil fédéral de la GLDF, Jean-Raphaël Notton a exercé des fonctions clés, notamment celles de Grand Orateur en 2017, où il a porté la parole de l’obédience avec éloquence, et de Second Grand Maître Adjoint en 2021, un rôle qui l’a préparé à assumer la Grande Maîtrise. En 2014, il a présidé le Convent, l’assemblée annuelle où se décident les grandes orientations de la GLDF, et en 2015, il a dirigé le Congrès régional Île-de-France, Outre-mer et Orients éloignés, renforçant les liens avec les loges éloignées, notamment en Israël.

À la tête de la Commission du « Futur de nos Loges », Jean-Raphaël Notton a formulé des propositions audacieuses pour moderniser le fonctionnement de la GLDF, tout en respectant ses traditions. Son approche, qui allie rigueur rituélique et ouverture aux évolutions sociétales, a séduit les Députés de l’obédience lors de l’élection de 2025. Jean-Raphaël Notton est reconnu pour son accessibilité et son dialogue constant avec les Frères de toutes les régions. Son discours émouvant en 2018, lors de l’hommage à Arnaud Beltrame, héros national et membre de la GLDF, a marqué les esprits par sa défense des valeurs républicaines et maçonniques face à l’adversité.

Sa candidature à la Grande Maîtrise, déjà portée en 2015 et en 2022 (où il obtint 48 % des suffrages face à Thierry Zaveroni), reflète son ambition de servir au plus haut niveau : faire de la GLDF un espace d’échange unique, fidèle à son héritage, tout en s’ouvrant au monde.

Une carrière au service de la santé et de la société

Jean-Raphaël Notton, né en décembre 1955, est un homme dont la vie professionnelle témoigne d’un engagement sans faille pour le bien commun. Docteur en médecine, diplômé en 1985 de la Faculté de Médecine de Paris, il a débuté sa carrière comme Attaché des hôpitaux en radiologie à l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris (APHP). Son parcours s’est ensuite enrichi d’expériences variées dans le secteur de la santé et de la protection sociale.

De 1989 à 1997, il a occupé des postes de direction au sein du groupe Hexagone-Hospitalisation, avant de cofonder le groupe Autonomic, dédié au handicap, à la dépendance et à l’accessibilité. Il a également présidé le groupe Participations Sanitaires et Sociales, géré des établissements comme le Centre Chirurgical de Montereau et la Polyclinique de Seine et Yonne, et dirigé des structures comme Santé Industries Services et Autonomie Développement Services.

De 1986 à 1988, Jean-Raphaël Notton a servi comme Attaché Parlementaire du Docteur Michel Hannoun, Député de l’Isère qui apportait son expertise médicale aux débats législatifs. Cette expérience a renforcé sa compréhension des enjeux publics, qu’il a mise au service de ses engagements ultérieurs. Son parcours entrepreneurial et son implication dans des projets sociétaux dessinent le portrait d’un homme pragmatique, capable de concilier vision stratégique et action concrète.

Un engagement patriotique dans la défense nationale

Parallèlement à ses activités maçonniques et professionnelles, Jean-Raphaël Notton a servi son pays dans le cadre de la défense nationale. Auditeur de la 48e session nationale de l’Institut des Hautes Études de Défense Nationale (IHEDN), il a été élu en 2006 Président de l’Association nationale des auditeurs de l’IHEDN ; il en est aujourd’hui Président d’honneur. Cette position l’a placé au cœur d’un réseau d’experts en géopolitique et stratégie.

De 2004 à 2014, il a servi comme Colonel de la Réserve Opérationnelle de l’Armée de Terre, affecté au Centre pour la Doctrine de l’Engagement des Forces (CDEF), où il a apporté son expertise en systèmes de santé. De 2006 à 2009, il a également été Conseiller de Défense auprès du ministère de l’Outre-mer, renforçant les capacités stratégiques de la France dans ces territoires. Cet engagement patriotique, combiné à son expertise médicale, fait de lui un homme de devoir, attaché aux valeurs républicaines et à la résilience nationale.

Une vision pour la Grande Loge de France

En prenant la tête de la GLDF, Jean-Raphaël Notton hérite d’une obédience historique, forte de 32 000 membres et 940 loges, qui se distingue par son illustration et sa défense d’un humanisme et d’une spiritualité sans dogme, très attachée qu’elle est à la liberté de conscience. Fidèle au Rite Écossais Ancien et Accepté, la GLDF occupe une place singulière au sein de la maçonnerie française, prônant une démarche initiatique qui transcende les clivages philosophiques et religieux.

Le nouveau Grand Maître a tracé des objectifs clairs pour son mandat. Il souhaite rendre la franc-maçonnerie accessible à ceux qui cherchent un espace de réflexion personnelle et de développement spirituel, en mettant en avant la quête individuelle permise par le travail en loge, pour attirer de nouveaux candidats, issus notamment des jeunes générations. La GLDF, déjà présente sur plusieurs continents, verra son réseau mondial continuer à se consolider sous l’impulsion de Jean-Raphaël Notton, qui entend renforcer les liens avec les Grandes Loges de Rite Écossais Ancien et Accepté, dont la GLDF est un pilier historique. Fidèle à l’héritage de la GLDF, Jean-Raphaël Notton prône une approche équilibrée, où la rigueur rituélique s’accompagne d’une ouverture aux enjeux contemporains, comme la solidarité, l’humanisme et la tolérance.

Son discours inaugural, prononcé lors de son élection, a résonné comme un véritable appel à l’unité :

« La Grande Loge de France est un phare dans un monde en quête de sens. Ensemble, nous porterons haut les valeurs de fraternité, de liberté et de respect, pour bâtir des ponts là où d’autres érigent des murs. »

Un homme de dialogue et de fraternité

Jean-Raphaël Notton est unanimement reconnu pour sa capacité à dialoguer avec toutes les sensibilités au sein de la GLDF. Son passé de « chiraquien », parfois évoqué, n’entrave pas son engagement apolitique au sein de l’obédience, où il incarne un courant traditionnel libéral, favorable à un dialogue mesuré avec d’autres obédiences, comme le Grand Orient de France, tout en préservant l’identité spirituelle de la GLDF.

Son action en 2015, lors de sa visite officielle aux loges de Jérusalem et de Tel Aviv, a marqué les esprits. Face aux tensions sociétales de l’époque, il a réaffirmé avec force les valeurs maçonniques de tolérance et de lutte contre l’antisémitisme, le racisme et la xénophobie, renforçant le rayonnement de la GLDF à l’international.

Une nouvelle page pour la Grande Loge de France

L’élection de Jean-Raphaël Notton ouvre une nouvelle page pour la Grande Loge de France. Sous sa Grande Maîtrise, la GLDF continuera d’être un acteur majeur de la franc-maçonnerie mondiale, un lieu de réflexion profonde et un vecteur de solidarité dans un monde en quête de repères. À l’heure où les défis sociétaux s’intensifient, Jean-Raphaël Notton invite tous les maçons à « tailler leur pierre brute avec humilité et ambition, pour construire ensemble un temple d’harmonie et de sagesse ».

tous nos voeux au Très Respectable nouveau Grand Maître. que la sagesse guide ses pas et ceux de la Grande Loge de France !

Le Musée de la Grande Loge de France entre dans le cercle prestigieux des « musées de France »

C’est un moment historique pour la Grande Loge de France. Ce vendredi 20 juin 2025, au cœur du Convent réuni aux Salons de l’Aveyron, le Très Respectable Grand Maître Thierry Zaveroni a annoncé, sous les applaudissements nourris des Délégués des Loges, l’attribution officielle de l’appellation « musée de France » au Musée de la Grande Loge de France.

Derrière cette reconnaissance se cache une longue marche fraternelle et patrimoniale, menée tambour battant par une Obédience en pleine dynamique de transmission et d’ouverture culturelle.

Une procédure exemplaire, un dossier irréprochable

Dès le 22 mai dernier, 450.fm annonçait dans ses colonnes l’avis favorable rendu par le Haut Conseil des musées de France, tel que publié au Journal Officiel de la République française (J.O.R.F. n° 119, texte n° 135). Cette étape décisive, prévue par l’article L.442-1 du Code du patrimoine, ouvrait la voie à une décision préfectorale. Elle est désormais actée par l’arrêté officiel signé par le préfet de la région Île-de-France, en date du 20 juin 2025.

Ce document vient confirmer l’attribution de l’appellation « musée de France » au musée situé au 8, rue Louis Puteaux, au sein de l’hôtel de la Grande Loge de France à Paris.

Un patrimoine vivant, reconnu par l’État

Le label « musée de France » ne se limite pas à une distinction honorifique. Il implique des exigences de conservation, de médiation et d’accessibilité scientifique. Il permet également au musée de bénéficier de coopérations institutionnelles, de prêts d’œuvres, de soutiens renforcés pour la recherche et l’enrichissement de ses collections.

Ce musée maçonnique, inauguré en grande pompe le 27 mars 2025, avait déjà reçu une visite présidentielle historique : celle d’Emmanuel Macron, accompagné de la ministre de la Culture Rachida Dati, le 5 mai dernier. La République reconnaissait ainsi, en pleine lumière, la légitimité d’une mémoire longtemps reléguée aux marges.

Thierry Zaveroni, Grand Maître de la Grande Loge de France ©GLDF

Une équipe engagée autour du TRGM Thierry Zaveroni

Cette reconnaissance nationale est le fruit d’un travail rigoureux et collectif. Aux côtés du Très Respectable Frère Max Aubrun, Président délégué du Musée – Archives – Bibliothèque (MAB), et du personnel administratif, le Grand Maître a salué l’engagement fraternel qui a permis l’aboutissement de ce projet.

Une pensée particulière a été adressée à Marcela Louvel, conservatrice du patrimoine INP et responsable du musée, absente ce jour-là mais dont le professionnalisme, la méthode et la vision ont permis au musée d’atteindre les standards d’excellence requis.

Un avenir ouvert, entre mémoire et universalité

Désormais intégré au réseau national des institutions patrimoniales françaises, le musée de la Grande Loge de France s’affirme comme un haut lieu de culture initiatique, de recherche symbolique et de transmission. Il complète avec les Archives et la Bibliothèque le triptyque du MAB, espace vivant de réflexion, d’étude et d’éveil.

C’est une nouvelle étape dans le rayonnement de la Grande Loge de France au cœur de la cité, fidèle à son héritage humaniste, spirituel et républicain. Une preuve, s’il en fallait, que la mémoire maçonnique est non seulement vivante, mais aussi précieuse pour comprendre les fondements culturels de notre société.

Le musée de la Grande Loge de France est ouvert à tous, sur rendez-vous, au 8, rue Louis Puteaux – Paris 17e. Plus d’informations à venir sur le site de la GLDF. Illustrations © Yonnel Ghernaouti, YG

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Le discernement éthique face au réel : entre pardon, acceptation et renoncement 

Trois mots : pardon, acceptation et résignation.
Trois processus internes que l’on confond trop souvent.

Et pourtant, ces trois attitudes, si elles partagent un apparent calme, n’engagent ni la même conscience, ni la même éthique, ni le même rapport à l’autre, à soi et au réel.

Ils peuvent tous donner l’illusion de la paix, mais seule la justesse du mouvement intérieur – celui qui respecte notre alignement profond– permet d’accéder à une véritable paix intérieure.

Distinguer ces trois voies exige un acte subtil.

Savoir s’écouter profondément, accueillir en silence ce qui, en nous, résiste ou se tait ; reconnaître sans détour tout écart à notre propre rectitude morale, à notre exigence de vérité intérieure. Il en va de notre équilibre intérieur, de notre cohérence, de notre paix.

Que se passe-t-il quand on se trompe de mot, ou pire : de processus intérieur ?

Le pardon : un acte éthique d’ouverture

Pardonner pleinement implique souvent d’accepter.

Mais accepter, ici, ne signifie ni cautionner, ni excuser.

C’est reconnaitre l’autre dans son humanité, dans sa singularité, avec sa faute, certes, mais sans l’y enfermer. Pardonner suppose une confrontation juste, un travail de vérité et parfois un non ferme, qui libère.

C’est un acte libre et éthique, un choix conscient de ne pas réduire l’autre à ce qu’il a fait, ni à ce qu’il est devenu.

Paul Ricoeur Balzan

Paul Ricœur le formule ainsi : le pardon éthique ne nie pas la faute, mais refuse que celle-ci enferme définitivement l’individu dans son passé – il ouvre un avenir, sans effacer la vérité.

Pardonner, c’est aussi se confronter à l’épaisseur de la blessure, et apprendre à la chérir. C’est aimer sans naïveté, accueillir sans justifier, rester en lien sans se trahir.

C’est traverser pleinement un processus intérieur où le cœur et l’éthique s’accordent dans un même mouvement.

Ce mouvement vaut pour l’autre, mais aussi pour le Soi et pour le réel : se pardonner à soi-même, ou pardonner à la vie, c’est suivre ce même chemin de reconnaissance lucide,  sans repli, sans illusion.

L’acceptation : une lucidité sans renoncement

On peut accepter sans pardonner.

Car accepter, c’est cesser de battre contre ce qui est. C’est déposer les armes intérieures là où le réel ne peut être changé, non par résignation, mais par lucidité.

C’est reconnaître une situation, un état de fait, une blessure, sans chercher à la nier ni à la transformer à tout prix. Accepter n’est pas valider. C’est dire : « Je ne peux pas changer cela, mais je peux cesser de m’y opposer intérieurement. »

C’est une posture de présence qui ouvre à la paix, sans renoncer à la dignité ni à la justice.

L’acceptation nous libère du besoin de réparer, ou même de rester en lien. Elle nous rend à nous-mêmes, mais ne crée pas forcément de réconciliation.

Simone Weil incarne cette vision dans ses écrits : celle d’une acceptation du mal sans jamais y consentir intérieurement – un acquiescement lucide au réel, qui ne bascule jamais dans la soumission.

Accepter, c’est un acte d’ancrage éthique : une reconnaissance de ce qui est, sans justification, sans refus, sans oubli.

La résignation : une illusion de paix intérieure

Enfin, il est primordial de ne pas confondre acceptation et résignation.

Se résigner, ce n’est ni accepter, ni pardonner.

C’est un processus passif, une paix apparente souvent déguisée en sagesse. Cette voie qui fige naît d’un épuisement profond, d’un découragement intérieur, d’une perte de foi dans la possibilité de changement, de parole, ou de rencontre. C’est l’arrêt du mouvement, l’arrêt du vivant, là où le pardon ou l’acceptation sont des actes de lucidité active.

Se résigner, c’est abdiquer. C’est taire en soi une lutte toujours vive.  C’est se couper de ce que l’on ressent, au nom d’un apaisement apparent. Mais le corps, l’âme, le cœur, eux, n’oublient pas.

Simone Weil aurait sans doute vu ici une forme de violence spirituelle muette : celle d’un refus de la réalité sans l’élan de la transcender. Jung y aurait vu une ombre réprimée, rongeant en silence la vitalité psychique.

Car se résigner, c’est se condamner à une violence intérieure, parfois inconsciente. C’est faire de soi le terreau d’une souffrance silencieuse, de frustrations, de conflits latents. 

Cette voie enterre nos désirs, ronge l’élan vital.

C’est le lieu du reniement discret. Le moment où l’on se détourne de soi, où l’on perd sa boussole intérieure, au nom d’une paix qui n’est qu’un silence forcé.

Discernement : une voie d’éthique intérieure

Pardonner, accepter, se résigner : trois visages. Trois chemins.
Mais une seule voie mène à la paix véritable : celle qui honore la vérité du cœur, l’exigence de l’âme, et la fidélité à soi-même.

Le discernement intérieur est un acte de conscience.

Suis-je encore en lien avec moi-même ?
Ou suis-je en train de me taire pour ne pas déranger ?

Carl Gustav Jung

Carl Jung dirait ici que discerner en soi la frontière entre la lumière et l’ombre est essentiel à l’individuation – il ne s’agit pas de refouler ce qui dérange, mais de l’intégrer pour en faire un levier de transformation.

Car la paix véritable ne se négocie pas contre soi.
Elle se cultive dans l’ajustement délicat entre la reconnaissance du réel, la fidélité à soi et l’ouverture à l’autre.

En écho à l’article précédent « Penser l’autre au-delà du miroir : pour une éthique du pardon entre Individuation et Altérité », concluons ainsi :

C’est dans cette tension vivante – entre fidélité à soi et ouverture au réel – que s’inscrit le vrai pardon : un mouvement éthique, que Ricœur verrait comme une herméneutique du soi en relation, et que Jung reconnaîtrait comme une étape décisive de l’individuation, là où l’ombre devient lumière intégrée.

Pardonner, c’est libérer
Accepter, c’est accueillir
Se résigner, c’est s’éteindre.
Seul le discernement intérieur permet de choisir la voie juste – celle qui ne trahit ni soi, ni l’autre, ni le réel.

Elodie Herbert

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Ils ont leurs mots, signes et attouchements

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Les francs-maçons ont leurs mots, leurs signes, leurs attouchements, propres à chaque degré initiatique. Le mot, tel un reliquat du souffle divin, porte l’idée et la façonne. Le signe, quant à lui, précède le mot, comme une annonce silencieuse de ce qui va être dévoilé. Et enfin, il y a l’attouchement, ce contact solennel qui semble dire : « Ne t’inquiète pas, ceci n’est pas une poignée de main envahissante, c’est de la transmission ésotérique. »

Ce rituel n’est donc pas un acte grossier, mais une élégante chorégraphie secrète, où chaque geste a une signification… du moins, c’est ce qu’il faut croire. Car après tout, que serait une tradition millénaire sans une dose de mystère soigneusement entretenue ?

sept mains en étoile
deux doigts pour chacune des sept mains

Les signes en particulier, sont présentés comme des outils sacrés de reconnaissance. Mais regardons-les sous un autre angle : une collection de gestes convenus qui, au fil des siècles, ont acquis une signification quasi-magique.

Les attouchements, eux, suivent une logique similaire. Une pression du pouce sur une partie spécifique de la main serait censée révéler un secret ? Une théorie audacieuse qui semble surtout être une excellente excuse pour introduire une gestuelle subtilement absurde.

Depuis la plus haute Antiquité, ces pratiques sont restées intactes, prouvant que si l’humanité oublie facilement les leçons de l’histoire, elle ne lâche jamais une bonne mise en scène rituelle.

« Attention, en tendant l’index, vous invoquez Hermès ; avec l’annulaire, c’est Aphrodite. Mais si vous utilisez le majeur… alors, c’est une autre forme de message que vous envoyez. »

Origine maçonnique

La plus ancienne loge maçonnique connue fut celle de Mary’s Chapel (1599), sous l’autorité de William de Saint Clair, à Édimbourg (1).

À l’époque, ces premières loges écossaises tenaient farouchement à leur indépendance et pratiquaient :
• soit le Rite des Anciens Devoirs, garantissant une complexité suffisante pour occuper plusieurs générations d’initiés ;
• soit, à partir des années 1630, un rituel d’initiation plus dépouillé, le Rite du Mot de maçon, qui se résumait à une poignée de main et deux mots de passe.

 Une simplicité qui inquiétait profondément ceux qui espéraient un secret ésotérique d’une complexité insondable.

Et la Bible ?

Noli me tangere – « Ne Me touchez pas ».

Par Le Corrège (1525), musée du Prado.

Jésus prononce cette phrase à Marie-Madeleine après sa résurrection. Un avertissement divin ? Une nécessité spirituelle ? Ou simplement une réaction face à un enthousiasme débordant ?

L’ambiguïté reste entière, car dans l’Évangile selon Saint Matthieu, Marie saisit ses pieds et se prosterne. Jésus aurait-il changé d’avis en chemin ?

La version grecque peut aussi se traduire par « Ne vous cramponnez pas », ce qui ajoute une touche d’exaspération divine :
« Marie, je viens de revenir d’entre les morts, épargnez-moi une séance d’accolades excessives. »

En complément : La lutte de Jacob, ou comment négocier avec le divin

« Pour faire le premier pas, vous n’avez pas besoin de voir tout l’escalier. »

Dieu avec un Franc-maçon

Dans le silence de la nuit noire, « quelqu’un » s’approche de Jacob. Est-ce Dieu ? Ou le Christ, comme le pense Luther ? Peu importe l’identité exacte de son adversaire, ce duel tourne rapidement à une confrontation où l’objectif est simple : forcer l’autre à s’aplatir au sol et lui briser la nuque.

Dieu ou pas, la méthode est expéditive. La scène pourrait presque passer pour une leçon magistrale donnée par un maître en lutte gréco-romaine, avec une moralité douteuse à la clé : « Si tu veux une bénédiction, sois prêt à te faire éclater la hanche. »

Lorsque l’aube se lève, Jacob sort de ce combat légendaire en boitant, preuve irréfutable que les conflits mystiques ne se terminent jamais sans quelques séquelles physiques. C’est à croire que la transcendance spirituelle demande impérativement une entorse au passage.

Mots, signes et attouchements : la gestuelle sacrée ou le langage corporel divin

Dans ce combat qui dépasse l’entendement humain, les mots (« Je ne te laisserai point aller, que Tu ne m’aies béni »), les signes (Jacob qui boîte après la lutte) et les attouchements (la prise de catch céleste qui ne lui laisse aucune échappatoire) jouent un rôle essentiel.

On peut imaginer un dialogue parallèle un peu plus pragmatique entre Jacob et son adversaire :

— Jacob : Tu ne partiras pas tant que tu ne m’auras béni.
— L’ange : Très bien, mais tu te rappelleras de moi chaque matin en descendant les escaliers.

Après ce duel surprenant, Jacob passe des ténèbres à la lumière : Post tenebras lux. Ou, plus prosaïquement : « Après le chaos, l’illumination… et quelques séances de rééducation. »

Le secret maçonnique

Giacomo Casanova

Personne n’a réussi à mieux le dire que Giacomo Casanova (1725-1798), dans ce texte de ses Mémoires, rendue célèbre par son caractère énigmatique. Il y parle du secret de la franc-maçonnerie et notamment des mots, signes et attouchements maçonniques :

« Les hommes qui ne se font recevoir francs-maçons que dans l’intention de parvenir à connaître le secret de l’ordre, courent grand risque de vieillir sous la truelle sans jamais atteindre leur but. Il y a cependant un secret, mais il est tellement inviolable qu’il n’a jamais été dit ou confié à personne. Ceux qui s’arrêtent à la superficie des choses pensent que le secret consiste en mots, signes et attouchements, ou qu’enfin le grand mot est au dernier degré. Erreur. Celui qui devine le secret de la franc- maçonnerie, car on ne le sait jamais qu’en le devinant, ne parvient à cette connaissance qu’à force de fréquenter les loges, qu’à force de réfléchir, de raisonner, de comparer et de déduire. Il ne le confie pas à son meilleur ami en maçonnerie, car il sait que s’il ne l’a pas deviné comme lui, il n’aura pas le talent d’en tirer parti dès qu’il le lui aura dit à l’oreille. Il se tait, et ce secret est toujours secret. »

Donc, selon Casanova, celui qui pense que le secret consiste en mots, signes et attouchements se trompe.

Nous pourrions ajouter qu’apercevoir l’énigme maçonnique reste une tâche exaltante, à condition de ne pas faire de la répétition, et de donner plus d’importance aux analyses des contextes qui abritent les « secrets » maçonniques, et permettent de dépasser les interprétations herméneutiques, pour postuler des vérités pléonastique.

Dans ses mémoires, Casanova prévient :

« Les hommes qui cherchent le secret maçonnique risquent de vieillir sous la truelle sans jamais atteindre leur but. »

Une observation d’une ironie glaciale : chercher ce secret, c’est un peu comme essayer de comprendre les critères exacts des promotions dans certaines entreprises. Beaucoup de spéculations, beaucoup de mystère, et au final… une poignée de main et un sourire énigmatique.

Conclusion

Les signes et attouchements maçonniques sont censés être un langage secret, une voie de transmission du savoir, un outil ésotérique puissant. Mais soyons honnêtes : leur interprétation tourne parfois à l’absurde.

Un doigt, un regard, un pouce stratégiquement posé… et voilà qu’une vérité ancestrale serait censée se révéler. À croire que la mystique du geste cryptique dépasse les siècles.

Celui qui espère découvrir le Grand Secret du rite maçonnique à coups de pressions de pouce et de regards énigmatiques risque surtout de devenir expert en gestuelle socialement ambiguë.

  1. Entre 1599 et 1688, la loge s’appelait The Lodge of Edinburgh, nom qui fut changé lorsque la Grande Loge d’Écosse confirma sa charte, et la désigna sous son nom actuel The Lodge of Edinburgh (Mary’s Chapel) No. 1.

Le nom Mary’s Chapel a pour origine la St Mary’s Chapel, fondée en 1505 au centre de Niddry’s Wynd (Edinburgh) par Elizabeth, Comtesse de Ross (Écosse). La chapelle fut détruite en 1785 pour la construction d’un pont au sud de la ville. (source Wikipedia)

« Du secret initiatique » selon René Guénon

Voici un article analysant la pensée de René Guénon à propos du secret initiatique reprenant sa publication de 1934

René Guénon (1886-1951), érudit français et penseur traditionaliste, est connu pour ses écrits sur les traditions initiatiques, l’ésotérisme et la métaphysique. Initié dans des cercles maçonniques, soufis et autres, il cherchait à restaurer la compréhension des sciences sacrées face à la dégénérescence spirituelle du monde moderne. Le Voile d’Isis, revue où parut cet article, était un espace privilégié pour ses réflexions sur l’ésotérisme, devenue plus tard Études Traditionnelles. « Du secret initiatique » s’inscrit dans une série d’articles où Guénon précisait la nature des organisations initiatiques, distinguant leur essence métaphysique des formes extérieures ou profanes qu’elles peuvent revêtir.

Ce texte répond à la nécessité de dissiper les confusions courantes sur le terme « secret », souvent mal interprété dans le contexte des sociétés secrètes. Il s’adresse principalement aux initiés, aux chercheurs en ésotérisme et aux lecteurs familiers de la pensée traditionaliste, mais sa clarté conceptuelle le rend accessible à un public plus large intéressé par la spiritualité authentique.

L’article est structuré de manière logique et progressive, développant une argumentation en plusieurs étapes :

  1. Définition du secret initiatique : Guénon distingue le secret initiatique des autres types de secrets, en soulignant son caractère incommunicable et non conventionnel.
  2. Conséquences principales :
    • Inviolabilité du secret initiatique : Il ne peut être trahi, contrairement aux secrets profanes.
    • Distinction entre secret essentiel et caractère fermé des organisations : Le secret initiatique est indépendant des restrictions d’accès aux organisations.
    • Secrets secondaires et accessoires : Les organisations initiatiques peuvent inclure des secrets conventionnels, mais ceux-ci ne sont pas essentiels.
  3. Rôle des moyens de reconnaissance : Guénon analyse leur fonction symbolique, pédagogique et rituelle, tout en insistant sur leur caractère relatif.
  4. Conclusion implicite : Le texte réaffirme la primauté du secret initiatique comme expression de l’inexprimable, lié à l’essence même de l’initiation.

Cette structure permet à Guénon de clarifier progressivement la nature du secret initiatique, en le distinguant des malentendus profanes et en explorant ses implications pratiques et métaphysiques.

1. Définition du secret initiatique

Guénon commence par poser une distinction fondamentale entre le secret initiatique et les secrets des organisations secrètes au sens large. Il définit le secret initiatique comme étant de nature intérieure, incommunicable et indépendant de toute convention humaine :
« Mais, dans tous les cas, un secret quelconque autre que le secret proprement initiatique a toujours un caractère conventionnel; nous voulons dire par là qu’il n’est tel qu’en vertu d’une convention plus ou moins expresse, et non par la nature même des choses. Au contraire, le secret initiatique est tel parce qu’il ne peut pas ne pas l’être, étant d’ordre purement intérieur et consistant exclusivement dans l’“inexprimable”, lequel, par suite, est nécessairement aussi l’“incommunicable” »

Ce passage souligne que le secret initiatique n’est pas un choix arbitraire, mais une nécessité ontologique découlant de sa nature métaphysique. Contrairement aux secrets profanes (politiques, professionnels ou sociaux), qui dépendent d’une décision humaine et peuvent être révélés, le secret initiatique échappe au langage et à la transmission directe. Il réside dans l’expérience intérieure de l’initié, accessible uniquement par le travail spirituel rendu possible par l’initiation. Guénon précise que ce caractère incommunicable rend les organisations initiatiques « secrètes » par essence, sans artificialité :
« Il est donc absolument indépendant de toute convention, et ainsi, si les organisations initiatiques sont secrètes, ce caractère n’a ici plus rien d’artificiel et ne résulte d’aucune décision plus ou moins arbitraire de la part de qui que ce soit. »

Cette distinction est cruciale pour comprendre la différence entre une organisation initiatique authentique et une société secrète profane, dont le secret repose sur des conventions extérieures.

Guénon développe trois conséquences majeures de cette définition, chacune éclairant un aspect différent du secret initiatique.

a. Inviolabilité du secret initiatique

La première conséquence est que le secret initiatique est inviolable, car il est inaccessible aux profanes par sa nature même :
« La première de ces conséquences, que nous avons déjà indiquée précédemment, c’est que, alors que tout secret d’ordre extérieur peut toujours être trahi, le secret initiatique seul ne peut jamais l’être en aucune façon, puisque, en lui-même et en quelque sorte par définition, il est inaccessible et insaisissable aux profanes et ne saurait être pénétré par eux, sa connaissance ne pouvant être que la conséquence de l’initiation elle-même. »

Le voyage initiatique de Christian Rose-Croix, image générée par IA
Le voyage initiatique de Christian Rose-Croix, image générée par IA

Guénon explique que, faute de pouvoir être exprimé par des mots, le secret initiatique ne peut être transmis que par des rites et des symboles, qui servent de supports à l’expérience intérieure :
« En effet, ce secret est de nature telle que les mots ne peuvent l’exprimer ; c’est pourquoi, ainsi que nous l’avons expliqué en une autre occasion, l’enseignement initiatique ne peut faire usage que de rites et de symboles, qui suggèrent plutôt qu’ils n’expriment au sens ordinaire de ce mot. »

Il précise que l’initiation ne transmet pas directement le secret, mais une « influence spirituelle » qui permet à l’initié de le découvrir par un travail intérieur, en fonction de ses propres capacités :
« A proprement parler, ce qui est transmis par l’initiation n’est pas le secret lui-même, puisqu’il est incommunicable, mais l’“influence spirituelle” qui a les rites pour “véhicule”, et qui rend possible le travail intérieur au moyen duquel, en prenant les symboles comme base et comme support, chacun atteindra ce secret et le pénétrera plus ou moins complètement, plus ou moins profondément, selon la mesure de ses propres possibilités de compréhension et de réalisation. »

Ce passage met en lumière le rôle central des rites comme canaux de transmission spirituelle, et des symboles comme outils de méditation, dans le processus initiatique.

b. Distinction entre secret essentiel et caractère fermé des organisations

Guénon distingue le secret initiatique du caractère « fermé » des organisations qui le détiennent, souvent mal compris comme une forme de prudence ou de dissimulation :
« Ainsi, et c’est là une seconde conséquence de ce que nous avons énoncé au début, le secret initiatique en lui-même et le caractère “fermé” des organisations qui le détiennent (ou, pour parler plus exactement, qui détiennent les moyens par lesquels il est possible à ceux qui sont “qualifiés” d’y avoir accès) sont deux choses tout à fait distinctes et qui ne doivent aucunement être confondues. »

Le Serment (Dionysos Tsokos, 1849) illustre une cérémonie d’initiation : le pope semble être Grigórios Phléssas, le combattant Theódoros Kolokotrónis.

Il explique que le caractère fermé des organisations initiatiques répond à la nécessité de sélectionner des individus dotés de « qualifications » spécifiques, sans lesquelles l’initiation serait ineffective :
« Quant au fait que ces organisations sont “fermées”, c’est-à-dire qu’elles n’admettent pas tout le monde indistinctement, il s’explique simplement par la nécessité de posséder certaines “qualifications”, faute desquelles aucun bénéfice réel ne peut être retiré du rattachement à une telle organisation. »

Cependant, un excès d’ouverture peut entraîner une dégénérescence, en introduisant des membres incapables de comprendre l’initiation, qui risquent d’importer des vues profanes :
« Et de plus, quand celle-ci devient trop “ouverte” et insuffisamment stricte à cet égard, elle court le risque de dégénérer par suite de l’incompréhension de ceux qu’elle admet ainsi inconsidérément, et qui, surtout lorsqu’ils deviennent le plus grand nombre, ne manquent pas d’y introduire toutes sortes de vues profanes et de détourner son activité vers des buts qui n’ont rien de commun avec le domaine initiatique. »

Guénon relativise également l’idée de « prudence » face au monde profane. Si celle-ci peut être légitime face à l’hostilité extérieure, elle n’est qu’accessoire par rapport à l’essence de l’organisation initiatique, qui reste « insaisissable » :
« Quant à la “prudence” vis-à-vis du monde extérieur, ainsi qu’on l’entend le plus souvent, ce ne peut être qu’une considération tout à fait accessoire, encore qu’elle soit assurément légitime en présence d’un milieu plus ou moins consciemment hostile. »

Il mentionne brièvement le danger de la « contre-initiation », une force opposée à l’initiation authentique, mais souligne que les mesures de prudence ne suffisent pas à y répondre, car ce danger dépasse le domaine profane.

c. Secrets secondaires et accessoires

Guénon reconnaît que les organisations initiatiques peuvent inclure des secrets secondaires, de nature extérieure, mais insiste sur leur caractère non essentiel :
« Il peut arriver en fait que, outre ce secret qui seul lui est essentiel, une organisation initiatique possède aussi secondairement, et sans perdre aucunement pour cela son caractère propre, d’autres secrets qui ne sont pas du même ordre, mais d’un ordre plus ou moins extérieur et contingent. »

Ces secrets peuvent découler de deux sources :

  • Contamination profane : L’adjonction d’objectifs non initiatiques (politiques, sociaux) peut introduire des secrets conventionnels, marque de dégénérescence.
  • Applications légitimes : Certains secrets concernent des sciences ou arts traditionnels (alchimie, géométrie sacrée), réservés pour éviter leur dénaturation par une vulgarisation profane :
  • « Les secrets auxquels nous faisons allusion ici sont, plus spécialement, ceux qui concernent les sciences et les arts traditionnels; ce qu’on peut dire de la façon la plus générale à cet égard, c’est que, ces sciences et ces arts ne pouvant être vraiment compris en dehors de l’initiation où ils ont leur principe, leur “vulgarisation” ne pourrait avoir que des inconvénients. »

Un autre type de secret secondaire est celui des « moyens de reconnaissance », comme les mots de passe ou les signes distinctifs :
« Ce secret est celui qui porte, soit sur l’ensemble des rites et des symboles en usage dans une telle organisation, soit, plus particulièrement encore, et aussi d’une manière plus stricte d’ordinaire, sur certains mots et certains signes employés par elle comme “moyens de reconnaissance”, pour permettre à ses membres de se distinguer des profanes. »

Guénon insiste sur leur caractère conventionnel et relatif, les distinguant du secret initiatique véritable :
« Il va de soi que tout secret de cette nature n’a qu’une valeur conventionnelle et toute relative, et que, par là même qu’il concerne des formes extérieures, il peut toujours être découvert ou trahi. »

Il note que ces moyens sont plus présents dans les organisations moins « fermées » ou plus extériorisées, comme celles prenant la forme de sociétés :
« L’emploi de “moyens de reconnaissance” par une organisation est une conséquence de son caractère “fermé”; mais, dans celles qui sont précisément les plus “fermées” de toutes, ces moyens se réduisent jusqu’à disparaître parfois entièrement, parce qu’alors il n’en est plus besoin, leur utilité étant directement liée à un certain degré d’“extériorité” de l’organisation. »

3. Rôle des moyens de reconnaissance

Guénon approfondit l’analyse des moyens de reconnaissance, en explorant leurs fonctions multiples : pédagogique, symbolique et rituelle.

a. Fonction pédagogique

Il attribue aux moyens de reconnaissance un rôle « pédagogique », comparant leur discipline à celle du silence pratiquée dans des écoles anciennes, comme chez les Pythagoriciens :
« Certains lui attribuent surtout un rôle “pédagogique”, s’il est permis de s’exprimer ainsi; en d’autres termes, la discipline du secret “constituerait une sorte d’entraînement” ou d’exercice faisant partie des méthodes propres à ces organisations; et l’on pourrait y voir en quelque sorte, à cet égard, comme une forme atténuée et restreinte de la “discipline du silence” qui était en usage dans certaines écoles anciennes, notamment chez les Pythagoriciens. »

Il souligne que l’efficacité de cette discipline réside dans l’acte de garder le secret, indépendamment de l’importance de son contenu :
« Il est à remarquer que, sous ce rapport, la valeur du secret est complètement indépendante de celle des choses sur lesquelles il porte; le secret gardé sur les choses les plus insignifiantes aura, en tant que “discipline”, exactement la même efficacité qu’un secret réellement important en lui-même. »

Cette considération répond aux critiques profanes accusant les organisations initiatiques de « puérilité », en montrant que leur valeur réside dans la formation spirituelle qu’elles procurent.

b. Fonction symbolique

Guénon va plus loin en affirmant que les moyens de reconnaissance sont des symboles à part entière, intégrés à l’enseignement initiatique :
« Ce sont là véritablement des symboles comme tous les autres, dont la signification doit être méditée et approfondie au même titre, et qui font ainsi partie intégrante de l’enseignement initiatique. »

Il généralise cette idée à toutes les formes traditionnelles, qui possèdent une dimension symbolique transcendant leur apparence extérieure :
« Il en est d’ailleurs de même de toutes les formes employées par les organisations initiatiques, et, plus généralement encore, de toutes celles qui ont un caractère traditionnel (y compris les formes religieuses) : elles sont toujours, au fond, autre chose que ce qu’elles paraissent au dehors, et c’est même là ce qui les différencie essentiellement des formes profanes. »

Le secret extérieur devient ainsi un symbole du secret initiatique lui-même, reflétant l’inexprimable :
« A ce point de vue, le secret dont il s’agit est lui-même un symbole, celui du véritable secret initiatique, ce qui est évidemment bien plus qu’un simple moyen “pédagogique”. »

Guénon met en garde contre la confusion entre le symbole et ce qu’il représente, erreur typique de l’ignorance profane qui réduit tout à l’apparence sensible.

c. Fonction rituelle

Enfin, Guénon attribue aux moyens de reconnaissance une dimension rituelle, car ils sont intégrés aux cérémonies d’initiation :
« Le secret d’ordre extérieur, dans les organisations initiatiques où il existe, fait proprement partie du rituel, puisque ce qui en est l’objet est communiqué, sous l’obligation correspondante de silence, au cours même de l’initiation à chaque degré ou comme achèvement de celle-ci. »

Il établit un lien indissoluble entre rite et symbole, soulignant que tout rite possède un sens symbolique et que tout symbole, médité correctement, produit des effets comparables à ceux des rites :
« Du reste, à la vérité, le rite et le symbole sont, dans tous les cas, étroitement liés par leur nature même, car tout rite comporte nécessairement un sens symbolique dans tous ses éléments constitutifs, et, inversement, tout symbole produit, pour celui qui le médite avec les aptitudes et les dispositions requises, des effets rigoureusement comparables à ceux mêmes des rites proprement dits. »

Il insiste sur la nécessité d’une transmission initiatique régulière pour que ces rites et symboles soient effectifs, sans quoi ils deviennent de simples simulacres, comme dans les pseudo-initiations.

Bien que Guénon ne formule pas de conclusion explicite, son texte culmine dans une réaffirmation de la primauté du secret initiatique comme expression de l’inexprimable. En distinguant ce secret des secrets secondaires, il rétablit la dignité métaphysique des organisations initiatiques et leur rôle comme dépositaires des moyens d’accès à la connaissance spirituelle. Le texte invite à une méditation sur la nature de l’initiation, qui transcende les formes extérieures pour atteindre l’essence universelle de la tradition.

En distinguant le secret incommunicable, lié à l’inexprimable, des secrets conventionnels et accessoires, Guénon rétablit la dimension métaphysique de l’initiation. Il offre une réflexion d’une portée universelle sur la quête spirituelle.

Deux de mes articles en relation avec le secret initiatique

Analyse comparative des sites d’informations maçonniques français : « Le leader creuse l’écart »

La Franc-maçonnerie, un sujet riche en histoire et en symbolisme, attire une audience passionnée sur des plateformes numériques spécialisées. Parmi les sites francophones de référence, 450.fm, Hiram.be, gadlu.info, et fm-mag.fr se disputent l’attention des lecteurs intéressés par cet univers. Grâce aux services du leader mondial des données numériques SimilarWeb*, pour la période de mars à mai 2025, nous proposons une analyse comparative détaillée de leurs performances respectives en termes de trafic, d’engagement et de sources d’acquisition.

Cette analyse met en lumière le leadership grandissant de 450.fm, qui domine largement Ce « seGMENT DE MARCHé ».

Contexte : Les Acteurs du Paysage Numérique de la Franc-Maçonnerie

Les 4 sites analysés se concentrent sur la franc-maçonnerie, mais chacun adopte une approche distincte :

  • 450.fm : Plateforme moderne, axée sur des contenus variés, allant des articles historiques aux analyses contemporaines, avec une interface soignée et un ton inclusif.
  • Hiram.be : Agrégateur d’infos, de longue date établi, connu pour ses articles d’actualité et ses chroniques, parfois critiqué pour son ton polémique ou celui de ses commentateurs.
  • gadlu.info : Site plus traditionnel, axé sur des contenus pédagogiques et symboliques, avec une audience fidèle, mais moins dynamique à cause de ses nombreuses publicités.
  • fm-mag.fr : Magazine en ligne qui combine actualités et analyses, mais avec une portée plus limitée, sachant que son premier métier est l’édition papier diffusée en kiosque.

Les données de SimilarWeb, extraites d’un rapport couvrant la période de mars à mai 2025, permettent de comparer ces sites selon des métriques clés : visites mensuelles, visiteurs uniques, engagement (durée des visites, pages par visite, taux de rebond), répartition géographique, canaux marketing, et mots-clés organiques.

Cette analyse révèle notammment la domination de 450.fm.

Analyse des performances : 450.fm en tête

1. Trafic Total et Visiteurs Uniques

Sur la période de mars à mai 2025, 450.fm surpasse largement ses concurrents avec 279 192 visites totales, contre 85 807 pour Hiram.be, 62 291 pour gadlu.info, et seulement 16 629 pour fm-mag.fr. En termes de visiteurs uniques mensuels, 450.fm attire 45 153 visiteurs, contre 12 652 pour Hiram.be, 9 464 pour gadlu.info, et 2 936 pour fm-mag.fr.

Ces chiffres traduisent une domination nette de 450.fm, qui capte plus de 3 fois plus de trafic que son plus proche concurrent, Hiram.be.

Cette performance de 450.fm reflète une stratégie éditoriale et numérique efficace, probablement soutenue par un contenu diversifié et une optimisation SEO performante (SEO signifiant : Search Engine Optimization, soit : Optimisation pour les moteurs de recherche, autrement dit : le référencement naturel). En comparaison, Hiram.be, malgré son ancienneté et sa notoriété, semble stagner, tandis que gadlu.info et fm-mag.fr peinent à rivaliser en termes de portée.

2. Engagement des Visiteurs

L’engagement est un indicateur crucial de la qualité du contenu et de l’expérience utilisateur. Voici les métriques clés pour chaque site :

  • Durée moyenne des visites : 450.fm affiche une durée de 2 minutes 30 secondes, la plus longue parmi les quatre sites, contre 1 minute 59 secondes pour fm-mag.fr, 1 minute 13 secondes pour Hiram.be et seulement 58 secondes pour gadlu.info. Cela suggère que les visiteurs de 450.fm trouvent un contenu plus captivant ou mieux structuré.
  • Pages par visite : fm-mag.fr mène avec 3,43 pages par visite, suivi de Hiram.be et 450.fm (2,26 et 1,91 respectivement), et gadlu.info (1,77). Bien que fm-mag.fr excelle ici, son faible trafic global limite l’impact de cette métrique.
  • Taux de rebond : 450.fm affiche un taux de rebond de 52,02 %, légèrement supérieur à fm-mag.fr (49,31 %), mais inférieur à Hiram.be (67,62 %) et gadlu.info (60,82 %). Le taux élevé de Hiram.be indique que de nombreux visiteurs quittent le site rapidement, peut-être en raison d’un contenu moins engageant ou d’une interface moins conviviale.

Ces données montrent que 450.fm combine un trafic élevé avec un engagement solide, surpassant Hiram.be dans la plupart des indicateurs.

Le taux de rebond élevé de Hiram.be pourrait refléter une polarisation de son contenu, qui, selon certaines observations, inclut des critiques acerbes contre 450.fm, ses rédacteurs et parfois ses lecteurs.

3. Répartition Géographique

La répartition géographique du trafic révèle les marchés cibles de chaque site :

  • 450.fm : 74,80 % de son trafic provient de France, suivi par la Belgique (6,85 %), les États-Unis (6,32 %), le Canada (3,48 %) et la Suisse (3,21 %). Cette forte concentration en France, combinée à une portée internationale, témoigne de son attrait global.
  • Hiram.be : Bien que les données précises par pays ne soient pas détaillées pour Hiram.be, sa part de trafic en France est probablement similaire, mais son audience internationale semble moins diversifiée.
  • gadlu.info et fm-mag.fr : Leur trafic est également dominé par la France, mais leur faible volume global limite leur portée internationale.

La capacité de 450.fm à attirer une audience francophone internationale renforce son positionnement comme leader, tandis que Hiram.be, malgré son ancienneté et sa notoriété, semble moins performant à l’échelle mondiale.

4. Canaux Marketing

Les sources de trafic révèlent les stratégies d’acquisition de chaque site :

  • Recherche organique (c.-à-d. l’obtention de trafic à partir des résultats des moteurs de recherche) : gadlu.info domine avec 66,61 % de son trafic provenant de la recherche organique, suivi par 450.fm (part non précisée mais significative). Les termes de recherche organique les plus performants pour 450.fm incluent « Winston Churchill franc-maçon » (3,22 %), « Grande Loge de District d’Afrique » (2,54 %), et « Olivier Hamant », biologiste spécialiste de la robustesse du vivant (1,78 %), indiquant un ciblage efficace de sujets d’intérêt.
  • Trafic direct : 450.fm et Hiram.be attirent une part importante de trafic direct (41 % pour la catégorie, selon SimilarWeb), signe que le lectorat de ce dernier provient des abonnements, ce site étant fermé aux visites libres. Cette dépendance le fragilise grandement car, face à des concurrents gratuits donc en accès libre, combien de temps la masse critique de ses abonnés sera t-elle suffisante ?
  • Trafic social : 450.fm mène avec 2,57 % de son trafic provenant des réseaux sociaux, principalement via Facebook, LinkedIn, et X (anciennement Twitter). Hiram.be est très peu actif sur les réseaux sociaux, il marque le pas dans ce domaine.
  • Referrals (recommandations d’une personne ou d’un service à d’autres personnes, correspondants ou lecteurs, une forme de bouche-à-oreille) : fm-mag.fr se distingue avec 7,56 % de trafic référent, notamment via des sites comme fr.wikipedia.org et api.follow.it. Hiram.be et 450.fm ont également des referrals, mais leur impact est moindre.
  • Recherche payante (publicités figurant en tête de la page de résultats d’un moteur de recherche) et publicités display (diffusion d’annonces visuelles, le plus souvent constituées de bannières publicitaires) : Hiram.be utilise une faible part de recherche payante et de publicités display (<1 %), tandis que 450.fm semble privilégier des stratégies organiques et sociales.

450.fm excelle dans une approche multicanale, combinant un SEO robuste, un trafic direct important et une présence croissante sur les réseaux sociaux. Hiram.be, en revanche, semble moins diversifié dans ses canaux, ce qui pourrait expliquer son retard.

Leadership croissant de 450.fm

Les données de SimilarWeb confirment que 450.fm s’impose comme le leader incontesté de ce « segment de marché », avec un trafic plus de trois fois supérieur à son plus proche concurrent et des métriques d’engagement compétitives.

Cette domination s’explique par plusieurs facteurs :

  1. Contenu diversifié et inclusif : 450.fm couvre une large gamme de sujets, allant des aspects historiques et symboliques aux débats contemporains, attirant ainsi une audience variée.
  2. Optimisation numérique : Son succès en recherche organique, combiné à une présence sociale croissante, démontre une stratégie digitale bien pensée.
  3. Expérience utilisateur : Une durée de visite plus longue et un taux de rebond modéré suggèrent une interface intuitive et un contenu engageant.

Année après année, 450.fm a consolidé sa position, passant d’un acteur émergent à une référence incontournable au delà des frontières de l’Hexagone. Cette croissance contraste avec la stagnation relative de son plus proche concurrent qui, malgré sa notoriété, semble perdre du terrain.

Critiques de Hiram.be : une stratégie polémique

Hiram.be, bien qu’en deuxième position, adopte une approche controversée en critiquant régulièrement 450.fm, ses rédacteurs, et même ses lecteurs. Ces attaques, souvent perçues comme un acharnement, pourraient nuire à sa propre performance :

  • Taux de rebond élevé (67,62 %) : Les critiques acerbes et le ton polémique peuvent décourager certains visiteurs, qui quittent le site rapidement.
  • Manque de diversification : Hiram.be semble moins investi dans les réseaux sociaux et les stratégies modernes d’acquisition, ce qui limite sa portée face à 450.fm.
  • Perception négative : En s’attaquant à 450.fm, Hiram.be risque de s’aliéner une partie de son audience, qui pourrait préférer le ton plus neutre et inclusif de son concurrent. Par ailleurs, le lectorat s’oriente probablement de plus en plus vers les contenus gratuits de 450.fm et délaisse le modèle payant à faible productivité de Hiram.be (1 à 2 articles/jour).

Les critiques émanant de Hiram.be pourraient être motivées par la montée en puissance de 450.fm, qui a détrôné la position de son concurrent historique, Hiram.be ayant longtemps été leader. Cependant, cette stratégie de dénigrement paraît, pour le moins, contre-productive, puisque ne cesse de se creuser le fossé entre l’ancien protagoniste et le nouveau, aussi bien en termes de trafic qu’en ceux d’engagement.

Comparaison avec gadlu.info et fm-mag.fr

Franc-Maçonnerie magazine N°99
Franc-Maçonnerie magazine N°99
  • gadlu.info : Avec 62 291 visites, gadlu.info se positionne comme un acteur respectable mais limité par un contenu plus statique et un engagement faible (durée de visite de 58 secondes). Sa force réside dans la recherche organique, mais l’excès de publicité nuit à une bonne ergonomie de lecture.
  • fm-mag.fr : Avec seulement 16 629 visites, fm-mag.fr est le plus faible des quatre sites. Son point fort est le nombre de pages par visite (3,43), mais son trafic global reste marginal, le rendant peu compétitif. Son atout étant l’édition papier en kiosque, ce site est un complément au cœur de métier de Franc-maçonnerie magazine.

Ces deux derniers sites, bien que pertinents pour une audience de niche, ne rivalisent pas avec la portée et l’engagement de 450.fm ou même avec ceux de Hiram.be.

450.fm, un leader en pleine ascension

L’analyse des données SimilarWeb pour la période de mars à mai 2025 confirme que 450.fm domine incontestablement le paysage numérique de la Franc-maçonnerie francophone, avec un trafic massif, un engagement solide et une stratégie multicanale efficace. Son leadership croissant, année après année, repose sur une approche inclusive, une optimisation numérique avancée et une capacité à capter une audience internationale. En comparaison, Hiram.be, malgré sa notoriété passée, stagne et semble affecté par une stratégie éditoriale polémique, marquée par des critiques répétées contre 450.fm. Observons que même le fondateur de ce blog d’agrégation informationnelle, Jiri Pragman, est venu récemment à la rescousse de la ligne éditoriale pour remuscler le lectorat, en vain car ses interventions sont aussi acides que celle de son successeur et n’apportent aucune fraîcheur à un modèle ancien, désormais à bout de souffle. Les attaques en question, loin de freiner l’ascension de 450.fm, ne font que souligner la frustration d’un concurrent en perte de vitesse, face à un leader qui tire profit d’un modèle répondant mieux et plus pleinement aux besoins des francs-maçons du XXIe siècle.

Pour les passionnés de franc-maçonnerie, 450.fm s’impose comme la plateforme d’information de référence, offrant un contenu riche et accessible qui dépasse très largement le seul cadre de l’actualité, en offrant aussi de nombreux contenus d’instruction et d’histoire.

Hiram.be, bien que pertinent sur certains sujets, devra repenser son approche s’il veut rester compétitif face à un leader qui redéfinit jour après jour les standards du segment. Malheureusement, il semble manquer de moyens financiers et de ressources techniques. Il ne peut rivaliser face à une équipe rédactionnelle de 30 sœurs et frères aguerris contribuant à 450.fm. On peut même se demander si chaque mois passant ne rend pas de plus en plus incertaine la revente potentielle du site Hiram.be, quand l’heure de la retraite de notre confrère Géplu sonnera définitivement, sachant qu’en Sisyphe âgé, il continue tant bien que mal de tenir son agrégateur à bout de bras.

* Nota bene : Le test SimilarWeb a été effectué en ligne le 18 juin 2025, en condition normale, sans aucune influence ni directive particulière. Ainsi, chacun peut le reproduire à sa guise.

L’usage du cadre en Franc-maçonnerie : entre contrainte et liberté initiatique

Dans l’univers symbolique de la Franc-Maçonnerie, le concept de « cadre » revêt une richesse méconnue, bien au-delà de son usage courant. Cet article, destiné à un large lectorat de notre journal maçonnique, explore cette notion à travers son histoire, ses multiples facettes et sa signification profonde, offrant une réflexion accessible à tous, qu’ils soient initiés ou simplement curieux de notre Art Royal.

Une Origine Historique et Symbolique

Le terme « cadre » émerge au XIIIe siècle dans un contexte militaire, dérivé du latin quadrum, signifiant « carré ». Cette racine nous plonge dans le domaine du quatre, symbole de la matière, contrastant avec le trois associé à la spiritualité. Le mot a depuis évolué, adoptant des déclinaisons variées : cadre de porte, cadre numérique sur Internet (le « frame »), cadre champêtre, cadre marin (un lit), cadre doré d’un tableau, voire le « cadre de feu » – un supplice pratiqué par certaines tribus amérindiennes –, cadre de vélo, cadre de vie, statut de cadre en entreprise, loi cadre, ou encore le prestigieux Cadre Noir d’équitation. Cette diversité illustre une constante : le cadre délimite, sépare, structure.

Porte du soleil

En Franc-Maçonnerie, le cadre le plus emblématique est celui de la loge, un espace distinct où se réunissent les membres. Cette séparation entre l’intérieur – le sacré – et l’extérieur – le profane (du latin pro-fanum, « devant le temple ») – crée une frontière symbolique. Le parcours initiatique guide le Maçon du profane, à l’ouest, vers le sacré, via le nord jusqu’au sud, traçant un cadre invisible en forme d’équerre. Cette progression reflète une transition intérieure, un passage d’un état à un autre, encadré par des repères géométriques.

Le Cadre comme Hiérarchie et Rituel

Le cadre se manifeste également dans la hiérarchie maçonnique, un mot composé de hieros (« sacré ») et arkos (« rectitude »), soulignant une organisation sacrée et ordonnée. Souvent opposée à l’anarchie – refus d’une autorité unique –, cette structure se distingue de l’anomie (a-nomos, absence de loi ou d’ordre). Cette dualité entre cadre sacré et absence d’ordre structure l’expérience maçonnique, où les officiers et les membres évoluent dans une codification de gestes, de paroles et d’esprit : le rituel. N’est-ce pas, en soi, un autre cadre ? De même, la loge dans son ensemble, ses membres et l’obédience qui la surplombe, tous participent à cet encadrement.

Ainsi, le Maçon semble évoluer dans une mosaïque de cadres : outils, gestes, déplacements, paroles, organisations humaines, espaces de réunion. Certains sont triangulaires, d’autres carrés ou circulaires. Cette prolifération soulève une question légitime : avec autant de cadres, comment rester un « Maçon Libre » ? La liberté, essence de notre démarche, semble paradoxalement entravée par ces contraintes. Comment concilier les deux ?

Le Cadre : Contrainte ou Outil de Libération ?

La liberté est au cœur des idéaux maçonniques, comme dans la société profane. Pourtant, notre époque, hyperstructurée, sécurisée et connectée, multiplie les cadres – policier, législatif, médical, familial – censés garantir notre bien-être. Ironiquement, cette surprotection alimente une peur croissante, attisant l’agressivité. Comme le note La Rochefoucauld dans ses Maximes :

« La peur n’est pas dans le danger, elle est en toi. »

Cette peur, née du contrôle mental, nous déconnecte de notre centre, nous poussant à déléguer notre pouvoir à des « Maîtres de substitution » – entreprises, nationalités, institutions – pour apaiser notre anxiété.

Prenons un exemple concret : en cas d’accident d’avion, comme le vol Rio-Paris d’Air France en 2009, les indemnisations varient drastiquement selon la nationalité. Une famille américaine a reçu 4 millions de dollars, une brésilienne 750 000 dollars, et une européenne seulement 250 000 dollars, selon AXA. Ces disparités illustrent comment les cadres sociaux, loin de rassembler, divisent et valorisent certains au détriment d’autres.

Le cadre, bon ou mauvais ? Cela dépend de notre conscience. Lors d’une ascension montagneuse, les chemins, panneaux, guides et même les chaussures sont des cadres. S’ils servent l’orgueil – grimper avec un champion mondial pour briller – ou la comparaison – porter les chaussures les plus chères –, ils deviennent des chaînes. Mais s’ils soutiennent un voyage intérieur, ils se transforment en outils d’éveil. Le cadre, bien utilisé, nous aide à transcender la dualité sacré/profane pour atteindre notre centre.

Du Cadre à la Conscience

Quand la conscience guide nos choix, le cadre perd son caractère contraignant. La dualité s’efface, tout devient sacré. Les notions morales de bien et mal, héritées de visions manichéennes, cèdent la place à un équilibre dynamique : le juste ou le chaos créateur, états transitoires de la vie. Un militaire décoré pour avoir tué un ennemi contraste avec une femme qualifiée de criminelle pour avoir tué un mari violent, prouvant la relativité de ces jugements.

Nelson Mandela

Un exemple emblématique est Nelson Mandela. Après 27 ans de prison pour 200 actes terroristes, le cadre carcéral devint son atelier de sagesse, le propulsant vers la présidence de l’Afrique du Sud et un Nobel de la Paix. Ce cadre, initialement une contrainte, devint un levier de transformation.

De même, lors de l’initiation, le bandeau sur les yeux – un cadre de cécité – n’est pas une épreuve à surmonter, mais un cadeau. Il oblige le candidat à s’intérioriser, à sentir sans voir, à faire confiance à l’Expert et aux Frères et Sœurs qui l’accompagnent lors des trois voyages symboliques. Retirer le bandeau ne ramène pas à la Lumière, mais au profane extérieur. Ce moment de cécité, bien qu’éphémère, est un acte d’humilité et de foi, souvent oublié par ceux qui, une fois initiés, se perdent dans des certitudes.

La chaîne d’union, avec les mains passant d’un inconnu à l’autre, émeut encore ceux qui en gardent le souvenir. Qui oserait négocier son serment ou refuser une épreuve par peur du feu ou d’une piqûre ? Pourtant, nous avons tous plié l’échine sous la porte basse, acceptant ce cadre avec dignité. Pourquoi, alors, certains maçons, remplis de certitudes, oublient-ils cette humilité originelle pour s’enfermer dans la peur, la comparaison ou la compétition ?

Vers une Liberté Conscience

Peut-être l’antidote réside-t-il dans un amour inconditionnel de soi, chassant la peur et l’orgueil. Une équation simple émerge :

« Plus je m’aime, plus j’aime les autres ; moins je m’aime, plus je me coupe des autres. »

Les vices et vertus, piliers initiaux de la Maçonnerie, s’effacent devant la conscience – non pas les émotions trompeuses, mais l’action juste au moment opportun, comme le rappelle notre Rituel en reliant le Maçon au Divin.

En conclusion, le cadre est un outil pour distinguer le dedans du dehors dans la dualité. Par un travail intérieur, le Maçon s’affranchit de ses passions, trouve son centre et incarne la sagesse. Aligné, il « est » sans forcer, sa parole et son écoute deviennent justes. Libéré de son tablier, de ses rituels et de ses espaces, il porte partout l’essence du sacré et du profane réunis. Ce voyage initiatique, proposé dans ces lignes, espère vous inspirer pour de futures rencontres fraternelles.

L’antihéros comme paradigme de l’initié

De notre confère expartibus – Par Pierre Hérisson

Dans l’histoire comme dans la littérature, à côté de la figure du héros, on trouve moins souvent celle de l’antihéros. Alors que le héros est beau, juste, irréprochable et intrépide, animé d’un sens moral élevé, l’antihéros est son image miroir. Souvent laid, voire déformé, individualiste, rebelle, déchiré par les doutes et incapable de toujours faire ce qu’il faut.

Nous trouvons ce qui est peut-être le plus ancien exemple dans l’ Iliade, en Thersite, laid, infirme, lâche.

Mais même s’il commet des erreurs dans sa conduite, s’il ne sait pas utiliser les mots comme le ferait un orateur, Thersite dit la vérité, se moque des puissants, devenant la voix de ces gens qui sont opprimés par les puissants, qui rejettent la guerre mais en subissent les conséquences.

Bien sûr, les caractéristiques mentionnées n’apparaissent pas toujours chez tous, de manière à créer une définition limite, comme celle du héros tragique. Bien que l’antihéros ait toujours des caractéristiques qui font de lui une figure tragique, une distinction n’est pas toujours possible. Dans cette veine, on retrouve une œuvre qui, bien que rarement citée, ne peut être oubliée : le chef-d’œuvre de John Milton, Le Paradis perdu .

Texte contenant de nombreuses suggestions ésotériques, dans une symbologie très complexe. Le protagoniste est Lucifer, plus tard appelé Satan, qui se rebelle contre Dieu.

Commençons par l’étymologie.

Lucifer signifie littéralement porteur de lumière , du latin  lux , qui signifie lumière, et  ferre, apporter, qui à son tour dérive du grec ϕωσϕόρος .

Tout comme nous pouvons nous référer au nom Ἑωσφ όρος comme une personnification de l’adjectif ἑωσφόρος, apporteur de l’aube ou apporteur du matin.

Il existe de nombreuses comparaisons entre Lucifer et Vénus ou l’Étoile du Matin.

La tradition ésotérique, d’ailleurs, sépare clairement les figures de Lucifer et de Satan.

Selon une histoire peu connue, Dieu, en donnant une tâche à chaque ange, a demandé à un certain moment qui voulait prendre sur ses épaules tous les péchés des hommes, renonçant à ses propres vertus, jusqu’à ce que les gens comprennent que leur égoïsme est l’origine du mal.

Dans le silence de tous les autres, c’est Lucifer lui-même qui s’est offert, le plus beau, le plus vertueux et le plus proche de Dieu.

Symbolisme qui bouleverse celui classique et catholique. Lucifer qui choisit de tomber pour sauver les hommes. Cela nous amène à une autre corrélation, celle entre Lucifer et le Christ. Tous deux se sacrifient pour le salut des hommes.

Et, ce n’est pas un hasard si, dans l’ Apocalypse de Jean, l’un des textes ayant la signification ésotérique la plus profonde, le Christ se définit comme le porteur de lumière, comme l’étoile du matin.

Avec la même autorité que j’ai reçue de mon Père ;et je lui donnerai l’étoile du matin. Que celui qui a des oreilles entende ce que l’Esprit dit aux Églises.
Jean – Apocalypse 2, 28-29

Dieu lui-même est lumière.

La ville n’a besoin ni du soleilni de la lune, carla gloire de Dieu l’éclaire,et l’Agneau est sa lampe.Les nations marcheront à sa lumière,et les rois de la terre y apporteront leur gloire.Ses portes ne seront jamais fermées le jour,car il n’y aura pas de nuit.
Jean – Apocalypse 21, 23 – 25

De retour à Milton, Lucifer choisit de tomber pour incarner la possibilité pour les hommes d’exercer leur libre arbitre, la possibilité et la capacité de choisir entre le bien et le mal. Mais cela introduit aussi un autre élément : l’homme n’aura plus l’expérience directe de Dieu à trouver en dehors de lui-même. Depuis l’expulsion du paradis terrestre, il faut chercher Dieu en soi-même, en puisant dans l’étincelle divine qui est dans la création. Pourtant, Lucifer, incarnant l’égoïsme humain, est à tous égards un anti-héros.

Dans le célèbre passage du Discours de Satan, il écrit :

Enfer,
reçois ton nouveau Possesseur : Celui qui apporte
un esprit immuable au temps et à l’espace.
L’esprit est son propre lieu et
peut, en lui-même, faire de l’enfer un paradis, et du paradis un enfer.

John Milton – Le Paradis perdu

L’homme comme mesure des choses, qui peut transformer l’enfer en paradis ou vice versa.

Et, peu de temps après :

Mieux vaut régner en enfer que servir au paradis
John Milton – Paradis perdu

L’une des affirmations les plus puissantes de l’individu.

Mais que donne Lucifer à Adam et Eve ?

Même dans la Bible, le fruit défendu est celui de la connaissance du bien et du mal.

L’état de béatitude d’Adam et Eve dans la Jérusalem terrestre est naïf. Ils n’ont pas choisi le bien, ils ont été « créés » dans le bien, sans en avoir conscience. Ils perdent cet état de bonheur lorsqu’ils l’acquièrent. Mais, à partir de ce moment, le choix entre le bien et le mal est délégué au libre arbitre.

Il y a l’expulsion et la chute, mais l’ascension peut conduire à une béatitude enfin consciente, qui peut donner à l’homme accès à la Jérusalem Céleste. En ce sens, la figure de Lucifer est, à certains égards, comparable à celle de Prométhée, qui doit également être considéré comme un porteur de Lumière ; le rebelle qui défie les dieux, et donc l’autorité, pour le bien de l’humanité.

Qui vole le Feu pour le donner à l’homme, pour lui donner la possibilité d’atteindre la Connaissance. Le Feu qui est création et qui peut être associé à ce Logos qui dans l’Évangile de Jean a été traduit de manière réductrice par verbe .

Mais aussi le Feu dont le Vénérable Maître est le gardien, qui le préserve et le transmet.

Ce que Lucifer et Prométhée ont en commun, c’est le concept de sacrifice. Tous deux choisissent de tomber pour donner la Conscience aux hommes et en subir les conséquences.

Prométhée, s’il n’est pas un antihéros, est au moins un héros tragique, dont les actes le conduisent à subir le châtiment d’une souffrance extrême.

Deux figures qui abandonnent l’ego pour poursuivre un bien perçu comme supérieur.

Un chapitre à part serait consacré au héros byronien , central dans la poétique de Lord Byron, dont les caractéristiques sont la passion, le talent, l’aversion au pouvoir, aux conventions sociales, mais aussi des traits tels que le cynisme, l’arrogance, la tendance à l’autodestruction.

Mémorable est la figure de Childe Harold , le protagoniste du poème autobiographique de Byron, Le pèlerinage de Childe Harold , dont la vie est inspirée du modèle héroïque qu’il chantait.

Toute la littérature anglaise, et pas seulement, a été influencée par le héros romantique byronien, tout comme on ne peut ignorer le rôle des poètes dits maudits : Paul Verlaine, Arthur Rimbaud, Charles Baudelaire, qui réifient le style byronien par leur conduite même.

Deux personnages que nous pouvons considérer comme emblématiques et qui peuvent être considérés comme des anti-héros sont Don Quichotte et Cyrano, dont les histoires ont également une connotation ésotérique claire, voir Quichotte qui dans la Sierra Morena se déshabille, se dépouillant de métaux, ainsi que de nombreux autres points de contact.

Quichotte, dès les premières lignes, est décrit comme

[…] avec de la viande, viande enlevée […]
Miguel De Cervantes Saavedra – Don Quichotte de la Manche

Dès que Cyrano entre en scène, il est présenté ainsi :

surgissant du parterre, débuts sur une chaise, les bras croisés, le feutre en bataille, la moustache hérissée, le nez terrible.
Edmond Rostand – Cyrano de Bergerac

Deux amours aussi désirées qu’idéalisées, Dulcinée et Rossana.

Le premier est sombre et toujours de mauvaise humeur, le second est vantard et arrogant, mais ils partagent un destin d’échecs. Quichotte combat les moulins à vent.

Cyrano, dans la scène finale, brandit son épée en vain.

Ah ! je vous reconnais, tous mes vieux ennemis!Le Mensonge ?(La frappe de son épée le vide.)Tiens, tiens ! – Ha ! Ha! les Compromis,Les Préjugés, les Lâchetés !…(La frappe.)
Edmond Rostand – Ibidem

Tous deux nient finalement leur propre existence.

Cyrano autodestructeur, qui justifie les succès des autres, même s’ils ont été obtenus grâce à ses propres talents.

Vous souvenez-vous-il du soir où Christian vous parle
Sous le balcon ? Eh bien tout de même, mais il est là :
Pendant que je reste bas, dans les ténèbres obscures,
Des autres montagnes cueillir le fondement de la gloire !
Là est la justice, et j’approuve ma tombe :
Molière a du génie et Christian était beau !

Edmond Rostand – Ibidem

Don Quichotte nie sa propre folie, son essence.

Pardonne-moi, mon ami, pour l’occasion qui t’a donné l’occasion de me ressembler, te faisant commettre l’erreur de te laisser séduire par ce « hub » et ces cavaliers qui parcourent le monde.
Miguel De Cervantes Saavedra – Ibidem

Folie au sens d’Erasme, un autre Initié.

Un échec qui, pour un anti-héros, n’a aucune chance de rédemption.

Pas ! car c’est dans le conte
Que lorsqu’on dit: Je t’aime! au prince plein de honte,
Le sentiment sait se fondre dans ces mots de soleil…
More vous vous rendrez compte que je reste pareil.

Edmond Rostand – Ibidem

Deux autres passages sont singulièrement similaires.

Finalement, j’ai lu le dernier « Don Quichotte », après avoir reçu tous les sacrements et avoir été, pour de nombreuses et efficaces raisons, abhorré par les livres de caballerías. Bonjour, scribe présent, et je dis qu’aucun livre de caballerías n’a été lu où un cavalier, allant à Hubiese, soit mort dans son cuir aussi sosegadamente et aussi chrétien que Don Quichotte ; et ! parmi la sympathie et les larmes de ceux qui les ont sanctifiés, il a dit en esprit : « Je veux dire qu’ils sont morts. »
Miguel De Cervantes Saavedra – Ibidem

D’un coup d’épée, Frappé par un héros, tomber la pointe au coeur!»… – Oui, je disais cela!… Le destin est railleur!… Et voilà que je suis tué dans une embûche, Par-derrière, par un laquais, d’un coup de bûche! C’est très bien. J’aurai tout manqué, même ma mort.
Edmond Rostand – Ibidem

La conclusion, pour tous les deux, d’avoir tout fait de travers, même la mort.

On se demande si, finalement, le véritable héros n’est pas l’anti-héros.

Ceux qui ne sont pas beaux, les gagnants.

Qui n’ont pas de super pouvoirs, qui ne volent pas, du moins physiquement.

Ceux qui ne portent pas d’armure brillante ou ne montent pas un pur-sang qui crache de la fumée par ses narines.

Qui n’ont pas d’écuyers impeccables et ne laissent pas les femmes tomber à leurs pieds.

Qu’ils sont assez forts pour ne pas avoir à plaire à tout prix.

Je m’en fiche d’avoir tort aussiLe mécontentement est mon plaisir, j’aime être détesté
Francesco Guccini – Cirano

N’est-ce pas l’Initié qui doit tuer l’ego ?

Les véritables héros, les Initiés, ne sont-ils pas ceux qui combattent non seulement parce qu’ils sont sûrs de gagner, mais pour des causes auxquelles ils croient jusqu’au sacrifice ?

Que dis-tu ?… C’est inutile ?… Je le sais !
Mais tu ne réussiras plus jamais !
Non ! Non, c’est bien plus beau quand c’est inutile !

Edmond Rostand – Ibidem

Le véritable héros n’est-il pas incarné par Giordano Bruno, qui meurt sur le bûcher et avec un bâillon pour rester fidèle à ses idéaux ?

Le véritable Initié n’est-il pas celui qui combat, acceptant qu’on lui retire son laurier et sa rose ?

Oui, vous m’arrachez tout, le laurier et la rose !
Edmond Rostand – Ibidem

Le véritable initié n’est-il pas celui qui combat jusqu’au bout ?

N’importe: je me bats! je suis moi, des chauves-souris ! je suis moi, des chauves-souris !
Edmond Rostand – Ibidem

Même seul. Même au singulier, car il vaut mieux être seul que de faire confiance à quelqu’un qui pourrait abandonner.

N’importe: je me bats! je suis moi, des chauves-souris ! je suis moi, des chauves-souris !
Edmond Rostand – Ibidem

Et à la fin ?

À la fin

Mon panache.
Edmond Rostand – Ibidem

Les Secrets Cachés de la Loge

2

Dialogue humoristique et satirique entre un apprenti et son maître

Chapitre 1 : La Quête de la Lumière

Apprenti : Maître, je suis enfin prêt à recevoir la Lumière et à comprendre les secrets de la loge !

Maître : Ah, mon frère… Nombreux sont ceux qui ont prononcé ces paroles avant toi.

Apprenti : Et que leur est-il arrivé ?

Maître : Ils ont compris une vérité profonde… et ont appris à ne jamais arriver en retard, sous peine d’hériter de la chaise bancale du Temple.

Apprenti : …

Maître : Ah oui, et évite aussi de t’asseoir à côté du Frère qui parle trop des cataclysmes cosmiques.

Apprenti : Il y a un Frère qui fait ça ?

Maître : Il y en a toujours un.

Chapitre 2 : L’Épreuve de la Pierre Brute

Maître : Maintenant, observe cette Pierre Brute.

Apprenti : Elle est imparfaite, symbole de l’homme qui doit se façonner.

Maître : Exact ! Mais aussi symbole d’une loge qui a commandé un objet encombrant sans prévoir où le ranger.

Apprenti : … C’est une métaphore ?

Maître : Non, c’est juste qu’on ne sait pas quoi en faire depuis 1786.

Apprenti : Ah.

Maître : Maintenant, voici ton deuxième défi : retrouver le reste de l’agape.

Apprenti : Le dernier morceau, vestige d’un partage imparfait ?

Maître : Non. Le reste disparu.

Apprenti : Que voulez-vous dire ?

Maître : À chaque Tenue, quelqu’un s’empare de la dernière bouchée sans jamais se dévoiler. C’est notre vrai mystère initiatique.

Apprenti :

Maître : Et pourtant, nous prétendons travailler à l’amélioration de l’humanité, alors que nous ne résolvons même pas la question du partage ultime.

Chapitre 3 : La Révélation Maçonnique (ou le Syndrome des Clefs Oubliées)

Apprenti : Maître, assez de mystères ! Quelle est la révélation ultime ?

Maître : Tu es sûr de vouloir savoir ?

Apprenti : Oui !

Maître : Très bien… Approche…

Apprenti : Se penche avec gravité

Maître : La Véritable Lumière de la Franc-Maçonnerie…

Apprenti : Oui… ?

Maître : C’est que, dans chaque loge, il y a toujours un Frère qui oublie où il a rangé les clefs du Temple.

Apprenti : …

Maître : Ce qui mène à la véritable épreuve initiatique : attendre dans le couloir pendant qu’on cherche la bonne personne qui les avait « juste là, il y a un instant ».

Apprenti : Je… Je ne m’attendais pas à ça.

Maître : Et pourtant, cela arrive chaque fois. C’est un rituel non écrit.

Apprenti : Mais alors, la franc-maçonnerie ne repose pas sur des enseignements millénaires ?

Maître : Bien sûr que si ! Mais aussi sur la patience, surtout quand le Vénérable Maître cherche désespérément son dossier avant l’ouverture du Temple.

Chapitre 4 : Le Grade Ultime (et l’épreuve de l’équerre tordue)

Apprenti : Maître, je commence à saisir l’ampleur du mystère…

Maître : Tu n’as encore rien vu, mon frère !

Apprenti : Il reste une épreuve ?

Maître : Oui. L’Équerre Sacrée.

Apprenti : Elle représente la droiture et la rectitude !

Maître : Exact. Mais dans notre loge… elle est tordue. (Qui a dit que la perfection devait être droite ?)

Apprenti : …

Maître : Personne ne sait pourquoi.

Apprenti : Je… Je suis troublé.

Maître : Et pourtant, nous continuons à dire que tout va bien.

Chapitre 5 : L’Ascension vers la Grande Lumière (et la terrible responsabilité qui l’accompagne)

Apprenti : Maître, après toutes ces révélations, que reste-t-il encore à apprendre ?

Maître : Il ne reste qu’un dernier secret…

Apprenti : Je suis prêt !

Maître : La véritable mission d’un Maçon accompli…

Apprenti : Oui ?

Maître : C’est…

Apprenti : Dites-moi !

Maître : Être responsable du rangement du Temple.

Apprenti : …

Maître : Oui, mon frère. À toi désormais de gérer les objets mystérieusement déplacés, les documents égarés et les tabliers qui disparaissent sans explication.

Apprenti : C’est donc cela, la vérité ultime ?

Maître : Absolument. Et maintenant que tu sais tout… aide-moi à retrouver la clef du Temple.

Conclusion : Entre Humour et Réalité

Il est essentiel de rappeler que la franc-maçonnerie n’a rien à voir avec ce dialogue farfelu. Ici, j’ai joué avec les clichés, les rituels et les habitudes des loges pour en tirer un exercice d’autodérision, mais en réalité, la franc-maçonnerie est une démarche initiatique sérieuse, fondée sur la recherche philosophique, l’éthique, la spiritualité et la fraternité.

Les francs-maçons travaillent sur eux-mêmes, cherchent à progresser intellectuellement et moralement, et à contribuer à un monde meilleur à travers leurs réflexions et actions. Ce n’est ni un club de discussions interminables, ni une réunion secrète où l’on débat uniquement de la meilleure façon d’organiser l’agape (quoique, il y ait parfois des questions logistiques à régler !).

Loin des idées reçues et des mythes qui entourent ce sujet, la franc-maçonnerie est avant tout un espace de liberté, d’échange et de réflexion, où chacun peut évoluer à son rythme et selon ses aspirations.

Donc, si ce dialogue vous a fait sourire, tant mieux ! Mais gardons en tête que derrière l’humour, il y a une institution qui a traversé les siècles, avec un véritable idéal de progrès humain et de transmission du savoir.

L’immortalité

Je ne parlerai pas de la mort dont il est difficile de parler en termes initiatiques, mais j’essaierai de traiter de ce que signifie pour nous Maçons, l’immortalité de l’âme, célébrée par Socrate et Platon, ainsi que le point de vue de nos ancêtres et des Anciens sur la question. Le rituel nous dit que les questions métaphysiques sont toujours un lieu d’incertitude et que pour cette raison nous nous défions de tous les dogmes.

Mais le rituel nous dit aussi que les symboles parlent et s’ils parlent, s’ils sont signifiants c’est qu’ils sont susceptibles de conduire a quelque vérité, même partielle et approchée.

De plus pouvons-nous vivre sans croyances ?

Certes une croyance ne peut être une certitude rationnelle, ce n’est qu’’une conviction subjective, comme par exemple la croyance aux valeurs morales. Mais elle a le mérite de nous inspirer des règles de vie et même de fonder une éthique capable d’orienter et de structurer une existence. Voyez comme peuvent se conduire parfois tant de gens qui affirment « ne croire en rien » ce qui est un mal caractéristique de notre siècle.

Dans cette optique, il est toujours nécessaire de s’interroger sur l’au-delà de la vie et de la mort. On ne vit pas de la même manière si on croit que la mort est un pur anéantissement de l’être et de la personne et si l’on pense que notre âme a des chances de survivre dans un espace inconnu et pourquoi pas, de poursuivre là bas sa progression vers la Lumière.

Et à cet égard je peux dire que le Rite de notre Ordre parle souvent et avec une force d’illumination incomparable.

Quand un de nos Frères, comme celui que nous pleurons aujourd’hui, nous a définitivement prive de sa présence, nous disons qu’il est passe à l’Orient éternel. L’Orient est pour nous un terme familier qui désigne le lieu ou siège la plus haute Lumière, celle du Delta, symbole de la Suprême Pensée qui anime le monde comme elle guide et éclaire notre quête spirituelle.

C’est pourquoi c’est aussi celui ou siège le Vénérable Maitre de la Loge.

Mais il est clair que l’Orient parce qu’il suggère une éternité de Lumière, se situe au delà du Temple et du monde matériel, qu’il a un rapport avec la Présence du Grand Architecte de l’Univers, et qu’il est ce lieu sacre et inconnu ou se retrouvent tous ceux qui ont quitte ce monde et tous nos Frères disparus.

Nous Maçons, nous voyons l’Orient éternel comme un espace ou la vie se perpétue, puisque nos Frères dans notre esprit demeurent vivants, immortels, que nous les associons comme nous le ferons tout a l’heure, a notre Chaine d’Union rituelle ou nous les pensons la, nous tenant par la main et poursuivant cependant ailleurs et dans une autre Lumière l’œuvre de perfection a laquelle ils se sont voués.

Victor Hugo, qui fut aussi un grand poète initie, n’a-t-il pas écrit :

« Les morts sont des vivants mêlés a nos combats »?

Lui aussi ne pouvait les concevoir séparés de la vie et surtout de notre vie, de nos espérances et de nos travaux.

Hiram dans cercueil
Hiram sortant du cercueil

Mais le plus grand symbole maçonnique de l’immortalité de l’âme c’est certainement celui de la résurrection d’Hiram que chaque maitre a été appelé à vivre a l’occasion de son initiation au 3eme degré. Celui qui incarne les plus hautes vertus maçonniques, l’architecte assassiné du Temple de Jérusalem, se relève de son cercueil et apparait «aussi radieux que jamais » dans le rayonnement de l’eternel Orient.

Cette résurrection exemplaire apparait comme le symbole de la résurrection de tous les inities, de tous ceux qui sont attaches à suivre le chemin de l’esprit en quête d’élévation, de sérénité intérieure et de perfection.

L’exemple d’Hiram nous enseigne l’ultime finalité de la quête initiatique: nous rendre dignes de la connaissance totale dans le royaume de l’Esprit par la pratique de la sagesse et la persévérance dans la recherche.

Nos ancêtres ont toujours cru a la survivance de l’esprit des morts et les premiers gestes funéraires des humains primitifs témoignent pour les spécialistes de la préhistoire delà préoccupation d’un passage des disparus dans un autre monde.

Le culte des esprits a été la première religion de l’humanité, il a dure des dizaines de milliers d’années et on en trouve de multiples témoignages dans d’innombrables cultures actuelles d’Asie, d’Afrique et d’Amérique. Les Romains ont toujours honore dans les foyers les mânes de leurs ancêtres, ils mettaient une pièce de monnaie dans la bouche des morts pour qu’ils paient leur passage sur le grand fleuve qui conduit vers l’au-delà.

Une scène du Livre des morts des Anciens Égyptiens (Osiris est assis à droite).

Quant aux Egyptiens toute leur religion était tournée vers la vie future et préparait tous les humains au voyage de l’âme dans les sphères célestes qu’ils devaient accomplir dans la barque d’Isis en forme de croissant de lune.

Et que signifieraient le mot d’espoir qui suit les multiples« gémissons » de la batterie de deuil, et le fait qu’elle soit toujours suivie d’une batterie d’espérance, de confiance et de sérénité, si ce rite ne nous invitait pas a croire que la vie se prolonge ailleurs dans un monde de lumière ou l’initie connaitra l’initiation véritable.

Est-ce que nous dirions: « Les corps de nos Frères disparus ont rejoint les ténèbres, mais leur esprit brille encore » si nous ne partagions cette espérance d’une survie future que toutes les symboliques initiatiques et religieuses nous ont toujours enseignée ?