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L’immortalité

Je ne parlerai pas de la mort dont il est difficile de parler en termes initiatiques, mais j’essaierai de traiter de ce que signifie pour nous Maçons, l’immortalité de l’âme, célébrée par Socrate et Platon, ainsi que le point de vue de nos ancêtres et des Anciens sur la question. Le rituel nous dit que les questions métaphysiques sont toujours un lieu d’incertitude et que pour cette raison nous nous défions de tous les dogmes.

Mais le rituel nous dit aussi que les symboles parlent et s’ils parlent, s’ils sont signifiants c’est qu’ils sont susceptibles de conduire a quelque vérité, même partielle et approchée.

De plus pouvons-nous vivre sans croyances ?

Certes une croyance ne peut être une certitude rationnelle, ce n’est qu’’une conviction subjective, comme par exemple la croyance aux valeurs morales. Mais elle a le mérite de nous inspirer des règles de vie et même de fonder une éthique capable d’orienter et de structurer une existence. Voyez comme peuvent se conduire parfois tant de gens qui affirment « ne croire en rien » ce qui est un mal caractéristique de notre siècle.

Dans cette optique, il est toujours nécessaire de s’interroger sur l’au-delà de la vie et de la mort. On ne vit pas de la même manière si on croit que la mort est un pur anéantissement de l’être et de la personne et si l’on pense que notre âme a des chances de survivre dans un espace inconnu et pourquoi pas, de poursuivre là bas sa progression vers la Lumière.

Et à cet égard je peux dire que le Rite de notre Ordre parle souvent et avec une force d’illumination incomparable.

Quand un de nos Frères, comme celui que nous pleurons aujourd’hui, nous a définitivement prive de sa présence, nous disons qu’il est passe à l’Orient éternel. L’Orient est pour nous un terme familier qui désigne le lieu ou siège la plus haute Lumière, celle du Delta, symbole de la Suprême Pensée qui anime le monde comme elle guide et éclaire notre quête spirituelle.

C’est pourquoi c’est aussi celui ou siège le Vénérable Maitre de la Loge.

Mais il est clair que l’Orient parce qu’il suggère une éternité de Lumière, se situe au delà du Temple et du monde matériel, qu’il a un rapport avec la Présence du Grand Architecte de l’Univers, et qu’il est ce lieu sacre et inconnu ou se retrouvent tous ceux qui ont quitte ce monde et tous nos Frères disparus.

Nous Maçons, nous voyons l’Orient éternel comme un espace ou la vie se perpétue, puisque nos Frères dans notre esprit demeurent vivants, immortels, que nous les associons comme nous le ferons tout a l’heure, a notre Chaine d’Union rituelle ou nous les pensons la, nous tenant par la main et poursuivant cependant ailleurs et dans une autre Lumière l’œuvre de perfection a laquelle ils se sont voués.

Victor Hugo, qui fut aussi un grand poète initie, n’a-t-il pas écrit :

« Les morts sont des vivants mêlés a nos combats »?

Lui aussi ne pouvait les concevoir séparés de la vie et surtout de notre vie, de nos espérances et de nos travaux.

Hiram dans cercueil
Hiram sortant du cercueil

Mais le plus grand symbole maçonnique de l’immortalité de l’âme c’est certainement celui de la résurrection d’Hiram que chaque maitre a été appelé à vivre a l’occasion de son initiation au 3eme degré. Celui qui incarne les plus hautes vertus maçonniques, l’architecte assassiné du Temple de Jérusalem, se relève de son cercueil et apparait «aussi radieux que jamais » dans le rayonnement de l’eternel Orient.

Cette résurrection exemplaire apparait comme le symbole de la résurrection de tous les inities, de tous ceux qui sont attaches à suivre le chemin de l’esprit en quête d’élévation, de sérénité intérieure et de perfection.

L’exemple d’Hiram nous enseigne l’ultime finalité de la quête initiatique: nous rendre dignes de la connaissance totale dans le royaume de l’Esprit par la pratique de la sagesse et la persévérance dans la recherche.

Nos ancêtres ont toujours cru a la survivance de l’esprit des morts et les premiers gestes funéraires des humains primitifs témoignent pour les spécialistes de la préhistoire delà préoccupation d’un passage des disparus dans un autre monde.

Le culte des esprits a été la première religion de l’humanité, il a dure des dizaines de milliers d’années et on en trouve de multiples témoignages dans d’innombrables cultures actuelles d’Asie, d’Afrique et d’Amérique. Les Romains ont toujours honore dans les foyers les mânes de leurs ancêtres, ils mettaient une pièce de monnaie dans la bouche des morts pour qu’ils paient leur passage sur le grand fleuve qui conduit vers l’au-delà.

Une scène du Livre des morts des Anciens Égyptiens (Osiris est assis à droite).

Quant aux Egyptiens toute leur religion était tournée vers la vie future et préparait tous les humains au voyage de l’âme dans les sphères célestes qu’ils devaient accomplir dans la barque d’Isis en forme de croissant de lune.

Et que signifieraient le mot d’espoir qui suit les multiples« gémissons » de la batterie de deuil, et le fait qu’elle soit toujours suivie d’une batterie d’espérance, de confiance et de sérénité, si ce rite ne nous invitait pas a croire que la vie se prolonge ailleurs dans un monde de lumière ou l’initie connaitra l’initiation véritable.

Est-ce que nous dirions: « Les corps de nos Frères disparus ont rejoint les ténèbres, mais leur esprit brille encore » si nous ne partagions cette espérance d’une survie future que toutes les symboliques initiatiques et religieuses nous ont toujours enseignée ?

Influence discrète mais significative de la Franc-maçonnerie Uruguayenne

De notre confrère busqueda.com.uy

Après le « Message Subliminal » d’Orsi : Les Francs-Maçons d’Uruguay et Leur Rôle dans la Politique Nationale

Le 19 juin 2025, un article publié par Búsqueda a jeté une lumière crue sur les agissements de la franc-maçonnerie en Uruguay, révélant une influence discrète mais significative dans les dynamiques politiques du pays. Selon le vénérable grand maître de la Grande Loge de la Franc-Maçonnerie d’Uruguay, Mario Pera, l’institution s’est positionnée comme un acteur clé dans la facilitation des processus politiques nationaux. Cette déclaration intervient après un épisode marquant impliquant un supposé « message subliminal » émis par Álvaro Orsi, figure politique notable, suivi d’une tentative des francs-maçons d’établir un « pont » avec l’opposition.

Cependant, ce mécanisme, bien qu’envisagé, n’a pas été activé, laissant place à des spéculations sur les intentions et l’influence réelle de cette organisation dans la sphère publique uruguayenne.

Contexte Historique et Croissance de la Franc-Maçonnerie en Uruguay

Armoiries de l’Uruguay

La franc-maçonnerie, née au XVIIe siècle en Écosse et en Angleterre sous une forme spéculative, s’est implantée en Amérique latine au cours des XVIIIe et XIXe siècles, souvent portée par des idéaux des Lumières et des mouvements d’indépendance. En Uruguay, cette institution a suivi un parcours similaire, s’enracinant dans un contexte de quête d’identité nationale et de sécularisation. La Grande Loge d’Uruguay, fondée officiellement en 1856, a joué un rôle dans la diffusion des principes de liberté, d’égalité et de fraternité, valeurs qui ont résonné avec les luttes contre les influences coloniales et religieuses dominantes.

Sous la direction de Mario Pera, la franc-maçonnerie uruguayenne a connu une croissance notable du nombre de membres au cours des dernières décennies, reflétant un regain d’intérêt pour ses idéaux philosophiques et sociaux. Cependant, Pera reconnaît aujourd’hui un « plateau » dans cette expansion, suggérant que l’organisation atteint peut-être les limites de son attrait dans un pays où la sécularisation est déjà bien établie et où les préoccupations modernes divergent parfois des traditions maçonniques.

Le « Message Subliminal » d’Orsi et la Réponse Maçonnique

Yamandú Orsi lors de son investiture présidentielle

L’épisode du « message subliminal » attribué à Álvaro Orsi, une personnalité politique influente, a servi de catalyseur à cette récente mise en lumière. Bien que les détails de ce message restent flous, il semble avoir été interprété comme un signal implicite adressé à divers acteurs politiques, y compris les francs-maçons. En réponse, Mario Pera a indiqué que la Grande Loge a cherché à « construire un pont » avec l’opposition, une métaphore suggérant une médiation ou une tentative de rapprochement pour stabiliser ou influencer le paysage politique uruguayen. Cependant, Pera a précisé que cette initiative n’a pas été nécessaire, laissant entendre que les dynamiques internes ou externes ont résolu la situation sans intervention directe.

Cette déclaration soulève des questions sur le rôle exact de la franc-maçonnerie dans les coulisses du pouvoir. Traditionnellement, les loges maçonniques, en particulier en Amérique latine, ont été associées à des réseaux d’influence, souvent perçus comme des lieux où se tissent des alliances discrètes entre élites politiques, économiques et intellectuelles. En Uruguay, un pays connu pour sa stabilité démocratique et sa laïcité, cette influence semble s’exercer de manière plus subtile, loin des théories conspirationnistes qui associent parfois la maçonnerie à des complots mondiaux.

José Garchitorena et Luis Lacalle Pou - Photo : Marcelo Bonjour
José Garchitorena et Luis Lacalle Pou à l’occasion du 165e anniversaire de la fondation de la Maçonnerie d’Uruguay. Photo : Marcelo Bonjour

Liens avec Tabaré Vázquez et l’Actuel Président

Tabaré Vázquez en novembre 2017.

Mario Pera a également évoqué les liens historiques entre la franc-maçonnerie uruguayenne et des figures politiques de premier plan, notamment l’ancien président Tabaré Vázquez (2005-2010 et 2015-2020), décédé en 2020. Vázquez, membre du Front large (coalition de gauche), était connu pour ses positions progressistes et sa défense de la laïcité, des valeurs alignées sur les principes maçonniques. Bien que son appartenance directe à une loge n’ait jamais été officiellement confirmée, les liens personnels ou idéologiques avec des membres influents de la Grande Loge ont alimenté les spéculations sur une influence maçonnique dans ses politiques, notamment en matière de santé publique et d’éducation.

Concernant l’actuel président, Luis Lacalle Pou (en fonction depuis mars 2020), les commentaires de Pera restent plus vagues. Lacalle Pou, issu du Parti national (droite), représente une orientation politique différente de celle de Vázquez. Cependant, la mention d’un lien avec le président actuel pourrait indiquer des relations pragmatiques ou des tentatives de dialogue interpartisan facilitées par la franc-maçonnerie, malgré les divergences idéologiques. Cette capacité à transcender les clivages politiques est un aspect souvent revendiqué par les obédiences maçonniques, qui se positionnent comme des espaces de réflexion et de consensus au-delà des affiliations partisanes.

Une Influence Subtile mais Réelle

L’affirmation de Mario Pera selon laquelle la franc-maçonnerie « facilite » la politique nationale mérite une analyse approfondie. Contrairement à des pays où les loges ont été directement impliquées dans des coups d’État ou des mouvements révolutionnaires (comme au Portugal avec la Révolution des Œillets en 1974), l’influence uruguayenne semble se limiter à une médiation informelle. Cela pourrait inclure des discussions en loge sur des réformes sociales, des recommandations discrètes à des décideurs politiques, ou encore un rôle de stabilisation en période de crise, comme suggéré par l’épisode du « pont » avec l’opposition.

Cette discrétion s’aligne avec l’évolution moderne de la franc-maçonnerie, qui, selon des observateurs, tend à se présenter comme une société « discrète » plutôt que « secrète ». En Uruguay, où la population est majoritairement laïque (environ 40 % se déclarent sans religion selon les recensements récents), la franc-maçonnerie bénéficie d’un environnement favorable, loin des oppositions religieuses virulentes observées dans d’autres régions. Cependant, le « plateau » mentionné par Pera pourrait refléter un défi : attirer de nouveaux membres dans un contexte où les réseaux traditionnels perdent de leur attrait face aux plateformes numériques et aux mouvements sociaux contemporains.

Réactions et Perspectives

L’article de Búsqueda a suscité des réactions mitigées. Sur les réseaux sociaux, notamment X, certains utilisateurs ont salué la transparence de Pera, voyant dans ses déclarations une preuve de l’engagement maçonnique pour le bien commun. D’autres, alimentant des théories conspirationnistes, y ont vu une confirmation de l’influence occulte des francs-maçons sur la politique uruguayenne, un écho des récits historiques liant la maçonnerie à des intrigues mondiales. Ces interprétations, bien que non étayées par des preuves concrètes, reflètent un débat persistant sur le rôle des sociétés discrètes dans les démocraties modernes.

Pour l’avenir, la Grande Loge d’Uruguay devra naviguer entre la préservation de son héritage et l’adaptation aux nouvelles réalités sociales. Le « plateau » démographique pourrait pousser l’organisation à diversifier ses activités, par exemple en s’engageant davantage dans des initiatives éducatives ou caritatives, domaines où la franc-maçonnerie a historiquement excellé. Par ailleurs, la capacité de la loge à maintenir des dialogues interpartisans, comme illustré par l’épisode du « pont », pourrait renforcer son rôle de facilitateur dans un paysage politique parfois polarisé.

L’épisode du « message subliminal » d’Orsi et la réponse maçonnique soulignent la persistance d’une franc-maçonnerie active en Uruguay, non pas comme une force dominante, mais comme un acteur influent dans les coulisses. Sous la direction de Mario Pera, la Grande Loge revendique une vocation de médiation et de facilitation politique, ancrée dans une histoire qui lie l’organisation à des figures comme Tabaré Vázquez. Si le « pont » avec l’opposition n’a pas été activé, cette initiative témoigne d’une volonté d’influence discrète, adaptée au contexte démocratique uruguayen. Cependant, face à un plateau démographique et à l’évolution des attentes sociétales, la franc-maçonnerie uruguayenne devra réinventer son rôle pour rester pertinente dans le XXIe siècle. Que cette influence soit vue comme une force de stabilité ou une source de suspicion dépendra largement de la transparence et des actions futures de ses dirigeants.

« Le Maître entre l’équerre et le compas » : Une odyssée symbolique et initiatique

Vous êtes tous familiers des emblèmes majeurs de notre Art Royal : l’Équerre et le Compas. Il est probable que beaucoup d’entre vous attribuent à ces outils une origine exclusivement maçonnique, surgissant avec la rédaction des Constitutions d’Anderson au XVIIIe siècle. Permettez-moi de dissiper ce malentendu avec une humilité bienvenue : leur histoire remonte bien avant cette époque, plongeant ses racines dans des traditions millénaires. Préparez-vous à un voyage initiatique à travers le temps et les cultures, où ces symboles révèlent une profondeur insoupçonnée.

Une Origine Ancestrale : Les Lumières de la Chine Antique

Loin de l’Occident, il y a environ 5 000 ans, les Chinois utilisaient déjà l’Équerre et le Compas dans un cadre symbolique riche de sens. Une gravure datant de la dynastie Han (206 av. J.-C. – 220 ap. J.-C.) nous offre un témoignage saisissant : Fuxi et sa sœur Nuwa, figures mythiques fondatrices du mariage en Chine, sont représentés avec leurs corps inférieurs entrelacés en queues de serpent, incarnant l’union des contraires. Fuxi, tenant l’Équerre, symbolise la Terre, tandis que Nuwa, avec le Compas, représente le Ciel. Ces instruments peuvent aussi être substitués par la Lune et le Soleil, échos du Yin et du Yang, dans une danse cosmique d’harmonie et d’équilibre. Ces gravures sur pierre, parmi les plus anciennes connues, témoignent d’une sagesse universelle bien antérieure à notre tradition.

En guise de partage fraternel, je vous offre une anecdote personnelle : il y a quelques mois, un ami – compagnon de route des arts martiaux m’a offert une représentation de ce symbole sur un support minéral. Ce don provient de Georges Charles, successeur de l’école chinoise de boxe interne San Yi Quan, un lien qui illustre la continuité des savoirs à travers les âges. Cette connexion nous rappelle que la Franc-Maçonnerie ne crée pas ex nihilo : elle recycle, intègre et infuse de sens ces héritages pour les adapter à notre culture occidentale. Reconnaître cette origine chinoise nous invite à une humilité profonde, nous obligeant à relativiser toute prétention à une supériorité de notre Art Royal, qui n’est qu’une réinterprétation d’anciennes vérités éprouvées.

Le Triadisme Symbolique : Équerre, Compas et le Troisième Joyau

Dans nos assemblées, ces deux outils s’inscrivent dans un triadisme sacré, complétés par un troisième élément : la Règle ou le Volume de la Loi Sacrée, selon les Rites et les traditions locales. Concentrons-nous sur ce troisième joyau, souvent éclipsé, car il se trouve subtilement remplacé par une présence vivante : le Maçon lui-même. En intégrant les valeurs maçonniques – justice, harmonie, fraternité – le Maçon devient le porteur incarné de la Règle. L’Équerre, symbole du monde visible et matériel, s’élève aux côtés du Compas, représentant l’invisible, l’infini et les lois spirituelles. Ensemble, ils encadrent le Maçon, médiateur entre ciel et terre, dans une géométrie sacrée qui résonne avec les lois universelles.

Cette dualité évoque une image puissante : le Christ sur la Croix, figure accomplie de l’Homme, unissant la verticale de l’esprit à l’horizontale de la matière, porteur de la loi divine. De même, le Maçon, placé entre l’Équerre et le Compas, incarne cette synthèse. Mais attention : cette Règle n’est pas une soumission aux lois sociales ou aux diktats des clergés au service des pouvoirs temporels. Elle transcende les notions de bien et de mal imposées, invitant à une liberté intérieure.

La Quête de la Liberté Intérieure

Le véritable chemin maçonnique ne réside pas dans l’obéissance aveugle à une autorité extérieure – qu’elle soit maçonnique ou profane. Le Maçon n’est pas un esclave de la Règle, ni un instrument des « élus » qui la revendiquent. Son rôle exclusif est de s’affranchir de toute tutelle pour intégrer en lui-même cette loi universelle, devenant ainsi pleinement Libre. Cette Règle se matérialise dans les lois qui animent notre cosmos – ce que certains appellent Dieu ou le Principe Créateur. La Maçonnerie, dépouillée de toute divinité personnifiée, repose sur une initiation solitaire, soutenue par les Maîtres et les lois immanentes de l’univers.

Ce parcours rappelle un principe universel : l’élève doit dépasser son Maître, tout comme le fils doit un jour s’émanciper de son père pour le devenir à son tour. C’est le cycle immuable de la vie et de la mort, une leçon que tout pratiquant d’un Art – martial, philosophique ou spirituel – reconnaît. Le Maçon, pont entre le carré terrestre de l’Équerre (90°) et le cercle infini du Compas (360°), totalise une somme symbolique de 450°, un clin d’œil amusant à notre journal maçonnique bien connu, 450.fm.

Médiation entre Matière et Esprit

Cette médiation entre matière et esprit est le cœur de notre Art. Définissons-les avec soin. L’Équerre représente la matière physique, perceptible par les cinq sens du Compagnon – vue, ouïe, toucher, goût, odorat – et symbolisée par le carré du tablier d’Apprenti, avec ses quatre angles ancrés dans le concret. Le Compas, en revanche, ouvre sur l’invisible : l’esprit, l’infini, la spiritualité. Ces deux principes ne s’opposent pas ; ils se complètent, à l’image du triangle de la bavette relevée au premier degré, qui s’élève au-dessus du carré au degré suivant, spiritualisant la matière.

Ce jeu d’entrelacement – l’Équerre dominant d’abord, puis le Compas prenant le dessus – reflète la progression initiatique. Le Maçon, au centre, incarne cette alchimie, où l’esprit transcende la matière sans la nier. Mais qu’entendons-nous par « esprit » dans une logique sacrée ? Deux formes de sacré émergent. Le sacré universel, que j’associe aux lois de création et de destruction de l’univers – Éros et Thanatos selon Freud –, un principe impersonnel animant toute vie. Puis le sacré subjectif, humain, né de la transcendance : une croyance, un objet, un acte, comme le sacrifice décrit par René Girard, ou le carré long tracé par les prêtres romains pour lire les auspices, repris dans le rythme du Maître des Cérémonies au premier degré.

L’humain, seul animal à intellectualiser sa spiritualité, lui donne un sens unique, qu’il exprime et verbalise, même si les animaux pourraient la ressentir intuitivement. Cette capacité distingue notre quête.

Vers l’Unité et la Lumière

Pierre cubique sur pavé mosaïque
Pierre cubique sur pavé mosaïque

En conclusion, nos symboles – Équerre, Compas, Fil à Plomb, Niveau, Lune, Soleil, Pavé Mosaïque – ne sont pas de simples ornements. Ils attirent notre attention sur les lois universelles qu’ils incarnent : gravité, fraternité, alternance, ternaire, palingénésie. Comprendre leur polysémie via le principe de substitution nous libère des apparences, nous reliant à l’impermanence de la vie et à l’unité du monde. Mais combien de Maçons atteignent cette compréhension ? Sans statistique précise, on déplore le silence de ceux qui éclairent ce chemin. Trop s’égarent dans la quête de titres, de charges ou d’un syndicalisme maçonnique, loin de l’invitation de Démocrite : « La vérité est cachée au fond du puits. »

Vue de la Lumière du fond du puits
Vue de la Lumière du fond du puits

Pour clore avec une touche légère, imaginons une métaphore : des millions de spermatozoïdes dans la course à la vie, quelques milliers atteignant les trompes, un seul fécondant l’ovule. Parmi les milliers initiés à la Lumière, la sélection se poursuit : certains s’égarent dans les titres ou les ambitions… et rares sont ceux qui approchent la vraie Lumière. Ainsi, « M’être entre Équerre et Compas » pourrait se lire comme « mêtre » – être à soi-même, porteur des lois universelles, un avec l’UN du cosmos.

Que cette réflexion guide notre chemin initiatique, dans l’humilité et la fraternité, au-delà des structures et des apparences.

Des Lumières, de la Franc-maçonnerie, des Jansénistes et des jésuites, à l’aube de la Révolution française

Quel méli-mélo théologico-politique le 18e siecle !

« Le libéralisme théologique, parfois agressif, du siècle des Lumières, s’il fait encourir au christianisme le risque d’une dilution dans la sagesse profane-Jésus philosophe- a eu pour principal mérite de dégager un Jésus de l’histoire qui ne se confond pas totalement avec le Jésus dans l’histoire de la révélation. » Bernard Cottret (Le Christ des Lumières)

Mea culpa, mea maxima culpa ! Je confesse avoir lu un ouvrage collectif de référence sur la « Compagnie de Jésus » (1). Est-ce bien raisonnable me direz-vous ?!

Une première question vient immédiatement à l’esprit : ne correspondrait pas à la définition que l’on donne du masochisme quand on se lance dans la lecture d’un livre sérieux de 1328 pages ! Hélas, la réponse nous conforte dans cette supposition en constatant l’immense plaisir que l’on éprouve à la lecture de cette Somme sur l’un des ordres religieux qui fit, et fait encore couler beaucoup d’encre.

Augustin, évêque d’Hippone, Père de l’Église.

N’oublions pas que le dernier Pape, pour la première fois dans l’histoire de l’Église catholique, fut un Jésuite, ce qui est historiquement un bond en avant, après des décennies, alternant de la part de la papauté soit la mise en valeur de l’ordre, soit sa condamnation (Molina, La querelle des rites en Chine, les « réductions » guaranis qui empêchaient la colonisation au Paraguay, Teilhard de Chardin, la théologie de la libération). La méfiance à cet ordre terriblement efficace ira jusqu’à sa suppression à plusieurs reprises et à sa reconstitution par Rome qui peut difficilement se passer de cette somme d’intelligences qui composent l’Ordre ! Au-delà de l’histoire et de l’agressivité de Blaise Pascal contre eux (Il convient de relire avec délice ses « Provinciales », arme se voulant fatale au service de la défense du Jansénisme !)

 La Franc-Maçonnerie connue, dans son histoire, des affrontements avec les Jésuites de part son origine protestante ou plus tard laïque nettement opposées aux tentatives d »hégémonie de l’Église catholique avec sa troupe d’élite crée par le petit noble-soldat, un certain Ignace de Loyola agitant son « Ad majorem Dei gloriam » !

Ignace de Loyola

Les temps ont changé et cela est bien ainsi, car nous avons à apprendre ou à reconnaître des richesses et des valeurs communes. Maçons, nous devons surtout aux Jésuites l’immense et permanente réflexion sur le concept de discernement des « Exercices Spirituels » d’Ignace de Loyola, véritable initiation spirituelle qui ressemble à une préparation militaire et surtout la pratique d’une relation entre le religieux et le vécu dans le monde, difficile équation que nous connaissons à la sortie de nos tenues. Mais ce qui nous intéresse est la manière dont les Lumières, La Franc-Maçonnerie et l’ordre des Jésuites vont cohabiter au 18em siècle, a l’aube du grand bouleversement de 1789.

I-LE XVIIIe SIECLE, UNE RECHERCHE VERS UN CHRISTIANISME RAISONNABLE.

Omniprésente dans l’histoire de l’Europe, après le 17e siècle qui voit un regain religieux de la contre-Réforme protestante (Le « siècle des Saints »), l’Église catholique tente de maintenir le cap dans des sociétés en pleine évolution sociologiquement et qui adoptent des orientations religieuses selon des choix qui favorisent leur groupe social. C’est ainsi que nous percevons l’intérêt de la bourgeoisie montante vers le jansénisme, et qui sera le moteur de la Révolution Française de 1789. Les milieux plus intellectuels se risquerons vers le quiétisme mais le pouvoir et le paysannat resteront dans une mouvance catholique traditionnelle qui elle-même est traversée de courants divers. Le protestantisme lui-même est divisé entre la vision calviniste de la prédestination dans la définition classique et des tendances arminienne niant cette prédestination, cette dernière allant jusqu’à l’unitarianisme qui refuse l’idée trinitaire et avance que Jésus n’est qu’un prophète qui ne partage pas la nature divine, ce qui les rapprocheront des Juifs et des Musulmans dans l’idée d’un monothéisme absolu. Quelques groupes très minoritaires développent une approche de l’athéisme, mais sont rejetés unanimement par les tenants des différents courants religieux plus préoccupés d’adapter la théologie à leurs intérêts de classe sociale ! Même dans le judaïsme, nous pouvons constater la naissance de la « Haskala », qui serait l’équivalent des Lumières.

Bien entendu, le pouvoir royal va tenter d’endiguer les nouvelles orientations religieuses pour maintenir une unicité catholique. En vain, car l’idée de liberté personnelle et collective prend racine dans le religieux. C’est pourquoi que nous pouvons constater, avec surprise dans ce siècle des Lumières, d’un éclatement et d’une diversité étonnante dans les courants du christianisme, comme si la révolution à venir prenait naissance dans ces querelles théologiques. Ce qui signifie que les textes sacrés n’échappent pas plus à l’histoire que les autres corpus : la critique historique s’applique à eux aussi, et l’on constate et reconnaît l’existence de plusieurs traditions à l’intérieur même de l’Ecriture. Ce qui amène, au sein même des croyances, un affrontement entre pensées « raisonneuses » et pensées « raisonnables ».

Newton

D’où comme conséquence, en ce siècle des Lumières ou de l’ « Enlightenment », de remettre en cause la divinité de Jésus. Le discours sur l’homme prend désormais son sens, car il est dissocié du discours sur Dieu. Nous assistons, peu à peu, à une laïcisation de Jésus, trait particulièrement appuyé par Voltaire qui va se référer énormément à Newton et son humanisation de Jésus, ainsi que le rejet (discret !) de la trinité. En précisant cependant que le Dieu de Newton n’était pas celui des philosophes. Voltaire pensait pourtant que la christologie de Newton était hérétique (2) : « Il prit sérieusement le parti d’Arius contre Athanase. Il alla même un peu plus loin qu’Arius, ainsi que tous les sociniens (3). Il y a aujourd’hui en Europe beaucoup de savants de cette opinion ; je ne dirai pas de cette communion car ils ne font point de corps. Ils sont même partagés, et plusieurs d’entre eux réduisent leur système au pur déisme, accommodé avec la morale du Christ. Newton n’était pas de ces derniers. Il ne différait pas de l’Église anglicane que sur le point de la consubstantialité (4), et il croyait tout le reste ». Cela étant par excellence le rejet de la théologie issue du Concile de Nicée. Devançant l’actualité, nous pouvons dire que Newton est le créateur de la religion naturelle.

En fait, pour Newton existe une primauté de la morale sur toute autre interprétation de la Bible : « Les Ecritures ont été données à l’homme pour lui enseigner, non point la métaphysique, mais la morale ». La problématique paulinienne de la grâce, la « sola gratia », va subir une nette éclipse dans de nombreux courants religieux du 18e siècle au profit de l’idée de Loi peu à peu laïque, détachée de concepts religieux. Dès 1695, le philosophe John Locke publiait dans l’anonymat son « Christianisme raisonnable », tentative de faire une synthèse entre le rationalisme philosophique et la foi chrétienne. Mais il sera dépassé en audace dès l’année suivante par la publication du « Christianisme sans mystère » de John Toland, philosophe irlandais dont la Maçonnerie s’inspirera pour son concept de « Grand Architecte de l’Univers ». Mais dans la catholicité même, en France, le religieux va générer des orientations sociologiques qui vont accélérer le processus révolutionnaire.

II-DU DISCERNEMENT DES ESPRITS.

Le siècle des Lumières
Le siècle des Lumières

Nous croyons, à tort, que le 18em siècle est marqué par ce que nous appellerons plus tard le « Siècle des Lumières », mais qui, à l’époque, représente plus des personnalités diversifiées qu’un véritable mouvement. L’événement qui va bouleverser l’époque, la presse et les conversations en font écho, se déroule dans le domaine religieux et est lourd de conséquence : la dissolution de l’ordre des jésuites, en 1773. Un précédent avait eu lieu au Portugal en 1759 : par rapport à leurs positions en Amérique du sud, ils furent chassés du Portugal, du Brésil, de Macao par le marquis de Pombal (1699-1782), dirigeant du Portugal pendant vingt ans et reconstructeur de Lisbonne après le tremblement de terre de 1755. Ajoutons aussi : soutien de la Franc-Maçonnerie !

Jean le Rond d’Alembert (1717-1783).

Les jésuites, cet ordre missionnaire et enseignant, surnommé le « conseillers des Princes », souvent confesseur des souverains et précepteurs des enfants royaux et de ceux de la haute noblesse, (Un exemple célèbre est celui du Père Lachaise, confesseur de Louis XIV et de Louis Bourdaloue prédicateur de la cour) sont l’objet d’une « destruction » selon le terme utilisé par le philosophe et encyclopédiste D’Alembert (1717-1783). A cette époque, 1773, la « Compagnie » compte 23.000 jésuites.

Les jésuites sont un ordre qui fait grincer des dents et sont l’objet d’un anticléricalisme qui prend de plus en plus d’importance. Les raisons en sont variées et viennent de milieux différents. Examinons-en quelques-unes :

– La re-catholisation de l’Europe après le Concile de Trente (1491-1556) qui va doucement vers une méfiance de la papauté au profit d’Eglises nationales. Ce qui est le cas du gallicanisme français et sa méfiance envers les jésuites, crées pour le service de la papauté, sorte de milice ultramontaine. Le pouvoir royal, gallican, a lui aussi une certaine méfiance vers ces « serviteurs romains » !

– Conflit autour de l’Encyclopédie auquel le dictionnaire jésuite de Trévoux fait concurrence.

– Hostilité des milieux coloniaux, principalement portugais et espagnols. En 1620, 2000 jésuites sont en mission et s’opposent à l’esclavage et aux méthodes brutales des colons. Pire : ils organisent la formation des indigènes ! L’hostilité des milieux commerciaux en Europe est totale, car beaucoup de personnes vivent largement du « commerce de la traite ». De plus, par leurs écrits les jésuites démontrent la richesse intellectuelle des civilisations étrangères à une Europe qui s’estimait le centre du monde. Cela débouchera aussi sur des condamnations de l’ordre dont seront victimes certains jésuites qui voulaient assimiler certaines croyances locales au christianisme : par exemple Matteo Ricci en Chine avec la « querelle des rites », De Nobili en Inde et les « rites malabar », ou les attaques contre les « réductions » au Paraguay, qui seront qualifiées plus tard de « premiers communistes » !

– Concurrence avec l’université par la prise en main de la formation des élites et de leur influence dans l’enseignement en général. De surcroît, la Sorbonne est la forteresse du gallicanisme. Les jésuites possèdent en France 111 collèges où l’enseignement est gratuit, destiné à tous les milieux sociaux et dépassant ainsi les clivages sociétaux. La révolution étant le classement par la réussite et non par le rang. D’où, une hostilité d’une partie de la noblesse, même si souvent les jésuites proviennent de ce milieu. Tout cela est un véritable détournement de l’ordre social, une sorte de « créolisation » des milieux sociaux.

Mais, en France, les plus adversaires des jésuites seront les jansénistes qui finalement seront vainqueurs après avoir été vaincus par le pouvoir royal au cours de leur histoire. L’époque de fin du Moyen-âge avait développé la montée de la classe bourgeoise et du sentiment de puissance du libre-arbitre. Les jésuites eux-mêmes y avaient contribué : dans son traité sur « La Concorde du libre arbitre avec les dons de la grâce » publié à Lisbonne en 1588, le jésuite Molina mettait en lumière la liberté de l’homme dans son propre salut. Une réaction, à l’intérieur de l’Église catholique ne va pas tarder à se faire : en 1640, dans « L’Augustinus », ouvrage de l’évêque d’Ypres, Cornélius Jansénius, qui enseigne la corruption foncière de l’homme, conséquence de la faute originelle transmise à toutes les générations : entraînée au mal, la créature ne peut être sauvée que par une grâce gratuite de Dieu, mettant ainsi en mouvement la prédestination. Immédiatement, cette à donner ressemblance, ce parallélisme avec le protestantisme vont déclencher une méfiance du pouvoir et les persécutions de Louis XIII et de Louis XIV allant jusqu’à la destruction de l’abbaye de Port-royal et de la dispersion des religieuses et des activités des « Solitaires », groupe spirituel composé surtout de bourgeois à la recherche d’un sens à donner à la force de leur groupe social dont ils prenaient conscience et auquel il fallait, dans un premier temps, inclure dans une pensée religieuse qui représentait leur intérêt et une forme d’idéologie, avant-propos à ce qu’ils transformerons en acte politique en 1789.

Les deux reproches théologique que les jansénistes vont formuler à l’égard des jésuites sont de deux natures : l’utilisation de la casuistique (5) et de l’utilisation du discernement permanent, issu des « Exercices spirituels » (6), au lieu de la foi, faisant ainsi passer la raison et l’action individuelle comme orientations premières. Ce qui sera reproché aux jésuites comme orientation vers l’hérésie pélagienne (7). Leur grand adversaire, Blaise Pascal, janséniste convaincu les attaquera dans son célèbre ouvrage : « Les Provinciales » usant à leur endroit d’humour. Par exemple, il donne la parole à un Père jésuite qui justifie la casuistique par une forme de négociation avec le péché et la tentation pour les détourner vers un but acceptable (8) : « Sachez donc que ce principe merveilleux est notre grande méthode de diriger l’intention, dont l’importance est telle dans notre morale, que j’oserais quasi la comparer à la doctrine de la probabilité ». Cette orientation vers une forme de tolérance dirigée, était naturellement inacceptable pour ce courant augustinien d’orientation protestante où Dieu décide de tout et où l’homme, prédestiné, ne peut s’en sortir du péché que par la grâce divine. Cela à l’intérieur du catholicisme !

Après leur expulsion en 1767, il faudra attendre 1814 et la fin de l’Empire pour le retour des jésuites en France. Ironie de l’histoire : ils seront accueillis en Prusse par Frédéric II et en Russie par Catherine II, deux « Despotes éclairés », ravis d’utiliser la compétence des jésuites au sein du luthérianisme et de l’orthodoxie !

En expulsant les jésuites de France, et en laissant les jansénistes prendre leur place, la monarchie ne prend pas conscience qu’elle va perdre son pouvoir et sa tête !

III-DE QUELQUES VERITES A RETABLIR.

Jean-Jacques-François Le Barbier (dit l’Aîné, attribué à, 1738-1826). « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. La Monarchie, tenant les chaînes brisées de la Tyrannie, et le génie de la Nation, tenant le sceptre du Pouvoir, entourent le préambule de la déclaration ». Huile sur bois. Paris, musée Carnavalet.

La « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen » marque une véritable rupture avec la France d’avant 1789. En particulier dans son article 3 : « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément ». La monarchie de droit divin avec le devoir du souverain de n’avoir à faire qu’à Dieu en tant que puissance absolue, indivisible, perpétuelle s’effondre et ce qui n’est qu’une limitation du pouvoir royal va se transformer. A Louis XV qui déclarait encore en 1766 : « C’est en ma personne seule que réside la source de la puissance seule » va s’opposer le rôle des parlements où le « Tiers Etat » majoritaire, composé de la bourgeoisie très janséniste (opposée au haut clergé et à la noblesse par rapport à son histoire) et vont remporter la victoire au moment des Etats généraux convoqués par Louis XVI, à Versailles, le 17 juin 1789. Mais la fuite du roi et son arrestation à Varennes vont précipiter la mise en place de la République, copiant en cela la révolution américaine (« We are the people ! »). Ce qui n’était au départ qu’un désir de l’instauration d’une monarchie constitutionnelle, « à l’anglaise » va se terminer par l’instauration d’une république bourgeoise inspirée et dirigée par une Assemblée Nationale, très largement inspirée par le jansénisme laïcisé, qui sera obligée de combattre, à l’intérieur de la Révolution même certains courants qui croyaient que 1789 était une révolution populaire, alors qu’elle n’était que bourgeoise et qui optera pour Napoléon, afin qu’il remette de « l’ordre » ! Se pose la distinction à faire entre les Lumières et la Révolution :

– Les Lumières sont une volonté de de la poursuite de ce qu’on appelait « République des Lettres ». Mouvement existant depuis la Renaissance qui était la volonté de créer un espace immatériel qui transcendait les entités territoriales et qui réunissait les lettrés européens, en particulier le monde savant des humanistes. Elle naît en 1417, au sein d’un échange épistolaire entre Francesco Barburo et le Pogge. L’expression de cette « République des Lettres » sera utilisée en Europe à partir du 16e siècle, vers 1520. Boniface Amerbach, fils du célèbre imprimeur de Bâle, fera alors d’Erasme le « Monarque de toute la République des Lettres ». Erasme à qui nous devons, dans son texte « Comment éduquer les enfants » (1519), traduit en français en 1537, la phrase célèbre : « On ne naît pas homme, on le devient ». Le professeur à la Sorbonne, Marc Fumarolli, expliquera dans un ouvrage célèbre la continuité de ce courant durant l’histoire (9). Inutile de préciser que la création de ce mouvement intellectuel n’utilise le mot « République » que de façon aléatoire, étant parfaitement dans une vocation aristocratique du savoir ou des talents. Ce que sont les Lumières qui en sont la continuité.

– Il est peu probable que les Lumières soient partisans d’une république laïque : la plupart étant pour une monarchie constitutionnelle dans laquelle ils aspiraient à un rôle de conseillers et à un ennoblissement (Monsieur « de » Voltaire !). Dans les écrits des Lumières se lit un inintérêt du peuple et de la bourgeoisie en particulier, surtout si cette dernière aspire à prendre le pouvoir : les Lumières sont successeurs de Molière et de son « Bourgeois gentilhomme » ! Chez certains philosophes des Lumières, John Locke par exemple, dans son « Traité du Gouvernement Civil » reste bien loin de ce qu’on peut décrire comme le peuple ou la nation.

– Les Lumières, dans la querelle qui oppose Jésuites et Jansénistes, ont plutôt une sympathie pour l’intellectualisme des jésuites chez qui ils firent leur scolarité (Voltaire et Diderot par exemple). Après l’expulsion des jésuites de France, Voltaire en accueillera d’ailleurs à Ferney. Ils sont partisans, dans la tradition des jésuites, d’une éducation supérieure qui s’adresse aux enfants de l’élite, alors que les jansénistes, dans leur « petites écoles » veulent développer une scolarité ouverte à des milieux plus larges, filles comprises, ce que la République va tenter d’installer à travers une éducation nationale.

– Tant qu’à l’idée de nature humaine et de fraternité, elle est sujette à caution par la pratique de l’esclavage et de la division sociale qui débouchera plus tard sur ce que Karl Marx qualifiera de « Lutte des classes ».

De par leur composition sociale les Francs-maçons se rapprochent plus de ce mouvement bourgeois et janséniste de la Révolution française que d’une philosophie aristocratique des Lumières dont elle se réclame à tort.

MINCE ENCORE UNE ILLUSION QUI FICHE LE CAMP !

 NOTES

(1) Ouvrage collectif sous la direction de

Pierre Antoine Fabre et Benoist Pierre

Les Jésuites. Histoire et Dictionnaire

Editions Bouquins. 2022.

(2) Voltaire : Mélanges. Paris. Ed. Gallimard. 1961.

(3) Sociniens : Doctrine à l’origine faite par deux théologiens italiens du XVIe siècle, Lélio et Fausto Sozzini qui développent une exégèse rationaliste expliquant la divinité de Jésus par son adoption par le Père. Persécutés en Europe, les sociniens se regroupent en Pologne où ils éditent leur catéchisme (1605) qui va exercer une grande importance sur l’ensemble du monde protestant et de sa théologie libérale ultérieure. Toute cette théorie anti-trinitaire va naturellement ressortir au 18e siècle, tant dans les milieux protestants que catholiques (Avec une forme plus déguisée pour ces derniers !).

(4) Consubstantialité : Théorie théologique catholique sur le renouvellement du sacrifice de Jésus à chaque messe, durant l’ «élévation », alors que les protestants pensent qu’il ne peut y avoir qu’un sacrifice unique de Jésus et que la Cène durant le culte, ne se fait qu « en mémoire de ».

(5) Casuistique : Forme d’argumentation utilisée en théologie morale. Elle consiste à résoudre les problèmes par une discussion autour des principes généraux et la considération des particularités du cas traité. Les jésuites l’utiliseront surtout pour l’administration de la pénitence, la « confession ».

(6) « Exercices spirituels » (1548) : Ouvrage de prière faite de méditation progressive et systématique composé par Ignace de Loyola, fondateur de la Compagnie de Jésus, à partir de sa propre expérience de Dieu dans sa vie. Le concept de discernement y est mis en valeur.

(7) Pelage (350-420) : Moine ascète breton dont les idées sur le caractère contingent de la grâce divine furent jugées hérétiques par l’Église catholique en 418. Son grand adversaire théologique sera Saint-Augustin (354-430), soutien d’un prédestination s’opposant au Libre-arbitre pélagien.

(8) Pascal Baise : Oeuvres complètes. Paris. Ed. Du Seuil. 1963. (Page 397).

(9) Fumarolli Marc : La République des Lettres. Paris. Ed. Gallimard. 2015.

 BIBLIOGRAPHIE

– Beauchamp Paul : L’Un et l’Autre Testament. Accomplir les Ecritures. Paris. Ed. Du Seuil. 1990.

– Brunet Paul : L’introduction des théories de Newton en France au XVIIIe siècle. Genève. Ed. Slatkine. 1970.

– Chaunu Pierre : La civilisation de l’Europe des Lumières. Paris. Ed. Flammarion. 1982.

– Cottret Bernard : Le Christ des Lumières- Jésus de Newton à Voltaire. 1660-1760. Paris. Ed. Du Cerf.1990.

– Cronin Vincent : Matteo Ricci-Le sage venu de l’occident. Paris. Ed. Albin Michel. 2010.

– Culmann Oskar : Le salut dans l’histoire. Suisse. Neuchâtel. Ed. Delachaux-Niestlé. 1966.

– Hume David : Enquête sur l’entendement humain. Paris. Ed. Beyssade. 1983.

– Ouvrage collectif : Religion, érudition et critique à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle. Paris. PUF. 1968.

– Plongeron Bernard : Théologie et politique au siècle des Lumières. Genève. Ed. Droz. 1973.

– Pomeau René : La religion de Voltaire. Paris. Ed. Nizet. 1969.

– Soboul Alfred : La civilisation et la Révolution française. Paris. Ed. Arthaud. 1978.

– Taveneaux René : La vie quotidienne des Jansénistes. Paris. Ed. Hachette. 1973.

Résonances entre l’École de Saint-Victor et les rites initiatiques contemporains, dont le RER

Une filiation spirituelle méconnue

« La lecture nous instruit, la méditation nous éclaire, la prière nous purifie, la contemplation nous ravit »

Hugues de Saint-Victor

L’École de Saint-Victor, née dans le silence monastique de l’abbaye parisienne au XIIe siècle, a profondément marqué la spiritualité occidentale. Elle ne fut pas une école dogmatique, mais une école de l’âme, un sanctuaire intérieur où la contemplation s’unissait à l’intelligence, où la connaissance conduisait à la sagesse, et où l’architecture de l’homme reflétait celle du cosmos.

Ce travail explore les résonances entre cette école et les rites initiatiques contemporains, en particulier la franc-maçonnerie spirituelle et le Rite Écossais Rectifié (RER). Il met en lumière une même dynamique de transformation intérieure, une même pédagogie de l’éveil par les symboles, et une même quête d’unité entre l’homme et le divin.

Convergences symboliques et anthropologiques

« L’homme est un petit monde ; tout ce que contient le grand monde est aussi contenu en lui »

Hugues de Saint-Victor

L’un des apports majeurs des Victorins est l’idée que l’homme est un microcosme, un temple intérieur. Cette conception, développée notamment par Hugues et Richard de Saint-Victor, pose une anthropologie trinitaire : mémoire, intelligence, volonté. Ce schéma se retrouve dans le RER sous forme opérative.

La progression initiatique, comme chez les Victorins, suit une logique de purification (mort symbolique), d’illumination (réception de la lumière), puis d’union (réintégration).

La franc-maçonnerie structure ainsi ses grades comme les Victorins structuraient les étapes de la contemplation. Les symboles ne sont pas ornementaux : ils sont les outils de la transformation de l’âme.

Degrés de contemplation et grades initiatiques

« La sagesse vient à ceux qui gravissent patiemment l’échelle de la connaissance, de la foi et de l’amour »

Richard de Saint-Victor

L’échelle spirituelle chez les Victorins repose sur une pédagogie graduelle : des sens vers l’esprit, puis vers l’intuition contemplative. Chaque degré est un travail sur soi : nettoyage, silence, intériorisation, illumination.

Dans les rites initiatiques modernes, les grades successifs accompagnent un mouvement similaire : comprendre (Apprenti), intégrer (Compagnon), renaître (Maître). Chaque étape correspond à un niveau d’être. La lumière, dans les deux cas, est reçue en proportion de la purification.

Chez Richard de Saint-Victor, cette lumière est aussi un reflet de la Trinité : la vision trinitaire de l’homme est donc un cadre opératif d’élévation.

La Voûte Sacrée : du sanctuaire biblique au cœur mystique

« Le cœur de l’homme purifié devient l’asile de la présence divine »

Richard de Saint-Victor

La Voûte Sacrée dans les hauts-grades maçonniques est le lieu de révélation du Nom divin. Dans l’École de Saint-Victor, la voûte est la représentation de l’esprit illuminé par la sagesse divine.

Ces lieux – voûte, cœur, sanctuaire – sont identiques dans leur fonction spirituelle : ils symbolisent l’ultime rencontre de l’homme avec la source, l’union du créé et de l’Incréé. Ils sont l’équivalent intérieur du Saint des Saints.

Le silence y règne, la lumière s’y manifeste, et l’homme, s’il est prêt, y renaît à une dimension supérieure de lui-même.

Messages essentiels

« L’amour est dans l’intelligence ce que la chaleur est dans le feu : son mouvement le plus intime »

Richard de Saint-Victor

• La spiritualité victorine propose un chemin opératif, tout comme les rites initiatiques.

• L’homme est un temple à édifier par l’ascèse, la symbolique, et la contemplation.

• Les degrés initiatiques sont une résonance contemporaine des degrés mystiques.

• La lumière intérieure est toujours le fruit d’un dévoilement progressif.

• La tradition maçonnique, loin d’être moderne, s’enracine dans des matrices médiévales comme celle de Saint-Victor.

Conclusion et perspectives

« Il ne suffit pas de savoir, il faut goûter. Il ne suffit pas de comprendre, il faut brûler »

Hugues de Saint-Victor

L’École de Saint-Victor n’a pas disparu : elle survit dans l’architecture symbolique des rites. Elle nous apprend que le Temple n’est pas seulement un lieu extérieur mais une structure intérieure à restaurer. Elle rappelle à chaque initié que la lumière n’est donnée qu’à ceux qui gravissent les degrés du silence, de l’étude et de l’amour.

Ce legs est vivant : dans la franc-maçonnerie spirituelle, il trouve un prolongement, une mise en œuvre, un langage nouveau pour des vérités anciennes. Le dialogue entre Victorins et initiés ne fait que commencer.

En préparation un livre sur « l’école de pensée de Saint-Victor »

Tableau de correspondance des 5 éléments de l’initiation de la Franc-maçonnerie

Dans l’univers riche et symbolique de la Franc-Maçonnerie, l’initiation est un voyage intérieur qui transcende les simples rituels pour toucher l’essence même de l’être humain. Inspirée par des traditions millénaires, cette quête spirituelle trouve des échos profonds dans la philosophie taoïste chinoise, notamment à travers la théorie des cinq éléments : Bois, Feu, Terre, Métal et Eau. Ces éléments, au cœur de la médecine traditionnelle chinoise (MTC) et du taoïsme, établissent des correspondances entre les organes, les émotions, les saisons et les cycles naturels, offrant un cadre pour comprendre l’harmonie universelle.

En adaptant cette grille à la Franc-Maçonnerie, nous pouvons dresser un tableau initiatique où chaque élément éclaire une étape ou une dimension de l’évolution maçonnique, reliant le corps, l’esprit et l’âme dans une quête de perfectionnement. Cet article propose une concordance complète, inspirée du modèle taoïste, pour explorer comment les cinq éléments enrichissent l’initiation maçonnique, des premiers pas de l’Apprenti jusqu’à la sagesse du Maître.

Les Fondements de la Théorie des Cinq Éléments

Avant d’entrer dans les correspondances maçonniques, rappelons brièvement le cadre taoïste. Les cinq éléments – Bois, Feu, Terre, Métal et Eau – interagissent selon deux cycles principaux : le cycle d’engendrement (Bois nourrit Feu, Feu crée Terre, Terre produit Métal, Métal génère Eau, Eau alimente Bois) et le cycle de contrôle (Bois contrôle Terre, Terre domine Eau, Eau éteint Feu, Feu fond Métal, Métal coupe Bois). Chaque élément est associé à un organe Yin, une entraille Yang, une saison, une direction, une couleur, une émotion et une qualité énergétique. Cette dynamique reflète l’équilibre du cosmos et du corps humain, un principe que la Franc-Maçonnerie, avec son emphasis sur l’harmonie et la géométrie sacrée, peut intégrer pour structurer son parcours initiatique.

Adaptation aux Cinq Degrés Initiatiques de la Franc-Maçonnerie

La Franc-Maçonnerie, dans ses rites les plus courants (notamment le Rite Écossais Ancien et Accepté), repose sur trois degrés principaux – Apprenti, Compagnon, Maître – souvent enrichis de grades philosophiques supplémentaires. Pour aligner cette progression avec les cinq éléments, nous inclurons les étapes préparatoires (candidature et initiation) et les degrés symboliques avancés (comme le 4e degré ou l’élévation spirituelle), créant un tableau initiatique complet. Voici une analyse détaillée :

1. L’Élément Bois : La Candidature – Préparation et Intention

Sous bois à l'aube, forêt de gros arbres en été
Sous bois à l’aube, forêt de gros arbres en été
  • Organe Yin : Foie – siège de la planification et de la vision.
  • Entrailles Yang : Vésicule Biliaire – organe de la décision et de la clarté.
  • Saison : Printemps – temps de renouveau et de croissance.
  • Direction : Est – où le soleil se lève, symbolisant un nouveau départ.
  • Couleur : Vert – couleur de l’espoir et de la régénération.
  • Émotion : Colère – énergie de transformation ou d’obstruction.
  • Qualité : Flexibilité et expansion.
  • Correspondance Maçonnique : La candidature marque l’entrée dans le chemin maçonnique. Comme le Bois, qui pousse et s’élève, le candidat exprime une intention de croissance spirituelle. Le Foie, associé à la vision, reflète la réflexion préalable, tandis que la Vésicule Biliaire symbolise le choix conscient de frapper à la porte du Temple. Le printemps évoque l’ouverture à une nouvelle vie, et la colère peut représenter les doutes ou résistances internes à surmonter. Cette étape pose les bases de l’harmonie future, exigeant une souplesse pour s’adapter aux exigences maçonniques.

2. L’Élément Feu : L’Initiation (Apprenti) – Éveil et Passion

  • Organe Yin : Cœur – centre de l’esprit et de la vitalité.
  • Entrailles Yang : Intestin Grêle – organe de discrimination.
  • Saison : Été – période de pleine activité et de chaleur.
  • Direction : Sud – lieu de lumière et d’énergie maximale.
  • Couleur : Rouge – symbole de vie et d’enthousiasme.
  • Émotion : Joie – énergie de connexion, mais aussi d’excès.
  • Qualité : Transformation et illumination.
  • Correspondance Maçonnique : L’initiation en Apprenti est un feu intérieur qui s’allume. Le Cœur, gouvernant l’esprit, incarne l’éveil de la conscience lors de la cérémonie, tandis que l’Intestin Grêle reflète la capacité à distinguer le vrai du faux dans les premiers enseignements. L’été symbolise l’intensité de cette étape, et le Sud, la lumière reçue après le bandeau retiré. La joie accompagne la découverte, mais un excès peut mener à l’orgueil, un défi à maîtriser. Cette phase transforme le profane en un être en quête, allumant la flamme initiatique.

3. L’Élément Terre : Le Compagnon – Stabilité et Travail

  • Organe Yin : Rate – centre de la transformation et de la réflexion.
  • Entrailles Yang : Estomac – organe de réception et de digestion.
  • Saison : Fin d’été – période de maturation et d’équilibre.
  • Direction : Centre – point d’ancrage et d’harmonie.
  • Couleur : Jaune – couleur de la neutralité et de la fertilité.
  • Émotion : Inquiétude – énergie de soin ou de dispersion.
  • Qualité : Équilibre et nourishment.
  • Correspondance Maçonnique : Le grade de Compagnon est une phase de consolidation. La Rate, associée à la réflexion, soutient le travail sur la pierre brute, tandis que l’Estomac symbolise l’assimilation des connaissances acquises. La fin d’été reflète une maturité progressive, et le Centre, la quête d’un équilibre intérieur. L’inquiétude peut surgir face aux défis techniques ou philosophiques, mais elle devient une force lorsqu’elle pousse à la persévérance. Cette étape nourrit l’âme du Maçon, préparant le terrain pour une élévation.

4. L’Élément Métal : Le Maître – Purification et Intégrité

  • Organe Yin : Poumon – siège de la respiration et de l’intégrité.
  • Entrailles Yang : Gros Intestin – organe d’élimination.
  • Saison : Automne – temps de récolte et de lâcher-prise.
  • Direction : Ouest – lieu du crépuscule et de la réflexion.
  • Couleur : Blanc – symbole de pureté et de clarté.
  • Émotion : Tristesse – énergie de deuil ou de renouveau.
  • Qualité : Clarté et structure.
  • Correspondance Maçonnique : Le degré de Maître marque une purification intérieure. Les Poumons, liés à la respiration, symbolisent l’inspiration spirituelle après la mort symbolique d’Hiram, tandis que le Gros Intestin représente l’élimination des illusions. L’automne évoque la récolte des leçons, et l’Ouest, la transition vers une sagesse plus profonde. La tristesse peut émerger face à la perte des anciennes certitudes, mais elle ouvre à une renaissance. Cette phase forge une intégrité, structurant l’âme du Maçon.

5. L’Élément Eau : L’Élévation Spirituelle (4e Degré ou au-delà) – Sagesse et Profondeur

  • Organe Yin : Reins – réservoir de l’essence vitale.
  • Entrailles Yang : Vessie – organe de stockage et de libération.
  • Saison : Hiver – période de repos et d’introspection.
  • Direction : Nord – lieu de mystère et de puissance cachée.
  • Couleur : Noir – symbole de l’inconnu et de la potentialité.
  • Émotion : Peur – énergie de respect ou d’immobilité.
  • Qualité : Fluidité et profondeur.
  • Correspondance Maçonnique : L’élévation spirituelle, souvent explorée dans les grades avancés, plonge dans les profondeurs de l’âme. Les Reins, source de l’essence vitale, reflètent la sagesse accumulée, tandis que la Vessie symbolise la libération des attaches matérielles. L’hiver invite à l’introspection, et le Nord, à la découverte des mystères. La peur peut surgir face à l’inconnu, mais elle se transforme en respect pour les lois universelles. Cette étape fluidifie l’expérience initiatique, reliant le Maçon au cosmos.
Wuxing

Le Cycle Initiatique et l’Harmonie Maçonnique

Comme dans le taoïsme, ces cinq éléments forment un cycle d’engendrement et de contrôle au sein de l’initiation maçonnique. La candidature (Bois) nourrit l’initiation (Feu) par l’intention qui s’embrase en passion ; l’Apprenti (Feu) crée le Compagnon (Terre) en transformant l’énergie en travail stable ; le Compagnon (Terre) produit le Maître (Métal) en affinant la matière brute ; le Maître (Métal) génère l’Élévation (Eau) en purifiant l’esprit ; et l’Élévation (Eau) revient au Bois en régénérant l’intention initiale. Le cycle de contrôle, quant à lui, assure un équilibre : l’Eau (peur) tempère le Feu (joie excessive), le Feu (passion) fond le Métal (rigidité), le Métal (clarté) coupe le Bois (doutes), le Bois (croissance) domine la Terre (inquiétude), et la Terre (stabilité) stabilise l’Eau (immobilité).

Implications Pratiques pour les Loges

Wuxing

Ce tableau des cinq éléments peut guider les loges dans leur travail. Par exemple, une loge pourrait organiser des méditations saisonnières : au printemps, focus sur l’intention (Bois) ; en été, sur l’éveil (Feu) ; à la fin d’été, sur la réflexion (Terre) ; en automne, sur la purification (Métal) ; en hiver, sur la profondeur (Eau). Les rituels pourraient intégrer des couleurs ou des symboles associés, renforçant l’expérience sensorielle et spirituelle. De plus, reconnaître les émotions liées à chaque étape – colère, joie, inquiétude, tristesse, peur – permet aux Maçons de travailler sur leurs déséquilibres internes, alignant leur chemin initiatique sur les lois naturelles.

Une Synthèse Universelle

Le tableau des cinq éléments offre à la Franc-Maçonnerie un miroir taoïste pour enrichir son initiation. En harmonisant les organes, les émotions et les cycles naturels avec les degrés maçonniques, il révèle une universalité qui transcende les cultures. Comme les bâtisseurs d’antan taillaient leurs pierres avec soin, les Maçons d’aujourd’hui peuvent sculpter leur âme en suivant ce cycle, alliant tradition et sagesse intemporelle. Ce cadre invite à une pratique plus consciente, où chaque étape est un pas vers l’harmonie universelle, reflet de l’ordre cosmique cher à notre Art Royal.

02/07/25 au GODF : « L’Afrique et la France à la croisée des chemins » – un dialogue essentiel pour repenser les relations franco-africaines

Alors que les relations historiques entre la France et les nations africaines traversent une période de profondes mutations, une conférence publique d’envergure se profile à l’horizon. Organisée par l’Association des Loges, l’événement intitulé « L’Afrique et la France à la croisée des chemins : un dialogue essentiel pour repenser les relations franco-africaines », se tiendra le mercredi 2 juillet 2025, de 19h à 21h30, à l’Hôtel du Grand Orient de France, 16 rue Cadet, Paris 9e.

Fort du succès de la conférence du 31 mai 2025 sur la paix et la souveraineté en République Démocratique du Congo, cet événement promet d’être un moment clé de réflexion citoyenne et géopolitique, ouvert à tous et enrichi par la participation de figures majeures. Simplice Ongui, directeur de publication d’Afriqu’Essor Magazine, invite à cette rencontre historique sous le thème « Héritages encombrants, futurs incertains : que veulent l’Afrique et la France ? » (http://www.afriquessor.com/conference-publique-a-paris-mercredi-2-juillet-2025-lafrique-et-la-france-a-la-croisee-des-chemins-un-dialogue-essentiel-pour-repenser-les-relations-franco-africai/).

Un Tournant Historique à Réinventer

Les liens entre la France et l’Afrique, forgés par des siècles de colonisation, d’indépendances formelles et de la nébuleuse « Françafrique », sont aujourd’hui à un carrefour. En Afrique francophone – du Sahel aux Grands Lacs –, des mouvements populaires exigent une rupture avec les réseaux d’influence opaque, les ingérences économiques et les déséquilibres hérités. La jeunesse africaine, moteur de ces revendications, appelle à des relations fondées sur la transparence, la réciprocité et la dignité, tandis que la fermeture de bases militaires à Niamey, Bamako ou Ouagadougou symbolise un retrait progressif de la présence française traditionnelle.

De son côté, la France, confrontée à une perte d’influence face à la Chine, la Russie ou la Turquie, tente de redéfinir son rôle. Les discours autocritiques de certains responsables et les initiatives de partenariats « à hauteur d’hommes » marquent une évolution, mais peinent encore à répondre aux aspirations populaires. Cette conférence se veut un espace pour interroger ce moment charnière, dépassant les postures diplomatiques pour poser des questions fondamentales : Quelle présence pour la France demain ? Quelle souveraineté pour les nations africaines ? Quels partenariats équitables pour l’avenir ?

Trois Axes de Réflexion pour un Dialogue Nouveau

Quelle Présence pour la France Demain ?

Depuis les indépendances des années 1960, la présence française en Afrique a oscillé entre soutien militaire à des régimes alliés, contrôle de ressources stratégiques et rayonnement culturel via la francophonie. Cette emprise, autrefois perçue comme légitime, est aujourd’hui contestée par des expulsions d’ambassadeurs et des critiques acerbes. Pour être crédible, une nouvelle présence française doit s’appuyer sur la confiance, la transparence et une modestie rare, passant d’une logique de domination à celle d’une coexistence respectueuse.

Quelle Souveraineté pour les Nations Africaines ?

La souveraineté africaine, revendiquée sur les plans politique, économique et culturel, reste entravée par des héritages coloniaux – infrastructures, systèmes financiers comme le franc CFA, dépendances sécuritaires. Réaffirmer cette souveraineté nécessite de prioriser les besoins locaux, de libérer les institutions des influences externes et de coordonner des politiques régionales. Les intellectuels, les femmes, les jeunes et les diasporas joueront un rôle clé dans l’émergence d’une souveraineté populaire et durable.

Quels Partenariats Équitables pour l’Avenir ?

Les modèles de coopération passés, souvent marqués par des « aides » aliénantes et des contrats avantageux pour les entreprises étrangères, doivent céder la place à des partenariats équilibrés. Éducation, transition énergétique, innovation technologique et gestion des ressources naturelles pourraient devenir des axes de co-développement, où la France, avec ses diasporas dynamiques et ses valeurs républicaines, agirait en allié plutôt qu’en tuteur.

Des Intervenants d’Exception

Jean-Marie Bockel : Une Voix pour la Rupture

Jean-Marie Bockel, né le 22 juin 1950 à Strasbourg (Bas-Rhin), est un avocat et homme politique français.

Figure du réformisme républicain, Jean-Marie Bockel a marqué l’histoire en 2008 en déclarant dans Le Monde : « La Françafrique est morte. » Cette prise de position, choc dans les cercles politiques, lui valut un rapide départ de son poste de secrétaire d’État à la Coopération. Dix-sept ans plus tard, auteur du rapport présidentiel sur la redéfinition de la présence française en Afrique, il revient avec une vision lucide. Lors de la conférence, il proposera un bilan critique, des pistes concrètes pour un partenariat respectueux et une réflexion sur les défis communs, loin des leçons magistrales, en témoin engagé d’une transition historique.

Robert Bourgi : Le Témoin de l’Ombre

Robert Bourgi (Avocat)

Symbole des réseaux françafricains, Robert Bourgi, juriste et conseiller discret de chefs d’État africains et français, incarne un héritage controversé. Son livre Ils savent que je sais tout : Ma vie en Françafrique (25 septembre 2024) dévoile les coulisses de ses missions avec Chirac et Sarkozy, assumant son rôle de « facilitateur politique ». Bien qu’absent en tant qu’intervenant, son spectre planera sur les débats, alimentant les questions sur les pratiques passées et leur persistance.

Niagalé Bagayoko : Une Modération Ancrée en Afrique

Niagalé Bagayoko (Source Panthéon Sorbonne)

Spécialiste de la sécurité et de la gouvernance, Niagalé Bagayoko, présidente de l’African Security Sector Network (ASSN) depuis 2011, apportera une rigueur académique et une perspective africaine. Diplômée de Sciences Po et docteure de Paris 1, elle a enseigné à Abidjan et collaboré avec des organisations internationales. Sa modération inclusive promet un débat pluriel, où les voix citoyennes – jeunes, femmes, diasporas – trouveront une place centrale.

Nicolas Penin Grand Maître du GODF

Nicolas Penin : L’Engagement Maçonnique

La conférence sera ouverte par Nicolas Penin, Grand Maître du Grand Orient de France, qui rappellera l’engagement citoyen, humaniste et fraternel de la maçonnerie dans cette refondation des relations entre les peuples.

Un Appel à Toutes les Consciences

Cet événement, gratuit mais sur inscription obligatoire, s’adresse à un large public : chercheurs, associatifs, étudiants, maçons et citoyens. Il ne s’agit pas de juger le passé, mais de co-construire un avenir post-Françafrique, juste et fraternel. Réservez votre place dès maintenant pour participer à ce dialogue essentiel.

Informations pratiques :

  • Date : Mercredi 2 juillet 2025
  • Heure : 19h – 21h30
  • Lieu : Hôtel du Grand Orient de France, 16 rue Cadet, 75009 Paris
  • Contact : osimgil@yahoo.co.uk

Simplice Ongui, en cette veille de solstice d’été 2025, vous convie à écrire ensemble une nouvelle page d’histoire.

Éthique et Morale

Éthique » et « morale », ces mots renvoient toutes deux aux mœurs et aux coutumes donc aux règles de conduite et à leur justification. C’est Cicéron qui, en traduisant le terme grec èthica par moralis dans la leçon i de Droit, morale et religion leur a donné une équivalence sémantique. Cependant, « morale » est le mot employé pour exprimer l’ensemble des règles ou préceptes, obligations ou interdictions relatifs à la conformation de l’action humaine aux mœurs et aux usages d’une société. La morale se définit donc principalement comme une théorie de l’obligation, ou comme un ensemble de règles de conduite d’action. 

Quant à l’ « éthique », on peut la définir comme réflexion théorique sur la morale, comme un fondement de la morale.

Il semble intéressant  de considérer ce que d’autres traditions, dont pourtant la nôtre est issue, établissent comme distinguo entre éthique et morale. Faisons donc un détour par la langue de l’Ancien Testament.

Les termes hébreux « mishpat » (justice) et « tsedek » (droiture, justice) sont souvent évoqués dans des contextes religieux et liturgiques juifs, mais ils apparaissent aussi dans certains rituels anglo-saxons influencés par la tradition biblique qui s’inspirent de l’Ancien Testament.

Plus précisément, ces concepts peuvent être mentionnés dans des rituels ou lectures bibliques lors de services religieux anglo-saxons qui mettent l’accent sur la justice divine et la droiture, tels que les offices de la Semaine Sainte ou des célébrations liées à la justice divine, ou encore certains cultes protestants ou évangéliques qui utilisent des lectures de l’Ancien Testament (notamment les Psaumes, Prophètes) où ces mots apparaissent, et enfin à certaines études bibliques ou des rituels de prière qui insistent sur la justice sociale et morale, inspirés par la Bible hébraïque

 On sait que, pour les Hébreux, la Loi (celle des tables éponymes) et la Justice, l’équité en son application (que l’on retrouve sous les noms de mishpat et de tsédeq) furent fondatrices de la gouvernance ce peuple et des relations entre eux. «Malheur à celui qui bâtit sa maison par l`injustice [littéralement sans tsédek], Et ses chambres par l`iniquité  [littéralement sans mishpat]», comme on peut le lire dans Jérémie ; 22,13. C’est  en Genèse 18 : 19, que l’on comprend cette distinction : tsédek c’est  la vertu et mishpat, la justice[1]

« Mishpat » est généralement traduit par : Jugement, justice, habitude, ordonnances, loi, le droit, les règles, la cause, le modèle, règles établies, . . . Il peut aussi s’agir de l’ action de décider d’une cause ; lieu, cour, siège du jugement ; mais aussi d’une procès, d’une procédure, d’un litige (devant des juges) ou encore d’un cas, d’une cause (présentée au jugement) mais aussi de la  sentence, de la décision (du jugement) voire de l’exécution (du jugement).

Quant à « Tsédeq », ce mot est généralement traduit par : justice, juste, innocence, se justifier, droiture, bonté, vrai, équité, salut, triomphant, bonheur. Ce qui est droit ou juste ou normal, droiture, justesse (de poids et mesures) ; Justice (d’un gouvernement). En général équité effective, du roi, de Jérusalem comme siège d’un gouvernement juste ; de l’attribut de Dieu. Equité signifie aussi justice (dans une affaire ou une cause) ; droiture (dans le discours), justice (ce qui est moralement, éthiquement droit), justice (défendue), justification (en controverse), délivrance, victoire, prospérité ? IL peut enfin s’agir de Dieu comme gardien de l’alliance dans la rédemption, ou enfin  dans le nom du roi Messianique  ainsi que du peuple qui se réjouit du salut.

On a retrouvé dans l’iconographie assyrienne antérieure, un Dieu-soleil flanqué de chaque côté par deux dieux mineurs appelés Mishpat et Tsédek.

Dans les rituels anglo-saxons, les deux colonnes B et J sont, avant tout, le rappel de fonctions : royale (mishpat) pour Boaz (aïeul de David et de Salomon), et sacerdotale (tsédeq) pour Jakin (prêtre assistant lors de la consécration du Temple).  

C’est ce qu’estime Paul Ricoeur lorsqu’il écrit dans Fondements de l’éthique: «  Je propose donc de distinguer entre éthique et morale, de réserver le terme d’éthique pour tout le questionnement qui précède l’introduction de l’idée de loi morale et de désigner par morale tout ce qui, dans l’ordre du bien ou du mal, se rapporte à des lois, des normes, des impératifs. »

Et de poursuivre plus loin : « On entre véritablement en éthique, quand, à l’affirmation pour soi de la liberté, s’ajoute la volonté que la liberté de l’autre soit. Je veux que ta liberté soit. »

Ainsi, dans le champ des sciences humaines la morale prend un sens descriptif des faits et se rattache à la sociologie ; elle peut se caractériser comme phénomène universel même si s’oppose à ce phénomène universel une relativité des morales dans l’espace et dans le temps. Il vaque cette relativité des morales implique l’émergence de conflits de morales eux-mêmes fluctuant dans l’espace et dans le temps.

Michel Maffesoli
MICHEL MAFFESOLI, SOCIOLOGUE, PARIS, LE 10 AVRIL 2014.

Michel Maffesoli, dans son ouvrage « Au creux des apparences » publié en 1990, exprimait bien cette frontière -ou mieux encore le glissement – être morale et éthique : « Quand on observe tous les phénomènes de violence dont l’actualité n’est pas avare, quand on voit les valeurs sociales traditionnelles perdre de leur force, ou les diverses autorités politiques, intellectuelles, journalistiques être tournées en dérision, on peut se poser la question : existe-t-il encore une morale universelle, applicable à tous ? C’est lorsque quelque chose n’a plus de réalité qu’on en parle beaucoup. Or, la Morale représente un monde qui n’est plus. Et c’est pour cela qu’on entonne, jusqu’à plus soif, des incantations en son nom. Mais comme il faut bien vivre ensemble, on voit se développer des éthiques particulières. Celles-ci traduisant ce  » sentiment d’appartenance  » propre aux tribus postmodernes. »

Pour être concret, on peut constater que l’éthique repose sur des valeurs morales voire communautaires. L’éthique, qui porte sur ce que nous « devrions » faire, varie donc selon les individus et les groupes.

Si l’on en croit le dictionnaire Larousse, la morale est un « ensemble de règles de conduite considérées comme bonnes de façon absolue ou découlant d’une certaine conception de la vie », et l’éthique est une réflexion argumentée sur les valeurs morales.

Mais  il est facile de convenir que cette définition n’est guère satisfaisante, Surtout, l’éthique est bien plus qu’une « réflexion argumentée » : l’éthique ne commande pas, alors que la morale est effectivement un ensemble de règles. Cependant, l’éthique est bien une réflexion sur la morale, qui a trait aux valeurs qui orientent et motivent nos actions dans nos rapports avec l’autre. En fait, il n’est pas exagéré de dire que l’éthique est tournée vers l’autre, ses attentes, ses désirs,  et par tant sa liberté.

Spinoza posait sans ambiguïté la différence entre morale et éthique en postulant que la morale, c’est le système du Jugement de Dieu, le système du Jugement. Mais l’Éthique inverse le système du jugement, de sorte que la différence qualitative des modes d’existence « bon /mauvais » se substitue au système de l’opposition des valeurs « Bien/Mal ».

Les acteurs professionnels du soin et de l’accompagnement connaissent bien les grands principes de l’éthique. Outre le principe de non-malfaisance, le principe de bienfaisance et le principe de justice et de non-discrimination, ils respectent le ». principe d’autonomie qui repose sur la reconnaissance de la faculté d’une personne d’avoir des opinions, de faire des choix et d’agir en fonction de ceux-ci…

Il va de soi que ceci suppose des capacités de jugement non altérées.

Plus récemment, ils ont été employés en philosophie moderne à propos des spéculations qui portaient sur « l’éthique », considérée comme le domaine de la détermination des fins de la vie humaine, des conditions nécessaires pour atteindre la vie heureuse ou des principes que doit suivre l’Homme pour mener une vie juste ou conforme à ses devoirs, dictés par la société ou par la raison.

Friedrich Nietzsche

Mais il est clair que  L’Éthique de Spinoza qui vécut au 17ème siècle, traite de la conduite de la vie humaine, tandis que Généalogie de la morale  de Nietzsche , qui vécut dans la seconde moitié du 19ème siècle, enquête sur l’origine des valeurs chrétiennes, qui pour l’auteur constituent ou fondent notre morale.

En fait, aujourd’hui, il est admis que « morale » et « éthique » ont des connotations différentes.

Le terme morale désigne l’attitude humaine face au bien et mal : ce qui est moral est bien, ce qui est immoral est mal. Evidemment, ce qui est amoral, – avec le a privatif –  n’est pas concerné par les notions de bien et de mal.
On notera que « morale » est parfois employé dans le cadre de  connotations volontiers négatives : « faire la morale », c’est donner des leçons (indûment) à quelqu’un, un « moralisateur » est une personne qui se complaît à prêcher la bonne morale. On sait aussi que la « morale » n’est pas restreint au vocabulaire religieux : on parle en France de « moralisation de la vie publique » à propos des mesures prises par les pouvoirs publics pour rendre plus acceptables la conduite des élus.

Le terme « éthique » est volontiers lié à l’activité de certains, et on parle volontiers de l’éthique professionnelle des médecins, des policiers, des journalistes…, c’est-à-dire les règles selon lesquelles un individu qui exerce l’une ou l’autre de ces professions travaille afin de ne pas se comporter injustement.

L’éthique renvoie aussi aux réflexions produites à propos de l’usage fait des nouvelles techniques scientifiques en biologie. On parle alors de « bioéthique » et de « questions éthiques », qui peuvent être par exemple : « peut-on cloner des êtres humains ? ».

On notera qu’en France, un organisme a été créé en 1983 pour conduire ces réflexions et émettre des avis : le Comité consultatif national d’éthique.

Au demeurant, la différence entre la morale et l’éthique réside dans leur nature et leur application : la morale est liée aux coutumes, normes et valeurs relatives d’une société, et varie selon les mœurs de chaque communauté. Tandis que l’éthique est une réflexion philosophique qui cherche à établir des principes universels du bien et du mal, indépendamment des normes sociales. 

Ceci a conduit certains à exprimer ainsi la différence : la morale est souvent subjective et contextuelle, tandis que l’éthique vise à définir des comportements acceptables à travers un raisonnement objectif.

Certes, l’éthique et la morale se rapprochent puisque les deux sont responsables de la construction de la base qui guide la conduite de l’homme, déterminant son caractère, son altruisme et ses vertus, et enseignant la meilleure façon d’agir et de se comporter en société.

Bien que l’éthique approuve ou justifie normalement les pratiques morales, il arrive qu’elles se rangent en opposition l’une contre l’autre.

En fait, les deux termes sont employés  différemment, pour exprimer que l’éthique est liée à l’étude du bien-fondé des valeurs morales qui guident le comportement humain dans la société, tandis que la morale est liée aux coutumes, normes, tabous et aux accords établis par chaque société.

Ainsi, l’éthique est la théorisation de la morale. Il n’est pas faux de considérer que l‘éthique aide à définir les critères sur ce qui se passe autour de nous.

Surtout, l’éthique ne fait pas de discrimination selon l’univers d’usage et les coutumes, Une telle « neutralité » n’est toujours pas valable pour la morale.

Les critères d’admission en franc-maçonnerie insistent sur le fait que le candidat doit être « libre et de bonnes mœurs ». Mœurs et morale ont une parenté qui n’est pas qu’étymologique, comme le laisse présumer le concept de « moralité ».

Une loge au XVIIIème siècle : eau-forte, aquarelle, planche dite « Cabanon », 1745 – Musée de la franc-maçonnerie.

En fait, dans les premiers textes de la maçonnerie opérative il était écrit : «né libre et de bonnes humeurs» qui devient « libre et de bon renom » ensuite. Mais c’est bien pour insister sur les valeurs morales que l’exigence est devenue d’être « libre et de bonnes mœurs ». Les deux notions fréquemment accolées de mœurs et de coutumes perdurent de l’Antiquité jusqu’au 19ème siècle. Si la première regarde les manières d’être comme implicitement structurées par des systèmes de valeurs, la seconde désigne des habitudes, et donc des systèmes de pratiques.

Il existe une morale coutumière, adaptée à tel lieu et à tel temps, qui est la morale des honnêtes gens dans une société donnée. Elle traduit les bonnes mœurs qu’il est souhaitable de suivre pour l’harmonie de la collectivité ; elle est à la mesure de quiconque et ne réclame aucun élan intérieur ni vertu supérieure. C’est ce minimum de morale sociale qui est exigée ; le casier judiciaire du profane doit être vierge lors de sa demande d’entrée en Franc-maçonnerie.

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Code pénal français, justice, textes de loi,

Le droit français ne maintient plus l’interdiction de déroger aux bonnes mœurs, toutefois encore évoquée dans l’article 6 du code civil créé en 1803 alors qu’on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public. La loi n’a conservé les bonnes mœurs que dans le code de la propriété intellectuelle et dans le code de commerce.

Cette notion apparaît en effet désuète au regard de l’évolution de la société ; la jurisprudence l’a progressivement abandonnée au profit de la notion d’ordre public dont elle n’a eu cesse de développer le contenu.

«De bonnes mœurs» est la traduction, ou plutôt l’adaptation française, de l’expression «of good report» présente dans les rituels maçonniques anglo-saxons originels et contemporains. Elle ne signifie pas «de bonnes mœurs» mais «de bonne réputation», ce qui n’est pas la même chose.

Dans les sociétés influencées par le protestantisme et le puritanisme, les deux notions sont cependant très liées. Le Convent de Lausanne en  septembre 1875 (qui réunit les Suprêmes Conseils de onze pays) proclame : «depuis la préparation au premier grade jusqu’à l’obtention du grade le plus élevé de la Maçonnerie écossaise, la première condition sans laquelle rien n’est accordé à l’aspirant, c’est une réputation d’honneur et de probité incontestée

On peut dire aussi que l‘éthique est basée sur une réflexion individuelle, tandis que la morale, fondée sur la coutume d’une société, impose ses normes et son cadre coutumier. L’éthique est peut-être cette tension même, parce qu’elle suppose le pouvoir, non sur l’autre, mais sur soi-même. Et la méthode maçonnique est, par essence, ce qui réforme de l’intérieur, ce qui reconstruit, redispose autrement la beauté intérieure. Une telle reconstruction, libre et lucide, peut-elle être « normée » autrement que par une équerre intime ?

Finalement, il peut sembler légitime de considérer qu’alors que l’éthique vise à construire des valeurs absolues, impérissables et universelles, la morale évolue sans cesse, se transformant en fonction de l’idéologie dominante des pays (ou des sociétés) et du temps qui passe….


[1] Genèse 18 : 19 : « Si je l’ai distingué, c’est pour qu’il prescrive à ses fils et à sa maison après lui d’observer la voie de l’Éternel, en pratiquant la vertu et la justice » 

Dans le miroir de Vivian Maier, il y a notre regard piégé

Le dernier album photo de Reporters Sans Frontières rend hommage à Vivian Maier, une des photographes les plus géniales du XXème siècle. Problème : elle n’a jamais voulu être photographe. Elle n’a jamais voulu faire ce qu’il aurait fallu pour ça : trianguler. 

C’est un autoportrait de 1953, de Vivian Maier à  New York. On la voit par reflet dans une vitrine, son appareil Rolleiflex calé sur son ventre, le regard distant. Depuis l’origine,  depuis la camera obscura, la photographie est un dispositif de triangulation, qui fonctionne sur la symétrie inversée (voir illustration). Globalement, la composition de l’image est la même que celle d’un tableau : cadre, construction des lignes, perspective, point de fuite, mais les moyens sont différents : la chambre noire, l’objectif, l’obturateur. Il faut différencier ce qui est dans le cadre et ce qui est hors-cadre, qui ne doit pas être vu.

Ici on remarque une double transgression. D’abord, la présence de l’appareil photo. Or, l’œil qui regarde ne doit pas être visible. C’est le principe du “quatrième mur” en théâtre, on fait comme si les spectateurs n’étaient pas là, alors qu’en réalité, le spectacle est donné pour eux. La deuxième transgression est celle de l’auto-référencement. Le photographe ne peut pas être lui-même le sujet de sa propre photographie. Bien sûr, l’autoportrait est un genre courant en peinture, et très prisé de certains peintres : Rembrandt, Courbet, Van Gogh…, mais justement parce qu’il est une transgression, il met en abyme l’art de la peinture lui-même. Dans les autoportraits de peintre, l’artiste se regarde droit dans les yeux et du même coup dans les yeux du spectateur.  Vivian Maier ne fait pas cela. Elle ne regarde pas dans l’appareil photo et donc pas dans les yeux du spectateur. Elle l’exclut. Elle regarde, en face d’elle, son reflet dans la glace. Vivian Maier photographe regarde Vivian Maier sujet de sa propre photographie. Sans complaisance. Ce n’est pas son œil qui prend la photo, elle semble absente, ce sont ses mains, ce sont ses doigts. 

Cette image montre en réalité un portrait inversé de Vivian Maier. Non pas telle que nous l’aurions vue si on s’était trouvé face à elle, mais inversée dans le miroir de la vitrine, telle qu’elle à l’habitude de se voir elle-même. Normalement, la photographie n’inverse pas l’image à l’horizontale, le miroir, si. Nos contemporains, lorsqu’ils prennent des selfies ou des vidéos d’eux-mêmes, choisissent d’inverser l’image, ils ne se filment pas comme un photographe objectif les verrait , comme les autres les voient, mais comme ils se voient eux-mêmes dans le miroir, le sujet impose sa vision à l’auteur. Le moi dans toute sa majesté. Ça en dit long sur notre époque. 

L’image doit toujours avoir un point de fuite, mais pas là, la perspective de la rue est masquée par le personnage principal. On devrait voir aussi quelque chose de ce qui se trouve  derrière la vitrine, à l’intérieur de la boutique, mais rien là non plus. Des reflets. Des immeubles, des voitures bloquées à un feu, qui semblent immobiles, un homme qui marche, simple silhouette floue, et qui regarde ailleurs. Et elle, seulement elle, le reflet de son reflet qui se reflète deux fois dans le miroir. C’est une mise en abyme, mais sans aucune profondeur. Une mise en abyme écrasée sur deux dimensions, celles de la seule surface où tout se passe. Une mise en abyme plate. Sans la troisième dimension qui permet de trianguler le regard. Il n’y a pas de profondeur et pas d’extériorité, aucune place pour le spectateur. S’il plonge dedans, son regard reste piégé à l’intérieur. 

Cette photo, en réalité, n’a été vue par personne. Vivian Maier reprendra plusieurs fois ce thème de son reflet dans le miroir. En 1953, elle est à New York depuis deux ans, elle commence sa longue aventure avec la photographie. Mais elle est gouvernante d’enfants, elle le restera toute sa vie, elle n’est pas photographe. Elle pourrait l’être. Elle a appris cet art avec une des plus grands photographes de son époque : Jeanne Bertrand. Elle n’est pas “naïve” comme le douanier Rousseau, elle n’est pas profane. Mais elle n’est pas photographe. Elle ne se considère pas comme ça. Elle ne vendra ni n’exposera jamais aucune seule de ses œuvres. Elle enferme ses tirages et ses milliers de négatifs jamais développés dans des cartons qu’elle emporte avec elle. Il y en aura près de 150 000. En 2007, deux ans avant qu’elle ne meure, un quidam nommé John Maloof achète certains de ces cartons aux enchères, dans la liquidation d’un garde-meubles où elles les avait entreposées. C’est lui qui va s’instituer gardien de la mémoire et s’employer à faire connaître cette œuvre. Ou plutôt, il va la fabriquer. En commençant par la rendre publique. Puis par intéresser des amateurs d’arts, des collectionneurs comme Jeffrey Goldstein qui se mettent à reconnaître son travail comme véritablement de l’art à partir de 2008. Ensuite, c’est la folie, l’engouement. Posthume. Elle n’était plus en mesure de s’y opposer ni d’y participer. Sa stature d’artiste-photographe, sa légende, et son œuvre elle-même se sont construites sans elle. D’ailleurs, est-ce bien Vivian Maier ? Elle n’a pas choisi les clichés qui méritaient d’être publiés. Les photographes ne sélectionnent qu’à peine 1% de leur production pour le rendre public, le reste, ils le jettent. Elle n’a pas non plus assuré ni supervisé les tirages, les éventuels recadrages et les éventuelles retouches. Est-ce son regard qu’on publie avec les photos qu’on expose, ou sont-ce les choix de John Maloof ? Et qui a construit “Vivian Maier” et son œuvre si ce n’est pas vraiment elle ? Sa production photographique (photographie = écriture de la lumière) était condamné par elle à dormir dans l’obscurité, au fond de cartons dont elle ne donnait l’accès à personne. Disparition de la troisième dimension, mise en abyme de l’ombre et de la lumière, écrasement sur deux dimension,  puis sur une : le néant. 

Tout art fonctionne sur une série de triangulations : l’artiste / son œuvre /son public, ou bien : l’artiste / son art / son œuvre, ou encore : le “marché”de l’art, le champ artistique / l’œuvre de l’artiste, etc. Vivian Maier ne s’est jamais instituée artiste. Elle n’a jamais constitué une œuvre. Le monde de l’art ne l’a jamais connue. De son vivant. Mais à sa mort, le marché et le monde de l’art ont constitué une œuvre à partir du travail de Vivian Maier et ont inventé une artiste nommée Vivian Maier. 

On ne peut pas être franc-maçon tout seul. Il faut être reconnu par les siens. Pas seulement “reconnu”, mais co-construit, les autres participent à la construction du franc-maçon que nous sommes. Car nous sommes l’œuvre : operae lapidem. Nous ne pouvons pas le faire tout seul mais les autres ne peuvent pas non plus le faire sans nous. C’est à nous de mener le chantier.. Il faut aussi vouloir être franc-maçon pour l’être et se reconnaître soi-même comme tel. Dès qu’on cesse de se croire franc-maçon, on ne l’est plus. Les yeux dans le miroir, qui est ce franc-maçon qu’on vient d’initier ? 

Corsica Enigma

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Ce roman riche en rebondissements aborde une face méconnue de l’histoire de la Corse, une histoire mouvementée et parfois compliquée, en particulier dans sa relation avec le Vatican. Au terme d’une quête qui aura duré plus de deux ans à travers la Corse et Rome, en passant par Paris et Marseille, Pierre Renucci, journaliste, expert en symboles maçonniques, est un homme comblé. Grâce à toutes les informations glanées, triées et retranscrites précieusement sur son carnet qui ne le quitte jamais, il est sur le point de percer l’un des secrets les mieux gardés de l’histoire de l’humanité….

Ses recherches dérangent le Vatican et il va devoir échapper aux tueurs lancés à ses trousses par l’énigmatique Messager. Heureusement, Pierre Renucci bénéficie de la complicité d’amis marseillais et corses pour le protéger et l’aider à résoudre cette énigme vieille de plusieurs siècles et qui va bouleverser son existence.

L’AUTEUR

Michel Viallefond, passionné d’histoire et d’ésotérisme, a, comme son héro PIERRE RENUCCI, enquêté dans plusieurs pays pour collecter les faits historiques décrits dans ce premier roman. Sa connaissance du symbolisme et de la Corse, dont il est originaire, lui ont permis d’établir les hypothèses sur lesquelles se fonde la trame de son récit