Accueil Blog Page 157

Grosse affluence à la rentrée

2

C’est reparti !

Septembre, c’est la rentrée, après parfois pour certains d’entre-vous, de longues semaines en dilettante. Notre vie est rythmée par des calendriers que l’on se plait à conserver et à utiliser dans notre vie courante.

Le mois de septembre est une période de renouveau décisif, pour repartir sur de nouvelles bases, en s’imposant des exigences influencées par un rythme souvent scolaire.

« TOUT VA BIEN, JE DOIS PASSER L’ÉPREUVE DES MARRONNIERS ! »

Il y a dans ces traditions qui nous rappellent nos rentrées scolaires, un rituel qui nous interpelle comme franc-maçon.

Nous nous laissons prendre au jeu, car nous sommes un peu joueurs. C’est aussi l’occasion de redéfinir des valeurs, d’en reparler, d’approfondir et de remettre en fonction nos modes opératoires maçonniques sur la réflexion.

C’est ce que vous propose au travers du « mini-délire » de la Minute du Grand René dans la vidéo ci-dessous :

Parvenir tous ensemble et plus pleinement à la Lumière

2

 (Les « éditos » de Christian Roblin paraissent le 1er et le 15 de chaque mois.)

Les Jeux paralympiques qui viennent de s’ouvrir à Paris sont l’occasion de se poser à nouveaux frais la question de l’intégration des personnes en situation de handicap physique, sensoriel ou mental dans notre société, sans négliger une réflexion approfondie sur leur sort au sein de nos fraternités maçonniques.

Dans son vibrant discours lors de la cérémonie d’ouverture, ce 28 août, le président du Comité paralympique international, Andrew Parsons, en a appelé à la liberté, à l’inclusion et à l’égalité, déclarant notamment, au sujet des compétitions qui allaient suivre : « nous célébrerons ce qui nous rend différents, montrerons qu’il y a de la force dans la différence, de la beauté dans la différence, et que cette différence est une force puissante au service du bien [1] ».

Non seulement, grâce au sport, les athlètes en cause parviennent à être bien dans leur peau, mais ils remplacent, dans le cœur des spectateurs valides, par de l’admiration et de la solidarité, la sensation de malaise que ceux-ci éprouvent d’ordinaire, face aux infirmités – quelque chose de vague, de confus, d’inavoué, ces meurtrissures de l’angoisse, immédiates et irrépressibles, qui les font regarder ailleurs, comme le relève si bien Philippe Croizon [2], athlète quadri-amputé, pour qui « c’est culturel d’avoir peur du handicap » et qui préfère parler, plutôt que de handicapés, « de femmes et d’hommes qui font autrement ».

Car ces sportifs objectivement diminués se sont confrontés à leurs déficiences ou à leurs mutilations pour accomplir un parcours qu’ils n’auraient peut-être pas entrepris sans cela. Ils ont refusé de s’achopper aux immenses difficultés qu’ils rencontraient. Ils ont grignoté jour après jour l’adversité qui les tourmentait. Par leurs combats et leurs défis, ils ont gagné la seule intégrité qui soit, celle d’une conscience profondément accomplie, qui dépasse de beaucoup la satisfaction souvent puérile et orgueilleuse de la simple totalité physique.

En réalité, il faudrait que les jeux paralympiques aient lieu au moins une fois par an, pour que nous nous souciions enfin sérieusement de l’adaptation de l’ensemble des environnements aux enfants et aux adultes porteurs de handicap [3] or cette peur subconsciente qui nous envahit nous vient du fond des âges, de l’époque où le malheur des hommes relevait, dans l’opinion commune, de la volonté de Dieu. Dans l’idéologie dominant alors, chacun méritait le destin auquel il était assigné. Il se peut bien qu’il nous en reste quelque chose…

Quant à la longue tradition de la franc-maçonnerie spéculative, elle n’est pas épargnée, non plus. Ainsi, dès l’origine, en 1723, Les Constitutions d’Anderson énoncent impérativement que : « [L’Apprenti] ne doit avoir aucune Mutilation ou Défaut en son Corps qui puissent le rendre incapable d’apprendre l’Art ou de servir le Seigneur de son Véné­rable, d’être initié comme Frère [4] […] ».

Graduellement, on en fut conduit à exclure une longue série de « B » (répétition où certains, au-delà de la curiosité d’un vocabulaire choisi, voulaient voir un céleste présage), tels les bègues (et les sourds), les bigles (ceux qui louchaient), les boiteux (les bancals et les nains aussi), les borgnes (et a fortiori les aveugles). Pour faire bonne mesure, on y ajoutait les bossus, les bâtards et les bougres (autrement appelés sodomites, c’est-à-dire les homosexuels). Quoique, dans cette dernière catégorie, on s’était montré plutôt « gay friendly » envers Cambacérès qui fut également, sous l’Empire, l’un des tout premiers dignitaires de la franc-maçonnerie… Donc, au XVIIIe siècle et au-delà, sans que l’on puisse vraiment dater la fin de ces déplorables assimilations, les déficiences physiques emportaient des déficiences morales [5].

Même quand disparurent ces amalgames accablants et ces disqualifications abruptes, le chemin des loges resta longtemps semé d’obstacles plus ou moins tortueux. La plupart des frères handicapés que l’on croisait en loge s’étaient retrouvés dans cette condition, au cours de leur existence, mais après leur initiation. Le sujet mérite encore d’être clarifié [6]. C’est, d’ailleurs, pourquoi fut créée, au Grand Orient de France – et ce, en 2021 seulement, ce qui en démontre l’actualité –, une loge de recherche dédiée à cette problématique [7], intitulée : « Héphaïstos 3H (Héphaïstos [8], handicap, humanisme) ». Elle a, d’emblée, spécifiquement orienté ses réflexions sur l’accessibilité des lieux maçonniques, la praticabilité des rituels et la mise à disposition d’outils de communication aidant à une évolution significative dans l’univers maçonnique.

Bénéfices, à mon sens, loin d’être accessoires : cette voie d’accueil et d’ouverture permet également de guérir les frères valides, des diverses « infirmités » qui les empêchent d’initier, dans toute la mesure du possible, des candidats affectés d’une insuffisance ou d’une diminution de leurs capacités physiques. De surcroît, c’est certainement un moyen de parvenir tous ensemble et plus pleinement à la Lumière.


[1] « We will celebrate what makes us different, show there is strength in difference, beauty in difference, and that difference serves as a powerful force for good. » À retrouver ici dans son discours intégral en anglais.

[2] Philippe Croizon a parrainé, ce 31 août, la nouvelle émission de Marina Carrère d’Encausse : « Carnets de santé », le samedi à midi, sur France Culture (cliquer ici pour accéder au podcast radiophonique et ici pour la captation vidéo). Pour en savoir plus sur Philippe Croizon, cliquer ici.

[3] Observons, d’ailleurs, que l’accessibilité aux Jeux s’annonçait déjà comme une « galère » pour les spectateurs handicapés et ce fut bel et bien le cas. Cliquer ici pour accéder à un article du journal Libération, publié le 20 mai 2024. 

[4] Au livre des Obligations du franc-maçon, Ch. IV, p. 2.

[5] Par exemple, on lira avec profit l’article, republié dans ce Journal, sur le symbolisme du boiteux.

[6] Sur le sujet en général, on se reportera avec intérêt à l’essai de Francine Caruel & Jean Moreau, L’Art Royal et le Petit Prince : Franc-maçonnerie et handicap, Paris : Detrad aVs (Coll. : Rencontres), déc. 2010, 208 p. (v. site de l’éditeur en cliquant ici).

Un compte rendu de l’ouvrage, accessible en ligne en cliquant ici, est paru sous la signature de Jacques Demorgon : « Le nœud gordien des handicaps, défi de l’humain », pp. 17-26, in : Humanisme [Grand Orient de France] 2011/2, № 292 (« Les invisibles, ceux que l’on ignore »), 124 p.

[7] Pour en savoir plus sur l’allumage des feux de cette loge de recherche, cliquer ici.

[8] Hḗphaistos (en grec ancien : Ἥφαιστος), ce dieu du feu, de la forge, de la métallurgie et des volcans, dans la mythologie grecque, assimilé, par syncrétisme, à Vulcain dans la mythologie romaine, est devenu boiteux, encore tout bébé, après avoir été jeté au bas de l’Olympe par sa mère, Héra, tant il lui paraissait laid et repoussant. Pour en savoir plus sur Héphaïstos, cliquer ici. Sans compter que, dieu de la forge, Hḗphaistos n’est pas sans rappeler allusivement, dans notre légendaire, le biblique Hiram Abiff, artisan bronzier…

Redécouverte des rituels anciens : Une plongée dans les archives oubliées

Le Groupe de Recherche Maçonnique Suisse organise le samedi 28 septembre 2024, à Lausanne, une conférence intitulée « Recherche et mise en valeur d’anciens rituels maçonniques, pourquoi et qu’en faire ? ». Cet événement, destiné aux membres et aux amis du Groupement, sera animé par Christian Mermet, Secrétaire de la Fondation LATOMIA.

Contexte et objectifs de la conférence

La conférence se focalise sur un sujet d’une importance cruciale pour l’histoire et la pratique contemporaine de la franc-maçonnerie : la recherche, la conservation, et la mise en valeur des anciens rituels maçonniques. Christian Mermet, avec son expertise en tant que responsable de la Fondation LATOMIA, abordera les méthodes et les enjeux liés à cette quête de redécouverte des traditions maçonniques anciennes.

La Fondation LATOMIA, surnommée « carrière de fouilles maçonniques », est dédiée à la promotion de la recherche sur les rituels et l’histoire maçonnique. Initialement créée pour servir les maçons, quelle que soit leur obédience, elle est désormais accessible aux chercheurs « profanes » qualifiés, élargissant ainsi son audience au-delà des cercles strictement maçonniques. La Fondation se distingue par son engagement à publier des documents, principalement des rituels du XVIIIe siècle, sous forme de fac-similés restaurés, accompagnés de transcriptions et de traductions pour en faciliter l’étude et la compréhension.

Importance et impact des travaux de la Fondation LATOMIA

Depuis la découverte en 1976 du manuscrit « Francken », un document fondateur du Rite Écossais Ancien et Accepté (REAA), la Fondation LATOMIA a accumulé un fonds impressionnant de plus de 400 documents. Ces manuscrits, souvent numérisés ou transcrits, offrent une fenêtre unique sur les pratiques et les évolutions de la franc-maçonnerie au fil des siècles. Les travaux de la Fondation, et particulièrement les découvertes récentes comme le rituel « Courtin », sont essentiels pour comprendre l’évolution des trois premiers degrés du REAA, pratiqués à Lausanne dès le XIXe siècle.

L’objectif de la conférence est double : d’une part, exposer le processus de recherche et de valorisation de ces anciens rituels, et d’autre part, discuter de l’utilisation de ces documents pour enrichir la compréhension actuelle de l’histoire maçonnique. Christian Mermet partagera les méthodologies employées pour découvrir, restaurer, et interpréter ces documents, soulignant l’importance de leur préservation pour les générations futures.

Pourquoi et qu’en faire ?

La question posée par la conférence – « pourquoi et qu’en faire ? » – invite à une réflexion sur l’importance de ces rituels dans le contexte actuel. Pourquoi est-il crucial de redécouvrir et de préserver ces textes anciens ? Quels enseignements peuvent-ils encore offrir à la franc-maçonnerie moderne ? Et surtout, comment les intégrer dans une pratique qui, tout en respectant les traditions, doit s’adapter aux réalités contemporaines ?

Christian Mermet

Christian Mermet abordera ces interrogations, en soulignant que les rituels maçonniques anciens ne sont pas simplement des artefacts historiques. Ils sont des éléments vivants d’une tradition qui continue d’évoluer. Leur redécouverte permet non seulement de renforcer l’identité maçonnique, mais aussi d’enrichir la pratique maçonnique actuelle en la reconnectant à ses racines profondes.

Programme de la journée

  • Accueil : 10:00
  • Conférence : 10:30
  • Apéritif offert par le GRA : 11:45
  • Repas de midi : 12:30 dans les locaux maçonniques lausannois
  • Fin de la rencontre : 15:00

Prix de participation : CHF 15. (env. 16,02 €) – pour les amis (non-membres) du GRA, gratuit pour les membres. Inscription préalable indispensable pour la présence au repas (prix CHF 35. (env. 37,38 €) – avec les boissons) Via le courriel du GRA/Délai d’inscription au repas : mercredi 25 septembre 2024

Ressources vidéo recommandées

En complément à cette conférence, nous vous recommandons de visionner les vidéos suivantes pour enrichir votre compréhension de la franc-maçonnerie :

  1. 1717-2017, Trois siècles de franc-maçonnerie – Conférence à l’Université de Mons

  2. Franc-maçonnerie et Initiation – Présentation par l’ancien Grand Maître et écrivain Alain Graesel https://www.youtube.com/watch?v=czeQzeTQdYs
  3. L’état de la franc-maçonnerie en Belgique au XXIe siècle https://www.youtube.com/watch?v=tH_Momp8w_I
  4. Catholicisme et franc-maçonnerie – Discours de Jérôme Rousse Lacordaire à la Grande Loge Nationale Française https://www.youtube.com/watch?v=P4yNWsoAuoI
  5. L’initiation selon René Guénon – Conférence de Slimane Retzki https://www.youtube.com/watch?v=EXwHgM2brxM
  6. Social Impact of Prince Hall Freemasonry in D.C., 1825-1900 – Communication de Alonza Tehuti Evans https://www.youtube.com/watch?v=Rz6ddVqx61Q

Le GRA Alpina se réjouit de vous retrouver nombreuses et nombreux à la fin septembre pour leur conférence semestrielle.

Source : Newsletter du Groupe de recherche maçonnique suisse en date du 4 juillet 2024

Dans les coulisses de l’école de la République : Grande et petites histoires revisitées

Il est intéressant de noter que c’est Nicolas Penin, récemment élu grand maître du Grand Orient de France (GODF), qui nous a inspirés à entreprendre cette note de lecture.

Nicolas Penin – GODF

Conseiller Principal d’Éducation (CPE) et ancien responsable syndical à l’UNSA, Nicolas Penin a été élu à la tête de cette importante obédience maçonnique française le jeudi 22 août dernier, succédant à Guillaume Trichard. Né en 1975 dans la région Nord-Pas-de-Calais, Nicolas Penin, à 48 ans, incarne la continuité des valeurs républicaines de l’école publique et de la laïcité, dont il est un fervent défenseur. D’ailleurs, demain, dimanche 1er septembre, de 9h42 à 10h, « Divers aspects de la pensée contemporaine », émission de France Culture, recevra le nouveau grand maître du GODF.

Dans son discours d’élection, il a immédiatement mis en avant la nécessité de renforcer ces piliers fondamentaux, avertissant que toute faiblesse dans ces domaines pourrait ouvrir la porte à des risques de séparatisme et de ségrégation. Son parcours dans l’Éducation nationale, notamment en tant que secrétaire régional du syndicat Unsa-Éducation pour les Hauts-de-France, l’a profondément ancré dans les débats actuels sur l’éducation en France. C’est précisément cette passion pour l’école publique et la défense de ses valeurs républicaines qui nous a donné l’envie et l’idée de réaliser cette analyse approfondie de l’ouvrage Grande et petites histoires de l’école.

Ce livre du documentaire événement de France TV de Françoise Davisse et Carl Aderhold (Nathan, 2022) s’inscrit dans une longue tradition d’ouvrages explorant la thématique de l’éducation. L’école, en tant qu’institution, a suscité un intérêt constant au fil des décennies, donnant lieu à une multitude d’essais et de réflexions philosophiques.

Parmi ces ouvrages, citons notamment Pour une éducation humaniste de Noam Chomsky (2010), un essai qui interroge les fondements de l’éducation contemporaine. De même, Réflexions sur l’éducation d’Emmanuel Kant (date de publication originale en 1803) et De l’éducation de Jiddu Krishnamurti (éd. originelle 1959) offrent des perspectives philosophiques profondes sur le rôle de l’éducation dans la formation de l’individu.

D’autres auteurs ont abordé les enjeux contemporains de l’école, comme Béatrice Mabilon-Bonfils et François Durpaire dans La fin de l’école, l’ère du savoir-relation (2014), ou encore Edgar Morin dans ses multiples contributions, dont Enseigner à vivre (2014) et La tête bien faite (1999). Ces œuvres montrent l’évolution des réflexions sur l’éducation, qui s’étendent bien au-delà des frontières de l’école traditionnelle pour inclure les défis posés par la société moderne et le numérique, comme le souligne L’École, le numérique et la société qui vient de Denis Kambouchner, Philippe Meirieu et Bernard Stiegler (2012).

En somme, Grande et petites histoires de l’école s’ajoute à une vaste bibliothèque d’ouvrages dédiés à l’examen critique de l’éducation, contribuant à enrichir le débat sur l’avenir de l’école et son rôle dans la société.

Revenons à l’ouvrage

Ce livre signé par Françoise Davisse et Carl Aderhold est bien plus qu’une simple évocation de l’évolution de l’école en France. Il s’agit d’une plongée au cœur de ce qui constitue non seulement l’épine dorsale de la société française mais aussi le reflet des aspirations, des luttes et des espoirs qui ont façonné les différentes générations. Ce livre, en lien avec le documentaire événement de France Télévisions, prend le lecteur par la main et le guide à travers des décennies de transformations, parfois douloureuses, souvent nécessaires, de l’institution scolaire.

L’écriture de cet ouvrage se caractérise par une richesse narrative qui entremêle avec habileté anecdotes, faits historiques et réflexions sociopolitiques. Dès les premières pages, les auteurs établissent un lien fort entre l’école et la République, notion centrale et récurrente dans la pensée éducative française. L’école y est présentée non seulement comme un lieu d’apprentissage mais aussi comme un espace de socialisation où se forge l’idée même de citoyenneté. Cette vision est appuyée par une analyse minutieuse des différentes phases de l’évolution de l’école, depuis l’école pour tous, concept révolutionnaire pour son époque, jusqu’aux débats contemporains sur l’inclusivité et l’équité.

Françoise Davisse et Carl Aderhold choisissent de ne pas simplement retracer l’histoire linéaire de l’école mais plutôt d’en exposer les différentes facettes à travers des chapitres thématiques qui explorent des sujets variés tels que le mérite, la promotion sociale, le savoir, la laïcité et le rôle de l’école dans la République. Cette structure permet non seulement de mettre en lumière les enjeux spécifiques de chaque époque mais aussi de démontrer la complexité et la continuité des débats qui entourent l’institution scolaire.

L’école pour tous, telle que présentée dans le premier chapitre, est une idée qui, si elle paraît aujourd’hui évidente, fut à son origine une véritable révolution. Les auteurs rappellent avec pertinence que la démocratisation de l’accès à l’éducation a été un long combat, souvent marqué par des résistances fortes de la part des élites qui y voyaient une menace pour leur hégémonie sociale. Ils soulignent également les contradictions inhérentes à cette idée d’école pour tous, notamment lorsque celle-ci est confrontée à la réalité des inégalités sociales et économiques qui continuent de peser sur le système éducatif.

Les chapitres suivants approfondissent la réflexion en s’attardant sur la notion de mérite et sur la tension entre excellence et égalité des chances. L’idée que l’école doit être un lieu où chacun peut, par son travail, gravir les échelons sociaux est explorée à travers une analyse des politiques éducatives successives et des résultats contrastés qu’elles ont produits. Françoise Davisse et Carl Aderhold  ne manquent pas de souligner les échecs, parfois cuisants, de certaines réformes qui, en cherchant à promouvoir l’excellence, ont renforcé les inégalités au lieu de les atténuer.

Un des moments forts de l’ouvrage est sans doute la discussion autour de l’école laïque, pilier de la République française. Les auteurs montrent comment cette laïcité, souvent érigée en rempart contre les influences religieuses, a évolué pour devenir un point de crispation dans les débats contemporains sur l’identité nationale et le vivre-ensemble. Ils n’hésitent pas à aborder les controverses les plus récentes, notamment celles liées au port des signes religieux à l’école, en offrant une perspective historique qui éclaire les enjeux actuels.

L’analyse se poursuit avec un chapitre consacré à l’école de la République, où l’accent est mis sur le rôle fondamental de l’école dans la construction d’un sentiment d’appartenance nationale. Les auteurs explorent comment, à travers l’histoire, l’école a été utilisée comme un outil de propagation des valeurs républicaines, mais aussi comme un moyen de contrôle social. Cette dualité est présentée de manière nuancée, avec une attention particulière portée aux périodes où l’école a dû naviguer entre ces deux fonctions parfois contradictoires.

Enfin, l’ouvrage se termine sur une réflexion autour de la question brûlante de la séparation ou de l’unification des élèves selon leurs origines sociales et culturelles. Ce dernier chapitre est particulièrement percutant, car il soulève des questions fondamentales sur l’avenir de l’école en tant qu’institution capable de garantir à la fois l’égalité des chances et la cohésion sociale.

La biographie des auteurs

Françoise Davisse

Françoise Davisse est une réalisatrice et documentariste française reconnue pour ses travaux qui abordent des sujets de société avec une approche à la fois critique et engagée. Son expertise dans l’analyse des dynamiques sociales et éducatives lui confère une perspective unique, qu’elle partage dans cet ouvrage en collaboration avec Carl Aderhold.

Carl Aderhold

Carl Aderhold est un écrivain et historien français, auteur de plusieurs ouvrages qui explorent des thématiques variées allant de l’histoire à la littérature. Son approche rigoureuse et documentée permet de donner à l’ouvrage une profondeur historique et une richesse d’analyse qui complètent parfaitement la vision de Françoise Davisse.

Présentation de l’éditeur Nathan

Nathan est une maison d’édition française fondée en 1881, spécialisée dans la publication de livres scolaires, d’ouvrages parascolaires, de jeunesse et d’essais. Reconnue pour son engagement en faveur de l’éducation, Nathan s’est imposée comme une référence dans le domaine des publications pédagogiques. Avec Grande et petites histoires de l’école, Nathan continue de jouer un rôle clé dans la réflexion sur les enjeux éducatifs contemporains, en offrant une plateforme à des voix qui interrogent, analysent et proposent des solutions pour l’avenir de l’école.

Grande et petites histoires de l’école est un ouvrage incontournable pour quiconque s’intéresse à l’histoire de l’éducation en France et aux débats actuels qui façonnent l’avenir de cette institution fondamentale. Les auteurs, par leur approche rigoureuse et leur capacité à rendre accessible une matière complexe, offrent au lecteur une véritable immersion dans les méandres de l’histoire scolaire française, tout en l’invitant à réfléchir sur les défis qui se posent aujourd’hui.

Grande et petites histoires de l’école

Carl Aderhold – Françoise Davisse-Nathan, 2022, 240 pages, 16,95 €

Laïcité et liberté de conscience : Les défis d’une pensée libre dans un monde polarisé

L’Infolettre bimensuelle (n°34 – Août 2024) des Libres Penseurs de France (ADLPF) est une publication qui se dresse en défense de la liberté de conscience et de la laïcité, deux valeurs fondamentales dans la société contemporaine, particulièrement en France, où l’histoire de la laïcité est riche et complexe. Cette infolettre s’affirme comme une vigie qui, par une veille numérique, entend mettre en lumière non seulement les avancées mais aussi les menaces qui pèsent sur ces principes dans divers domaines comme la culture, la politique, l’éducation, et le féminisme.

La citation de Victor Hugo (Océan prose) « La volonté trouve, la liberté choisit. Trouver et choisir, c’est penser »

Le choix de la citation de Victor Hugo, « La volonté trouve, la liberté choisit. Trouver et choisir, c’est penser », résonne comme un appel à l’intellectualisme engagé, à une réflexion profonde sur la liberté d’expression et la laïcité. Ces notions, pour l’ADLPF, ne sont pas que des concepts abstraits, mais des combats quotidiens dans lesquels chaque acte de pensée, chaque parole libre, devient un geste politique.

L’infolettre aborde plusieurs sujets d’actualité

L’infolettre aborde plusieurs sujets d’actualité, parmi lesquels l’affaire Mila occupe une place centrale. Mila, devenue une figure controversée après avoir répondu de manière crue à une vague de cyberharcèlement en 2020, est ici analysée sous un angle à la fois critique et complexe. L’article d’Élodie Solaris, qui reproche à Mila d’être passée de victime de harcèlement à influenceuse d’extrême droite, expose une tension entre la défense de la liberté d’expression et les risques associés à la diffusion de discours perçus comme extrémistes. L’infolettre ne se contente pas de dénoncer cette position, elle la décortique pour mettre en lumière les implications politiques et médiatiques de ce changement de perception.

Blasphème – Image générée par Intelligence Artificielle (IA)

Vous avez dit droit au blasphème ?

La question du droit au blasphème, intrinsèquement liée à la laïcité, est explorée avec une acuité qui souligne l’importance de maintenir un espace public où toutes les opinions, y compris celles qui dérangent, peuvent être exprimées sans crainte de répression. Cependant, cette défense intransigeante de la liberté de conscience et d’expression pose aussi des défis, notamment dans la mesure où elle peut être exploitée par des courants politiques dont les valeurs sont en tension avec celles de la laïcité.

Synagogue – Image générée par Intelligence Artificielle (IA)

Les attentats antisémites en France

Le traitement médiatique des attentats antisémites en France est également un point fort de cette infolettre. Il est particulièrement intéressant de noter comment la nomination des victimes et la qualification des crimes sont analysées sous le prisme de la laïcité et de l’universalisme républicain. L’analyse démontre que, malgré une reconnaissance officielle, la spécificité des victimes juives tend à être occultée dans un discours national qui privilégie l’unité et la non-distinction religieuse. Cela met en évidence un paradoxe : comment concilier la reconnaissance des identités particulières avec un idéal républicain qui aspire à transcender ces distinctions ?

Image générée par Intelligence Artificielle (IA)

Montée de l’extrême droite ? Vigilance accrue !

L’infolettre ne se contente pas de dresser un constat, elle appelle à une vigilance accrue face à la montée de l’extrême droite, qui, selon les articles sélectionnés, tente de s’approprier les valeurs de laïcité et de liberté pour légitimer des discours de haine et d’exclusion. Cette dérive est particulièrement préoccupante dans un contexte où certains intellectuels médiatiques semblent abandonner le front républicain, contribuant ainsi à une banalisation des idées réactionnaires.

En somme, cette infolettre bimensuelle des Libres Penseurs de France s’érige comme un outil essentiel pour ceux qui souhaitent comprendre et défendre la laïcité et la liberté de conscience dans un monde de plus en plus polarisé. Par ses analyses pointues et ses prises de position claires, elle nous rappelle que la pensée libre n’est pas seulement un droit, mais aussi un devoir dans la défense des valeurs démocratiques.

Lire lInfolettre bimensuelle (n°34 – Août 2024)Le site ADLPF.

Rentrer de vacances, c’est préparer la rentrée…

et se mettre en ordre pour la reprise des travaux.

Ah l’été ! Quelle douce période où le soleil brille, où les enfants jouent à la plage et où, ressourcées en vitamine D, certaines ont dévoré avec joie, le cœur palpitant, le dernier roman hautement philosophique de la collection Harlequin ! La seule ombre serait peut-être, que cela reste la période propice où les législateurs se découvrent une passion insatiable pour la rédaction de nouvelles Lois. Mais, heureusement, en ces temps de gestion courante des affaires d’Etat, nous devrions éviter les grands débats de rentrée sur la législation des pailles biodégradables !

Ah septembre ! Le mois les plus anxiogène où les jours raccourcissent plus vite que notre envie de voir ranger nos rabanes ! Mais, c’est aussi le moment, où ressourcés de notre bonne et belle humeur ou encore de faux optimisme (oui, parce qu’optimisme est volonté et pessimisme inné), nous retournons sur le lieu de notre labeur professionnel ou d’initié…

Reprendre le travail, est-ce comme plonger dans une eau glacée en espérant qu’elle soit à température ambiante ? Il ne faut pas oublier, comme l’a dit Pierre DAC que « tout corps plongé dans un flux d’emmerdements pivote de façon à exposer sa surface maximale » !
Reprendre les travaux, en franc-maçonnerie, après quasi 2 mois d’abstinence, c’est comme retrouver sa famille que l’on aurait perdue de vue, comme un 1er de l’An où l’on s’arme de bonnes résolutions. Nous serons efficaces et travaillerons sans relâche au Grand Œuvre ! Et nous resserrerons nos liens, quitte à tirer 3 canons de trop ! Mais est-ce que cela remplacera un bon vieux 15 août sur le sable ? Ou ailleurs d’ailleurs ?

Alors, pour bien attaquer cette rentrée de septembre, comme l’écolier prépare son cartable tout neuf, le salarié s’arme de courage pour reprendre métro ou routes embouteillées, il convient pour tout bon franc-maçon de se remettre à l’ordre, si tant est qu’il puisse retrouver où il a bien pu ranger ses : rituel, décor et tablier !

Liliane Mirville – Grande Maîtresse de la GLFF interviewée par la rédaction

Nous sommes honorés d’accueillir Liliane Mirville qui, le samedi 1er juin 2024 à l’issue de l’Assemblée Générale annuelle, a été élue par les Députées Grande Maîtresse de la Grande Loge Féminine de France (GLFF), pour cette interview exclusive. Forte de son expérience et de son engagement profond, elle incarne un nouveau souffle pour cette institution vénérable et se prépare à diriger avec sagesse et vision la plus grande obédience féminine au monde.

Liliane Mirville : Bonjour, en premier lieu, je voudrais saluer vos lectrices et lecteurs et vous remercier de cette interview.

450.fm : Très respectable sœur, très chère Liliane, pouvez-vous nous parler des grandes figures féminines qui vous ont inspirée tout au long de votre vie, qu’elles soient maçonniques ou non ?

LM : Quatre grandes figures féminines m’ont inspirée et ont tracé ma voie de femme et de femme Franc- Maçonne : Olympe de Gouges, Louise Michel, Simone de Beauvoir, Simone Veil. Ces personnalités ont marqué leur époque ,par leur destin hors norme. Ce sont des femmes, héroïques, des pionnières éclairées et les plus illustres figures de nombreux combats menés par les femmes pour l’égalité, l’abolition de l’esclavage, la défense pour leur émancipation…

450.fm : Pourriez-vous partager avec nous un moment marquant de votre carrière maçonnique qui a particulièrement influencé votre parcours ?

L. M. : Un moment marquant de ma carrière maçonnique a été l’initiation de femmes en tant que Vénérable Maîtresse d’une loge de la Grande Loge Féminine de France. Une responsabilité, une grande émotion, une grande joie, un devoir de transmission ininterrompue de la démarche initiatique et spirituelle. Initier des femmes, c’est les mettre à un début de chemin. C’est leur faire prendre conscience de leurs potentialités, de prendre la mesure de leur liberté, de leur faire comprendre la place vitale qu’elles occupent dans l’univers par leur engagement fécond dans la construction de la Cité pour une humanité meilleure.

450.fm : Quels sont, selon vous, les défis actuels les plus importants pour la franc-maçonnerie féminine en France ?

L. M. : Pour moi, il n’y a qu’un seul défi , celui qui consiste à dépasser le clivage des valeurs masculines et des valeurs féminines pour arriver à reconnaître leur valeur universelle de paix. En somme c’est réunir ce qui épars aujourd’hui.

450.fm : Comment envisagez-vous de faire rayonner les valeurs de la Grande Loge Féminine de France ?

L. M. : Faire rayonner nos valeurs : c’est porter haut et fort notre idéal maçonnique  et les valeurs qui nous rassemblent, c’est aussi et surtout, porter haut et fort un message d’Espérance.

Tout d’abord, la GLFF, ordre initiatique, a pour but le perfectionnement de l’humanité ; à cet effet, les franc maçonnes travaillent à l’amélioration constante de la condition humaine…Elles ont pour devoir d’étendre à tous les membres de l’humanité les liens fraternels qui les unissent. Elle a pour objet la recherche constante et sans limite de la Vérité, de la Justice, dans le respect d’autrui et la liberté absolue de conscience … (art 1 de la Constitution).

Être initiée à la GLFF, c’est se construire, travailler à l’intérieur des loges pour porter à l’extérieur l’idéal et nos valeurs. Mais c’est aussi agir, prendre position, c’est se sentir responsable du monde réel dans lequel nous vivons.

Entrer dans une Obédience féminine ,c’est se battre pour celles qui n’ont pas  la liberté de se battre. C’est se battre pour celles  qui n’osent pas ou ne peuvent pas parler.

Toute l’action de nos pionnières a été de participer activement à l’émancipation des femmes :

-à la reconnaissance des droits sociaux des femmes,

-au développement de la contraception, à la légalisation et l’inscription de l’IVG dans la Constitution.

Nous devons poursuive ces actions, avec ardeur, permettant l’émancipation des femmes qui se rassemblent autour des valeurs de la République, dont la GLFF fait siennes, LIBERTE -EGALITE- FRATERNITE 

450.fm : Quelles initiatives spécifiques prévoyez-vous pour renforcer la présence de la GLFF dans le paysage maçonnique français ?

L. M. : La GLFF occupe une place prépondérante au sein de la Franc Maçonnerie mondiale.

Elle est la première Obédience maçonnique féminine dans le monde, compte aujourd’hui 13000 membres voire 25000 membres avec les Grandes Loges Féminine dans le monde,  issus d’horizons et de milieux différents .C’est une Association  avec  452 loges réparties en France métropolitaine, en Outre-mer, dans de nombreux pays d’Afrique, d’Amérique du Nord, et d’Europe sur 4 continents et 20 pays.

Les initiatives spécifiques pour renforcer notre présence dans le paysage maçonnique passe par d’une part, par l’organisation de nombreux colloques, conférences, salons maçonniques, journées régionales, visio conférences et d’autre part par les nombreuses visites des Conseillères Déléguées auprès des loges dont elles ont la charge ce qui favorise les échanges et les liens et renforce la solidité féminine.

450.fm : Comment prévoyez-vous de vivifier la vie initiatique et spirituelle au sein de la GLFF ?

L. M. : La Grande Loge féminine de France travaille dans différents domaines :  symbolique, philosophique et sociétal selon plusieurs rites : REAA rite de l’Obédience, RF avec ses 4 variantes, Rite Écossais Rectifié, Rite d’Adoption, Rite Ancien et Primitif Memphis Misraïm. Ces différents rites offrent de nouvelles voies de recherches, qui répondent aux différentes sensibilités pour les Sœurs de la GLFF ainsi que pour les profanes.

L’initiatique est bien le socle de notre démarche qui nous rassemble et fonde notre unité. Ce travail initiatique collectif est incontournable, il est effectué en Loges, selon le rituel que, chacune a choisi.

Notre dimension initiatique nous offre les forces et les méthodes qui nous permettent à nous, femmes initiées « d’être et de devenir ».

450.fm : Quelle est votre vision pour l’avenir de la laïcité et des droits des femmes dans le contexte actuel ?

L. M. : Bien que le principe de laïcité soit inscrit dans la Constitution de la République Française dans son article 1, celui-ci est bien malmené depuis quelques années.

Nous assistons à une résurgence du religieux dans la société. La tentation du communautarisme, proposant une organisation sociale sur la base de communautés fondées, la plupart du temps, sur des lois religieuses, et vivant les unes à côté des autres, à l’exemple des pays anglo-saxons, doit être considérée comme contraire à ce qui caractérise l’organisation de la société française depuis la loi du 9 décembre 1905. Ce qui se passe en ce moment, avec des demandes croissantes d’accommodements qui peuvent sembler  raisonnables,  droits à la différence en matière religieuse sont plus s inquiétants pour l’avenir, pour la liberté, l’égalité et la fraternité.

Est-il nécessaire d’ajouter que laïcité et droit des femmes sont intimement liés ? Les femmes sont toujours les premières victimes des intégrismes religieux.

Nos combats et nos engagements doivent continuer avec plus d’ardeur encore ,pour dénoncer les structures de domination masculine, les stéréotypes, les difficultés des femmes : violence, difficulté économique, plafond de verre, prostitution, terrorismes religieux et politiques…

450.fm : Comment comptez-vous intégrer les nouvelles technologies dans les pratiques et les communications de la GLFF ?

L. M. : Je dirais que pour le moment , nous n’utilisons que les médias « classiques ». En dehors du digital, nous communiquons grâce à nos communiqués, envoyés à la presse, et grâce à nos publications.

450.fm : Quels sont les principaux projets qui vous tiennent à cœur pour les trois prochaines années de votre mandat ?

L. M. En complément du projet « Vivifions la vie initiatique et spirituelle », je vous en citerai trois autres :

Contribuer à notre rayonnement

Ma volonté, c’est de communiquer davantage, par tout type de support, pour faire connaître pleinement dans le monde la spécificité féminine et ses valeurs distinctives de la Grande Loge féminine de France et ainsi susciter le « désir » chez d’autres femmes de nous rejoindre.

Au sein de l’Obédience, c’est organiser davantage de Tenues Blanches Fermées, de Tenues Communes entre loges avec une pluralité de conférencières qui, j’en suis persuadée, auront à cœur de faire partager leurs travaux.

Les thèmes de réflexion émanent de multiples directions :

-des commissions (Laïcité, Droits des Femmes, Ethique et Bioéthique, Vœux, Histoire et Recherche maçonnique, etc.), des congrès régionaux,  des loges de l’obédience avec les travaux .

C’est mettre au point des colloques ou autres manifestations pour partager auprès d’un large public, nos publications, écrites par des femmes Franc Maçonnes, » Voix d’Initiées et Les Cahiers de Bathilde Vérité » et systématiquement proposées lors de chaque évènement.

Être visible en Europe, à l’International et Outre- Mer, nos actions déjà entreprises avec l’Institut maçonnique européen que nous avons créé en 2008, pour porter la voix de la Grande Loge Féminine de France auprès des institutions sont à pérenniser.

Rayonner passe par un développement de la GLFF. Incorporer de nouvelles loges en France, en Europe, en Outre-mer et à l’International dans l’Obédience, puis fonder de nouvelles obédiences féminines indépendantes et souveraines font partie des priorités de l’évolution de la GLFF.

De nombreuses Obédiences émanant de la GLFF ont déjà été créées. En 2025, nous espérons, voir la naissance d’une, voire deux nouvelles Obédiences féminines….

Favoriser un recrutement dynamique

Le paysage maçonnique a changé, de nombreuses Obédiences se sont ouvertes aux femmes et la pandémie COVID est passée par là, comme les autres Obédiences, nous avons vu nos effectifs diminuer, aussi nous devons favoriser un recrutement dynamique, alors comment peut-on faire ?

J’ai demandé en Convent que chaque Sœur de la GLFF devienne une « Ambassadrice » active favorisant la cooptation comme mode de recrutement de nos loges mais aussi « des Ambassadrices » d’une Franc-Maçonnerie féminine actuelle lors de tous nos événements. Ce comportement est vital pour le devenir de notre Obédience. A cet effet, lors de notre prochaine Assemblée, un débat de fond portera sur la thématique «   la Jeunesse-notre Avenir » ?

Placer la solidarité au sein de notre engagement

La solidarité est une des valeurs à laquelle je suis profondément attachée. C’est une valeur essentielle qu’il nous faut transmettre d’autant plus que nous vivons une période de crise économique importante au quotidien qui génère beaucoup d’inquiétudes et d’anxiétés.

Nous avons Un Fonds de dotation qui s’appelle « Femmes Ensemble ».

Nous participons aux actions inter obédiencielles, en ce qui concerne l’emploi, l’aide aux anciens, la colonie de vacances…

450.fm : Pouvez-vous nous en dire plus sur le fonds de dotation « Femmes Ensemble » et comment il soutient les droits des femmes et la solidarité ?

L. M. : Le Fonds de dotation « Femmes Ensemble »   qui, grâce aux dons de nos membres, vient en aide à des personnes en souffrance auprès d’Associations humanitaires dans la Cité.

Il soutient les droits des femmes et la solidarité par des actions de solidarité conduisant à redistribuer tout ou partie de ses ressources, par la promotion ou à la défense des droits des femmes, par des manifestations pour faire connaître les valeurs du fondateur, par le développement et si nécessaire l’acquisition d’un patrimoine historique.

Ainsi, nous avons poursuivi les actions en faveur : des femmes et enfants victimes de violences domestiques, des femmes afghanes réfugiées et de leurs enfants, des Banques Alimentaires, des victimes du tremblement de terre de Turquie et de Syrie et au bénéfice des femmes vivant en territoire de grande ruralité pour qu’elles puissent bénéficier de procédures d’accueil et d’écoute. L’année 2024 a débuté par la mise en route d’une action dite « Camping Care » dont nous espérons qu’elle permettra d’aider au financement d’un second véhicule transformé en salon solidaire et itinérant de soins de bien-être, destiné aux femmes en situation de grande exclusion.

450.fm : La Grande Loge Féminine de France participe régulièrement à des salons maçonniques. Pouvez-vous nous parler de l’importance de ces événements pour votre obédience ?

L. M. : La richesse de nos auteurs et de nos publications fait que nous sommes présentes dans nombre de salons du livre maçonnique pour nous faire mieux connaître. C’est une action que nous comptons amplifier dans les années à venir. A ce titre, je suis heureuse de vous informer que nous allons participer avec les autres Obédiences, aux  salons du livre de Nantes et Toulouse.  Nous espérons vous y rencontrer.

450.fm : La collection « Voix d’initiées » est une belle initiative de la GLFF. Quels sont les objectifs de cette collection et comment contribuez-vous à sa promotion ?

L. M. : La collection  « Voix d’initiées » écrite par des femmes Franc-maçonnes est une vitrine de notre obédience dont nous pouvons être fières. Elle illustre bien la spécificité de notre mode de pensée et comment la démarche initiatique voire spirituelle ouvre sur les préoccupations du monde. Les nombreuses contributions reçues pour le dernier ouvrage paru, Vivre Rire et Aimer, a suscité un engouement qui confirme que c’est une philosophie indispensable, particulièrement à cette époque difficile.

La collection « Voix d’initiées » s’est bien développée depuis sa naissance il y a 14 ans et connaît de plus en plus de succès. Pour contribuer à sa promotion et accroître notre désir de visibilité, plusieurs voies de communication sont en place :

Je peux déjà annoncer que sortira pour la TGL 2025 un nouvel ouvrage sur le thème « Du silence et de la responsabilité des mots ».

Vers le grand public, la GLFF organise une table de vente de la collection de « Voix d’initiées » à chacun de nos événements publics. (Colloques, conférences publiques, journées du Patrimoine, Temple Ouvert etc…)

Sur le site grand public de la GLFF, dans la rubrique nos publications, nous présentons également les différents opus de la collection avec un lien vers le site de notre éditeur, ce qui permet à toute personne qui le souhaite de les acquérir.

450.fm : Pouvez-vous nous expliquer le rôle de la Commission Nationale des Droits des Femmes au sein de la GLFF et les actions qu’elle mène ?

L. M. : La Commission Conventuelle des Droits des Femmes conduit une réflexion sur l’état actuel des droits des femmes et sur les actions à mener pour que les femmes d’ici et d’ailleurs accèdent à leur autonomie et à la plénitude de leurs droits.

La commission s’attache à s’interroger les structures politiques , sociales et religieuses ainsi que les courants culturels qui pérennisent l’inégalité entre les femmes et les hommes. Elle s’attache à imaginer des moyens pour y remédier

 Les actions menées par la commission sont nombreuses :

Au titre des « Familles de pensée », nous sommes consultés lors de l’élaboration de chaque projet de loi touchant à l’intégrité de la personne humaine et nous défendons les valeurs de la dignité , du respect de l’individu : de la naissance de la personne jusqu’à sa mort par ex sur le port du voile, dernièrement sur « l’accompagnement des malades et la fin de vie ».

Dans le cadre de l’évolution de la politique de la France en Europe, nous avons pris part à la rédaction du « Manifeste pour une Europe de progrès et de paix » pour notre Obédience  ,dans le cadre de l’IME et d’un questionnaire pour la   plateforme en vue des élections européennes.

Nous nous sommes interrogés et nous sommes réjouies de la constitutionalisation de L’IVG. Nous avons   fait ouvrir des réflexions autour de la maternité de substitution nommée GPA et en a fait un ouvrage posant le pour et le contre. Nous travaillons de façon assidue sur la problématique de la « transidentité »

Nous nous intéressons à la condition des femmes en Iran, en Afghanistan, dans les guerres en Ukraine, entre le Hamas et Israël mais aussi sur le viol, la pornographie, la prostitution et toutes les violences que les femmes en particulier subissent

Cette vigilance nous emmène à réfléchir de façon approfondie sur le concept de « Sororité »

 450.fm La loge Nationale de recherche « Bathilde Vérité » de la GLFF publient les « Cahiers ». Pouvez-vous nous en dire plus sur ces publications et leur impact ?

L. M. : La vocation de la Loge Nationale de Recherche réside dans des travaux qu’elle met à disposition de l’ensemble des Franc-maçonnes de l’obédience comme des autres composantes de la Franc-maçonnerie. C’est un véritable outil de réflexion utile, tant au niveau du travail symbolique, philosophique, éthique, sociologique, qu’ésotérique. Le premier thème choisi est celui de l’hermétisme.

Les cahiers « Bathilde Vérité », dont 3 ont déjà été publiés, portent sur les textes Hermétiques de l’Antiquité à la Renaissance, qui ont influencé nos rituels.  

En dehors des Cahiers, la loge Nationale de recherche transmet ses travaux :                                                                                              

Lors de ses quatre tenues annuelles au 3ème degré, tenue ouverte à tous, Sœurs et Frères.

Proposant des conférence, elle met à disposition des Loges de La GLFF, qui le souhaitent, une vingtaine de sujets. Durant cette année maçonnique, 22 tenues sur les 36 prévues en 2024 ont été présentés en Métropole. Ces moments de partage mettent en évidence cet appétit qu’ont les Sœurs de l’Obédience de connaître certains aspects de notre Tradition et suscitent chez certaines l’envie d’aller plus loin.

Un nouveau Cahier paraît à chaque convent. Une visioconférence présente ce nouveau cahier pour partager ce bonheur de la découverte avec nos sœurs de la Grande Loge féminine de France.

Les cahiers de la Loge Nationale de Recherche Bathilde prennent tout naturellement place dans la ligne éditoriale de la GLFF. Ils apportent des éclairages, impulsent des réflexions au sein de notre Obédience mais aussi à l’extérieur, participant ainsi au rayonnement de la Grande Loge féminine de France.

450.fm : La Commission Nationale de la Laïcité joue un rôle crucial. Quelles sont ses principales missions et réalisations ?

L. M. : Parmi les principales missions des commissions, nous travaillons afin que le principe de laïcité demeure compris, clair et que sa définition ne soit entachée d’aucune ambiguïté. Nous participons en tant que commission de la laïcité aux travaux de l’obédience autour de la fin de vie par exemple, ou de ce que nous voulons pour l’Europe avec le manifeste de l’IME.

Parmi les réalisations de la commission on peut compter notre colloque annuel, à la date anniversaire du 9 décembre, ouvert au public (Sport et République : agir dans la cité pour l’universalisme et contre les communautarismes) ou à public plus restreint (Art, Culture et Laïcité : un même combat vers la Liberté).

De plus, la commission publie annuellement les actes de ces colloques ; elle publie d’autre part les Cahiers de la Laïcité, documents d’analyse permettant d’engager des réflexions plus approfondies pour les Sœurs de l’obédience.  Enfin elle diffuse les travaux des commissions régionales ; pour exemple, « Laïcité et fin de vie » par nos Sœurs du Nord, « Aux arts, citoyennes, citoyens » par nos Sœurs du Centre.

450.fm : La Commission Nationale Éthique et Bioéthique traite de sujets importants et sensibles. Quels sont les thèmes actuels sur lesquels elle travaille ?

L. M. : Pour répondre à ce monde pluriel et aux changements de paradigmes que nous traversons, nos actions s’inscrivent dans un travail sur soi de formation, d’éveil de l’esprit critique concernant les problématiques actuelles.

Questionnements sur le sens que nous voulons donner à nos existences. Nous interrogeons les différentes sensibilités sur les philosophies de la vie, de la fin de vie, l’importance du droit dans la mise en œuvre du respect des libertés de chacune et chacun.

Ni dogme, ni religion, notre Commission espère jouer un rôle de « passeuse » Informer, Transmettre, pour construire un monde équitable et durable respectueux des différences, de l’altérité.

Nos thèmes de réflexion et d’action au quotidien :

Nos échanges pour comprendre les impacts, du numérique, des I.A, génératives ou non, des nouvelles technologies sur le fonctionnement de la société, les relations interindividuelles, la santé humaine et planétaire ont pour finalité de participer à la construction d’un monde équitable, durable, respectueux des différences.

Sœurs de la GLFF, nous sommes très sensibles à la modification des imaginaires indispensables pour restaurer une société des communs, prendre soin des vulnérabilités et prévenir la marchandisation du corps des femmes et de l’humain.

Nos réflexions portent sur la conduite des recherches, les connaissances, la vision d’une pensée cosmopolitique.

C’est dans ce sens que nous organisons un colloque tous les ans sur une question d’actualité.

En 2024 à Marseille : « La Préservation du Vivant ; Une responsabilité individuelle et collective ». Valérie Masson Delmotte (Co Présidente du GIEC) …

450.fm : L’Institut Maçonnique Européen (IME) représente la GLFF auprès des instances européennes. Quels sont les projets récents ou à venir de l’IME ?

L. M. : L’Institut Maçonnique Européen (IME) est l’organisme de représentation de la Grande Loge féminine de France auprès des institutions européennes.

Concernant les projets récents ou à venir de l’IME, nous avons travaillé au sein de la Commission européenne avec les organisations philosophiques sur le thème « Le mode de vie européen en période d’instabilité » et réalisé une synthèse de travaux de loges 2022-2023 sur « 6

A l’occasion de ses 15 ans et dans la perspective des élections européennes, nous avons publié un Manifeste IME « Pour une Europe de progrès et de paix ». Nous organiserons le 12 octobre 2024 à Lyon un colloque sur le thème « Les femmes au cœur de l’Europe » à la fois pour les Sœurs de la GLFF, pour les obédiences amies et les profanes. Enfin, un travail historique de l’IME depuis sa création en 2008 est en cours.

Pour 2024-2026 Le travail de l’IME, à l’étude des loges, portera sur « De la démocratie en Europe -Regards de femmes ».

450.fm : La démarche initiatique et spirituelle ainsi que la défense des droits des femmes et de la laïcité sont au cœur de votre mission. Comment articulez-vous ces deux aspects dans vos actions quotidiennes ?

L. M. : Ce sont des aspects absolument indissociables, les droits des femmes sont au cœur de la démarche initiatique qui ouvre à une meilleure compréhension de soi, un chemin de liberté dégagé du poids des conditionnements culturels ou des stéréotypes.

Quant à la laïcité c’est un principe qui permet le respect des croyances de chacune, mais elle est aussi héritière de cet idéal d’une « religion universelle » où chaque être humain puisse se retrouver quelle que soit son opinion, ce « centre de l’union » cher aux fondateurs de la Franc-maçonnerie. En ce sens cette universalité souvent mal comprise n’exclut pas la quête spirituelle de chacune, ils ne peuvent que donner à chacune l’envie de s’engager pour une société ouverte en particulier pour les femmes, car en tant qu’obédience féminine nous sommes particulièrement sensibles au sort qui leur est fait, comme cela a déjà été dit….

Sceau GLFF
Sceau GLFF
Liliane Mirville, Grande Maîtresse de la GLFF

Les « devoirs » maçonniques

On ne rappellera jamais assez, pour reprendre le titre du livre classique de Jean Baylot, que la « voie substituée » est, régulièrement, une tentation de certaines obédiences de l’Ordre maçonnique. Dès-lors elles trahissent leur mission et donc perdent ce que l’on peut nommer, dans le sens fort de ces termes, leurs « titres maçonniques ». D’où la nécessité pour les esprits libres de faire preuve de discernement. Ce qui dans la tradition philosophique se nomme la « discretio » permettant de saisir la vérité de l’Ordre maçonnique en question.

À savoir ce qui est ORIGINEL et donc AUTHENTIQUE.

            Il faut donc reconnaître que dans la foulée des Lumières puis des systèmes sociaux socialisants ou marxisants élaborés tout au long du 19e siècle, une certaine conception d’un humanisme restreint dénia le rôle du symbolique, de l’invisible, du sacré. Se détourner du ciel afin d’avoir pour seul objectif de conquérir la terre. La sentence cartésienne : « l’homme comme maître et possesseur de la nature » peut résumer une telle prétention. Descartes, lui-même nuança, compléta, rendit plus subtil, son propos. Mais l’idéologie cartésienne appliqua à la lettre un tel propos, ce qui conduisit de la « possession » à la dévastation du monde. Ce dont les saccages écologiques contemporains sont la tragique expression.

            D’une manière incidente, et sans le développer outre mesure puisque je m’en suis expliqué en divers ouvrages je considère que certaines institutions se réclamant de la Franc-maçonnerie sont sont égarées de la voie traditionnelle étant la sienne, en faisant fond sur cet humanisme dégradé et quelque peu paranoïaque. À l’image de la démarche ésotérique, telle celle des pythagoriciens, des mystères d’Eleusis ou des Templiers, la dimension symbolique est le cœur battant de l’initiation maçonnique. Et en oubliant cela, en prenant une « voie substituée », la communauté spirituelle se mue en parti « politique ». C’est le cas en France de l’institution nommée le Grand Orient ayant totalement perdu l’impulsion originelle et originale de la démarche maçonnique. C’est ainsi qu’avec mon regretté ami et collègue Bruno Étienne nous nous sommes employés à montrer qu’en devenant une institution se contentant de rassembler des « clubs », cette obédience mimait, d’une manière simiesque, l’ordre maçonnique traditionnel.

            Bruno Étienne, professeur à l’Institut d’études politiques d’Aix en Provence, fin connaisseur de la chose politique, a, le premier, utilisé le terme de « club » pour rendre attentif à la dégradation de cette obédience se contentant de prendre la place des partis politiques ou des syndicats dont on connaît en France la décrépitude. À propos de ce qu’il nommait « le clubisme du G.O », il notait avec quelques nostalgies : « mon principal regret concerne ma paroisse : le GODF est en train de manquer le tournant du siècle/millénaire qui aurait pu faire de la FM une piste comme elle le fut en d’autres temps » (Une grenade entrouverte, éd. de l’Aube, p 368). C’est pourquoi ces « clubistes » momifient la réalité symbolique, la réduisent à l’économie, à la politique, au sociétal et ce au détriment de l’initiation spirituelle devant être toujours en devenir. Sans aller plus avant, je renvoie les lecteurs intéressés à quelques livres faisant la critique de cette lente, mais sûre dégénérescence d’une institution qui au nom d’une civilisation finissante, s’emploie à lutter, d’une manière inquisitoriale, contre une culture de fond, éternelle, et renaissante chez les jeunes générations. Ce que l’imaginaire ne manque pas de souligner[1]. Et ce en montrant l’importance de la culture classique. La prégnance de la culture antique. D’où l’invariance des archétypes et de leur enracinement religieux. Je rappelle à ce propos les analyses de Gilbert Durand et de Jean Servier, tous deux ayant eu une longue expérience maçonnique. Ils rappelaient que contre les obédiences purement préoccupées par la chose politique, « filles bâtardes » du symbolisme maçonnique, il convenait de rappeler, ce que ce grand maçon qu’était Joseph de Maistre nommait la structure « métapolitique » d’un chemin initiatique authentique. Et ce en référence aux Constitutions d’Anderson[2].

            Umberto Eco, dans la somme tout à la fois romanesque et on ne peut plus documentée qu’est Le Pendule de Foucault, fait de subtiles analyses sur les Templiers, les Rose-Croix et divers ésotérismes. Bien évidemment les Francs-Maçons n’échappent pas à sa docte et quelque peu ironique faconde. C’est ainsi qu’il note que « ces marchands du Grand Orient, qui ne croient en rien, ont un cérémonial. »[3] Comme je viens de l’indiquer, ils « miment », ce sont des tricheurs. Ils détournent ainsi le « grand jeu symbolique » qu’est tout chemin initiatique. Nous eûmes une discussion à ce propos dans sa maison d’Émilie-Romagne. Et comme il savait que j’avais, dans la foulée de Gilbert Durand, quelques connaissances concernant la maçonnerie, la discussion fut des plus animée.

            Pour Umberto Eco, les rites maçonniques étaient avant tout burlesques. En se rappelant que « burla », en italien, c’est la farce, la plaisanterie. C’était bien vu si l’on se souvient que le propre du burlesque consiste à détourner des choses nobles et sérieuses. Ce qui est bien la « voie substituée » d’un Grand Orient devenu, à l’encontre de la Tradition maçonnique, un micro parti politique ou un syndicat sans horizons !

            Ainsi, au-delà d’un humanisme purement rationaliste ou sociétal, l’Ordre maçonnique pour reprendre une expression de Jacques Maritain, est un « Humanisme intégral » mettant l’accent sur la primauté du spirituel.

Ce qui revient à savoir garder le sens de la Tradition. Le sens des choses et le dépôt sacré qui le constitue. C’est bien ce « dépôt » que les maçons authentiques savent garder : ce qui est en jeu dans l’âme éternelle de l’humaine nature. Ce qui est non réductible à l’économie, au politique, au social. Ce qui les conduit à prendre au sérieux cet essentiel substrat humain qu’est le « sacral ». Et à être ainsi les tenants d’une authentique spiritualité humaine. Cette manière d’être et de penser est la cause ou l’effet d’une vie vécue en son entièreté. Ce qui est, au sens fort du terme, une véritable restauration. Restauration d’une conception organique du monde. Au-delà de la mécanicité propre à la modernité en voie d’achèvement, l’accent mis sur l’entièreté rejoue la solidarité organique, l’échange, la participation, en un mot la fraternité. C’est en étant attentif à cela que la Franc-Maçonnerie pourra être en phase avec l’époque post-moderne en gestation.

            Comme l’a assuré, avec constance, ce grand franc-maçon qu’était Gilbert Durand, c’est la correspondance existant entre le symbolique et le sacré qui, au-delà des époques de décadence, assure la perdurance de l’espèce humaine.

Ce dont le chemin initiatique est la plus authentique expression. Ce qui est exactement la conception du « bien commun » ne se réduisant pas à un « sociétal » d’obédience politiste ou syndicale. La légitimité des diverses obédiences de l’Ordre maçonnique vient de leur conformité à la loi naturelle qui au-delà des droits rappelle l’importance de ce Simone Weil nommait les « obligations ». Au-delà du « droit-de-l’hommisme » propre au « wokisme », héritier direct de la philosophie des Lumières, ce sont les « devoirs », naturels et anthropologiques, dont les « landmarks » sont la plus pure expression, qui constituent le « trésor caché » d’une franc-maçonnerie authentique.


[1] Cf. B. Etienne, La Spiritualité maçonnique, Dervy 2006, et Une Grenade entrouverte, ed. de l’Aube, 1999. Cf. également Jean Baylot, La Voie substituée, recherche sur la déviation de la Franc-Maçonnerie, (1968), réed. Dervy, 2024. Pour ma part je développe cela dans M. Maffesoli, Le Grand Orient, les Lumières sont éteintes, éd. Trédaniel, 2023 et Le trésor caché. Lettre ouverte aux francs-maçons. Ed Leo Scheer 2015.

[2] Gilbert Durand, Les Mythes fondateurs de la Franc-maçonnerie (1999), ed. Dervy, 2024 ; Jean Servier, L’Homme et l’invisible, éd. Laffont, 1964.

[3] Umberto Eco, Le Pendule de Foucault, éd. Grasset, 1990, p. 288

21-22/09/24 : Patrimoine et mystères au Château Saint-Antoine (Marseille) avec la Grande Loge de France

L’invitation que la Grande Loge de France (GLDF) s’adresse à ses membres mais aussi et surtout au grand public dans le cadre des Journées européennes du patrimoine 2024. Une proposition riche en activités et en découvertes culturelles !

La GLDF vous invite donc découvrir le Château Saint-Antoine, majestueuse bastide nichée dans le 11e arrondissement de Marseille, incarne un pan de l’histoire locale. En 1907, le commandant comte de Robien en fit l’acquisition, l’agrandissant avec soin et lui conférant le nom sous lequel il est aujourd’hui connu.

Marcel Pagnol en 1948 – Wikimedia Commons

Ce lieu, empreint de mémoire, demeure également gravé dans l’imaginaire collectif grâce à Le Château de ma mère de Marcel Pagnol, où il résonne comme un écho littéraire et cinématographique. En 2017, la Grande Loge de France en devient l’heureuse propriétaire et entreprend une réhabilitation minutieuse, transformant ainsi cette demeure historique en un temple maçonnique, où les traditions et les rites trouvent un écrin digne de leur mystère.

Présentation des activités

L’événement est prévu pour les 21 et 22 septembre 2024, avec un programme bien structuré qui met en avant à la fois la culture et l’histoire maçonniques. Les visiteurs sont invités à découvrir le Château Saint-Antoine, un lieu emblématique non seulement pour son architecture mais aussi pour son lien avec le célèbre écrivain Marcel Pagnol, dont les souvenirs d’enfance évoquent ce « château du Comte ».

Les visites guidées proposées tout au long des deux journées permettront aux participants de s’immerger dans l’univers maçonnique, en explorant les lieux et en découvrant l’exposition temporaire intitulée « Épées, glaives et poignards maçonniques ». Cette exposition promet de plonger les visiteurs dans l’univers symbolique de la franc-maçonnerie, où les armes ne sont pas simplement des objets de guerre, mais des symboles de pouvoir, de défense et d’honneur.

Si la thématique (Épées, glaives et poignards) vous passionne, nous vous invitons à prendre connaissance du livre éponyme de note frère Michel Renonciat (OE) publié en 2021 chez Numérilivre.

FFVE, logo

Un autre temps fort de la journée du samedi sera l’exposition en extérieur de voitures anciennes, organisée par un club membre de la Fédération française des véhicules d’époque, une association reconnue d’utilité publique se vouant avec passion à l’encouragement, la coordination et le développement sur le territoire national de la préservation, de l’usage et de la collection de tous les véhicules anciens et à faire revivre et perdurer le patrimoine roulant.

Cette activité, bien qu’indirectement liée à la franc-maçonnerie, reflète l’intérêt de la Grande Loge de France pour la conservation du patrimoine, qu’il soit matériel ou immatériel.

Bernard Bentz, ancien Conseiller Fédéral de la Grande Loge de France

La conférence publique gratuite

Le samedi après-midi, à 17 heures, une conférence publique gratuite, animée par Bernard Bentz, ancien Conseiller Fédéral de la GLDF, viendra clore la journée. Le thème abordé, « La Franc-maçonnerie, un itinéraire de vie », semble vouloir offrir aux non-initiés une porte d’entrée dans l’univers maçonnique, en présentant la franc-maçonnerie non seulement comme une institution, mais aussi comme une voie de réflexion personnelle et philosophique.

Organisation et logistique

L’invitation met en avant l’importance de l’inscription préalable, soulignant ainsi la nécessité d’une bonne organisation, probablement en raison de la popularité de l’événement et du nombre limité de places disponibles. Cette inscription, gratuite, se fait par demi-journée, ce qui laisse entendre que l’affluence sera importante et que l’événement a été soigneusement pensé pour gérer efficacement le flux des visiteurs.

De plus, l’invitation indique que les participants pourront se restaurer et se rafraîchir sur place, suggérant que l’expérience est conçue pour être non seulement enrichissante intellectuellement, mais aussi conviviale. La librairie Comptoir du livre sera ouverte durant les journées, renforçant cette idée de partage de la culture maçonnique, offrant aux visiteurs l’occasion de prolonger leur découverte par la lecture et la documentation.

Les Journées européennes du patrimoine (JEP) 2024

Cette invitation s’inscrit dans le cadre des Journées européennes du Patrimoine, un événement annuel qui permet au public d’accéder à des lieux habituellement fermés ou peu accessibles, et de découvrir des aspects méconnus du patrimoine culturel. La participation de la Grande Loge de France à cet événement montre sa volonté de s’inscrire dans une dynamique d’ouverture et de partage, tout en démystifiant les pratiques maçonniques souvent entourées de mystère.

Rappelons que ces journées s’articulent, en 2024, autour des thèmes « Patrimoine des itinéraires, des réseaux et des connexions » et « Patrimoine maritime ».

Le premier thème mettra en lumière les multiples façons dont les itinéraires historiques, les réseaux d’échanges, et les connexions culturelles ont façonné notre patrimoine. Il s’agit d’explorer les routes commerciales, les chemins de pèlerinage, et les circuits d’échanges culturels qui ont permis aux peuples et aux cultures de se rencontrer, d’échanger et de s’enrichir mutuellement. Ces itinéraires et réseaux ont joué un rôle essentiel dans le développement des sociétés, en tissant des liens qui ont perduré à travers les siècles.

Le second thème, « Patrimoine maritime », mettra en exergue l’importance des routes maritimes historiques et des connexions littorales. Le patrimoine maritime, avec ses phares, ses ports, ses navires et les récits de la vie en mer, sera mis à l’honneur pour illustrer comment ces éléments ont non seulement façonné les communautés côtières, mais aussi joué un rôle crucial dans l’histoire mondiale des échanges et des découvertes. Ce focus sur le patrimoine maritime rappelle la centralité des océans et des mers dans les échanges culturels et économiques qui ont façonné notre monde.

Ces deux thèmes complémentaires offriront une perspective riche sur la manière dont le patrimoine, qu’il soit terrestre ou maritime, nous raconte l’histoire des connexions et des échanges qui ont construit les fondations de notre héritage commun.

Le choix du Château Saint-Antoine de la GLDF, un lieu historique, ajoute une dimension symbolique à l’événement. Situé à Marseille, ce château incarne à la fois l’héritage culturel de la région et les valeurs de la franc-maçonnerie, ancrées dans la tradition et l’histoire tout en restant ouvertes à l’évolution.

Cette invitation de la Grande Loge de France se présente comme une opportunité unique de découvrir un patrimoine à la fois matériel et immatériel. À travers des visites, une exposition, une conférence et des moments de convivialité, cet événement est conçu pour enrichir la connaissance du public sur la franc-maçonnerie, tout en célébrant l’histoire et la culture.

Faut-il déconstruire le GADLU ?

Frappé d’obsolescence, faut-il le supprimer, le jeter au rebut ? Faut-il au contraire le re-booster comme un vieil ordinateur fatigué, le reconditionner ? Ou au contraire, totem intouchable forgé en platine-iridium, faut-il le mettre sous trois cloches de verre, pour le conserver au Pavillon de Breteuil comme mètre-étalon ? La réponse est : OUI. 

Au commencement n’était pas du tout le GADLU. Au commencement n’était même pas Dieu, si l’on en croit Frédéric Lenoir dans Petit Traité d’Histoire des Religions. Les premiers rites funéraires remonteraient à 100 000 ans. Il n’est pas encore question de religion, mais c’est à partir d’eux que se serait développée l’idée de l’immortalité de l’âme, et le culte des ancêtres, à la fois craints et vénérés. Puis ces esprits ont commencé à se détacher progressivement des lignées familiales pour s’attacher aux lieux et aux mystères. À commencer par le mystère de la vie, le mystère de la fécondité. Au commencement, Dieu était une femme, les premiers dieux étaient des déesses. C’est le patriarcat qui va instaurer la prédominance de dieux masculins. Puis, au fur et à mesure que les groupes humains se sont socialisés, sédentarisés, multipliés, il y a eu besoin de récits de plus en plus englobants, de figures tutélaires de plus en plus totémiques pour les réunir. Dans l’Antiquité, les dieux sont attachés à une terre et à un peuple. Il n’y a pas de guerres de religion. Quand un peuple remporte une victoire sur un autre peuple, c’est que ses dieux étaient les plus forts, il suffit de remplacer les vaincus par les vainqueurs et l’histoire continue. D’ailleurs le culte religieux est strictement intéressé. Quand on obtient ce qu’on veut d’une divinité, on continue de l’honorer, de lui présenter des offrandes et d’entretenir son culte. Dans le cas contraire, on va en voir une autre. 

Le judaïsme instaure le premier dieu unique pour un peuple nomade. Les Hébreux étant itinérants, ils ne pouvaient pas adorer des dieux attachés à des lieux et logeant dans des temples en pierre. Il fallait un temple nomade qu’on emporte avec soi : l’Arche d’Alliance. Comme un contrat passé entre ce dieu et le peuple qu’il a élu. Ça n’allait pas tout seul. Frédéric Lenoir montre comment le judaïsme reste emprunt de polythéisme à ses débuts, et même tardivement. Il en ira un peu de même avec le christianisme. A la différence du judaïsme, il est prosélyte, il cherche à se répandre par la conversion et par le baptême. Il n’est pas attaché à un peuple en particulier, mais c’est en entrant dans cette religion, par le baptême, qu’on deviendrait membre de ce peuple. Pour autant, le christianisme apparaît largement comme un pseudo monothéisme, dans la mesure où il s’est employé à digérer toutes les croyances des peuples dits païens, à remplacer les divinités celtes par des saints, et donc à faire semblant de les supprimer tout en perpétuant leur culte. Les missionnaires ont fait la même chose en Afrique. 

Dieu est l’explication du monde. Non seulement, il est, d’après les textes sacrés, celui qui l’a créé en 6 jours, mais il est aussi sa raison ultime, la source de tous les phénomènes naturels, la source de toutes les lois de la nature, lesquelles ne sont pas autre chose que les lois de Dieu. La nature et l’Homme sont censées s’y soumettre, ils risquent son courroux s’ils osent s’en écarter. Et comme Dieu ne se manifeste pas directement, ce sont les clercs qui prétendent agir en son nom. La science n’est autorisée que dans la mesure où elle se contente d’illustrer et de confirmer le dogme religieux. Galilée, Copernic, peuvent en témoigner. Le mouvement humaniste, autour du XVIème siècle va chercher à s’affranchir de ce carcan pour permettre à la science, et plus généralement à la pensée, de se développer sur la base de ses propres références, sous l’égide de la raison, et avec une méthode d’approche basée sur l’observation et la preuve. 

La science et la religion, séparées l’une de l’autre, vont suivre des routes qui, pour être parallèles, se rencontrent pourtant. Les humanistes sont profondément croyants, qu’ils soient catholiques ou protestants. On connaît l’anecdote de Pierre-Simon Laplace présentant les premiers volumes de la Mécanique Céleste à Napoléon. A cette remarque de l’Empereur : “Mais vous ne parlez pas de Dieu”, il aurait répondu “Sire, je n’ai pas eu besoin de cette hypothèse”. La raison de la religion et celle de la science sont distinctes, mais elles ne sont pas exclusives l’une de l’autre. Pour dire les choses autrement, il y a eu un renversement de perspectives. Autrefois, c’était à la science de se conformer au dogme religieux. Désormais, c’est à la religion de s’adapter à l’avancée des connaissances scientifiques. 

Mais alors pourquoi le GADLU ? Justement, parce que cette fonction d’explication ultime du monde n’était plus prise en charge par la figure de Dieu et que cependant, tout n’était pas expliqué par la science, et ne le serait jamais. Voltaire, dans Les Cabales, reconnaissait : “ “L’univers m’embarrasse et je ne puis songer que cette horloge existe et n’ait pas d’horloger.” Le monde serait une superbe mécanique qu’un artisan suprême aurait conçu, construit et dont il se chargerait de maintenir l’harmonie. Horloger ou architecte ? Notre frère Gilbert Garibal, ici-même sur 450.fm, attribue à Philibert de l’Orme l’invention de la profession d’architecte. Philibert de l’Orme, grand architecte de la Renaissance né à Lyon en 1514, on lui doit notamment le château de Fontainebleau. Dans ses écrits théoriques, il distingue la fonction de bâtisseur de celle de concepteur. Pour la tradition maçonnique, à travers la figure d’Hiram, les deux figures sont mêlées. Si l’architecture devient non pas seulement une pratique, mais une discipline intellectuelle, alors, elle va du concret vers l’abstrait et peut-être même… vers l’esprit. C’est dans les constitutions de 1723 que le terme de Grand Architecte de l’Univers apparaît pour la première fois : “Adam notre premier père créé à l’image de Dieu, le Grand Architecte de l’Univers, dut avoir les sciences libérales gravées dans le cœur… ». Mais c’est en 1835 seulement que le REAA l’adopte comme référence dans ses rituels pour remplacer toute mention à Dieu. En ce qui concerne le rite français, en 1877 le Grand Orient de France, après le Grand Orient de Belgique (1872), l’abandonne pour permettre de s’ouvrir à ceux qui se réclament de l’athéisme. Cette appellation est bien pratique. Elle va permettre à chacun, quelle que soit sa religion, de projeter la transcendance à laquelle il se réfère, dans cette figure. Mais elle pose problème, elle décrit l’œuvre de cet Architecte comme une construction purement minérale alors que la “Création” était vivante. Une construction immobile, immuable, incompatible avec la théorie de l’Évolution des Espèces ? Une construction dont le plan aurait été établi préalablement, en s’appuyant sur une science qui aurait préexisté…même au GADLU ?. 

Qu’en est-il au XXième siècle ? Y a-t-il un Grand Architecte dans l’Univers? C’est la question que se pose Stephen Hawking dans un livre éponyme paru en 2011. Depuis les Grecs Thalès et Démocrite, les hommes cherchent à percer les mystères de la nature, du macrocosme comme du microcosme. Mais à l’époque des Anciens, on croyait généralement que la Terre était plate et que le soleil tournait autour. Depuis le mouvement humaniste on conçoit les lois de la nature non pas comme l’expression d’une volonté divine à laquelle il faudrait se soumettre, mais comme le constat d’une régularité qui permet des prédictions vérifiables : au nom de la gravité de Newton, toutes les pommes qui se détachent de l’arbre vont tomber par terre. Mais ces lois de la nature posent différentes questions. La première est celle de leur origine, et là, l’hypothèse de Dieu re-montre le bout de son delta lumineux. La deuxième cherche à savoir s’il y aurait des exceptions, des situations où la “nature “‘dérogerait à ses propres lois. Si la réponse à cette question est : non; cela voudrait dire que le Grand Architecte serait soumis à des lois qui lui seraient supérieures et qui lui pré-existeraient, des lois auxquelles lui-même ne pourrait pas déroger. Si la réponse est oui, s’il est possible de déroger aux lois, cela voudrait dire que le GADLU fait un peu n’importe quoi et que les lois n’existent pas vraiment. 

La troisième question cherche à déterminer s’il existe un seul ensemble de lois possibles dans l’univers…ou plusieurs? Scientifiquement, cela correspond à la poursuite de la M-Theorie, une méga-explication du monde qui engloberait toutes les connaissances disponibles à la fois en physique quantique et en physique classique, une théorie capable de décrire chaque aspect de l’univers. Mais cet univers n’est plus cantonné à la planète bleue, ni même au système solaire, ni même à notre galaxie la Voie Lactée, ni même aux milliards de milliards de galaxies qui composent ce qu’on en perçoit, ni même la seule matière qui le compose puisqu’elle ne représente que 5% du tout, les 95 % restants étant faits de matière noire et d’énergie noire c’est à dire du contraire de l’énergie et du contraire de la matière ? Et cet univers n’est pas le seul possible : “toutes les versions possibles de l’univers coexistent simultanément au sein de ce qu’on appelle une superposition quantique” (p.52). 

Alors Grand Architecte de quoi ? Et puis : pourquoi “architecte”? S’il y avait une organisation générale volontaire, un “plan”, il faudrait expliquer pourquoi cette Brève Histoire du Temps est composée d’une succession quasi-ininterrompue d’échecs depuis 13,8 milliards d’années, l’apparition de la vie n’étant que l’exception. Hacking conclut, après Laplace, que l’hypothèse GADLU n’est pas plus nécessaire que l’hypothèse Dieu. La question reste entière, et elle n’est pas scientifique mais philosophique : s’il fallait postuler une intention dans tout cela, s’il fallait mettre au dessus de sa tête un idéal, s’il fallait se référer à une transcendance, fut-elle spirituelle et non religieuse, comment pourrait-on l’appeler puisque le terme de Grand Architecte de l’Univers est maintenant dépassé ?