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De la plénitude du vide

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« J’errais sur le chemin sans fin des renaissances, cherchant en vain l’architecte de l’édifice. Quel tourment que de renaître sans cesse ! Ô architecte de l’édifice je t’ai découvert ! Tu ne rebâtiras plus l’édifice. Tes poutres sont toutes brisées, le faîte de l’édifice est détruit ! Cette conscience a perdu ses énergies fabricatrices et est parvenue au terme des soifs ». Bouddha (Le Dhammapada)

C’est interrogeant, et finalement agaçant, cette introspection constante liée à la question existentielle : « Est-ce que ma vie fut ou est bien remplie ? »

Tandis que l’Occident optait pour une vision du « plein »de l’existence (à part les courants qui relevaient de la théologie apophatique (1) comme celle de Maître Eckart, des mystiques rhénans et de quelques rares athées qui ne voulaient pas « faire le plein » !), l’Extrême-Orient, lui, mettait en place l’idéal du « vide » et proclamait : « Au-delà de la vie et de la mort, le chemin des nuages. C’est le vide. Quand de cette vie flottante la lampe s’éteint, que l’illusion se dissipe, dans le tombeau, le corps sous terre, on accède enfin au non-avoir ».

Cela nous conduit à considérer la complexité de la diversité des manifestations de la recherche de l’ « Absolu » dans l’histoire et dans les cultures. Qu’est-ce qui ferait que pour parvenir a une plénitude divine il faudrait trouver le vide parfait, y aurait-il une parole qui allumerait le silence le plus total et qu’est-ce que ce vide qui nous habite au plus intime et qui seul permet le jaillissement de la flamme ? Répondre à cette fascination du vide, où l’on espère trouver sens, repose sur l’acceptation d’une solitude totale qui fait barrage à tout accompagnement, à tout gourou.

Boudha en or
spiritualité, boudha, or,meditation, assis, lumière

Dans le Zen, une recommandation : « Sur le chemin de ta vérité, si tu rencontres le diable donne lui 30 coups de bâton, mais si tu rencontres Bouddha lui-même, donne lui aussi 30 coups de bâton ! ». Ainsi libéré, j’avance dans une prise de conscience de plus en plus profonde de ce que je suis. Mais dans la conscience que j’ai de moi, m’apparaît la limitation même de cette conscience car mon origine même m’échappe. Si profonde que soit la « conscience de moi » à laquelle je peux arriver, elle demeure toujours « béante » de l’Absolu que je ne pourrai jamais atteindre. Cette démarche suppose que l’on ne marche plus « en compagnie » de concepts, mais dans l’absence de toute représentation, mené par le chemin de la « non-pensée », du « non-attachement », de la « non-relation » et de la « non-médiation ».

Statue de Cicéron
Statue de Cicéron devant le Palais de Justice, Rome, © Wikimedia Commons

En fait, c’est une avance immobile dans un univers immobile. Le résultat en est parfois l’obtention de la « Kénose » (2), qui permet de tout donner et de tout recevoir. La richesse de n’être rien et de ne rien avoir ! Nous comprenons alors que le fond ultime de l’être ne peut se percevoir que comme vide et rien. C’est la perception lucide que l’humain est d’un côté engagé dans le temporel et de l’autre qu’il subsiste déjà dans l’éternel. Ce voyage intérieur est naturellement accompagné par l’exercice de la contemplation du monde. Cicéron, dans le « De Legibus 161 », écrit : « Cet homme, quand il aura traversé du regard le ciel, la terre, les mers et la nature dans son entier ; qu’il verra d’où sont issues toutes ces choses et où elles doivent aller, quand et comment elles périssent, ce qui est mortel et fragiles en elles, ce qui est divin et éternel ; quand il saisira qu’il n’est lui-même plus limité aux murs d’une cité mais qu’il est citoyen du monde entier comme d’une cité unique, alors, au-milieu de cette grandeur des choses, dans cet examen et cette connaissance de la nature, il se connaîtra lui-même ».

Pensée complétée par Shaftesbury (3) et son voyage intérieur, dans sa « lettre sur l’enthousiasme », section 4 28 : « Il nous est impossible de contempler quoi que ce soit au-dessus de nous tant que nous ne sommes pas en condition de regarder en nous et d’examiner calmement le tempérament de notre propre esprit et nos passions ». C’est la recherche du vide total de l’être, le creux du moyeu de la roue, image de l’Absolu inscrite dans notre itinéraire terrestre. Mais existe-il un au-delà du vide qui en est le dedans ?

Un Homme en train de méditer à la montagne
Un Homme en train de méditer à la montagne

Plus nous sommes attentifs au centre de notre être, plus celui-ci semble s’ouvrir sur de plus grandes profondeurs. A la limite de l’infini : une plénitude peut survenir et submerger la plénitude humaine et l’homme peut alors se dire : « J’ai trouvé l’ultime car je le suis ! ». Marche étroite entre narcissisme, panthéisme ou athéisme… Mais, il convient de ne pas perdre de vue que ce cheminement s’effectue dans la perspective de notre propre disparition : la contemplation, dans le sens du Zen par exemple, avance sur le même chemin que la mort. Les deux conduisent à une concentration ou à un épanouissement de la vie au coeur de l’être pour produire d’une part l’illumination et de l’autre le passage de la vie terrestre à une autre vie par la mort.

C’est au-delà d’un « point mort » que surgit la réalité insaisissable de l’être. L’ultime réalité de la personne est saisie comme un vide qui est, en même temps, plénitude. Toute expérience ultime de conscience ne peut être ressentie que comme vide et plénitude, de même que dans la démarchede l’amour, le point ultime est par-delà toute possession, toute saisie. C’est quand je suis réduit à l’état de rien que je réalise ma plénitude. Ici, se repose la question de l’Absolu : est-il finalement le « Un » parfait sans division possible, ou bien le « rien », le « néant » ?

Faut-il dire que finalement c’est le « néant » qui est premier ? Toute expérience ultime de conscience est ainsi ressentie comme « vide » et « plénitude », de même que dans l’amour le point ultime de la rencontre se situe par-delà toute possession, toute saisie. C’est dans l’expérience de la kénose totale que je communique ce que je suis. C’est quand je suis à l’état de rien que je réalise ma plénitude. Dans l’expérience Zen, par exemple, quand j’arrive au vide le plus total, c’est alors que je réalise l’unité de tout dans la réalité qui surgit, au moment même où je touche au « néant » de moi-même. Que j’arrive au « zéro » de mon retrait de moi-même et de mon illusion sur moi, va surgir le « Un », unité et totalité sans dimension tout à la fois. Ce que nous rappelle le maître japonais Ryôkan (1758-1831) dans ses poèmes sur la vacuité de l’homme (4) :

Il suffit de voir.
De toute façon, le monde
est impermanent.
Qu’elles durent plus ou moins,
Il ne reste rien des fleurs.
A ceux qui partout
sont aux affaires publiques,
je m’adresse ainsi :
votre esprit originel
surtout, ne l’oubliez pas !

Boule de cristal sur une table
Boule de cristal sur une table

Nous pouvons avancer l’idée que l’Absolu est à la fois « Néant » et « Être » en même temps. Contradiction inquiétante pour la logique, mais nous sommes ici dans un domaine étranger à la logique : ce « Néant » et cet « Être » ne sont qu’une même réalité. C’est pour cela que tout en paraissant s’opposer l’un à l’autre, ils s’incluent l’un l’autre, sans que l’un déborde en rien sur l’autre. Le Taoïsme nous donne une belle démonstration de ce paradoxe : le premier est le Wu (Le rien), le second est le You (l’Être). Certains philosophes regardent le Wu comme antérieur au You car le You vient du Wu, ainsi que le dit le Tao Te King (Le « livre de la voie et de la vertu », classique attribué à Lao Tseu).

Dès lors, pourquoi ne pas considérer que le Tao, l’Absolu en lui-même est à la fois Wu et You ? Bien sûr, que dans l’ordre du monde il y ait un avant et un après, cela est logique, mais pourquoi y en aurait-il dans la structure même du Tao ? Dire que le You vient du Wu n’implique pas de parler d’un avant et d’un après. L ‘Absolu pourrait se définir comme les deux à la fois : ce qui les unit et les réconcilie dans leur apparente opposition est la force interne qui leur est commune. On peut avancer l’idée que la philosophie taoïste nous met plus positivement face à l’Absolu que ne le fait la pensée bouddhique plus préoccupée par la maîtrise de l’instabilité des choses que par l’idée d’une unité dans la contradiction apparente.

Le long cheminement au coeur même de notre être jusqu’à notre nature profonde, nous fait découvrir un nouvel amour, non plus un amour électif, mais un amour du cosmos qui nous « fait » exister. Au coeur de nous-mêmes, au centre le plus profond, nous percevons alors, l’autre Centre, le Centre absolu qui est la source de tout.

Cela vaut le coup de laisser quelques valises inutiles sur le quai de la gare !

Notes

– (1) Théologie apophatique : Approche théologique fondée sur la négation d’un plus ce que Dieu n’est pas que sur ce qu’il serait. C’est l’opposé de la théologie cataphatique dont le but est la recherche d’une approche et d’une définition des qualités divines.

– (2) Kénose : Notion de théologie chrétienne : Dieu se dépouille de certains attributs divins pour mieux s’incarner. Jésus serait l’image même de la kénose. Cette expression vient du grec « Kénosis » : vide, dépouillé. Le philosophe serait celui qui parviendrait au vide, par l’abandon de ce qui est inutile pour parvenir à sa vérité intérieure.

– (3) Shaftesbury : Titre du 3em comte de Shaftesbury, Antony Ashley-Cooper (1671-1713). Philosophe, écrivain, homme politique britannique. Influencé par la philosophie platonicienne qu’il mêlera avec plus ou moins de bonheur à la théologie chrétienne !

– (4) Ryôkan : Ô pruniers en fleur. Paris. Ed. Gallimard. 2019 (Pages 30 et 31).

Bibliographie

– Lebranchu Marc : Découvrir le taoïsme : histoire, fondements, courants et pratiques. Paris. Ed. Eyrolles. 2020.

– Revue Autrement : Le silence-La force du vide. Paris. Ed. Autrement. 1999.

– Robinet Isabelle : Histoire du taoïsme : des origines au XIVe siècle. Paris. Ed. Cerf-CNRS. 2012.

– Saint-Jean de la Croix : La nuit obscure. Paris. Ed. Du Seuil. 1984.

Régularité et tradition : La GLNF au cœur de la maçonnerie française

Dans Chroniques d’Histoire de la Grande Loge Nationale Française : des faits et des hommes, Francis Delon propose un récit détaillé de l’histoire de la Grande Loge Nationale Française (GLNF), une obédience relativement marginale dans le paysage maçonnique français jusqu’au milieu des années 1960. Son essor s’accélère notamment avec l’arrivée, en 1965, de près d’un millier de frères de la Grande Loge de France (GLDF), opposés à un rapprochement avec le Grand Orient de France. Ce passage est crucial dans le développement de l’obédience et constitue un des axes centraux du livre. Francis Delon met en lumière la manière dont la GLNF est devenue, en un demi-siècle, une des puissances maçonniques les plus influentes en France et la première grande loge régulière du continent européen.

Le développement de la GLNF repose en partie sur une doctrine énoncée par Jean Baylot dans son ouvrage La Voie substituée publié en 1968, qui affirmait que la maçonnerie française avait dévié de son chemin depuis la Révolution française. Cette doctrine fut essentielle à la réorientation de la GLNF vers une maçonnerie plus traditionnelle, en rupture avec le militantisme politique et anticlérical qui caractérisait d’autres obédiences maçonniques en France. Francis Delon offre une analyse fine de cet événement charnière en insistant sur les enjeux doctrinaux, mais aussi sur la dimension spirituelle et intellectuelle qui sous-tend ce changement de cap.

Jean Baylot (1897-1976)

Le livre plonge également dans les détails historiques des loges de recherche comme « Villard de Honnecourt » n° 81, fondée sous l’égide de Jean Baylot en 1964, qui a joué un rôle central dans la diffusion de travaux maçonniques historiquement méconnus, notamment ceux de la « Quatuor Coronati ». L’ouverture de la GLNF vers l’international est également mise en lumière, notamment à travers son rayonnement auprès de l’élite francophone iranienne, qui aspirait à sortir de l’isolement maçonnique, ainsi qu’à travers les relations avec des personnalités influentes de la maçonnerie comme Marius Lepage ou le baron Yves Marsaudon.

Francis Delon ne se contente pas d’un simple récit historique. Son analyse s’articule autour des grandes figures qui ont façonné cette obédience, telles que Michel Riquet, dont le dialogue avec l’Église catholique après le concile Vatican II permit un rapprochement inédit entre la franc-maçonnerie traditionnelle et les milieux religieux modérés.

Le style de Francis Delon est précis, méthodique, et bien documenté, ce qui confère à l’ouvrage une grande rigueur académique tout en étant accessible aux profanes intéressés par l’histoire maçonnique. En tant que collaborateur régulier de publications telles que Les Cahiers Villard de Honnecourt et Renaissance Traditionnelle, il fait preuve d’une maîtrise indiscutable des archives et des faits historiques qu’il mobilise pour offrir un panorama complet de cette période.

Pour approfondir et développer les différents chapitres de cet ouvrage, nous vous proposons une large vue d’ensemble tout en analysant quelques éléments saillants abordés par l’auteur.

Jean-Pierre Servel

La préface rédigée par Jean-Pierre Servel, Grand Maître d’Honneur de la GLNF, pose les jalons du livre et souligne l’importance du travail accompli par Francis Delon dans la préservation de la mémoire historique de l’obédience. Jean-Pierre Servel souligne les moments charnières qui ont permis à la GLNF de passer d’une petite obédience marginale à la deuxième puissance maçonnique de France. La préface met également en exergue la rigueur académique de l’ouvrage et son importance pour les membres de la GLNF et les chercheurs en histoire maçonnique.

L’introduction pose le cadre historique du développement de la Grande Loge Nationale Française (GLNF). Francis Delon y décrit l’état de l’obédience à la fin des années 1950, marquée par une faible présence française et une prédominance anglo-saxonne. L’introduction aborde les défis rencontrés par la GLNF pour recruter de nouveaux membres et maintenir sa régularité, tout en évoquant les premiers signes de son expansion grâce à l’arrivée des Frères de la Grande Loge de France, hostiles au rapprochement avec le Grand Orient de France.

Le chapitre I « Des faits » est une analyse des moments historiques fondateurs qui ont contribué à la croissance de la GLNF.

La partie intitulée « La scission écossaise de 1964-1965 : du Groupement de loges traditionnelles à la Grande Loge de District » traite de la scission au sein de la Grande Loge de France en 1964-1965. En raison de désaccords doctrinaux, principalement autour de la question de la régularité maçonnique et du rapprochement avec le Grand Orient de France, plusieurs Frères quittent la GLDF pour former un nouveau groupement de loges traditionnelles. Cet événement est crucial pour l’histoire de la GLNF, car il marque le début de l’arrivée massive de Frères écossais qui vont renforcer les effectifs et les pratiques rituelles de la GLNF.

Le Groupement de loges traditionnelles, formé en octobre 1964, est décrit comme une étape clé dans le processus de séparation d’avec la GLDF. Il s’agissait de créer une nouvelle entité maçonnique capable de maintenir la régularité tout en restant fidèle aux principes du Rite Écossais Ancien et Accepté (REAA). Cette décision précède la création officielle de la Grande Loge Écossaise dont la fondation officielle est le 6 novembre 1964, une étape décisive dans la structuration du nouvel ordre maçonnique. Cette entité provisoire se donne pour mission de poursuivre les pratiques écossaises en France et d’intégrer progressivement les loges issues de la GLDF tout en se rapprochant de la GLNF.

En 1965, la Grande Loge de District voit le jour. Cette nouvelle structure permet de formaliser l’intégration des loges traditionnelles au sein de la GLNF. Le chapitre explore les négociations, les accords institutionnels et les ajustements nécessaires pour opérer cette fusion.

Avec « De la Grande Loge de District à l’intégration au sein de la G.L.N.F. », ce passage décrit le processus d’intégration formelle de la Grande Loge de District à la GLNF. Les démarches administratives, les rituels adoptés et les changements dans la gouvernance sont analysés dans ce sous-chapitre. La GLNF bénéficie alors de l’apport des loges écossaises, qui enrichissent sa tradition tout en solidifiant sa présence en France.

« Les origines du Rite Écossais Ancien et Accepté à la Grande Loge Nationale Française » permet ensuite de comprendre l’introduction et la reconnaissance officielle du Rite Écossais Ancien et Accepté (REAA) à la GLNF. L’accent est mis sur le contexte historique de la reconnaissance de ce rite en 1955, ainsi que sur les tensions entre la GLNF et le Suprême Conseil de France.

Intitulé « Des hommes », ce second chapitre met en avant les figures clés qui ont marqué l’histoire de la GLNF. Il s’agit de personnalités influentes dont les actions et les décisions ont façonné le développement et l’idéologie de l’obédience.

Baron Yves Marsaudon

C’est à travers le sous-chapitre « Un témoignage inédit sur les événements de 1965 : la correspondance Marsaudon-Van Hecke (1965-1966) » que l’auteur explore la correspondance entre Yves Marsaudon, dignitaire de l’Ordre de Malte et promoteur du Rite Écossais Ancien et Accepté, et le Grand Maître Ernest Van Hecke, qui fut l’un des principaux artisans de l’intégration des loges écossaises au sein de la GLNF. Cette correspondance révèle les tensions, les doutes, mais aussi la vision partagée de ces deux hommes sur l’avenir de la Maçonnerie en France.

Père Michel Riquet – Source Unadif

Ensuite, avec « Le père Michel Riquet, artisan du dialogue entre la franc-maçonnerie régulière et l’Église catholique », Francis Delon met en lumière cet autre personnage majeur qu’est le prêtre jésuite Michel Riquet (1898-1993) résistant, théologien et prédicateur de renom. Il a joué un rôle crucial dans le rapprochement entre la maçonnerie dite régulière et l’Église catholique, surtout après le concile Vatican II. Son action est présentée comme fondamentale pour comprendre l’ouverture de la GLNF à des personnalités de divers horizons sociaux et religieux.

Marius Lepage est l’une des figures les plus importantes du renouveau maçonnique français. Sa quête de régularité maçonnique et son combat contre l’anticléricalisme au sein du Grand Orient de France l’amènent à rejoindre la GLNF, où il devient une figure influente du Rite Écossais Ancien et Accepté. Ce sous-chapitre revient sur son parcours, son œuvre et ses contributions à la consolidation de la GLNF.

« Sur les traces de Jean Bossu (1911-1985) : un cherchant en quête d’authenticité » Francis Delon retrace le parcours de ce vosgien natif d’Épinal, journaliste de tendance libertaire et historien, connu pour avoir créé le principal fichier des francs-maçons français appelé couramment « Fichier Bossu ». Un autre personnage central de l’histoire de l’obédience. L’auteur souligne ainsi l’importance de sa contribution intellectuelle.

Enfin c’est avec « Chrétien et franc-maçon : sur les pas de Jean Oluf Heineman (1919-2003) » que s’achève l’ouvrage. Sans doute méconnu, pour ne pas dire inconnu, Jean Oluf Heineman, ressortissant norvégien, n’en est pas moins un exemple de l’influence internationale de la GLNF. Chrétien convaincu, il illustre la fusion des valeurs maçonniques et chrétiennes. Son rôle dans les relations maçonniques scandinaves et son engagement pour le développement de la maçonnerie traditionnelle font de lui un personnage clé dans l’histoire de la GLNF. Notons que la postface est de Thierry Zarcone, Directeur de recherche au CNRS GSRL Groupe Sociétés Religions Laïcités.

Francis Delon, la bio

Francis Delon, titulaire d’une maîtrise d’histoire contemporaine de l’Université Paris IV et d’un DESS en histoire et métiers des archives de l’Université d’Angers, est un archiviste expérimenté et érudit. En 2010, il est fait chevalier dans l’Ordre des Arts et des Lettres en reconnaissance de ses contributions culturelles et historiques.

Francis Delon a également soutenu une thèse de doctorat en études anglophones sur « La Grande Loge Nationale Indépendante et Régulière pour la France et les Colonies Françaises (1910-1940) ». Son expertise et sa profonde connaissance des archives maçonniques en font une figure incontournable dans l’histoire de la franc-maçonnerie française. Depuis 2000, il est archiviste bénévole de la GLNF et a largement contribué à la conservation et à la diffusion du patrimoine maçonnique.

Les Éditions de la Tarente, l’éditeur

L’ouvrage Chroniques d’Histoire de la Grande Loge Nationale Française : des faits et des hommes est publié par Les Éditions de la Tarente, une maison d’édition spécialisée dans les publications maçonniques. Elle propose des ouvrages visant à enrichir les connaissances sur l’histoire de la franc-maçonnerie, tout en assurant la diffusion de travaux originaux et approfondis sur les aspects rituels, doctrinaux et symboliques de la maçonnerie. Cette maison d’édition qui, en mars dernier, a reçu le Prix littéraire 2024 Jean François Var à l’occasion de premières Rencontres Initiatiques, s’inscrit dans une tradition de publication d’études maçonniques rigoureuses, contribuant ainsi à l’éducation et à l’épanouissement des lecteurs intéressés par ces sujets.

En conclusion, l’ouvrage propose une synthèse des évolutions historiques, des figures marquantes et des défis relevés par la GLNF au fil des décennies. Elle met en lumière les leçons tirées de cette histoire riche et complexe, tout en soulignant la pertinence actuelle de la GLNF dans le paysage maçonnique européen et mondial.

Cette exploration montre à quel point Chroniques d’Histoire de la Grande Loge Nationale Française : des faits et des hommes est une œuvre capitale pour comprendre les dynamiques internes de la franc-maçonnerie en France et l’importance de la GLNF dans l’histoire contemporaine du mouvement maçonnique.

Chroniques d’Histoire de la Grande Loge Nationale Française : des faits et des hommes

Francis Delon – Les Éditions de la Tarente, Coll. Fragments maçonniques, 2024, 272 pages, 26 €

Le Dessin de François Morel : « Les maçons et Internet »

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Année après année, les nouvelles technologies envahissent nos travaux et influencent notre pratique maçonnique. Cette semaine, François Morel s’est laissé tenté par une petite moquerie de certains abus une fois rentré à la maison. Toute ressemblance avec des personnes ayant vécu serait purement… tout cela très Fraternellement bien entendu.

Grande Loge de France : troisième et dernier mandat pour le Grand Maître Thierry Zaveroni

Situés au cœur du dynamique quartier de Bercy, les Salons de l’Aveyron Paris Bercy ont accueilli ce week-end le Convent 6024 de la Grande Loge de France (GLDF), au cours duquel Thierry Zaveroni a été réélu Grand Maître de la Grande Loge de France.

Fort de ce nouveau mandat, Thierry Zaveroni poursuivra son action en vue de renforcer l’attrait de la franc-maçonnerie auprès des jeunes adultes. Son objectif est que les valeurs cultivées dans les loges incitent un plus grand nombre de jeunes gens à s’engager dans la démarche initiatique.


Pour cela, il met l’accent sur l’écoute des jeunes. Thierry Zaveroni souligne également l’importance de démystifier la franc-maçonnerie et de promouvoir une image positive auprès du grand public. Il est convaincu qu’une action culturelle exigeante et bien ciblée peut contribuer à modifier l’opinion publique sur la franc-maçonnerie, et sur la Grande Loge de France en particulier.

Si l’on veut présenter succinctement le bilan de ce Convent, on peut dire qu’il s’agit bel et bien d’un bilan… succinct ! En effet, si le Grand Maître a été reconduit dans des conditions honorables (de l’ordre de 70 % de votes favorables) sans obtenir pour autant un score de maréchal soviétique, les propositions qu’il conduisait n’ont pas toutes été approuvées par le Convent, loin s’en faut. Ainsi, de la prolongation de la durée du mandat du Grand Maître et de celle des principaux Grands Officiers, au motif du temps nécessaire à la menée à bien des différents projets dont ils ont la charge, mais également de la transformation de la Tenue de Grande Loge, de son format actuel en un rendez-vous avec les Vénérables Maîtres en chaire, comme d’éventuelles règles de plafonnement budgétaire, qu’il s’agisse de dépenses de fonctionnement (masse salariale) ou de dépenses d’investissement (immobilier). Rien de tout cela n’a reçu l’aval du Convent, alors même qu’aucune majorité qualifiée n’était nécessaire et qu’une majorité absolue des suffrages exprimés suffisait…

On pourrait s’en réjouir, sans considérer le fond des choses, en y voyant seulement un signe robuste de la santé démocratique de l’Obédience. C’est sans doute le cas mais c’est aussi l’indice d’une insuffisante préparation aux difficultés des temps car il est indéniable que se pose aujourd’hui aux différents organismes maçonniques, comme, au demeurant, à tous les échelons de la société, des questions de redimensionnement des moyens d’action. Rien ne semble aujourd’hui résolu à cet égard, à la Grande Loge de France. Nul doute que, d’une manière ou d’une autre, il faudra y revenir bientôt car, là comme ailleurs, plus on retarde l’échéance, plus l’heure de vérité sonnera durement.

Il reste, au moins, au plan des publications, que la belle revue Points de vue initiatiques s’est vue confirmée dans sa mission d’ouverture au monde profane, comme porteuse de valeurs maçonniques, tandis que verra le jour une revue en ligne spécialement consacrée au grade de maître, à diffusion cette fois-ci interne.

ILS ONT VOTÉ : Yves Pennes, sera le futur Grand Maître de la GLNF

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Le Souverain Grand Comité (SGC) de la Grande Loge Nationale Française (parlement de l’obédience) qui s’est réuni, vendredi après-midi à Paris, pour désigner son candidat à la prochaine Grande Maîtrise, a choisi l’actuel Député Grand Maître (n° 2) pour succéder à Jean-Pierre Rollet.

Deux candidats étaient en présence. 454 frères ont pris part au vote sur un total de 533 membres du Souverain Grand Comité, soit un taux de participation de 85,18 %. Ils ont respectivement obtenu :

  • Yves Pennes, 387 voix (85,24 %) ;
  • Emmanuel Stene (Ancien Grand Maître Provincial), 65 voix (14,32 %) ;
  • 2 votes nuls (0,44 %) ont été enregistrés.

Yves Pennes a donc été désigné à une très large majorité candidat élu à la Grande Maîtrise.

L’actuel Grand Maître sortant Jean-Pierre Rollet, satisfait de ce résultat a déclaré à la rédaction de 450.fm :

Jean-Pierre Rollet (Photo GLNF)

« C’est pour moi, une grande satisfaction, Yves Pennes, est un homme de cœur et d’esprit, fidèle aux valeurs et aux règles qui constituent notre idéal. »  

Ce choix du SGC, conformément à l’Article 9 du Règlement Général, sera soumis à ratification des représentants des loges (Vénérables Maîtres en chaire et Premiers Surveillants), « … lors de l’Assemblée Maçonnique triennale de Grande Loge, afférente à la Tenue annuelle obligatoire qui suit… », qui se déroulera le 14 décembre prochain à Paris.

Franc-maçonnerie et Libre Pensée, des alliées dans la quête de liberté

La Raison nous offre un beau dossier s’intitulant « Franc-maçonnerie et Libre Pensée ». Il s’ouvre sur la réflexion de Christophe Bitaud qui, par son parcours personnel, se fait l’incarnation du lien entre ces deux courants philosophiques et idéologiques. L’auteur, franc-maçon depuis 33 ans et membre de la Fédération Nationale de la Libre Pensée depuis 25 ans, propose de mettre en perspective ce qu’il qualifie de « deux engagements complémentaires ». Cette introduction met en lumière une complémentarité évidente pour l’auteur, mais aussi les nuances nécessaires pour éviter les confusions.

Dès le début, la citation d’Antoine de Saint-Exupéry (« Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m’enrichis ») établit une base de respect mutuel et d’enrichissement réciproque à travers les divergences. C’est une invitation à examiner ce qui semble séparer ces deux courants tout en reconnaissant ce qu’ils partagent.

La franc-maçonnerie : une société discrète mais agissante

L’auteur nous rappelle que la franc-maçonnerie est avant tout une association discrète, tournée vers l’accomplissement d’un travail moral sur ses membres, qui peuvent ensuite appliquer cette réflexion dans leurs vies respectives. On retrouve ici l’idée d’un développement personnel guidé par un cadre philosophique spécifique, celui du symbolisme maçonnique et de ses rites, comme l’illustrent les références à des penseurs illustres tels que Robert Boyle ou encore la Royal Society.

La Libre Pensée, quant à elle, se présente comme une association ouverte, politique par son essence même, et majoritairement athée de nos jours. Ce qui distingue les deux, c’est le cadre institutionnel : la Libre Pensée est plus offensive dans son rejet de la religion et de tout cléricalisme, là où la Franc-maçonnerie opère de manière plus philosophique et ésotérique, souvent en silence.

Un patrimoine commun enraciné dans la Renaissance et les Lumières

L’analyse du lien historique entre la Libre Pensée et la franc-maçonnerie se poursuit avec une exploration des origines de ces mouvements, tous deux issus d’un creuset philosophique commun : la Renaissance et l’esprit des Lumières. On y retrouve une filiation directe avec les sociétés savantes de l’époque, comme la Royal Society, ou encore les figures maçonniques influentes telles que John Evelyn ou Isaac Newton.

Blason Royal Society

Ces références soulignent que la quête de vérité, de progrès scientifique, et d’émancipation intellectuelle étaient au cœur des préoccupations de ces deux courants, dès leurs origines. L’auteur ne manque pas de rappeler l’influence persistante de la devise de la Royal Society, Nullius in verba (ne croire personne sur parole), qui résonne fortement avec la volonté de s’affranchir des dogmes religieux et des autorités infondées. Ce principe fondateur reste un pilier pour les deux courants, même si leurs pratiques divergent parfois.

Convergences dans la lutte pour la laïcité

Le dossier met également l’accent sur la lutte commune pour la laïcité, un thème récurrent qui a rapproché les francs-maçons et les libres penseurs, en particulier au moment de la loi de séparation des Églises et de l’État en 1905. Cette période est marquée par une intense collaboration entre les membres de la Libre Pensée et les députés francs-maçons, comme le souligne l’implication des figures telles que Aristide Briand.

L’auteur évoque avec force le Congrès de Rome de 1904, qui fut un tournant majeur dans cette lutte pour l’émancipation humaine, avec des prises de position résolument anticléricales et un appel énergique à la laïcisation de la société. Cet événement est un symbole fort de la convergence des idées, et d’une victoire pour les deux courants, malgré leurs divergences sur d’autres aspects.

Défense de l’indépendance et vigilance face à l’ingérence religieuse

Blason du Vatican

Toutefois, malgré cette lutte commune, les francs-maçons et les libres penseurs ont dû parfois défendre leur indépendance respective. La Libre Pensée s’est toujours opposée à toute forme de cléricalisme, et ce dossier rappelle l’animosité qui a longtemps existé entre l’Église et ces mouvements. Les condamnations pontificales, comme celle de 1983, qui stipule que l’appartenance à la franc-maçonnerie est un péché grave, soulignent la tension historique entre ces groupes et l’Église catholique, apostolique et romaine.

La publication du dossier sur l’emprise judéo-maçonnique sur l’Éducation nationale dans les années 1940, illustrée ici, montre combien les discours réactionnaires et antisémites ont alimenté cette méfiance envers les francs-maçons. En ce sens, l’auteur dénonce les fausses accusations et les campagnes de désinformation qui ont souvent visé ces associations, accusées à tort de complots ou d’alliances occultes. Ce rejet des tentatives d’ingérence et de manipulation idéologique est un point commun fondamental aux deux courants, qui s’efforcent de préserver la liberté de pensée et d’action.

Vers un avenir de collaboration vigilante

Dans sa conclusion, l’auteur insiste sur la nécessité de maintenir une vigilance active contre toute forme de retour à un ordre clérical et réactionnaire. La Libre Pensée et la Franc-maçonnerie, avec leurs nuances respectives, sont appelées à continuer leur lutte commune pour défendre les principes de laïcité, d’émancipation sociale, et de justice. L’article 2 de la loi de 1905, qui stipule que l’État ne salarie ni ne subventionne aucun culte, est aujourd’hui plus que jamais bafoué selon l’auteur, et nécessite une réaffirmation vigoureuse.

Ce dossier se veut donc non seulement une réflexion historique sur les liens entre ces deux associations, mais aussi un appel à l’action pour l’avenir. Si la collaboration passée entre les francs-maçons et les libres penseurs a permis d’importantes victoires, il est essentiel de ne pas baisser la garde face aux nouvelles menaces qui pèsent sur les libertés publiques et la laïcité.

Note analyse

Ce dossier, riche en détails historiques et philosophiques, présente une vision équilibrée des relations entre la franc-maçonnerie et la Libre Pensée, tout en soulignant leurs différences fondamentales. La principale leçon à en tirer est que, bien que leurs approches diffèrent – la franc-maçonnerie privilégiant un cheminement intérieur et symbolique, la Libre Pensée s’inscrivant dans un cadre militant et politique – ces deux courants partagent une même quête de liberté de conscience et de vérité, affranchie des dogmes religieux et des autorités oppressives.

L’auteur, Christophe Bitaud, maîtrise habilement la nuance en rappelant que ces deux mouvements, bien qu’issus du même terreau philosophique, ont su s’enrichir mutuellement à travers leurs divergences. Ce dossier n’est pas seulement une analyse théorique, mais un manifeste pour la défense continue de la laïcité et de l’émancipation humaine, un appel à la vigilance dans une époque où ces acquis sont plus que jamais menacés.

Le ton engagé et érudit de ce texte en fait une lecture captivante pour quiconque s’intéresse à la philosophie politique, à l’histoire des idées et aux luttes pour la liberté de conscience. L’auteur nous rappelle que l’émancipation humaine est une quête continue, nourrie par le dialogue, la critique constructive, et une collaboration vigilante entre ceux qui, comme les francs-maçons et les libres penseurs, cherchent à libérer l’esprit humain des entraves dogmatiques.

La Libre Pensée, en savoir plus

Sa librairie, 10 rue des Fossés Saint-Jacques – 75005 Paris

La Raison-Mensuel de la Libre PenséeN° 694 – Septembre 2024, Fructidor CCXXXIIFNLP, 2024, 36 pages, 3,50 €

21/09/24 : L’Académie Maçonnique invite Jean-Laurent Turbet sur « Le Maître se crée »

Dans le cadre du cycle 2024-2025 « Ésotérisme et Initiations » l’Académie Maçonnique vous invite à assister, en distanciel via un webinaire Zoom, à une conférence captivante intitulée « Le Maître se crée », donnée par Jean-Laurent Turbet. Inscrit dans cette thématique, cet événement s’annonce comme une véritable plongée dans les mystères de la création intérieure, mais aussi comme une réflexion profonde sur le parcours initiatique. Ce thème interpelle dès le titre, en suggérant que la création du Maître relève d’une dynamique personnelle et active, renvoyant directement à l’évolution spirituelle et symbolique de tout initié.

Jean-Laurent Turbet

Jean-Laurent Turbet : un passeur de savoirs maçonniques et spirituels

Jean-Laurent Turbet, blogueur réputé pour son site « Le Blog des Spiritualités », se positionne comme une figure incontournable de la franc-maçonnerie contemporaine. Son travail ne se limite pas aux frontières maçonniques ; il explore des thèmes aussi divers que l’ésotérisme, la Gnose, l’hermétisme, la Kabbale, le martinisme ou encore le symbolisme. Ce faisant, il relie des traditions spirituelles et initiatiques qui, malgré leurs différences, partagent des valeurs et des finalités communes : la recherche de la vérité, de la connaissance cachée et de l’accomplissement spirituel.

Cahier Jean Scot Érigène

En tant qu’ancien Vénérable Maître de la Loge de Recherche Jean Scot Érigène n° 1000 et ancien Grand Maître adjoint de la Grande Loge de France (GLDF), Jean-Laurent Turbet possède une vision à la fois historique et pratique de la franc-maçonnerie. Cette double expertise – académique et initiatique – fait de lui un orateur idéal pour traiter d’un sujet aussi complexe que celui de la création du Maître.

Johannes Scottus Eriugena

« Le Maître se crée », une métamorphose initiatique

L’intitulé de cette conférence joue sur une subtilité de langage qui mérite d’être explorée. Le mot « crée » renvoie ici à un processus actif et personnel : le Maître, dans sa quête initiatique, n’est pas simplement le récipiendaire d’un savoir ou d’une autorité extérieure, mais il devient l’artisan de sa propre transformation. Cette idée rejoint directement les fondements mêmes de l’initiation maçonnique, où chaque degré franchi marque un nouveau pas dans la quête de la lumière, mais où c’est surtout le travail sur soi qui est au centre de cette progression.

Il est également intéressant de noter l’écho subtil au « Maître Secret », le 4e degré du Rite Écossais Ancien et Accepté (REAA). Ce jeu de mots résonne avec une profondeur particulière, car le Maître Secret est lui-même un symbole puissant de la continuité et du devoir de silence et de réflexion intérieure. En effet, au 4e degré, l’initié est appelé à contempler en silence les mystères qui lui ont été révélés, à travailler dans l’ombre, à observer et à méditer avant de prendre des actions éclairées. Il se distingue par la discrétion et la sagesse, mais surtout par la nécessité de s’accomplir par soi-même, dans un cheminement personnel.

Tablier 4e degré – DETRAD

En ce sens, « se créer » évoque non seulement la nécessité d’une transformation intérieure, mais aussi la profondeur de l’introspection que requiert la maîtrise secrète. Le Maître Secret devient ainsi celui qui comprend que la vraie création vient de l’intérieur, qu’elle ne dépend pas des honneurs ni des titres, mais d’un travail discret, profond et continu sur soi-même.

Un voyage spirituel au-delà des frontières maçonniques

La création du Maître dépasse d’ailleurs le seul cadre maçonnique. Dans d’autres traditions spirituelles et ésotériques, cette idée de transformation et de recréation intérieure est omniprésente. En Kabbale, par exemple, l’initié est appelé à réparer et perfectionner son âme à travers le Tikkun, un travail de correction spirituelle. De la même manière, les adeptes de l’hermétisme cherchent à atteindre l’unité avec le divin par le biais de l’alchimie intérieure, où l’être humain, tel un métal imparfait, est purifié par les épreuves de la vie pour devenir « or spirituel ».

Jean-Laurent Turbet, en croisant les perspectives maçonniques et ésotériques, invite à une réflexion élargie sur le rôle de l’initié dans son propre cheminement. Ce dernier n’est pas passif, il est l’artisan de sa propre transformation. Ainsi, le parcours initiatique, que ce soit dans la franc-maçonnerie ou d’autres courants spirituels, exige de l’initié un engagement profond dans sa quête de la vérité et de la lumière.

Le format distanciel : ouverture et partage des savoirs

Cette conférence, qui se tiendra via un webinaire Zoom, reflète également une modernisation des modes de transmission. Le distanciel permet d’ouvrir ce type d’événement à un plus large public de Sœurs et Frères, tout en préservant l’intimité et la fraternité propres aux échanges maçonniques. Ce format, bien que différent de la traditionnelle tenue maçonnique en loge, reste fidèle à l’esprit de partage et de transmission qui caractérise l’initiation.

Conclusion : la création du Maître comme quête intérieure

La conférence de Jean-Laurent Turbet, avec sa thématique de « Le Maître se crée », promet d’être une exploration profonde des mécanismes intérieurs qui mènent à la maîtrise spirituelle. À travers son approche transversale, croisant les savoirs maçonniques, ésotériques et historiques, il offre aux initiés une perspective précieuse sur ce que signifie véritablement « se créer » en tant que Maître, tout en faisant écho à la symbolique du Maître Secret du REAA.

C’est une invitation à poursuivre la quête initiatique, à travailler sur soi dans le silence et la méditation, afin de forger son propre chemin vers la lumière.

Réchauffement maçonnique

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Et là, c’est chaud ?

On ne parle pas encore d’empreinte maçonnique, mais peut-être faut-il déjà s’y préparer. Les Francs-maçons sont écolos par définition et ils le prouvent par l’Initiation, en nous rappelant les notions d’air, d’eau, de feu et de terre.

« ET POURQUOI PAS UN QR CODE AUSSI ! »

Le Grand René qui a réussi à remonter de son 33è sous-sol nous en parle dans cette nouvelle vidéo ci-dessous:

Relativité n’est pas relativisme

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(Les « éditos » de Christian Roblin paraissent le 1er et le 15 de chaque mois.)

Nous sommes naturellement incapables d’embrasser le réel dans sa totalité, ne serait-ce que celui qui nous entoure. C’est pourquoi notre intellect, jamais purifié de tous nos affects, l’interprète en fonction de l’expérience que nous en avons et de l’opinion que nous nous en faisons, selon la variabilité des circonstances et sur la base de nos ressentis positifs ou négatifs, conditionnés eux-mêmes par des grilles culturelles teintées de préjugés.

En fait, nous recomposons constamment nos images de la réalité, y attachant une attention plus ou moins vive et plus ou moins nouvelle – plus ou moins changeante, il faut bien le dire, plus ou moins confiante également et, en définitive, plus ou moins scrupuleuse…

Or, dans ce même bain de réalités, d’autres que nous sont plongés et réagissent aussi. Sous diverses influences et au gré de l’évolution de nos intérêts mutuels ou respectifs, nos perceptions, nos intentions et nos actions diffèrent. Bref, faute d’aucune objectivité humainement accessible, diverses formes d’intersubjectivité se métamorphosent en permanence, qu’on les entende tantôt comme des relations instables de personne à personne, fondées sur les qualités propres à chaque sujet pensant, tantôt, à l’inverse, comme des compréhensions communes suffisamment ressemblantes pour nous permettre d’échanger. Le terme d’intersubjectivité, comme on le voit, comporte par lui-même deux acceptions fort distinctes, qui signent jusque dans la langue le statut ambigu de nos consciences sous l’emprise de nos diverses réflexions. Et il nous faut à nouveau rebondir en soulignant, dans la même veine, que le mot même de réflexion renvoie aussi bien à des représentations élémentaires de ce que nous croyons être de stricts reflets du monde qu’au mûrissement de nos pensées quand nous nous efforçons d’examiner plus à fond les situations que nous agençons dans notre esprit.

Vous me pardonnerez de vous avoir infligé d’aussi pompeuses banalités et je m’en serais volontiers abstenu si je n’observais constamment qu’on tirait bien peu de conséquences de tels truismes. Nous pénétrer de la relativité de nos impressions et de nos jugements devrait spontanément nous conduire à accepter de confronter avec méthode et sincérité nos différences voire nos oppositions, en vue de les concilier pour mieux vivre ensemble et agir de concert. Il s’agit, d’ailleurs, de processus dynamiques où nous prenons en compte le bénéfice des découvertes qui se déclarent alors et qui nous font avancer en nous-mêmes aussi. Or il me semble qu’on s’efforce de moins en moins de rechercher des coexistences harmonieuses. L’ère du soupçon et du conflit se déploie sans vergogne à tout propos, comme si nous poursuivions, dans l’espace social et avec la même intensité, des scènes virtuelles de jeux vidéo. N’a-t-on pas le sentiment que les empreintes caricaturales gagnent partout du terrain ?

La relativité liée au caractère imparfait et limité des connaissances humaines devrait stimuler notre appétit pour des enrichissements pluriels et un tantinet paradoxaux. Il ne s’agit pas de réputer l’égalité des opinions, ce qu’on appelle « l’équipollence », mais l’égalité des droits à l’opinion, pour autant qu’on accepte de se livrer à des discussions loyales et argumentées, en gardant à l’esprit qu’au cours du temps, bien des audaces sont devenues des poncifs, sans pour autant congédier toujours l’ancien pour le nouveau. Certes, tout ne se vaut pas mais rien a priori n’est à rejeter en bloc. La relativité de nos conceptions ne saurait nous inciter à tout confondre, à verser dans une sorte de relativisme désenchanté mais bien plutôt à définir des voies prospectives à des exigences façonnées en commun, certes vouées à être reprises indéfiniment dans cette dialectique inhérente au mouvement même de l’Histoire. Il ne faut pas s’y tromper ni vouloir tromper son monde, en usant abusivement d’inflexions péjoratives : au sens où je l’entends ici, relativité n’est pas relativisme.

Match numérique contre humains : 1-0, mais pourquoi ?

Nos besoins génétiques ou actuels trouvent leur satisfaction dans le modèle actuel des plateformes. Le comprendre permettra de réagir. Les milliers d’années d’évolution qui nous ont précédés ont gravé quelques points-clé de l’espèce dans nos gènes. Le cerveau humain est programmé pour poursuivre quelques objectifs essentiels, basiques, liés à sa survie à brève échéance : manger, se reproduire, acquérir du pouvoir, le faire avec un minimum d’efforts et glaner un maximum d’informations sur son environnement.

Ces cinq objectifs sont désignés comme « renforçateurs primaires ». Le mécanisme passe par le « circuit de la récompense » et implique la dopamine. Nous en parlions plus longuement dans un article précédent.

Ces automatismes sont exploités par les concepteurs des grandes plateformes (GAFAM et autres) afin d’en faire des addictions. Un mécanisme central est la captologie, ensemble des techniques utilisées pour prolonger au maximum notre présence sur un site internet. Et tant pis (pour nous) si notre attention moyenne retombe à quelques secondes, tels des poissons rouges. Adultes, nous n’avons qu’à nous en prendre à nous-mêmes. Mais pour les enfants on assure que les dégâts seront plus longs à réparer, si on y arrive.

De nombreux essayistes, sociologues, psychologues, etc. se sont penchés sur ces mécanismes.

Gérald Bronner fut un de premiers à tirer la sonnette d’alarme avec sa « démocratie des crédules », suivi par Bruno Patino et sa «  civilisation du poisson rouge ». Une première réaction intéressante fut la montée des sites de vulgarisation scientifique focalisés sur le « débunkage » des vérités approximatives qui gangrènent internet. Là encore, les inquiétudes concernent surtout les jeunes. Anciennement l’éducation comportait une bonne partie de données culturelles (histoire, géo, bio, littérature) à ingurgiter. Beaucoup s’apitoyaient donc sur ce traitement inhumain et manipulatoire dont on farcissait ces pauvres têtes blondes. Résultat, actuellement, tous savent que Wikipedia contient pas mal de choses à peu près correctes, mais bien peu de jeunes y vont. Et ces pages blanches se jettent donc sur l’océan de contre-vérités, fake news et propagandes insidieuses que l’on trouve sur TikTok

Alain Damasio, auteur de SF, sait quels récits captent l’attention.

Il sait aussi que le futur fait toujours recette. Il a voulu comprendre comment fonctionne le business dans la Silicon Valley. Son voyage d’étude et son œil averti lui a inspiré son «  la vallée du silicium ». Il ne perd pas de vue que nos siliceux ne s’intéressent qu’aux processus rentables. Comment faire ? Il s’agit de susciter de gros volumes d’échanges entre les internautes, en se plaçant toujours entre eux. Il s’agit donc de créer des communautés dans lesquelles les individus ont un certain plaisir de groupe, mais sans que les rapports soient étroits. En effet, si les gens se rencontrent physiquement ensuite, pas de rentrée d’argent pour la plateforme !  Et, deuxième sanction, pas de data enregistrée à exploiter pour le profit de demain. Pour obtenir cela, on va au besoin prendre des pans entiers de vécu et les simuler (cas des jeux vidéo ou du Métavers). Il faut à tout prix que cela passe par une plateforme qui touchera des bénéfices, à la vente du matériel, à son usage en ligne, à la revente de votre profil. Pour vous convaincre que c’est la bonne façon de faire, on vous rappellera que tout ce paradis est portable via votre smartphone.

Les addictions sont créées le plus rapidement et profondément si elles impliquent les renforçateurs primaires évoqués ci-dessus. Le porno est bien sûr celui qui est lié au besoin de reproduction et aux plaisirs dont l’évolution nous a dotés pour faire la promotion de la chose. Les inconvénients de la reproduction on les découvre plus tard.

Les jeux vidéo permettent de croire un instant que le pouvoir nous appartient, ou au moins que le plaisir du jeu est présent, permettant par occupation constante d’oublier un peu notre environnement angoissant.

Obtenir des plaisirs sans effort c’est la promesse permanente de la technologie.

Elle nous augmente nos périodes d’oisiveté et/ou de boulimie, flattant  les renforçateurs correspondants, car l’évolution ne nous a pas avertis génétiquement des dangers de l’obésité et du diabète. Remarque en passant : tout à notre désir d’oisiveté, nous avons aussi négligé le fait qu’à chaque sous-traitance supplémentaire vers les machines, nous perdons un savoir-faire et un savoir, et augmentons notre dépendance. Les suites de l’intelligence artificielle risquent d’être douloureuses, surtout si nous retournons dans des situations de guerre.

Acquérir toujours plus d’info fait aussi partie du package de nos renforçateurs. Le réseau X (ex-Twitter) marche toujours bien, on peut y rajouter bien d’autres plateformes, dont les diffuseurs de nouvelles complotistes, permettant aux adeptes de se voir dans le petit cercle des initiés. Tiens, initiés ? Soyons en certains, le parfum de secret (affadi, depuis le temps) a joué en rôle dans la pérennisation de notre ordre. Bref, tout est en place pour que ce phénomène des plateformes survive pour un bon moment.

Il correspond aux besoins du business, on l’a vu.

Il matche avec nos faiblesses génétiques, on l’a vu également. Et un troisième trait apparaît : le modèle des bulles permet un communautarisme, mais permet aussi de maintenir la distance entre individus, angoisses sécuritaires et sanitaires obligent. À moins qu’il ne s’agisse que de l’individualisme qui a tout envahi ? Ce modèle réduit aussi progressivement le besoin de déplacements physiques :  ne travaillerons-nous demain qu’à domicile ? Et idem pour les consultations médicales ? Et pareil pour les loisirs ? C’est déjà un peu le cas avec notre société « Netflixée ».

Il est peut-être temps de faire la liste des soumissions auxquelles nous avons consenti et de réexaminer les coûts/bénéfices associés à chacune et à leur total. La formule «  c’est qui le patron » suppose qu’on aime le confort de la maîtrise. Pour cela, il faut obligatoirement passer par les stades d’apprenti  (sage) et de compagnon (nage).