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Équilibre entre travail profane et recherche maçonnique dans la franc-maçonnerie d’aujourd’hui

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De notre confrère italien expartibus.it – Par Rosmunda Cristiano

La franc-maçonnerie cherche à faire de ses membres des hommes plus éclairés, plus forts, plus disposés à travailler individuellement et en commun pour le bien-être de la société humaine, de manière à susciter parmi des personnes qui autrement seraient séparées par le rang, la fortune, la profession, les opinions politiques et religieux, les sentiments de solidarité qui naissent de la participation aux mêmes traditions et aux mêmes rites.i

De plus, des conséquences pratiques découlent de cette Fraternité, tant du point de vue de la tolérance mutuelle que de la solidarité. Chez les Néophytes cela renforce le sentiment du Devoir. Il rappelle aux initiés les graves problèmes liés à l’ordre universel et à la destinée de l’Homme.

Nobody is Perfect
Nobody is Perfect – Perfection

L’atteinte de la perfection maçonnique n’est permise qu’après une transformation spirituelle intégrale, qui implique l’abandon de la personnalité individuelle, particulièrement ressenti surtout chez les peuples latins, pour s’orienter vers la conception d’un élément d’une communauté à laquelle tout est dû, sans le droit de demander quoi que ce soit. Pour être cohérent avec la finalité primitive et donc naturelle de « obtenir, réaliser », il faut remplacer celle de « donner, offrir, aider ».

Si l’orientation spirituelle nécessaire pour devenir un vrai maçon n’était pas facile dans le passé, lorsque la vie se déroulait plus calmement et était circonscrite de manière relativement plus restreinte, elle est aujourd’hui beaucoup plus difficile, en raison de l’existence absorbante et écrasante qu’elle a suscitée. être obligés de diriger, ce qui demande une grande quantité d’énergie qui, parfois, monopolise.

Il existe certainement d’autres institutions qui poursuivent des objectifs similaires. Même en dehors des religions positives, qui poursuivent ces mêmes buts, il existe de nombreuses associations qui, sous les dénominations les plus diverses, proposent l’éducation individuelle de leurs membres et l’amélioration générale de la communauté, sur des bases scientifiques, artistiques et philosophiques. .et la moralité ; d’autres qui s’efforcent de réaliser différentes formes de mutualité, d’autres encore, comme les cercles amicaux, qui correspondent toujours à l’instinct de la société humaine.

La franc-maçonnerie rapproche tout cela, en l’éloignant de la pratique d’un symbolisme qui, à son tour, forme son caractère distinctif et constitue sa démarche éducative.

Quiconque désire devenir maçon doit être assidu dans sa profession et fidèle au Maître qu’il sert. Il doit travailler animé par le sens de la justice et ne doit pas manger traîtreusement le pain des autres, mais payer honnêtement ce qu’il mange.

Le citoyen pacifique franc-maçon ne doit pas prendre part à des complots ou à des conspirations contre la paix et le bien-être de la Patrie.

La franc-maçonnerie a toujours prospéré en temps de paix et a toujours subi les dégâts des guerres et des révolutions.

La franc-maçonnerie comme centre d’union, conséquence d’une amitié sincère entre des hommes, qui, en dehors d’elle, auraient été constamment séparés les uns des autres.

L’œuvre morale et sociale de la Franc-Maçonnerie a son plus grand fondement sur l’Amour, c’est-à-dire par Amour l’acceptation du prochain tel qu’il est, avec ses maux physiques et moraux, avec son bien et son mal, un Amour qui devient don de soi à d’autres, pour alléger leurs souffrances, pour tenter de résoudre leurs problèmes.

Il est évident que tout cela ne sera pas réalisé si vous n’êtes pas en paix avec vous-même et si vous ne vous aimez pas d’abord, non pas dans un sens égoïste, mais toujours dans le sens de vous accepter et de vous tempérer face à une adversité continue. . Avant d’aimer les autres, il faut faire un travail d’autocritique pour tenter de s’améliorer, bannir les préjugés, pour enfin se voir reflété chez les autres !

L’amour est une vérité qui constitue la base spirituelle de toutes les autres vérités et sans laquelle le bonheur et la justice sont très difficiles. La Bonté y est connectée.

Plus que le génie, la bonté donne la mesure de la grandeur de l’âme, plus que la beauté elle donne au visage même de l’homme un attrait invincible. Les francs-maçons apportent un soulagement efficace aux malheureux. Sans cela, nous sommes à la merci de sentiments d’envie et de haine, genèse de l’intolérance politique et de l’hostilité à l’égard des réformes sociales de nombreux hommes. La tendance de la Franc-Maçonnerie pourrait facilement s’exprimer par cette expression : Bonté de la Maçonnerie.

Avec bienveillance envers les autres cela crée une joie intime.

Les vrais francs-maçons ont la Bonté dans le cœur et en échange ils reçoivent le plaisir peu fiable de « mains tenues » avec effusion et regards dans lesquels se lisent la sympathie et l’amour. Les francs-maçons n’admettent ni l’emphase des académies ni les irritations des clubs. La sérénité et la bonne humeur sont traditionnelles, au point que, depuis des siècles, le nom de franc-maçonnerie a donné l’idée du visage d’un diable, mais d’un diable joyeux et bon moment.

En soi, elle n’est pas une religion, mais précisément parce qu’elle est ouverte à tous les hommes sans distinction confessionnelle, elle a le droit de mettre en valeur le meilleur que chaque croyance a produit. Ce ne sont d’ailleurs pas les seules institutions auxquelles elle s’adresse. Il suffit de rappeler que la Franc-Maçonnerie rassemble tous les Rites, les traditions des entreprises et des associations professionnelles, qui constituent la première et la plus vigoureuse expression de solidarité sociale dans l’anarchie du Moyen Âge.

On y retrouve aussi le symbolisme de l’ancienne religion de Noé et des Patriarches, ainsi que les solennités de Cécére et d’Éleusis, d’Isis en Égypte, de Minerve à Athènes et l’esprit de chevalerie, qui personnifie les meilleurs côtés de la féodalité.

Telle est l’universalité incontestée de la Franc-Maçonnerie, qui utilise toutes ces créations du passé, ou du moins une partie de leurs légendes, de leurs symboles, de leurs cérémonies, pour en tirer les éléments d’une synthèse destinée à mettre en valeur les qualités et Vertus les plus nécessaires à L’homme : la pratique de la solidarité, la justification de la tolérance, l’apologie du devoir et du travail, les appels incessants aux lumières de la raison et de la conscience, la foi dans la liberté et le progrès.

Chaos dans la FM italienne : L’étrange cas du temple de Cosenza qui a coûté plus de 3 millions

De notre confrère iacchite.blog – par Saverio Di Giorno

Le moment est venu de revenir face au chaos de la franc-maçonnerie italienne. Cette affaire est loin d’être apaisée. L’élection de Tonino Seminario, protégé de l’ancien Grand Maître Bisi et proche de Bellantoni, homme fort de la franc-maçonnerie calabraise a soulevé un nid de frelons.

Depuis quelque temps, la franc-maçonnerie espère un changement de direction et un souffle de transparence qui la libérera des pièges et des caillots du pouvoir. Non seulement il existe désormais une division totale au sein du gouvernement indien, mais cette division se poursuit à travers les dossiers, les papiers tamponnés et les tribunaux internes. Les différentes sources et chaînes (notamment la chaîne télégraphique maçonnique italienne News après la suppression de la précédente) produisent des infos différentes.

Quiconque critique est jugé dans… Vibo.

En réponse, les dirigeants procèdent dans deux directions : en élevant et en promouvant les fidèles (170 francs-maçons ont été élevés rien qu’en Calabre) et vice versa en expulsant (quand ils ne partent pas d’eux-mêmes) ceux qui critiquent ou parlent de questions inabordables. La Calabre devient le centre de gestion de la franc-maçonnerie italienne. Le dernier cas, et peut-être le plus intéressant, concerne le notaire franc-maçon de Messine Magno qui a déclaré le 7 juin : 

La mentalité mafieuse est ici, entre des colonnes. Cela fait partie des appels téléphoniques menaçants, avec lesquels les gens tentent de savoir qui participe à une conversation. C’est dans le cadre de ces inspections qui n’ont ni sens ni raison. C’est de la mafia, mes frères, c’est de la mafia et des abus de certaines positions pour semer la peur. En Sicile et en Calabre et nulle part ailleurs (…). Je vous assure que c’est la réalité. Est-il nécessaire de réitérer que le fait de ne pas avoir mené une condamnation ferme du phénomène mafieux avec des initiatives importantes a alimenté l’utilisation d’un terme qui offense nous tous et ceux qui nous ont précédés entre les colonnes ?

Il va sans dire que ces paroles ont été considérées comme d’une gravité sans précédent. Et puis le frère a été inculpé. En plus de bien décrire le climat au sein du GOI. Parmi les différents passages accusés, il y en a aussi un qui concerne  Cosenza et le coût exorbitant de la maison maçonnique : trois millions trois cent mille euros. Considéré par beaucoup comme absolument hors marché.

Quoi qu’il en soit, le notaire accusé devait initialement être jugé dans sa Sicile natale. Le processus interne est ensuite déplacé vers Vibo. Ironie du sort. Lieu extrêmement médiatisé en raison des nombreuses enquêtes (une avant tout : La Renaissance de Scott et le rôle de Pittelli). Iacchite’ vous avait parlé en exclusivité d’un dossier très délicat qui concernait un déficit de dépenses pour la maison maçonnique de Vibo. Il manque de l’argent dont personne ne sait ce qui lui est arrivé.

Dossiers, plaintes et rencontres

On apprend que ce dossier, constitué au sein même de la franc-maçonnerie, n’est pas le seul. En réalité, la guerre fratricide a conduit beaucoup à vouloir dire ce qu’ils savent, à rendre compte des réunions et de l’utilisation des fonds. Et surtout d’esquisser des techniques assez grasses. Le système est très simple : à chaque événement ou œuvre les chiffres augmentent (qu’il s’agisse d’une collecte de fonds, d’une simple modernisation d’une structure, de la présentation d’un livre) et proviennent de dons. Ensuite, cet argent est géré par des entités satellites (fondations, organismes, associations) qui peuvent être rattachées d’une manière ou d’une autre aux frères qui obtiendraient donc un supplément soit directement, soit par des emplois, des commissions, etc. Il semble que cela se produise également, par exemple, à Milan, autour de la loge 681. Mais nous parlerons plus tard de rencontres (à Palmi par exemple), de lieux et de points d’échange entre des intérêts qui se chevauchent…

La question de l’identité traitée par le principe du « Bateau de Thésée »

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Le bateau de Thésée est une expérience de pensée philosophique concernant la notion d’identité. Elle imagine un bateau dont toutes les parties sont remplacées progressivement. Au bout d’un certain temps, le bateau ne contient plus aucune de ses parties d’origine. La question est alors de savoir s’il s’agit du même bateau ou d’un bateau différent.

Le bateau de Thésée est une illustration d’un problème philosophique plus général : un objet dont tous les composants sont remplacés par d’autres reste-t-il le même objet ? D’autres illustrations en existent, comme celle du « couteau de saint Hubert » appelé aussi « couteau de Janot ».

L’expérience du bateau de Thésée est utilisée depuis l’Antiquité et a été reprise par de nombreux philosophes à l’époque moderne. Elle tire son nom du héros grec Thésée :

Selon la légende, son bateau aurait été réparé un grand nombre de fois, au point de ne plus avoir une seule pièce d’origine.

La légende

La légende du bateau de Thésée est évoquée par Plutarque dans Vies des hommes illustres. Thésée serait parti d’Athènes combattre le Minotaure. À son retour, vainqueur, son bateau aurait été préservé par les Athéniens : ils retiraient les planches usées et les remplaçaient — de sorte que le bateau resplendissait encore des siècles plus tard — jusqu’au point où il ne restait plus aucune planche d’origine. Deux points de vue s’opposèrent alors : les uns disaient que ce bateau était le même, les autres que l’entretien en avait fait un tout autre bateau.

« Le navire à trente rames sur lequel Thésée s’était embarqué avec les jeunes enfants, et qui le ramena heureusement à Athènes, fut conservé par les Athéniens jusqu’au temps de Démétrius de Phalère. Ils en ôtaient les pièces de bois, à mesure qu’elles vieillissaient, et ils les remplaçaient par des pièces neuves, solidement enchâssées. Aussi les philosophes, dans leurs disputes sur la nature des choses qui s’augmentent, citent-ils ce navire comme un exemple de doute, et soutiennent-ils, les uns qu’il reste le même, les autres qu’il ne reste pas le même. »

— Plutarque, Vies des hommes illustres

Portée philosophique

Le problème est de savoir si le changement de matière implique un changement d’identité, ou si l’identité serait conservée par la forme, ou encore d’une autre façon. Il y a une autre question, corollaire : si on avait gardé les planches du bateau et qu’avec, on en avait reconstruit un autre, lequel serait le vrai bateau ; cette hypothèse est formulée par Thomas Hobbes (De corpore). Le bateau de Thésée n’aurait pu rester identique à lui-même que s’il était resté à quai, constamment entretenu, et dans ce cas, même si aucune pièce ne subsistait du bateau d’origine, c’est bien ce bateau-là qui aurait été le témoin de l’aventure de Thésée.

(Source Wikipedia)

Confrontons-nous, d’abord, à nous-même pour mieux affronter le monde

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(Les « éditos » de Christian Roblin paraissent le 1er et le 15 de chaque mois.)

Je me suis saisi de deux mots : l’absurde et le mystère. Adornés de majuscules et dans cet ordre, ils forment le titre d’un petit livre où le philosophe chrétien Jean Guitton, de l’Académie française, témoignait, à la fin du siècle dernier, des entretiens qu’il avait eus avec le Président François Mitterrand, au sujet du sens de la vie, dialogue où Dieu tenait une place centrale entre celui qui, par son cœur, penchait vers le mystère et celui qui, par sa raison, penchait vers l’absurde[1].

Sans doute, le substrat des deux mots que j’ai retenus pour cette chronique restera-t-il imprégné des valeurs de ces échanges, tout bonnement aussi parce que, dans la pensée contemporaine, ils illustrent des convictions opposées. Pour ma part, je m’efforcerai, d’un point de vue que j’espère initiatique, d’en découvrir un autre usage.

On a tous plus ou moins commenté, au lycée[2], des citations d’Albert Camus, dont peut-être celle-ci : « L’absurde dépend autant de l’homme que du monde. Il est pour le moment leur seul lien. Il les scelle l’un à l’autre comme la haine seule peut river les êtres. C’est tout ce que je puis discerner clairement dans cet univers sans mesure où mon aventure se poursuit[3] ».

Il apparaît donc que ce sentiment de l’absurde résulte de l’état d’hébétude où nous plonge notre incompréhension des situations complexes où nous nous trouvons, ainsi que d’une sorte de frustration infantile à ne pas comprendre instantanément ou relativement rapidement les phénomènes que nous observons, tout cela, il faut bien le dire, dans cette soif perpétuelle d’étancher notre angoisse de la mort.

Tout paraît irrationnel, en effet, parce que nous ne nous appliquons pas à analyser les équilibres de la vie, la subtile imbrication des écosystèmes, au-delà de la violence qui les régule séparément ou dans leurs rapports de proximité, et plus globalement les lois de la physique qui régissent l’univers. De même, en chaussant les seules lunettes de notre espèce, nous n’envisageons que depuis notre propre camp, les forces déraisonnables que déclenchent les hommes entre eux.

Pour ma part, si, dans la même page, Camus invoque « ce désir éperdu de clarté dont l’appel résonne au plus profond de l’homme[4] », j’ai la faiblesse de penser qu’à notre niveau, nous avons moyen d’y répondre largement, en cultivant en toutes choses une volonté d’harmonie. Si nous le faisions de façon régulière, nous aurions davantage de clés pour assumer les mystères de la vie, vivre en paix avec la Nature et corriger notre cruauté morbide à nous dominer les uns les autres.

Souvenons-nous qu’absurde, du latin absurdus, a pour sens primitif quelque chose de « dissonant[5] ». Sans doute n’ajustons-nous pas notre oreille pour distinguer les sons dans la rumeur du monde. Nous sommes sourds… qui se dit en latin surdus.  La métaphore laisse bien « entendre » que ce qui échappe à l’oreille échappe à… « l’entendement ». Éveillons donc nos sens et notre esprit. Apprenons à nous détacher des passions et des préjugés pour recueillir signaux forts et signaux faibles, accueillir les causes majeures et les raisons mineures, développer des logiques complètes débouchant sur des pensées et des actions adaptées.

Et, quand le hasard nous interroge, nous bouscule ou nous percute, ayons conscience de la complexité du réel dans son déploiement, des chocs inévitables et imprévisibles qui se produisent dans les multiples « rencontres  de séries de causes indépendantes », ainsi que Cournot définissait le hasard. Il y a trop d’éléments évoluant dans des systèmes différents. S’ils étaient tous coordonnés, songeons qu’il n’y aurait plus que des nécessités et toute liberté serait perdue. Dès lors, à quoi bon, la vie ?

Cependant, en définitive et en dernière analyse, il y a toujours une source à la Lumière, même si nous ne pouvons que l’approcher sans la percer. Acceptons de n’être que des hommes. Admettons, à l’évidence, que des principes abstraits puissent indéfiniment dépasser nos capacités d’intelligence. Quelque persévérants que nous soyons, restons modestes. C’est, à la mesure de ce que nous sommes, la condition de notre progrès.

Et c’est bien en cela que nous acceptons le mystère, que nous en sommes les disciples. En effet, le mot mystère désigne en grec (μυστήριον , mustêrion) une « chose secrète » voire une « chose tenue secrète », qui se dévoile partiellement à « l’initié » (au μύστης , mústês), c’est-à-dire au cherchant qui s’arme de probité et de patience pour découvrir le caractère profond des êtres et des choses, les vertus inhérentes à toutes les forces qui animent l’univers.  

Alors, commençons par le début… par l’initiation : confrontons-nous, d’abord, à nous-même pour mieux affronter le monde.


[1] Jean Guitton, L’Absurde et le mystère, Flammarion, 1997, 118 p.

[2] Sans allusion au pamphlet de Jean-Jacques Brochier, ‎Albert Camus philosophe pour classes terminales, ‎André Balland éd., 1970, 178 p. On peut en compléter la lecture par Jean-Luc Moreau, Camus l’intouchable. Polémiques et complicités, éd. Écritures, 2010, 257 p., qui retrace les polémiques qui ont jalonné la vie du prix Nobel de littérature 1957.

[3] Albert Camus, Le Mythe de Sisyphe, Gallimard, 1942, p. 37. Il n’est peut-être pas indifférent de noter que cet essai paraît en pleine guerre mondiale, au moment où le nazisme triomphe encore sur tous les fronts…

[4] Ibid.

[5] Cf. Cicéron, De Oratore, 3, 41.

« Arcana » : La BD initiatique entre Tarot, prophéties et destinées croisées…

Nous vous avons déjà annoncé 450.fm pour la rentrée maçonnique, et cette saison s’annonce particulièrement riche en nouveautés. Pour inaugurer de nouvelles thématiques, nous avons sélectionné un ensemble d’œuvres variées, allant de la bande dessinée au cinéma, en passant par des vidéos captivantes. De quoi plaire à un large auditoire, et surtout attirer l’attention des jeunes initiés ou des profanes curieux. Ces supports permettront d’explorer des symboliques profondes tout en rendant ces thèmes accessibles à tous, grâce à un prisme artistique et contemporain.

Arcana, késako ?

Le mot arcana est un terme latin qui signifie mystères ou secrets. Il est souvent utilisé dans le contexte des arts occultes, de la magie ou du mysticisme. En particulier, dans l’univers du tarot, le terme « arcanes » se réfère aux cartes majeures et mineures qui constituent le jeu.

Les Arcanes Majeurs sont les 22 cartes principales du tarot, représentant des archétypes puissants et des aspects fondamentaux de la vie, comme la Mort, le Soleil, l’Amoureux, etc. Ces cartes symbolisent des étapes majeures ou des leçons profondes dans un parcours spirituel ou personnel.

Les Arcanes Mineurs, quant à eux, sont les 56 cartes restantes, organisées en quatre séries (bâtons, coupes, épées et deniers). Elles représentent des événements quotidiens ou des influences plus subtiles.

Dans des contextes plus larges, le terme arcana est souvent utilisé pour désigner des savoirs ou des connaissances cachés, souvent associés à des pratiques ésotériques ou des traditions secrètes.

Le Coven du Tarot, le 1er volume d’Arcana

L’univers d’Arcana s’ouvre avec ce premier tome, Le Coven du Tarot, qui introduit avec brio une aventure fascinante peuplée de magie, de prophéties et de mystères. Serena Blasco, fidèle à son talent de conteuse et de dessinatrice, nous transporte dans un monde imaginaire où le destin des deux héroïnes, Fauna et Flora, se tisse autour des Arcanes Majeurs et d’une terrible prophétie.

L’histoire commence sur un fond de séparation. Fauna vit sur l’île de Bâtons, tandis que sa sœur jumelle, Flora, vit sur l’île d’Épées. Elles ignorent tout de leur parenté, un secret soigneusement gardé, jusqu’au jour où elles sont toutes deux désignées pour rejoindre les brigades des Arcanes Majeurs au sein du mystérieux Coven du Tarot. Dès leur arrivée sur l’île d’Arcana, leur identité commune est révélée, et cette découverte s’accompagne d’une multitude de questions et de périls. Blasco tisse habilement les liens de la destinée de ces deux jeunes filles, qui devront naviguer dans un environnement empreint de danger, tout en essayant de comprendre leurs dons respectifs et leur place dans cette société d’élus.

Le récit se déploie à travers une intrigue où chaque élément est minutieusement réfléchi. La découverte de leur parenté, couplée à leur formation dans le Coven, les confronte non seulement à elles-mêmes, mais aussi à d’inquiétantes créatures qui semblent les traquer sans relâche. Une prophétie plane au-dessus d’elles, annonçant des épreuves à venir, et le lecteur est captivé par cette tension croissante qui fait de chaque page une nouvelle découverte.

Serena Blasco réussit également à insuffler une grande profondeur psychologique à ses personnages, malgré l’apparente légèreté du cadre fantastique. Fauna et Flora, bien qu’étant des jumelles, sont des figures contrastées : l’une est douce, presque insouciante, tandis que l’autre se révèle plus sombre, en proie à des doutes et des questionnements existentiels. Ce contraste nourrit le dynamisme du récit et permet au lecteur de s’identifier aux luttes internes que chacune des sœurs traverse. Leur cheminement personnel est tout autant un voyage initiatique qu’une lutte contre des forces extérieures.

Loin d’être une simple introduction, ce premier tome pose également les jalons d’un univers vaste et complexe. Le Coven du Tarot, lieu de formation des Arcanes Majeurs, est un espace à la fois mystérieux et redouté, où la magie est omniprésente. Chaque apprentissage y est une épreuve, chaque défi semble cacher une vérité plus profonde, et c’est ce mystère qui anime le lecteur à vouloir en savoir plus. Blasco maîtrise l’art de la mise en scène avec un talent indéniable pour le suspense et la création d’atmosphères.

L’aspect visuel de l’œuvre est tout aussi captivant que son scénario. Serena Blasco, en tant que dessinatrice et coloriste, a su rendre l’univers des Arcanes visuellement éblouissant. Chaque île, chaque personnage, chaque créature est dépeint avec un souci du détail qui apporte une dimension immersive à la lecture. Les couleurs vibrantes, les paysages fantastiques et l’iconographie des cartes du Tarot offrent un cadre riche et envoûtant qui amplifie l’expérience narrative. La symbolique des cartes du Tarot, omniprésente, ajoute une couche supplémentaire d’interprétation à l’histoire, ce qui ravira les amateurs de mysticisme et de cartomancie.

Le Parcours du Fou, le volume 2

Le deuxième tome, Le Parcours du Fou, s’inscrit dans la continuité de ce premier opus en amplifiant les enjeux et en poussant les personnages dans leurs derniers retranchements. Fauna et Flora, après avoir découvert leur lien familial et survécu à des épreuves mortelles, doivent maintenant participer à une nouvelle série de défis, symbolisés par les 21 portes des Arcanes Majeurs.

Le parcours initiatique devient alors encore plus intense, car il ne s’agit plus seulement de maîtriser leurs pouvoirs, mais aussi de faire face à leurs plus grandes peurs. Cette épreuve collective, sous la forme d’un tournoi presque, met en lumière les rivalités, les amitiés et les trahisons au sein du Coven, tout en révélant progressivement les véritables enjeux politiques et mystiques de l’ordre des Arcanes.

Les Cauchemars de la Lune, 3e et dernier volume

Enfin, le troisième tome, Les Cauchemars de la Lune, constitue une conclusion épique à cette trilogie. L’élévation des deux sœurs aux rangs d’Arcanes Majeurs ne signifie pas la fin de leurs épreuves. Fauna, devenue Grande Prêtresse, est rapidement confrontée aux intrigues laissées par sa prédécesseure, tandis que Flora, critiquée pour sa nouvelle place en tant qu’Arcane de la Mort, doit se confronter à elle-même et partir sur l’île des Sept Sommets, une quête personnelle qui va la transformer. Blasco propose ici une réflexion plus intime sur le pouvoir, l’identité et la solitude. Le monde extérieur, bien que toujours menaçant, semble alors passer au second plan pour faire place à un approfondissement des thèmes psychologiques et émotionnels des personnages.

L’intrigue ne perd jamais en tension, et le dénouement, marqué par l’union symbolique de la Lune et de la Tour, marque un final inattendu et riche en rebondissements. Cette fin reste ouverte, laissant la possibilité d’une suite ou d’un univers plus vaste encore à explorer.

Nous avons été particulièrement séduits par la finesse des traits de dessin de Serena Blasco, qui apporte une délicatesse et une précision rares à chaque planche. Les personnages et les décors sont détaillés avec une telle minutie que l’on se sent immédiatement transporté dans l’univers d’Arcana. De plus, les couleurs, riches et vibrantes, sont soigneusement choisies pour renforcer l’aspect mystique et symbolique du récit. Chaque nuance semble chargée de sens, rendant hommage à la profondeur des arcanes et à l’esthétique du tarot, conférant à l’ensemble une atmosphère envoûtante et immersive.

Nous recommandons Arcana à partir de l’âge de 9 ans. Bien que l’intrigue soit dense et pleine de mystères, l’histoire reste accessible aux jeunes lecteurs grâce à la clarté des dialogues, à l’attrait visuel des illustrations, et à un univers magique captivant. Les thématiques, tout en abordant des enjeux émotionnels et initiatiques, sont traitées avec subtilité et conviennent parfaitement à un jeune public, tout en offrant plusieurs niveaux de lecture.

Serena Blasco

Serena Blasco, la bio

Serena Blasco est une artiste accomplie, passionnée depuis son enfance par le dessin et l’art sous toutes ses formes. Influencée par sa famille d’artistes, elle évolue très jeune dans un univers créatif. Après un passage par l’École des arts appliqués d’Aix-en-Provence, elle se tourne vers le graphisme et la bande dessinée. Ses premières œuvres, telles que « Lili Chantilly », l’introduisent dans le milieu de l’édition jeunesse, mais c’est surtout l’adaptation des romans Enola Holmes de Nancy Springer en bande dessinée qui marque un tournant décisif dans sa carrière. Serena Blasco sait capturer l’essence des récits fantastiques et mystérieux, à la fois dans ses dessins et dans ses scénarios. Avec la série Arcana, elle explore un nouvel univers, celui de la magie et du tarot, tout en restant fidèle à son style visuel caractéristique, coloré et détaillé.

Drakoo, l’éditeur

Les Éditions Drakoo, spécialisées dans les récits fantastiques et les bandes dessinées de genre, se sont rapidement imposées comme une référence dans l’univers de l’imaginaire. Créé en 2019, ce label rassemble des auteurs et des artistes talentueux pour proposer des œuvres aux univers riches et variés, mêlant magie, aventure et science-fiction. L’éditeur se distingue par une ligne éditoriale ambitieuse, privilégiant des histoires fortes avec des illustrations de grande qualité.

Arcana – Le Coven du Tarot Tome 1 : Arcana – vol. 01/3

Serena BlascoDrakoo, 2021, 120 pages, 9,90 €

Arcana – Le parcours du fou Tome 2 : Arcana – vol. 02/3

Serena Blasco – Drakoo, 2023, 120 pages, 16,90 €

Arcana – Les cauchemars de la Lune : Arcana – vol. 03/3

Serena Blasco Drakoo, 2024, 176 pages, 24,90 €

Drakoo, le site.

Anniversaire des 140 ans de la plus ancienne loge maçonnique en ariége

De notre confrère gazette-ariegeoise.fr

La Fraternité Latine, la loge maçonnique la plus ancienne encore active en Ariège, a vu ses lumières s’allumer le 21 septembre 1884. Cet anniversaire a été marqué le 21 septembre 2024 par une cérémonie blanche fermée, rassemblant les francs-maçons actuels.

Il y a 140 ans, un petit groupe se réunissait dans une maison du centre de Foix pour fonder ce qui est aujourd’hui la plus ancienne loge maçonnique en activité dans le département : la Confrérie Latine, affiliée à l’obédience du Grand Orient de France (GODF).

Le GODF, aujourd’hui la plus grande obédience maçonnique en France, regroupe plus de 52 000 membres, hommes et femmes, répartis dans plus de 1 426 loges. Ses valeurs essentielles – telles que l’idéal républicain, la laïcité permettant la liberté de croyance ou de non-croyance, la liberté absolue de conscience, les principes démocratiques, et l’humanisme hérité des Lumières – ont trouvé en Ariège un environnement favorable, faisant peu à peu de ce département une terre historiquement liée à la franc-maçonnerie.

Lors de la cérémonie, l’historien Remy Pech, spécialiste de l’histoire de l’Occitanie et ancien président de l’Université de Toulouse le Mirail, a tenu une conférence sur Jean Jaurès, dont il est l’un des plus éminents spécialistes contemporains, en présence de conseillers de l’Ordre, parmi lesquels le Grand Maître Adjoint.

Pour l’anecdote, l’Ariégeois Auguste Delpech (1846-1935), enseignant, journaliste et sénateur de l’Ariège, qui fut membre de la Confrérie Latine et Grand Maître du Grand Orient de France en 1902-1903, a compté parmi les enseignants de Jean Jaurès. (source d’information sur le site)

Women’s Trust soutient les victimes d’abus sexuels à Londres avec l’aide des francs-maçons

De notre confrère charitytoday.co.uk

Basée à WESTMINISTER, Woman’s Trust est une association caritative qui aide les femmes victimes de violences domestiques à reconstruire leur vie grâce à des conseils spécialisés, des groupes de soutien thérapeutique et des ateliers psycho-éducatifs. Depuis sa création en 1996, elle a aidé plus de 19 600 femmes à travers Londres, en face à face dans des lieux à Westminster, Hammersmith & Fulham, Newham, Hackney et Tower Hamlets, ainsi que par des canaux à distance lorsque cela était approprié.

Alors que l’enquête sur la criminalité en Angleterre et au Pays de Galles estime que 1,4 million de femmes ont subi des violences domestiques au cours de l’année se terminant en mars 2023, le travail de Woman’s Trust ne pourrait jamais être plus important.

Lorsque les femmes viennent pour la première fois à Woman’s Trust, elles signalent de graves problèmes de santé mentale dus au traumatisme de l’abus : 48 % de leurs clientes déclarent souffrir de dépression, 21 % déclarent s’automutiler et 37 % déclarent avoir des pensées suicidaires. Les principaux résultats de leurs services consistent à aider les femmes à améliorer leur santé mentale, leur autonomie, à prendre soin d’elles-mêmes et à avoir des relations plus saines.

Woman’s Trust propose aux femmes jusqu’à 18 séances gratuites de conseil tenant compte des traumatismes, leur permettant de partager leurs expériences et d’être entendues sans jugement. Les femmes commencent à se voir sous un jour totalement nouveau et à apporter des changements positifs dans leur vie :

Témoignage client :

« Mon expérience a changé ma vie. Woman’s Trust m’a aidée à redécouvrir qui je suis et ce que je veux être. Redécouvrir la personne que j’avais perdue a été un parcours douloureux et épuisant, mais qui en valait la peine. Tout ce que je suis aujourd’hui a été alimenté par le soutien que j’ai reçu. Je suis maintenant conseillère qualifiée et je travaille avec des femmes et des enfants pour poursuivre le changement nécessaire ; ma part de ma place sur terre. »

La subvention de 10 000 £ de la London Freemasons Charity aidera à financer ce service essentiel pour les femmes de Londres, contribuant ainsi à réduire la mosaïque de prestations dans la capitale, où certains arrondissements bénéficient d’un soutien financier plus important que d’autres, ce qui en fait une loterie de codes postaux pour les femmes qui cherchent de l’aide.

Woman’s Trust propose également des groupes de soutien thérapeutique et des ateliers qui permettent aux femmes d’établir des liens avec d’autres personnes ayant vécu des expériences similaires, les aidant ainsi à sortir de l’isolement causé par les abus.

Témoignage client :

« Les échanges avec d’autres survivants m’ont permis de valider mes propres expériences et de me rendre compte que je n’étais pas seule. J’ai fait de grands progrès grâce au soutien de tous. »

Heidi Riedel, PDG de Woman’s Trust, a déclaré :

« Nous sommes extrêmement reconnaissants du financement accordé par l’association caritative des francs-maçons de Londres. Ce financement intervient alors que l’association et les femmes que nous aidons sont confrontées à des difficultés croissantes, la crise du coût de la vie augmentant leur isolement et affectant leur capacité à fuir.

« Ce type de soutien est une véritable bouée de sauvetage pour nous et nos clientes. Nous pouvons ainsi continuer à fournir un soutien en matière de santé mentale, par le biais de nos services de conseil spécialisés, aux femmes qui en ont le plus besoin, en les aidant à aller de l’avant et à reconstruire leur vie, sans subir de violence. »

Paul King, des francs-maçons de Londres, a déclaré :

« Nous sommes ravis de soutenir le travail de Woman’s Trust pour aider les femmes de Londres qui ont été victimes de violences conjugales. Ils ont un impact considérable sur la vie de milliers de personnes. »

Les aventures de Pierre-Paul, le candide (Épisode n°2)

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Texte de Pierre Pelle Le Croisa – Illustrations de François Morel.

« Qui sont-ils ? »

Trop boire noie la mémoire, dit-on. J’ai peut-être un peu abusé de cette eau-de-vin. Toujours est-il que je me retrouve ici, en toge[1], dans un banquet, avec mon thyrse[2] à pomme de pin à la main et ma couronne de feuilles de vigne plantée de guingois sur les yeux[3] !

Les convives sont nombreux. Il y a plein de gens autour de moi, avec de drôles d’habits ! Je les écoute : Les hommes portent le haut d’une toge – je crois qu’ils appellent cela un chemise -, et les femmes le bas de la toge – il me semble qu’elles parlent de robe.

À première vue, ce sont des miséreux : ils ne peuvent pas s’offrir la tenue complète, alors ils se la partagent en couple. Les maris – ceux qui portent la toge du haut – ont une espèce de ficelle qui leur noue le cou – une cravate, si j’ai bien compris – et des braies de Gaulois pour cacher leur intimité du bas – ils disent des pantalons. C’est vraiment étonnant !

…Oh, comme c’est dommage ! Ils ont abandonné le triclinium[4], le lit de table à trois – si pratique, après avoir bu, pour les ébats ! – en faveur de la chaise curule[5] en bois, sans bras : elle a le méchant tort d’éloigner des invités qui aimeraient sans doute, après bombance, passer de ribote en ribaudes !

UN DIEU CHASSE L’AUTRE.

Assis autour d’une table, ils portent de petites nappes blanches autour du cou, sur l’épaule ou sur le bras gauche. Bizarre ! Ils les nomment des « drapeaux[6] ». Le couteau en main qu’ils tiennent comme un « glaive[7] », ils lèvent des vases en verre (leurs « canons[8] » !), remplis d’un vin très rouge (de la « poudre forte[9] », disent-ils), en l’honneur d’un certain Grand Architecte de l’Univers. Il aurait – paraît-il – remplacé Yahvé, le dieu unique qui nous avait chassés.

Ça, c’est une bonne nouvelle ! Mais je n’arrive plus à suivre. Les évènements se bousculent. Quel chambardement dans la galaxie ! Après Zeus, Jupiter, Yahvé, voilà qu’apparaît maintenant un GADL’U (c’est son petit nom, en raccourci).

Je suis totalement perdu. Je ne sais plus lequel il faut adorer aujourd’hui. Être dieu, ça devient dangereux ! Il va falloir que je songe à me recycler…

LA LUMIÈRE DU GADL’U.

Un coup de maillet : le tonneau doit être en perce !

  • La lumière apparaît aux Apprentis.
  • Elle éclaire les Compagnons.
  • Elle illumine les Maîtres[10].

Les coups de maillets se succèdent, et les voix des officiants se répondent.

Mais… Mais c’est extraordinaire ! Je n’avais pas fait attention : on y voit comme en plein jour. Et sans les lampes à huile qui tachent les doigts et qui éclairent si peu ! Ils sont parvenus à coller au plafond des espèces de boules lumineuses qui rayonnent dans toute la pièce sans s’éteindre jamais. Comment ont-ils fait ?

Ah, le pauvre Phébus[11] ! Il est bien dépassé avec son soleil qui ne rayonne que le jour ! Et Prométhée[12], avec le feu qu’il a donné aux hommes, il ne fait assurément pas le foie ! – Oh, pardon ! Ma langue a fourché, je voulais dire : le poids ! -. Combien plus grand est le GADL’U, qui leur apporte de la lumière dans les ténèbres et qui met de la clarté dans leur nuit !

LE VÉNÉRABLE.

« À l’ordre de table[13], mes Frères. Haut les armes[14] ! En joue[15] ! Petit feu ! Buvons ! » s’écrie un homme qui porte autour du cou un licou coloré. Il est jeune, et ils le vénèrent sous le nom d’un vieux : « Vénérable », qu’ils le baptisent pour se moquer de lui.

C’est la preuve – s’il en était besoin – que je suis bien dans un symposion[16], un banquet ; car il n’y a qu’à la fête ou au carnaval que les rôles sont inversés : les esclaves jouent les maîtres, les rois font les fous et les vieillards retombent en enfance…

Il y a quand même quelque chose qui me surprend. Le banquet est un rituel sacré, lié à un sacrifice : il honore une divinité. C’est pour elle qu’on se lave les pieds[17] afin d’être pur pour s’en approcher. Or là, contrairement à la coutume, ils cachent leurs orteils, comme s’ils avaient peur de les montrer, dans des espèces de sandales fermées où ils les font mariner – des chaussures, prétendent-ils.

Il faut croire que les mœurs ont bien changé depuis que Jupiter s’en est allé…


[1] Toge romaine : Vêtement constitué d’une longue et seule pièce d’étoffe aux plis drapés, il est porté sur l’épaule gauche, ceinturé sur la poitrine (umbo), ramené sur le bras droit en demi-cercle (sinus) et rejeté sur l’épaule droite.

[2] Thyrse : Le thyrse est l’attribut principal de Dionysos. Sceptre orné de feuilles de lierre, il est surmonté d’une pomme de pin.

[3] Couronne de Bacchus : La représentation la plus connue de Bacchus est celle qu’en donne le tableau du Caravage (XVIème siècle). Le dieu, couronné de pampres de vigne, tient dans sa main un cratère rempli de vin.

[4] Triclinium : Ensemble de trois lits disposés en fer à cheval, ouvert sur le quatrième côté pour le service, le triclinium pouvait recevoir jusqu’à neuf personnes (trois par lit).

[5] Curule : La chaise curule est un siège dont les pieds entrecroisés, en forme d’esses allongées, sont recouverts de tissu. Elle est réservée aux notables dans la Rome antique (consuls, édiles, prêteurs, magistrats).

[6] Drapeaux : Ce sont les serviettes de table que les Apprentis portent sur l’avant-bras gauche, les Compagnons sur l’épaule gauche et que les Maîtres roulent autour du cou (rituels des banquets d’ordre).

[7] Glaives : Ils désignent les couteaux (rituels des banquets d’ordre).

[8] Canons : C’est un autre qualificatif pour désigner les verres (rituels des banquets d’ordre).

[9] Poudre forte : Il s’agit du vin (rituels des banquets d’ordre).

[10] Lumière : « La lumière apparaît aux Apprentis, elle éclaire les Compagnons, elle illumine les Maîtres » (ces phrases sont prononcées au début des travaux de table du banquet d’ordre du solstice d’été pour le « Rite Écossais Ancien et Accepté »).

[11] Phébus : Personnification divine du Soleil, assimilé à Apollon, Phoebos signifie « Le Brillant » en grec.

[12] Prométhée : Dans la mythologie grecque, Prométhée est un géant. Il apporte la civilisation aux hommes en leur offrant le feu sacré, réservé aux dieux. Pour le punir, Zeus l’enchaîne sur le mont Caucase. Chaque jour un aigle lui dévore le foie, qui repousse aussitôt absorbé.

[13] Ordre : « À l’ordre de table, mes Frères. Haut les armes ! En joue ! Petit feu ! Buvons !  » (ces expressions au « Rituel du  banquet d’ordre » du « Rite Français »).

Ordre : « À l’ordre de table, mes Frères. Haut les armes ! En joue ! Petit feu ! Buvons !  » (ces expressions sont extraites du « Rituel du  banquet d’ordre » du « Rite Français »).

[14] « Haut les armes ! » : Le verre plein est tenu dans une main, le bras tendu à l’horizontale, le couteau serré dans l’autre main (« Rituel du banquet d’ordre » du « rite Français »).

[15] « En joue ! » : Le bras replié, le verre au niveau des lèvres (« Rituel du banquet d’ordre » au « rite Français »).

[16] Symposion : Le symposion est « la seconde partie du banquet grec, celle pendant laquelle les convives buvaient » (« Larousse du XXème siècle », six volumes, 1928).

[17] Pieds nus : Chez les Romains, « lorsque le sacrifice était votif, le prêtre le faisait les cheveux épars, la robe détroussée et les pieds nus, parce que cet extérieur était celui des suppliants » (« Dictionnaire classique de l’Antiquité sacrée et profane » de M.-N. Bouillet, t. II, 1841).

« Je pense que certains hommes politiques feraient bien d’être francs-maçons »

De notre confrère portugais sol.sapo.pt

Après deux mandats en tant que Grand Maître du GLLP/GLRP, Armindo Azevedo affirme que la franc-maçonnerie est « une école de valeurs et de principes » et que « les hommes politiques vivent parfois la politique si intensément qu’ils oublient ce qui est important ». L’auteur du livre A Palavra ao Grão-Master revient sur son activité au cours des six dernières années.

Il a choisi « Fier d’être franc-maçon » comme devise de son leadership et vient de lancer le livre « La Parole au Grand Maître »… 

Cette devise s’est imposée comme une institution maçonnique régulière et différente de toutes les autres. Nous sommes venus du GOL [Grande Oriente Lusitano], en 1984, avec l’envie de retrouver la régularité au Portugal, parce qu’elle n’existait pas, elle avait été perdue. A cette époque, un groupe important de membres avait pour objectif principal de créer la Grande Loge Régulière du Portugal. Le processus n’a pas été facile au début, mais il a fini par être achevé en 1991. Lorsque j’ai pris mes fonctions, et j’avais déjà cela dans mon programme, j’ai pensé qu’il était très important que nous ressentions à nouveau, d’une part, ce que cela signifie être franc-maçon, mais, d’un autre côté, aussi ce que signifie être un franc-maçon régulier. Et rien de mieux que de réaffirmer notre fierté d’appartenir à une institution comme la Grande Loja Legal Regular de Portugal.

Était-il nécessaire de réaffirmer cette fierté ? 

Je considérais, à l’époque, qu’il y avait des frères, des membres qui n’avaient pas bien compris le rôle du franc-maçon, ce qu’on attendait du franc-maçon et quel était leur rôle dans la société. Mon objectif principal était d’apporter un esprit nouveau et de dire qu’il fallait sortir avec fierté et ensuite dire ce que nous comptions faire, c’est-à-dire avoir une plus grande ouverture sur la société. 

La franc-maçonnerie a toujours été accusée de pratiquer le secret…

Exactement, mais ça n’existe pas. Dans le livre, je parle de discrétion et non de secret. Tout est sur internet, même les rituels. Nous avons en effet une pratique rituelle propre aux francs-maçons et qui n’est connue que des francs-maçons qui la pratiquent, car c’est une chose d’avoir accès à un rituel dans une certaine mesure, une autre est de pratiquer ce même rituel, ce qui est complètement différent. Ce n’est pas la même chose de lire puis de pratiquer, d’autant plus qu’en lisant, on se retrouve avec beaucoup de doutes. Un langage plus crypté est également parfois utilisé, car nous n’avons pas à révéler toutes les parties significatives et importantes de nos rituels. Il m’a donc semblé important d’ouvrir la franc-maçonnerie à la société pour donner une idée claire de ce que nous sommes en tant que francs-maçons réguliers. Chaque fois que nous parlons de franc-maçonnerie, nous parlons en termes très globaux et ne prenons pas en compte les spécificités des différentes institutions, sinon nous aurions continué ensemble. Et nous ne sommes pas restés ensemble parce qu’il fallait tracer un chemin différent, celui de la régularité. Nous avons également tenté de parler de nous, mais de manière ouverte, calme et très éclairante, pour contribuer à changer cette mauvaise perception qu’ils ont de nous. 

Avec cette ouverture, y a-t-il moins de curiosité pour la franc-maçonnerie ? 

Ce phénomène est curieux, car il va à l’encontre de ce qui se passe dans le reste de l’Europe, pays où la démocratie et ses pouvoirs acceptent parfaitement la franc-maçonnerie. Nous avons grandi et je pense que nous avons créé un plus grand désir d’adhésion avec cette ouverture et il suffit de dire qu’au cours de cette période de deux mandats, nous avons presque augmenté d’environ deux mille membres et que le nombre de Loges a également augmenté d’un parcelle.

Combien de membres avez-vous ? 

Nous disposons d’environ quatre mille 156 magasins répartis dans tout le pays, y compris à Madère et aux Açores. Nous avons également une Loge en Guinée-Bissau, qui est sous notre juridiction, deux au Cap-Vert, deux en Angola, une à São Tomé et Príncipe et nous avons contribué à la consécration de la Grande Loge du Mozambique. Nous avons aussi un magasin à Macao, peut-être avons-nous éveillé chez les gens le désir d’adhérer à nos principes et valeurs, c’est ce qui nous intéresse. 

Il y a encore des résistances à l’entrée des femmes… 

Ce n’est pas de la résistance et pour nous ce n’est pas un sujet tabou, nous en parlons très ouvertement. Même récemment, lors d’un débat auquel j’ai participé avec le Grand Maître de GOL, auquel étaient présentes certaines femmes appartenant à la Grande Loge Féminine de Portugal, ce sujet a été évoqué plus d’une fois, où j’ai dit que je respecte leur travail, mais nous avoir ce chemin qui a à voir avec la régularité et qui est un chemin pour maintenir la Grande Loge masculine. 

Cette idée d’ouvrir les portes aux femmes a même été mise sur la table lors des élections du GOL… 

Il a parlé, mais n’a pas pu concrétiser cette idée, car elle rencontrera également des résistances de la part de la Grande Loge Féminine de Portugal, qui ne veut pas non plus accepter d’hommes. 

On disait même que les Réguliers recevaient des francs-maçons du GOL parce qu’il était interdit aux femmes d’entrer…

Je ne sais pas si c’est pour ça, mais il y avait un nombre important de membres qui étaient au GOL et qui sont maintenant avec nous. Pourquoi? Parce que parmi les aspects les plus importants qui nous distinguent des autres institutions ou ordres maçonniques, il y a le fait que nous avons une croyance. Nous croyons en un être supérieur. Nous devons croire. En d’autres termes, nous n’acceptons ni les agnostiques ni les athées, mais nous acceptons toutes les confessions. Ils doivent avoir la foi. 

L’idée que nous avons, c’est que les francs-maçons tournent le dos à la religion… 

Nous ne tournons pas le dos à la religion, bien au contraire, nous pensons qu’un bon franc-maçon pratique sa religion. Par exemple, en Guinée-Bissau, nous avons de nombreux musulmans qui côtoient les catholiques et les protestants. Historiquement, il a été démontré qu’il y a eu une série de malentendus, de précipitations qui ont conduit au point où l’on parle d’une certaine incompatibilité avec la religion. Par exemple, la religion catholique et la franc-maçonnerie. Je ne pense pas qu’il y ait cette incompatibilité, nous avons beaucoup de catholiques et nous avons des rites qui ont une plus grande composante chrétienne, d’autres rites plus neutres, mais nous ne cessons de travailler pour l’honneur et la gloire du Grand Architecte du L’Univers, le Dieu Créateur, où nous pouvons englober et rassembler la foi de chacun. C’est pourquoi j’ai évoqué deux ou trois aspects dans le livre qui étaient importants : la question du secret, la question de notre rapport à la politique et la question de notre rapport à la religion. Nous n’avons rien contre la religion et nous ne voulons pas contredire quoi que ce soit qui soit la croyance individuelle de chacun. C’est l’un des critères de régularité et à Loja, il est conseillé de ne pas avoir de discussions sur des sujets politiques et religieux, car c’est un moyen de maintenir la paix et l’harmonie, car ces sujets sont toujours plus controversés et peuvent conduire à l’extrémisme. Ensuite, à l’extérieur de la Lodge nous pouvons avoir nos discussions, nos points de vue. En fait, j’ai beaucoup cité le pape François au fil des années, parce que je me vois d’une manière ou d’une autre dans sa façon d’être. 

Il lui a écrit une lettre…

Exactement, il a reçu la réponse qu’il a reçue, ce qui est inconciliable. Mais le secrétaire du Vatican a dû y répondre, qui n’a certainement pas écouté le pape François, car, comme nous nous en souvenons tous, lorsqu’il était ici aux Journées de la Jeunesse, il a déclaré que l’Église était pour « tout le monde, tout le monde, tout le monde » et nous font partie de cet ensemble. 

Peut-il y avoir une convergence saine ? 

Il peut et doit y en avoir. Un bon franc-maçon peut être un croyant encore meilleur, si l’on veut reprendre ce mot issu de la religion qu’il professe. 

Il dit dans le livre qu’il veut laisser un héritage spirituel et qu’il n’a jamais dévié de son objectif, même dans les décisions les plus difficiles. De quelles décisions s’agissait-il ? 

Nous avons eu des décisions très difficiles et la plus difficile de toutes, qui est également dans le livre, a été la question de la pandémie. C’était formidable pour nous, car depuis le début de mon mandat, nous avions grandi en acceptation, en compréhension et même en participation à la société à travers divers événements et tout d’un coup nous nous sommes tous arrêtés, ne sachant pas où aller. Nous avons dû fermer nos temples, qui sont très importants pour nous car c’est là que la Loge pratique son rituel, là où règne l’unité entre tous les frères et où la fraternité est très évidente. À cette époque, j’ai trouvé une alternative qui n’était pas tout à fait ce que je souhaitais, mais qui me permettait d’être virtuellement avec mes frères 365 jours par an, favorisant les rencontres, les conférences, les débats et les échanges de vues. J’ai réussi à maintenir le lien et c’est ainsi que nous avons traversé la période très difficile de la pandémie, car la spiritualité que nous défendons et pratiquons se ressent beaucoup au sein du temple : l’accueil fraternel est fondamental pour nous. Nous devons nous sentir ensemble et lorsque nous nous embrassons fraternellement, nous sentons que nous sommes avec quelqu’un qui a les mêmes idéaux, qui défend les mêmes principes et les mêmes valeurs. 

Internet n’a-t-il pas compensé la fermeture des temples ? 

Non car nous n’avons pas fait de séances rituelles. La seule chose que nous avons faite a été de favoriser les rencontres, où je voyais les visages des membres, je leur demandais comment allait la famille et dans leurs yeux je voyais le désir de se retrouver. Heureusement, cela s’est produit plus tard et a coïncidé avec mon deuxième mandat de Grand Maître, le 11 septembre 2021. Mais jusque-là, nous avons vécu des moments pénibles et cela a même nui à notre croissance, car alors qu’avions-nous ensuite ? Les frères aînés, avec quelques problèmes de santé, avaient peur de quitter la maison et de venir dans un espace. En fait, nous avons même demandé, comme d’autres institutions l’avaient fait, si nous pouvions nous revoir. Nous respectons les lois de l’État et c’est dans ce sens que j’ai écrit à la DGS pour lui dire que nous avions cette activité et lui demander ce que nous pouvions faire dans un moment d’incertitude encore, mais ils ne nous ont même pas répondu. Cependant, dès que nous en avons eu l’occasion, nous avons repris notre activité dans les temples. Chaque jour, il y a une séance en soirée, à partir de 19h/19h30, où nous avons l’occasion de nous rencontrer et d’être ensemble. De nombreuses interventions que je fais et qui ont été publiées dans le livre sont faites dans le contexte des équinoxes et solstices que nous célébrons, c’est-à-dire que ce sont des moments très importants, ce sont des éphémérides que nous voulons célébrer et vivre et ces communications internes qui Je fais toujours en sorte qu’il y ait une composante sociale, spirituelle, mais aussi une préoccupation concernant les plus grands problèmes du monde. Par exemple, le problème de la migration, le problème du réchauffement climatique. etc. Heureusement, durant ces mandats j’ai eu le privilège de ne jamais avoir moins de 800 frères membres présents et après la pandémie l’envie de participer était encore plus grande. Cela nous a également aidé à croître et nous avons connu une croissance très soutenue. Je pense que nous sommes sur la bonne voie. 

Concernant la politique. Il y a ceux qui disent que l’appartenance à la Franc-Maçonnerie est une forme de lobbying…

J’ai un chapitre qui touche à notre relation avec la politique. Nous ne faisons pas de lobbying. Premièrement, en tant que Grand Maître, je suis conscient que nous avons des membres de tous horizons politiques, mais je ne sais pas qui ils sont, et je ne suis pas non plus intéressé de savoir pourquoi ce n’est pas une condition pour être admis dans la Grande Loge. Ensuite, nous ne pratiquons pas de lobbying. Si vous me demandez, d’un point de vue différent, si j’ai un besoin ou si j’ai besoin de résoudre un problème et si j’ai quelqu’un qui est mon frère qui peut résoudre ce problème, bien sûr, je me tournerai vers lui, mais je ferai du lobbying. faire bénéficier quelqu’un dans des instances, quelles qu’elles soient, nous ne le faisons pas parce que nous respectons les lois du pays. Au moins, je peux répondre au nom de la Grande Loge et il n’y a pas de lobby là-dedans. Oui, il y a cette possibilité de satisfaire un besoin à travers quelqu’un qui est mon frère et, à ce titre, j’ai plus confiance en cette personne.

On dit par exemple qu’il y a plusieurs ministres francs-maçons, dont le Premier ministre… 

Ce n’est pas vrai. Le Premier ministre lui-même a dit qu’il n’était pas franc-maçon lorsqu’on l’a interrogé à ce sujet, mais ça ne faisait pas de mal d’être franc-maçon, je pense que ça lui a même fait beaucoup de bien car c’est aussi une école de valeurs et Les principes et les hommes politiques vivent parfois si intensément la politique qu’ils vivent dans une frénésie politique et oublient beaucoup de choses sur ce qui est important. Nous travaillons sur l’homme, à la fois sur son amélioration et ensuite sur le transport de ces valeurs et principes à la société, à travers nos actions. Je pense donc que certains hommes politiques feraient bien d’être francs-maçons. Peut-être y aura-t-il un politicien ou un autre qui aura l’idée que l’appartenance à la franc-maçonnerie pourrait conduire à un plus grand avancement politique. 

Pourrait-il par exemple faciliter l’ouverture des portes, notamment sur le marché du travail ou dans les entreprises ?

Cela ne rendra pas les choses plus faciles, car nous n’utilisons pas ces méthodes. Nous, en interne, dans la Grande Loge, n’utilisons pas cela, nous sommes conscients de quelle est notre principale responsabilité. Bien sûr, la solidarité pour nous est fondamentale, mais c’est pour aider nos frères en difficulté, pour s’aider intérieurement en difficulté, pas pour faire ce genre de choses. 

L’Assemblée de la République a tenté d’apporter plusieurs modifications aux règles…

Je l’ai essayé et m’a choqué. Ce fut aussi un moment déterminant de mon mandat et cela m’a profondément choqué après ce qui s’est passé avec la loi Cabral, en 1935. Un article d’Almeida Santos lui-même, alors président du PS, disait que ce genre de choses était une attitude salazariste. Je n’aime pas utiliser ces termes, mais il l’a dit. En 1935, Fernando Pessoa, supposant clairement qu’il n’était pas franc-maçon, défendit la franc-maçonnerie et les francs-maçons. Lorsque j’ai été confronté à cette situation de déclaration d’appartenance à des entités dites secrètes, j’ai été stupéfait. Et nous avons pris l’initiative, pour la première fois depuis 30 ans, de prendre publiquement une position que nous n’avions jamais prise sur des questions politiques et avons demandé au Parlement de nous recevoir pour essayer d’expliquer qui nous sommes, ce que nous faisons et ce que nous comptons faire. Et il y a finalement eu une sorte de participation collective de toutes les principales puissances maçonniques du Portugal, dans laquelle nous étions tous au Parlement pour défendre nos positions et où j’ai eu l’occasion de dire que je ne m’y attendais pas et que cela ne me viendrait jamais à l’esprit. , devoir être là pour défendre quelque chose qui a à voir avec nos convictions philosophiques et spirituelles. Cela constitue, de mon point de vue, une violation de la Constitution de la République elle-même. Parce qu’au fond, ce que nous avons, ce sont des convictions. Et dans le cas de la Grande Loge Légale et Régulière du Portugal, nous avons des convictions philosophiques et spirituelles. J’ai même écrit une lettre au Président de la République qui est dans le livre et j’ai eu l’impression qu’il avait bien compris l’étendue de notre position comme une violation de nos convictions philosophiques et spirituelles.

Pensez-vous qu’il pourrait y avoir un tournant ?

Il faudrait tourner la page. Franco, en Espagne, a persécuté et tué de nombreux francs-maçons, mais il y a environ deux ans, le Sénat espagnol a publié la célèbre loi mémorielle, qui défendait toutes les institutions qui étaient la cible de persécutions, y compris la franc-maçonnerie. Au Portugal, au lieu de suivre cette voie, nous avons opté pour une autre qui ressemble à de la persécution. J’ai vécu deux moments vraiment remarquables dans mes mandats. Le premier était lié à la pandémie et ensuite celui-ci. Maintenant, par rapport à la pandémie, je pensais sincèrement que le monde serait meilleur à la lumière des privations que nous avions traversées et je pensais que cela réveillerait en nous plus de fraternité, mais surtout la question de l’affection. L’affection est fondamentale avec notre famille, avec nos amis, le souci des autres, mais non. 

On dirait que les gens sont devenus plus égoïstes… 

Justement, c’est pourquoi je pense que la franc-maçonnerie régulière du Portugal a un champ de plus en plus important pour travailler sur la personne individuelle afin qu’elle puisse ensuite être un agent transformateur de la société et des principes qui devraient régir l’humanité, dans le sens de défendre la vie et tout ce qui a à voir avec l’humanité. 

Avez-vous l’impression que la franc-maçonnerie a perdu du poids ces dernières années ?

Je ne le ressens pas, bien au contraire. Maintenant, si vous me demandez ceci : est-ce que cela aurait un sens ou non que les francs-maçons participent et soient invités à participer à certains événements nationaux, à savoir les célébrations du 25 avril ? Cela aurait du sens, mais nous ne sommes pas invités parce qu’ils ont peur. Et le 25 avril a été remarquable pour nous. S’il n’y avait pas eu le 25 avril, nous serions encore cachés aujourd’hui. J’assume ma condition dans tout ce qui arrive.

Nombreux sont ceux qui préfèrent l’anonymat…

Parce qu’ils ont peur d’être persécutés ou blessés dans leur vie ou leurs activités professionnelles. C’est également grave et l’appel que je lance en interne et à plusieurs reprises est que ceux qui peuvent le faire acceptent leur condition. Nous n’avons rien à cacher, mais je ne veux pas dire par là que je vais expliquer comment se déroule un certain rite, une cérémonie d’initiation pour devenir compagnon ou pour être élevé au rang de Maître, quels sont les trois degrés que nous avons en franc-maçonnerie. Mais il est dommage que davantage de personnes ne se manifestent pas. Nous avons des individus qui étaient en première ligne sur tout : les droits de l’homme, l’esclavage, l’émancipation des femmes. Il y a eu de nombreux francs-maçons qui ont déclenché ces démarches, qui sont connus et qui ont été des références. Il ne faut pas oublier que le SNS est dû à Arnaut, qui fut un franc-maçon engagé.

Il a précisé qu’elle compte environ quatre mille membres et qu’il faut remplir plusieurs conditions pour pouvoir y adhérer…

Le franc-maçon entre normalement sur invitation, c’est nous qui l’invitons.

Ne viennent-ils pas frapper à la porte ? 

Il y a eu aussi une évolution. Il y a quelques jours, j’ai trouvé curieux que quelqu’un me dise qu’ils venaient ici en taxi et que le chauffeur de taxi disait qu’il était venu à la Franc-Maçonnerie et qu’il aimait en faire partie. Si des gens viennent frapper à la porte, nous l’ouvrons naturellement. En effet, notre musée est ouvert tous les jours entre 14h30 et 17h30 et tous ceux qui souhaitent le visiter peuvent venir. Par conséquent, nous avons cette notion et cette ouverture, maintenant il y a un processus pour voir s’il remplit les conditions pour être admis. Nous ne recherchons personne, mais s’ils frappent à la porte ou envoient un e-mail disant qu’ils souhaitent appartenir, nous procéderons naturellement à un processus de sélection rigoureux. Parfois, nous faisons des erreurs, mais cela fait partie de la vie. Mais normalement, comme je l’ai dit, c’est sur invitation. Je peux inviter un membre de ma famille, un ami, un collègue. J’ai plusieurs amis, plusieurs membres de la Grande Loge que j’ai rencontrés il y a longtemps à différentes étapes de leur vie. Nous sommes une institution du bien parce que nous ne transformons pas un homme mauvais en un homme bon, mais nous essayons de transformer un homme bon en un homme meilleur. 

Après six ans, reste-t-il quelque chose à faire ? 

Cela reste toujours. J’aurais bien aimé poser les bases de la Casa do Maçom – telle qu’elle existe dans les grands lodges aux États-Unis – car je me voyais un jour plus tard être dans l’une de ces maisons. Egalement un espace de socialisation et un temple où nous pourrions occasionnellement pratiquer notre rituel. J’aimerais également que cette loi qui a été approuvée soit annulée. J’ai lancé un appel à ce sujet, mais personne n’a beaucoup de volonté politique pour le faire, parce qu’ils pensent qu’il vaut mieux ne pas toucher à cette affaire de franc-maçonnerie, ne pas en dire trop et que tout cela est très étrange.

Loge La Sagesse : le renouveau de la franc-maçonnerie francophone en Espagne

De notre confrère lepetitjournal.com – Par Paul Pierroux-Taranto

Pour la première fois depuis 1938, une loge francophone voit le jour en Espagne. Créée à Barcelone cette année, La Sagesse, se distingue par sa diversité et son dynamisme. La loge attire des hommes et des femmes de différentes nationalités, tous désireux de travailler au “perfectionnement moral et matériel de l’humanité”, en partageant une langue, le français.

“Il est difficile de traiter des sujets de fond quand on ne maîtrise pas complètement la langue. » Voilà la réflexion qui a poussé Michel Dellinger à fonder La Sagesse. Une idée qui a fait mouche : autour de lui, les francs-maçons ont répondu à l’appel. La loge attire déjà 24 membres, soit bien au-dessus de la moyenne des ateliers espagnols, qui comptent généralement une quinzaine de participants.

Le réveil après un long sommeil 

La Sagesse signe le retour très attendu d’une loge francophone en terre d’Espagne. La dernière en date portait le même nom. Elle avait dû cesser son activité en 1938, la répression franquiste obligeant ses membres à fuir à Perpignan. S’ensuivent des décennies de persécution pour les francs-maçons en Espagne. Près d’un siècle plus tard, ce réveil de la loge suscite beaucoup d’enthousiasme au sein de la communauté maçonnique. Et si son nom n’a pas changé, sa détermination non plus ; La Sagesse reprend les travaux là où elles les ont laissés, comme le nouveau chapitre d’une histoire qui s’écrit, une fois encore, en français.

temple maçonnique avec dais étoilé bleu de la GLSE

Avec les quelque 50.000 compatriotes établis dans la ville de Gaudí, La Sagesse a trouvé un terreau fertile : « Beaucoup de francophones ne rejoignent pas de loges, car elles fonctionnent en espagnol ou en catalan. Il y a un véritable vivier de personnes intéressées par la franc-maçonnerie en français », reconnait Michel Dellinger, élu Vénérable de sa loge. Celui qui dirige les travaux et veille au respect des rituels — c’est le rôle d’un Vénérable — se dit fier de voir La Sagesse prospérer si rapidement. Et si la formule plaît, ce n’est pas qu’en raison de la langue.  

La Sagesse : une loge multiculturelle à Barcelone

En plus de parler français, cette nouvelle loge est résolument multiculturelle. Roumains, Catalans, Mexicains, Belges, Français… Tous contribuent à des échanges riches et variés lors des “tenues” (réunions). « La diversité des idées et des parcours nous apporte énormément. Cela crée un environnement où chacun peut apprendre des autres et participer à des réflexions profondes sur des sujets contemporains », souligne le Vénérable. 

temple avec trois colonnes de la loge française La Sagesse à Barcelone

La loge ne se contente pas d’étudier les symboles maçonniques. Elle s’ouvre à des discussions sur des thèmes d’actualité, et organise des réunions dans lesquelles elle invite de nombreux conférenciers. Au programme prochainement : un jumelage avec une loge du Grand Orient de France, la venue de la présidente de la conférence de l’UNESCO, un débat avec des membres de l’Opus Dei pour confronter les visions spirituelles, ou encore une conférence sur l’Inquisition donnée par un prêtre de l’archidiocèse. 

« On ne s’ennuie pas et on apprend beaucoup »

 “C’est dans ce dialogue avec la société que notre loge trouve sa raison d’être”, résume Michel Dellinger. Espace de réflexion ouvert, La Sagesse aborde les problématiques de son temps avec un regard éclairé par des valeurs d’humanisme et de fraternité. Elle a choisi pour obédience la Grande Loge symbolique espagnole (GLSE) : “La GLSE a une dimension clairement internationale. Notre nouveau grand maitre est un pianiste vénitien.”

La franc-maçonnerie fait entendre sa voix… en français 

Multiculturalisme, ancrage francophone, laboratoire d’idées… La Sagesse a de nombreux atouts pour elle. Déjà, les visiteurs se pressent, intrigués par cette loge cosmopolite et en pleine effervescence. Michel Dellinger se réjouit de cet engouement : “Nous accueillons des frères et des sœurs de tous horizons, ce qui nourrit une dynamique incroyable. Trois initiations sont à venir. Nos réunions affichent complet.”

Ce succès pourrait même aboutir à l’ouverture d’une nouvelle loge à Madrid pour répondre à la demande. « Les Espagnols sont souvent plus circonspects vis-à-vis de la franc-maçonnerie en raison de son histoire dans le pays. Les Français n’ont pas cette retenue », note Michel Dellinger. Une chose est sûre, La Sagesse a retrouvé sa parole perdue. Et elle s’exprime haut et fort en français.

Une obédience est un groupement de loges maçonniques. Elle fournit une structure administrative et fixe des règles communes à ses loges affiliées. La GLSE est la principale obédience mixte et adogmatique d’Espagne. Elle compte au total 67 loges, réparties entre l’Espagne, la France, la Suisse, les Canaries et la Belgique. Cette obédience possède son siège à Barcelone et est particulièrement active en Catalogne avec 16 loges en espagnol et catalan, et une loge en français depuis février 2024.  Elle se distingue par une composition de 35 % de femmes et 65 % d’hommes. Si vous souhaitez écrire à la loge La Sagesse, voici son mail : lasagesse@glse.org