mer 10 décembre 2025 - 08:12
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L’énigme des maîtres -9- Renversements

Pour lire l’épisode précédent : ici

Au musée national de Prague

– Il y a quelque chose de grave qui est arrivé ! S’écria Alexander en voyant les voitures au quadrillage jaune et bleu de la Policie, alignées stratégiquement autour du musée.

Le clignotement bleu intermittent des lumières d’urgence jette des ombres inquiétantes sur les murs, créant une atmosphère tendue. Des faisceaux de lumière blanche balayent les façades historiques, révélant une scène d’activité fébrile.

Des policiers en arme sortent des véhicules, leurs radios crépitant avec des instructions rapides et précises. Certains érigent des barricades temporaires pour sécuriser la zone, tandis que d’autres établissent un périmètre de sécurité, gardant les badauds à distance.

Au milieu de l’agitation, un petit groupe de neuf personnes en combinaisons blanches, portant des boîtes d’équipement et des appareils sophistiqués, se frayent un chemin à travers la foule pour pénétrer dans le musée.

– Amélie ? pensa aussitôt Alexander envahi d’une chaleur d’angoisse en se précipitant vers le musée suivi de Guido et d’Archibald.

– Nos archives ? dirent en cœur Archibald et Guido

Un agent de sécurité, ayant compris qu’ils étaient des étrangers, leur demanda en anglais de ne pas s’approcher. La carte professionnelle que Guido montra leur servit de laisser-passer.

Elle était là dans le hall du musée, discutant avec le chef de la police locale qui s’était déplacé en personne.

– Justement les voilà, lui dit-elle, en apercevant les trois amis, cela vous évitera de les faire chercher. Ils m’avaient prévenue hier après-midi qu’un risque de vol pouvait avoir lieu, comme je vous l’ai expliqué avant qu’ils n’arrivent.

Se tournant vers Guido elle l’informa

– On a retrouvé ce matin le corps sans vie du conservateur Jakub Novák dans son bureau. D’après les premiers éléments de l’enquête, il aurait été torturé cette nuit, pour lui faire avouer le code d’entrée et comment désactiver les alarmes de l’entrepôt où une tentative de vol a eu lieu.

Ce fut un choc intense, un sentiment de stupeur où l’esprit refuse de croire à la réalité de l’horrible situation. Une tristesse écrasante accabla Archibald et Guido. Ils entendirent à peine ce que disait le chef de la police

– Il a dû céder à ses tortionnaires. Mais les voleurs qui étaient plusieurs, on en est sûr, n’ont pas pu entrer dans l’entrepôt. Un des gardes de jour est revenu cette nuit pour une raison inconnue. Il a dû les surprendre tandis qu’ils essayaient le code. Il a fait usage de son arme. Heureusement pour la collection, cela a déclenché une alarme générale, mais malheureusement pour lui, il a été tué dans la fusillade.

– Nous étions les seuls à en connaître la formule choisie ensemble ; heureusement que je n’étais pas là, murmura Amélie avec un tendre regard de soulagement vers Alexander.

– Cela a mis en fuite les cambrioleurs, un ou plusieurs ont été blessés aux vues du sang traçant le chemin de leur échappée compléta le chef de la police. La police technique est sur les lieux, on en saura davantage bientôt. Et maintenant, nous avons affaire pour organiser la recherche des assassins. Cher collègue, Monsieur Lhermitt, je vous prie de me suivre, nous allons commencer par le bureau de ce pauvre conservateur.

– Archibald, venez avec moi, nous ne serons pas de trop de deux pour nous soutenir.

Amélie se rapprocha alors d’Alexander et s’adressa à lui ; ce qu’aperçut Archibald qui n’entendit pas ce qu’Amélie raconta à Alexander. Guido lui avait déjà mis une main affectueuse sur l’épaule, le conduisant vers le bureau du conservateur qui les attendait. S’adressant à Alexander sans se retourner, il lui dit d’un ton bienveillant mais ferme

– Ce soir, nous t’attendrons pour le dîner.

– Cher Alexander, j’ai besoin de ton aide. J’allais vous solliciter tous les trois, mais monsieur Lhermitt est retenu par les autorités sans pouvoir se soustraire et Lord Archibald l’a suivi.

Amélie, d’un ait contrit venait de rompre le silence affligé dans lequel Alexander se tenait encore.

Elle lui expliqua.

– Avant de venir à Prague, j’ai reçu un mot de Jakub Novák me demandant de retrouver un dossier dans une bibliothèque avec cette signature tfpiksf. Je ne sais pas pourquoi je n’en n’ai rien dit à la police. Mais, je crains que cela soit en rapport avec ce qui s’est passé cette nuit, je ne suis pas rassurée de le faire seule.

Alexander remarqua, aussitôt,  les sept lettres sur le mot que lui montrait Amélie. À son air entendu, Amélie comprit qu’il pourrait l’aider et sans douter d’Alexander, Amélie lui demanda

– Tu as reconnu la signature, n’est-ce pas ?

– C’est vrai, j’ai vu au musée de Vienne une médaille à l’effigie de Dante réalisée par Pisanello. Les médailles de ce grand artiste étaient censées assurer l’immortalité de la personne représentée, la finesse du portrait de l’avers exprimait l’individualité et le caractère du personnage. Au revers de la médaille qui représente Dante, on peut lire notre suite de lettres mais inversée : « f.s.k.i.p.f.t. ». Certains pensent que ces initiales peuvent être celles des sept vertus cardinales et théologales chères à Pisanello et à Dante : Fides, Spes, Kharitas, Justitia, Prudentia, Fortitudo, Temperantia.

L’anomalie orthographique sur le K (Caritas ne s’écrit pas Karitas en latin), est vraisemblablement issue de la septante où  la « Grâce » se lit χάρις, Kháris, en grec ancien et qui sera traduite par le mot caritas dans la vulgate latine.

Ces lettres signifient « Fidei Sanctae Kadosh Imperialis Principatus Frater Templarius ». En qualifiant Dante de Frère Templier, Saint de la Foi, cette médaille est non seulement une preuve supplémentaire de la relation étroite qui unissait Dante aux Templiers, mais elle sous-entend aussi que les Fidèles d’Amour furent sans doute les vrais et seuls gardiens des valeurs morales et spirituelles de l’Ordre du Temple, après sa dissolution officielle, en 1312[1]. D’ailleurs Dante aurait assisté à l’exécution de Jacques de Molay et de Geoffroy de Charnay, le 18 mars 1314.

– Alors, nous devons retrouver un dossier dans une bibliothèque en rapport avec Dante, mais où ? ajouta Amélie.

– Cette signature est trop connue pour n’être que l’évocation de Dante. Peut-être dans l’inversion y a-t-il une autre indication ?

– Inverse, inverse, inverse ne cessait de dire Amélie comme essayant de faire surgir un sens au mot.

– Et si ce mot « inverse », puisque nous sommes à Prague, devait être exprimé dans la langue du pays, celle du conservateur ? proposa Alexander tout en pianotant « inverse » sur le logiciel de traduction en tchèque de son portable.

– Voilà : Obrácený ! Cela te dit-il quelque chose ?

Amélie en oublia ses craintes dans l’enthousiasme de cette révélation.

– Oui, c’est certainement cela. Il y a un manoir abandonné, sur la Collinede Petřín, qui porte ce nom. Je m’en souviens, j’ai vu dans le journal local une annonce de sa mise en vente.

Obrácený

Le vieux manoir d’Obrácený se dresse fièrement sur le flan de la colline, une relique du passé, ses pierres séculaires racontant des siècles d’histoires mystérieuses. Les tours gothiques aux gargouilles sculptées semblaient surveiller silencieusement les secrets du manoir depuis des générations. Les jardins qui l’entourent, envahis par la végétation sauvage dissimulent des statues émergeant parfois des buissons, un étang stagnant reflète la lueur du matin. Les allées pavées, presque effacées, témoignent de l’état d’abandon du lieu. 

La façade du manoir est une toile délavée par le temps, des vignes grimpantes s’enroulent autour des colonnes de pierre.

L’accès, étonnamment, n’était pas gardé. La porte éventrée leur permit d’y pénétrer

Les fenêtres, aux vitraux jadis colorés, sont maintenant ternes et fissurées, créant des motifs intrigants de lumière et d’ombre à l’intérieur. Les rayons du jour traversaient, çà et là, des toiles d’araignée dessinant de rosaces de leurs ombres labyrinthiques sur les murs.

 Les faisceaux de lumière de leurs téléphones portables révèlent des tapisseries défraîchies qui, racontant des histoires oubliées de gloire et de tragédie, ornent les murs sur lesquels des portraits de figures nobles, aux yeux scrutateurs, semblent observer chaque pas des visiteurs. 

Ce fut facile de trouver la bibliothèque, joyau du manoir, un sanctuaire de savoir. Des étagères en bois massif s’élevaient du sol au plafond, recouvertes de volumes poussiéreux et de parchemins jaunis. Des globes terrestres anciens, des télescopes antiques et des artefacts énigmatiques étaient dispersés entre les étagères, créant une atmosphère d’érudition oubliée. 

– On dirait que personne n’est venu ici depuis des lustres, dit Amélie avec la banalité d’une évidence, tout en poussant des piles de livres pour en révéler d’autres à la recherche d’un indice identifiant l’étagère où trouver le dossier.

– Attends Amélie. Regarde il y a des nombres gravés sur le bord des étagères. Et d’un doigt qu’il fit glisser pour enlever la poussière qui les dissimulait, Alexander révéla des chiffres gravés.

En raisonnant, Alexander poursuivit.

– Dante se sert souvent du chiffre 9 comme chiffre sacré, symbolisme de la trinité : esprit, âme, corps, chacun ayant trois aspects et trois principes. Ce chiffre, également très symbolique pour les Templiers, rappelle les 9 fondateurs traditionnels de l’Ordre, ainsi que les 9 provinces du Temple d’Occident. Nous devrions chercher l’étagère 9.

C’est dans cette bibliothèque oubliée, sur l’étagère 9, couverte de toiles d’araignée et des piles de livres anciens, qu’Amélie trouva des œuvres de Dante : des éditions anciennes de la Divine Comédie ; de la Vita Nuova oùDante exprime son amour pour Béatrice, fille de Folco Portinari et épouse de Simone dei Bardi; son traité en latin De Monarchia ;  celui sur l’usage de la langue vernaculaire italienne De Vulgari Eloquentia et Épîtres où Dante écrivit plusieurs lettres politiques et poétiques.

Mais aussi, à côté des dossiers contenant des lettres jaunies, des parchemins vieillis, et des esquisses cryptiques, il y avait deux grands carnets dévoilant des illustrations détaillées accompagnées d’explications codées, des équations alchimiques, et des correspondances astronomiques.

En s’en saisissant Alexander reconnut les deux carnets disparus de la Collection de Byrom dont lui avait parlé Archibald.

Là, il tomba aussi sur un dossier renfermant des lettres de correspondances entre des personnages liés aux portraits ; les archives de Jacub Novàk pensa-t-il.

Sans plus attendre, comprenant l’importance de la découverte, il demande à Amélie de mettre les deux carnets et le dossier dans son cabas fourre-tout Neverfull qu’elle portait en bandoulière.

Le soleil était redescendu de son zénith dans le ciel de Prague tandis qu’Amélie et Alexander quittaient le manoir, le cœur battant à tout rompre. Les précieux documents dérobés à la bibliothèque oubliée pesaient lourd dans le sac qu’Alexander, par courtoisie, portait contre lui.

Mais à peine eurent-ils franchi le portail que trois silhouettes surgirent de l’ombre, les encerclant comme des prédateurs, des hommes vêtus de survêtements noirs, des cagoules dissimulant leur visage, une aura de menace mortelle émanant de leur présence.

– Donnez-nous les dossiers, gronda une voix gutturale, un poignard scintillant dans la lumière.

Alexander serra davantage les documents contre lui, un refus déterminé dans son regard.

Le combat fut bref et brutal. Alexander se battit avec courage, mais il était seul contre trois. La douleur explosa dans son épaule quand une lame l’entailla et il lâcha le sac tout en essayant de le retenir par une des brides. Il vit Amélie se baisser, tentant de le rattraper au moment où un nouveau coup, qui lui était destiné, dévia sur la nuque de la jeune femme, provoquant une profonde estafilade ce qui la fit s’évanouir.

Alors qu’ils étaient sur le point d’être submergés, avant même que les assaillants puissent ramasser la besace, une voix tonitruante retentit :

– Lâchez-les !

Un homme jaillit, un semi-automatique en main dont il fit usage devant le danger mortel des deux amis. C’était Parker, le chauffeur de Lord Archibald qui, inquiet pour Alexander,  lui avait demandé par téléphone de les suivre discrètement. Son intervention fut salvatrice. Les trois agresseurs, surpris et blessés, s’enfuirent à bord d’une camionnette qui les attendait un peu à l’écart.

Le sang d’Alexander coulait sur la manche de son costume, résultat de la profonde entaille qui l’avait atteint. Amélie gisait inconsciente sur le sol.

– Vite Parker, aidez-moi, seul je n’y arriverai pas.

Parker souleva Amélie comme une jeune mariée et la déposa à l’arrière de la voiture, sans précaution pour les sièges de cuir clair de la limousine. Avant de monter dans le véhicule, Alexander, de son bras valide ramassa la précieuse sacoche pour la rapporter à ses amis.

– à l’hôpital ! Vite mon ami ! Et Alexander, à son tour, en se sentant en sécurité, perdit connaissance sous l’effet de la baisse d’adrénaline.

Le manoir et ses mystères étaient derrière eux, mais l’énigme ne faisait que se renforcer.

Au Globe Hôtel

Alexander, reprenant ses esprits, se retrouva sur un lit à l’hôtel.

– Amélie ? Fut sa première pensée. À côté de lui, assis dans un fauteuil, Guido semblait l’avoir veillé.

– Ne t’inquiète pas, tout va pour le mieux. Elle est dans une chambre.

– à l’hôpital ?

– Non, ici à l’hôtel. Après vous avoir récupérés, Parker a téléphoné à Archibald qui a jugé nécessaire de vous ramener ici où il a fait venir un discret médecin de ses amis. Inutile d’alerter les autorités à qui il faudrait donner des explications de votre présence au manoir d’Obrácený et de ce que vous y avez fait.

Au fait, les documents rapportés méritaient bien une véritable épreuve et tu l’as bien passée avec seulement quelques gouttes de sang. Tu seras fier de ta cicatrice qui te rappellera ton aventure d’aujourd’hui.

Guido pouvait maintenant plaisanter, une façon de mettre à distance l’angoisse qu’il avait eue en découvrant son ami et Amélie ramenés par le fidèle Parker.

– Je te résume, poursuivit Guido. Tu as été ramené inconscient, déposé dans cette chambre où tu t’es endormi pendant plusieurs heures sous l’effet du sédatif que l’on t’a administré pour recoudre ta plaie.

Cela nous a laissé peu de temps pour survoler  les lettres que tu as rapportées mais de premier abord ce sont des récits de rencontres secrètes dans différents pays et à différentes époques. Ces échanges évoquent aussi des connaissances ésotériques que les membres partageaient, dévoilant des observations astronomiques, et discutant de rituels alchimiques.

Les doigts joints, symbole récurrent, sont fréquemment évoqués dans ces lettres. Ils semblent être un code partagé entre ces érudits, une clé pour déchiffrer des vérités profondes et des mystères cachés dans l’ombre des connaissances interdites.

Cela confirme que les portraits énigmatiques ne sont pas simplement des représentations individuelles, mais des pièces d’un puzzle qui raconte une histoire plus vaste de quête spirituelle, de transmission de sagesse et d’unité. Bien que l’histoire occulte soit souvent imprégnée de mystère et de légende, plusieurs personnages historiques réels ont participé à la vie ésotérique de Prague au fil des siècles. Tu verras, il y a même un jeu de piste à suivre.

Archibald les rejoignit, abrégeant la narration de Guido, ils décidèrent de rendre visite à Amélie dans la chambre où elle reposait.

Le corridor qui desservait les chambres était décoré de somptueux bouquets de fleurs posés sur des consoles. Alexander en retira un altier lys blanc pour l’offrir à Amélie en entrant dans la chambre.

Elle semblait remise, juste un peu lasse, un bandage autour du cou, installée près de la fenêtre sur un confortable fauteuil dont le revêtement jaune et blanc en tissu doux rappela à Alexander leur nuit délicieuse.

– Chère enfant, commença Archibald étonnamment affectueux, nous sommes heureux de vous voir en si bonne forme. Vous nous avez sincèrement inquiétés. Je dois vous avouer que lorsque vous avez appris le but de la mission de Guido, vous avez eu une réaction qui m’a alerté. À l’évidence cela venait de ce que vous aviez des informations qui vous ont soit contrariée soit inquiétée.

Les derniers événements montrent à l’évidence que votre vie est en danger et que vous en connaissez la raison.

– Oui j’ai peur, une sombre prémonition me préoccupe. En effet, j’ai commencé à en dévoiler quelques informations à Alexander. Je pense qu’il est temps de vous faire savoir que je suis membre d’une confrérie pour le moins discrète Les Fidèles d’Amour, je m’en étais ouverte à mon ami Jakub Novák qui a été assassiné. L’exposition en était une manifestation qui sous couvert de cette culture, voulait montrer à un grand public quelques uns de nos membres fondateurs, des érudits explorant les connaissances de leur époque pour y apporter des réponses sur le sens des rapports de l’homme avec lui-même, les autres et le cosmos. Ayant compris, avec le but de votre visite au musée que m’a donné Guido, que leurs œuvres étaient menacées, je me suis  sentie moi-même menacée et, depuis, avec la mort du conservateur et avec l’attaque à laquelle nous avons pu nous échapper, ma prémonition s’avère devenir réalité.

– Pour le moment rassurez-vous, nous sommes près de vous dit paternellement Archibald.

– La soirée est avancée. Reposez-vous, vous pouvez dormir tranquillement, vous n’avez plus rien à craindre, mes services sont alertés, ils feront ce qu’il faut pour protéger l’hôtel et demain nous aviserons.

Prenant tendrement la main d’Amélie, se penchant pour l’embrasser, Alexander lui murmura en souriant à la mièvrerie des mots qu’il prononça

– Je serais, si tu l’acceptes, ton chevalier fidèle et courageux pour te protéger.

Guido et Archibald comprirent par cet ostensible baiser à Amélie qu’Alexander voulait l’associer au groupe et qu’il faudrait qu’elle soit, aussi, mise au courant de leurs intentions.

Ils choisirent d’attendre un jour et une nuit avant de repartir de Prague pour qu’Amélie se remette un peu mieux.

Dans cet intervalle de temps, elle leur parla de son affiliation aux Fidèles d’amour. Parce que cette société avait les mêmes idéaux, mettre l’esprit humain et l’intellect au-dessus des religions, avec l’ambition de créer une ecclesia par l’union d’hommes de bien, ils s’accordèrent pour qu’elle fût instruite des événements depuis la découverte des photos dans la galerie.

Presque rien ne lui fut caché, hormis que le comte et même Guido appartenaient à Mensura, ce qu’avait compris Alexander. Ce fut un pacte confiant de confidentialités qui scella le groupe.

Le voyage, maintenant des quatre dans la voiture conduite par Parker, les ramena à la résidence d’Eaton square, choisie par le comte Archibald parce qu’elle était suffisamment grande et confortable pour accueillir les hôtes qui allaient travailler ensemble au dépouillement des lettres, trésor des archives de M caché par Jakub Novák. 

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[1] Selon René Guénon.

Imaginons toutes les femmes célèbres dans une Tenue maçonnique commune… rêvons un peu

La Tenue des Étoiles : une Loge intemporelle

Sous un ciel d’encre constellé d’étoiles, la Loge « L’Étoile Flamboyante » s’élève dans une clairière hors du temps, entourée de chênes séculaires murmurant des secrets anciens. Ses murs de pierre brute, gravés de symboles – compas, équerre, delta lumineux – s’ouvrent sur un Temple baigné d’une lumière douce, émanant d’un candélabre à sept branches. Le sol, un pavé mosaïque noir et blanc, reflète la dualité harmonieuse de l’univers. Des tentures pourpres ornées d’étoiles d’or encadrent l’Orient, où trône un autel drapé de velours, portant le Volume de la Loi Sacrée et les outils sacrés.

Ce soir, la Loge accueille une assemblée exceptionnelle : Marguerite Yourcenar, Simone de Beauvoir, Olympe de Gouges, Gisèle Halimi, Simone Veil, Françoise Giroud, Joséphine Baker, Rosa Parks, Claire Lacombe, Christine de Pisan, Marie Curie, et d’autres Sœurs illustres. Leurs tabliers, brodés de fils d’argent, scintillent dans la pénombre, symboles de leur travail sur la pierre brute de l’humanité.

Marguerite Yourcenar, Vénérable Maîtresse, occupe l’Orient, son regard pénétrant sous une chevelure argentée évoquant la sagesse d’Hadrien. Sa voix, grave et posée, ouvre les travaux : « Mes Sœurs, au nom du Grand Architecte de l’Univers, je déclare la Loge ouverte à l’heure juste et parfaite. »

Simone de Beauvoir, Première Surveillante, se tient à l’Occident, ses lunettes cerclées d’acier scrutant les apprenties, prête à guider par la rigueur de sa pensée.

Olympe de Gouges, Seconde Surveillante, rayonne au Midi, sa plume invisible brandie comme un flambeau pour la liberté.

Gisèle Halimi, Oratrice, se dresse près de l’autel, sa robe noire soulignant son éloquence tranchante, prête à défendre l’éthique de la Tenue. Simone Veil, Secrétaire, note les travaux sur un parchemin, son calme indéfectible gravant chaque mot avec précision. Françoise Giroud, Trésorière, gère les deniers symboliques au Nord-Est, son sourire malicieux rappelant son art de conjuguer pragmatisme et idéal. Joséphine Baker, Maîtresse des Cérémonies, guide les Sœurs avec une grâce dansante, son tablier orné de plumes évoquant son combat universel.

Rosa Parks, Hospitalière, veille au Sud-Ouest, ses yeux doux offrant réconfort aux âmes en quête, tandis que Claire Lacombe, Couvreuse, protège l’entrée, son énergie révolutionnaire en sentinelle. Christine de Pisan, Garde des Sceaux, conserve les archives près de l’Orient, son écritoire témoignant de la première plume féministe. Marie Curie, Experte, scrute les symboles au centre, ses mains irradiant une curiosité scientifique au service de la Lumière.

La Tenue s’ouvre par le rituel du Rite Français, adapté à cette sororité intemporelle. Yourcenar frappe trois coups de maillet : « Mes Sœurs, que venons-nous faire ici ? » Beauvoir répond : « Tailler notre pierre brute pour édifier un Temple d’égalité et de raison. » Gouges ajoute : « Et porter la Lumière là où règnent les ténèbres de l’injustice. » Les travaux commencent par une planche de Halimi sur la justice universelle, suivie d’un débat où Veil et Giroud croisent leurs visions de la société, tandis que Baker rythme l’échange d’un chant fraternel.

Dans cette Loge imaginaire, chaque Sœur incarne un plateau, un pilier d’une chaîne d’union vibrant d’histoire et d’espoir, prouvant que la Franc-maçonnerie transcende le temps pour unir les esprits libres.

Le mot du mois : « Indifférence »

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Le sémantisme indo-européen *bher-, particulièrement vaste, désigne l’idée de porter. Amphore pour conserver le vin et les céréales, métaphore, anaphore comme procédés stylistiques. L’euphorie nous soulève de bonheur.
La langue étrusque en fait le *fur, le voleur, qu’il soit furtif comme le furet, ou le furoncle, à l’origine cette tige secondaire de la vigne qui dérobe la sève, qu’on repère comme une petite bosse, et qui rend furax le viticulteur…

Le latin, quant à lui, confère à l’idée de « porter » la gestation, le comportement, le butin ou le rapt, ou un autre sémantisme *fors, la fortune, le sort à supporter, favorable ou pénible.
Les aléas de la conjugaison du verbe *ferre, *latum au participe, engendrent une profusion lexicale, la conférence et la circonférence, l’ablation, la délation et la collation, la relation et la déférence. La différence et le dilatoire. Une terre fertile. Une infortune bien fortuite, cause de souffrance. Lucifer, pourquoi pas ?
Arrêtons là une exhaustivité fastidieuse.

Différer, donc. Au sens propre, porter autrement, ailleurs. Les particularités de son apparence, de ses idées, de la langue parlée, tout ce qui peut amener, trop rapidement, à percevoir cette différence comme une menace à la conformité de l’ordre établi.
Montaigne écrit sagement : « Je trouve autant de différence de nous à nous-mêmes que de nous à autrui. »

La différence est une richesse, par exemple lorsqu’on réfléchit aux « idiotismes », dont les langues, donc les cultures diverses offrent les métaphores. Si, en français, une femme « a du charme », en espagnol, elle a « de l’ange » ou « du fantôme ». « Les bras m’en tombent » donne, en espagnol, « l’âme me tombe sur les pieds ». Jorge Semprun repérait ainsi dans le français « la langue de la précision, de la diplomatie », et dans l’espagnol celle « de la volupté, du sang, de la passion ».

L’indifférence serait-elle alors le contraire de la méfiance spontanée ? Un remède pour lutter contre le préconçu, le préjugé agressif ?

Au XIVe siècle, le philosophe Jean Buridan (1297-1358), recteur de l’Université de Paris, requérait le droit à la « liberté d’indifférence », par exemple celle de l’âne qui hésite entre faim et soif, se condamnant ainsi à une mort certaine. Buridan en avait même inféré la théorie dite du « pons asinorum » le « pont aux ânes », qui aiderait les personnes « lentes d’esprit » à comprendre les propositions logiques.
Mais cette lenteur choisie de l’indifférence n’est-elle pas une précaution propre à susciter de nouvelles réactions de méfiance, jusqu’à la haine parfois, à l’encontre de l’individu qui passe pour ne pas jouer le jeu collectif de l’adhésion immédiate ? Une indifférence jugée hautaine et méprisante ?
Difficile droit à la différence, si souvent revendiqué à cors et à cris pour soi-même, et rarement pour les autres…

Annick DROGOU

Indifférence, qualité ou défaut, vertu ou vice ? On vantera l’ataraxie du sage, de celui qui ne se laisse pas troubler par l’écume des jours, et on condamnera la lâcheté du cynique qui n’a pas le souci du malheur du faible. Au premier, on répondra que son indifférence, sa fermeté de caractère, est stérile si elle reste sans amour, et au second on répliquera avec Blake qu’ « aucun homme n’est une île […]. N’envoie jamais demander pour qui sonne le glas : c’est pour toi qu’il sonne. »

Il est des mots qu’on ne devrait pas laisser sortir non accompagnés. « Indifférent » est de ceux-là comme le mot « persévérant ». Indifférent à quoi, persévérant en quoi ? Non, ces mots ne se suffisent pas à eux-mêmes. Vers quelle destination nous conduisent-ils ? L’indifférence nous laisse sur le quai, au mieux elle promet un destin de feuille morte au gré des vents ou au fil de l’eau, quand on reste insensible à la vie qui vibre, à ses pulsations et à la source de toute joie. Laissons résonner en nous la vie. Rien ne m’indiffère.

Tornade dans la ville

Mais gare aux emballements sans lendemain, au triomphe de l’émotion, au règne de l’opinion. C’est une pareille promesse de feuille morte poussée par le vent ou le flot. L’indifférence comme la persévérance ont besoin d’un tiers de confiance qui s’appelle force d’âme, force de caractère nécessaire pour poursuivre le voyage et atteindre le bon port. Comme Ulysse attaché à son mât, indifférent au chant des sirènes mais persévérant vers Ithaque.

Jean DUMONTEIL

Sagesse, Force et Beauté, une triade philosophique et spirituelle

Sagesse, ils en ont parlé

«Rien de divin ou de bienheureux n’appartient donc aux hommes, à part cette seule chose digne d’être prise au sérieux : ce qu’il y a en nous d’intelligence et de sagesse. En effet, parmi les choses qui sont nôtres, celle-là paraît être la seule immortelle, la seule divine.» Aristote, Protreptique

Du grec σοφία, Sophia, signifiant sagesse mais aussi savoir. En Grèce antique, la sagesse n’est pas forcément l’apanage du philosophe mais aussi celui de l’homme avisé, de l’artisan, du scientifique, ou du législateur, en phase avec son époque. Pour en savoir plus, découvrez les sept sages de la Grèce antique.

La sagesse est l’un des attributs de Dieu manifesté en Chokmah, une des séphiroth de l’arbre de vie de la kabbale. En psychologie occulte, Chokmah est associée à la perception soudaine d’intuitions fulgurantes, sous le titre d’intelligence illuminante ; la sagesse de Chokmah est la capacité à examiner la réalité à son niveau d’abstraction le plus élevé, jusqu’à être capable de percevoir ce qui en fait la vérité essentielle. Le chemin de la sagesse passe de Hokhmah à Binah puis se poursuit sur la voie de l’intelligence de Binah à Daat et se continue par le chemin de la bonté de Hesed à Tiferet.

En hébreu le mot « sagesse » Hochma (החוכמ) et « le cœur » (הלב) ont la même valeur guématrique : 37.

Dans une perspective initiatique, la sagesse est une connaissance de la structure secrète de la création et des divers éléments qui la constituent, «une tension vers le savoir» comme le dit Platon. Idéal de la vie humaine, la sagesse peut se définir comme un état de réalisation qui s’appuie sur une connaissance de soi et du monde que les alchimistes recherchent dans la pierre philosophale.

De manière générale l’homme souhaite un monde où le bien et le mal soient nettement discernables, car il y a en lui le désir inné et indomptable de juger avant de comprendre. Sur ce désir sont fondées les religions et les idéologies. Elles exigent que quelqu’un ait raison. Discerner le Bien du Mal, être inspiré par un manichéisme où se condensent et s’alternent les contraires, où s’ouvre le passage d’une vision duale, risque de dévoiler une vérité virginale dure et froide. C’est à son mariage avec l’âme de la révéler chaude et tendre ; cette union est la fraternité. Il s’agit de faire de la justice une équité, une modération du droit objectif, de sous-tendre la rigueur par la miséricorde.  Toutes les paroles de sagesse que l’on peut lire dans les diverses traditions sont des formulations de ce lien ou de la manière de le réaliser ; on ne peut pas reconnaître la sagesse sans la pratiquer avec l’amour de l’autre.

Pour les chrétiens, la Sagesse est l’un des sept dons de l’esprit saint avec l’intelligence, la science, le conseil, la force, la piété et la crainte de Dieu. Pour eux, la sagesse est par essence divine.

«Celui-là est homme de bien qui sait unir la retenue avec l’indulgence, la fermeté avec l’honnêteté, la gravité avec la franchise, la déférence avec de grands talents, la constance avec la complaisance, la droiture et l’exactitude avec la douceur, la modération avec le discernement, l’esprit avec la docilité, et le pouvoir avec l’équité. Celui-là est, à juste titre, appelé homme sage, qui pratique constamment ces neuf vertus.» Ce texte est extrait du Chou King (p.75) qui rapporte les paroles de Kao-Yao ministre du roi Chun (3e millénaire avant notre ère) !

René Guénon affirme que vers la Connaissance il y a de nombreux chemins, mais seulement un but, la sagesse.

Pour Spinoza, à la fin de son livre L’éthique, le sage est celui qui, sans se rapporter à aucun dieu, ni aucune morale dogmatique, s’attache philosophiquement à la libération de l’être, qui affirme constamment son être et son accroissement d’être, qui expérimente le bonheur à exister. Et Comte Sponville de rajouter : avec un maximum de lucidité.

Pour Mircea Eliade, le chemin de la sagesse ou de la liberté est un chemin qui mène au centre de son propre être.

Pour Matthieu Ricard, la sagesse est comme le soleil, ses rayons en seraient la compassion indissociable.

L’archétype de la sagesse éternelle est à la source des idées de sacré, de surnaturel, de transcendance. Il est souvent représenté par la Lumière, et suscite une réaction de respect, voire de fascination. Il peut s’exprimer à travers les imagos du vieux maître, du magicien (Merlin), du feu sacré ou, dans un registre plus féminin, de la Mère universelle (Magna Mater) ou de la connaissance de la nature.

Si le philosophe cherche la sagesse, le sage vit en la pratiquant (la phronesis). La préparation philosophique n’était pas suffisante, même comme préparation, car elle ne concerne qu’une faculté limitée qui est la raison, tandis que la sagesse concerne la réalité de l’être tout entier. Ainsi le sage meurt moins que le fou car comme l’écrit Platon dans le Timée : Lorsqu’un homme s’est donné tout entier à l’amour de la science (philo-sophia) et à la vraie sagesse et que, parmi ses facultés, il a surtout exercé celle de penser à des choses immortelles… il ne lui manque rien pour y parvenir [à l’immortalité].»

En se confrontant à sa mort, lors de la cérémonie de réception au grade de maître, le franc-maçon devient le sage qui est, d’abord et avant tout, celui qui accepte sa condition de mortel, c’est-à-dire celui qui accepte d’être lui-même et de ne pas devenir un dieu, comme Ulysse refusant l’immortalité et la jeunesse éternelle que lui offrait Calypso.

Pour cette vie limitée, le maître a apporté des réponses sur le sens de sa vie. Sa quête est un effort, une volonté de vérité; débarrassé de l’inutile par l’abandon du vieil homme, il vit dans l’essentiel.

La Sagesse est associée à l’Orient, lieu de provenance de la lumière naissante, analysée dans l’ordre humain en Pensée divine originelle. Dans le symbolisme constructif, on lui affectera le Plan qui est synonyme de Loi Universelle à laquelle participe l’Œuvrier. C’est le Roi Salomon détenteur des plans du Temple qui incarne la Sagesse antique. La sagesse est attribuée, dans la mémoire collective, au roi Salomon, celui qui l’a introduite dans les Écritures, celui qui inspirera aussi le Nouveau Testament. Influencé par la fille de Pharaon dont il fait son épouse principale, il puise ses proverbes aux sources de la morale et des livres sapientiaux égyptiens. La tradition maçonnique évoque la sagesse sous les traits du roi Salomon : «l’homme très sage» (Constitutions d’Anderson) ; Salomon, fils de David, célèbre pour sa sagesse (Rite Français) ; le sage roi Salomon (REAA) ; Salomon étant doué de la plus haute sagesse (RER).

Pour l’Ancien Testament, l’homme sage incarné par le roi Salomon est celui qui discerne le bien du mal et qui consent, par une stricte observance, à la Loi. Salomon fut exaucé en demandant la sagesse. Elle lui fut donnée comme une grâce. La sagesse fut accordée à Salomon qui, dans un rêve, ne demanda à son Dieu que de discerner le bien du mal. À son réveil, Salomon, s’aperçut qu’il comprenait le langage des oiseaux et qu’il pouvait leur parler. Ainsi couvert par la sagesse, il y a un accès à un sens qui se trouvait déjà là, sous la couche sédimentée de la différence des espèces. La sagesse permet de dévoiler de nouvelles tonalités qui échappent aux significations stéréotypées et affaiblies du quotidien. Sa sagesse s’exprime dans trois livres que la Bible retient et qui auraient été écrits par Salomon. Misleî (les Proverbes), Qohelet (l’Ecclésiaste) et le Shir Hashirim (le Cantiques des Cantiques). La Septante consacre un Livre à La sagesse de Salomon, ce texte n’a pas été retenu dans l’Ancien testament des juifs et des protestants.

Pour le franc-maçon attaché aux «Moderns», l’idée de sagesse s’appuie sur l’apologie de la raison. «On peut parler de Sagesse, on peut d’un Sage, mais à la condition de considérer la relativité des rapports entre la sagesse et les autres valeurs, du Sage avec les autres hommes et en particulier du Héros et du Saint, etc.» (Jean Mourgues, Lettres fraternelles du travail maçonnique en Loge de Perfection, p.25.

Le vrai sage, qu’il soit maçon, moine bouddhiste ou moine chrétien -ou un voyageur ou pèlerin vers le transcendant de chaque lieu- ne néglige pas d’accueillir toute source de sagesse qui lui permet de mieux comprendre son égo et le monde avec consciosité.

On lira avec un vif intérêt dans le tome 14 du Dictionnaire de spiritualité les pages 58 à 132  qui sont une bonne approche de la notion de Sagesse.

La Force, compagne de la sagesse

La sagesse ne suffit pas pour être un initié.

La force, celle de l’esprit, conduit à la victoire de celui-ci sur la matière par une sublimation des instincts. La force morale permet à l’être humain de traverser toutes les vicissitudes de la vie.

Dans l’ancienne Égypte, les hiéroglyphes exprimaient les concepts de la force à travers plusieurs de ses aspects : force jaillissement de la force vitale (ouadj), servant également à désigner une colonne ou pilier du temple ; force équilibre et bonne santé (oudja), régulateur des feux servant à transmuter la matière dans le creuset alchimique ; force créatrice par la vision des choses (oudjat, l’œil du delta) ; force magique découlant de l’énergie lumineuse (heka), permettant de modifier le cours du destin ; force qui nourrit (ka), activant le potentiel de chaque chose.

Dans la Grèce antique, Bia est une divinité personnifiant la Force, la Vaillance, la Valeur ou la Violence. Elle est la sœur de Cratos, la puissance, le Pouvoir, la Vigueur ou la Solidité.

Gabriel, גַּבְרִיאֵל, dont le nom hébreu signifie la Force de Dieu, est un archange cité dans l’Ancien Testament, le Nouveau Testament et le Coran. Maître Eckhart, parlant de l’ange annonciateur du kérigme écrit : «Dans cette naissance [annoncée de jésus] Dieu se manifestait et se manifeste encore comme force.»

Il est probable que le mot hébreu (Elohim), rendu par Dieu, soit dérivé d’un verbe qui exprime l’idée de force ; Hengstenberg et d’autres le rattachent à une racine qui en arabe signifie redoutable… Le nom d’Elohim peut donc avoir été choisi comme le plus convenable pour représenter Celui en la personne duquel toutes les forces et toutes les vertus se trouvent réunies et au plus haut degré de perfection. On pourrait le rendre par : les forces. (Commentaires psaume 19)

Dans la tradition chrétienne, l’archange Gabriel (ou Michel) terrassant le dragon est une incarnation de la force de la foi chrétienne triomphant des puissances néfastes ou des anciennes divinités de la Nature. Le lion de St Marc en est aussi un symbole.

En loge, la force est plus que l’addition de celle des francs-maçons présents ; c’est la fraternité nourrissant ceux qui participent aux travaux. Le franc-maçon se doit d’être, comme le dit Rainer Maria Rilke dans ses Sonnets à Orphée, «dans cette nuit de démesure, la force magique au carrefour des hommes et le sens de leur rencontre singulière.» La force n’a de valeur que si elle est sûre d’elle afin de s’exprimer d’une façon tranquille. Vient alors le temps de la douceur, qui n’est autre que la force tranquille qui convainc et s’assure une victoire définitive si elle est exercée dans le respect de l’autre.

The Edinburgh Register House (1696), le premier catéchisme maçonnique connu, laisse entendre que les noms de Boaz et Jachin étaient liés aux rituels des apprentis et des camarades, tandis qu’un premier exposé, The Grand Mystery of Free-Masons Discover’d (1724) expliquait que «Iachin et Boaz» représentent «Une force et une stabilité de l’Église à tous les âges». Un autre exposé, The Whole Institutions of Masonry (1724), a fait remarquer: «L’explication de nos secrets est comme suit : Jachin signifie Force et Boaz Beauté Lorsque les rituels maçonniques ont été traduits en français, le mot force a été rendu par force, comme on le voit dans le premier manuscrit rituel maçonnique français connu, le Rituel Luquet (vers 1745). Il déclare que la signification du mot Jakin est «La force est en Dieu»(La force est dans Dieu, p.3). En l’espace d’une vingtaine d’années, les deux mots significatifs ont été inversés, mais les significations ne l’ont pas été. (Arturo de Hoyos, Albert Pike : On Freemasonry & Force)

«La Force se traduit en Action, soit la réalisation matérielle et concrète d’une Pensée proportionnée et contenue par l’Harmonie-Beauté. La Force est ici la réalisation et le maintien d’une potentialité lumineuse contenue dans le Verbe. Pour le constructeur c’est l’usage «éclairé» de l’outil et de l’instrument contenu dans les limites du compas et de l’équerre. La persistance à bâtir et rebâtir le Temple sera vue comme la détermination à faire apparaître l’esprit dans la matière et ceci par des actes positifs, ce qui au plan humain revient à admettre la présence de la Lumière en soi. Autrement dit, et selon le roi Salomon, «la Force accompagne la Sagesse chez le Sage».

La Beauté fait grâce à la Sagesse et à la Force

«La grandeur et la beauté des créatures font, par leur analogie, contempler leur créateur»

La beauté, esthétique de l’action, est la fierté de l’ouvrage bien fait, c’est l’insertion harmonieuse de l’action dans son environnement. Comme accomplissement de l’harmonie et de la concorde universelle. La beauté n’est pleinement réalisée qu’en s’unissant, dans un entrelacs brunnien, à la sagesse qui mesure, conçoit et invente et à la force qui exécute et crée.

Une séphira au cœur de l’arbre de vie, rayonnante et reliante porte le nom de Beauté : Tipheret, la 6e Séphira, est située sur l’axe central de l’Arbre de Vie, elle est le reflet de Kether, la source divine.

Définie par Platon comme celle des figures, droites ou cercles et de tout ce qui en provient, surfaces ou volumes, au moyen de compas, de règles, … elles ne sont pas belles les unes par rapport aux autres, elles le sont en elles-mêmes et pour toujours ; le «Beau est la splendeur du Vrai»  disait-il. Dans le dialogue entre Socrate et Hippias majeur, Platon nous interroge sur ce qu’est le Beau.

Le mot grec kalokagathia (formé sur καλός kalos, «beau», et ἀγαθός, agathos, «bien»), fait du «Bon» et du «Beau» les deux versants d’un seul sommet.

L’amour du beau s’appelle la philocalie.

Plotin s’interroge sur ce qu’est la beauté pour conclure :»il faut dire que le Beau intelligible est le lieu des idées, que le Bien, placé au-dessus du Beau, en est la source et le principe; ou bien placer dans un seul et même principe le Bien et le Beau, mais en regardant ce principe comme le Bien d’abord, et seulement ensuite comme le Beau» (Première Ennéade, livre VIe, Du Beau).

Dans une civilisation théocentrique, l’art se rattache à l’ésotérisme, dimension la plus intérieure de la tradition. La grâce, la beauté en hébreu se dit hèn (חן), dont les lettres sont les initiales (notarikon) de hochmat hannistar, la sagesse secrète.

S’inspirant de Vitruve, Alberti conçoit la beauté comme un «je ne sçay quoi» qui résulte de la conjonction de trois facteurs : «beauté est un accord, ou une certaine conspiration (s’il faut parler ainsi) des parties en la totalité, ayant son nombre, sa finition, & sa place, selon que requiert la susdicte correspondance, absolu certes & principal fondement de nature» (lire avec plaisir le texte Alberti et l’harmonie spatiale, miroir de l’harmonie cosmique).

« Dans la mesure où l’art s’apparente à la contemplation, il est connaissance ; la beauté étant un aspect de la Réalité, au sens absolu du terme. L’expérience du beau est une mise en relation profonde de l’être avec la dimension sacrée de l’existence, expérience physique et spirituelle à la fois qui procure apaisement et émerveillement. La beauté ne prend sens que lorsqu’elle est appréhendée, intériorisée par une âme humaine » (François Cheng).

L’ordre de la beauté de la forme n’est pas issu du sensible venant de lui-même parce qu’il doit venir de ce qui Un par excellence et qui se nomme chez les philosophes Idée ou Esprit (Geneviève Trainar, Transfigurer le temps).

Dans son Discours de 1730, le Chevalier de Ramsay précise que la beauté est celle du génie (dans sa conclusion).

En quoi le Second Surveillant est-il associé à la Beauté ? Un ancien rituel donne cette explication : – Pourquoi le pilier de la Beauté est-il attribué au Second Surveillant ?- Parce qu’il se tient au Midi, qui est la beauté du jour, pour appeler les ouvriers au repos et les rappeler au travail, afin que le Maître en tire honneur et contentement» (Jean Ferré, Dictionnaire des symboles maçonniques, 1997).

«La Beauté qui naît de l’harmonie implique la morale du Beau et du Bien (éthique), mais aussi la proportion idéale qui accompagne et dessine la Volonté née de la pensée. Cette Beauté est la représentation mentale d’une forme parfaite inspirée d’une pensée idéale ou divine. Pour le constructeur c’est la divine proportion symbole de perfection qu’il peut trouver au centre de lui-même. La Beauté est née de la Sagesse, elle est selon le roi Salomon «une couronne pour la tête du Sage».

La beauté est partout dès lors qu’elle est dans le regard de celui qui observe.

Visionner les Entretiens d’été du 20 juillet 2023 de l’Académie maçonnique : La beauté

Sagesse, Force et Beauté, une triade philosophique et spirituelle

Invoqués dans la prière initiale des Old Charges, les trois piliers se nommaient Sagesse, Force et Bonté. Y aurait-il eu un glissement de la morale vers l’esthétisme ? La bonté suprême, c’est cette générosité d’un principe de vie qui se donne indéfiniment. Si la bonté donne parfois l’idée d’une obligation morale, d’un devoir, la beauté la transforme en une présence attirante qui inspire le désir d’y adhérer, de l’aimer. « La bonté est garante de la qualité de la beauté ; la beauté, elle, irradie la bonté et la rend désirable. »

Calvin, dans son commentaire du Psaume 19 de la Bible écrit : «les cieux ont été merveilleusement fondés ab opifice praestantissimo», et de rajouter : «lorsque nous avons reconnu Dieu comme mundi opificem, c’est-à-dire Architecte de l’univers, nous ne pouvons qu’admirer sa sagesse, sa force, sa bonté.» Ne trouve-t-on pas ici la source de l’expression «Sagesse, Force et Beauté», beauté étant l’équivalant de «bonté» dans les Old Charges ?

Comme cela était déjà écrit en 1390 dans le plus vieux exemplaire des Olds Charges : «la force du père des cieux, la sagesse du fils glorieux et la beauté du saint esprit», l’origine de cette triade serait chrétienne.

Comme l’explique Roger Dachez : « Dans le système de la Maçonnerie anglaise de la première moitié du XVIIIe siècle, il y a 2 chandeliers à l’Est et 1 au Sud-Ouest. Ils symbolisent le Soleil, la Lune et le Maître de la Loge ce qui en rapport avec la culture chrétienne commune de la théologie médiévale qui associe le soleil à la nature divine du Christ, la lune à sa nature humaine et l’étoile à l’annonce de la venue du Sauveur… Quant à la formule Sagesse, Force et Beauté qui apparaît dans la Maçonnerie spéculative en 1727, elle est déjà présente dans les Anciens Devoirs (Force du Père, Grâce du Fils, Bonté du Saint-Esprit) à l’image des spéculations de théologiens, tel Pierre Lombard au XIe siècle et des ouvrages de pitié populaire du XVe siècle. »  

À ces Trois mêmes Vertus, Dante fait correspondre saint Pierre, saint Jacques et saint Jean, les Trois Apôtres qui assistèrent à la Transfiguration (note 25, L’Ésotérisme de Dante, René Guénon, éd. Gallimard, 1957).

Jean-Baptiste Willermoz complète ce ternaire par la nature, la raison et la justice ; le spirituel, l’animal et le matériel ; l’intelligence, la conception et la volonté.

La capacité d’intelligence, la force de volonté et la hauteur de caractère, étaient nécessairement constatées pour accueillir l’adepte à l’initiation des cultes antiques.

L’énumération sagesse, force, beauté, dans cet ordre, apparaît successivement dans : Le Wilkinson (1727) [à partir de cette date, il ne variera plus] qui précise «Sagesse pour inventer, Force pour soutenir, Beauté pour orner» ; le Masonry Dissected (1730) qui reprend la même séquence ; le Discours de Ramsay (1737) parlant d’un «ordre dont la base est la sagesse, la force et la beauté du génie» ; le Catéchisme des Francs-Maçons (1744)  qui dit la même chose ainsi que la Déclaration Mystérieuse (1743), le Sceau Rompu (1745).

 «Sagesse, force, beauté», peut être rapporté à d’autres ternaires, à vous de les associer !Ainsi, la Franc-maçonnerie bleue (celle des trois premiers degrés) s’articule autour de ternaires parmi lesquels la triade sagesse-force-beauté qui rappelle ses valeurs philosophiques et spirituelles, physiquement représentées par les trois piliers.

Les textes maçonniques, que ce soit le Rituel de Berne de 1740, celui des Trois coups distincts de 1760,  le Catéchisme adonhiramique de 1787, ceux du rite français comme ceux du RER, tous les désignent par trois grandes colonnes. Le Manuscrit Wilkinson les désigne par trois grands piliers. Le REAA parle de trois forts piliers, le Règlement général de la  franc-maçonnerie de 1805 précise, quant à lui, trois grands Chandeliers, portant chacun un flambeau. Quels que soient les termes employés, les 3 piliers signifient toujours  Sagesse, Force, Beauté. Ainsi, on trouve dans les rituels, comme dans l’instruction au 1er degré du REAA : D – Quels sont les appuis de votre Loge?  R-  Elle est fondée sur trois forts piliers.  D – Quels sont-ils ? R – Sagesse, Force, Beauté.

Le vénérable et les deux surveillants ne sont pas l’incarnation des constituants du ternaire. Quand on élève  le temple sur la base de ce ternaire à l’ouverture des travaux, les trois officiers n’en sont que les œuvriers qui lui permettent d’être un ternaire vibratoire de lumière par leurs proclamations, qui bien que variant selon les rites, signifient toujours la même chose à savoir que la sagesse illumine nos travaux, que la force les soutienne, que la beauté les orne mais surtout que chacun les accueille en lui !  Cela est si vrai que le vénérable est, selon les instructions du premier grade, une des trois lumières de la loge avec la lune et le soleil, il n’est donc pas la sagesse, c’est son flambeau qui la porte.

Il persiste que les flammes, appelées étoiles, allumées sur chacun des piliers/flambeaux, tracent un écrin  de lumière pour le tableau de loge, le spiritualisant par la triade sagesse-force-beauté qui est notre création intérieure, véritable fondation sur laquelle se construit le temple personnel.

«Les significations hautes des trois vertus SFB, leurs essences, convergent vers un point d’intersection intérieur qui est la conscience de l’homme agissant dans un réel. Cette conscience agissante prend en compte trois notions fondamentales : 1/ soi, les autres le monde, 2/ l’origine du monde et de l’homme, 3/ le tout et l’unité.» Un ternaire pour une «musculation existentielle» !

Ne pourrait-on pas considérer ce triptyque comme l’influence des trois courants : le judaïsme avec la sagesse du roi Salomon,

la justice canonique avec la force,

et la pensée grecque avec la beauté ?


[1] Étienne Hermant, 1717. Nous tenons Loge ce soir, Le chapelain de la Loge Saint-Paul, 2019.

Avec ou sans tablier : Simone, Aurore, Ginette, Audrey, Delphine, Fanny, Dany, Sylvie, Olympes…

En cette journée du 8 mars…

Nous avons beau nous dire que nous avons vécu de vraies révolutions, que nous avons connus des siècles d’évolution, et pourtant, force est de constater qu’il y a à peine 48 ans que se levait la journée pour les droits des femmes, en 1977, et waouh, 5 ans après, en France, la journée du 8 mars est reconnu « officiellement » comme telle…

Quelle ironie de devoir rappeler à la moitié de la population que l’autre moitié mérite d’être respectée, honorée et traitée avec dignité et que, de Ministère en Ministère de l’égalité des chances surtout, il faille s’assurer que cette même moitié féminine puisse avoir les mêmes opportunités que son homologue au masculin ? Non ?

Et dans cette alliance universelle d’hommes et de femmes francs-maçons unis (ou réunis sous réserve de loge mixte, accords ou visites autorisées, cela va de soi, pour les femmes évidemment) pour œuvrer au perfectionnement de l’humanité, ne serait-il pas intéressant de s’interroger sur le fait qu’aucune figure féminine ne figure justement dans les rituels de franc-maçonnerie ? Ah, si pardon, nous faisons circuler le tronc de la veuve…

Espérons, espérons, espérons….

Et peut-être un jour à l’unisson, nous fêterons la journée internationale des droits de l’Homme… Mais avec un grand « H » !

Alors, dans l’ombre ou sous les projecteurs, avec ou sans tablier, clin d’œil aux femmes qui portent le monde en mêlant douceur et force inégalée (oui, je crois qu’aucun homme n’a encore accouché…) :

Simone, Aurore, Ginette, Audrey, Delphine, Fanny, Dany, Sylvie, Olympes, Andrée, Déborah, Samira, Bérénice, Aïcha, Élise, Camille, Chloé, Esther, Magali, Léa, Amélie, Adélaïde, Henriette, Elsa, Sandrine, Cécile, Jacqueline, Priscille, Emilie, Chantal, Marion, Denise, Sarah, Judith, Véronique, Mélanie, Ingrid, Océane, Laure, Zoé, Séverine, Marie-Françoise, Claire, Silou, Amina, Mylène, Océane, Fatoumata, Maria, Nathalie, Olga, Sophie, France, Rachel, Julie, Margaux, Nancy, Françoise, Marie-Georges, Guislaine, Carmen, Yvonne, Maud, Vanessa, Pilar, Irène, Martine, Joséphine, Éliane, Ninon, Élodie, Apolline, Virginie, Isabelle, Karine, Laura, Hortense, Irina, Léonore, Myrtille, Christiane, Dominique, Paloma, Béatrice, Corinne, Nicole, Johanna, Clarisse, Geneviève, Bernadette, Odile, Emmanuelle, Maryse, Colette, Nadou, Eglantine, Juliette, Cassandre, Nadège, Annabelle, Constance, Jennifer, Thérèse, Catherine, Leila, Gabrielle, Nina, Stéphanie, Pauline, Emma, Aurélie, Claude, Pénélope, Lucie, Christelle, Clara, Gisèle, Céline, Myriam, Anaïs, Brigitte, Rosalie, Paulette, Lila, Clémence, Alexandra, Evelyne, Estelle, Sabine, Pascale, Cyrille, Marjorie, Mireille, Carina, Valentine, Monique, Lise, Barbara, Marie-Thérèse, Eve, Léopoldine, Laurène, Sabrina, Alma, Célia, Eléonore, Mathilde, Agnès, Noémie, Faustine, Rahmona, Valérie, Madeleine, Olivia, Flavie, Angélique, Hélène, Marie, Jeanne, Tatiana, Manon, Florence, Laurence, Yasmina, Amandine, Joëlle, Salomé, Louise, Marguerite, Annick, Sonia, Françoise, Édith, Giulia, Blanche, Sandra, Patricia, Ariane, Renée, Caroline, Laurie, Alice, Josiane, Salma, Eugénie, Anne, Astrid, Carole, Fabienne, Lucienne, Aliénor, Victoria, Abigaïl, Perrine, Jessica, Angelina, Jocelyne, Linda, Michèle, Charlotte, Alexia, Séraphine, Christine, Diane

Journée internationale des droits des femmes 2025 : une célébration sous le prisme maçonnique

Aujourd’hui hommage au féminin. La rédaction a laissé toute la place aux femmes. Les 5 articles du jour seront 100% pure féminin.

Le 8 mars 2025 marquera une nouvelle édition de la Journée internationale des droits des femmes, une date reconnue par les Nations Unies depuis 1977 et portée cette année par un thème ambitieux : « Pour TOUTES les femmes et les filles : droits, égalité et autonomisation ». Pour les Francs-maçons, cette journée résonne comme un appel à revisiter leurs valeurs fondamentales – liberté, égalité, fraternité – et à interroger leur rôle dans la quête d’un monde plus juste. À l’heure où l’année 2025 célèbre également le 30e anniversaire de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing, cadre majeur pour les droits des femmes, la Franc-Maçonnerie, avec son histoire riche et parfois complexe vis-à-vis de la mixité, offre un terrain fertile pour une réflexion profonde.

Cet article explore les liens entre cette journée emblématique et l’Art Royal, enraciné dans une tradition initiatique qui, loin de se limiter aux Loges, aspire à rayonner dans la société profane.

Origines historiques : la Franc-Maçonnerie et les femmes, une relation en clair-obscur

La Journée internationale des droits des femmes puise ses racines dans les luttes féministes du début du XXe siècle, notamment les manifestations ouvrières aux États-Unis et en Europe pour le droit de vote et de meilleures conditions de travail. En 1909, le Parti socialiste d’Amérique initie une « Journée nationale de la femme », suivie en 1910 par la proposition de Clara Zetkin, lors de la Conférence internationale des femmes socialistes à Copenhague, d’une journée mondiale. Officialisée le 8 mars par l’ONU en 1977, elle s’inscrit dans une dynamique de justice sociale qui n’est pas étrangère aux idéaux maçonniques.

Pourtant, l’histoire de la Franc-maçonnerie avec les femmes est ambivalente. Apparue en France vers 1725, la maçonnerie spéculative exclut initialement les femmes, reflet d’une société patriarcale où elles sont reléguées à la sphère domestique. Dès 1728, toutefois, des Loges « para-maçonniques » accueillent des femmes, suivies en 1730 par les Loges d’adoption, sous tutelle masculine. Ces espaces, bien que limités, permettent aux femmes d’accéder à un univers symbolique et fraternel, souvent sous l’égide de rituels adaptés. Ce n’est qu’au XVIIIe siècle, avec les Lumières, que des voix s’élèvent pour questionner cette exclusion, portée par des philosophes comme Condorcet, lui-même proche des cercles maçonniques.

Le véritable tournant survient au XIXe siècle. En 1882, Maria Deraismes, figure du féminisme et de la laïcité, est initiée par la Loge « Les Libres Penseurs » du Pecq, marquant une rupture historique. En 1893, elle cofonde avec Georges Martin l’Ordre Maçonnique Mixte International Le Droit Humain, première obédience mixte prônant l’égalité des genres à tous les degrés. Ce jalon illustre un principe maçonnique clé : l’initiation ne saurait être réservée à un sexe, mais doit s’adresser à l’humain dans son universalité. La Grande Loge Féminine de France (GLFF), fondée en 1945 et pleinement autonome depuis 1959 avec l’adoption du Rite Écossais Ancien et Accepté, viendra compléter ce paysage, offrant aux Sœurs un espace pour travailler leur pierre brute loin des influences masculines.

Le thème de 2025 : une résonance maçonnique

Le thème « Pour TOUTES les femmes et les filles : droits, égalité et autonomisation » s’aligne avec les aspirations maçonniques d’une société harmonieuse et équitable. L’ONU met l’accent sur trois axes : la défense des droits humains, la promotion de l’égalité des sexes et l’autonomisation par l’éducation et l’accès aux responsabilités. Ces objectifs font écho aux travaux en Loge, où la quête de la Lumière passe par la déconstruction des préjugés et l’élévation collective.

Droits humains : En Franc-Maçonnerie, le silence de l’apprenti, loin d’être une soumission, est une discipline qui enseigne l’écoute et le respect de l’autre. Pour les Sœurs, ce silence a souvent été une arme contre l’oppression, un moyen de préserver les mystères tout en affirmant leur dignité. Maria Deraismes ne disait-elle pas : « L’infériorité des femmes n’est pas un fait de nature, c’est une invention humaine, une fiction sociale » ? Cette maxime, gravée dans l’histoire du Droit Humain, résonne avec la lutte contre les violences et discriminations dénoncées le 8 mars.

Égalité des sexes : La mixité, bien que tardive dans certaines obédiences, est un laboratoire de l’égalité. En 2010, le Grand Orient de France (GODF) ouvre ses Loges à la mixité optionnelle, un pas symbolique vers la reconnaissance des Sœurs comme égales dans l’initiation. Pourtant, les chiffres parlent : en 2015, la France compte 32 000 Sœurs pour 138 000 Frères, signe que la parité reste un horizon à atteindre, même dans l’Art Royal.

Autonomisation : L’éducation, pilier maçonnique, est au cœur de l’autonomisation. Les Loges féminines et mixtes offrent un espace où les femmes, libérées des rôles sociaux traditionnels, explorent leur potentiel spirituel et intellectuel. La GLFF, par exemple, a abordé des sujets comme la prostitution (2000) ou les violences faites aux femmes, témoignant d’un engagement sociétal qui dépasse le Temple.

La Franc-Maçonnerie face aux défis contemporains

En cette année 2025, les droits des femmes reculent dans certaines régions du monde, menacés par des vagues conservatrices et autoritaires. En France, malgré des avancées – droit de vote en 1944, IVG en 1975, parité en 2000 –, les inégalités salariales (16 % d’écart en moyenne) et les violences sexistes persistent. La Franc-Maçonnerie, fidèle à son rôle de phare humaniste, doit-elle rester silencieuse ou agir ?

Des obédiences comme Le Droit Humain s’illustrent par leur militantisme. Chaque 8 mars, elles honorent Maria Deraismes devant sa statue au square des Épinettes à Paris, un rituel qui unit Frères et Sœurs dans un hommage à l’égalité. En 2023, la Fédération française du Droit Humain rappelait son combat contre le sexisme, s’appuyant sur le rapport du Haut Conseil à l’Égalité pour dénoncer les reculs des droits fondamentaux. La GLFF, de son côté, a manifesté en 2004 devant l’UNESCO contre les violences faites aux femmes, affirmant que la liberté des Sœurs ne saurait tolérer l’asservissement.
Mais la Franc-maçonnerie ne se limite pas à la protestation. Elle est un creuset alchimique où le silence et la parole se conjuguent pour transformer l’individu et, par extension, la société. Le 8 mars 2025 pourrait être l’occasion pour les Loges de multiplier les travaux sur l’autonomisation des femmes, en s’inspirant du thème onusien pour proposer des planches sur l’éducation, la sororité ou la déconstruction du patriarcat.

Symbolisme maçonnique et émancipation féminine

pierre brute,outils apprenti,ciseau,maillet

Le symbolisme maçonnique offre une grille de lecture fascinante pour cette journée. Le cabinet de réflexion, avec son obscurité initiale, n’est-il pas une métaphore de l’hiver social que les femmes ont traversé avant de conquérir leurs droits ? La pierre brute, taillée par le ciseau et le maillet, incarne leur lutte pour s’affranchir des chaînes profanes. Et que dire de l’étoile flamboyante, symbole de la Lumière, qui guide l’initié – homme ou femme – vers la connaissance et l’autonomie ?

La mixité elle-même est un symbole vivant. En Loge, Frères et Sœurs travaillent côte à côte, égaux devant les outils et les rituels. Cette égalité rituelle, bien que parfois imparfaite dans la pratique, préfigure un idéal où le genre s’efface devant l’humanité. Le Rite Écossais, adopté par de nombreuses obédiences mixtes ou féminines, avec ses 33 degrés, illustre cette progression : chaque pas est une victoire sur les préjugés, une marche vers l’autonomisation.

Un appel aux Frères et Sœurs pour le 8 mars 2025

À l’approche du 8 mars 2025, les Francs-Maçons ont une occasion unique de réaffirmer leur engagement. Pourquoi ne pas organiser des Tenues spéciales dédiées aux droits des femmes, où Sœurs et Frères partageraient leurs réflexions sur l’égalité ? Des conférences publiques, comme celles du Droit Humain sur la mixité et la laïcité, pourraient sensibiliser le monde profane. Et si chaque Loge s’inspirait des héroïnes maçonniques – Maria Deraismes, Louise Michel, ou encore les Sœurs de la GLFF – pour tracer une planche sur la sororité universelle ?

Car la Franc-maçonnerie n’est pas un îlot isolé. Elle est un levier pour bâtir une société où toutes les femmes et les filles, sans distinction, trouvent leur place. Le 30e anniversaire de Beijing nous rappelle que le chemin est long : selon l’ONU, l’égalité des sexes ne sera atteinte qu’en 2055 au rythme actuel. Les maçons, gardiens de la devise républicaine, ne peuvent se contenter d’attendre. Leur silence doit être celui de l’écoute, leur parole celle de l’action.

Conclusion : une fraternité sans frontières

Le 8 mars 2025, sous l’égide du thème « Pour TOUTES les femmes et les filles », invite la Franc-Maçonnerie à célébrer ses avancées – de l’initiation de Maria Deraismes à la vitalité des obédiences mixtes – tout en reconnaissant ses défis. C’est une journée pour honorer les Sœurs qui, par leur présence, enrichissent l’Art Royal, et pour tendre la main à celles qui, hors du Temple, luttent encore pour leurs droits. En cette année symbolique, que chaque maçon, homme ou femme, fasse du silence un outil de réflexion et de la parole un flambeau d’espoir. Car, comme le disait Georges Martin, « l’humanité ne sera complète que lorsque l’homme et la femme y travailleront ensemble, égaux et libres ».

Note aux lecteurs de 450.fm : Cet article est une invitation à vos réflexions. Que représente le 8 mars dans votre Loge ? Comment la mixité éclaire-t-elle votre chemin initiatique ? Partagez vos planches et vos expériences pour enrichir notre édifice commun.

Franc-maçonnerie bruxelloise : quand les fake news transforment les loges en repaires de complotistes

De notre confrère sudinfo.be – Par Elie Bok

À Bruxelles, les Francs-maçons ne passent pas leurs journées à conspirer dans l’ombre pour contrôler le monde, contrairement à ce que certains illuminés du clavier voudraient faire croire. Non, ils ont un problème plus terre-à-terre : les fake news qui pullulent en ligne et qui, portées par la caisse de résonance des réseaux sociaux, menacent leur réputation déjà auréolée de mystères. C’est ce que révèle une récente enquête, alors que les loges bruxelloises tentent de naviguer entre discrétion séculaire et tempête numérique.

« Les réseaux sociaux donnent un écho particulier aux fantasmes », déplore Jean-Philippe Schreiber, historien et professeur à l’Université libre de Bruxelles (ULB), dans une déclaration qui sonne comme un cri du cœur – ou un soupir d’exaspération. Et comment lui donner tort ? Sur X, TikTok ou autres forums mal éclairés, les théories les plus farfelues fleurissent : les francs-maçons bruxellois seraient tantôt des marionnettistes de l’économie, tantôt des adeptes de rituels occultes dignes d’un mauvais film d’horreur. Tout ça parce qu’un internaute a cru voir un compas dans le logo d’une friterie du quartier européen.

Le phénomène n’est pas nouveau, mais il prend une ampleur inquiétante. Historiquement, la Franc-maçonnerie, avec ses rituels discrets et son goût pour les symboles, a toujours été une cible de choix pour les amateurs de complots. À Bruxelles, où plusieurs loges affiliées au Grand Orient de Belgique (successeur du GODF en Belgique) opèrent depuis des décennies, cette méfiance s’est amplifiée avec l’ère numérique. « Avant, les rumeurs restaient dans les cafés ou sur des pamphlets mal imprimés. Aujourd’hui, un post sur X peut faire le tour du monde en une heure », note Schreiber, probablement en secouant la tête devant tant de bêtise humaine.

Et les exemples ne manquent pas. Dernier en date :

Une rumeur absurde prétendant que les francs-maçons bruxellois auraient orchestré les embouteillages autour de la gare du Midi pour tester la patience des citoyens

Comme si la STIB avait besoin d’aide pour ça. Résultat : les loges, habituées à travailler dans l’ombre sur des questions philosophiques ou caritatives, se retrouvent à devoir démentir des inepties au grand jour. Un comble pour une organisation qui cultive la réserve comme une seconde nature.

Mais derrière l’humour grinçant, le problème est sérieux. Ces fake news ne se contentent pas de faire rire (ou pleurer) : elles alimentent une défiance croissante envers une institution qui, à Bruxelles comme ailleurs, revendique un rôle de réflexion et de solidarité. Les loges locales, souvent composées de citoyens ordinaires – avocats, profs, ou même employés de la Région bruxelloise – se voient affublées d’une aura maléfique par des internautes en mal de sensationnel. « On passe plus de temps à expliquer qu’on ne sacrifie pas de chèvres qu’à discuter d’éthique ou de justice sociale », plaisante un maçon anonyme, avant d’ajouter, plus sérieux : « Ça devient usant. »

Musée Belge de la Franc-maçonnerie

Face à cette vague de désinformation, les Francs-maçons bruxellois hésitent sur la riposte. Ouvrir davantage leurs portes pour démystifier leur fonctionnement ? Trop risqué, au vu de leur tradition de confidentialité. Ignorer superbement les ragots ? Difficile quand un hashtag comme #MasonsControlBrussels gagne du terrain. Pour Schreiber, la solution passe par l’éducation : « Il faut enseigner la pensée critique, sinon les réseaux sociaux resteront un terrain de jeu pour les fantasmes. » Noble idée, mais bonne chance pour convaincre un complotiste que l’équerre n’est pas un outil de domination mondiale.

En attendant, les loges bruxelloises continuent leur chemin, entre agacement et résilience. Si les fake news sont une menace, elles sont aussi, ironiquement, une preuve de leur aura persistante. Après tout, qui perdrait son temps à inventer des histoires sur une organisation insignifiante ? Reste à espérer que la prochaine rumeur soit au moins un peu plus créative. Allez, messieurs les complotistes, un effort : et si les francs-maçons avaient caché un trésor sous la Grand-Place ? Ça, au moins, ça ferait une bonne histoire.

Thonon : « L’Avenir du Chablais », la doyenne des loges maçonniques du Chablais, fête ses 125 ans

La loge maçonnique « L’Avenir du Chablais », plus ancienne structure de ce type dans le Chablais, s’apprête à célébrer ses 125 ans d’existence lors d’une cérémonie exceptionnelle prévue le mercredi 12 mars 2025. Affiliée au Grand Orient de France (GODF), cette institution thononaise accueillera pour l’occasion Guillaume Trichard, ancien Grand Maître du GODF.

Créée en 1900 sous l’égide du GODF, « L’Avenir du Chablais » s’inscrit dans une période où la franc-maçonnerie française, portée par les idéaux républicains et laïques, jouait un rôle actif dans les débats sociétaux. À Thonon-les-Bains, ville alors en plein essor grâce au tourisme thermal et à son dynamisme économique, la loge a fédéré des personnalités locales – médecins, commerçants, intellectuels – animées par une quête de progrès et de fraternité. « Depuis plus d’un siècle, nous perpétuons un travail philosophique et symbolique au service de l’humain », confie un membre de la loge, respectant la traditionnelle discrétion maçonnique. Avec ses 125 ans, elle demeure un pilier discret mais solide du patrimoine associatif et spirituel du Chablais.

L’événement du 12 mars prochain débutera par une tenue solennelle, rituel réservé aux initiés, avant de s’ouvrir à un public restreint d’invités. Guillaume Trichard, qui a dirigé le GODF de 2023 à 2024, apportera une dimension nationale à cette célébration. Connu pour son engagement en faveur de la laïcité et de la justice sociale, il devrait prononcer une allocution sur l’héritage et l’avenir de la franc-maçonnerie dans un monde en mutation. « Sa présence est un honneur et une reconnaissance de notre histoire », souligne un responsable de la loge, dont l’identité reste, comme de coutume, dans l’ombre.

Au fil de ses 125 ans, « L’Avenir du Chablais » a traversé les tumultes du XXe siècle – guerres, crises économiques, bouleversements sociaux – tout en restant fidèle à ses principes fondateurs : liberté, égalité, fraternité, et une quête de perfection personnelle. Pendant la Seconde Guerre mondiale, certains de ses membres se seraient engagés dans des réseaux de résistance, bien que ces actions, par nature, n’aient laissé que peu de traces officielles. Aujourd’hui, la loge réunit une trentaine d’adhérents, hommes et femmes – le GODF ayant ouvert ses rangs à la mixité dans certaines loges depuis les années 2010 –, qui se retrouvent deux fois par mois pour des travaux alliant réflexion philosophique, débats éthiques et rituels symboliques.

Pour marquer cet anniversaire, un livret historique retraçant le parcours de la loge sera dévoilé lors de la soirée. Riche en anecdotes, archives et photographies – dont certaines remontent aux premières années du siècle dernier –, il sera distribué aux membres et déposé dans quelques institutions locales, comme la bibliothèque municipale de Thonon. « C’est une manière de transmettre notre mémoire tout en restant fidèles à notre discrétion », précise un organisateur. L’ouvrage évoquera aussi les figures fondatrices, comme ces notables thononais dont les noms, bien que peu connus du grand public, ont façonné l’identité de la loge.

Dans une région où la franc-maçonnerie suscite encore curiosité et fantasmes, cet anniversaire offre une fenêtre rare sur une organisation souvent mal comprise. Loin des théories complotistes qui lui prêtent un pouvoir occulte, « L’Avenir du Chablais » se présente comme un espace de dialogue et d’engagement humaniste. « Nous ne dirigeons pas le monde depuis une arrière-salle, plaisante un membre. Nous essayons juste de le rendre un peu plus juste, un peu plus éclairé, à notre échelle. » Une ambition modeste, mais tenace, qui résonne avec l’esprit du GODF.

Le 12 mars, entre les murs du temple thononais, « L’Avenir du Chablais » célébrera donc un passé riche et un avenir qu’elle espère tout aussi fécond. Avec Guillaume Trichard comme invité d’honneur, cet anniversaire s’annonce comme un moment fort pour la communauté maçonnique locale, et peut-être une occasion de rappeler que, derrière les symboles et les mystères, la franc-maçonnerie reste avant tout une aventure humaine.

Site officiel de la Loge

L’Homme entre Ciel et Terre

Le « médiateur »

Selon les doctrines traditionnelles, l’Homme est un être qui occupe une situation spéciale et même privilégiée dans notre Univers. Ce privilège vient du fait qu’il est situé entre le Ciel et la Terre, entre le Bien et le Mal, entre l’Esprit et la matière, entre l’Ange et la Bête. De fait, l’Homme se trouve au centre de plusieurs pôles opposés qu’il doit chercher à équilibrer et à unifier en lui-même. Le « rôle » et la « mission » de l’Homme sur Terre est de trouver (ou de tenter de trouver) un équilibre entre ces pôles et ces forces contraires.

Hermès, le « médiateur ».

Situé entre le Ciel et la Terre, l’être humain occupe une position centrale dans la création et il est le point de jonction de forces qui, à son niveau, paraissent antagoniques. Je dis bien « à son niveau », car dans l’absolu ces forces se résolvent dans l’unité. Trouver un équilibre entre le Ciel et la Terre, le Mal et le Bien, l’Esprit et la matière, cela revient aussi à dire que l’Homme doit trouver le moyen de faire descendre l’Esprit dans la matière et aussi de faire monter la matière vers l’Esprit. Son « travail » sur la Terre est de spiritualiser la Matière ou de matérialiser l’Esprit. De ce point de vue, l’Homme a un rôle tout à fait particulier à jouer dans la Création. Il est l’intermédiaire ou le « médiateur », entre le Ciel et le Terre, entre l’Esprit et la matière. Vu sous cet angle, l’Homme est très proche du dieu grec Hermès, le messager des dieux et le guide des âmes après la mort. Hermès porteur du caducée est lui aussi situé entre le Ciel et la Terre. Il occupe donc une position centrale et médiane. Hermès est un principe de transition entre deux mondes.

Ci-dessus : A gauche, Mercure (Hermès) créant le caducée par le sculpteur Henri Chapu (musée d’Orsay à Paris). Le caducée est un bâton (ou une baguette) autour duquel s’enroulent deux serpents. C’est l’un des attributs d’Hermès, Fils de Zeus et de la nymphe Maia. Hermès serait né en Arcadie. Un jour, Hermès voulut séparer deux serpents en lutte (symbole du chaos et de l’indifférencié), mais ceux-ci s’enroulèrent autour de la baguette en or et formèrent le caducée (symbole de l’harmonie et de la maîtrise). A droite, une gravure de Stolcius von Stolzenberg tirée de son traité alchimique, « Viridarium chymicum » (Francfort, 1624). Nous voyons Hermès Trismégiste (« le trois fois grand ») tenant une sphère armillaire dans la main droite et montrant du doigt le Soleil et la Lune (symboles alchimiques de la polarité) environnés de flammes.

Hermès est un dieu civilisateur qui enseigne aux humains les bases des sciences et des arts. Il aide les trois Parques à composer l’alphabet. Il invente l’échelle musicale, la lyre à sept cordes, la musique et la danse. Il fonde aussi l’astronomie, les poids et les mesures. Il est le maître de la rapidité et de la précision du geste, et en raison de cette faculté, il est considéré comme le maître de l’artisanat. Il trace les routes et les chemins, et il invente les tas de pierres qui balisent les voies de communications (l’herma est un tas de cailloux disposé à intervalles réguliers et assurant la fonction d’indicateur des routes et des frontières).

Hermès est un dieu à caractères multiples. Il est le dieu protecteur des bergers, et c’est la raison pour laquelle il est fréquemment présenté en criophore (« porteur de bélier »), c’est-à-dire portant un agneau sur ses épaules. Plus tard, l’Hermès criophore sera assimilé au Christ, le Bon Berger, celui qui rassemble le « troupeau », qui guide, qui recherche les hommes égarés, et qui donne sa vie pour les autres. Hermès est le dieu protecteur des voyageurs, des navigateurs, des commerçants. Il est celui des échanges et du contrat, mais il est aussi le dieu des voleurs, de la ruse et de la tromperie. Il est un brouilleur de piste et un brigand. Il est donc à la fois organisateur et désorganisateur de la structure sociale. Hermès est le conducteur des âmes aux Enfers (Hadès) et le messager des dieux. Hermès est donc un dieu psychopompe, un « guide des âmes », et à ce titre il est le conducteur des âmes des morts vers l’au-delà (guide ou passeur).

Ces deux fonctions de messager des Dieux et de psychopompe pourraient, astrologiquement, être rapportées respectivement à un aspect diurne et à un aspect nocturne. On peut aussi y trouver la correspondance des deux courants descendant et ascendant que symbolisent les deux serpents du caducée. Ses fonctions de passeur et de messager font d’Hermès un médiateur, nous dirions aujourd’hui un « relais », entre le monde des hommes et celui des dieux. C’est Hermès qui donna le don de parole à Pandore (« tous les dons ») la première femme (L’Eve biblique). Situé dans le monde intermédiaire, Hermès assume la fonction de relier (unir, harmoniser) la Terre au Ciel, d’unifier la matière et l’Esprit. Son métal et sa planète sont Mercure. Unifiant les « trois mondes », la Terre, le Ciel, et les mondes intermédiaires, Hermès est aussi appelé le Trismégiste, ou « trois fois grand ». Hermès Trismégiste serait l’auteur de la fameuse Table d’Emeraude qui expose l’analogie entre le microcosme humain et le macrocosme cosmique, livrant ainsi le secret qui permet d’unir le Ciel et la Terre.

Ci-dessus : L’être humain est situé entre le Ciel (actif, masculin), symbolisé par un cercle (perfection, dynamisme, Esprit), et la Terre (passive, féminin) symbolisée par le carré (stabilité, fondation, matière). Dans la Franc-Maçonnerie, il est dit que le Maître Maçon est situé entre le compas qui sert à tracer le cercle (Ciel), et l’équerre, qui sert à tracer le carré (Terre). L’Homme est entre le Haut et le Bas, entre la matière et Esprit, entre le subtil et l’épais (Alchimie). Il participe des deux niveaux de réalité et il forme en lui-même un troisième niveau où s’opère la jonction des deux niveaux opposés (Ciel et Terre). La jonction est symbolisée par la croix (+). La croix est le symbole de l’Homme Universel, à l’intérieur duquel s’effectuent les deux mouvements de descente de l’Eprit vers la Terre, et de montée de la Terre vers l’Esprit (les deux flèches en pointillés). Le Christ en croix est le symbole de l’Homme Universel qui incarne ces deux mouvements. En ce sens l’Homme est bien le médiateur entre le Ciel et la Terre. Un rapprochement doit être fait avec le Sceau de Salomon (étoile à six branches) qui représente l’Homme Universel. En effet, dans cette figure qui montre deux triangles qui s’entrecroisent avec un point central, le triangle droit du haut symbolise le Ciel (pointe en haut), et le triangle inversé du bas symbolise la Terre (pointe en bas). Le symbole du Mercure (Mercure alchimique et Philosophique et non pas métallique) marque bien le sens à donner au Sceau de Salomon : l’« Homme Mercuriel » est le Principe qui unit le Ciel et la Terre (illustration Daniel Robin).

Transmuter nos puissantes énergies psychiques.

L’homme actuel est un être inachevé. C’est l’« homme ancien », et son dernier avatar est l’« homme moderne », qui est un être sans avenir si nous considérons ses conditions de vie et ses préoccupations qui sont d’ordre strictement matérielles. L’ « homme moderne » est un prédateur qui ne vit que grâce au pillage sans frein de notre planète. L’ « homme moderne » est « endormi ». Il est prisonnier d’un état de somnolence dont il n’est pas conscient. Il vit comme dans un « rêve » éveillé. Il ne vit pas dans la « vraie réalité » qui est celle de la pleine conscience. Des études récentes sur le cerveau et la conscience ont montré qu’environ 95% de nos activités journalières sont entièrement gérées et pilotées par notre inconscient. C’est comme si nous avions confié nos existences à une sorte de « pilote automatique » qui s’occuperait de tout et programmerait nos actions sans que nous ayons le pouvoir de vraiment changer cet état de fait. Notre vie ressemble à une « illusion », à une sorte de « mauvais film », dont nous ne voyons pas très bien comment nous pouvons en sortir. Nous évoluons dans un état intermédiaire qui est situé entre les contraintes du corps et les aspirations de l’Esprit. Nous oscillons sans point de repère fixe entre ces deux pôles. Nous sommes comme des feuilles portées par le « vent » de nos désirs, de nos frustrations, de nos émotions, et de nos réactions incontrôlées.

L’état intermédiaire qui caractérise les conditions d’existence de l’être humain est celui du monde psychique (l’âme, plan médian, Mercure) où les émotions jouent un rôle prépondérant. L’âme se déploie entre les exigences du corps et ses aspirations spirituelles. L’âme psychique (plan médian) est le domaine par excellence de la dualité. Constamment au prise avec des émotions contradictoires qu’il ne maîtrise pas, l’homme est un être tourmenté, ballotté par les courants sans cesse changeant des forces psychiques. Mais les émotions ne sont pas en elles-mêmes négatives, c’est simplement le fait que nous ne les maîtrisons pas qui est la source de beaucoup de nos problèmes. Les forces psychiques sont des énergies très puissantes. Chez un homme ordinaire, ces énergies sont gaspillées et dispersées en pure perte dans des conflits interminables avec ses semblables ou dans des fixations mentales qu’il alimente sans cesse et qui ne trouvent jamais de solution. C’est le lot de presque tous les hommes sur cette planète.

Le but du Grand Œuvre alchimique interne est de transmuter ces puissantes énergies psychiques en une force nouvelle pacifiée, débarrassée de ses mouvements contradictoire, et capable de nous régénérer complètement. Les énergies psychiques brutes ne sont ni bonnes, ni mauvaises. Elles sont comme la puissance de l’énergie atomique dans la nature. Avec cette énergie naturelle qui gît au cœur du noyau atomique, nous pouvons faire des bombes qui sont capables de détruire toute vie sur notre planète ou des instruments médicaux qui soignent le cancer. Avec les énergies psychiques c’est la même chose. Nous pouvons nous annihiler ou nous régénérer. Notre tâche est justement de trouver le moyen de dompter ses forces et de les utiliser pour accéder à un état d’existence supérieur. Comme l’enseigne le Vajrayana par exemple (« véhicule de diamant »), le « travail » se concentre sur l’utilisation du potentiel des émotions humaines. Dans cette pratique alchimique, les émotions sont des qualités de la Nature de Bouddha qu’il est possible de purifier et de transformer en sagesse par divers « moyens habiles ». C’est une Voie de réalisation spirituelle qui transforme les poisons (émotions négatives) en remèdes et catalyseurs (émotions positives). Il s’agit donc d’opérer un « retournement » au niveau de la réalité psychique subtile de l’être humain qui fait basculer cette réalité du pôle négatif au pôle positif. Le principe de cette Alchimie est de transmuter les perceptions impures en visions pures.

Bien qu’occupant une situation centrale, et toutes les traditions spirituelles reconnaissent que c’est une position privilégiée, l’Homme n’en est pas moins aussi dans une situation compliquée et même délicate à bien des égards. Je le reconnais volontiers, la vie humaine est une source presque intarissable de problèmes et de désagréments. Elle est semée de nombreuses épreuves et souffrances que nous avons cependant la capacité de résoudre en raison de notre statut particulier. Je peux même dire que si l’Homme n’avait pas ce statut et ce pouvoir de résolution, les difficultés inhérentes à sa condition ne lui auraient pas été imposées.

Nous possédons toutes les ressources intérieures nécessaires pour faire face aux difficultés qui se présentent à nous. Ce dont il faut bien prendre conscience c’est que toutes les difficultés propres à la condition humaine proviennent du fait que l’être humain occupe une situation intermédiaire et relative. Il est situé entre deux absolus : l’absolu du Ciel et l’absolu de la Terre. La Terre est un absolu matériel et le Ciel un absolu spirituel. En ce sens, la Terre est comme le reflet inversé du Ciel. La Terre est le reflet de l’absolu du Ciel. La Terre c’est la Terre, le Ciel c’est le Ciel, mais l’Homme est à la fois Terre et Ciel, matière et Esprit, épais et subtil. Il est donc facile de comprendre combien notre condition d’Homme exige de nous de grands efforts pour concilier et harmoniser deux pôles qui semblent opposés, mais qui dans le fond ne forment qu’un Tout. C’est notre tâche sur la terre que de trouver la Voie qui mène à la réconciliation et à la fusion de ces deux pôles.

« Lieu » où se déroulent des combats psychiques puissants et incessants, l’« espace humain » est aussi un « lieu » d’échanges et de circulations d’énergies entre des pôles contraires qui ne sont pas systématiquement en lutte. En lui, toutes les énergies de l’Univers sont en quelque sorte « convoquées ». En lui, ces forces peuvent certes s’y rencontrer, s’y confronter, s’y opposer, mais elles peuvent aussi s’y combiner, s’y compléter, et même s’y harmoniser. De ce point de vue, l’Homme est un véritable « creuset », une sorte de « four cosmique » (un athanor) dans lequel peut s’opérer de puissantes et magnifiques transmutations. C’est en nous que doit se réaliser le Grand Œuvre alchimique qui nous ouvrira la voie vers l’Homme Nouveau. Nous pouvons même dire que sans l’Homme, tout ce « travail » de transmutation des énergies ne pourrait pas se faire. Sans lui, la rencontre des pôles serait impossible sur notre planète. L’Homme est le « lieu » privilégié et la condition de cette rencontre des pôles, car il a un rôle essentiel de médiateur dans ce monde. Il doit assumer ce statut et en tirer toutes les conséquences. Grâce à lui, le Ciel est relié à la Terre et la Terre est reliée au Ciel. En lui, se réalise la « Grande Conjonction ». C’est pour cette raison que la condition humaine est à la fois douloureuse, mais aussi « héroïque ». Dans l’Homme doit en effet s’opérer la « Grande Réconciliation », l’union parfaite entre le Ciel et la Terre qui est la promesse de l’accession à une existence lumineuse et glorieuse. L’existence humaine est donc une condition privilégiée qui offre des possibilités extraordinaires pour ceux qui veulent suivrent la Voie de la réalisation spirituelle, la Voie de l’Alchimie interne.

« Petits Mystères » et « Grands Mystères ».

Dans le domaine initiatique, il faut distinguer deux types généraux d’initiation : l’initiation aux « Petits Mystères » ou « Initiation Royale » (alchimique et hermétique), et l’initiation aux « Grands Mystères » ou « Initiation Sacerdotale ». Ces deux types généraux ne sont pas des initiations différentes, mais les deux stades ou les deux degrés principaux d’un même processus initiatique global. Les « Petits Mystères » comprennent tout ce qui se rapporte au développement des possibilités de l’état humain envisagé dans son intégralité. Ils aboutissent à la perfection de l’état humain, c’est-à-dire à ce qui est désigné traditionnellement comme la restauration de l’Etat Primordial ou Edénique (Adam au Paradis). Les « Grands Mystères » concernent proprement la réalisation des états supra-humains. Prenant l’être au point où l’ont laissé les « Petits Mystères », et qui est le centre du domaine de l’individualité humaine, les « Grands Mystères » le conduisent au-delà de ce domaine, et à travers les états supra-individuels, mais encore conditionnés, jusqu’à l’état inconditionné qui est le seul et véritable but et qui est désigné comme la Délivrance finale ou comme l’ « Identité Suprême ». Si nous rapportons cette distinction à ce qui a été dit précédemment sur l’union du Ciel et de la Terre dans l’Homme, il apparaît que la réalisation de cette unité Ciel-Terre qui s’opère dans une individualité humaine correspond aux « Petits Mystères ». Après être parvenu au point central de l’état humain qui est l’unité dans l’Homme, le processus initiatique se poursuit en suivant l’axe vertical qui s’élève à partir de ce point vers des états supra-humains.

Nous pouvons alors mieux comprendre la profonde symbolique du caducée. Le caducée se rapporte directement à ce que j’appelle l’Alchimie humaine intérieure, celle qui prend pour matière première l’être humain et qui concerne les possibilités de l’état subtil (l’âme intermédiaire). Attribut d’Hermès, il symbolise le processus alchimique intérieur et la maîtrise des énergies descendantes et montantes. D’un certain point de vue, il représente cette tentative héroïque d’unir deux forces opposées représentées par les deux serpents autour d’un axe central directeur. Le caducée montre comment circulent les énergies à l’intérieur de l’« espace humain » (corps, âme, Esprit). Il est en quelque sorte le schéma simplifié de cette circulation qui s’effectuent dans les çakras et dans les trois principaux canaux subtils (les trois nadis : Sushumna, Pingala, Ida).

Le caducée est aussi le symbole de la réussite de cette « Grande Conjonction » et de cette « Grande Réconciliation » dans le creuset humain. Il montre que les énergies contraires sont enfin maîtrisées, harmonisées, et même utilisées dans le but d’accomplir une tâche plus élevée, digne de son statut. L’Homme/Hermès porteur du caducée a pour vocation de réaliser en lui cette symbiose parfaite entre toutes les énergies. Mais le problème est que cette « concorde » énergétique ne se fait pas d’emblée. Elle n’est pas réalisée dès que nous naissons. Pour la grande majorité des êtres humains, elle est le résultat d’un long et difficile travail sur soi (Alchimie humaine intérieure) qui peut durer toute une vie, et même le plus souvent s’étale sur plusieurs vies successives.

Ci-dessus : A gauche, les sept çakras avec la position des trois nadis : Sushumna au centre, Pingala et Ida. A droite, le caducée symbole alchimique d’Hermès, le Mercure des philosophes. La correspondance frappante entre la représentation des trois nadis et le caducée montre à l’évidence que l’Alchimie est spirituelle et qu’elle décrit une expérience intérieure.

L’homme est un « médium » et un « pont ».

Selon la Tradition, j’entends la Tradition Primordiale à partir de laquelle sont issues toutes les autres Traditions particulières qui ne sont que des adaptations ce celle-ci dans l’espace et dans le temps, l’Homme occupe une place intermédiaire entre le Ciel et la Terre. La jonction, la conjonction, et la réconciliation entre le Ciel et la Terre doit s’opérer en lui. J’ajoutons même que cette jonction ou conjonction de sa nature céleste et de sa nature terrestre ne peut se réaliser que dans l’incarnation humaine. C’est sur Terre et dans la condition humaine que doit s’effectuer la réconciliation du Ciel et de la Terre. C’est l’une des caractéristiques de la condition humaine et la raison finale de son incarnation.

Symboliquement, le Ciel est « circulaire » (sphérique) et représente l’Esprit (infini), la Terre est « carrée » (cubique) et représente la matière (le monde fini). De ce point de vue, nous pouvons dire que l’Homme est situé entre les forces d’en haut (célestes) et les forces d’en bas (terrestres). L’Homme doit s’efforcer d’opérer la jonction, en son centre, des forces célestes et des forces terrestres. Pour utiliser un terme d’informatique, il doit « connecter » le haut et le bas et ouvrir son centre/cœur. S’il y parvient, il réalisera l’état d’Homme Parfait, il sera véritablement Homme (Homme Primordial ou Adam Kadmon dans la Kabbale).

L’une des caractéristiques de l’état humain est la verticalité. En effet, l’Homme est un être qui est vertical, extérieurement et intérieurement. Il est vertical extérieurement dans son corps qui est dressé verticalement par la colonne vertébrale. Il l’est intérieurement parce qu’il est lié au Ciel vers le Haut et lié à la Terre vers le Bas. Cette verticalité essentielle implique que l’Homme est traversé par un axe. C’est sur cet axe que doit s’opérer la jonction du Ciel et de la Terre. La « connexion » entre le Haut et le Bas ne peut s’effectuer que lorsque est réalisé un « alignement » parfait entre le corps (la matière), l’âme (l’énergie), et l’Esprit (conscience, Lumière, Vie, information). Cet alignement est à rapproché de la « rectitude » (caractère de ce qui est droit) et de la « rectification » qui se présentent sur le chemin initiatique. Pour réussir l’ouverture complète du centre/cœur, il importe avant tout d’« aligner » l’Esprit, l’âme (ou énergies psychiques) et le corps, sur un même axe.

Ci-dessus : Le fameux « homme de Vitruve ». Ce dessin réalisé à la plume, encre et lavis, est une étude des proportions du corps humain selon Vitruve réalisé par l’initié Léonard de Vinci vers 1492. Cette œuvre remarquable illustre parfaitement notre propos : l’homme est placé au centre, entre le carré (Terre) et le cercle (Ciel). Bras écarté et pieds presque joints, formant une croix, l’homme s’inscrit dans le carré terrestre. Bras élevés et jambes écartés, l’homme s’inscrit dans le cercle céleste. Le nombril correspond au centre de la figure siège de l’hara, centre spirituel de l’être humain. Entre le Ciel et la Terre, l’Homme est une Etoile à cinq branches (un pentagramme), et au centre de cette Etoile se trouve le mystérieux point « G » ou « l’œil qui voit tout ».

Ci-dessus : A gauche, l’Homme inscrit dans un pentagramme (une étoile à cinq branches), illustration de Henri Corneille Agrippa, tiré de son traité « De occulta philosophia ». A droite, l’Etoile Flamboyante à cinq branches des Francs-Maçons avec la lettre « G » au centre dont la signification reste à bien des égards mystérieuse. D’un point de vue général cette figure signifie que la réalité humaine est inscrite dans l’Etoile Flamboyante à cinq branches. Le chiffre 5 est comme le « sceau » qui marque le niveau humain. C’est une représentation symbolique de l’état humain. Dans certaine représentation de l’étoile flamboyante, la lettre « G » est remplacée par « l’œil qui voit tout ». La lettre « G » et « l’œil qui voit tout » spécifient en quelque sorte le centre de l’état humain, c’est-à-dire le « lieu » où s’effectue le passage vers les états supérieurs. Entre le Ciel et la Terre, entre le compas et l’équerre, l’Etoile Flamboyante figure l’Homme, assemblage d’un peu de « boue » (Terre) dans lequel a été insufflée une parcelle du souffle divin (Ciel). L’étoile permet le passage du carré au cercle, de l’équerre au compas. A noter aussi que le caractère flamboyant et rayonnant de l’étoile suggère un rapport étroit avec l’énergie, la chaleur et la lumière. La lumière est bien évidemment la Lumière spirituelle.

En tant qu’être intermédiaire, l’être humain doit unir le Ciel et la Terre, l’Esprit et la matière. L’homme est une sorte de « médium ». C’est lorsqu’il s’est imprégné de son statut particulier, et qu’il a bien intégré la raison pour laquelle il est incarné sur la Terre, que la « connexion » peut s’établir entre le Haut et le Bas. Dans un sens, l’Homme est un « Pont » entre l’Esprit et la matière, entre les énergies d’en Haut et celles d’en Bas, entre les potentialités inférieures de son être et ses possibilités supérieures. L’Homme n’existe que pour remplir et exercer cette fonction de « Pont ». L’homme est fondamentalement (dans son essence) un être religieux parce qu’il a la capacité de relier le Ciel et la Terre. Le mot religion vient d’ailleurs de « religare » qui signifie « relier ». La vraie religion de l’homme religieux est celle qui a pour tâche de relier le Ciel et la Terre. Lorsque l’Homme réalise sa double nature, c’est-à-dire lorsqu’il est pleinement conscient de cette double nature, qui est Matière et Esprit, la liaison peut alors se faire entre le Ciel et la Terre. L’Homme est à la fois un être matériel et un être spirituel. C’est sa condition sur Terre et il ne peut pas y échapper.

Nous sommes dans le monde manifesté et nous avons une forme corporelle. Cette forme corporelle n’est pas un obstacle ni une entrave. Elle est au contraire un outil formidable, un « levier », ou un véhicule très perfectionné dont les possibilités sont immenses et qui doit être utilisé au maximum de ses capacités. Nous devons assumer jusqu’au bout, jusqu’à la mort, cet état corporel et cette position relative dans le monde manifesté. Cette position relative peut certes paraître très inconfortable à première vue, mais elle représente en réalité une chance et un privilège immense, puisque nous avons une mission à remplir ici-bas qui est de la plus haute importance. La matière et notre condition corporelle ne doivent pas être considérées comme étant des obstacles à notre réalisation spirituelle, mais au contraire nous devons les voir comme des opportunités et des moyens pour nous élever et grandir.

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Le Rite Écossais Rectifié au féminin s’exporte… et se porte bien !

Le 22 février dernier, au sein de la Grande Loge Féminine du Cameroun a été consacrée une seconde Loge travaillant au Rite Ecossais Rectifié : VIA LUCIS à l’Orient de Yaoundé. La première, ADHUC STAT à l’Orient de Douala avait vu le jour en 2020.

Huit Sœurs de la Grande Loge Féminine de France, travaillant à ce rite et appartenant à des Loges bordelaise, lyonnaise, marseillaise et parisienne avaient fait le voyage pour accompagner les Sœurs Camerounaises, ainsi qu’elles le font depuis 6 années déjà.

Les 8 Sœurs voyageuses…

Au cours de ce voyage, plusieurs réceptions au 4ème et dernier grade symbolique de ce rite ont été faites et le Grand Prieur, accompagné de 7 membres du Grand Prieuré Féminin de France, a transmis la Lumière à la première Loge du 4ème Grade à Douala : LA FORCE.

Le Grand Prieuré Féminin de France, est une juridiction indépendante née en 2008 dont les membres sont en très grande majorité des Sœurs de la Grande Loge Féminine de France. Elle comprend l’Ordre Intérieur et gère le 4ème grade du Régime Ecossais Rectifié, permettant ainsi aux Sœurs qui pratiquent ce Rite d’accéder à l’entièreté du parcours rectifié.

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Dans leur volonté de transmettre aux Sœurs intéressées par le Rite Ecossais Rectifié, en mai 2023, les Sœurs de la G.L.F.F. s’étaient rendues en nombre à l’incorporation, de la loge Sao Joao da Rosa, travaillant au Rite Ecossais Rectifié à l’Orient de Lisbonne au sein de la Grande Loge du Portugal. Dès lors, les Sœurs portugaises viennent régulièrement en France travailler à Bordeaux dans la Loge Rectifiée de la G.L.F.F.

D’autres Obédiences féminines, européennes ou non, sont maintenant sur le même chemin et les Sœurs de la G.L.F.F. également membres u Grand Prieuré Féminin de France, travaillent régulièrement avec les Sœurs de ces pays.

La chaleur de l’accueil des Sœurs camerounaises et portugaises et la qualité des travaux partagés pendant les diverses cérémonies rendent témoignage de la vivacité de ce rite souvent peu ou mal connu ainsi que de la qualité de la flamme qui anime les Sœurs de ce rite au-delà des frontières et des océans.