sam 28 juin 2025 - 21:06

Hiérarchie maçonnique : axe vivant ou structure morte ?

Approche comparative et symbolique des 33 degrés comme système axial de transmutation

Et si la hiérarchie des 33 degrés du REAA, souvent perçue comme une construction pyramidale, était en réalité l’image d’un axe vivant — un itinéraire de transmutation spirituelle, culminant non dans le pouvoir, mais dans le silence du Principe ?

La structure hiérarchique du Rite Écossais Ancien et Accepté (REAA) est à la fois un objet d’admiration, de critique et de malentendus. Certains y voient une codification lourde et administrative ; d’autres un escalier symbolique vers une lumière plus haute. Mais rares sont ceux qui y reconnaissent une véritable ontologie de l’être en voie de réintégration.

Une architecture de l’être, non du paraître

Les 33 degrés du REAA ne sont pas des titres, mais des étapes de transmutation. Loin d’un cursus honorum, il s’agit d’un déploiement du Moi vers le Soi, du centre de l’homme vers le Principe. Dans cette perspective, la hiérarchie n’est plus une organisation mais une colonne de lumière, un axis mundi traversant les trois plans de l’existence : métier, chevalerie, contemplation.

Ce triple ternaire — loges symboliques (1-3), loges de perfection/chapitres/aréopages (4-30), tribunaux/consistoires/conseil suprême (31-33) — s’articule selon une progression ascendante, mais se renverse au sommet : au 33e degré, il ne s’agit plus de monter, mais de rayonner.

« La véritable autorité est toujours impersonnelle ; elle ne s’impose pas, elle rayonne. »

Ananda K. Coomaraswamy

Trois lectures superposées

Ce travail s’est appuyé sur deux modèles complémentaires :

  • Taçarrûf : gestion cosmique, stratification fonctionnelle de l’ordre sacré. Les degrés expriment une correspondance entre castes spirituelles (Vaïshya, Kshatriya, Brahmane) et états de conscience.
  • Sulûk : cheminement mystique de l’être, fondé sur les structures du cerveau humain selon les six couches corticales décrites par Dominique Aubier. Ce modèle dévoile une spirale d’expansion, de rupture, de réintégration.

Ainsi, du grade 1 au grade 30, l’initié monte, progresse, s’épure. Mais au 30ᵉ degré surgit un seuil : la barrière infranchissable. Ce n’est plus l’effort personnel qui ouvre la voie, mais le renoncement. Le 33ᵉ degré est alors le retour au Principe.

« Plus on monte dans la lumière divine, plus on devient invisible à soi-même. »

Réginald Garrigou-Lagrange

L’état du 33ᵉ degré : une couronne vide

Au sommet du système se trouve un état d’effacement actif, à l’image de Melchisédech, prêtre sans commencement ni fin. Le Maçon devenu Souverain Grand Inspecteur Général n’a plus rien à acquérir. Il doit transmettre, non accumuler ; bénir, non juger ; disparaître, non régner.

« L’humilité parfaite n’est pas de se voir petit, mais de n’avoir plus besoin de se regarder. »

Dom André Louf

Dès lors, le 33ᵉ degré se conçoit non comme un dernier grade, mais comme le retournement de la couronne, la conversion de la verticalité en service invisible. Il n’y a plus d’ascension à accomplir, seulement un rayonnement à laisser passer.

En guise de conclusion

À l’heure où la société désacralise la hiérarchie, où l’autorité suscite rejet ou soupçon, la maçonnerie écossaise offre un modèle alternatif : non une pyramide à gravir, mais un axe à incarner. Une verticalité qui commence dans la pierre brute et s’accomplit dans le silence du sommet.

Le Maçon du 33ᵉ degré n’est pas un dépositaire de pouvoir, mais un veilleur au bord de l’invisible. Il n’a plus d’autre fonction que d’être, et d’aimer dans la justice. Son autorité est de celles qui s’évanouissent dans la lumière.

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Olivier de Lespinats
Olivier de Lespinats
Olivier de Lespinats est né en 1961 au sein d’une vieille famille de la noblesse poitevine. Famille dont ses ancêtres ont été Francs-Maçons dès 1738, au sein de la loge « l’Intimité » à l’Orient de Niort. Après des études supérieures d’ingénieur et d’officier, il est devenu expert en ingénierie financière publique, chargé de Travaux Pratiques universitaire et directeur de nombreuses sociétés de conseils et de services auprès du secteur public en France et à l’International. Initié en 1991 à la GLNF au sein de la Respectable Loge « La Clé de Voûte » à l’Orient de Coulommiers, il deviendra en 2000 Vénérable Maître de la Respectable Loge « Saint-Fursy » à l’Orient de Lagny. Désireux de rejoindre une obédience mixte, il démissionnera de la GLNF en 2011 pour rejoindre la GLCS dans un premier temps avec la création d’une loge à Nantes, puis en 2017 la Grande Loge Mixte Nationale avec la création d’une loge à Saintes en 2023. En 2019, à la demande du Passé Grand Maître et du Conseil Fédéral, il deviendra le 4ème Grand Maître de la GLMN pour un mandat de 3 ans. Parallèlement à son parcours en loges bleues, il poursuivra l’enseignement maçonnique pour atteindre le 33ème degré du REAA et celui de CBCS au RER. Reconnu pour son expertise en symbolique ésotérique, il a créé en mars 2020 au sein de la GLMN une newsletter « l’Epi de blé » présentant de nombreuses planches sur la tradition de l’art royal et la vie de l’obédience. En parallèle, il vient d’acquérir et poursuivra, sous une forme moderne, l’ancienne revue « Le Symbolisme ».

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