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A comme Accepté : l’acte fondateur de la Franc-maçonnerie spéculative

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Accepté : l’acte fondateur de la franc-maçonnerie spéculative

1. Étymologie et sens premier

Le mot « Accepté » (en anglais Accepted Mason) désigne, dans la langue maçonnique ancienne, une personne reçue dans une loge de maçons opératifs sans exercer le métier de tailleur de pierre ou de bâtisseur.

Le verbe to accept (du latin acceptare : recevoir favorablement) souligne ici l’idée d’une réception exceptionnelle, d’une admission par grâce ou par cooptation, en dehors des règles corporatives habituelles qui exigeaient un apprentissage de sept ans et la maîtrise du métier.

2. Contexte historique : XVIIe siècle, Écosse et Angleterre

C’est en Écosse, dès la fin du XVIe siècle, que l’on trouve les premières traces écrites de cette pratique.

  • Statuts Schaw (1598-1599) : William Schaw, Maître des Travaux du roi Jacques VI d’Écosse, réglemente les loges opératives, mais laisse déjà la porte entrouverte à des « gentlemen » ou « théoriciens ».
  • Loge de Kilwinning (1599), Mary’s Chapel à Édimbourg (1599) : les plus anciennes minutes conservées mentionnent des « gentlemen masons » ou « accepted masons » admis aux côtés des maçons de métier.
  • Loge d’Aberdeen (1670) : on y compte jusqu’à 40 % de membres non opératifs.

En Angleterre, le phénomène s’amplifie après 1600 :

  • Sir Robert Moray est initié en 1641 dans une loge écossaise sur le sol anglais.
  • Elias Ashmole, antiquaire et alchimiste, est « accepted » le 16 octobre 1646 à Warrington : c’est la première initiation documentée d’un pur spéculatif en Angleterre.

À cette époque, les loges opératives, confrontées à la raréfaction des grands chantiers gothiques, acceptent des intellectuels, nobles, pasteurs ou savants pour des raisons financières (cotisations), sociales (protection) et philosophiques (échange d’idées).

3. La grande transition : de l’Accepté à la Franc-maçonnerie spéculative

Le mot « Accepté » devient le marqueur même du passage de l’opératif au spéculatif :

  • 1717 : création de la Première Grande Loge de Londres et Westminster. Sur les quatre loges fondatrices, trois sont déjà majoritairement composées de « Accepted Masons ».
  • 1723 : les Constitutions d’Anderson consacrent officiellement cette évolution : « Les maçons sont désormais tenus de se conformer à la loi morale, sans distinction de religion ou de nation » → la porte est grande ouverte aux non-opératifs.
  • 1725 : le terme « Free and Accepted Masons » (F∴ & A∴ M∴) apparaît dans les minutes anglaises, puis devient l’appellation officielle (Freemasons).

Le mot « Free » (libre) vient du fait que le maçon opératif devait être « libre » (non serf) et travailler la « free stone » (pierre franche). Le mot « Accepted » vient s’y ajouter pour désigner ceux qui sont reçus sans appartenir au métier.

4. Les « Accepted Masons » célèbres du XVIIe et XVIIIe siècles

  • Elias Ashmole (1646)
  • Sir Robert Moray (1641)
  • Sir Christopher Wren (peut-être initié vers 1660-1680, bien que contesté)
  • John Locke (présumé)
  • Le comte de Desaguliers (Grand Maître 1719, principal rédacteur des Constitutions modernes)
  • Montesquieu (initié à Londres en 1730)
  • Voltaire (initié en 1778 à la loge des Neuf Sœurs, à 83 ans, en tant que « Accepted » célèbre)

5. Sens symbolique et philosophique du mot « Accepté »

Dans la tradition maçonnique, être « Accepté » signifie bien plus qu’une simple admission :

  • C’est l’acte d’ouverture universelle : la maçonnerie dépasse le corporatisme pour devenir une société de pensée.
  • C’est le refus du privilège de naissance ou de métier : seule la valeur morale et intellectuelle compte.
  • C’est la reconnaissance que le véritable « métier » n’est plus de tailler la pierre physique, mais de tailler l’âme humaine.

Le mot porte en lui toute la révolution des Lumières : transformer une guilde médiévale en une école de liberté, d’égalité et de fraternité.

6. Traces actuelles du mot « Accepté »

  • L’appellation officielle de la plupart des obédiences dans le monde anglo-saxon reste « Ancient Free and Accepted Masons » (A∴ F∴ & A∴ M∴).
  • En France, le GODF utilise parfois « Francs-Maçons Acceptés » dans ses textes historiques.
  • Le Rite Écossais Rectifié conserve une forte mémoire de cette période de transition et parle encore des « gentilshommes acceptés » dans certaines de ses légendes.

7. Citation emblématique

« La Franc-maçonnerie est née le jour où le premier homme qui ne savait pas tailler la pierre a été accepté parmi ceux qui la taillaient. »
(phrase attribuée à Oswald Wirth, souvent reprise dans les loges)

En résumé, le mot « Accepté » n’est pas un simple détail historique : il est l’acte de naissance de la maçonnerie spéculative moderne. Sans l’Accepté, il n’y aurait pas eu de Lumières maçonniques, pas de Constitutions d’Anderson, pas de loges ouvertes aux philosophes, aux artistes, aux révolutionnaires. Il incarne la plus belle audace de notre tradition : transformer un métier en chemin de liberté intérieure et universelle.

« J’étais étranger, et vous m’avez accepté. »
C’est en cela que le mot « Accepté » reste, aujourd’hui encore, le cœur battant de la Franc-maçonnerie.

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A comme Acacia en Franc-maçonnerie

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Acacia : le plus célèbre et le plus profond des symboles végétaux de la Franc-maçonnerie

1. Origine biblique et légende d’Hiram

L’acacia entre dans la symbolique maçonnique par la porte de la Légende d’Hiram, qui constitue le cœur du grade de Maître au Rite Écossais Ancien et Accepté, au Rite Français, au Rite Émulation, etc.

Lorsque les trois mauvais compagnons frappent Hiram Abiff et le mettent à mort, ils enterrent son corps sur une colline à l’ouest du Temple, puis plantent une branche d’acacia sur sa tombe pour marquer l’endroit.

Plus tard, les neuf Maîtres envoyés à la recherche du corps d’Hiram reconnaissent la sépulture grâce à cette branche d’acacia qui a reverdi, preuve que la vie triomphe de la mort.

Ils déterrent le corps, le saisissent par la prise du Maître (la « prise des cinq points parfaits de la maîtrise ») et l’exclament : « Mac Benac » (en hébreu : « la chair quitte les os » ou, selon d’autres interprétations : « Il est vivant dans le fils du veuf »).
Le mot de substitution « Mahabyn » ou « Mahabone » est alors donné en attendant de retrouver le Mot véritable perdu avec la mort d’Hiram.

L’acacia devient donc immédiatement :

  • le signe de reconnaissance de la tombe du Maître,
  • la preuve de la résurrection de la vie après la mort,
  • le lien entre la mort physique et la renaissance spirituelle.

2. Pourquoi l’acacia et pas un autre arbre ?

Dans la Bible (et notamment dans l’Exode), l’acacia (en hébreu שִׁטָּה / shittâh) est l’arbre dont Dieu ordonne à Moïse de se servir pour construire les éléments les plus sacrés du Tabernacle :

  • l’Arche d’Alliance (Ex 25,10),
  • la Table des pains de proposition,
  • les autels,
  • les barres de transport,
  • les colonnes du sanctuaire.

C’est un bois imputrescible, très dur, résistant aux insectes et au temps, qui pousse dans les déserts les plus arides (Sinaï, Néguev, Arabie). Il symbolise donc :

  • l’incorruptibilité,
  • la pérennité,
  • la capacité à rester vivant même dans les conditions les plus hostiles.

Les Pères de l’Église (Origène, saint Jérôme, saint Augustin) y voyaient déjà un préfigure du bois de la Croix et de la résurrection du Christ. La Franc-maçonnerie spéculative du XVIIIe siècle reprend cette double tradition biblique et chrétienne, mais la laïcise et l’universalise.

3. Significations maçonniques principales de l’acacia

A. L’Incorruptibilité du Maître
L’acacia marque que le vrai Maître reste pur même dans la mort. Le corps physique peut être frappé, mais la partie immortelle (l’âme, la conscience, la lumière intérieure) ne se corrompt pas.

B. L’Immortalité de l’âme
C’est le symbole le plus répandu : « L’acacia me fait connaître que l’âme est immortelle. »
On le retrouve dans presque tous les rituels du 3e degré et dans les discours funèbres maçonniques : on pose une branche d’acacia sur le cercueil ou dans la fosse du Frère défunt.

C. La Résurrection – Renaissance initiatique
Le Maître maçonnique « meurt » symboliquement (passage par le cabinet de réflexion, mort d’Hiram) pour renaître à une nouvelle vie. L’acacia qui reverdit sur la tombe est le signe que la vie spirituelle jaillit toujours du tombeau.

D. La Pureté et l’Innocence retrouvée
Dans plusieurs rites, on dit que l’acacia est « toujours vert », donc toujours pur. Il évoque l’état d’innocence du cœur nécessaire pour accéder aux mystères supérieurs.

E. La Timidité et la Discrétion
L’acacia est un arbre modeste, épineux, qui ne cherche pas à s’imposer. Il rappelle au Maître la nécessité de l’humilité et de la discrétion (« Je suis acacia, je me connais » est une formule que l’on entend parfois dans certaines loges).

4. L’acacia dans les rituels et les décors

  • Au 3e degré : une branchette d’acacia est souvent posée sur le tapis de loge ou sur le cercueil symbolique.
  • Dans les loges de perfection (4e au 14e degré du REAA) : on le retrouve sur les tableaux de loge.
  • Dans les cérémonies funèbres : la branche ou la couronne d’acacia est l’équivalent maçonnique du cyprès antique ou du lys chrétien.
  • Bijoux et sautoirs : de nombreux bijoux de Maître portent une petite branche ou une feuille d’acacia en argent ou en or.
  • Devise célèbre : « L’acacia me fait connaître l’innocence de mon cœur » (Rituel du Maître au Rite Français).

5. Variations selon les rites et les obédiences

  • Rite Écossais Ancien et Accepté : accent très fort sur l’immortalité de l’âme.
  • Rite Français (GODF) : insiste davantage sur l’incorruptibilité morale et la pureté.
  • Rite Émulation / rites anglo-saxons : l’acacia est parfois remplacé ou complété par le « sprig of cassia » (branche de cassier), mais le symbolisme reste identique.
  • Rites égyptiens (Misraïm, Memphis-Misraïm) : l’acacia est parfois rapproché de l’isis végétante ou du sycomore sacré de l’Égypte antique.

6. L’acacia dans la poésie et la littérature maçonnique

Oswald Wirth : « L’acacia est le buisson ardent qui ne se consume pas. »
Albert Pike (Morals and Dogma) : « The acacia, the symbol of resurrection and immortality, teaches us that the soul survives the body. »
Dans les chansons de table : « Que l’acacia nous rappelle / Que l’âme est immortelle… »

7. En 2025 : un symbole toujours vivant

Aujourd’hui encore, dans toutes les obédiences (GODF, GLDF, DH, GLMF, etc.), lorsqu’un Frère ou une Sœur décède, on dépose une branchette d’acacia sur sa tombe.
Dans certaines loges écologistes ou « vertes », on plante réellement un acacia dans les jardins maçonniques en mémoire des défunts.En résumé, l’acacia est bien plus qu’un simple végétal dans la Franc-maçonnerie : il est le témoin silencieux de la mort initiatique, le garant de l’immortalité de l’âme, le rappel de l’incorruptibilité du Maître et le signe que, même au plus profond de l’hiver spirituel, la vie reverdit toujours.

« Je suis acacia : je me connais et je connais mon immortalité. »

C’est sans doute le symbole le plus universellement reconnu et le plus émouvant du 3e degré maçonnique.

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