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A comme Activité (Maçon en)

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Définition principale

Un maçon est dit « en activité » lorsqu’il remplit régulièrement ses obligations matérielles (paiement intégral et à jour de ses cotisations, ou « capitation ») et morales (présence assidue aux tenues, participation active aux travaux, respect des engagements pris envers la Loge et envers les Frères). L’expression complète est généralement « Frère en activité » ou « maçon en activité ».

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C’est l’état normal, naturel et attendu de tout Franc-maçon après sa réception. Être en activité est la condition sine qua none pour exercer pleinement ses droits maçonniques : voter en Loge, accéder aux grades supérieurs, porter le bijou de son grade, participer aux élections, être éligible aux offices, visiter d’autres Loges, etc.Opposition avec l’état de « sommeil »

L’expression « maçon en sommeil » (ou « Frère dormant ») désigne l’état d’un maçon qui, pour des raisons personnelles (éloignement géographique, problèmes de santé, contraintes professionnelles ou familiales, difficultés financières temporaires, lassitude passagère, etc.), choisit ou se voit contraint de suspendre temporairement sa participation active sans pour autant démissionner.

Le maçon en sommeil :

  • reste affilié à sa Loge,
  • conserve son grade et son ancienneté,
  • figure toujours sur les tableaux de la Loge,
  • peut être réveillé à tout moment sur simple demande (et règlement des cotisations échues selon les Règlements particuliers),
  • mais perd, pendant cette période, la quasi-totalité de ses droits (il ne vote pas, ne peut être élu, ne peut assister aux tenues sauf exception très rare et motivée, ne porte pas le cordon ou le bijou de grade en Loge, etc.).

Le sommeil est donc une sorte de « congé » maçonnique, une parenthèse, jamais une rupture définitive. Il est conçu comme une mesure de bienveillance permettant à un Frère de traverser une période difficile sans perdre son appartenance.

Origine et évolution du concept

L’opposition activité/sommeil apparaît clairement en France dès la seconde moitié du XVIIIe siècle, mais se systématise vraiment au XIXe siècle avec la multiplication des Loges et l’augmentation du nombre des membres. Avant cela, l’absence prolongée entraînait souvent la radiation pure et simple.

À partir des années 1830-1840, les grandes obédiences (Grand Orient de France, Suprême Conseil pour la France, Grande Loge de France, etc.) introduisent dans leurs Constitutions et Règlements généraux la possibilité du « sommeil » pour éviter que des Frères, temporairement empêchés, ne soient exclus définitivement et que la Loge ne perde ainsi des éléments précieux.

Aujourd’hui, toutes les obédiences françaises (GODF, GLDF, DH, GLNF, GLMU, GLTSO, LNF, etc.) et la très grande majorité des obédiences étrangères reconnaissent ces deux états, avec parfois des nuances :

  • Certaines obédiences très strictes (notamment certaines Loges de tradition anglo-saxonne ou certaines Juridictions du REAA très rigoristes) limitent fortement la durée du sommeil ou exigent un vote de la Loge pour l’accorder.
  • D’autres, plus souples (certaines Loges du GODF ou de la GLDF), acceptent des périodes de sommeil très longues, parfois plusieurs décennies.

Dimension symbolique et spirituelle

Au-delà de l’aspect administratif, l’activité est chargée d’une forte signification initiatique.

Le Franc-maçon est censé être un « travailleur » permanent sur la Pierre brute. Le sommeil prolongé est vu comme une stagnation, un retour partiel à l’état profane, une mise en veille de la Lumière reçue. Être en activité, c’est maintenir vivant le feu sacré, entretenir la chaîne d’union, participer à l’œuvre collective du Grand Architecte (ou, dans les Loges libérales, à l’œuvre collective d’amélioration de l’humanité).

De nombreux Vénérables Maître, dans leur « morceau d’architecture » d’installation, insistent sur ce point :

« Le sommeil est une mort apparente ; l’activité est la vie véritable de la Loge. »

Dans le Rite Écossais Rectifié particulièrement (qui est très exigeant sur ce point), l’activité est presque élevée au rang de vertu chevaleresque : le Chevalier Bienfaisant de la Cité Sainte doit être « en permanence au service », et le sommeil prolongé est considéré comme incompatible avec l’esprit de l’Ordre. Certaines Commanderies du RER refusent même purement et simplement l’état de sommeil et exigent la démission ou la radiation au-delà d’une ou deux années d’absence.

Conséquences pratiques actuelles (2025)

Dans la plupart des Loges françaises aujourd’hui :

  • La cotisation annuelle moyenne varie entre 250 € et 600 € selon l’obédience et la Loge (les Loges parisiennes prestigieuses étant souvent les plus chères).
  • Un Frère qui a trois ou quatre ans de retard de cotisation voit généralement son état basculer automatiquement en « sommeil » (parfois après vote ou simple décision du Vénérable)… ou en radiation.
  • Le réveil exige le règlement des cotisations de l’année en cours + parfois une ou deux années échues (pratique variable).
  • Certaines Loges, pour encourager le retour, accordent des remises exceptionnelles ou des étalements de paiement.

Citation souvent reprise en Loge

« La Franc-maçonnerie n’est pas un club de retraités où l’on vient quand on a le temps ; c’est un engagement de chaque instant. Celui qui dort volontairement s’éloigne de la Lumière et risque, un jour, de ne plus la reconnaître. » (Attribuée à Oswald Wirth, mais probablement apocryphe ; on la retrouve cependant dans de nombreux discours d’installation depuis les années 1920.)

En résumé, être « maçon en activité » n’est pas seulement un statut administratif : c’est l’expression concrète de l’engagement initiatique, la preuve que la Lumière reçue lors de l’initiation continue d’éclairer et de réchauffer le cœur du Frère au service de ses semblables et de l’idéal maçonnique. Le sommeil, toléré avec bienveillance, reste une exception ; l’activité est la règle et la vocation profonde de tout Franc-maçon véritable.

A comme Accolade (Fraternelle) : le baiser sacré de la Fraternité maçonnique

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1. Définition et origine du geste

L’accolade fraternelle, souvent appelée simplement « l’accolade » ou « les trois baisers », est un geste rituel fondamental en Franc-maçonnerie consistant en trois baisers échangés entre maçons lors de moments solennels.

Ces baisers sont traditionnellement :

  • le premier sur la joue gauche,
  • le second sur la joue droite,
  • le troisième sur la bouche ou (plus fréquemment aujourd’hui) sur le front selon la cérémonie. Lors d’une simple rencontre, les 3 baisers s’effectuent sur les joues.

Ce geste est administré par le Vénérable Maître, le Premier Surveillant ou le Deuxième Surveillant au nouveau récipiendaire (Apprenti, Compagnon ou Maître) immédiatement après la prestation de serment, ou lors d’une augmentation de salaire, d’une élévation ou d’une réception dans une loge.

L’accolade scelle symboliquement l’entrée du nouveau Frère (ou de la nouvelle Sœur) dans la chaîne d’union et marque son acceptation pleine et entière dans la communauté maçonnique.

2. Origines historiques et symboliques anciennes

La bise en maçonnerie

Le baiser fraternel n’est pas une invention maçonnique : il plonge ses racines dans les traditions les plus anciennes :

  • Tradition biblique : le « baiser de paix » (osculum pacis) est mentionné plusieurs fois dans le Nouveau Testament (Romains 16:16, 1 Corinthiens 16:20, 1 Pierre 5:14) : « Saluez-vous les uns les autres par un saint baiser. »
  • Liturgie chrétienne primitive : jusqu’au XIIIe siècle, les fidèles s’embrassaient sur la bouche après la consécration, en signe de paix et de communion spirituelle.
  • Ordres chevaleresques : les Templiers, les Hospitaliers et les chevaliers teutoniques s’embrassaient sur la bouche lors de l’adoubement ou de la réception d’un nouveau frère.
  • Corporations médiévales : les compagnons du Tour de France se donnaient aussi un baiser fraternel lors de l’adoption d’un nouveau compagnon.

La Franc-maçonnerie spéculative du XVIIIe siècle reprend ce geste millénaire en le laïcisant et en le chargeant d’une symbolique initiatique : le baiser devient le sceau de l’alliance spirituelle entre les Frères.

3. Signification maçonnique profonde

L’accolade fraternelle porte plusieurs niveaux de lecture :

A. La Trinité maçonnique
Les trois baisers correspondent aux trois principes fondamentaux :

  • 1er baiser (joue gauche) → Liberté (côté du cœur, émotion, intériorité)
  • 2e baiser (joue droite) → Égalité (côté de la raison, action extérieure)
  • 3e baiser (front ou bouche) → Fraternité (union des cœurs et des esprits)

B. Le sceau de l’initiation
L’accolade est le premier contact physique après la prestation de serment. Elle marque le passage de l’isolement (cabinet de réflexion, bandeau) à la communion fraternelle. Le nouveau Frère n’est plus seul : il est désormais lié par le baiser.

C. Le baiser de paix
Il signifie que dans la Loge, toute rancœur profane est abolie. Le Frère reçoit le baiser comme Judas reçut celui du Christ… mais ici, c’est pour être sauvé, non trahi.

D. Dimension érotique sublimée
Certains auteurs (Oswald Wirth, Marius Lepage) voient dans le troisième baiser sur la bouche une allusion à l’union des polarités masculine et féminine, à l’androgynie spirituelle, ou au baiser alchimique du Roi et de la Reine.

4. Description rituelle précise (selon les rites)

RiteNombre de baisersLieu du 3e baiserQui donne l’accoladeMoment précis
Rite Français3Bouche ou frontVénérable Maître, puis SurveillantsAprès le serment et la lumière
REAA3 ou 5 (selon loges)Bouche ou frontVénérable, puis tous les Frères en chaîneÀ la fin de la cérémonie
Rite Écossais Rectifié3Bouche (traditionnel)Vénérable et SurveillantsTrès solennel, avec formule « Paix soit avec vous »
Rite d’York / Émulation5 (cinq points de fellowship)Pas de baiser, accolade avec cinq points de contactMaître Installé ou SurveillantsLors de l’élévation au grade de Maître
Loges féminines (GLFF)3Joues + frontVénérable MaîtresseAccent sur la sororité
Loges mixtes (DH, GLMF)3Front (souvent)Vénérable, sans distinction de genreAdapté à la mixité

Dans certaines loges très traditionnelles, le troisième baiser est parfois donné sur la bouche (surtout dans les rites anciens ou en Belgique/Suisse). Dans la majorité des loges françaises contemporaines, il est déplacé sur le front ou remplacé par une simple accolade pour des raisons d’hygiène et de pudeur.

5. Évolution et adaptations modernes

  • Depuis les années 1980-1990 : le baiser sur la bouche a progressivement disparu dans la plupart des obédiences françaises, remplacé par le front ou une simple embrassade.
  • Covid-19 : de nombreuses loges ont suspendu temporairement l’accolade physique, la remplaçant par un salut à distance ou une main sur le cœur ou encore… le poing tendu et frappé.
  • Loges mixtes et féminines : l’accolade reste trois baisers, mais souvent sur les joues et le front, avec une grande douceur sororale.
  • Loges jeunes ou modernes : parfois réduite à une accolade virile ou un check fraternel, mais les puristes regrettent cette perte de symbolisme.

6. Citations rituelles et références

  • Rite Français : « Recevez l’accolade fraternelle qui vous unit désormais à tous les Francs-Maçons répandus sur la surface de la Terre. »
  • Oswald Wirth : « Le baiser maçonnique est le sceau de l’alliance éternelle entre les âmes qui se sont reconnues. »
  • Albert Pike (Morals and Dogma) : « The fraternal kiss is the symbol of the union of souls in the pursuit of truth. » (Le baiser fraternel est le symbole de l’union des âmes dans la quête de la vérité.)
  • Dans les loges féminines : « Par ce baiser, je te reconnais comme ma Sœur à jamais. »

7. Pourquoi l’accolade reste irremplaçable

Dans une époque où le contact physique est devenu rare, l’accolade fraternelle reste l’un des moments les plus émouvants d’une initiation. Beaucoup de Maîtres disent que c’est le seul moment où ils ont pleuré en Loge.

Elle rappelle que la Franc-maçonnerie n’est pas seulement une école de pensée : c’est une famille choisie, où l’on s’embrasse comme des frères et sœurs qui se retrouvent après une longue séparation.

« Par l’accolade, je te donne ce que je n’ai jamais donné à personne : ma confiance absolue et mon amour fraternel. »

C’est peut-être le geste le plus simple et le plus profond de toute la Franc-maçonnerie.

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A comme Acclamations en Franc-maçonnerie : la voix joyeuse et solennelle de la Loge

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1. Définition et fonction rituelle

Les acclamations sont des interjections collectives, prononcées à voix haute et en chœur par l’ensemble des Frères et Sœurs présents, immédiatement après la batterie (série de coups de maillet) qui marque l’ouverture ou la fermeture des travaux.

Elles constituent la réponse sonore et enthousiaste de la Loge au Vénérable Maître et sont l’un des moments les plus vibrants d’une tenue.

Leur triple rôle :

  • Marquer solennellement l’entrée ou la sortie du temps sacré.
  • Renforcer l’unité et la communion fraternelle.
  • Exprimer la joie d’être ensemble et l’approbation des travaux accomplis.

2. Les principales acclamations selon les rites

Rite / ObédienceAcclamation d’ouvertureAcclamation de fermetureParticularités
Rite Écossais Ancien et Accepté (REAA)« Houzzé ! Houzzé ! Houzzé ! » (3 fois)« Houzzé ! Houzzé ! Houzzé ! » (3 fois)Prononcé avec vigueur, accent sur la première syllabe « Houz– ». Origine incertaine (hébreu ? cri de guerre écossais ?).
Rite Français (GODF, tradition)« Vivat ! Vivat ! Semper Vivat ! » (3 fois)« Vivat ! Vivat ! Semper Vivat ! » (3 fois)« Qu’il vive ! Qu’il vive ! Qu’il vive à jamais ! » – souhait de pérennité à la Loge et à la Franc-maçonnerie.
Rite Français moderne (GODF depuis 1877)« Liberté ! Égalité ! Fraternité ! » (3 fois)« Liberté ! Égalité ! Fraternité ! » (3 fois)Remplace le Vivat après la suppression du Grand Architecte de l’Univers et l’affirmation laïque.
Rite Écossais Rectifié (RER)« À la Gloire du Grand Architecte de l’Univers ! » (parfois suivi d’un triple « Vivat »)IdemAccent sur la dimension spirituelle et chevaleresque.
Rite d’York / Émulation« So mote it be ! » (réponse aux annonces)« So mote it be ! »Pas d’acclamation hurlée, mais réponse solennelle.
Rite de Memphis-Misraïm« Isis ! Isis ! Isis ! » ou « À la Gloire du Suprême Architecte… »IdemAccent égyptien ou théosophique.

3. Structure rituelle complète (exemple REAA)

  1. Le Vénérable Maître frappe la batterie d’ouverture (ex. : 1 + 3 + 3 + 3 coups).
  2. Il dit : « Frères 1er et 2e Surveillants, annoncez dans vos colonnes que la Loge est ouverte… »
  3. Les Surveillants répètent.
  4. Le Vénérable Maître : « Ensemble, mes Frères ! »
  5. Toute la Loge crie : « Houzzé ! Houzzé ! Houzzé ! »
  6. Le Vénérable Maître : « La Loge est ouverte au nom du Grand Architecte de l’Univers. »

Le même schéma se répète à la fermeture, avec parfois une nuance de ton plus chaleureux.

4. Origine et symbolisme du nombre trois

L’acclamation est presque toujours répétée trois fois :

  • Symbole de la Trinité maçonnique : Sagesse – Force – Beauté.
  • Écho des trois coups de maillet, des trois grades, des trois lumières, des trois piliers.
  • Résonance avec les trois « Vive ! » de la Révolution française.

5. Signification profonde

2 femmes mûres et complices à table pour le thé
  • Joie fraternelle : c’est le seul moment où la Loge peut crier ensemble. Le silence rituel est rompu par une explosion de vie.
  • Unanimité : l’acclamation collective manifeste que tous sont d’accord et en harmonie.
  • Énergie vitale : le cri est un acte de souffle partagé, une sorte d’expiration commune qui scelle l’entrée ou la sortie du sacré.
  • Mémoire historique : le « Houzzé » ou le « Vivat » rappelle les anciens cris de ralliement des bâtisseurs ou des chevaliers.

6. Évolution contemporaine

  • Dans certaines loges très laïques (GODF post-1877), on entend parfois des variantes ironiques ou affectueuses : « Santé ! Santé ! Santé ! » ou « À la bonne vôtre ! » juste avant l’agape.
  • Dans les loges féminines ou mixtes, l’acclamation prend une coloration particulièrement chaleureuse et égalitaire.
  • Certaines loges écologistes ou pacifistes expérimentent des acclamations comme « Paix ! Paix ! Paix ! » ou « Terre ! Terre ! Terre ! ».

7. Citations rituelles célèbres

  • « Que l’acclamation retentisse comme un tonnerre d’amour fraternel ! » (discours d’installation traditionnel).
  • « Par le Vivat, nous affirmons que la Loge est vivante et que la Franc-maçonnerie ne mourra jamais. »
  • « Le Houzzé est le cri du cœur des Maîtres qui ont vaincu la mort symbolique. »

En résumé, les acclamations ne sont pas un simple formalisme : elles sont le battement de cœur sonore de la Loge, l’expression la plus directe et la plus joyeuse de l’unité fraternelle.
Quand la Loge crie « Houzzé ! » ou « Liberté ! Égalité ! Fraternité ! », elle ne fait pas que respecter un rite : elle célèbre qu’elle est vivante, unie et libre.Et c’est peut-être le moment où même le plus discret des Frères sent monter en lui une émotion indescriptible : celle d’appartenir à quelque chose de plus grand que soi.

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A comme Accepté : l’acte fondateur de la Franc-maçonnerie spéculative

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Accepté : l’acte fondateur de la franc-maçonnerie spéculative

1. Étymologie et sens premier

Le mot « Accepté » (en anglais Accepted Mason) désigne, dans la langue maçonnique ancienne, une personne reçue dans une loge de maçons opératifs sans exercer le métier de tailleur de pierre ou de bâtisseur.

Le verbe to accept (du latin acceptare : recevoir favorablement) souligne ici l’idée d’une réception exceptionnelle, d’une admission par grâce ou par cooptation, en dehors des règles corporatives habituelles qui exigeaient un apprentissage de sept ans et la maîtrise du métier.

2. Contexte historique : XVIIe siècle, Écosse et Angleterre

C’est en Écosse, dès la fin du XVIe siècle, que l’on trouve les premières traces écrites de cette pratique.

  • Statuts Schaw (1598-1599) : William Schaw, Maître des Travaux du roi Jacques VI d’Écosse, réglemente les loges opératives, mais laisse déjà la porte entrouverte à des « gentlemen » ou « théoriciens ».
  • Loge de Kilwinning (1599), Mary’s Chapel à Édimbourg (1599) : les plus anciennes minutes conservées mentionnent des « gentlemen masons » ou « accepted masons » admis aux côtés des maçons de métier.
  • Loge d’Aberdeen (1670) : on y compte jusqu’à 40 % de membres non opératifs.

En Angleterre, le phénomène s’amplifie après 1600 :

  • Sir Robert Moray est initié en 1641 dans une loge écossaise sur le sol anglais.
  • Elias Ashmole, antiquaire et alchimiste, est « accepted » le 16 octobre 1646 à Warrington : c’est la première initiation documentée d’un pur spéculatif en Angleterre.

À cette époque, les loges opératives, confrontées à la raréfaction des grands chantiers gothiques, acceptent des intellectuels, nobles, pasteurs ou savants pour des raisons financières (cotisations), sociales (protection) et philosophiques (échange d’idées).

3. La grande transition : de l’Accepté à la Franc-maçonnerie spéculative

Le mot « Accepté » devient le marqueur même du passage de l’opératif au spéculatif :

  • 1717 : création de la Première Grande Loge de Londres et Westminster. Sur les quatre loges fondatrices, trois sont déjà majoritairement composées de « Accepted Masons ».
  • 1723 : les Constitutions d’Anderson consacrent officiellement cette évolution : « Les maçons sont désormais tenus de se conformer à la loi morale, sans distinction de religion ou de nation » → la porte est grande ouverte aux non-opératifs.
  • 1725 : le terme « Free and Accepted Masons » (F∴ & A∴ M∴) apparaît dans les minutes anglaises, puis devient l’appellation officielle (Freemasons).

Le mot « Free » (libre) vient du fait que le maçon opératif devait être « libre » (non serf) et travailler la « free stone » (pierre franche). Le mot « Accepted » vient s’y ajouter pour désigner ceux qui sont reçus sans appartenir au métier.

4. Les « Accepted Masons » célèbres du XVIIe et XVIIIe siècles

  • Elias Ashmole (1646)
  • Sir Robert Moray (1641)
  • Sir Christopher Wren (peut-être initié vers 1660-1680, bien que contesté)
  • John Locke (présumé)
  • Le comte de Desaguliers (Grand Maître 1719, principal rédacteur des Constitutions modernes)
  • Montesquieu (initié à Londres en 1730)
  • Voltaire (initié en 1778 à la loge des Neuf Sœurs, à 83 ans, en tant que « Accepted » célèbre)

5. Sens symbolique et philosophique du mot « Accepté »

Dans la tradition maçonnique, être « Accepté » signifie bien plus qu’une simple admission :

  • C’est l’acte d’ouverture universelle : la maçonnerie dépasse le corporatisme pour devenir une société de pensée.
  • C’est le refus du privilège de naissance ou de métier : seule la valeur morale et intellectuelle compte.
  • C’est la reconnaissance que le véritable « métier » n’est plus de tailler la pierre physique, mais de tailler l’âme humaine.

Le mot porte en lui toute la révolution des Lumières : transformer une guilde médiévale en une école de liberté, d’égalité et de fraternité.

6. Traces actuelles du mot « Accepté »

  • L’appellation officielle de la plupart des obédiences dans le monde anglo-saxon reste « Ancient Free and Accepted Masons » (A∴ F∴ & A∴ M∴).
  • En France, le GODF utilise parfois « Francs-Maçons Acceptés » dans ses textes historiques.
  • Le Rite Écossais Rectifié conserve une forte mémoire de cette période de transition et parle encore des « gentilshommes acceptés » dans certaines de ses légendes.

7. Citation emblématique

« La Franc-maçonnerie est née le jour où le premier homme qui ne savait pas tailler la pierre a été accepté parmi ceux qui la taillaient. »
(phrase attribuée à Oswald Wirth, souvent reprise dans les loges)

En résumé, le mot « Accepté » n’est pas un simple détail historique : il est l’acte de naissance de la maçonnerie spéculative moderne. Sans l’Accepté, il n’y aurait pas eu de Lumières maçonniques, pas de Constitutions d’Anderson, pas de loges ouvertes aux philosophes, aux artistes, aux révolutionnaires. Il incarne la plus belle audace de notre tradition : transformer un métier en chemin de liberté intérieure et universelle.

« J’étais étranger, et vous m’avez accepté. »
C’est en cela que le mot « Accepté » reste, aujourd’hui encore, le cœur battant de la Franc-maçonnerie.

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A comme Acacia en Franc-maçonnerie

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Acacia : le plus célèbre et le plus profond des symboles végétaux de la Franc-maçonnerie

1. Origine biblique et légende d’Hiram

L’acacia entre dans la symbolique maçonnique par la porte de la Légende d’Hiram, qui constitue le cœur du grade de Maître au Rite Écossais Ancien et Accepté, au Rite Français, au Rite Émulation, etc.

Lorsque les trois mauvais compagnons frappent Hiram Abiff et le mettent à mort, ils enterrent son corps sur une colline à l’ouest du Temple, puis plantent une branche d’acacia sur sa tombe pour marquer l’endroit.

Plus tard, les neuf Maîtres envoyés à la recherche du corps d’Hiram reconnaissent la sépulture grâce à cette branche d’acacia qui a reverdi, preuve que la vie triomphe de la mort.

Ils déterrent le corps, le saisissent par la prise du Maître (la « prise des cinq points parfaits de la maîtrise ») et l’exclament : « Mac Benac » (en hébreu : « la chair quitte les os » ou, selon d’autres interprétations : « Il est vivant dans le fils du veuf »).
Le mot de substitution « Mahabyn » ou « Mahabone » est alors donné en attendant de retrouver le Mot véritable perdu avec la mort d’Hiram.

L’acacia devient donc immédiatement :

  • le signe de reconnaissance de la tombe du Maître,
  • la preuve de la résurrection de la vie après la mort,
  • le lien entre la mort physique et la renaissance spirituelle.

2. Pourquoi l’acacia et pas un autre arbre ?

Dans la Bible (et notamment dans l’Exode), l’acacia (en hébreu שִׁטָּה / shittâh) est l’arbre dont Dieu ordonne à Moïse de se servir pour construire les éléments les plus sacrés du Tabernacle :

  • l’Arche d’Alliance (Ex 25,10),
  • la Table des pains de proposition,
  • les autels,
  • les barres de transport,
  • les colonnes du sanctuaire.

C’est un bois imputrescible, très dur, résistant aux insectes et au temps, qui pousse dans les déserts les plus arides (Sinaï, Néguev, Arabie). Il symbolise donc :

  • l’incorruptibilité,
  • la pérennité,
  • la capacité à rester vivant même dans les conditions les plus hostiles.

Les Pères de l’Église (Origène, saint Jérôme, saint Augustin) y voyaient déjà un préfigure du bois de la Croix et de la résurrection du Christ. La Franc-maçonnerie spéculative du XVIIIe siècle reprend cette double tradition biblique et chrétienne, mais la laïcise et l’universalise.

3. Significations maçonniques principales de l’acacia

A. L’Incorruptibilité du Maître
L’acacia marque que le vrai Maître reste pur même dans la mort. Le corps physique peut être frappé, mais la partie immortelle (l’âme, la conscience, la lumière intérieure) ne se corrompt pas.

B. L’Immortalité de l’âme
C’est le symbole le plus répandu : « L’acacia me fait connaître que l’âme est immortelle. »
On le retrouve dans presque tous les rituels du 3e degré et dans les discours funèbres maçonniques : on pose une branche d’acacia sur le cercueil ou dans la fosse du Frère défunt.

C. La Résurrection – Renaissance initiatique
Le Maître maçonnique « meurt » symboliquement (passage par le cabinet de réflexion, mort d’Hiram) pour renaître à une nouvelle vie. L’acacia qui reverdit sur la tombe est le signe que la vie spirituelle jaillit toujours du tombeau.

D. La Pureté et l’Innocence retrouvée
Dans plusieurs rites, on dit que l’acacia est « toujours vert », donc toujours pur. Il évoque l’état d’innocence du cœur nécessaire pour accéder aux mystères supérieurs.

E. La Timidité et la Discrétion
L’acacia est un arbre modeste, épineux, qui ne cherche pas à s’imposer. Il rappelle au Maître la nécessité de l’humilité et de la discrétion (« Je suis acacia, je me connais » est une formule que l’on entend parfois dans certaines loges).

4. L’acacia dans les rituels et les décors

  • Au 3e degré : une branchette d’acacia est souvent posée sur le tapis de loge ou sur le cercueil symbolique.
  • Dans les loges de perfection (4e au 14e degré du REAA) : on le retrouve sur les tableaux de loge.
  • Dans les cérémonies funèbres : la branche ou la couronne d’acacia est l’équivalent maçonnique du cyprès antique ou du lys chrétien.
  • Bijoux et sautoirs : de nombreux bijoux de Maître portent une petite branche ou une feuille d’acacia en argent ou en or.
  • Devise célèbre : « L’acacia me fait connaître l’innocence de mon cœur » (Rituel du Maître au Rite Français).

5. Variations selon les rites et les obédiences

  • Rite Écossais Ancien et Accepté : accent très fort sur l’immortalité de l’âme.
  • Rite Français (GODF) : insiste davantage sur l’incorruptibilité morale et la pureté.
  • Rite Émulation / rites anglo-saxons : l’acacia est parfois remplacé ou complété par le « sprig of cassia » (branche de cassier), mais le symbolisme reste identique.
  • Rites égyptiens (Misraïm, Memphis-Misraïm) : l’acacia est parfois rapproché de l’isis végétante ou du sycomore sacré de l’Égypte antique.

6. L’acacia dans la poésie et la littérature maçonnique

Oswald Wirth : « L’acacia est le buisson ardent qui ne se consume pas. »
Albert Pike (Morals and Dogma) : « The acacia, the symbol of resurrection and immortality, teaches us that the soul survives the body. »
Dans les chansons de table : « Que l’acacia nous rappelle / Que l’âme est immortelle… »

7. En 2025 : un symbole toujours vivant

Aujourd’hui encore, dans toutes les obédiences (GODF, GLDF, DH, GLMF, etc.), lorsqu’un Frère ou une Sœur décède, on dépose une branchette d’acacia sur sa tombe.
Dans certaines loges écologistes ou « vertes », on plante réellement un acacia dans les jardins maçonniques en mémoire des défunts.En résumé, l’acacia est bien plus qu’un simple végétal dans la Franc-maçonnerie : il est le témoin silencieux de la mort initiatique, le garant de l’immortalité de l’âme, le rappel de l’incorruptibilité du Maître et le signe que, même au plus profond de l’hiver spirituel, la vie reverdit toujours.

« Je suis acacia : je me connais et je connais mon immortalité. »

C’est sans doute le symbole le plus universellement reconnu et le plus émouvant du 3e degré maçonnique.

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