mar 08 avril 2025 - 00:04
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Sans possibilité de se désinitier que vaut réellement l’initiation maçonnique ?

Une question me taraude depuis quelques temps. Lors de l’initiation, on prête un serment sur l’éternité. Comme le rappelle très justement Woody Allen, « L’éternité, c’est long, surtout vers la fin ». Lorsque je vois le nombre de maçons aux trois grades qui repartent déçus (pour certains, ils l’étaient déjà en arrivant), je me demande dans quelle mesure, la valeur d’une initiation ne se mesure pas à la capacité à nous désinitier ?

Cette idée peut sembler saugrenue et pourtant elle est fondamentale. Imaginez ce que vaut le oui sans autorisation de dire non, le mariage sans possibilité de divorce ou la vie… sans la mort ? Est-il utile de rappeler qu’initier vient du latin initio qui signifie commencer un chemin ? Lorsqu’on démarre un voyage, qu’est-ce qui empêche le pèlerin de faire demi-tour ? En somme, on peut démarrer une route et naturellement on devrait pouvoir revenir au point de départ et se libérer de son obligation si on le souhaite. Toute voie initiatique enfermante, qui cloître pour toujours ses adeptes, annihile définitivement toute idée d’élévation de ses membres par le pacte d’éternité qu’elle instaure avec ses « initiés ».

La Franc-maçonnerie aurait-elle peur de la valeur de son initiation ou de la fidélité de ses participants pour les enchaîner à perpétuité dans l’initiation éternelle ?

Vous ne le savez peut-être pas mais chaque année, plus de 1000 personnes se font débaptiser[1]. Je ne parle pas d’apostasie, mais bien de débaptême. Pourquoi ne pas instaurer une désinitiation chez les Maçons ? Nous nous plaisons à affirmer que la différence entre la maçonnerie et une secte, c’est que la secte fait entrer ses membres sans difficulté et les emprisonne pour la sortie, alors que la Franc-maçonnerie fait précisément le contraire. Cela pourrait-être totalement vrai si l’adepte est en mesure de se purifier des engagements pris initialement !

Certains vont se demander si je ne suis pas tombé sur la tête avec cette idée étrange. Voici quelques points d’argumentation qui méritent une réflexion :

– Tout d’abord, il me semble fondamental qu’une pratique initiatique tende à libérer ses fidèles. Comment prétendre les émanciper si la porte est verrouillée pour toujours ? La démission dès la moindre déception devient alors la seule option possible.

– Beaumarchais dit : « Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur ». Cela s’applique à la Franc-maçonnerie, « Sans liberté de désinitiation, point de fidélité sincère et durable ». Prendre conscience à tout moment de notre liberté de quitter l’Ordre rend notre présence plus intense par notre choix intégral.

– Sachant que chaque année, des milliers de Francs-maçons qui avaient prêté le fameux serment quittent la maçonnerie et démissionnent de leur Loge, ils deviennent de fait des parjures. Comment peut-on permettre d’hypothéquer ainsi le futur de ses Frères qui démissionnent sans leur donner la liberté de se dégager de leur serment en cas de changement de leur conscience vis à vis de la Fraternité ? Cette condamnation à perpétuité est-elle réellement conforme à l’idéal maçonnique ?

– Bon nombre de pratiquants croient en une vie après la vie, sous une forme de paradis pour les uns, ou de réincarnation pour les autres. Qu’en est-il de l’énergie des serments éternels passés dans les Loges ?

Nous comprenons tous qu’à l’époque où nous vivions 40 ans, le mariage éternel à 20 ans, nous engageait pour une vingtaine d’années. Il était donc concevable de passer 2 décennies avec son conjoint ou sa conjointe. Si l’on retire à cela, les périodes de grossesse, 14 heures de travail quotidien, le temps passé sur les champs de bataille dans les périodes guerres… le mariage éternel était bien supportable. En réalité, sa durée de vie effective était aussi longue que celle d’aujourd’hui. Le Franc-maçon avait le même souci dans sa durée et son assiduité dans sa pratique. Un pacte d’éternité était nettement moins engageant qu’à l’époque ou l’humain s’apprête à vivre plus de 1000 ans grâce aux GAFA[2] qui nous préparent au rêve d’éternité transhumaniste.

Pour conclure, je propose que nos serments soient révisés au plus tôt afin de remplacer certaines clauses léonines :

– Celle en l’occurrence qui permettrait d’écrire, buriner, graver, sculpter ou reproduire car avec plus de 11 000 ouvrages maçonniques en circulation, ce serment n’a plus aucun sens.

– Une autre clause s’est vidée de son essence : « Je promets d’aimer mes Frères, de les secourir et de leur venir en aide… ». Lorsqu’on voit la faible motivation à la solidarité fraternelle, je suggère qu’elle soit purement et simplement retirée car une minorité de Francs-maçons ne la respectent, ou ne s’en souviennent plus aujourd’hui.

– Et enfin, il serait important de clarifier le point de l’appartenance à la Fraternité. Le maçon ne change pas d’identité, il change de groupe d’appartenance. Cette notion est rappelée très justement par Michel Serre[3]. Ce denier avait clarifié ce point de confusion générale avec brio en répondant à la question :

– « Faites le point sur la différence entre identité et appartenance, une confusion quotidienne qui conduit au racisme ».

– « Etre un individu de sexe masculin, caucasien, mesurant 1,80 mètre, et s’appelant Michel Durand ne correspond pas à votre identité. Tout ceci est un carrefour d’appartenances. Mais en aucun cas il ne vous donne votre identité.

Ainsi, parler d’identité nationale, religieuse, culturelle conduit le plus souvent à des dérives. Si nous devions qualifier notre identité, elle se résumerait à notre code ADN, unique à chacun. »

Nous pouvons réfléchir à l’idée que nous ne sommes peut-être pas maçons par l’Initiation… mais que nous le devenons enfin au passage à l’Orient Eternel, grâce à une pratique assidue et respectueuse. En attendant… nous faisons de la maçonnerie, et nous nous initions au quotidien par notre travail.

Franck Fouqueray

[1] https://tinyurl.com/debaptiser

[2] Google / Amazon / Facebook / Apple

[3] https://tinyurl.com/MichSerre

Pourquoi être exemplaire dans un monde qui ne l’est pas ?

Quel est le sens des valeurs, du perfectionnement, de l’élévation spirituelle, en un mot de l’exemplarité dans le monde où nous vivons qui, lui, n’est certainement pas exemplaire ? Fanatisme religieux, totalitarisme idéologique, matérialisme technologique et individualisme sociétal font bon ménage pour repousser tout système de valeurs. Dans un monde qui mêle culture et culturalisme, égalité et égalitarisme, identité et identification, communautarisme et vie en communauté, différence et divergence, démocratie et médiocratie, sans doute est-il bon de rappeler que la vérité d’un homme n’est pas dans la « face » de « book » de ses réseaux sociaux, mais dans ce visage de chair dont l’expression lumineuse reflète la lumière de ses pensées. Et Tort-Nouguès, philosophe, conclut : « L’homme d’aujourd’hui a l’impression de vivre dans le chaos et dans les ténèbres, d’être le frère du prisonnier de la caverne platonicienne. »

« Ordo ab Chao », c’est justement contre le chaos, le désordre que nous devons lutter. Lutter contre l’abandon des valeurs. Rejeter la bien-pensance. Refuser le prêt-à-penser. Récuser l’intolérable. La résignation remplace trop souvent l’indignation et la contestation. Saint Augustin nous rappelle que « l’espérance a deux enfants très beaux : ils s’appellent le courage et la colère ». Nous devons résister. Résister contre ce qui sépare, décompose, éparpille. Et « rassembler ce qui est épars ».

Dans la « Synthèse de la question à l’étude des loges » de la « Grande Loge de France » en 2002, les Frères apportaient déjà une belle réponse à ces questionnements : « À la violence économique, à l’insatisfaction des besoins primaires, au non-respect de la dignité humaine, à la désespérance, à l’égoïsme, opposons la solidarité, la redistribution équitable des richesses, la reconnaissance, le respect des différences, la générosité. À l’obscurantisme, aux dogmes, au fanatisme, aux pouvoirs illégitimes, à l’inégalité des chances, opposons l’instruction pour tous, la connaissance, le sens du devoir, l’amour des autres. Face à la violence, opposons maîtrise de soi, civilité, valeurs morales, justice et partage ».

D’autres questions, cependant, restent en suspens. Je vous les pose pour examiner avec vous comment la Franc-maçonnerie y répond :

– D’abord les rites[1], qui codifient des modèles de comportements, ont-ils encore un sens… à l’époque d’Internet ?

La réponse est : oui. Car les hommes ont besoin d’un minimum de transcendance. Il est important de préserver des lieux (les loges) et des cérémonies (les rites) pour les relier par une symbolique qui les fédère autour des mêmes valeurs de vie.

– Ensuite, à quoi bon se donner des êtres exemplaires[2] pour modèles dans un temps où la starisation les rend éphémères ?

Parce que l’homme a besoin d’idéal pour vivre et parce qu’il a besoin que cet idéal soit incarné de façon pérenne pour pouvoir l’incarner lui-même. Aujourd’hui il existe encore de grands philosophes pour nous faire réfléchir, de grands humanitaires pour se dévouer à la cause des pauvres et des initiés exemplaires pour faire rayonner la Franc-maçonnerie dans la société.

– Mais encore, dans un monde qui dépersonnalise et standardise de plus en plus, le Franc-maçon ne risque-t-il pas d’être un Candide, un Don Quichotte ou le dernier des Mohicans avec son sens de la vie et ses valeurs issues du passé ?

Qui sait ? Au pire, s’il est un Candide qui cultive son jardin intérieur, il en répand aussi les fleurs autour de lui. S’il est un Don Quichotte qui se bat contre des moulins à vent, il sert toujours d’exemple à d’autres hommes pour bien conduire leur vie. Et si, comme le dernier des Mohicans, il est un peu isolé dans un monde qui ne croit plus ni au sens ni aux valeurs, tant qu’il transmet sa foi maçonnique il perpétue l’œuvre de ses prédécesseurs… et la sienne !

– Enfin, l’exemplarité est-elle vouée à disparaître dans un monde qui s’en désintéresse ?

Non, car tant qu’il y aura un Mohican (Franc-maçon ou pas) pour transmettre à un autre Mohican un sens[3], des valeurs, des archétypes d’êtres exemplaires, des modèles de comportements, une méthode, des symboles, des outils, des mythes, des rites et une tradition, la lumière de la Franc-maçonnerie continuera de rayonner et d’éclairer ceux qui s’en inspirent.

 

Pierre PELLE LE CROISA, le 27 avril 2015

[1] Voir l’article « Pourquoi faire appel à des rites ? » publié par les « Illustrissimes Blogueurs » dans la rubrique « Le champ des rites ».

[2] Voir l’article « La Franc-maçonnerie : Exemplarité ? Valeurs ? « Grands initiés » ? » dans la rubrique : « La Franc-maçonnerie actuelle et de demain éclairée par celle d’hier ».

[3] Voir l’article « Faut-il donner un sens à sa vie ? » dans la rubrique « Des clés pour hier et aujourd’hui ».

Deux frères (?) s’écrivent

Mon TCF Untel, j’ai sursauté quand j’ai lu, en quatrième, de ton livre chez Dervy : “La franc-maçonnerie est-elle une mystique ou bien une gnose spécifique?”Le concept est fort, original mais…il figure dans mes ouvrages depuis plusieurs années. Je me suis écrié : “Plagiaire” d’autant plus que tu ne me cites pas. Il faut dire, penses-tu sans doute qu’il y a une telle différence entre les deux écrivains que nous sommes que situer ton inspiration était dérisoire. C’est vrai : Tu es un écrivain-philosophe de grande notoriété, qui vend beaucoup, à la pensée qui t’attache de très nombreux lecteurs… Moi, je suis sans doute plus prolifique que toi dans le domaine maçonnique (plus de 40 ouvrages) mais je reste un quasi inconnu hors d’un petit cercle de lecteurs.
Alors j’ai lu ton ouvrage et, à par le titre et cette phrase malheureuse, à mon sens, je n’ai rien vu de près ou de loin avec mes conceptions de notre Franc-maçonnerie. Plus, nos représentations de l’Ordre sont passablement différentes voire opposées. Aussi je ne te chercherai pas noise, si tant est qu’en tant qu’initié, j’en eusse été tenté.
Pour autant ,nos convictions sur le désastre socio-environnemental sont jumelles. À preuve cette phrase que je soussigne, sans ciller : “L’homme moderne sous le nom et prétexte d’humanisme, s’est pris pour le centre, le but et le sommet de l’univers. Et l’on voit le résultat :une planète pillée, saccagée et ravagée de toutes part, le plus souvent de façon irréversible. Cet humanisme n’était qu’un narcissisme nombriliste, un anthropocentrisme arrogant”. Je suis tellement d’accord que je la citerai dans mon prochain ouvrage ; en précisant bien sûr que que ces lignes sont de mon Frère Untel
Continue joyeux sur ton chemin de gloire.
Je t’embrasse fraternellement et affectueusement. £
Jacques Fontaine

Bonjour Monsieur.
Je ne pense pas être votre “Frère” et votre message m’interloque.
Jusqu’à ce courriel de vous, j’ignorais absolument tout de votre existence et de vos livres. J’ai donc été voir sur Amazon et ai décidé de continuer sur cette voie de totale ignorance.
Alors, de là à vous “plagier” … vous ne manquez pas de toupet. Vous devriez revoir votre modestie à la hausse, cela vous ferait du bien.
Comme une notice l’indique sur Amazon, vous appartenez à deux obédiences, semble-t-il, … et vous êtes ami de Jissey du GO ; donc vous ne semblez pas être un Franc-maçon régulier et reconnu, membre de la (obédience régulière) (il faut dire qu’en France avec les 220 “obédiences” qui se disent maçonniques, vous n’êtes pas un cas isolé … bien malheureusement).
Dans le cas contraire, faites-vous dûment reconnaître.
Bien à vous,
UA

Bonjour Untel,
mais pourquoi donc me répondez-vous sur ce ton qui me blesse à chaque ligne? Moi je vous estime, quand je regarde vos vidéos. Vraiment je me sens méprisé et rabaissé. Heureusement, mes 50 années de maçonnerie, l’âge aidant, m’ont aidé à gagner un peu de sagesse et à accuser les coups tels que ceux que vous me portez. Être un inconnu, en comparaison de votre notoriété, ne me rend pas humainement plus indigne.
Je suis fort content d’apprendre que nous avons eu la même idée : gnose et non mystique. Et, si vous en êtes d’accord, je citerai votre phrase sur l’anthropocentrisme arrogant.
Vous voyez, Marc, j’essaie toujours de regarder les émotions qui niassent en moi, à mon insu d’abord, bien évidemment. A la lecture de votre réponse, je viens de vous le dire, j’ai été atterré. Alors pourquoi? C’est ma question et je ne vous inflige pas mes hypothèses de réponse.Mais je fais tous mes efforts pour être, autant que faire se peut, un militant actif de la paix. À ce titre je suis Libre penseur, Citoyen du monde, d’ Amnesty international;;;e je ne supporte pas que 10 000 enfants environ meurent de faim chaque jour; alors, là aussi, je me bats.
Enfin je ne cherche ni gloire, ni pouvoir, du moins ce qui pourrait être à ma portée.
Alors, je vous demande de ne pas vous fâcher et si je l’ai fait, je le regrette; je ne cherchais pas du tout à vous vexer et j’ai du être maladroit, croyant manier l’humour et …l’estime.
Si vous désirez vous faire une idée, j’ai fait plusieurs conférences sur Baglis TV. Je me permets de vous joindre ma présentation d’auteur.
Je vous souhaite,Untel, beaucoup de sourires d’affection dans la vie, ceux que vous recevez et ceux que vous envoyez. Je vous souhaite d’aller toujours plus loin sur le chemin de réalisation que vous avez choisi.
Avec mes sentiments cordiaux.
Jacques Fontaine

Le Vénérable Maître efficace

LE VENERABLE MAÎTRE EFFICACE

Le VM a en charge trois missions, qu’il met en œuvre dans les tenues de loge, en dehors des moments rituels et sans s’y mélanger. Il ne se préoccupe pas de QI mais de QE, de l’intelligence émotionnelle. D’où pas de planches philosophique, historique, érudite pendant les tenues de loge. Pendant les tenues de comité, sont bienvenues les apports politique, social. Pendant les tenues d’instruction, c’est l’imagination (en partie) et l’intuition pour avancer dans l’introspection ; les réflexions pour l’étude de la morale. Bon ça n’empêche pas que la réflexion à partir de l’émotion est recommandable, mais pas pour rationaliser, justifier ; pour formuler ce que l’on découvre en soi car reformuler c’est prendre la maîtrise de la vraie raison, le motif, la cause. Les maçons vont à la cause des phénomènes sociaux comme la misère. Ne vont pas à la cause de leurs comportements, aux scenarios, trame, empreinte, sentiment océanique. Oui et non ; je dois creuser . Par exemple, la fraternité est une trame voire une empreinte. Elle calme les effets de l’angoisse, la dépression, la culpabilité, l’agressivité qui se situent au niveau de la trame. Les mythes sont des conduites (ici, des trames) à tenir, celui d’Hiram en particulier. Qui débouchent sur des scénarios : parricide, homosexualité et inceste autorisés.

A) La motivation. Elle est triple :
1) motivation à écouter l’autre pour entrer en empathie (donc une composante de la fraternité).Ne pas écouter ce qu’il dit seulement mais ce qu’il est en disant, pour favoriser des émotions en nous qui font miroir : je lui ressemble parce que mais il est unique parce que je diffère de lui. L’attitude est plutôt spontanée si l’environnement n’est pas troublé.
2) Motivation à descendre en soi, après une planche et pendant les échanges. Notamment faire de vrais silences.
3) Et la motivation pour agir sur le forum, en plus du » laisser-aller » les choses en soi en espérant que l’on s’améliore d’une part et que cette amélioration servira d’exemples aux autres.
La méditation libère le mental, nous rend disponible

B) L’attention/concentration
La méditation aide à faire le vide pour pouvoir mieux se concentrer.

C) L’expression des émotions et en particulier dans les émotions positives celles dites de transcendance de soi, la fraternité au premier chef. Renvoyer à mon guide. La méditation favorise-t-elle l’expression des émotions. ?Je ne sais pas.

Des mots pour qualifier son rôle : Liturgiste ( étymologiquement « au service du peuple), Harmoniste, Compositeur, Ensemblier

Le VM fait vivre l’autorité que confère l’office et s’efforce d’être un leader ; la loge s’en portera mieux. Pour cela il ne s’exprime pas en nom propre, en tenue, mais en tant que VM. C’est pourquoi il ne prend pas la parole en donnant son avis, comme les autres, sur un travail. Et qu’en loge de table et sur les parvis, il ne s’exprime pas en tant que VM

Il était une fois l’Homme…

IL ÉTAIT UNE FOIS L’HOMME…

  • Parce qu’en sortant de la caverne, tu as eu peur…tu as inventé l’arme : la lance, puis l’arc et les flèches pour tuer des animaux dits « sauvages », mais aussi tes frères, les autres hommes !
  • Parce que tu as eu froid…tu as fait de la pierre des cabanes, mais aussi des projectiles pour te défendre ou attaquer !
  • Parce que tu as eu faim…tu as inventé l’outil et volé le feu à la terre pour cuire tes aliments, mais aussi incendier ton environnement !
  • Parce que tu as eu envie d’aller plus loin par curiosité, tu as inventé la roue, pour te transporter, mais aussi, de brouette en charrette, pour fabriquer le char qui deviendra char d’assaut.
  • Parce que tu as eu soif, tu as inventé Dieu pour, entre autre, lui demander la pluie, mais aussi la noyade de tes ennemis !
  • Parce que tu as voulu vénérer ce Dieu, tu as inventé les Livres saints, mais aussi, de ce fait, plusieurs Dieux. Et malheur à qui ne croit pas comme toi !

…Alors, avec la croyance, tu as inventé la guerre puis ces armes qui crachent la mort. Alors, avec cette pulsion destructrice de ton cerveau reptilien qui ne t’as pas encore quittée depuis l’âge des cavernes. Alors malgré le commandement biblique « Tu ne tueras point », tu t’es laissé emporter par la barbarie !… Ainsi pourrait se résumer aujourd’hui l’histoire de l’Homme, lequel, le 21ème siècle venu, prouve bien qu’il est encore un être inachevé sur cette fragile boule de porcelaine qu’est la planète et qu’il peut détruire. Et lui avec! Ainsi pourrait-on désespérer de cette créature, si parallèlement à son agressivité native, n’existait dans sa profondeur une petite lumière : la raison éducatrice. Elle peut, un jour proche souhaitons-le, le faire passer de sa nature à la culture ! Matière flottante, matière rampante, matière levante, matière pensante, telle a été la lente progression de l’Homme. Il ne lui reste plus qu’à devenir vraiment matière aimante !!

C’est bien la mission que s’est donnée la franc-maçonnerie, invention humaine et lieu de l’intelligence collective. Puissions-nous frères et sœurs « rayonnants » que nous sommes, – au vu de ces actuels défilés protestataires soi-disant pacifiques et joyeux qui nous font « rire jaune » – répandre autour du Temple, que le chemin de l’autre, ne doit pas conduire, de villes en villes, à s’entre-tuer mais à s’entr’aimer !

Gil GARIBAL

Du bon usage de la parole

J’étais en Loge hier soir et j’ai planché. Une petite planche de 5 minutes, à destination des Apprentis et Compagnons, planche elle-même née d’une discussion avec mon jeune Padawan (pardon, mon filleul), autour d’une bière artisanale et d’une planche de salaisons non moins artisanales… Oui, on peut être Franc-maçon et bon vivant, mais c’est une autre histoire.

En Loge, la Parole circule à la discrétion du Vénérable Maître. Mais trop souvent, je m’aperçois que peu savent s’exprimer convenablement en Loge, et que parfois, la Loge se transforme en comité d’usagers ou assemblée générale de copropriété, ce qui nuit à l’égrégore. Vous comprendrez donc que pour éviter que nos passions ne contaminent notre discours, il est nécessaire de tempérer cette parole. Je vais donc vous expliquer, en tant qu’Expert et Gardien du rituel, comment la parole doit circuler, même si ce point a été omis de nos nouveaux rituels (à mon grand regret).

La Parole circule, soit. Les Frères sur les Colonnes doivent demander la parole aux Frères Surveillants, qui transmettent la demande au Vénérable, qui autorise ou non le Frère à parler (au prorata des entorses rituéliques propres à la Loge). Le Frère s’exprime, mais doit faire l’effort de s’adresser au Vénérable et à l’ensemble des Frères. Il appartient alors au Vénérable de reformuler ce qui a été dit sur les Colonnes et d’adresser le message reformulé à son destinataire. Processus lourd, me direz-vous. Processus de triangulation et de tempérance, vous répondrai-je.

Je vous invite à tracer au crayon la circulation de la parole entre les Colonnes pour mieux comprendre mon propos. Si l’on s’adresse directement au conférencier, ou un autre Frère, on dialogue à deux et on exclut le reste de la Loge. Le 2 étant le chiffre de l’opposition, on peut en déduire que parler à deux crée une opposition, entretient les passions, et est susceptible de transformer la Loge en assemblée générale de copropriété ou en foire d’empoigne, ce qui revient au même. Je me souviens d’empoignades et d’invectives entre Frères âgés ou expérimentés, ici même. Quel dommage d’exclure le reste de la Loge ! Si des Frères doivent dialoguer, qu’ils le fassent, mais ailleurs, sans exclure qui que ce soit ! Je vous rappelle à l’étude des nombres 2 et 3. Comme je l’ai dit, le nombre 2 est un nombre d’opposition. Parler à 2 présente donc le risque de s’opposer, ce qui n’est pas exactement ce que la Loge veut, et nous éloigne de notre idéal.

En fait, la triangulation de parole permet de tempérer le discours. Elle permet de rester dans une structure à trois points, et de rendre la Loge solide. Si vous tracez les déplacements que j’effectue, les deux interlocuteurs forment les deux pointes d’un compas dont le Vénérable est le pivot. Or le compas est le symbole de l’esprit, de l’ouverture.

Le nombre 3 est un nombre d’harmonie, puisque les 2 parties sont stabilisées ou réconciliées par la 3e, qui les tempère, à l’instar de l’arcane de la Tempérance. Cette 3e partie (que j’aime bien comparer au Léviathan de Hobbes) est le Vénérable Maître qui a ainsi la dure tâche de concilier les flux contraires.

Mais comment faire alors pour bien parler en Loge ? Première chose, se débarrasser de la 2e personne du singulier. Petite gymnastique linguistique, certes. Mais qui en vaut la peine. Le Vénérable doit également faire l’effort de reformuler, et ainsi de suite.

Ainsi, on ne dit pas « Mon Frère, tu racontes des carabistouilles », mais « Vénérable Maître etc., je pense que notre F :. raconte des carabistouilles » et le Vénérable doit alors transmettre le message au Frère : « Mon Frère, le Frère pense que tu as raconté des carabistouilles » et ainsi de suite.

Certes, la triangulation de la parole n’est pas un processus naturel. Il peut même être fastidieux, ce qui, soit dit en passant, peut dissuader certains de parler pour ne rien dire et nous obliger à nous concentrer sur l’essentiel. Néanmoins, c’est un processus apaisant, qui nous permet de réaliser ce que nous venons faire ici : soumettre notre volonté et vaincre nos passions.

Si vous êtes familiers du Tarot, vous aurez pensé en m’écoutant au 14e Arcane, la Tempérance représentée par un personnage transvasant le contenu d’un récipient vers un autre récipient. Pour les amateurs d’alchimie, je vous rappelle les 3 principes : Soufre et Sel qui sont antagonistes, et Mercure, le tiers-médian qui unit et concilie ces deux principes opposés. Je vous épargne les références philosophiques, qui mènent sensiblement à la même idée : concilier deux pulsions, principes, énergies etc. opposées.
Le Vénérable doit avoir un rôle similaire au tiers-médian et à la Tempérance, en canalisant les flux parfois passionnés et antagonistes que nous engendrons. Nous devons également faire l’effort de nous tempérer nous-mêmes, en utilisant les règles de langage et en gardant la mise à l’ordre.

J’ai dit.

En grève pour (ou contre) le climat

Je rentrais de Loge hier soir quand un livre en vitrine d’une petite librairie a retenu mon attention : un ouvrage sur le phénomène des grèves étudiantes pour le climat, initiées par la jeune militante Greta Thurnberg. En fait, ces grèves sont un phénomène qui se répand à l’échelle européenne : des jeunes adolescents et étudiants boycottent les cours du jeudi ou du vendredi en protestation contre les personnes politiques qui ne mènent aucune action de lutte contre le réchauffement climatique à leurs yeux. J’ignore à quel point leur action est prise au sérieux, mais le chefi de file de ce mouvement, cette jeune Greta Thurnberg a été reçue et écoutée lors de la 24e Conférences des Parties (COP24 pour les amateurs d’acronymes).

Bon, au risque de passer pour un vieux réac ou de faire du mépris de classe, dans le même ordre d’idées, je pensais, pour me mettre au niveau, faire grève contre le froid du mois de mai ou les gelées tardives qui ont détruit une récolte, mais ce ne serait pas très sérieux ! Ou encore me rallier aux pétitions de Vérino contre les gens méchants ou pour les journées de 23 heures, ce qui serait tout aussi utile !
Hum, devant la mine réprobatrice de mon lectorat premier, j’arrête ici la mauvaise foi, qui risquerait de me faire passer pour un vieil odieux réactionnaire (même si j’aimerais bien avoir l’occasion de lire un portrait critique des jeunes meneurs et une analyse critique de ce mouvement, et leurs éventuelles accointances avec des entités de greenwashing).

En fait, ces jeunes gens n’auraient pas entièrement tort, dans le principe. Mais refuser l’éducation, c’est laisser le champ libre aux idées fausses, comme le créationnisme, le platisme, les théories conspirationnistes, le développement durable ou l’intégrisme écologique. C’est aussi se priver de regarder les phénomènes que nous vivons sous un angle plus critique. Parmi ces jeunes gens, combien seraient prêts à renoncer à ce que leurs parents les amènent en voiture chez leurs copains, ou à leurs clubs ? Combien seraient prêts à renoncer à la mode bon marché ? Combien seraient prêts à renoncer à leur smartphone, dont les procédés de fabrication utilisant des terres rares sont extrêmement polluants ? Et combien renonceraient à utiliser les réseaux sociaux, plates-formes en ligne dont les serveurs consomment une quantité énorme d’électricité ? Combien renonceraient à leurs trottinettes électriques connectées pour se déplacer ? Qui renoncerait à Netflix, Spotify, Instagram, Telegram ? Qui parmi nous renoncerait à prendre l’avion pour ses vacances ? Ah, si ces jeunes gens pouvaient lire Jean Ziegler pendant leurs phases d’occupation des amphis, ou imaginer les effets à long terme de leurs idées…

Certains influenceurs un peu démagogues des réseaux sociaux se réjouissent de voir une jeunesse qui sait ce qu’elle veut, confortant les jeunes dans leur mouvement. Je ne les rejoins pas du tout (ce qui confirme que je suis un vieux réac, visiblement). S’il est très bien de combattre pour une cause, il est mieux d’être cohérent. Si ces jeunes gens allaient à l’école, peut-être qu’ils feraient connaissance avec l’œuvre de Simone Weil, qui a poussé la cohérence de ses idées jusqu’au sacrifice, elle. Pour l’anecdote, Simone Weil, agrégée de philosophie a épousé la cause ouvrière en renonçant à sa carrière d’enseignante pour aller travailler en usine. Dans le même ordre d’idées, s’ils ne séchaient pas leurs cours de philo, ils découvriraient la pensée de Nietzsche, qui écrivait dans le Gai Savoir que « la façon la plus perfide de nuire à une cause, c’est de la défendre intentionnellement avec de mauvaises raisons ».

En fait, en tant que Franc-maçon, j’ai une crainte profonde : si ces jeunes gens ne vont plus à l’école, quelle culture, quels savoirs vont-ils recevoir, outre les fondamentaux (lire, écrire, compter, s’exprimer) ? Les vidéos YouTube d’influenceurs ? Les publications de n’importe quel charlatan ? Aller à l’école, c’est (en principe) apprendre à exercer son esprit critique, dialoguer avec respect avec autrui, respecter le tiers-médiateur représenté par l’enseignant, bref, vivre en société. Certes, en France, nous avons très sévèrement abimé cette vision de l’école, contaminée par les idées des penseurs post-Mai 68. J’en veux pour preuve que la génération qui a suivi la mienne ne sait ni lire ni écrire. Mes yeux saignent quand je vois les messages traduisant le niveau d’orthographe ou de grammaire de mes jeunes collègues. L’apprentissage de la grammaire était en effet proscrit, au motif qu’il conditionnait l’enfant au geste répétitif de la condition ouvrière… Certes. Certains ne se sont pas remis de leurs prises de substances hallucinogènes, visiblement.
Et mon cœur et mon esprit saignent encore plus quand je vois le niveau de culture générale baisser drastiquement, alors que le niveau d’ignorance augmente. Pour le franc-maçon, l’ignorance, le fanatisme et l’ambition sont les trois mauvais compagnons de l’homme. L’ignorance mène à la violence, puisque l’ignorant ne peut pas s’exprimer avec des mots qu’il ne possède pas ou qu’il ne comprend pas. L’ignorance mène aussi à la croyance, sans esprit critique, qui elle-même mène au fanatisme. Les auteurs de dystopie ne s’y sont pas trompés : dans leurs créations de régimes totalitaires, le peuple est toujours maintenu dans une bêtise et une ignorance crasses afin de l’empêcher de se révolter. Relisons Orwell (1984) ou Zamiatine (Nous Autres). Avec le nivellement par le bas des exigences scolaires, nous tendons vers la formation de citoyens techniquement compétents, mais culturellement ignorants, donc susceptibles de suivre n’importe quel régime sans trop se poser de questions…
Avec l’ignorance, pas d’esprit critique, donc impossible de différencier croyance de connaissance et de nuancer sa pensée, ce qui ouvre la voie au fanatisme. Enfin, la combinaison de l’ignorance et du fanatisme ne permet pas d’avoir une bonne image de sa réalité ou de soi et pousse à aller plus haut, plus loin et plus vite sans produire l’effort nécessaire pour le faire. C’est l’ambition, et les ambitieux ne finissent pas toujours bien. Regardez Iznogoud, Macbeth, les Lannister ou toutes les tragédies grecques…

Et c’est bien ce que je crains : une génération de mauvais compagnons, devenus comme tels avec les meilleures intentions du monde… Une génération d’enfants gâtés, estimant n’avoir que des droits, mais pas de devoirs, et estimant tout savoir parce qu’elle visionne les vidéos de tel ou tel vidéaste sur les réseaux sociaux. Le hic, c’est que droits et devoirs sont indissociables, « deux facettes d’un même phénomène », comme l’écrit si élégamment Simone Weilii. La jeunesse a le droit à l’éducation, mais elle a le devoir d’exercer son esprit critique et de s’interroger. Et pour ce faire, il n’y a guère d’autre choix que d’aller à l’école pour apprendre à douter, ou mieux, à discerner. C’est ainsi qu’on apprend qu’une hypothèse n’est pas un fait, que croyance et connaissance sont deux choses très différentes, ou encore que vérité et vraisemblance ne sont pas du tout la même chose. Avec un peu du discernement qui leur manque, peut-être que ces jeunes se rendraient compte que le problème dépasse le simple enjeu politique, et qu’il y a bien plus de variables qu’on ne le croit.
Nous autres Francs-maçons sommes privilégiés pour le discernement : le doute est la base même de la démarche initiatique. Le travail symbolique nous oblige à réfléchir, interpréter, reformuler, accueillir un point de vue différent du nôtre. Nous sommes donc très dangereux pour tout régime totalitaire (ce n’est pas pour rien que les extrêmes de chaque côté rêvent de nous interdire, voire de nous supprimer).

Néanmoins, pendant que je glose, les usines, les entreprises continuent allégrement de détruire l’environnement, en produisant des tonnes de déchets, en dégageant des gaz ou des boues toxiques à une toute autre échelle que les simples citoyens que nous sommes, et ce, avec la bénédiction des pouvoirs en place et des lobbies divers. Nous sommes les complices volontaires ou non de cette destruction puisque nous sommes conditionnés à consommer les biens et services produits par cette industrie, qui joue sur nos failles narcissiques pour mieux forcer notre consentement à acheter. Que faire ? Je ne sais pas. La seule chose que je sais, c’est que le politique ne bouge que s’il est en tension. Plutôt que boycotter ou sécher les cours, pourquoi ne pas créer une tension en séchant sur le très long terme les sessions shopping ou se déconnecter des réseaux pour ne pas alimenter l’industrie? Pourquoi ne pas militer contre les écrans de publicité qu’on installe à droite à gauche et qui consomment pas mal d’énergie ? Pourquoi ne pas boycotter l’industrie agroalimentaire en réapprenant à faire la cuisine et en consommant local ? Si je devais résumer, le mal qui nous consume est la consommation, donc l’accumulation de biens matériels (l’avoir). Pourquoi ne pas s’en désintéresser et se tourner vers l’esprit (donc l’être)? Encore la dialectique de l’équerre et du compas, me direz-vous. En effet, je pense que nous avons atteint un point critique où l’esprit doit dominer la matière et se débarrasser des métaux qui nous empoisonnent. Et quoi de mieux pour s’élever que l’école ? Une vraie école qui nous apprenne non pas à être de bons petits consommateurs, mais bien à être libresiii ?

J’ai dit.

i Note à l’intention des féministes : je fais partie des gens qui utilisent le genre neutre pour les fonctions, plus correcte qu’une féminisation absurde pour un mot d’origine non latine ou grecque. Je parle donc de chef indifféremment pour un homme ou une femme.

ii Si personne n’a encore compris, j’aime beaucoup l’œuvre de Simone Weil.

iii Réapprendre les bases (lire, écrire, compter, s’exprimer) et les arts libéraux (grammaire, rhétorique, dialectique, géométrie, arithmétique, musique et astronomie) pourrait être un bon début, non ?

Intelligence artificielle et franc-maçonnerie

J’étais en Loge hier soir et nous avons évoqué l’intelligence artificielle et ces fameux algorithmes avec lesquels on nous rebat les oreilles depuis l’invention du Smartphone (voire avant, avec la fondation du data mining). Il est vrai que les progrès observés sont dignes des meilleurs romans de science-fiction ou des pires dystopies : il existe des programmes informatiques capables de reconnaître un visage, d’autres pouvant procéder à des transactions financières ultra-rapides, d’autres encore capables d’identifier des problèmes de santé ou de détecter des tumeurs. Il existe aussi une multitude d’objets connectés nous donnant des pouvoirs magiques : il suffit d’une formule et l’objet connecté va chronométrer le temps d’infusion de ma théière, allumer la lumière dans le jardin ou le couloir, ou encore envoyer les instructions à ma femme de ménage. Preuve que ces charmantes machines sont créées par des américains, elles ne répondent pas quand on est grossier (ce qui peut s’avérer compliqué quand on émaille sa conversation de citations de Michel Audiard, mille sabords).

Néanmoins, comme j’aime bien lever le voile sur le monde qui m’entoure pour mieux avancer dans la Lumière, je me suis renseigné sur la question avec le plaisir que l’on peut éprouver en replongeant dans ses années d’études supérieures.

« Au commencement était le Verbe ». Dans le domaine du développement informatique, rien n’est aussi vrai. En fait, un ordinateur ou un robot, aussi perfectionnés fussent-ils ne sont que des automates programmables, dont le nombre d’actions possibles est par définition limité. Le métier du programmeur sera d’ordonner ces actions afin d’obtenir un résultat, en utilisant le langage de la machine, qui se résume à des structures logiques et une liste d’actions. Évidemment, la complexité de la machine, de la tâche à exécuter et celle de l’environnement requièrent un savoir-faire technique assez élevé, qui reste réservé à une élite. Bon, l’élite a désormais le look mal rasé, mal habillé, parfois mal lavé, mais il paraît que c’est dans l’air du temps… Toujours est-il qu’aussi perfectionné et complexe qu’il puisse être, un programme n’est jamais qu’une création humaine et à ce titre, inclura toujours une émanation de la pensée de ses créateurs. Ainsi, un programme en FORTRAN créé pour résoudre une équation sera codé différemment selon ses développeurs. Une intelligence artificielle n’est au final qu’un programme informatique, certes très complexe.

Je fais un petit aparté sur le big data. Il s’agit des données que nous laissons sur une myriade de serveurs, parfois malgré nous via notre mode de vie ultra connecté. Ne le nions pas, ce volume est énorme. Le fort des intelligences artificielles est de travailler sur ces données et d’en extraire des informations, qui vont être interprétées en probabilités. Ainsi, du point de vue du système (si tant est que le système ait un point de vue), si on achète des disques de Metallica, Slayer ou Megadeth, il est plus probable qu’il soit intéressé par des albums d’Anthrax ou d’Iron Maiden que des œuvres de Michel Sardou ou Annie Cordy. Cela se traduira par des suggestions de choix proposées par le site au client final. On utilise pour cela une technique bien connue des mathématiciens : l’inférence statistique. La différence est que les échantillons utilisés par les développeurs de systèmes sont d’une taille titanesque, ce qui donne une très grande précision à la mesure de probabilité. Le vrai danger est d’interpréter ces probabilités comme des certitudes. La machine ne donnera que des indicateurs, souvent fiables, mais la responsabilité de la décision doit revenir à l’homme, sous peine d’être débordé par sa création, comme Victor Frankenstein l’est par sa créature.

En fait, le vrai danger des IA n’est pas l’IA, justement, mais notre paresse, qui nous empêche de faire face à notre responsabilité. Ces machines produisent des résultats vraisemblables, mais la vraisemblance (donc ce qui est semblable au vrai) n’est pas forcément la vérité. A nous de savoir interpréter les résultats de calculs d’une IA, en gardant ce point à l’esprit. Tout un travail de vigilance, en fait. Ce qui ne doit pas nous empêcher de garder une vigilance sur le travail, une révolution étant possible grâce à l’automatisation massive. Fera-t-elle disparaître les bullshit jobs ? Je ne sais pas. Permettra-t-elle de nous libérer de la nécessité du travail ? Je ne sais pas non plus. Mais il y aura des choix à faire, notamment celui de la société dans laquelle nous voudrons vivre. Mais c’est une autre histoire.

Le système peut-il avoir un point de vue et peut-il produire du sens ? Honnêtement, je ne le crois pas. Une expérience avait été tentée en 2016 : un système d’intelligence artificielle a rédigé après avoir analysé des centaines de scénarii le script d’un court-métrage. Le script a été monté et réalisé. Il est intitulé Sunspring et peut être visionné sur les réseaux appropriés. Les dialogues et les images n’ont strictement aucun sens, ni aucune cohérence. Même les derniers Star Wars ou Avengers étaient plus cohérents ! Sunspring ressemble à un rêve, qui n’aurait aucun sens. Or la création de sens est une caractéristique de l’être humain. Dans la même idée, une exposition s’est tenue récemment au Grand Palais, qui mettait en scène des créations réalisées par des robots. J’ai pu ainsi admirer des robots qui reproduisaient les gestes de dessinateurs. Néanmoins, les œuvres exposées étaient-elles des créations artistiques ? Je ne le pense pas. En fait, on tend à l’oublier, mais la création, et plus largement l’intelligence sont en rapport avec l’expérience du corps, voire de la chair. C’est ce qu’ Iung appelle la synchronisation : une rencontre avec un symbole, un sentiment de grande clarté, et l’expérience du corps, qui parfois sait quelle est la meilleure solution d’un problème quand une machine va tester toutes les configurations. L’intelligence se bâtit en partie avec l’expérience et le vécu et est la résultante d’un ensemble de rencontres complexe entre lucidité, intuition, expérience du corps, sentiments, disponibilité etc.
La machine ne sera jamais qu’un pâle reflet de l’intelligence de ses créateurs. Reste à ce que la machine ne s’emballe pas et ne détruise pas lesdits créateurs, comme on peut le voir ou le lire dans la fiction. A ce propos, dans les contes anciens de Praguei, on trouve le célèbre Golem, création du légendaire rabbi Yehoudah Levaï (que l’histoire a baptisé le Maharal). Cette création de l’homme s’activait grâce au mot hébreu gravé sur son front EMETH (אמת) signifiant vérité, et pouvait être désactivée en effaçant l’Aleph, ce qui donnait alors METH (אמ), qui signifie mort. Au commencement était le Verbe ? Reste à savoir si nous aurons, comme le Maharal de Prague, la sagesse d’équiper nos IA d’un bouton On/Off…

En fin de compte, ces fameuses IA qui n’ont de pouvoir que celui que nous voulons bien leur donner ne sont jamais que des équerres. Comme cet outil, elles ne peuvent donner qu’une réponse fermée, qui se résume à VRAI ou FAUX (ou en termes maçonniques, BLANC ou NOIR). L’esprit humain est capable de nuance, de subtilité ou d’adaptation, ce qui témoigne de son ouverture. On peut ainsi le voir comme un compas. Notons qu’un compas bien utilisé peut faire office d’équerre. J’emploie à dessein ces outils de géomètre, très importants pour nous autres Francs-maçons. L’équerre représente traditionnellement la matière et le compas l’esprit. Reste à savoir comment nous voulons disposer équerre et compas face aux intelligences artificielles, et qui de l’esprit ou de la matière dominera.

Sur ce, je vais revisionner la série des Frankenstein de Robert Whale, moi.

J’ai dit.

i On pourra se reporter au Cabaliste de Prague, de Marek Halter ou au Golem d’Elie Wiesel.

L’horreur évangélique, reniée par la Voie maçonnique

J’entends d’ici les hurlements : « Ce titre est provocateur, sans aucun fondement, contraire à la Tradition » Et j’entends aussi tous les maçons qui dévorent les livres érudits sur les origines de la Franc-maçonnerie crier : « À l’imposteur ! depuis longtemps les historiens ont minutieusement détaillé toutes les origines testamentaires qui, prouvent, sans discussion, que la Maçonnerie est bien fille de la culture judéo-chrétienne inscrite dans ces livres sacrés ». J’ai bien entendu et je parie, mon Frère, ma Sœur que tu es probablement un de ces croyants. Même si notre Frère à la pensée si profonde Jean Mourgues a déclaré avec éclat : « La Franc-maçonnerie n’a pas d’histoire puisqu’elle est universelle ».

J’ajouterai, que dans sa lignée « libérative », celle de demain,la Voie maçonnique s’est échappée des emprises culturelles vieillottes des livres dits « saints » Lesquelles ont eu et ont toujours des conséquences effrayantes sur nos croyances . Certaines d’entre elles ne sont toujours pas mises en examen, depuis la naissance de cette religion. Pas meilleures que dans d autres religions, parfois pires cependant. Des croyances, des a priori, des préjugés mais si arrangeants pour la nébuleuse doctrinaire et autoritaire ont se repaissent les masses. Et si déculpabilisants pour les ombres atroces qui se baladent tout au fond de nous !
Il est temps que je m’explique sur mon blasphème. Et pour cela je vais recourir à deux de mes concepts-clés
1) la nature-culture et
2) l’amourhaine. (J. Lacan avait formulé le mot hainamour bien avant que je ne le réinvente). Et, à chaque fois, bien sûr, je me resserrerai sur notre Voie Maçonnique. Je dégagerai ainsi ses gènes libertaires qui devraient – c’est mon avis- nous inspirer dans un avenir proche.

  • La nature et la culture. Les hominidés, par prétention, entre mille autres, biblique, se croient le centre du monde et se nomment l’ « humanité » . De ce fait ils confondent depuis toujours ce qui chez eux, ressortit à la nature et ce qui dépend de la culture qui habille cette nature. Quelques philosophes depuis l’Antiquité avaient pressenti cette confusion. Elle devint une croyance centrale à l’époque classique et particulièrement au siècle des Lumières : Une bonne éducation, de la conscience, de la raison, de la bonne volonté…bref de la vertu et le tour est joué pensait-on alors. Les Francs-Maçons en particulier qui n’ont encore aujourd’hui, guère suivi l’évolution culturelle de l’humain s’accrochent toujours à cette conception qu’ils considèrent comme une évidence., la fameuse Tradition. En outre, ils repoussent (je me rappelle les réactions outrées quand, dans les conférences, j’évoquais Freud et ses successeurs !) la puissance considérable de l’inconscient. Il revient en force dans les études scientifiques et il serait grand temps d’en tenir compte. Résultat : des valeurs et des principes dépassés et , par conséquent, des interrogations, sur l’évolution de l’Ordre. La Franc-maçonnerie de demain, dans deux ou trois décennies aura disparu ou, grâce à son évolution culturelle, aura bien évolué sur le socle immuable des rites de passage.

Cette confusion entre ce qui ressortit à la nature et ce qui tient à la culture nous a fait croire et écrire des bêtises, à mon sens. C’est ainsi que le support de notre voie initiatique est d’abord la Bible, livre sacré de beaucoup d’entre nous. Ce livre qui nous enjoint de dominer sans vergogne la nature. Tu crois que c’est encore à l’ordre du jour ?  Des historiens se sont échinés à interpréter et à réinterpréter les moindres détails qui trouveraient leur origine dans ces pages qui, à d’autres titres, sont effectivement un beau témoignage dépassé d’une période  de l’humanité… que je trouve complètement dépassée.

Mais, en complément d’autres articles que j’écrirai sur les relations entre la chrétienté et la franc-maçonnerie, je vais centrer le propos sur un des problèmes majeurs, sinon  LE problème des hominidés : l’agressivité logée dans le complexe « amourhaine », une de nos spécificités animales. Il n’est pas une voie, religieuse, initiatique, occulte…qui ne propose, mezzo voce, sa vision de la chose innommable . On pourrait faire comme si cela n’existait pas mais « c’est » point ! Pas nécessaire d’ergoter..

Je vais me limiter à la comparaison entre les Évangiles et la Voie maçonnique. Comment chacune d’entre elles, traite-t-elle, dans sa culture, cet « amour-haine » naturel ?        Et je montrerai que dans cette comparaisons, à mon avis, les deux chemins religieux et initiatique sont radicalement différents. Quoiqu’en pensent les historiens patentés, aveuglés par leur propre culture chrétienne, même s’ils se déclarent athées. La cruauté chrétienne est annoncée dès les premières pages de la Bible quand Abraham, le père, s’apprête à sacrifier son fils Isaac. Roberto Assagioli appelle ce désir du père de tuer le fils, complètement inavouable, le « complexe de Chronos ». Ce dieu avait en effet la sale habitude de manger ses enfants. Alors comment les Évangiles s’en tirent-ils. Parce que tout livre « saint », toute légende initiatique est obligée de symboliser ce désir inavouable de meurtre du fils. Mais attention il coexiste naturellement avec l’amour du père pour le fils. Comme c’est compliqué ! nous sommes loin des dualismes faciles et réconfortants : c’est mal, c’est bien ! La tradition chrétienne, apparemment a donné un blanc  seing dans son démêloir de la pelote amourhaine .Allons plus loin et comparons la réponse évangélique et la réponse maçonnique. Quoiqu’en pensent les érudits patentés, tu vas voir comme elles s’opposent. Tu pourras ensuite choisir ton camp ou vivre les deux, si cela t’est possible tant ils sont contradictoires.

  • L’« amourhaine » selon les deux chemins

Commençons par la Voie maçonnique. La haine se déploie dans le meurtre perpétré par les trois « mauvais » compagnons . A priori ils vénèrent, s’ils n’aiment, Hiram Abi, Hiram le père que l’hagiographie maçonnique ne cesse de nous présenter comme un surhomme, modèle de vertu. Voilà pour l’amour. Mais ils sont dévorés comme beaucoup de mâles humains par ce que Daniel Béresniak appelait « la cratophilie », l’amour du pouvoir. Plus précisément le désir d’avoir plus que le voisin, à savoir les autres compagnons.  Les expériences, depuis 20 ans, montrent bien que l’humain est, en partie, mu par le désir d’avoir plus que son voisin avec lequel il se compare, sans bien s’en rendre compte. La jalousie, ce n’est pas beau, n’ est-ce pas ? Ses fondements naturels donc inévitables  ont désormais des preuves scientifiques mais je n’entre pas dans les détails sauf à préciser que, bien entendu, beaucoup prétendent qu’ils ne sont en aucune façon jaloux. Ce que démentent les actes des trois compagnons qui ont pour vocation, puisque nous sommes dans un mythe, d’être généralisables. En bref, ils tuent donc, non pas parce qu’ils détestent Hiram Abi, mais pour lui arracher un mot qui leur permettra d’avoir plus que les autres. Pas de ressort meurtrier au premier plan. C’est, je crois clair et simple.

C’est une toute autre histoire avec les Évangiles qui recèlent une des pires horreurs de l’histoire des hominidés. Le mélange amourhaine est d’une hypocrisie monstrueuse. Le silence fait autour du récit de la crucifixion est une véritable conspiration mondiale tacite En effet, après la description de la vie de Jésus, surtout dévolue au bien ; à l’amour donc, à l’exception près des marchands du temple, arrive la fin de l’Homme juste : Et là l’horreur est décrite minutieusement : Un florilège de tortures : le jugement, la flagellation, la couronne d’épines, la montée au calvaire et, l’abominable à hurler, la crucifixion de cet homme vivant. Raffinement des raffinements dans la cruauté : le sadisme à faire souffrir lentement, en déchirant les chairs.

Les plus curieux est que, dans notre société chrétienne, personne, à ma connaissance, ne semble s’être ému de cette abomination. Comme si cela, au fond, arrangeait et déculpabilisait chacun de la haine qu’il porte. Et personne ne dénonce l’entourloupe : si Jésus souffre atrocement dans ses chaires pantelantes et ruisselantes c’es par amour pour nous. En bref, allons-y, au nom de l’amour hypocrite, soyons cruels. On sait les conséquences d’une telle position  où l’amour est un vêtement de soie artificielle posée sur le désir noir de la cruauté. Tuer abominablement le fils pour préserver la « pureté » de ses blanches intentions. Merci Yahvé ! Blanc-seing au racisme.  Le XXème siècle fut un chef d’œuvre des fresques abominables de la geste humaine. Il ne s’agit pas simplement de se débarrasser de son voisin, de son esclave, d’un peuple, d’une ethnie par convoitise mais du désir de faire souffrir une ethnie. N’est-ce pas autorisé par cette croix où se tord de douleurs atroces un fils. Plus, cette crois qui est présente partout dans la chrétienté, dans les églises, dans les chambres, autour du cou… : le symbole suprême, celui de la torture qui nous exonère de notre sadisme et particulièrement de celui du père
Il est incroyable que cette évidence de la  jouissance sadique soit acceptée par les plus bigots et, généralement, par le peuple des bien-pensants, quasiment nous tous, et nos philosophes les plus incroyants, les premiers. Y trouvent-ils également leur jouissance intérieure ? Je le crois volontiers. Les Francs-maçons ne sont pas les derniers , en prêchant la tolérance des religions mais en occultant soigneusement l’horreur de la chair déchirée, au nom de l’amour, de Jésus. Jouissance enfouie, indicible et exposée à la vue de tous.

Cette combinaisons amour-haine, ce complexe de Chronos, atteint, avec le christianisme,  une ampleur moins hurlante dans maintes autres religions. C’est le cœur en paix, que nous condamnons ceux qui, aujourd’hui, ne font que reprendre, dans leur idéologie, la cruauté de la torture. Quelles que soient les arguties des bien-pensants du genre : ‘il faut lire la crucifixion différemment ; c’est une autre époque ; c’est par amour pour le père… » On oublie trop souvent que le torturé s’est écrié, « Mon père, mon père pourquoi m’as-tu abandonné ? »

Ainsi pour la chrétienté et ses Évangiles, pour que la Terre tourne bien à l’aise dans  nos petites têtes, il suffit que le Père tue le fils. Juste l’inverse dans la Franc-maçonnerie : plus sage, elle proclame : ‘les fils tuent le père ». Les trois compagnons abattent en effet Hiram Abi, soit Hiram-le-père. Application naturelle et saine du complexe d’Œdipe. Voilà bien à mon sens, l’horreur de la crucifixion évangélique  et le génie de la Voie maçonnique en totale opposition dans le traitement de l’amourhaine.

Quelle morale personnelle ? Une des plus grandes forfaitures humaines est passée sous silence car elle assouvit nos désirs les plus noirs et naturels des pères. Les victimes mêmes (je songe aux juifs) n’y font guère allusion. La Voie maçonnique propose une autre lecture de l’amourhaine : Nous sommes tous  (surtout la plupart des mâles, selon moi) en proie au désir de tuer pour assouvir nos besoins d’avoir, de dominer, de paraître…. et nous l’admettons parfois en tenue. C’est paradoxalement un progrès sur l’ignorance, l’hypocrisie et le fanatisme.

La nature c’est l’amour-haine. La culture, c’est la cruauté . Sauvons la Franc-maçonnerie ! Revenons aux fondamentaux naturels et abandonnons notre morne complaisance à l’horrible,  très pieuse et déculpabilisante crucifixion..

Devons-nous rallumer des bûchers pour les artistes maudits ?

Une nouvelle mode vient de voir le jour, après la chasse aux sorcières, nous cultivons désormais la chasse aux artistes maudits.

Nous avons eu Céline pour ses prises de positions antisémites, Mickael Jackson pour des accusations de pédophilie, Woody Allen pour des abus sexuels, et ces derniers jours… Alain Delon pour des accusations de racisme, homophobie et misogynie.

Mon propos ne sera pas de juger du bien fondé de ces accusations. J’imagine que les victimes ont toutes des preuves suffisantes pour justifier leurs griefs. Ma réflexion va plutôt sur la confusion qui existe entre l’œuvre artistique des accusés et leur personnalité propre.

Lorsqu’on assiste au déréférencement littéraire d’un Céline, à la déprogrammation des radios d’un Mickael Jackson ou au rejet du projet de film d’un Woody Allen, je me demande à quel moment Monsieur Klein ou La Piscine vont ils être bannis de la cinémathèque Française ?

Sommes-nous devenus fous ou idiots ?

Depuis quand une œuvre artistique sert-elle de bouc émissaire à la vindicte populaire ? Pourquoi ne pas emprisonner Lucette Destouches, la veuve de Céline âgées aujourd’hui de 106 ans pour expier les péchés de son défunt époux ? Elle n’est certes pas responsable des écrits de feu son mari, car elle n’est pas sa création me direz-vous. Soit, mais dans cas, devons nous accuser Paris-Michael Katherine Jackson, Prince Michael Jackson II et Michael Joseph Jackson Jr d’être coupables des méfaits de leur père ?

C’est pourtant ce qu’on reproche actuellement aux œuvres des artistes précités. A quand une cérémonie rituelle avec autodafé en prime pour purifier les exactions des coupables ?

Soyons un peu sérieux quelques minutes. Posons d’abord la bonne question : « La moralité d’un être, ou ses actions passés, sont-elles liées à sa création artistique ? » La réponse est non ! Pour une raison simple, la création n’appartient plus à son auteur lorsque le public s’en empare. Demandez aux 2 survivants des Beatles ce qu’ils en pensent ? Il y a longtemps que le catalogue des 4 garçons dans le vent a été revendu (à un certain Mickael Jackson durant quelques années). Ils savent donc bien qu’ils n’en sont pas les propriétaires.

Franchement, de vous à moi, vous apprendriez que Leonard de Vinci était pédophile, cela enlaidirait-elle la Joconde ? Nous savons maintenant que Voltaire était misogyne, homophobe, antijuif, islamophobe[1]… est-ce que cela retire du génie à Candide ou a Zadig ? Devons-nous cesser d’écouter Richard Wagner ou Carl Orff sous prétexte qu’Adolph Hitler en était fan et que Wagner à peut-être influencé le IIIème Reich[2] ?

Notre soif de vengeance nous amène à faire des amalgames et à jeter le bébé et l’eau du bain. L’œuvre n’est pas l’artiste et l’humain ne peut pas être réduit à ce qu’il fait ou ce qu’il dit durant une période de sa vie. Notre époque à la fâcheuse habitude de résumer un individu à ce qu’il possède, ce qu’il réalise ou à ce qu’il pense. Il est urgent d’élargir notre horizon pour redéfinir l’humain dans tous ses potentiels et toutes ses facettes. Je ne parle aucunement de dédouaner les coupables de leurs responsabilités. Je tiens à souligner et séparer le caractère complexe de l’humain et le sacré des œuvres artistiques produites par ce dernier.

Cela nous amène à l’expérience du 12 Janvier 2007, menée par le Washington Post dans le hall d’une station de métro à Washington[3]. Le violoniste Joshua Bell, muni de son Stradivarius, d’une valeur de 3,5 millions de dollars, joua 6 morceaux devant les passants durant 43 minutes. Au total, 1087 personnes passèrent, seules 7 restèrent quelques instants à écouter. Il reçu 32 dollars (dont 20 dollars laissés par la seule personne l’ayant reconnu). Trois jours plus tôt il jouait à Boston dans une salle pleine et chaque spectateur avait payé 100 $ sa place. Cette expérience attire notre attention sur la conclusion qui en fut tirée : « Dans un environnement ordinaire, à une heure inappropriée, sommes-nous capables de percevoir la beauté, de nous arrêter pour l’apprécier, de reconnaître le talent dans un contexte inattendu ? »

Nous sommes devenus tellement influencés par le conformisme qu’il nous est devenu impossible de scinder l’œuvre de son auteur situé dans son contexte. Le flot des émotions collectives nous fait perdre notre bon sens en fustigeant nos héros d’hier au nom des fluctuations de la morale et de la bien-pensance. Comme l’a si bien dit Jiddu Krishnamurti : « Ce n’est pas un signe de bonne santé que d’être bien adapté à une société profondément malade. » Notre souci actuel vient peut-être du fait que nous voulons à tous prix devenir conformes à cette société dysfonctionnante, croyant ainsi trouver une planche de salut à cette accélération incontrôlée et effrayante par la privation des repères.

Parlons des solutions possibles : Aucun d’entre-nous n’est en mesure de maîtriser la situation extérieure. Nous ne pouvons pas ralentir le rythme de la société ou modérer l’influence du Dieu argent. Par conséquent, il convient de transformer les variables d’environnement en variables de choix. Pour cela, il est utile de s’accorder des temps de déconnexion de la société pour se retrouver et s’enraciner dans les fondements de sa conscience. La méthode est gratuite et simple, mais elle passe nécessairement par une étape de sevrage. Tout d’abord, il est urgent de réapprendre à respirer, à manger et à boire sainement… et surtout à s’accorder des moments intimes et salutaires d’introspection. C’est par la recréation d’un espace intime et personnel que nous pouvons réapprendre à penser par nous même. Le bon sens pourra alors reprendre ses droits. La religion nous a longtemps enseigné ce qui était le bien et le mal. Tout cela n’est que prêt-à-penser. Il convient maintenant de réapprendre ce qui est juste et injuste pour nous même, pour les autres et pour la terre qui nous héberge actuellement. Ce sera le prix à payer si l’humain ne veut pas sombrer dans une prochaine folie collective et destructrice.

Bonne route (intérieure) à vous

Franck Fouqueray

[1] www.lepoint.fr/livres/la-face-cachee-de-voltaire-02-08-2012-1494397_37.php

[2] www.musiques-interdites.fr/le-festival-musiques-interdites/les-temoignages/article/richard-wagner-adolf-hitler-et-le-3eme-reich

[3] www.jobhunting.fr/2012/03/lexperience-du-violoniste-joshua-bell.html