dim 20 avril 2025 - 08:04
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Avoir 20 ans en 2020

Qui a dit qu’il était difficile d’avoir 20 ans en 2020 ? Le même qui estime qu’il n’y a pas à avoir une politique pour la jeunesse. Bon, encore de la politique de haut vol, le fameux « en même temps » auquel mon malheureux esprit bassement cartésien ne peut accéder… Mais en recoupant cet interview et ce discours, je m’inquiète. Je m’inquiète d’autant plus que, par mon métier, je suis amené à encadrer des jeunes en formation. Et ce que je vois ne me plaît pas du tout.

Déjà, l’année désastreuse (certes moins que l’an 536 après JC, qui a vu un hiver volcanique, la famine qui s’en est suivie et une épidémie de peste) que nous avons traversée et celle qui se profile sont des années d’études perdues pour les jeunes qui ont encore le courage d’en faire, des études. Des années pendant lesquelles ils ont besoin de se rencontrer, de se connaître pour évoluer. Et c’est durant ces années d’études que les réseaux se créent. Sans réseau, on peut être l’ingénieur ou le docteur le plus compétent du monde, on n’est pas forcément sûr de trouver une place… Les jeunes en formation via les outils modernes (les machins institutionnels qui marchent tellement bien que les enseignants sont obligés de se tourner vers des logiciels clients de jeux vidéo, plus fiables) sont donc condamnés à l’isolement, ou pire, à se retrouver isolés, et terriblement seuls, dans un monde qui leur fait comprendre qu’il n’y a pas de place pour eux. Du fait des mesures gouvernementales, les boulots d’ordinaire dévolus aux étudiants n’existent pour ainsi dire plus. Les jeunes non boursiers n’ont donc plus que le soutien de leur famille, qui n’a pas toujours la possibilité d’être solidaire. Et bien évidemment, aucune possibilité d’assurance chômage ni de RSA. Les bénévoles des Restos du Coeur et d’autres organisations caritatives ont ainsi vu déferler des jeunes parmi leurs bénéficiaires.

Et tout ça pour quoi ? Pour protéger nos aînés et nos plus anciens des conséquences du coronavirus. Bon, les aînés ont le bon goût de voter pour le parti au pouvoir, pas forcément les jeunes. D’où un sens politique des priorités. Bon, si je voulais pousser le cynisme néolibéral ou anglo-saxon jusqu’au bout, je m’interrogerai sur la pertinence de protéger les plus anciens au détriment des plus jeunes, alors que lesdits anciens sont les bénéficiaires des « charges sociales » (quand ils ne la sont pas eux-mêmes) mais qui ne produisent plus rien, et qui sont donc des « assistés ». En formulant de manière encore plus outrancière et plus provocatrice, pourquoi avoir détruit la structure de la société en sauvant des vieillards déjà relégués dans des mouroirs sordides au détriment de la jeunesse qui a un avenir à construire (et dont ledit avenir est déjà bien abîmé par des décennies de politiques désastreuses) ?

En fait, l’amélioration des conditions de vie permet de maintenir en vie une population jusqu’à un âge avancé (pas forcément en bonne santé, mais c’est une autre histoire). Le problème qui se pose est donc la cohabitation de quatre générations d’une même famille. Est-ce un bien ou un mal ? Du point de vue éthique, tout dépend de la famille. Mais du point de vue économique, les professionnels voient cette cohabitation comme un désastre. Le patrimoine reste aux mains des générations les plus anciennes (qui le gardent jalousement), privant les plus jeunes de la jouissance dudit patrimoine et donc de la transmission des biens (modulo les frais de succession… Tout le monde n’est pas Largo Winch). Attention, n’en déduisez pas que j’appelle à l’euthanasie de mamie, les effets de la politique sanitaire s’en chargeront.

Les plus jeunes n’ont donc pas de patrimoine, donc aucune garantie à montrer aux banques, quand leurs ancêtres en ont plus que nécessaire. Dans un registre similaire, on trouve encore des boomers en activité, et des employeurs refusant d’embaucher des jeunes sous prétexte qu’ils n’auraient pas les moyens de financer un système de compagnonnage. En attendant, un jeune qui ne travaille pas ne cotise pas, et ne peut donc pas payer la pension du vieux qui va à la retraite et qui a refusé de l’embaucher. Bravo la gestion, c’est bien la peine de réclamer des aides d’État ou d’imposer une réforme des retraites sans aucun sens!

En attendant, une génération a tout, une autre n’a pas grand-chose, rompant ainsi le contrat social occidental. La jeune génération se retrouve grevée par le comportement des anciens et devra payer le prix de leur inconséquence et de leur imprévoyance. Mais elle a bien compris qu’elle ne devrait compter que sur elle-même, pas sur les anciens. Et c’est peut-être ça qui m’attriste le plus, ce délitement de la solidarité qui devrait exister entre générations. Même le lien physique le plus élémentaire est détruit par les règles technocratiques de distanciation sanitaire. Or, l’humain a besoin de contacts pour vivre. Il a besoin de voir des visages, des émotions, de sentir le corps de l’Autre. En ce sens, les mesures sanitaires sont, à moyen terme, dangereuses pour les équilibres psychiques.

Et la Franc-maçonnerie dans tout ça, me direz-vous. Nous sommes mourants pour les mêmes raisons que j’ai énoncées ci-avant. Les plus anciens sont épuisés, et n’ont plus envie de venir, ou encore, ont peur de contracter le virus. D’autres ont réalisé que le Travail en Loge ne leur manquait pas. D’autres encore se meurent de tristesse et d’ennui. Malgré les outils de communication dont nous disposons, nous tendons à être de plus en plus isolés. Il est en effet difficile de maintenir un lien quand on se dit que l’Autre est forcément un danger. Certains me rétorqueront qu’il faudrait recruter des jeunes. En effet. Sauf que parmi nous, des anciens n’ont pas forcément envie d’accueillir des jeunes, ou alors, sous condition d’excellence. Par ailleurs, et c’est mon expérience personnelle, la Franc-maçonnerie ne fait plus rêver la jeunesse, loin de là, malgré le travail de plusieurs obédiences. L’avenir de la jeunesse est peut-être compromis, mais une franc-maçonnerie sans jeunesse est irrémédiablement condamnée. Après, faut-il faire de la retape à la sortie des facultés, écoles et lycées ? Je ne le crois pas. Monter des capsules vidéo sur les réseaux sociaux ? Peut-être. D’ailleurs, s’il en existe, j’aimerais bien en avoir les liens pour les regarder. Dans le fond, ce qui nous manque, c’est de nous adresser aux jeunes et d’être en mesure de leur transmettre nos valeurs sans passer pour de vieux barbons moralisateurs. Mais pour ce faire, nous avons besoin de nous montrer, et surtout de nous montrer cohérents avec ce que nous voulons transmettre. Et honnêtes aussi. Avec nous-mêmes, comme nous incitent à le faire nos Rites, mais aussi avec les autres.

La société de consommation ne fait plus rêver. La mondialisation a montré ses limites, le matérialisme aussi. La jeunesse en paie le prix, voyant son avenir et ses aspirations réduits à peu de choses. Si le monde n’a plus que de la survie à leur offrir, peut-être que l’Initiation peut leur offrir autre chose, une vie certes plus frugale matériellement, mais qui vaille la peine d’être humainement et dignement vécue. Une vie dans laquelle les jeunes pourront être accueillis en humains, et non en charges ou en adversaires.

Sur ce, bonne année quand même…

J’ai dit.

Les Lumières et l’écologie

Nos valeurs issues des Lumières, dont l’universalité, les droits de l’homme, le primat de la raison et le progrès humain seraient elles incompatibles avec les prescriptions de l’écologie ?

J’ai une tête à LAC.

LAC, c’est la liberté absolue de conscience. Bien sûr, ce n’est qu’un idéal à atteindre, et il est encore plutôt lointain, comme il apparaît dès qu’on liste les obstacles sur sa route : injonctions parentales et conseils de tous les autres adultes, ingurgités dès l’enfance, envies et croyances développées à l’adolescence, et le flot ininterrompu des messages d’influence subi à l’âge adulte.

La liberté absolue de conscience de l’individu est enfant des Lumières, comme je le suis aussi. Je chéris ses valeurs humanistes, de progrès, de civilisation, de raison et d’universalisme.

Tout semblait aller de mieux en mieux, les violences se réduisaient lentement, les souffrances physiques des humains se réduisaient grâce à la science, on cherchait même à réduire les souffrances animales…et, patatras, voilà qu’on apprend que l’effondrement est pour demain matin : urgence climatique !

Haro sur celui qui ose émettre un doute à ce sujet. Tiens, la censure des idées, ça interpelle ma LAC.

Certes, on a retenu qu’instiller le doute a été une stratégie « gagnante » des cigarettiers américains, au prix de tant de cancers et infarctus. Donc, le doute ne doit pas être un faux nez pour éviter de regarder la réalité en face.

Alors, les Lumières, qui ont maintenant 3 siècles au compteur, sont-elles rendues obsolètes par nos problèmes climatiques et les changements de nos comportements qu’il faudra adopter ? Les premiers boulets rouges ( ou verts ?  ) des écolos visent Descartes auquel on attribue  l’expression « Nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature ». Bon, il n’a rien inventé : la Genèse contient aussi « remplissez la terre et soumettez-la ».

On ne peut en vouloir à nos ancêtres de ne pas avoir prévu la surpopulation de la planète. C’est une faiblesse permanente de nos pauvres cerveaux que de raisonner « linéaire » ou « mécanique » : une tendance ne peut que se poursuivre, jamais il n’y a d’inversion de tendance, une cause induit invariablement la même conséquence…bref pessimisme + raisonnement logique débouche dans l’inéluctable effondrement.

Mais, la mort étant inéluctable, faut-il pour cela renoncer à vivre, à embellir la vie, voire la prolonger un peu ? Et la recherche, qu’elle soit scientifique ou taille de la pierre humaine, peut encore apporter de belles surprises !

Alors, écologie et Lumières sont-elles définitivement incompatibles ? Voyons quelques valeurs filles des Lumières.

Droits de l’Homme.

Les droits de l’homme sont d’abord des droits de l’individu et non des groupes.

Voyant le peu d’effet des injonctions en faveur de la réduction de consommation des ressources naturelles, on peut comprendre que les écolos souhaitent obtenir la prise des mesures réductrices par la contrainte légale. En croisant avec un aspect social, on se retrouve avec des mesures collectives à porter surtout par les pays à gros PIB par habitant. Bah, si nous restons en démocratie, la recherche de l’équilibre entre libertés individuelles et collectives est un sport très prisé. La chute globale des libertés dans un pays devra, pour être acceptée, être vue comme équitable, tenant compte de ce que nous sommes désormais un village mondial où chacun surveille le voisin.

Bref, à ce stade, sauf dictature verte, pas d’impossibilité.

Raison

La science, fille de la raison, est mise en avant, et en particulier les études du GIEC, pour justifier les mesures écologiques urgentes. Mais le public et les politiques ont une fâcheuse tendance à ne lire que les résumés, qui ne contiennent plus les marges d’erreur qui figurent dans les études. On ne parle plus que des chiffres maximaux possibles, et des dates les plus rapprochées possibles, créant ainsi une pression d’urgence, en concurrence avec tant d’autres (pandémie, menaces sur la laïcité et la sécurité, …) ce qui au final fait que beaucoup se bouchent les oreilles.

Mais, peut-on objecter, comment faire bouger les mentalités si on n’arrive pas à crier que son problème est le plus urgent de tous ? Nous francs-maçons, enfants des Lumières, devons continuer à essayer d’impulser dans la société notre culture de l’écoute, et du débat apaisé ; c’est ainsi que la Raison, réconciliée avec le Cœur, peut mener aux bonnes décisions et leur application.

La patience est également de rigueur,  et la maturité (démocratique et technologique) est bonne conseillère : beaucoup de pays dilapident moins de ressources qu’il y a peu. Sait-on que le français moyen produit pile la même quantité de CO2 que l’humain moyen, « malgré » son gros PIB par habitant ? Un haut niveau de vie n’est donc pas automatiquement synonyme de gros rejets de gaz à effet de serre.

Progrès

Le progrès humain découlant des Lumières existe, Steven Pinker l’a démontré en pointant ses moteurs aux différents âges de l’humanité. Parmi les derniers mécanismes il y a l’élargissement progressif du cercle de l’empathie, c’est-à-dire les sujets pour lesquels notre empathie s’exerce ; considérons que la condition animale et l’état de la planète sont les introductions récentes dans notre cercle d’empathie : bienvenue à elles !

Autre mécanisme qui a joué : l’escalator de la raison, signifiant que des considérations consolidées par la logique sont presque irréversibles ; si j’admets que les humains sont égaux en droits, et que j’ai des droits, je ne peux plus les refuser à d’autres. Ceci affaiblit les pensées idéologiques et religieuses…au nombre desquelles il faut tout de même compter l’idée « la nature a des droits en priorité sur ceux des hommes », que les intégristes de l’écologie veulent imposer. L’escalator de la raison  nous aide à résister à toutes ces tentatives de retour à un ordre inégalitaire.

Universalisme

Les écologistes, s’intéressant aux problèmes de la planète, semblent universalistes comme le sont les héritiers des Lumières, et nous nous serions ainsi affranchis de tous les soucis « locaux » (exemple : notre pays est une exception, culturelle ou autre). Le problème d’un plan d’action global chiffré reste cependant ardu, les points de départ de tous les pays étant différents.

Toutefois, quelques vieilles culpabilités peuvent ressurgir et déformer le point de vue au point d’encourager des mesures inspirées par la haine de soi. Certes, l’occident traîne quelques moches casseroles comme le colonialisme, qui peuvent faire proposer des mesures non acceptables par une majorité chez nous. L’équité  sera à rechercher sur des bases de justice non vengeresse.

Mes conclusions

Non, pas de contradiction insoluble entre les valeurs issues des Lumières et le souci de notre environnement, pourvu qu’on évite le dogmatisme et qu’on applique nos méthodes de travail! Liberté Absolue de Conscience !

Et vous, z’en pensez quoi ? (et, au fait, bonnes fêtes à vous mes frères et sœurs !)

Et la laïcité dans tout ça ?

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J’aimerais pouvoir réécrire ma phrase fétiche, celle qui me permettait de lutter contre l’angoisse de la page blanche. Cette phrase toute simple : « j’étais en Loge hier soir ». Le problème est qu’en ce moment, c’est un peu compliqué, entre le couvre-feu, les jauges etc. Par contre, on peut aller à la messe, et plus spécialement à la messe de minuit du 24 décembre. Bon, si les gens peuvent aller à l’église, pourquoi pas ? Il y a juste quelques soucis dans cette histoire.

Premièrement, l’autorisation a été annoncée par le chef du gouvernement (vous savez, l’incarnation vivante de François Pignon).
Deuxièmement, une phrase toute simple, énoncée par le même chef du gouvernement, à propos de Noël qui « occupe une place à part dans nos vies et nos traditions ». Autrement dit, le chef du gouvernement commet volontairement un acte illégal. Vous allez comprendre.
Mais avant, j’aimerais que l’on m’explique en quoi se rendre à une cérémonie religieuse chrétiennei est plus sûr que d’aller au cinéma ou au théâtre, alors que des protocoles stricts, incluant des jauges ont été mis en place durant l’entre-deux-confinement. Sans compter que le public de la messe y chante ! Dans le même ordre d’idée, pourquoi fêter seulement le Noël catholique et pas les équivalents dans les autres religions ? Ah ben, en raison de la place à part dans nos vies et traditions. Super. On va dire ça aux oubliés de Noël, ceux qui remplissent les statistiques des dépressions et suicides, ceux qui sont seuls, avec ou sans famille et qui ne supportent pas la mièvrerie et la surdose de bons sentiments qui les ramène à leur douleur… Et puisqu’on peut fêter Noël, donc le retour de la Lumière, pourquoi ne pouvons-nous pas fêter la Saint Jean d’hiver des Francs-maçons, qui équivaut à Noël ? Peut-être est-ce trop abstrait pour nos ministres « plus sinistres que ministres »…

Pour en revenir à mon histoire de loi, sauf erreur ou omission de ma part, il me semble qu’il existe une loi qui sépare entièrement l’Église de l’État. On a d’ailleurs fêté (enfin, évoqué, plutôt) ses cent quinze années. Vous l’aurez compris, je parle de la loi de la laïcité, celle dont nous sommes si fiers, surtout les Francs-maçons (étrangement silencieux à ce propos, ou bien j’ai mal réglé mes alertes). Ainsi, qu’un ministre accorde une dérogation spéciale à une communauté religieuse, au motif de l’histoire du pays, est, à mon sens, une faute grave (passible de sanctionsii dans l’administration). D’une part, cette exception risque d’accentuer le ressentiment de ceux que cette religion ne concerne pas (y compris les athées, fussent-ils stupides ou libertins irréligieux) et de contrevenir au principe d’égalité. D’autre part, qu’un représentant de la République marque une préférence ou une discrimination -ce qui est la même chose- pour une religion en dit long sur l’avenir de la laïcité, et le danger que nous courons. A ce stade, je crois utile de rappeler que la laïcité est une forme d’éthique, dans la mesure où elle oblige à un renoncement pulsionnel : le renoncement à faire de l’autre un objet rendu identique au soi. En effet, par la laïcité, en tant que ciment d’une société apaisée, tout citoyen se voit mis au même niveau : il n’y a ni religion ni croyance supérieure à d’autre, et personne n’a à faire de prosélytisme, ou au contraire, à subir une conversion forcée. Elle permet donc d’éviter une forme subtile de violence.

La République ne reconnaît aucun culte. Alors au nom de quoi doit-on privilégier Noël, cette fameuse fête qui « occupe une place à part dans nos vies et nos traditions » ? L’électorat catho-tradi ? Ca va être quoi, l’étape suivante ? Sous-traiter l’enregistrement des naissances, mariages et décès à l’église, comme sous l’Ancien Régime ?

Il me semble que depuis le XVIIIe siècle, nous vivons un processus de sécularisation de la société : le clergé et l’autorité religieuse se voient retirer les fonctions d’état-civil qui leur étaient dévolues. Toutefois, dans les sociétés sécularisées, le poids religieux reste fort. Par exemple, pas si loin de chez nous, en Pologne, l’IVG a été rendue illégaleiii par les autorités sous la pression de courants religieux intégristes… A l’inverse, dans une société laïque, les droits et devoirs sont définis non pas en fonction de motifs religieux, mais plutôt de motifs humanistes et d’évolutions de la société, comme le mariage ouvert aux personnes de même sexe, qui représente une certaine avancée sociale. Avancées en général combattues par les mouvements religieux…

En fait, outre le fait de l’incompétence et de l’amateurisme désormais connu de nos dirigeants, j’ai l’impression que nous avons un signal faible d’un phénomène plus grave : l’incursion en politique du religieux, ou plus précisément, d’une idéologie d’inspiration religieuse. Un très dangereux mélange, et ce, quelle que soit la religion. Et le pire est que les guignols ne se cachent même plus. Pire, leur discours semble extrait de l’oeuvre de penseurs puritains tels que Thomas Carlyle, cet intellectuel anglais qui a poussé à outrance l’éthique protestante, en expliquant que la vie ne devait être que souffrance et qu’il fallait en baver pour espérer la rédemption. Il faudra que je lui consacre un billet, d’ailleurs, à ce brave homme…

A l’occasion des récents attentats et protestations contre Charlie Hebdo, un prélat en France a déclaré qu’on ne badinait pas avec les religions. Ce qui n’augure pas du meilleur, loin s’en faut. Les droits les plus élémentaires risquent d’être remis en cause pour satisfaire un électorat religieux. Parmi ces droits en danger, celui de rire, de s’exprimer par le rire, ou de caricaturer (et accessoirement, de remettre en cause l’autorité, ultime argument des Pieds-nickelés au pouvoir). Ou de disposer de son être et de son corps (les femmes en savent quelque chose). Ou celui de se cultiver. A en juger par la catastrophe en cours, aller au théâtre, au musée, au concert ou au cinéma va bientôt relever de la nostalgie.

Sinon, j’ai une idée, inspirée de l’histoire de l’hôtel de la Grande Loge de France (ancien monastère devenu bal populaire et salle de cinéma durant l’Entre-deux-guerres) : organiser des projections à thème sur la religion dans des églises. Revoir Le nom de la Rose de Jean-Jacques Annaud ou La dernière tentation du Christ de Martin Scorcese, La vie de Brian des Monty Python ou même la série des Don Camillo, ça pourrait le faire et ça ne tomberait pas sous le coup de la loi, puisque ce serait un office en l’honneur d’un saint patron du cinéma. Ben quoi,si on a le droit d’aller à l’église, on peut y faire ce qu’on veut, non ? Comment ça, je suis de mauvaise foi ?

Bonnes fêtes de fin d’année quand même.

J’ai dit.

iA part ça, petit rappel : les premiers foyers de contamination identifiés correspondaient à des rassemblements religieux dans l’Est de la France.

iiOn reparle du ministère de l’Education nationale, dont les nervis voulaient sanctionner Samuel Paty, sur des motifs liés à la laïcité ?

iiiEn réalité, les conditions d’accès à l’IVG ont tellement été tellement durcies que dans les faits, l’IVG est devenue illégale, bien que la loi ne soit pas explicite.

Gloire au travail ? Mon œil ! Halte au bullshit !

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A l’instar de François Pignon, protagoniste du Dîner de Cons, certains ne se reposent jamais. Prenons nos gouvernants. Oui, je sais, je vais encore faire un billet politique. Mais en même temps, comme nos Loges sont fermées par édit royal, pardon, décision gouvernementale d’un conseil de sachants pour protéger notre santé, moi, je n’ai pas grand-chose à faire le soir, à part lire la presse. Et des fois, on trouve des monuments. Si certains élèvent des temples à la Vertu et de sombres prisons au Vice, d’autres, décidément, devraient s’inspirer de nos pratiques et se taire. Vraiment. C’est ainsi qu’un ministre a eu un mot de trop. Il paraîtrait que les Français ne travailleraient pas assez.

Non. Non. Décidément, non.

C’est tout simplement faux. Et comme dirait le vidéaste et humoriste Max Bird, « reprenons depuis le début ». Et pour ce faire, j’en appelle aux travaux de feu l’anthropologue David Graeber. Ce qui suit en est mon interprétation.

Déjà, que la chose soit claire : on ne s’enrichit pas en travaillant. Point barre. La preuve par l’exemple : un collègue a vendu sa maison de famille en région parisienne, un petit pavillon des Hauts de Seine. Le prix de la vente de la maison lui a plus rapporté que ce qu’il toucherait dans l’ensemble de sa carrière.

Ensuite, en Europe, les travailleurs français sont considérés comme les plus productifs. Le travailleur français est plus productif que le travailleur néerlandais, le travailleur allemand ou le travailleur anglais, par exemple. Le français travaille en théorie 35 heures par semaine pour 1607 heures annuelles. La réalité est qu’il en fait plus. Beaucoup plus. D’ailleurs, selon les informations de l’Organisation Internationale du Travail, la France est très mal classée pour l’exposition aux risques psychosociaux. Gloire au Travail, toujours ?

Déjà, comment peut-on travailler plus quand le tissu économique et social a été saccagé par les caciques de nos grandes écoles ? Notre industrie stratégique vendue à d’obscurs aventuriers, les usines d’entreprises pourtant florissantes qui ferment pour être délocalisées dans des zones où l’on est moins regardant sur le droit des travailleurs, la destruction programmée du Code du Travail sont l’oeuvre de nos puritains de l’économie, adeptes du néolibéralisme et de fadaises comme la théorie du ruissellement. Pourtant, j’adore les entendre pousser des cris d’orfraie quand une usine ferme. A croire qu’ils découvrent le monde qu’ils ont pourtant contribué à bâtir. Ceci dit, et c’est mon moment marxiste, il faut différencier le travail de l’emploi. Les bassins d’emploi ont été saccagés par des années de politiques libérales au service d’un patronat n’ayant en vue qu’un vulgaire intérêt de classe, et les intérêts de leurs capitaux. Le reste ? Rien à faire.

Si l’emploi ou le travail salarié manquent, du travail, il y en aura toujours. S’occuper de produire la nourriture, par exemple, prendre soin des enfants ou des personnes fragiles, maintenir le lien social, cuisiner, s’occuper des tâches domestiques. Ah ben, tout ce que Marx qualifiait de travail reproductif. Et justement, le même Marx expliquait que le succès du capitalisme était possible grâce à la non-rétribution du travail reproductif. Travail, qui comme par hasard est délégué aux femmes, qui restent les grandes oubliées des hausses de salaires ou des promotions. Bon, nous connaissons tous la loi d’airain du capitalisme : plus un emploi est utile à la société, moins il est rétribué.

Mais au fond, quelle signification, quels sens peut-on donner au mot travail ? A part l’énergie nécessaire pour transformer quelque chose ou expliciter comment le faire, je ne vois guère d’autres acceptions. Encore que… Si, il y a peut-être quelque chose à creuser. Prenons un exemple. Une personne fait son ménage, c’est du travail. Mais si elle le fait chez quelqu’un d’autre, c’est un emploi. Autre exemple: je vais en face de chez moi chercher une pizza, c’est du travail. Si je fais la même chose hors de chez moi, ça devient un emploi. D’où cette petite idée pour nos crânes d’oeuf et forts en thème au pouvoir : et si on considérait comme travail toute tâche ayant un équivalent faisable par un salarié ?

Autre point très important, qu’ils semblent avoir oublié : le capitalisme que nos dirigeants défendent en le nommant libéralisme ne peut fonctionner que s’il existe une armée de réserve de chômeurs. En fait, aucun de nos politiques ne peut souhaiter réellement le plein emploi. En effet, si tel était le cas, les travailleurs pourraient faire pression pour la hausse des salaires. Le chômage de masse est nécessaire à ceux qui nous dirigent pour gouverner par la peur de la précarité. Les théocrates ne font pas autrement par la peur de l’Enfer pour contrôler leurs ouailles, selon Hannah Arendt. Quand économie et religion se rejoignent…

En tout cas, avec la crise terrible qui s’annonce, si on ne veut pas vivre des émeutes de la faim (ou une révolte de la jeunesse décidément malmenée) dans la 5e puissance mondiale, il me paraît plus que temps d’inventer une nouvelle vision du monde. Un monde où les moyens de subsistance seraient réellement déconnectés de l’emploi. Certes, dans cette société, on ferait disparaître les bullshit jobs et un certain nombre d’emplois inutiles et néfastes, comme les happiness managers, les consultants en méthode, les traders, les planners, ou les professionnels de la politique. John Maynard Keynes et Bertrand Russel avaient prévu que la technique permettrait de libérer l’homme du labeur. Malheureusement, ils n’avaient pas prévu que la consommation, le fordisme et le thatcherisme créeraient une société néoféodale, dans laquelle les travailleurs seraient soumis à un ordre économique impitoyable et destructeur.

En attendant, le fait qu’un ministre boomer se fasse par ce message aussi faux que rétrograde le porte-parole de cette société féodale qui privilégie le profit au détriment de l’éthique en dit long sur notre vie politique, décidément bien malade. Et pour le Franc-maçon écossais que je suis, la féodalité, l’ordre néolibéral basé sur un mensonge et la vie d’esclave dans un monde dévasté par les mêmes féodaux qui se profile doit changer. Peut-être pourrait-on envoyer nos chères élites, les premiers de cordée, faire des stages non pas en administration, mais en associations ou en entreprises, auprès des « premiers de corvée », ceux-là même qui sont le ciment de la société, afin qu’ils se rendent compte de la réalité du terrain. Après tout, chez nous, en Loge, le Vénérable Maître, après son mandat, doit occuper le poste de portier. Des plus hautes fonctions jusqu’aux plus humbles. Donc pourquoi pas en politique ? Peut-être que ça rappellerait à certains l’immense valeur du silence. Et on reparlera alors des gens qui ne travaillent pas assez.

J’ai dit.

PS : Il y a des élections prochainement, avec un certain nombre de ministres dans les listes de candidats… Etrange. Ils n’ont pas du vrai travail, autre que leur gestion de carrière, avec les quelques dossiers à gérer comme les crises diverses, la montée de la violence, la pauvreté etc. ?

FRANC-MAÇONNERIE : La mixité c’est déjà dépassé (article 5/5)

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FRANC-MAÇONNERIE : La mixité c’est déjà dépassé

Une série d’articles proposée par France Fourcade – S∴ de la G∴L∴F∴F∴

Article 5/5  : …Et si nous passions de la mixité au métissage ?

Vous l’aurez compris sans peine, pour certaines personnes le concept de mixité se résume à : « une cohabitation bon gré mal gré entre les hommes et les femmes au sein d’un espace commun »… sachant bien évidement que les hommes continueront très longtemps à diriger les travaux. Je vous l’accorde, ce cliché peut sembler grossier et provocateur. Pourtant, il résume assez bien la tendance encore à l’œuvre dans le pays des gaulois.

La difficulté actuelle est que nous allons devoir franchir d’un seul bond l’étape égalitaire entre femmes et hommes pour nous rendre directement sur la case « métissage des genres ». Nous n’en sommes plus à palabrer pour savoir si femmes et hommes doivent bénéficier des mêmes droits ou devoirs. Ce débat est déjà d’arrière garde. C’est pourquoi nous sommes passés de femmes/hommes à genres. Par ailleurs, lorsque nous parlons de genres[1], cela inclut sans aucune distinction : féminin/masculin, femme/homme, femelle/mâle, sans genre, transgenre[2]/cisgenre[3], intersexe[4]/dyadique[5], homo/hétéro, etc. Cela nous ramène forcément à la source, dont nous ne pouvons pas faire l’économie des quelques lignes qui vont suivre. J’ai nommé : « l’identité ».

Dès que vous posez la question à une assemblée, les réponses qui sont données sont multiples et variées, mais rarement précises. C’est ce que nous allons pourtant essayer de faire ensemble. Tout d’abord définissons ses champs d’applications. On nous explique que l’identité est du domaine des sciences sociales dans une logique polysémique s’appliquant au collectif ou à l’individuel. Ensuite, pour compliquer la chose, il semblerait que de nombreuses disciplines exploitent le concept, telles que sociologie, psychologie, biologie, philosophie, géographie, psychanalyse… comment voulez-vous retrouver vos petits dans cette jungle ?

En résumé le principe d’identité couvre 5 champs différents : la similitude, l’unité, l’identité personnelle, l’identité culturelle et la propension à l’identification. Nous devons faire un choix et comme le dit l’adage juif : « Entre deux solutions, choisis toujours la troisième. » C’est pourquoi, nous allons sortir des sentiers battus et du conformisme pour nous tourner vers un philosophe de chez nous. Selon mes recherches du moment, le seul intellectuel qui a pu répondre de manière indiscutable à cette question de l’identité est le regretté académicien Michel Serres.[6] Sans entrer dans des détails qui nous éloigneraient de notre sujet, voici son propos concernant la différence entre identité et appartenance :

« Etre un individu de sexe masculin, caucasien, mesurant 1,80 mètre, et s’appelant Michel Durand ne correspond pas à votre identité. Tout ceci est un carrefour d’appartenances. Mais en aucun cas il ne vous donne votre identité. Ainsi, parler d’identité nationale, religieuse, culturelle conduit le plus souvent à des dérives. Si nous devions qualifier notre identité, elle se résumerait à notre code ADN, unique à chacun. »[7]

Son propos résume assez bien cette problématique. Contrairement à ce que pensent de nombreux maçons, nous ne sommes pas ce que nous faisons, ni ce que nous pensons. Nous sommes nettement plus que tout cela. Ce que nous croyons être dans notre identité n’est bien souvent que le produit d’appartenances culturelles, cultuelles, sociales, géographiques, professionnelles… Nous pouvons ainsi mieux comprendre le fameux « Connais-toi toi-même » puisque cette définition de Michel Serres nous ouvre des horizons nouveaux et illimités.

Cette approche à pour mérite de dissocier le genre de l’identité. On peut considérer que le Franc-maçon qui entre en Loge est en recherche de son identité et doit pouvoir effectuer cette mission d’exploration dans le parfait respect de ses choix de genres. Cette nuance trop rarement soulignée mérite d’être explorée, car elle résume dans sa totalité la question posée dans cette série d’articles. Comment découvrir qui nous sommes, si devons porter des masques de genres imposés par la doxa ou par l’autocensure ?

En effet, si ce postulat est juste, on peut considérer que c’est seulement au moment de passer à l’Orient éternel que le maçon est en mesure de répondre à la question de son identité profonde. Durant toute sa vie maçonnique, il cherche, il explore et avance sur le chemin dont l’horizon de sa vie lui sert de boussole.

Quant à la question du genre, elle est nettement plus complexe. Chacun est potentiellement en mesure de faire des choix quant à son/ses genres. Mais de l’autre côté de la barrière, j’ai nommé l’autre, son acceptation n’est pas forcément acquise. C’est ainsi que nous voyons certains Francs-maçons toucher les limites de leur tolérance. Les autres sont des miroirs d’eux-mêmes, donc fatalement des générateurs de blocages psychologiques profonds et parfois inconscients. Ce questionnement donne le plein sens à la question posée dans certains Rituels :

Question : Que venez-vous faire en Loge comme Apprenti ?

Réponse : Je viens apprendre à vaincre mes passions, à surmonter mes préjugés et à soumettre mes volontés aux lois de la Justice, pour faire de nouveaux progrès dans la Franc-maçonnerie.

 On comprend assez rapidement qu’au-delà de la théorie des Rituels, cela vient vite bousculer nos convictions ou nos certitudes sur nos choix de genres. Chacun de nous est certain de bien se connaitre et affirme haut et fort des choix de genres comme des finalités non discutables. Pourtant, il suffit bien souvent de l’arrivée dans un groupe d’un élément de genre différent pour que cela entraine des perturbations et du parasitage dans nos croyances. Nous voyons alors l’édifice des certitudes qui commence à vaciller et l’harmonie de la Loge se rompre. C’est pourtant là que chacun devrait commencer à travailler sur sa Pierre.

Nous le constatons, si l’identité est un chemin presque balisé, le genre est nettement plus complexe. Chaque déplacement de nos croyances, parfois profondément ancrées, entraine des chocs insoupçonnables sur des pans entiers de notre vie (croyances diverses, remise en question psychologiques, religions, sexualité, relations sociales ou familiales…). On comprend mieux pourquoi la Franc-maçonnerie reste campée sur ses positions et peine à suivre la société. Elle n’a toujours pas fait le deuil du patriarcat sur lequel elle s’est structurée depuis 300 ans. Le train passe actuellement en gare et si l’Art royal ne le prend pas, il pourrait devenir un vestige du passé avec des pratiques folkloriques d’un autre temps.

(Fin)

[1] Le genre désigne les processus et rapports sociaux qui divisent, polarisent et organisent l’humanité en différentes catégories de “sexe”, “genre” et de “sexualité”.

[2] Le fait pour une personne transgenre d’avoir une identité de genre différente du sexe assigné à la naissance.

[3] L’adjectif cisgenre est un néologisme désignant un type d’identité de genre où le genre ressenti d’une personne correspond au sexe assigné à sa naissance. Le mot est construit par opposition à celui de transgenre.

[4] Personne « née avec des caractéristiques sexuelles qui ne correspondent pas aux définitions typiques de « mâle » et « femelle ».

[5] Couple de deux éléments d’interaction qui se complètent de façon réciproque. Qui est construit en deux bases ou qui va de paire.

[6] Né le 1er septembre 1930 à Agen et mort le 1er juin 2019 à Paris. Philosophe et historien des sciences. Membre de l’Académie française et de l’Académie européenne des sciences et des arts.

[7] L’intégralité de l’émission de 2007 sur le site Web de l’Académie et de l’Institut de France  https://tinyurl.com/identite-serres

FRANC-MAÇONNERIE : La mixité c’est déjà dépassé (article 4/5)

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FRANC-MAÇONNERIE : La mixité c’est déjà dépassé

Une série d’articles proposée par France Fourcade – S∴ de la G∴L∴F∴F∴

Article 4/5 : Est-ce bon signe pour le futur de la Franc-maçonnerie ?

Pour rassurer immédiatement les conservateurs ou du moins les amoureux de la tradition, qu’ils sachent d’ores et déjà que notre futur ne leur retirera rien de ce qui fait leur miel. En effet, si nous prenons un parallèle dans la société profane, les écoles d’avant 1957 étaient mono-genres. Puis telle une révolution tranquille, la mixité est devenue la norme. Pourtant, rien n’empêche quiconque d’intégrer une école privée de type mono-genre. Il est vrai qu’elles sont devenues des exceptions, mais elles existent toujours pour répondre à un besoin bien concret.

Par conséquent, si nous transposons ce schéma à la Franc-maçonnerie, nous constatons que la majorité des Loges est aujourd’hui mono-genre. Essayons de nous projeter un instant dans le futur. Imaginons qu’un changement de discours entraine un afflux massif de Sœurs. Cela ferait aussitôt grossir les effectifs féminins des Obédiences. Par le principe de répartition entre mixte et mono-genre, chacune pourrait trouver le type de Loge qui répondrait à ses aspirations.

Il faut reconnaitre qu’il serait assez injuste de priver les Sœurs ou les Frères qui le souhaitent du cloisonnement des genres dont ils ont besoin. Mais en même temps, est-il juste de constater une telle disparité entre les hommes et les femmes entrainant un tel déséquilibre dans le paysage maçonnique français ?

Ce problème est intimement lié à notre époque mouvante. Une Sœur me confiait récemment avec malice et provocation que tout ce déséquilibre se gommera naturellement avec le remplacement des Frères et des Sœurs de la génération du XXè siècle. Il est vrai que la jeune génération aura évolué dans un univers de mixité et de métissage des genres et des populations. Cela entrainera fatalement une forme de banalisation qui rend à moyen terme tout autre modèle minoritaire pour ne pas dire discriminatoire.

Aucune assemblée humaine ne peut perdurer si elle ne s’inscrit pas dans les mœurs de son époque. Même s’il s’agit d’une assemblée occulte ou discrète, elle doit être en parfaite résonnance avec son temps. Il est certain que les freins au changement ne manquent pas. Ils existent et ils joueront leur rôle de ralentisseur, mais en aucune manière ils ne pourront infléchir la courbe du changement en route.

(A demain pour la suite…) Lire l’article 1/5 cliquez ici – Lire l’article 2/5 cliquez ici – Lire l’article 3/5 cliquez ici

FRANC-MAÇONNERIE : La mixité c’est déjà dépassé (article 3/5)

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FRANC-MAÇONNERIE : La mixité c’est déjà dépassé

Une série d’articles proposée par France Fourcade – S∴ de la G∴L∴F∴F∴

Article 3/5 : Quelle est l’influence du monde profane ?

Il est assez insolite d’envisager la Franc-maçonnerie sous l’angle d’un épigone de la société. Il faut avouer que nous avons l’habitude que notre Art soit présenté comme un pionnier, un précurseur des avancés sociales. A longueur de livres d’histoire, nos ancêtres sont dépeints comme les chantres du progrès de l’humanité. Mais voilà, depuis quelques décennies, la source s’est tarie et les innovations sont devenues nettement plus rares. Nous voyons bien de temps à autres des Sœurs et des Frères portants élégamment le baudrier, suivre paisiblement les manifestations profanes de masse ou lors des cérémonies du souvenir. Tout cela est assez folklorique car nous constatons avec évidence que les maçons contemporains sont devenus plus avaricieux en matière de création.

A contrario, force est de reconnaitre que nous devons distinguer les actions du maçon à titre personnel de celles de l’entité maçonnique représentée par sa Loge ou son Obédience. De tous temps, ce sont les maçons qui ont laissé leurs noms dans l’histoire, mais rarement les structures maçonniques. Prenons quelques personnalités du passé (forcément des hommes) : Jules Ferry, Alexander Fleming, Victor Schœlcher ou plus récemment Manuel Vals, Gérard Collomb, Xavier Bertrand, Richard Ferrand, Jean-Luc Mélanchon… on voit bien que leurs actions dans la société se déroulent en dehors de leur Loge maçonnique. La preuve, parmi nos contemporains, nombreux sont ceux qui démissionnent de leur Atelier le jour de leur nomination aux plus hautes fonctions. Cela n’enlève évidement rien aux apports du travail maçonnique de chacun, car c’est généralement cela qui a ensuite permis les succès pour lesquels ils sont devenus célèbres.

La cause de cette paupérisation créative de la maçonnerie résulte probablement de la multiplicité des plateformes profanes d’expression tant culturelles, politiques que spirituelles. Par conséquent, la suprématie de la Franc-maçonnerie se noie peu à peu dans la multitude de moyens d’expression. Pour ne prendre que l’exemple des réseaux sociaux, nous le constatons tous les jours avec ses 2,7 milliards d’utilisateurs[1], Facebook est une cacophonie permanente d’où rien de créatif, ou du moins d’exploitable en dehors des murs individuels ne peut ressortir. Chacun parle, mais personne n’écoute. Il est possible que ce soit d’ailleurs le reflet de notre société. Chaque citoyen considère que la démocratie c’est le pouvoir d’exprimer son avis. Les réseaux sociaux sont le parfait lieu d’expression de cette tendance nouvelle.

Les maçonnes et les maçons le répètent à longueur de Tenues : « Les métaux doivent rester à la porte du temple ». Si l’on considère que ces derniers se matérialisent par l’entrée en Loge des idées profanes qui divisent, alors oui le monde profane est en train de pervertir la Franc-maçonnerie et lui fait perdre son essence spirituelle. Soit les travaux deviennent des assemblées générales profanes, soit ils conservent leur caractère initiatique. Dans le premier cas, il n’est plus utile de conserver l’Initiation lors de l’entrée. Dans le second cas, il faut se préserver de tout ce qui divise (clivages politiques, idées religieuses, thèmes financiers, affaires amoureuses…) et ce, quel que soit le genre de celle ou de celui qui porte le Tablier.

En revanche, la maçonnerie pourrait s’inspirer du modèle des non initiés, ce qu’on appelle communément la société. En effet, depuis quelques décennies, elle se féminise et devient socialement plus équitable. Chaque chasse gardée est remise en question afin de créer peu à peu une réelle mixité sociale. Si ce mouvement se confirme, la société profane servira de modèle à la Franc-maçonnerie (un comble). Le chemin est encore long, mais nous sommes en route, du moins en France.

Si les adversaires de la mixité sociales veulent se rassurer, il existe encore de nombreux lieux de par le monde totalement mono-genres. Pour l’exemple, on peut citer des lieux interdits aux femmes[2] :

Le club de golf de Bethesda (États-Unis)

Les plages d’Itsandra Mlimadji (Comores)

Le parc aquatique du Therme Erding (Allemagne)

Le mont Athos (Grèce)

Le Mont Omine (Japon)

Le Temple Kartikeya (Inde)…  

Que les femmes se rassurent, elles ne sont pas les seules à être exclues. Il existe aussi des lieux interdits aux hommes. Il n’est pas utile d’aller très loin pour « ne pas » les visiter, car ils sont en Europe :

Plage de Riccione sur les bords de l’Adriatique (Italie)[3]

Salles de sport pour femmes « Curves » (370 salles dans le monde)[4]

La Compagnie des femmes – Assurances pour femmes[5]

Hotels exclusifs féminins : Grange City Hotel (Londres), L’hôtel Artemisia (Berlin) ou encore le Melia Gaia Porto (Portugal).

Agence de voyages « Copines de voyages »[6] – Paris

On le constate chaque jour un peu plus, notre monde se complexifie. D’une société patriarcale et mono-genre, nous arrivons peu à peu à une société métissée avec des hybridations dans tous les domaines. Ce nouveau monde influencera immanquablement l’univers maçonnique qui ne saurait très longtemps résister. La question peut se poser, est-ce que ce siècle sera celui qui permettra à la Franc-maçonnerie de se nourrir du monde profane pour s’adapter à une société chaque jour plus technique et de plus en plus en difficile à comprendre ?

(A demain pour la suite…) Pour lire l’article 1/5 cliquez ici – Pour lire l’article 2/5 cliquez ici

 

[1] Source Facebook au 2è trimestre 2020.

[2] Source Elle du 6/03/2019 – https://tinyurl.com/interditsauxfemmes

[3] Source Euronews – https://tinyurl.com/plagepourfemme

[4] Présentation de la société – https://tinyurl.com/Curves-presentation

[5] Première société d’assurances exclusivement féminine créée par Nicole Rosa – www.comdesfemmes.com

[6] Source le Monde 28/02/2020 : « C’est triste d’en arriver là mais on reste entre nous » : les activités « réservées aux femmes » se multiplient – https://tinyurl.com/lemonde-femmes

FRANC-MAÇONNERIE : La mixité c’est déjà dépassé (article 2/5)

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FRANC-MAÇONNERIE : La mixité c’est déjà dépassé

Une série d’articles proposée par France Fourcade – S∴ de la G∴L∴F∴F∴

Article 2/5 : Sujet de mode ou nouvel enjeu social ?

S’il est un thème d’actualité qui ne semble pas faire l’unanimité, c’est bien celui de la mixité en Loge. Posons-nous la question : « Existe-t-il un courant médiatique qui pousse vers le travail en mixité ? » Il suffit de se pencher sur les blogs et autres supports d’information maçonnique pour finir de se convaincre que le sujet est encore très tiède. Pour l’exemple, lancez quelques tests de recherches par mots clés sur le Blog maçonnique Hiram.be :

Frères : 2 049 articles proposés

Sœurs : 384 articles proposés

Mixité : 251 articles proposés

Transsexuel : 11 articles proposés

On constate tout de suite la suprématie masculine. Il est exact que si nous retranchons de ces résultats les communications du Droit Humain ou de la Grande Loge Mixte de France, il ne reste guère d’articles pour nous informer sur le thème de la mixité, des activités féminines et ne parlons pas des autres genres.

On peut donc affirmer sans se tromper qu’il ne s’agit pas encore d’un sujet de mode. Ou alors, il est encore extrêmement discret… ou peut-être même naissant ?

Il faut dire aussi que la communauté des représentants de la presse n’est pas très au fait de ce sujet. Pour preuve, il y quelques années sur le plateau de : « C’est dans l’air », le journaliste Yves Calvi posait la question suivante à la Grande Maîtresse de la Grande Loge Féminine de France de l’époque[1] : « Pourquoi les membres de votre obédience ne sont que des femmes ? ». Oui c’est vrai ça, pourquoi les femmes vont-elles dans une Grande Loge féminine en France ? On se demande bien ! Si les assistants de Calvi avaient fait correctement leur travail, ils auraient fait l’économie d’une question ridicule. De surcroit, ils auraient pu constater qu’en France, la moitié des Sœurs travaille en mixité hors des Grandes Loges Féminines. Peut-on en dire autant des Frères ? S’il fallait poser une question pertinente, c’eût été été celle-ci.

Suite à cette émission, le journaliste François Koch qui était présent sur le plateau des invités a ultérieurement commenté ce thème dans l’Express avec le propos suivant : « Il faudra sans doute des décennies pour que la mixité se développe réellement en maçonnerie. Le temps que les frangins vieillissants soient remplacés par des générations plus jeunes et réellement progressistes ou en phase avec la société… qui évolue plus vite que la maçonnerie (26,9% de femmes parmi les députés, et 25% chez les sénateurs). La mixité vient donc par les femmes… mais la proportion de sœurs augmente avec une infinie lenteur. Pensez-donc ! Il a fallu plus de quarante ans pour que le taux de femmes en maçonnerie grimpe de 9% à 18%, de 1970 à 2010 ! Rendez-vous en 2050 !!! »

Donc définitivement non, la mixité en maçonnerie n’est pas encore à le sujet d’actualité dans la presse. Il faudra probablement un puissant électrochoc pour lancer une dynamique d’information sur ce thème.

S’agit-il alors d’un enjeu social ? La réponse est incontestablement oui !

Ce sujet entraine une sous-question. Si les femmes entrent en masse en Franc-maçonnerie, le feront-elles en mono-genre ou en mixité ? Puisqu’une sur deux choisit équitablement soit la mixité, soit le mono-genre, par conséquent on peut s’interroger sur la conservation de cet équilibre en cas d’afflux important de Sœurs. On peut imaginer sans peine qu’avec une masse conséquente, les Sœurs se dirigeront plus naturellement vers la mixité, mais cette hypothèse reste à valider.

Lorsqu’il est question d’enjeu social, d’aucun y verra certainement une question d’équité sociale. En effet, la mode est à l’uniformité des équilibres de genre dont le nouveau nom de baptême est « parité ». Or ce n’est absolument pas mon propos. Si pour des raisons de mode on procède trop souvent à une forme de discrimination positive en la matière, il ne saurait être question dans une voie initiatique d’imposer des quotas. Chacun comprendra qu’il serait insensé de voir rationnées les Loges afin d’intercaler une Sœur et un Frère pour créer une saine alternance sur les Colonnes. Si ça peut fonctionner dans certaines assemblées humaines, cela tournerait au ridicule dans un Atelier maçonnique. En revanche, l’arrivée en nombre de Sœurs dans des Loges mixtes ainsi que des Sœurs dans des Loges mono-genres renforcerait l’effectif maçonnique global pour donner une nouvelle dynamique à la Franc-maçonnerie ronronnante actuelle. Voilà probablement où se trouve l’enjeu social. Certains m’objecteront que l’arrivée de Sœurs est probablement un bon point de départ, mais l’arrivée de jeunes hommes et de jeunes femmes serait là encore un facteur de dynamisation et de relance salutaires. Il serait effectivement très sain d’y songer activement.

(A demain pour la suite…) Si vous voulez lire l’article 1/5 cliquez ici

[1] Emission du 16 avril 2015  « C dans l’air » France 5 – Invités du jour : Catherine Jeannin Naltet, Grande Maîtresse de la GLFF. Roger Dachez, Président de l’institut Maçonnique de France. François Koch, Journalise à l’Express et blogueur à “Lumière : blog franc et maçon”. Yves Thréard, Directeur adjoint de la rédaction du Figaro.

FRANC-MAÇONNERIE : La mixité c’est déjà dépassé (article 1/5)

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FRANC-MAÇONNERIE : La mixité c’est déjà dépassé

Une série d’articles proposée par France Fourcade – S∴ de la G∴L∴F∴F∴

Article 1/5 : Pourquoi cette question se pose-t-elle ?

Avez-vous déjà entendu parler d’Elisabeth Aldworth ? Réfléchissez bien, ce nom ne vous dit vraiment rien ? Pourtant, il s’agit de la première femme Franc-maçonne de l’histoire. Certains vont chercher dans leur mémoire, d’autres vont se jeter sur Wikipedia pour apprendre qu’elle fut notre Sœur durant 61 ans. Ils pourront ainsi découvrir que son initiation eu lieu en 1712, dans le Temple installé dans la demeure familiale du Comté de Cork (Sud Ouest de l’Irlande). Cette Loge était animée par son Frère de sang, Lord Doneraile qui en était le Vénérable Maître.

Selon la légende, la jeune fille de 19 ans épiait les travaux depuis un trou qui reliait sa bibliothèque au Temple situé dans la pièce voisine. Lorsqu’elle fut prise la main dans le sac, les membres de la Loge lui donnèrent le choix entre la mort ou l’initiation. On connait la suite… Elle fut la pionnière, puisque la seconde femme à inscrire son nom dans nos livres d’histoire se présente à son initiation 170 ans plus tard. Il s’agit de Maria Deraimes qui fut clandestinement initiée le 14 janvier 1882 dans la loge « Les Libres-Penseurs », une Loge d’hommes évidement. Ces exemples historiques sont des cas isolés, car loin de faire la norme, la place de la femme dans la Franc-maçonnerie reste encore à occuper. Mais pourquoi le chemin de la mixité est-il si long ?

Cette question est cruciale car elle entraine dans son sillage de nombreuses interrogations, dont celle du genre en Franc-maçonnerie ou encore de la confusion qui existe trop souvent entre distinction sexuelle et celle du genre. Parmi les points que nous pourrons aborder, il y a celui du peu d’engouement de la Franc-maçonnerie pour le sujet de la place des femmes. L’art royal n’est-il pas trop marqué par son passé martial pour s’intéresser sérieusement à la gente féminine ?

On peut constater dans les sphères familiales, professionnelles, politiques, sportives… que les barrières sociales entre hommes et femmes tombent les unes après les autres. C’est pourquoi on se demande ce qui confère encore à la Franc-maçonnerie ce rôle quasi exclusif de club pour hommes, elle qui s’est toujours présentée comme le fer de lance des avancées sociales.

Force est de constater que tant du côté des Sœurs que des Frères, il existe un courant mono-genre très conservateur. Les Frères défendent ardemment leur bastion, à tel point que certains interdisent purement et simplement l’accès de leurs travaux aux Sœurs. Quant à ces dernières, moins catégoriques, elles accueillent leurs Frères avec une certaine parcimonie. Doit-on considérer que les Sœurs sont plus ouvertes au travail en mixité, il n’y a qu’un pas.

Quoi qu’il en soit, le travail en Loge mono-genre n’est peut-être pas forcément à remettre en question en tant que tel. Il répond probablement à une nécessité personnelle de ses membres.

Mais pour le bien et l’évolution de la Franc-maçonnerie, il s’agirait peut-être tout simplement d’élargir la base des membres afin d’accueillir en mixité plus de candidats. Ce serait un habile moyen pour diluer les mono-genres et les rendre moins visibles dans la mesure où ils deviendraient minoritaires !

Nous aurons l’occasion d’envisager cette hypothèse dans les chapitres suivants.

Il est difficile de nier qu’à l’aube du XXIè siècle, les tabliers féminins représentent encore une très faible minorité avec un effectif de 20% de l’ensemble. On peut compter environ 35 000 sœurs pour 140 000 frères. Ne parlons pas des transgenres qui sont encore en France des exceptions à classer dans le registre des « exotismes ». Seuls pour l’instant les anglais en font mention dans leur politique future. La Franc-maçonnerie française est actuellement relativement muette sur le sujet. Pourtant, chacun se souvient de la déflagration engendrée par le Frère Olivier Chaumont en 2010. Imaginez la tête des Frères qui étaient entrés 2 ans plus tôt dans la Loge « Université maçonnique » au Grand Orient de France et qui ont vu leur Frère Olivier Chaumont changer de sexe et devenir quelques mois après la Sœur Olivia Chaumont[1], et se retrouver de facto dans une Loge mixte. C’est d’ailleurs ainsi que le 22 janvier 2010, Olivia Chaumont est devenue officiellement la première femme membre du Grand Orient de France depuis sa création en 1773. Pour enfoncer le clou des Frères qui n’auraient pas bien vécu cette mutation, un mois après le convent de 2010[2], cette dernière prend le maillet de Vénérable de sa Loge, devenant ainsi la première Vénérable Maître du Grand Orient de France.

(Lire l’article numéro 2/5)

[1] Née à Meudon, le 30 octobre 1950, architecte et urbaniste française. Femme trans. Entré en qualité d’homme au Grand Orient de France en 1992.

[2] C’est justement au convent de cette année que le GOdF accorde à ses Loges la liberté d’initier ou non les femmes.

Du danger de l’espérance

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Dans la mythologie grecque, au moment de la création des hommes, Zeus fit remettre par Hermès au titan Epiméthée, frère de Prométhée, un cadeau. Et quel cadeau ! La première femme, celle qui avait tous les dons, j’ai nommé, Pandore. Pandore portait avec elle une amphore (que la postérité appela Boite de Pandore), qu’il ne fallait ouvrir sous aucun prétexte. C’est pour cela qu’elle et son époux l’ouvrirent, répandant sur le monde son contenu : l’ensemble des maux affectant l’humanité, à savoir : la Vieillesse, la Maladie, la Guerre, la Famine, la Misère, la Folie, le Vice, la Tromperie, la Passion, l’Orgueil, les clips de trap, le parti actuellement au pouvoir et la gestion de la crise sanitaire par notre gouvernement. Seule l’Espérance resta captive dans l’amphore. L’Espérance fait donc partie des maux de l’humanité. Et en effet, pour l’Espérance, on en fait, des bêtises ! En fait, l’espérance et l’espoir correspondent à ce qu’on n’a pas. Ainsi, un malade espère être en meilleure santé, un pauvre aspire à sortir de la misère, un riche à faire plus de profit, pas mal de nos concitoyens à des hommes politiques décents et moi-même à des candidats dignes de ce nom aux prochains scrutins nationaux. Donc l’espérance est l’indicateur d’un manque. Du côté des chrétiens, on en a fait une vertu : l’Espérance, qui fait partie des vertus théologales, ou vertus ayant la divinité pour objet. Bon, quand on est athée, les vertus théologales, c’est un peu abstrait… Mais l’espérance, à mon sens, a quelque chose de vicieux. On espère ce qu’on n’a pas, mais que se passe-t-il lorsqu’on ne l’obtient pas ? Hé bien, on est forcément déçu. Et qui dit déception dit ressentiment.
Or, le ressentiment, comme l’écrit dans son récent ouvrage Ci-gît l’amer la psychanalyste Cynthia Fleury, constitue un danger. Un danger pour l’individu, qui va ressasser sa colère et son dégoût, mais aussi un danger pour la démocratie lorsque le ressentiment devient collectif. Né des déceptions de grandes espérances, il ne peut engendrer que des passions tristes, ce qui à l’échelle collective se traduit par le choix de politiques simplistes mais flatteuses pour les déçus. C’est ainsi que les fascistes sont arrivés au pouvoir en Italie…

Nous sommes donc en danger de ressentiment : un ressentiment fort envers nos élites qui nous ont plongés dans cette crise sans fin, qu’ils ne parviennent à gérer qu’avec des mesures absurdes et autoritaires, le ressentiment de ceux qui se sentent déclassés envers ceux qu’on leur fait prendre pour des privilégiés, ressentiment de communautés les unes envers les autres par identification à des éléments extérieurs (et hors-sujet, mais c’est un autre débat) etc. Il y a aussi le ressentiment qui naît de notre impuissance à lutter contre des projets ignobles et dangereux, capables de remettre en cause la possibilité d’une vie digne sur Terre. Chose étrange, l’un de ces projets se nomme … Espérance. Ce projet, qui doit prendre place en Guyane consiste à y créer une gigantesque mine d’or, avec les conséquences que l’on connaît : destruction de la forêt amazonienne (qui n’a vraiment pas besoin de ça en ce moment), risque de pollution au cyanure et autres cochonneries et bien sûr, destruction de l’écosystème. Un précédent projet au même endroit (Montagne d’Or) avait été stoppé suite à la mobilisation populaire. Bien entendu, les arguments des tenants du projet sont toujours les mêmes : développement du territoire, création d’emplois réservés aux locaux, enrichissement et ce genre de fadaises dignes de promesses électorales. Evidemment, l’histoire a montré que ces espérances étaient toujours déçues, les grands capitaines d’industrie étant décidément incapables de tenir leurs promesses. A croire qu’on n’enseigne pas l’éthique aux élèves-ingénieurs…

C’est quand même intéressant de voir se combiner dans un futur écocide l’espérance et l’avidité que représente la soif de l’or. Et terrible de se dire que nos hommes politiques savent qu’ils vont condamner un territoire à mort pour le profit de quelques uns bien à l’abri, et ce, au mépris de la démocratie. En tant que Franc-maçon, je me sens très déçu et écoeuré par nos politiques, qui montrent une fois de plus leur fidélité à l’industrie et au capital, et pas à ceux qui les ont élus.

En Franc-maçonnerie, nous apprenons à déposer les métaux et nous méfier de ceux-ci, notamment l’or quand celui-ci est fondu sur le sang de ses ouvriers. Ce même or rendait fous les dieux asgardiens, dont Wagner raconte l’histoire dans sa célèbre Tétralogie. Les métaux, et plus particulièrement l’or, nous obsèdent et nous font perdre de vue ce qui est important. Dans ce cas précis, c’est la condition même de la vie qui est menacée par notre avidité. Il ne reste plus qu’à se mobiliser contre ce projet fou… et espérer ! Car « il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer », comme le disait le Taciturne.
Il n’y a pas à dire, l’espérance fait bien partie des maux de l’humanité. Factrice de déception, de ressentiment et génératrice de passions tristes, l’espérance nous leurre. Mais pourtant, elle nous pousse à agir, parfois pour le mieux. Alors que faire, puisque nous sommes conditionnés pour espérer ? Peut-être appliquer une maxime plus récente, prononcée dans les années 1990 par André Comte-Sponville, qui venait de concevoir son gai désespoir : espérer moins, aimer plus. Derrière le mot aimer, on peut y mettre beaucoup de choses. La place manque pour toutes les développer, mais j’ai envie de proposer une approche spinoziste à cet aimer : la lucidité. Spinoza nous invitait à la lucidité pour être heureux malgré les circonstances qui nous échappent. Donc, soyons lucides, mais aimons notre réalité, car nous n’en avons pas d’autres. De planète non plus, d’ailleurs. Et, au lieu d’espérer des chimères, accrochons -nous à la réalité, et soyons lucides. C’est le seul espoir contre l’espérance.

J’ai dit.