mar 16 décembre 2025 - 06:12
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NOUVELLE-ZELANDE : Le Grand Maître visite Whanganui pour honorer les maçons de longue date

De notre confrère néo-zélandais nzherald.co.nz – Par Paul Brooks

Deux francs-maçons locaux, Darol Pointon et Neil Elgar, ayant servi pendant 50 et 60 ans respectivement, ont été reconnus et honorés lors d’une réunion spéciale de la Loge unie de Wanganui n° 468, qui s’est tenue le mois dernier au Dublin St Masonic Centre.

Étaient présents le Grand Maître, MW Bro Graham Wrigley, un grand nombre de membres de la Grande Loge, des membres de la Loge Unie de Wanganui, des frères en visite d’autres loges, ainsi que la famille et les amis de Darol et Neil.

Après une courte réunion de la loge et l’accueil officiel de tous les frères visiteurs, les débats de la loge ont été officiellement clos et le public admis dans les salles de la loge pour la présentation du badge des 50 ans et de la barre des 60 ans. Tous les francs-maçons sont restés vêtus de leurs insignes tout au long de la présentation.

Darol Pointon et Neil Elgar ont tous deux vu leurs histoires personnelles et maçonniques racontées avant de se voir remettre leur badge ou leur barre.

VW Bro Darol Pointon PGL (à gauche), reçoit son badge de 50 ans du Grand Maître, MW Bro Graham Wrigley lors d'une cérémonie tenue à United Lodge of Wanganui le 20 décembre. Photo / Paul Brooks
VW Bro Darol Pointon PGL (à gauche), reçoit son badge de 50 ans du Grand Maître, MW Bro Graham Wrigley lors d’une cérémonie tenue à United Lodge of Wanganui le 20 décembre. Photo / Paul Brooks

Darol a rejoint la franc-maçonnerie en 1971 à l’âge de 30 ans, sa loge mère étant la Loge Wanganui No 219. Cette loge s’est depuis combinée avec la Loge Rutland pour devenir la Loge Unie de Wanganui.

L’histoire a été racontée sur la façon dont sa femme durant 56 ans, Lorraine, a soutenu sa carrière maçonnique et son long et distingué avec Wanganui Harriers en tant que coureur de fond et marcheur. Darol a participé et terminé 55 marathons dans de nombreuses régions du monde. « Vingt et un à Rotorua, 13 à Whanganui et Hawkes Bay, trois à Feilding, deux en Australie… », précise Darol. Ensuite, il y a les marathons de New York, Boston et Londres.
Après des emplois à Whanganui et ailleurs, Darol a terminé sa vie professionnelle en tant que gestionnaire immobilier pour le lycée Whanganui pendant plus de 20 ans.

ITALIE : lettre à une sœur entre «bavardage et distinction»

De notre confrère italien expartibus.it

L’initié dans le Jardin avance devant le Soleil sans qu’une ombre ne soit projetée sur le sol.
(…)

La fonction principale des sociétés initiatiques est d’accompagner le chercheur dans la zone de Silence où se déploient l’Être et la Conscience non dualistes.
Rémi Boyer

Chère Sœur, je suis de plus en plus consciente de la situation ruineuse dans laquelle tant de Grandes Loges, numériquement grandes ou petites, se trouvent en Italie.

Connaissant votre pureté intérieure et votre indomptable honnêteté intellectuelle, que je respecte profondément, je me permets d’espérer que tôt ou tard vous vous rendrez compte à quel point certaines « Obédiences » – jamais ce terme, désormais à des années-lumière de son étymologie originelle, n’a été plus appropriée – sont des appareils administratifs égoïstes et compétitifs, quoique dans une profession apparente d’universalité maçonnique.

Réalités dogmatiques, souvent vexatoires, persécutrices et incompatibles avec la recherche initiatique la plus vraie et la plus audacieuse. Réfléchissons aux sœurs et aux frères. Dans le silence intérieur.

Certains serments initiatiques sont faits à soi-même, non à une « idole » : une liste électorale victorieuse, un pouvoir administratif ou un seul individu. Comme tous les citoyens italiens, par analogie, ils ont le devoir de

être loyal à la République et observer sa Constitution et ses lois.
Article 54

Et pas fidèle à autre chose ou aux « autres ». Le seul serment, désormais transformé en promesse langoureuse, qui compte vraiment est celui de

s’engager sans cesse, tout au long de sa vie, à suivre le chemin initiatique.

Je vous assure que si je devais malheureusement me trouver en position de choisir entre une voie de recherche et une autre dans mon actuelle « Obéissance » de « l’appartenance » – un autre terme ostensiblement possessif – et je devais être placé dans le dualisme, donc profane, condition de choix, je n’aurais aucune hésitation à choisir la liberté.

Et j’accueillerais tout tableau d’accusation ridicule comme un véritable honneur et une confirmation de la profanation de la franc-maçonnerie.

Je ne désespère pas de travailler avec vous prochainement dans la Loge et/ou sur les plans subtils de la Franc-Maçonnerie Jardin, comme dirait Boyer.

Je suis toujours prêt à montrer et à démontrer mon amour fraternel envers tous les frères et sœurs dispersés à la surface de la Terre.

Aucun organisme institutionnel, aucune bureaucratie ou Grand Maître ne pourra jamais administrer mon sentiment de véritable fraternité universelle. Comme le chantait Battiato : Povera Patria.

Mais consolons-nous, à chaque fin il y a un nouveau départ. Nous ne regardons pas seulement négativement certaines positions réactionnaires persistantes, souvent réaffirmées sans critique en public, dans les livres ou dans les espaces numériques et sociaux uniquement au nom d’anciennes coutumes.

Facebook, à quelques exceptions près et louables, est devenu un bordel. Mais ailleurs, dans le monde réel, quelque chose bouge. Nouvelles pistes de recherche, reformulations initiatiques, initiatives de diverses natures. Spirituel, éthique, ésotérique. Pratiques formatives, chemins évolutifs. C’est un kaléidoscope encore trop difficile à cartographier.

Parfois, ce sont des capillaires microscopiques, de petites formations artérielles qui tentent de tracer un chemin. Pour couler dans l’aorte du Cœur. Et puis à tâtons pour grimper à l’Arbre de Vie.

Une chose est sûre. Le vieil ésotérisme fait de « bavardage et distinction », de lectures, d’érudition théorique, d’épuisante dialectique superbe et dualiste est angoissant, sinon mort, et surtout inutile.

Le Symbole et le Rite doivent être accompagnés, intégrés par quelque chose de plus. Discipline, exercices continus, présence. De vraies transformations et non des représentations rassurantes ou grandioses de soi. En un mot, des rêveries de l’Ego.

Le temps s’en va ma belle…

Apollon avait du cœur et ce cœur tomba amoureux de la sibylle de Cumes. C’était l’une des douze prophétesses de la mythologie grecque et elle avait bien des attraits auxquels le dieu était sensible : joli minois, regard profond, teint légèrement rosé et transparent comme une pierre resplendissante.  

Décidé à lui faire sa demande, Apollon alla à sa rencontre avec le fiévreux espoir de la séduire. Mais la sibylle savait – car elle était la confidente des nymphes – les suites, les contentements, les surprises, mais aussi les déconvenues et les peurs qui nouaient et dénouaient les affaires de cœur entre les divinités de l’Olympe et bien des mortels. Connaissant le peu de fiabilité de telles relations, elle hésitait donc, la mignonne, devant les avances du divin séducteur.

Rusée et ingénieuse, la belle infante prit une poignée de poussière et, au sablier de sa main, elle déclara au Dieu du Soleil qui venait vers elle sur son char ailé :

  • « L’amour d’un Dieu pour une humaine est comme ces grains qui filent entre les doigts : l’amour ne dure que le temps que la main se vide. » 

Apollon sourit, et devinant les résistances de la jeune fille, précisa à cette petite futée qui l’interpellait avec son poing mignon juste serré pour laisser filer la fine poussière :  

  • « Sais-tu que chaque grain de poussière au creux de la main est une année de ta vie ? » 

Oups ! La sibylle de Cumes referma aussitôt son poing et regarda satisfaite tous les grains que contenait sa paume, assurée de bénéficier d’au moins mille ans de vie pleine : mille printemps, mille moissons, mille vins nouveaux, mille aurores, mille crépuscules ! Néanmoins, n’oubliant pas sa méfiance première, elle se refusa au Dieu !

Apollon dépité, mais ne voulant pas se dédire, lui précisa solennellement :

  • « Mille ans certes, mais ton corps vieillira !… »

Puis il retourna sur son char vers l’azur et de là-haut, il regarda durant toutes les années qu’il lui avait données, la toute belle se friper, se rider, se raccourcir, se rabougrir… car le temps ne l’épargna pas ! La sibylle de Cumes devint femme épanouie, dame mûre, puis fut désignée comme ayant « de beaux restes » avant d’être nommée avec tendresse « la femme vieille », puis plus fâcheusement : « la toute vieille » !

La sibylle de Cumes, qui n’avait pas su deviner son propre destin, continuait toujours à donner ses prophéties qu’elle avait fini par écrire, les ans venant, sur des milliers de feuilles de chêne… inlassablement !

Elle avait trois cents ans quand le dernier membre de sa famille s’éteignit. Elle avait sept cents quand Énée vint lui demander de l’aider à descendre aux Enfers. Elle avait presque mille ans quand l’Étrusque Tarquin le Superbe, le dernier roi de Rome, lui acheta les trois derniers livres sibyllins qu’elle avait consenti à lui fournir. Quand elle eut enfin mille ans, le vent ravisseur dispersa ses cendres et ses prophéties…

La sibylle de Cumes ne perdit toutefois pas sa confiance en son talent de prophétesse. Elle savait que, lorsque le vent souffle, sa voix est entendue par les perplexes comme par les poètes clairvoyants, car même dans les plus légers de ses murmures, elle confie encore à leurs oreilles attentives le destin qui les attend et aux plus sages philosophes dans un souffle presque éteint, l’aventure de l’humanité dans ce monde-chaos !

Pour se prémunir des affres du temps et se défier des promesses du vent, il se dit en secret, que dans les loges maçonniques le temps est suspendu, et que dans ces lieux à couvert, l’espérance tient au cœur des hommes pour poursuive leurs routes vers le royaume de l’Amour et de l’Esprit !

Mais il est vrai qu’il se dit tant et tant des choses, à l’automne, quand les feuilles se ramassent à la pelle… Sources : Ovide, Métamorphoses, Livre XIV  et Virgile, Quatrième Épilogue des Bucoliques

3 Obédiences en conférence à Bordeaux !

La Grande Loge Provinciale de Guyenne et Gascogne et sa Loge Provinciale de Recherche « Diogène » de la Grande Loge Nationale Française, en participation

Blason GLDF

avec la Grande Loge de France

Médaille commémorative GLFF

et la Grande Loge Féminine de France sont heureuses de vous convier à une conférence donnée par Monsieur Hervé Rehby, président du centre culturel israélite Yavné, sur le thème « Réflexions sur le temps humain de la Genèse ».

René Rehby

Vous avez dit Yavné ?

C’est le nom d’un village de Judée, devenu célèbre après la destruction du Second Temple de Jérusalem par les légions romaines en 70 après J.-C.

Yohanan ben Zachaï, figure majeure du Judaïsme de l’époque et véritable visionnaire, avait choisi le village de Yavné comme symbole de la renaissance du Judaïsme promis à la disparition par la destruction du Temple et par l’exil diasporique en marche pour plus de 19 siècles.

Yavné voulait dire pour les ancêtres lieu de la « survie et de la renaissance » ; à Bordeaux, depuis l’an 2000, Yavné signifie désormais « construction et reconstruction » permanente d’une identité juive en pleine mutation et en recherche de nouvelles expressions.

Pour mémoire, la Respectable Loge « Diogène » n° 1184 de la Grande Loge Provinciale de Guyenne et Gascogne fut consacrée le 3 avril 1999 à l’Orient de Bordeaux et travaille au Rite de Grande Loge.

Une Loge Provinciale de Recherche a le même objet que la Loge Nationale de Recherche Villard de Honnecourt, c’est-à-dire la quête, l’analyse et la réflexion sur tout sujet d’ordre symbolique, historique ou spirituel et doit lui transmettre régulièrement le fruit de ses recherches.

Infos pratiques :

Jeudi 20 janvier 2022 à 19 heures 30

Espace Beaulieu – 145 rue de Saint-Genès à BORDEAUX (Gironde)

Entrée libre et gratuite, avec inscription préalable indispensable à subsol.expert@gmail.com

La conférence sera suivie d’un pot de l’amitié

Accès sous condition du respect des consignes sanitaires en vigueur.

Stationnement possible dans le parc de l’Espace Beaulieu dans la limite des places disponibles

Ne manquez surtout pas dimanche 16 janvier la visite insolite de la cathédrale d’Amiens

Laurent Ridel vous convie à sa prochaine conférence en ligne. Elle se déroulera dimanche 16 janvier, à 10h30 sur le thème « Visite insolite de la cathédrale d’Amiens ». Il interviendra en direct et vous pourrez lui poser vos questions.

Pour la rejoindre, il vous suffira de cliquer sur ce lien vers 10h30 : https://youtu.be/uqDWpwZrR_Q

La conférence est gratuite. Si vous avez un compte Youtube, Google, ou une adresse Gmail, vous pourrez vous connecter et ainsi réagir en direct grâce la fonction « chat ». Sinon posez vos questions dès maintenant. Il y répondra pendant la conférence.

Au programme :

  • les trois intrus sculptés sur la façade (dont un hérisson !)
  • La signification du labyrinthe
  • L’intervention de Viollet-le-Duc
  • L’ange pleureur
  • La soi-disant pierre à laver les morts
  • les stalles aux 4000 personnages
  • De l’intérêt de regarder les détails : 3 exemples.

Notez le rendez-vous !

Laurent Ridel, 39 ans, est médiateur numérique et historien. Ancien guide touristique, Laurent est spécialiste du Moyen-Age jusqu’au XVIIéme siécle et du patrimoine normand. Il présente son projet dans son blog : « Je me sentais toujours un peu frustré » lors des visites… « Où poser mon regard ? »

L’Expérience de l’Absolu

Il existe dans le judaïsme une tradition spirituelle mystique bien vivante, même si elle n’est pas très connue en dehors du cercle de ses initiés. Que peut-on dire de l’expérience de l’Absolu, par définition ineffable ?

Dans le cheminement du mystique, un jour enfin, les nuages se déchirent et il voit la lumière. Il atteint la réalisation tant recherchée. La véritable nature de son être se dévoile : son âme fait un/Un avec Dieu – « Je suis Dieu, » peut-il dire (comme l’a affirmé à ses dépens le célèbre soufi Mansûr al-Ḥallâj avec son « anâ-l-Ḥaqq »). Ou plutôt : « Je » est Dieu. C’est-à-dire que tout ce qui « est » en soi est Dieu ; il n’y a rien en dehors de Lui. Il n’y a d’ailleurs pas de « moi » (ânôkhî) séparé qui aurait une existence propre.

La personne réalisée est, en essence, une goutte de l’Océan du Seigneur, retournée à son Lieu (Mâqôm) d’origine et fusionnée avec cet Océan. Certes elle est Lui, mais Lui est toujours plus – car la goutte d’eau de mer n’est pas l’Océan dans Sa totalité tant qu’elle subit les limites de ce monde-ci. C’est le message du verset de Job (XXXI:2) : « ḥéleq Elôah mimmâ‘al ([l’Homme est] une part de Dieu d’en haut) » ; et les Commentateurs (cf. R. Shneur Zalman de Liadi, Liqqûṭê Amârîm II) de dire : « ḥéleq Elôah “mâmash” (une part de Dieu “palpablement, véritablement, littéralement”) ».

Bien entendu, cette réalisation du « Je suis Dieu » chez les mystiques est libératrice – c’est-à-dire qu’elle n’est pas vécue comme exclusive, ni comme un élément névrotique ou psychotique qui nécessiterait un traitement psychiatrique. Au contraire, elle est la prise de conscience que nous sommes tous Dieu – pas l’un plus que l’autre, pas moi plus que les autres. Tu n’es pas meilleur que ceux qui n’en ont pas encore fait l’expérience, et tu n’es qu’un de plus parmi les millions à qui Dieu S’est déjà dévoilé. Et cela est une grande joie, en plus d’être un grand facteur d’humilité.

Ultimement, au niveau mystique, Dieu est dans l’Homme. Si nous ne cherchons pas la divinité dans notre cœur, où la chercherons-nous ? Là est le Temple où Il réside, comme il est écrit (Exode XXV:8) : « we‘âsû lî miqdâsh, weshâkhanti bethôkhâm (ils Me feront un sanctuaire et Je résiderai en eux). » Ainsi, le verset de dire (Job XIX:26) : « mibbesârî eḥezè Elôah (de ma chair, je vois Dieu). » Dieu est proche (qârôv) de nous, mais nos yeux physiques ne peuvent pas Le voir, ni nos oreilles physiques entendre Sa voix. C’est seulement lorsque nous écoutons notre Mélodie (Niggûn) divine intérieure, par la pratique d’exercices spirituels, que nous devenons capables non seulement de Le voir et de L’entendre, mais également de se fondre en Lui, accomplissant ainsi notre destinée.

Chez la personne réalisée, le doute sur l’existence de Dieu a évidemment disparu maintenant qu’elle L’a vu, qu’elle Le voit partout et à tout moment. Il n’y a que Lui : ce que voient ses yeux, c’est Lui ; ce qu’entendent ses oreilles, c’est Lui ; ce que touchent ses mains, c’est Lui ; etc. C’est une élévation de conscience qui la responsabilise vis-à-vis de ses engagements ici-bas. Maintenant, elle sait ce qu’elle fait, elle connaît intuitivement l’importance de ses actes et leurs conséquences. Avant, elle tirait juste en aveugle dans le noir en espérant toucher la cible, maintenant il y a assez de lumière pour pouvoir viser – en reprenant l’image connue de la flèche et de la cible. On peut aussi utiliser l’image de la personne qui marche dans l’obscurité en espérant être sur la bonne voie ; quand les nuages se déchirent pour laisser passer le soleil, alors elle sait où est le chemin.

Deux réalités coexistent à chaque moment, le Relatif (Mûḥâs) et l’Absolu (Moḥlâṭ), comme le recto et le verso de la même feuille. L’expérience du mystique se situe au niveau de l’Absolu, elle est intime, et ineffable par définition (parce qu’au-delà du concept). À l’instar de cette image du professeur d’université faisant de grands discours très érudits sur l’amour, mais qui lui-même ne l’a jamais vécu – et de l’homme simple de la rue qui n’a jamais été à l’université, et qui est amoureux. Il ne peut certes pas décrire ce qu’il ressent, ni prouver au professeur qu’il est amoureux, mais il le sait et en est très heureux.

C’est parce que l’expérience de l’Ultime est ineffable par définition, transcendant tout concept, que le Séfer Yeṣîrâ (le Livre de la Création) nous met en garde (I:5) : « Belom pîkhâ milledhabbér welibbekhâ milleharhér (suspends ta bouche de parler et ton cœur de penser) ». Cette précaution est réitérée par Maïmonide (Mishné Tôrâ, Loi des Fondements de la Torah, IV:18) : « L’Œuvre du Chariot (Ma‘asé Merkâvâi.e. la Mystique), ne l’enseigne qu’à un seul disciple [à la fois], et ne lui transmets que les “têtes de chapitres (shê-ferâqîm)”. »

Ainsi, la tradition juive privilégie-t-elle l’expérience directe du Divin au discours théologique. Toute la littérature kabbalistique – malgré sa richesse – ne constitue donc en fait qu’un pense-bête hermétiquement codifié de paraboles, d’allusions et de métaphores symboliques, et n’est que la partie immergée de l’iceberg de la vie du mystique juif. De ce fait, on y trouve autant un propos apophatique – tel le Ên-sôf (litt. “l’Infini”, i.e. la Transcendance divine au-delà de Son automanifestation) – que cataphatique. 

L’expérience de l’Absolu est profondément transformatrice. Par exemple, le mystique réalisé appréhende la prière (le culte liturgique) d’une manière totalement différente. C’est le mystère, le message profond (dh en hébreu) de ce que nos Sages disent dans le Talmud (T. Berâkhôth 7a) : « Dieu, revêtu d’un ṭalléth (châle) et de tefillîn (phylactères), prie chaque jour dans Sa synagogue. » Dieu prie qui ? À qui peut-Il s’adresser autrement qu’à Lui-même ? La prière devient un écho auto-résonnant – elle est belle en elle-même et par elle-même. Par celle-ci, l’être humain partage le dynamisme de la Création et pénètre dans le cœur du Monde. L’Homme, Dieu et la prière ne font qu’Un – pour paraphraser le Zohar (III, 73a) : « Dieu (Qudhshâ berîkh), la Tôrâ et Israël sont Un (Ḥadh) ». Le dévoilement divin se pare d’une dimension esthétique : c’est beau, tout est beau – cette beauté (du Créateur, de la création, de la créature) est un cadeau, une grâce divine.

Chez la personne réalisée, les effets secondaires du « tout devient divin » sont intéressants. Par exemple, dans les chansons, quand il est dit « je t’aime », elle entend « je T’aime ». Pour « je te cherche », elle entend « je Te cherche », etc. Une chanson d’amour anodine prend soudainement chez elle les accents les plus mystiques, et lui amène les larmes aux yeux dans une profonde extase. Elle se retrouve emplie d’un profond amour pour toutes les créatures ici-bas, et surtout pour ses sœurs et frères humains – même pour les pires représentants d’entre eux. Si certains individus agissent mal, sa compassion pour eux reste infinie – car leur nature est toujours pure et divine – tout en étant fortement révoltée par leurs actions condamnables et en les dénonçant. C’est ainsi qu’elle peut dire qu’elle « aime » les pires monstres sanguinaires de l’humanité (Hitler, Staline, Mao, Pol Pot, etc.) – malgré toutes les horreurs incommensurables qu’ils ont commises – et qu’elle souffre que de belles âmes avec un tel potentiel de grandeur aient été prisonnières de tant de négativité et aient pu engendrer autant de douleurs dans le monde. Que Dieu nous fasse tous mériter l’expérience de “goûter” Son Unité, Son Être même.

Émancipation, initiation, les chemins de l’autonomie

François Carer, Commission des droits des femmes, Collectif GLFF

Conform édition, Coll. Voix d’initiées, N° 20, 2021, 120 pages, 16 € port compris

Présentation de l’éditeur :

Changer les règles du jeu peut se révéler être un passionnant jeu de dames :

Dames, femmes, filles qui ont dû, au gré du temps, subir patriarcat, misogynie, esclavage, servitude ;

Femmes qui, loin de se laisser affaiblir ont choisi de guerroyer, avec leurs propres armes, sur les terres qui leur sont interdites : l’affranchissement et l’émancipation, tout en conquérant une liberté souveraine âprement revendiquée ;

Femmes, qui ne font pas table rase du passé, ne déconstruisent pas impétueusement, mais construisent une autre voie : la conquête de l’autonomie ;

Femmes qui luttent contre les obscurantismes et se battent sur les terres du savoir, avec force courage, refus des règles non librement consenties ;

Femmes qui ont l’audace de choisir leur destin dans une parfaite insoumission assumée, et que nos contemporains aiment à baptiser du nom de « femmes puissantes »

Cet opus de « Voix d’Initiées » a choisi de proposer une étude de ce processus, à travers temps et espace, chez les femmes d’hier et d’aujourd’hui, d’ici et d’ailleurs, fidèle ainsi à la démarche de la Grande Loge Féminine de France.

[NDLR : Présentée en conférence publique le vendredi 15 octobre 2021, à Ronchin (Nord), avec l’association Le Rameau D’Or, « Émancipation, initiation, les chemins de l’autonomie » avec Marie-Thérèse Besson, ancienne Grande Maîtresse de la GLFF et Françoise Carer, ancienne présidente de la commission nationale des Droits de la Femme de la GLFF a connu plus qu’un succès d’estime. C’est dire que ce sujet passionne.

Marie-Thérèse Besson

Il est vrai que « patriarcat, misogynie, esclavage, servitude » sont hélas, en 2022 toujours à l’ordre du jour. Jours funestes, s’il en est, puisque déjà au 9 janvier nous comptons depuis le 1er janvier 2022 quatre féminicides…

Rappelons que 2021 a compté 113 victimes de féminicides survenus en France !!!

Et pourtant que de chemin parcouru depuis ce mercredi 26 août 1970 où neuf femmes tentent de déposer sous l’Arc de Triomphe à Paris une gerbe pour la « femme » du Soldat inconnu, avant d’être arrêtées par les forces de l’ordre à leur approche. Pour beaucoup, cette date est associée aux débuts du mouvement de libération de la femme…

La table des matières :

PRÉFACE :

Les chemins de l’autonomie.

– Dédicace à Anne Le Gall

TROIS MOTS ET PLUS DES CONSTATS

– Encore une histoire de mots ! Virilité au féminin ? Ça existe ?

– Les femmes piétinent à l’orée des chemins de l’émancipation

– L’autonomie des femmes : de leur premier cri à leur dernier souffle

LES MÉCANISMES DE L’ÉMANCIPATION

– Une construction, plus qu’une déconstruction

– De l’une aux autres

– Processus de l’autonomisation

LES CONQUÊTES

– De l’esclavage à l’affranchissement

– Les femmes antillaises entre esclavage, émancipation et autonomie

– Du conditionnement à l’autonomie

– L’audace d’être soi

INITIATION À L’AUTONOMIE

– De l’initiation des femmes

– Des itinéraires de francs-maçonnes vers la liberté 99

À L’ŒUVRE

– Histoire d’un ajout

– La franc-maçonnerie féminine participe à l’autonomisation des femmes

Rappelons que Catherine Carer est coautrice de Cris, révoltes et dévoilements (Conform éditions, Coll. Voix d’initiées, 2012), prix littéraire de l’Institut Maçonnique de France, catégorie « Essais » en 2012 – pour mémoire, la Grande Cause nationale de l’année 2010 fut dédiée aux violences faites aux femmes -, et de Quelle éducation pour le XXIe siècle ?, le N° 11 de ladite collection (Conform édition, 2017). Collection de la Grande Loge Féminine de France dirigée par Corinne Drescher Lenoir, gynécologue médical et obstétricienne. Ce dernier opus est préfacé par Catherine Lyautey, Grande Maîtresse de cette Obédience née en 1952 mais sui fut fondée par la transformation de « l’Union maçonnique féminine de France », formée à la fin de la Seconde Guerre mondiale, en vue de créer la première obédience maçonnique exclusivement féminine. Depuis, elle se développe principalement en France et en Europe. L’obédience fait partie du courant des obédiences dites libérales.

Pas moins de 18 Loges ont contribué à la rédaction de cet ouvrage.

Notons que Marie-Dominique Massoni, poète, partie prenante du mouvement surréaliste et secrétaire de rédaction de la revue Le Maillon de la chaîne maçonnique et Noëlle Martin, membre de la commission d’histoire et de recherche, font partie des plumes de cet opuscule.

Un vibrant et touchant hommage est rendu à Anne Le Gall, une Sœur dont le nom est cité dans le volumineux – 1754 pages – Dictionnaire des féministes – France – XVIIIe-XXIe siècle (PUF, 2017). Une bibliographie indicative classée par thème nous est proposée : droit des femmes ; émancipation ; émancipatrice ; esclavage ; féminisme ; initiation ; pouvoir ; religion ; servitude ; sexe, genre ; virilité.

Sceau GLFF

La Commission Nationale des Droits des Femmes

Depuis sa création, La Grande Loge Féminine de France a toujours été particulièrement attentive au respect des droits des femmes et de leur dignité. Partant du constat que la discrimination envers les femmes traverse toutes les sociétés et tous les champs sociaux, que les droits des femmes sont encore aujourd’hui trop souvent bafoués, et que, dans notre pays, le décalage persiste entre le principe d’égalité et sa mise en place, la Grande Loge Féminine de France s’est dotée d’une Commission Nationale des Droits des Femmes, relayée dans chacune des douze Régions par une Commission Régionale, qui elle-même est en relation permanente avec les Loges (environ 450), réparties en France et à l’international) .

La Commission s’attache à porter le regard des franc-maçonnes sur les problématiques des femmes d’aujourd’hui, à interroger les structures politiques, sociales et religieuses, ainsi que les courants culturels, qui pérennisent l’inégalité entre les femmes et les hommes, au détriment des femmes, et à imaginer des moyens pour y remédier.

La réflexion de la Commission se porte particulièrement sur quatre thèmes :

– Elargissement des droits démocratiques en France et en Europe, exigence d’exercice de la parité

– Dignité et intégrité des femmes : violences physiques, verbales, psychologiques, culturelles, encore trop souvent tolérées, et prostitution,

 – Situation économique et financière : précarité des emplois, temps partiel, interruptions dans le travail, inégalités salariales, difficultés d’accès aux formations rémunératrices, inégalité des retraites, etc .,( Rapport sur la paupérisation des femmes),

– Promotion d’une éducation à l’égalité, dès le plus jeune âge, pour que filles et garçons aient des chances égales et puissent épanouir pleinement leurs potentialités.

Rôle :

Elle participe à l’élaboration des dossiers pour les auditions de la GLFF auprès des Institutions de la République : loi sur les signes religieux à l’école, loi sur le voile intégral, accompagnement des personnes en fin de vie, égalité entre femmes et hommes contre les intégrismes religieux…

Elle propose des actions : envoi aux candidat-e-s à l’élection présidentielle de 2012 d’une plate-forme « 2012 : Pour une politique d’autonomie des femmes », 2013 : questionnaire aux candidat.e.s aux élections européennes portant entre autres sur le thème des droits des femmes, 2017 : questionnaire aux candidat.e.s aux élections présidentielles.

En outre, elle organise en direction du public des manifestations, tant à Paris qu’en Province, pour faire avancer la réflexion et participer à l’établissement des droits des femmes. (Source : https://glff.org/)

D’ailleurs, pour celles qui souhaitent aller plus loin, le site de cette Grande Loge propose afin « de devenir, vous aussi, des Femmes libres, architectes de l’avenir, envoyez un message à info@glff.org ».

Coffret Voix d’initiées Conform édition 2015

La collection

La collection « Voix d’initiées » publiée par la Grande Loge Féminine de France a été créée pour faire connaître et porter les réflexions et les travaux des membres de l’obédience.

« Rassembler ce qui est épars » est un adage cher aux franc-maçon-ne-s qui préside à la conception de nos ouvrages. Chaque livre est construit avec le désir d’une mise en commun de la pensée en ses cheminements et interrogations. Il s’agit d’un travail d’écriture qui en tissant les fils des idées et le pluralisme des points de vue s’appuie sur les contributions des loges, les apports individuels, mais aussi des documents d’archives.

La diversité de la collection permet de constater que le champ de réflexion ouvert par la franc-maçonnerie est sans limite et qu’il permet à chaque personne d’agir plus consciemment dans le souci du bien commun. La progression de la démarche est un outil qui permet de creuser une réflexion sur tous les sujets qu’ils soient historiques, philosophiques, sociétaux, symboliques.

Pour commander ces ouvrages : www.conform-edition.com

Le mot du jour : Pont

Le sémantisme, très ancien, désigne l’idée de chemin, de passage, *pont-, en grec comme en latin.

Le grec *pontos définit l’élément maritime, lieu de commerce, de bataille, de voyages lointains ou de conquête. Le dieu Poséidon préside à tous ces passages, omniprésents dans l’univers physique et mental des Grecs. Ulysse en sait quelque chose… La Mer Noire, au sens propre, c’est *pontos euxinos, le Pont-Euxin.

Les Latins se montrent, quant à eux, beaucoup plus réticents à l’égard de cette mouvance qu’ils ne savent pas dompter, eux les paysans et guerriers de terres fermes. En leur infligeant tant de défaites, les Hellènes puis les Gaulois les contraignent à reconsidérer leurs peurs. Désormais, les Romains seront aussi victorieux sur mer. Mais, pour eux, le pont gardera avant tout sa valeur de traversée, on enjambe le fleuve avec un bac, par une passerelle. Rome, à l’origine, est nommée la « ville du Pont », celui sur le Tibre qui autorise le passage de l’Italie du Nord vers celle du Sud. Les pontifes sont chargés de la construction des ponts, ils veillent à l’entretien des *religiones, nœuds de paille qui en maintiennent les poutres.

Le vocabulaire catholique gardera cette relation entre pont et religion. De là à pontifier…

Ponton, appontement, pontage. Le ponceau a une seule travée, le pont-levis garde l’accès, on y acquitte le pontenage, paiement d’octroi pour le franchir.

Pont et fleuve forment un couple dans la double métaphore de la fixité et du mouvement, de la solidité et du fuyant. Le pont, au-dessus de l’eau qui court sous ses piles, affirme la solidité tout en assurant le passage et la fuite possible. Mais, quand il s’effondre, c’est l’eau qui perdure dans sa course. Sic transit gloria fluminis !

« Il n’est pas permis au même homme de traverser deux fois le même fleuve », dit Héraclite.

Malgré les apparences, s’agit-il du même homme, du même pont, du même fleuve ?

Annick DROGOU

Il faut aimer les ponts, ponts de singe, petit pont de bois, viaducs ou ponts suspendus. À la différence du chemin, bien terre à terre, le pont nous entraîne déjà dans les airs. Le pont comme enjambement et surpassement. Quiconque a circulé sur le viaduc de Millau a ressenti cette émotion aérienne. Les ingénieurs ou bâtisseurs ne se contentent pas de construire des ponts. Ils trouvent des mots à la hauteur de leur ambition : on lance un pont sur le fleuve, on jette un pont, comme une espérance déjà réalisée. Le pont est une flèche et déjà un arrimage.

Sous les ponts, j’aime les arches qui portent cette flèche. Rondeur rassurante, profondeur et épaisseur de ces arches de ponts romains ou romans. Ponts qui enjambent les siècles plus encore que leur rivière familière.

Bien sûr, avant le pont, il y a le gué, mais le gué n’est qu’un point de suspension, un pointillé par rapport au pont. Il faut aimer les ponts car ils sont toujours de solides traits d’union. Un pont, deux rives qui s’embrassent.

Et sur le pont, on y danse, même si à Avignon le pont Bénezet s’est perdu dans le Rhône. Liberté du pont. Tous les fantassins ont appris qu’il ne faut pas y marcher au pas. Car il n’aime pas les pas cadencés qui le font onduler. Alors il se défend. Le pont est toujours signe de paix. Il faut aimer les ponts conciliateurs.

Jean Dumonteil

URUGUAY : Mario Pera est le nouveau Grand Maître de la Franc-Maçonnerie uruguayenne

De notre confrère uruguayen granlogia.cl

Mario Pera Peluffo, qui était le Vice Grand Maître du Grand Maître sortant José Garchitorena pour la période 2020-2021, est le nouveau Grand Maître de la Franc-Maçonnerie d’Uruguay.

La cérémonie de la « Posa de Cargo », comme ils l’appellent, s’est déroulée dans le Palais maçonnique dont la restauration s’est achevée, il y a quelques mois seulement. Les travaux de rénovation du siège, qui a été déclaré monument historique national, étaient réalisés sous la supervision du VH Mario Pera Peluffo, aujourd’hui le nouveau Grand Maître.

La « Posa de Cargo » ou installation a réuni les autorités de la Confédération maçonnique interaméricaine – CMI, les Grandes Loges du Continent et les Frères de l’Ordre de l’Uruguay.

Le Grand Maître Mario Pera, dans son discours, a mis l’accent sur la poursuite, le renforcement et la promotion de la croissance de la Maçonnerie ; un axe qui a été remarqué ces dernières années. De même, il a promis de collaborer avec le Conseil suprême pour le renforcement du Rite écossais.

Dans son discours d’adieu, José Garchitorena a rendu compte de sa gestion et a rappelé que pour la première fois la Loge uruguayenne avait reçu le Président de la République, Luis Lacalle Pou, dans son Temple afin de renforcer les liens avec le monde extérieur. Rappelons que le désormais ancien directeur général José Garchitorena a été réélu pour un second mandat qui s’est terminé en décembre.

Edgar Sánchez Caballero s’est exprimé au nom du CMI et de toutes les délégations présentes.

La Grande Loge du Chili était représentée par le Vice-Grand Chancelier Juan Manuel Contreras et par le Grand Bibliothécaire et Archiviste Antonio Ordoñez Urbina. Tous deux ont eu l’occasion de transmettre les salutations personnelles envoyées par le Grand Maître Sebastián Jans Py et offrir un cadeau au nouveau Grand Maître et à l’ancien Grand Maître Garchitorena en reconnaissance de l’amitié qui les unit et pour avoir été un grand collaborateur du Chili. . . .

Données biographiques du nouveau Grand Maître de la Grande Loge d’Uruguay :

Initié le 30/07/1996 à la Faith Lodge n°8, il a obtenu le Second grade en 1997 et Exalté en 1998. En mars 2000, il a été l’un des fondateurs de la Loge des Constructeurs de la Fraternité n°159, dans laquelle il a occupé diverses fonctions, étant son vénérable entre les années 2002 et 2003.
Avant d’être Grand Maître, il a été Grand Trésorier Adjoint 2005-2008, Grand Trésorier 2009, Grand Secrétaire de l’Intérieur 20012-2015, Vice Grand Maître 2017-2021, jusqu’à occuper le poste actuel de Grand Maître pour la période 2021-2023.

Prendre garde à ceux qui prétendent faire le bien

C’est quand elle est fidèle à son ordo essentialis, celui de l’hétérodoxie, celui de la non-conformité, que la pensée maçonnique peut s’adapter à son temps. Et ce pour en accompagner — je dis bien « accompagner » — l’évolution. L’insoumission généralisée qui la caractérise ne peut admettre la violence de ceux qui veulent le bien à la place des autres. Domination de ceux qui se sentent responsables des autres, et qui peuvent imposer par la force l’ordre qu’ils ont idéologiquement élaboré. Avec son humour grinçant plein de lucidité, c’est bien cela que notait Joseph de Maistre :

« Vous croyez ne pas vouloir cette loi, mais soyez sûrs que vous la voulez. Si vous osez la refuser, nous tirerons sur vous à mitraille pour vous punir de ne pas vouloir ce que vous voulez. Et ils l’ont fait. »[1]

Oui, « ils » l’ont fait à de multiples reprises ceux qui se considéraient comme les garants et les instituteurs des peuples. Du goulag aux camps cambodgiens, nombreux sont les exemples plaidant en ce sens. Mais cette imposition du bien commun par la force, ce que l’on considère, abstraitement, comme étant le bien commun n’est en rien en congruence avec la sensibilité libertaire qui est la spécificité essentielle de la franc-maçonnerie. Je dis bien « sensibilité », car ce n’est en rien un système dogmatique.

S’accorder aux forces primordiales. Mais c’est cette sensibilité qui sait mystérieusement, c’est-à-dire à partir des mythes immémoriaux, que l’histoire est une continuelle « palingénésie » : une genèse toujours recommencée. Reconnaissant, avec lucidité, que toute inspiration première tend à s’attiédir en institution, que l’instituant s’achève en institué, que l’énamourement se rigidifie en conjugalité. Et qu’il y a, dès lors, nécessité de sursaut. Celui-ci ne pouvant se faire qu’en s’accordant aux forces profondes, primordiales à l’œuvre, souterrainement, dans le devenir humain. Le symbolisme des épreuves initiatiques devient ainsi une méthodologie de la réintégration.

C’est cela même que note le frère Joseph de Maistre (« Josephus a floribus ») dans ses discussions avec J.-B. Willermoz : « Quand Dieu efface, c’est qu’il se prépare à écrire », ou encore : « Dieu tient toujours la gomme et le crayon » !


[1] J. de Maistre, Considérations sur la France, op.cit. p. 217.