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Retournons aux sources du REAA

Diverses obédiences françaises se réclament du Rite Ecossais Ancien et Accepté. Nul ne saurait, cela va de soi, leur disputer cette appartenance. Pourtant, avec le temps et les volontés de quelques-uns de laisser leur trace dans les pratiques, diverses altérations ont été proposées, sans que soient remis en cause les fondamentaux,… Ainsi, l’indépendance des grades « symboliques » d’Apprenti, Compagnon et Maitre et de ce qu’il est convenu d’appeler les hauts grades, du 4e au 33e, n’a pas toujours été aussi clairement établie qu’à l’heure actuelle.

C’est en particulier le cas lorsque les loges symboliques pratiquent le Rite Ecossais Ancien et Accepté dès le premier degré, notamment en France et en Belgique. Les rituels de certains hauts grades mentionnent encore l’existence de « prérogatives » remontant à leur origine, donc antérieures à la constitution du Rite Écossais Ancien et Accepté.
Le nom même du Rite a parfois légèrement varié. On sait ainsi que la Juridiction Nord des États-Unis utilisant le plus souvent l’expression « Ancient Accepted Scottish Rite ».
Dans de nombreuses juridictions, il existe également des particularités, généralement minimes, mais parfois plus importantes, s’agissant surtout des degrés qui sont réellement pratiqués. Dans la plupart des obédiences, et comme cela était en général l’usage au 18ème siècle, les autres degrés ne sont pas réellement pratiqués et ne sont transmis que « par communication ».

On notera au demeurant qu’aux États-Unis, le système est beaucoup plus rapide que dans d’autres pays, notamment en Europe, puisqu’il permet d’atteindre le 32e degré en très peu d’années alors que chez nous et en Amérique du Sud, une telle progression requiert au bas mot une vingtaine d’années. On comprend alors pourquoi plusieurs juridictions européennes et sud-américaines ne reconnaissent pas automatiquement les grades élevés reçus par leurs membres à l’occasion d’un séjour aux États-Unis !
Revenons à l’histoire…

Les Hauts Grades ont rapidement prospéré en France. Dès 1732, une loge anglaise, nommée L’Anglaise, a été fondée à Bordeaux. Elle existe encore de nos jours.
À cette époque, les deux principales villes maçonniques en France étaient Bordeaux et Paris. Cela explique que ce soit dans cette dernière ville que le 27 août 1761, la Grande Loge française –dont le titre complet était Grande et Souveraine Loge de Saint-Jean de Jérusalem- forte de son instance des degrés supérieurs, le Conseil des Empereurs d’Orient et d’Occident, Souveraine Loge Mère Écossaise, eût le souci d ‘étendre le rayonnement de ce rite au-delà de la France métropolitaine.

Les origines du REAA

Dès 1733, existe à Londres une loge de Temple Bar, qui confère à certains membres le degré de « Maître écossais ». Ce degré a été également conféré en 1735 dans une loge de Bath et en 1736 dans la loge « française » St George de l’Observance no 49 de Covent Garden.

Mais rien de comparable à ce que va créer le Français Étienne Morin, nommé par le Conseil des Empereurs d’Orient et d’Occident, Sublime Prince du Royal Secret, 25ème et plus haut degré du Rite alors pratiqué, le Rite du Royal Secret.

Le 27 août 1761, à Paris, Morin reçut une patente signée des officiers de la Grande Loge le nommant « Grand Inspecteur pour toutes les parties du Monde ». L’original de cette parente n’existe plus, mais différentes copies sont conservées ici ou là. Peut-être ont-elles été embellies par Morin lui-même, afin de mieux assurer sa prééminence sur les loges de hauts grades des Antilles. Morin avait en effet fondé une loge écossaise au Cap Français, au nord de la colonie de Saint-Domingue. Quoi qu’il en soit, Morin retourne à Saint Domingue en 1762 ou 1763 et, grâce à sa patente, constitue progressivement des loges de tous grades à travers les Antilles et l’Amérique du Nord.

Une loge, Parfaits d’Écosse, avait été créée le 12 avril 1764 à la Nouvelle Orléans. Ce fut le premier atelier de hauts grades sur le continent nord-américain. Son existence fut brève car le Traité de Paris avait cédé en 1763 la Nouvelle Orléans à l’Espagne catholique et hostile à la Franc-maçonnerie : toute activité maçonnique semblera cesser à la Nouvelle Orléans et ne reprendra guère avant les années 1790. Mais dès 1770, Morin avait créé un « Grand Chapitre » de son rite à Kingston, en Jamaïque.

C’est dans cette ville qu’il mourra en 1771, laissant son adjoint Henry Andrew Francken, un Hollandais naturalisé anglais, créer des corps maçonniques au Rite du Royal Secret dans tout le Nouveau Monde, y compris aux États-Unis. Francken exerça diverses fonctions à la cour de la vice-amirauté avant d’être nommé en 1765 interprète pour le néerlandais et l’anglais puis d’être envoyé deux ans en Amérique du Nord. Morin avait nommé Francken « Député Grand Inspecteur Général » dès son retour aux Antilles, et ils travaillèrent en étroite collaboration. Francken s’installe à New York en 1767 où il reçoit une patente, datée du 26 décembre 1767, pour la formation d’une loge de Perfection à Albany, ce qui lui permet de conférer les degrés de perfection (du 4e au 14e) pour la première fois dans les treize colonies britanniques.

Manuscrit d'Henry Andrew Francken titré « À la Gloire du Grand Architecte de l'Univers »
Manuscrit d’Henry Andrew Francken titré « À la Gloire du Grand Architecte de l’Univers »

En 1771, Francken rédige un manuscrit contenant les rituels du 15e au 25e degré. Il rédige au moins deux autres manuscrits, le premier en 1783 et le second vers 1786, qui contiennent tous les degrés du 4e au 25e[2].

Pendant son séjour à New York, Francken communique aussi ces degrés à un homme d’affaires, Moses Michael Hays, qu’il nomme « Inspecteur Général Adjoint » et qui ne tarda pas à nommer des adjoints, dont Isaac Da Costa Sr, Abraham Forst, Joseph M. Myers Barend et M. Spitzer.

En 1789, Alexandre François Auguste de Grasse-Tilly , officier français, fils de l’amiral de Grasse, débarque au Cap-Français (Saint-Domingue) pour recueillir l’héritage de son père. Il y rencontre puis fréquente les Frères de la Loge de Perfection Saint-Jean de Jérusalem Ecossaise, sur laquelle sont souchés les Conseils de Chevaliers d’Orient, de Princes de Jérusalem et sans doute de Princes du Royal Secret.

Grasse-Tilly

Mais en août 1791, les esclaves vont se révolter sur l’île. Avec son épouse, son fils nouveau-né et son beau-père Jean-Baptiste Delahogue, Grasse-Tilly est contraint de quitter l’île pour Charleston. Ils se font dépouiller de tous leurs biens par des corsaires mais finissent par arriver à destination le 14 août 1793.

Les Américains n’ont pas oublié l’Amiral de Grasse qui s’était illustré pendant la guerre d’indépendance et son fils Auguste de Grasse-Tilly ne pouvait qu’être bien accueilli à Charleston. Là, celui-ci consacre beaucoup de temps à la Franc-Maçonnerie. Il rencontre John Mitchell, Frédérick Dalcho, Isaac Auld, Barend Spitzer… Tous ces frères pratiquent le Rite de Perfection en 25 degrés.

En 1801, quelques membres de la loge travaillant donc dans cette ville au Rite de Perfection ou du Royal Secret (en 25 degrés) décidèrent de remodeler le Rite en y ajoutant 6 degrés nés en France depuis 1761. Ils adressèrent donc « aux deux hémisphères » une circulaire les informant de la création du Rite en 33 degrés, car ils firent culminer leur création par un 33ème degré, degré d’Inspection et d’encadrement.
Ils ont connus et honorés aujourd’hui comme les onze fondateurs du REAA.

Les onze fondateurs de Charleston

La description qui suit est donc largement empruntée aux sources américaines, en l’espèce au site du REAA (Southern Jurisdiction). Le colonel John Mitchell (1741-1816) a reçu un brevet le 2 avril 1795 de Barend Moses Spitzer, lui accordant l’autorité d’inspecteur général adjoint pour créer une loge de la perfection et plusieurs conseils et chapitres partout où de telles loges ou chapitres étaient nécessaires. Né en Irlande en 1741, il est arrivé aux États-Unis à un jeune âge, a été adjoint au quartier-maître général de l’armée continentale et premier Grand Commandeur du Conseil suprême.

Le Dr Frederick Dalcho (1770-1836) était médecin. Il a servi dans l’armée et, pendant un certain temps, a été stationné à Fort Johnson. En 1801, il s’est associé avec le Dr Isaac Auld. C’était un conférencier et un auteur exceptionnel. En 1807, il publie la première édition d’Ahiman Rezon. Il devient rédacteur en chef du Charleston Courier et quitte son cabinet médical pour entrer, en 1819, dans le ministère de l’Eglise épiscopale.

Le major Thomas Bartholomew Bowen (1742-1805) est né en Irlande et a émigré en Amérique avant la révolution. Il était major dans l’armée continentale, servant dans les unités de la Pennsylvanie. Il a ensuite déménagé à Charleston et est devenu imprimeur. Il a été élu Grand Maître de l’ancienne Grande Loge de la Caroline du Sud. Il a également servi comme Grand Maître de la Sublime Grande Loge de Perfection. Il est devenu le premier Grand Maître des Cérémonies du nouveau Suprême Conseil. Il est décédé quatre ans plus tard, devenant ainsi la première mort parmi les fondateurs.

Le rabbin Abraham Alexander (1743-1816) a été l’un des premiers grands inspecteurs généraux souverains. Il est né à Londres en 1743 et a immigré à Charleston en 1771 pour assumer un poste de rabbin – qu’il a conservé jusqu’à sa mort- pour la congrégation Beth Elohim. Il a été décrit comme « un calligraphe du premier ordre » et a été élu le premier Grand Secrétaire Général, probablement jusqu’à sa mort. Il a également été inscrit comme vérificateur de la Custom House dans les répertoires de la ville de Charleston de 1802 à 1813. Selon la tradition de sa famille, il était collecteur pour le port de Charleston au moment de son décès.

Emmanuel De La Motta (1760-1821), né dans les Antilles danoises d’origine juive, émigra à Charleston à la fin des années 1790. Il a reçu son 33° deux semaines après la création du Conseil suprême et a été le premier Grand Trésorier du Conseil suprême pendant une dizaine d’années. Il était également actif dans la congrégation de Beth Elohim et, avec David Nunez Cardozo, ils étaient des dirigeants de la communauté juive à une époque où Charleston était la plus grande communauté juive aux États-Unis. Emmanuel était marchand et commissaire-priseur. Il était membre de la Loge de l’Amitié et se consacrait à l’étude de la littérature juive et à l’étude maçonnique.

Le Dr Isaac Auld (1770-1826) est né en Pennsylvanie de jacobites écossais qui avaient fui en France, puis navigué vers l’Amérique. C’était un éminent médecin, associé dans la pratique médicale au Dr Dalcho et un congrégationaliste. Il avait servi comme Grand Secrétaire de la Sublime Grande Loge de Perfection. Il fut élu au Conseil suprême le 10 janvier 1802 et servit comme Surveillant Principal de la Loge de Perfection ainsi que comme Surveillant Junior du chapitre de Rose-Croix. Des années plus tard, il succédera au Dr Dalcho en tant que Grand Commandeur, contribuant ainsi à un sentiment de continuité à un moment délicat de l’histoire du Conseil.

Israel De Lieben (1740-1807) est né à Prague, en Bohême. Il est devenu maçon lors d’un séjour à Dublin, en Irlande, et a ensuite émigré en Pennsylvanie, à Philadelphie, à Savannah et finalement à Charleston où il a également été actif dans la congrégation Beth Elohim. En 1797, il rejoint la Loge d’Orange #4 et devient Hospitalier de la Grande Loge. Il a été Grand Trésorier du Grand Conseil et conservateur des sceaux et des archives du consistoire. Il est fait Souverain Grand Inspecteur Général.

Le comte Alexandre François Auguste de Grasse, marquis de Tilly (1765-1845) est le fils unique de l’amiral François Joseph Paul, comte de Grasse, dont la flotte française des Antilles et 3 000 soldats avaient aidé au siège américain et à la capitulation britannique à Yorktown en 1781. Une rivière du nord de New York a ensuite été nommée en l’honneur de l’amiral de Grasse. En 1793, Alexandre, son beau-père Jean Baptiste Marie Delahogue, et leurs familles, fuient Saint-Domingue pour Charleston. En 1796, de Grasse et Jean Baptiste Delahogue formèrent à Charleston une loge composée exclusivement de catholiques français. Il devient citoyen naturalisé en 1799. Le 21 février 1802, le Suprême Conseil nomme de Grasse Grand Inspecteur Général ainsi que Grand Commandeur des Antilles françaises, en même temps qu’il nomme Delahogue Grand Inspecteur Général et lieutenant Grand Commandeur des mêmes îles.

En 1804, le Suprême Conseil de France est établi à Paris et de Grasse en devient le Grand Commandeur.

Jean Baptiste Marie Delahogue (1744-1822) a été élevé à la Loge La Constance, à Paris, en France. Il était le beau-père d’Alexandre François Auguste de Grasse. Trois ans plus tard, il s’associa à de Grasse pour fonder la Loge La Candeur à Charleston. Il est nommé Lieutenant Grand Commandeur du Conseil suprême des Antilles. Il succéda finalement à de Grasse en tant que Grand Commandeur lorsque de Grasse retourna en France et devint Grand Commandeur du Nouveau Conseil suprême de France. Delahogue devient un citoyen naturalisé des États-Unis à la Nouvelle-Orléans en 1804. La ville a été acquise dans le cadre de l’achat de la Louisiane en 1803.

Moïse Clava Lévy (1749-1839) est né à Cracovie, en Pologne. C’était un marchand prospère, dévoué à sa ville et à son pays d’adoption. Il est ajouté au Conseil suprême le 9 mai 1802.

Le Dr James Moultrie (1766-1836) était le seul natif de Caroline du Sud parmi les membres originaux. Il était docteur en médecine et, selon Albert Pike, « était l’un des citoyens les plus éminents de la Caroline du Sud ». Il est ajouté au Conseil suprême le 3 août 1802.
Comme la liste des « Eleven Gentlemen of Charleston » permet de le constater, bien peu d’entre-eux étaient nés sur le sol américain. Seuls les Français de Grasse-Tilly et son beau-père Delahogue étaient catholiques, les autres, tous pratiquants, étant juifs ou protestants, membres de l’Eglise réformée. Mais tous participèrent grandement à la fin de la domination britannique et à l’émergence du patriotisme américain, exprimée par la devise des États-Unis « E Pluribus Unum », inscrite sur le parchemin et serrée dans le bec de l’aigle du Grand Sceau des États-Unis. Cette devise rappelle que par l’union des Treize Colonies originelles et la diversité de leurs citoyens est née une nouvelle nation unique.

Pour ceux qui voudraient en savoir plus, il faut savoir qu’en 1911, le Suprême Conseil « Mother of the World » a commencé la construction d’un nouveau siège à Washington DC, appelé la Maison du Temple. Situé au 1733 Sixteenth Street, sur Dupont Circle, à un peu plus d’un kilomètre et demi de la Maison-Blanche, le bâtiment abrite également une bibliothèque publique qui dispose d’une des plus grandes collections du poète écossais et franc-maçon Robert Burns.

Non ! Le Président Macron n’est pas Franc-maçon

De notre confrère africacheck.org

Notre confrère Africa Check le confirme, cette image n’a pas été prise lors d’une rencontre entre Emmanuel Macron et « le Grand-Maître » de la Grande Loge de France le 5 mai dernier à Paris. Cette image, prise en 2017, montre le Président français Emmanuel Macron aux côtés de membres de la Commission d’évaluation du Comité international olympique (CIO). Tous les trois ont fait avec leurs mains le signe ‘Paris’ en langage des signes. 

Le 5 mai 2025, le Président français Emmanuel Macron a rendu visite à la Grande Loge de France où il a rencontré Thierry Zaveroni, le Grand-Maître, avec ses 32 000 membres en 2025. Dans la Franc-maçonnerie, les membres appelés frères se reconnaissent à des signes et en possèdent seuls les secrets, transmis sous serment. 

Cette visite de Macron s’inscrivait dans le cadre de la célébration des 120 ans de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État qui garantit la liberté des cultes en France. Le Président français a d’ailleurs prononcé un discours sur la laïcité lors de la rencontre. 

Ce que nous vérifions

Cette publication de la page Facebook LEVEE D’Afrique datant du 7 mai 2025 a partagé une photo montrant en premier plan Macron au milieu de deux hommes, tous faisant le signe de triangle avec les mains. « Le président français, Emmanuel Macron, a rencontrer ce lundi, le Grand-Maître de la deuxième loge Franc-Maçonne de France, Thierry Zaveroni. Il doit prononcer un discours sur la laïcité, à l’occasion des 120 ans de la loi de 1905 », décrit la légende.

Des publications similaires ont été faites sur Facebook entre le 5 et le 7 mai 2025 (1,2,3,4,5). 

Une image des membres de la commission d’évaluation du Comité international olympique (CIO) en 2017

En effectuant la recherche inversée d’images à partir du logiciel TinEye, nous avons pu voir que cette photo date de huit années et peut être consultée dans la banque d’images en ligne Getty Images. 

Elle montre « le président français Emmanuel Macron (qui) pose aux côtés du président de la commission d’évaluation du CIO pour les Jeux olympiques de 2024, Patrick Baumann (à gauche), et du membre français du CIO, Guy Drut (à droite), à ​​l’Élysée, à Paris, après une réunion avec les membres de la commission d’évaluation du Comité international olympique (CIO), le 16 mai 2017, avant le vote pour les Jeux olympiques d’été de 2024 ».

La photo porte la signature du photographe Stéphane De Sakutin pour l’Agence France-Presse (AFP).

Capture d'écran de la publication

Vous pouvez voir ici plusieurs autres images du président français Emmanuel Macron recevant les membres du Comité international olympique (CIO) à l’Élysée à la même occasion.

Quelques mois plus tard, le 13 septembre 2017, les membres du CIO ont voté à l’unanimité et à main levée en faveur de l’attribution des Jeux d’été 2024 à Paris qui se sont déroulés du 26 juillet au 11 août 2024.

 ‘Paris’ en langage des signes

Après vérification, le geste de la main effectué par Emmanuel Macron et les deux hommes à ses côtés sur l’image ne correspond pas à un signe franc-maçon. Nos recherches ont révélé qu’il s’agit en réalité de la représentation du mot ‘Paris’ en languedes signes.

Interrogée par le Huffington Post en 2016, l’équipe chargée de la candidature « Paris 2024 » a indiqué qu’il s’agissait du terme « Paris » en langage des signes.

« À la base, ce sont les athlètes revenus de Rio qui ont voulu créer un geste de ralliement. Il s’agit du terme ‘Paris’ en langage des signes. L’idée était que tout le monde puisse le faire avec ses mains, sans avoir besoin de pin’s ou d’un autre support pour affirmer son adhésion », ont-ils indiqué. 

On retrouve le même signe pour désigner ‘Paris’ dans cette vidéo ci-dessous, du compte YouTube APPRENDRE LA LANGUE DES SIGNES FRANÇAISES. 

De l’initiation à la chute : quand le Franc-maçon ne reste qu’un homme

De notre confrère expartibus.it

Quand les lumières du Temple s’éteignent et que les Colonnes semblent vides, quand le silence résonne plus que la Parole et que la Compagnie se dissout comme un brouillard, le Maçon se retrouve nu devant lui-même : plus Maître, plus Apprenti, mais seulement Homme.

C’est là que le véritable travail commence.

Non plus parmi les marbres de la Loge, mais parmi les fissures de l’âme. Non plus avec des instruments visibles, mais avec des instruments internes. L’Équipe sert désormais à recomposer le cœur ; le compas pour délimiter les pensées qui fuient dans le chaos. Le tablier devient invisible, mais reste sur la poitrine comme une promesse qui ne s’efface jamais. L’homme demeure, fragile et puissant, encore capable de s’agenouiller devant l’autel de sa propre conscience et de dire :

On recommence.

Et ainsi, en silence, sans témoins ni honneurs, le travail continue. Car celui qui a vu la Lumière, même une seule fois, ne pourra plus jamais vivre dans l’obscurité sans la manquer.

Être franc-maçon, c’est choisir consciemment un chemin fait d’étude, de silence et de construction intérieure. C’est un chemin qui nous invite à nous dépouiller de l’ego et à porter le vêtement de l’humilité, en recherchant la perfection morale et spirituelle.

Mais, malgré l’aura de noblesse qui entoure l’initié, il ne faut jamais oublier qu’il reste, avant tout, un Homme. Et l’homme, par nature, est fragile.

L’histoire nous enseigne que même parmi les esprits les plus élevés, il existe les passions les plus basses. Au cours des siècles, il n’a pas manqué d’hommes initiés aux mystères, capables d’actes extraordinaires et de visions éclairées, qui ont néanmoins cédé à l’appel du pouvoir, à la vanité, à la discorde.

Certains protagonistes des grands mouvements historiques, tout en se déclarant porteurs de lumière, ont montré, quand il le fallait, un cœur sombre, obscurci par des ambitions personnelles.

L’idéal maçonnique trouve ses racines dans les anciens arts libéraux, qui ont toujours été considérés comme une voie vers l’émancipation de l’âme. Celui qui cultive la connaissance, réfléchit, écoute, est celui qui peut rendre ses coutumes plus nobles. Cependant, apprendre ne suffit pas si vous n’êtes pas prêt à vous changer profondément.

Il est plus facile d’apprendre les symboles que de les incarner.

A l’intérieur de la Loge, nous sommes appelés Frères. Mais le titre seul ne suffit pas à construire une Confrérie. Là où l’harmonie devrait régner, la suspicion, la déception et le silence isolant s’installent parfois.

Qui aurait dû garder, révèle-t-il. Celui qui était censé conduire se perd. Et ainsi, parfois, l’édifice intérieur vacille. Non pas à cause des profanes, mais à cause des constructeurs eux-mêmes.

Or, c’est précisément dans la conscience de la limite que réside la possibilité de s’élever. Le franc-maçon qui tombe et reconnaît sa chute reste digne. Ce qui prétend être la lumière tout en nourrissant l’ombre, non.

Tout le monde peut se tromper, mais seuls ceux qui ont gravé en eux le désir d’avoir raison s’élèveront avec plus de fermeté. C’est là le véritable travail de la Loge : non pas le travail apparent des rituels, mais le ciseau silencieux qui lisse l’âme.

Car, en fin de compte, être franc-maçon signifie seulement cela : apprendre à devenir des Hommes. Vraiment.

Lorsqu’un Maçon se rend compte qu’il n’est encore qu’un « simple homme », c’est-à-dire lorsqu’il reconnaît ses propres limites, ses propres chutes ou déviations du chemin initiatique, il a devant lui l’une des plus hautes épreuves de son cheminement : celle de l’humilité et de la conscience.

Ce n’est pas une défaite, mais un appel à l’authenticité.

Accepter que nous sommes imparfaits est un acte de vérité. C’est la première étape de toute véritable transformation. Le franc-maçon n’est pas un saint, mais un homme qui lutte avec lui-même chaque jour.

Remettre la main sur les outils symboliques : l’équerre et le compas, pour redresser notre conduite et délimiter nos passions. Creuser à nouveau dans sa propre pierre brute pour se rapprocher de la forme à laquelle elle aspire.

Demandez conseil, écoutez le silence des frères plus sages, ne vous enfermez pas dans l’orgueil. Un Maçon ne marche jamais vraiment seul, s’il sait ouvrir son cœur à la Loge et reconnaître les Frères comme des miroirs et un soutien.

Alchimiste dans son laboratoire

Réfléchissez à la puissance et au poids de la parole donnée, à ce qui est dit dans les serments, non pas comme un lien formel, mais comme un choix moral profond. Le Maçon est appelé à être un homme de parole, aussi et surtout avec lui-même.

Chaque erreur est une pierre sombre dans le Temple. Il ne faut pas le supprimer, mais l’intégrer. Devenez partie prenante de la construction, mémoire de ce que vous ne voulez plus être. Comme l’alchimiste, le vrai franc-maçon transforme le plomb de son humanité en or de la conscience.

Quand il n’est plus qu’un homme, le Franc-Maçon a encore une précieuse opportunité : redevenir pleinement un. Parce qu’il n’est jamais trop tard pour rentrer dans le Temple intérieur et recommencer à construire.

IMU L’institution Maçonnique Universelle

Il y a un peu plus d’un an un événement mondial s’est mis en chantier, en toute discrétion,  dans la sphère de la franc-maçonnerie. À l’initiative de plusieurs Grands Maîtres et Commandeurs, issus de l’Amérique du Nord et du Sud, de pays de l’Est et bien sûr d’Europe, la plus grande concentration maçonnique est en train de se constituer.

Le thème proposé est simple :

La fraternité universelle, tout le monde en parle, faisons la !

À la manœuvre le couple Augustina et Jean-Noël Raynaud de Roumanie, des grands Maîtres Brésilien, Américains, russes, etc. La fraternité universelle est un concept central en franc-maçonnerie. Elle repose sur l’idée que tous les êtres humains sont liés par une fraternité spirituelle et morale, transcendant les différences de race, de religion, de culture et de nationalité.

C’est sur ces principes qui visent à créer un monde où la fraternité universelle est non seulement un idéal, mais une réalité vécue au quotidien que s’est constituée l‘Institution Maçonnique Universelle. L’union est en pleine expansion, preuve si besoin était, que de nombreuses obédiences à travers le monde sont attachées aux valeurs et traditions décrites dans le préambule de sa constitution.

Le but affiché est de créer des ponts entre les divers  pays du monde, de dépasser les obstacles des langues, des distances et des coutumes, afin de se rapprocher de cet idéal maçonnique qu’est la fraternité universelle. En franc-maçonnerie, la fraternité universelle se manifeste par plusieurs principes et pratiques :

Égalité et respect- Tolérance et ouverture d’esprit – Solidarité et entraide- Recherche de la vérité- Amélioration de soi et de la société.

Ces principes visent à créer un monde où la fraternité universelle est non seulement un idéal, mais une réalité vécue au quotidien.

La fraternité universelle est présentée comme un idéal à atteindre pour construire une société plus juste et solidaire. L’importance de la fraternité et de l’amitié sociale comme fondements d’une paix durable et d’une coexistence harmonieuse. La « véritable » Franc-maçonnerie, respectueuse des traditions et des valeurs qui l’ont fondée survivra à toutes les épreuves et dérives qui tentent de la détourner de ses principes initiaux.

D’un point de vue théologique, la fraternité universelle est également abordée dans les Écritures chrétiennes, où elle est vue comme un appel à reconnaître chaque personne comme un frère ou une sœur, indépendamment de ses origines ou croyances.

Cependant, la réalisation de cette fraternité universelle n’est pas sans défis. Les divisions culturelles, religieuses, économiques voir politique peuvent constituer des obstacles majeurs. Il est donc essentiel de travailler activement à surmonter ces barrières par le dialogue, la compréhension mutuelle et la coopération. Voici quelques pistes pour renforcer cette fraternité universelle :

Promouvoir les valeurs maçonniques universelles

Les valeurs telles que la liberté, l’égalité, et la fraternité transcendent les frontières. En mettant l’accent sur ces principes, les différentes obédiences peuvent trouver un terrain d’entente commun.

Renforcer les échanges internationaux

Organiser des rencontres et des conférences internationales permet de créer des liens entre les loges et obédiences de différents pays. Cela favorise le partage des expériences et des idées, tout en renforçant la solidarité globale.

Encourager la tolérance et la compréhension

La diversité culturelle est une richesse. En encourageant la tolérance et la compréhension mutuelle, les francs-maçons peuvent surmonter les divisions et travailler ensemble vers des objectifs communs.

Créer des projets collaboratifs

Les projets communs, qu’ils soient humanitaires, éducatifs ou culturels, permettent de renforcer les liens entre les loges et de promouvoir les valeurs maçonniques à une échelle mondiale.

Utiliser les technologies modernes

Les outils de communication modernes, comme les réunions virtuelles, les forums en ligne et les réseaux sociaux, peuvent faciliter les échanges et les collaborations entre les loges du monde entier.

Respecter les traditions locales tout en cherchant l’unité

Il est important de respecter les particularités et les traditions de chaque obédience ou loges tout en cherchant des points de convergence pour favoriser l’unité. Sont exclues de ce projet les obédiences devenues des partis politiques qui ont souvent perdu leur mission première qui était d’apporter à de jeunes êtres humains, la Connaissance et les pensées qui peuvent aider à bâtir un monde meilleur

Former les nouvelles générations

Éduquer et initier les nouvelles générations aux valeurs maçonniques permet d’assurer la pérennité de la fraternité et de garantir que ces valeurs continuent à prospérer. En combinant ces approches, la franc-maçonnerie peut espérer créer une fraternité véritablement universelle, unie par des valeurs communes et une vision partagée de l’humanité.

Aujourd’hui, l’Institution Maçonnique Universelle rassemble plus de 200 obédiences à travers le monde et en accueille toujours plus. Christian Belloc en est le président mondial et par ailleurs Grand Maitre en France de la Grande Loge Nationale des Rites Maçonniques.

La Franc-maçonnerie et le troisième Œil : transcender l’égo spirituel

De notre confrère elnacional.com

L’Ombre et la Lumière Intérieure

« La lumière véritable naît dans l’ombre de soi-même », une idée inspirée du psychologue Carl G. Jung, qui explorait les profondeurs de l’inconscient pour révéler les vérités cachées de l’âme. Cette réflexion nous invite à emprunter un chemin à la fois accessible et profondément transformateur : celui de l’exploration de l’ego spirituel, ce compagnon inévitable que chacun porte en soi, qu’il soit profane ou initié. Dans la franc-maçonnerie, où la quête de lumière est au cœur de l’initiation, comprendre et transcender cet ego est une étape cruciale. L’ego, dans sa forme positive, agit comme un moteur terrestre, nous incitant à chercher la vérité, à nous dépasser et à grandir sur le plan humain.

Il nous pousse à poser des questions, à explorer les mystères de l’existence et à nous engager dans une démarche initiatique. Mais ce même ego devient un obstacle majeur lorsqu’il se transforme en égoïsme, nous enfermant dans la certitude arrogante d’avoir toujours raison, nous éloignant de l’humilité essentielle à une véritable quête spirituelle. Cet égoïsme spirituel, loin d’élever l’âme, la rabaisse, en nous isolant des autres et en nous coupant de la lumière universelle que la franc-maçonnerie aspire à révéler.

L’Ego Spirituel : Un Piège dans les Traditions Spirituelles

Certaines traditions spirituelles, lorsqu’elles succombent à un ego spirituel exacerbé, se proclament détentrices exclusives de la vérité, cherchant à dominer autrui par une prétendue supériorité. Ce travers, qui trouve ses racines dans un manque de conscience véritable, divise les hommes au lieu de les rassembler. Historiquement, des institutions religieuses, comme certaines branches dogmatiques du christianisme médiéval ou des mouvements sectaires contemporains, ont utilisé leur « vérité » comme une arme pour imposer leur autorité, souvent au détriment de la liberté individuelle et de la diversité spirituelle. L’ego spirituel, dans ces cas, crée des illusions, déformant la réalité à travers une clairvoyance autoproclamée. Il nous fait nous sentir supérieurs à ceux qui, selon nous, n’ont pas encore trouvé leur chemin, qu’il s’agisse de profanes ou de frères d’une autre obédience. En franc-maçonnerie, ce danger est tout aussi présent : un maçon, fier de ses grades ou de ses connaissances symboliques, peut tomber dans le piège de se croire supérieur à ses pairs ou aux non-initiés, oubliant que l’initiation est un chemin d’humilité et non de domination.

À l’inverse, l’esprit authentique, tel que célébré dans les rituels maçonniques, unifie et répare ce qui est brisé. Le compas et l’équerre, symboles fondamentaux, nous rappellent l’importance de l’équilibre et de l’harmonie, non seulement dans nos travaux, mais aussi dans nos relations avec les autres. L’ego, en revanche, est terrestre et bavard : il cherche à tout expliquer, à tout justifier, incapable de se taire face au mystère. Un maçon qui se laisse dominer par son ego spirituel pourrait, par exemple, multiplier les discours pompeux sur le sens des symboles lors d’une tenue, sans jamais écouter les apports de ses frères, ni se laisser toucher par le silence méditatif qui suit une planche. Ce besoin de briller intellectuellement est l’antithèse de la quête maçonnique, qui valorise l’écoute, la réflexion intérieure et la fraternité.

Les Racines de l’Ego Spirituel : Un Manque de Connexion Intérieure

Ca’ Rezzonico – Eraclito 1705 – Giuseppe Torretti

L’ego spirituel surgit d’un manque fondamental de connexion avec notre être intérieur, ce centre sacré que la franc-maçonnerie appelle à découvrir à travers l’initiation. Trop souvent, il se nourrit d’une approche purement intellectuelle, confondant savoir et expérience vécue. Un maçon qui accumule des connaissances sur les rituels, les symboles ou les grades, mais qui ne les intègre pas dans une pratique intérieure, risque de tomber dans ce piège. Il prend ce qu’il sait – ou croit savoir – pour la vérité absolue, sans jamais l’expérimenter dans le creuset de son âme. La franc-maçonnerie, particulièrement dans des rites comme le Rite Écossais Ancien et Accepté (REAA), enseigne pourtant que la véritable initiation passe par le silence intérieur. C’est dans ce silence que la parole et les actes deviennent le reflet d’une plénitude spirituelle, loin des illusions de l’ego. Le « troisième œil » maçonnique, symbole de la vision intérieure, ne s’ouvre que lorsque l’on dépasse les apparences et les certitudes superficielles pour atteindre une compréhension profonde de soi et de l’univers.

Prenons un exemple concret : un apprenti maçon, fasciné par les mystères du tableau de loge, pourrait passer des heures à déchiffrer ses symboles – le soleil, la lune, les colonnes – et à en débattre avec ses frères. Mais s’il ne prend pas le temps de méditer sur ce que ces symboles signifient pour lui, s’il ne les laisse pas résonner dans son cœur, il risque de se perdre dans une quête intellectuelle stérile, alimentant son ego spirituel au lieu de progresser sur le chemin initiatique. La franc-maçonnerie, en plaçant la connaissance de soi au centre de son enseignement, nous rappelle que la lumière ne vient pas de l’extérieur, mais de l’intérieur, et que cette lumière ne peut être atteinte sans un travail patient et humble.

Les Dangers de l’Ego Spirituel en Franc-Maçonnerie

Un Memento mori en mosaïque (ier siècle apr. J.-C.) accompagné de l’inscription Gnothi seauton. Provient des excavations de l’église San Gregorio al Celio (Rome) ; actuellement au Musée des Thermes de Dioclétien.

En approfondissant cette quête intérieure, l’ego spirituel peut se manifester sous une forme insidieuse : la supériorité autoproclamée. Un maçon, parvenu à un grade élevé comme celui de Maître ou de Vénérable Maître, pourrait croire que ses avancées spirituelles le placent au-dessus de ses frères ou des profanes. Ce piège est d’autant plus fréquent en franc-maçonnerie que la structure hiérarchique des grades peut, si elle est mal comprise, nourrir un sentiment de supériorité. Un Maître Maçon, par exemple, pourrait regarder de haut un nouvel apprenti, oubliant que l’initiation est un chemin continu, où nul n’atteint jamais un sommet définitif. Ce comportement engendre des divisions au sein des loges, des dogmatismes inutiles, et freine la croissance collective qui est pourtant l’un des idéaux maçonniques.

Pour surmonter ce piège, il est essentiel de cultiver les vertus maçonniques fondamentales : l’humilité, la compassion et le partage des connaissances. Reconnaître la valeur des parcours d’autrui, qu’il s’agisse d’un frère d’une autre loge ou d’un profane, est une marque de véritable initiation. La franc-maçonnerie, dans son essence, est une fraternité égalitaire : le tablier, qu’il soit celui d’un apprenti ou d’un Vénérable Maître, est un symbole d’unité, non de supériorité. La véritable conscience éveillée, débarrassée des distorsions de l’ego, nous connecte à notre centre, là où réside notre lumière intérieure. Cette lumière n’est pas un trophée à exhiber, mais une flamme à partager avec humilité et amour.

Le Chemin Maçonnique : Une Ouverture à la Conscience Universelle

un sculpteur assis - Tableau de Bernard Bonave
Tableau de Bernard Bonave

Le chemin maçonnique vers la lumière n’est pas un voyage vers une divinité extérieure, comme dans certaines traditions religieuses, mais une ouverture progressive à la Grande Conscience Universelle dont nous faisons partie. La franc-maçonnerie, en rejetant les dogmes imposés, nous invite à comprendre que nous sommes tous des fragments de cette conscience, égaux dans notre essence. Croire que nous sommes des élus, dépositaires d’une vérité inaccessible aux autres, est une manifestation d’ego spirituel, teintée d’arrogance. Cette croyance, fréquente dans certaines traditions spirituelles, est contraire à l’esprit maçonnique, qui célèbre l’universalité de la lumière et la fraternité entre tous les hommes.

Dans l’existence, nul n’est supérieur à autrui. Les grades maçonniques, bien que structurés, ne sont pas des marqueurs de supériorité, mais des étapes dans un voyage intérieur. Un Vénérable Maître, par exemple, n’est pas « au-dessus » d’un apprenti : il est simplement plus avancé sur le chemin, et sa responsabilité est de guider, non de dominer. Nos actes doivent être guidés par l’amour, non par le sacrifice ou le besoin de reconnaissance. Le sacrifice, lorsqu’il est motivé par l’ego, devient une forme d’autoglorification déguisée. L’amour, en revanche, transcende l’ego et illumine notre chemin, en nous reliant aux autres et à l’univers.

Écouter le Maître Intérieur : La Voie de l’Initiation Authentique

Delta Rayonnant
Triangle maçonnique avec son oeil

La franc-maçonnerie, en plaçant la connaissance de soi au cœur de son enseignement, nous invite à écouter notre maître intérieur, cette voix douce et patiente qui parle dans le silence. Méditation, introspection et simplicité sont des outils essentiels pour entendre cette guidance. Les rituels maçonniques, avec leurs moments de recueillement et de silence, nous préparent à cette écoute. Par exemple, lors de l’initiation au premier degré, le passage dans le cabinet de réflexion est une invitation à se confronter à soi-même, à faire taire l’ego pour entendre la voix de l’âme.

« La sagesse ne s’acquiert pas dans les livres, mais dans le calme de l’âme », une idée inspirée de Pierre Rabhi, penseur humaniste et défenseur de la simplicité. L’ego spirituel, avide de reconnaissance, nous pousse à accumuler des savoirs pour briller en société ou en loge. Un maçon pourrait, par exemple, se vanter de connaître par cœur les rituels du REAA ou les significations ésotériques de la Kabbale, sans jamais les avoir intégrés dans sa vie quotidienne. Mais la véritable initiation maçonnique nous appelle à devenir des sages, non des érudits. La sagesse maçonnique se manifeste dans l’humilité, dans la capacité à partager la lumière avec amour, et dans le respect des parcours d’autrui.

Vers une Spiritualité Universelle et Fraternelle

le 3e oeil

En conclusion, la franc-maçonnerie, à travers sa quête du troisième œil – symbole de vision intérieure et de conscience éveillée – nous offre un chemin pour transcender l’ego spirituel. Ce chemin n’est pas exempt de défis : l’ego, compagnon terrestre, est un outil nécessaire à notre développement, mais il peut nous égarer s’il se mue en égoïsme ou en arrogance spirituelle. La franc-maçonnerie nous enseigne que la véritable lumière ne vient pas de la domination ou de la supériorité, mais de l’humilité, de la fraternité et de l’amour. En nous connectant à notre être intérieur, en écoutant la voix douce de notre maître intérieur, nous pouvons dépasser les illusions de l’ego et nous ouvrir à la Grande Conscience Universelle, dont nous sommes tous une partie. Ainsi, la franc-maçonnerie devient un art de vivre spirituel, un chemin de lumière où l’on apprend à donner sans attendre, à aimer sans juger, et à grandir en harmonie avec l’univers.

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France Culture : Bilan et perspectives par Thierry Zaveroni

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De notre confrère radiofrance.fr

À l’occasion de la fin de son mandat, Thierry Zaveroni, Grand Maître de la Grande Loge de France, revient sur trois années de présidence, placées sous le signe de la spiritualité, de l’ouverture et du dialogue avec la société.

A l’occasion de cette émission, nous recevons Thierry Zaveroni, Grand Maître de la Grande Loge de France, à quelques jours de la fin de son mandat. Trois années à la tête d’une institution initiatique riche d’histoire, fidèle à la tradition du Rite Écossais Ancien et Accepté, mais résolument tournée vers les enjeux contemporains.

Au cœur de cet entretien, un événement historique : la visite du président de la République, Monsieur Emmanuel Macron, à l’Hôtel de la Grande Loge de France, en compagnie de la ministre de la Culture, Rachida Dati.

Une première historique, à l’occasion des 120 ans de la loi de 1905, qui marque une reconnaissance du rôle que peut jouer la franc-maçonnerie et la Grande Loge de France dans le tissu républicain. Pour Thierry Zaveroni, ce moment incarne « une rencontre entre la République et une spiritualité sans dogme », un temps où se rejoignent liberté de conscience et fraternité active.

Revenant sur le sens de la laïcité, il rappelle qu’elle n’est pas un cadre froid, mais un espace de respiration, une promesse de liberté intérieure. Une vision incarnée au sein de la Grande Loge de France, où les loges ne donnent pas aux frères ce qu’ils doivent croire, mais ce qu’ils peuvent chercher.

Nous explorons aussi les grandes orientations de ce mandat : replacer la spiritualité au cœur de la démarche maçonnique, affirmer le rôle du Rite Écossais Ancien et Accepté comme un chemin de verticalité dans un monde saturé d’horizontalité, mais aussi faire de la jeunesse un axe fort. « La jeunesse frappe à la porte de nos temples », rappelle Thierry Zaveroni, soulignant que le désir de sens, de profondeur et de fraternité ne faiblit pas. Par une communication renouvelée, une présence accrue dans la cité et un dialogue constant avec les jeunes frères, l’obédience s’est réaffirmée comme une voie d’engagement intérieur et collectif.

Enfin, Thierry Zaveroni revient sur la dimension universelle de la franc-maçonnerie : les nombreux voyages effectués durant son mandat lui ont montré à quel point les

frères, sur tous les continents, sont unis par une même quête et un même langage symbolique. Il évoque également l’importance de la culture – avec notamment l’ouverture du musée repensé de la Grande Loge de France – comme vecteur de transmission et d’élévation.

À l’heure de quitter ses fonctions, il livre un message simple: « Ne cherchez pas des réponses toutes faites. Cherchez une méthode, un souffle. Notre maçonnerie ne promet rien. Elle propose. » Et de conclure en évoquant le retour au silence comme le plus beau prolongement d’un engagement au service de la Lumière.

Comment concilier la Foi catholique du dimanche matin avec le doute de la quête de Vérité maçonnique du lundi soir ?

La Franc-maçonnerie symboliste s’appuie sur une quête de vérité par la raison et le doute, cherchant une gnose initiatique. Le catholicisme, lui, repose sur une foi absolue en Dieu et en une vérité révélée. Comment une même personne peut-elle cheminer simultanément dans deux voies aussi opposées ? Comment concilier la Foi en un Créateur le dimanche et une quête rationnelle d’unité, fondée sur le doute, le lundi ?

Bien que certains maçons affirment pratiquer les deux sans gêne, l’incompatibilité entre ces chemins antinomiques demeure évidente. Il va sans dire que dans les deux cas, une croyance en un Dieu créateur reste possible. Notre propos ne concerne en aucune manière la croyance. Nous ne parlons là que de la méthode maçonnique comparée à la méthode catholique qui au demeurant s’opposent totalement.

La question de la compatibilité entre la Franc-maçonnerie et le catholicisme est complexe, car elle touche à des convictions spirituelles, philosophiques et institutionnelles qui, en apparence, semblent opposées. D’un côté, la Franc-maçonnerie repose sur une quête de la Vérité, souvent associée à une démarche gnostique, rationnelle et introspective, valorisant le doute et la recherche personnelle. De l’autre, le catholicisme s’appuie sur la foi, l’acceptation des dogmes révélés. Pourtant, des individus prétendent un parvenir.

Voici une exploration détaillée de cette problématique, en expliquant comment une personne peut pratiquer à la fois la Franc-maçonnerie et le catholicisme, les mécanismes qu’elle emploie pour résoudre les contradictions, et les contextes qui rendent cela possible… du moins selon elle.

Les principes fondamentaux : une opposition apparente

Pour comprendre comment une personne peut naviguer entre ces deux univers, examinons d’abord leurs fondements :

Francs-maçons La Grande Loge d’Afrique, novembre 2024. Photo Grande Loge d’Afrique

Franc-maçonnerie : il s’agit d’une démarche initiatique visant l’amélioration morale et intellectuelle de l’individu par un travail sur le symbolisme en tenant compte d’un principe créateur (GADLU) chez les symbolistes. Elle repose sur la recherche de la Vérité. Les maçons sont encouragés à questionner, explorer et construire leur propre compréhension du monde au travers des symboles maçonniques (équerre, compas, acacia…) et des rituels.

Le but de ce travail est de cultiver le principe ternaire qui permet de s’affranchir de la dualité du monde profane. Il émerge ainsi, après des années de pratique, une compréhension innée chez le maçon symboliste de concepts nouveaux, tel que l’abstraction, la substitution et l’impermanence de la vie grâce au principe palingénésique du 3e degré. Cette quête peut être qualifiée de gnostique, au sens d’une recherche de la Connaissance intérieure, bien que le terme soit parfois controversé.

Catholicisme : La foi catholique repose sur la révélation divine, sur les vérités fondamentales (existence de Dieu, résurrection du Christ) acceptées par la foi, fondée sur l’Écriture sainte et la Tradition, interprétées par le magistère de l’Église. L’autorité ecclésiastique, les dogmes, comme l’Immaculée Conception ou la transsubstantiation, sont des vérités non négociables. L’Église revendique une autorité morale sur ses fidèles. La foi contre le doute, si le catholicisme tolère une certaine réflexion théologique (comme chez Thomas d’Aquin), il exige l’adhésion aux vérités révélées, et le doute systématique est vu comme un obstacle à la foi.

Incompatibilité apparente ?

À première vue, ces approches semblent irréconciliables. La Franc-maçonnerie encourage le doute et l’autonomie intellectuelle, tandis que le catholicisme demande une soumission aux dogmes.

Comment concilier les deux ? Les mécanismes de réconciliation

Malgré ces tensions, certains catholiques pratiquent la Franc-maçonnerie, en s’appuyant sur des stratégies personnelles, théologiques et contextuelles pour harmoniser ces engagements. Voici comment ils semblent y parvenir :

Spiritualité

a) Distinction entre sphères spirituelle et philosophique
Approche compartimentée : De nombreux catholiques maçons séparent leur foi religieuse de leur pratique maçonnique. Pour eux, la Franc-maçonnerie est une démarche philosophique et éthique, pas une religion. Ils considèrent que les rituels maçonniques (méditation sur la mort, travail sur la « pierre brute ») ne contredisent pas leur foi, mais complètent leur réflexion sur l’humain. Un catholique maçon pourrait voir le « Grand Architecte de l’Univers » comme une métaphore de Dieu, et les travaux en loge comme une manière de vivre les vertus chrétiennes (charité, fraternité) dans un cadre laïque. Lors des agapes, il pourrait prier intérieurement tout en respectant le pluralisme de la loge.

b) Interprétation personnelle des dogmes
Catholicisme libéral : Certains catholiques adoptent une lecture non littérale des dogmes, s’inspirant de théologiens comme Hans Küng ou Teilhard de Chardin, qui ont exploré des ponts entre foi et modernité. Ils estiment que la foi n’exclut pas le doute, mais l’intègre comme une étape vers une compréhension plus profonde. Par exemple, Saint Augustin lui-même, dans ses Confessions, décrit un cheminement fait de questionnements, proche de la quête maçonnique.

La Loge Roque Pérez n°1 est la plus ancienne de la communauté maçonnique.

Application maçonnique : Un catholique maçon pourrait interpréter le doute maçonnique comme une humilité intellectuelle, alignée avec l’idée chrétienne de ne pas prétendre tout savoir de Dieu. Il pourrait dire : « Je crois en la révélation, mais je cherche à comprendre le monde à travers les symboles maçonniques, sans remettre en cause ma foi. »

c) Choix d’obédiences compatibles
Obédiences régulières : Certaines obédiences maçonniques, comme la GLNF, exigent une croyance en Dieu et s’alignent sur des valeurs proches du christianisme. Elles rejettent le relativisme et insistent sur une spiritualité déiste, ce qui attire des catholiques. Ces loges évitent les débats politiques ou religieux, réduisant les conflits avec la foi.

Exemple historique : En Angleterre, la United Grand Lodge of England (GLUA), fondée le 27 décembre 1813, a toujours accueilli des chrétiens, y compris des catholiques, car elle se concentre sur la morale et la fraternité, sans empiéter sur la théologie. Des figures comme Rudyard Kipling, anglican et maçon, illustraient cette compatibilité.

Pape Leon XIV (Robert Francis Prevost)

d) Foi intérieure vs institution ecclésiastique
Rejet de l’autorité papale : Certains catholiques maçons, tout en restant attachés à la spiritualité chrétienne, prennent leurs distances avec les injonctions de l’Église. Ils estiment que la condamnation de la Franc-maçonnerie par le Vatican est datée (liée à des conflits politiques du XIXe siècle, comme l’anticléricalisme en France) et ne s’applique pas à leur pratique personnelle.

Exemple : Un catholique pourrait dire – « Je suis chrétien dans mon cœur, mais je ne suis pas les encycliques à la lettre. La maçonnerie m’aide à vivre ma foi de manière plus universelle. » Cette approche est courante dans des pays comme la France, où la laïcité favorise une dissociation entre foi personnelle et autorité religieuse.

e) Synthèse spirituelle
Éclectisme spirituel : Certains maçons catholiques adoptent une vision syncrétique, voyant des parallèles entre les symboles maçonniques et chrétiens. Par exemple, la chaîne d’union maçonnique peut rappeler la communion des saints, et le memento mori du cabinet de réflexion fait écho à la méditation chrétienne sur la mort (Ars moriendi). Pierre Mollier, dans La Franc-maçonnerie (2019), note que « de nombreux maçons chrétiens perçoivent les rituels comme une extension de leur foi, pas une contradiction ».

Exemple : Un maçon catholique pourrait méditer sur la mort dans le rituel du 3e degré (Maître) comme une réflexion christique sur la résurrection, tout en participant à la messe le dimanche.

Contexte historique : une coexistence parfois possible

Historiquement, des catholiques ont pratiqué la Franc-maçonnerie, malgré les condamnations officielles, en s’appuyant sur des contextes locaux ou des interprétations personnelles :

Siège de la GLUA à Londres
Siège de la GLUA à Londres

XVIIIe siècle : À ses débuts, la Franc-maçonnerie moderne (post-1717) était largement chrétienne. En Angleterre et en Allemagne, les loges accueillaient des catholiques sans conflit majeur. En France, des prêtres étaient maçons, comme l’abbé Gérard de Nerval (père du poète), jusqu’à ce que les tensions avec l’Église s’intensifient sous la Révolution française.

XIXe siècle : En France, l’anticléricalisme du GODF (notamment sous la IIIe République) a creusé un fossé avec l’Église, mais des catholiques modérés, comme Charles Dupanloup, évêque d’Orléans, ont dialogué avec des maçons sur des questions éducatives. En Italie, des catholiques libéraux, opposés au pouvoir temporel du pape, rejoignaient des loges.

XXe siècle : Après Vatican II (1962-1965), certains catholiques, influencés par l’ouverture de l’Église, ont exploré la maçonnerie, surtout dans des obédiences régulières. En 1974, le cardinal Franjo Šeper a assoupli la position du Vatican, suggérant que seules les loges anticléricales étaient problématiques, avant que Jean-Paul II ne réaffirme l’interdiction en 1983.

Exemple notable : Oswald Wirth (1860-1943), maçon et occultiste, se considérait comme un « chrétien ésotérique » et voyait la maçonnerie comme un complément à la spiritualité catholique, bien qu’il ait rejeté l’autorité du Vatican.

Tensions et défis : foi et doute ne sont-ils pas incompatibles ?

La question centrale – « on ne peut pas être simultanément dans la foi et dans le doute » – mérite un examen approfondi. Voici comment les catholiques maçons gèrent cette tension :
Foi et doute complémentaires : Contrairement à une vision binaire, de nombreux croyants vivent la foi comme un cheminement, pas une certitude figée. Le théologien Paul Tillich (XXe siècle) définit la foi comme « le courage d’accepter le doute ». Un maçon catholique pourrait appliquer cette idée, utilisant le doute maçonnique pour approfondir sa foi, par exemple en méditant sur les mystères chrétiens (Incarnation, Trinité) à travers les symboles maçonniques.

Pratique sélective : Certains évitent les aspects de la maçonnerie qui pourraient heurter leur foi. Par exemple, dans une loge du GODF, où les discussions peuvent être anticléricales, un catholique pourrait se concentrer sur les rituels symboliques et ignorer les débats politiques.

Conflits internes : La conciliation n’est pas toujours aisée. Un catholique maçon peut ressentir une dissonance, surtout face à la désapprobation de son prêtre ou de sa communauté. Certains choisissent de pratiquer la maçonnerie en secret, tandis que d’autres abandonnent l’un des deux engagements.

Comment font-ils concrètement ?

Les catholiques maçons adoptent des stratégies pratiques pour vivre leur double engagement.

Dialogue avec le clergé : Certains discutent avec des prêtres ouverts, qui tolèrent leur engagement maçonnique s’il reste discret et non anticlérical. Dans des pays comme les États-Unis, où les relations entre Église et maçonnerie sont moins tendues, cette approche est plus courante.

Choix de loges spécifiques : Ils privilégient des obédiences ou des loges axées sur la spiritualité, qui intègrent des références au « Grand Architecte » et évitent les polémiques religieuses.

Engagement sélectif : Ils participent aux rituels et aux travaux maçonniques qui renforcent leur foi (par exemple, méditations sur la mort ou la fraternité), tout en restant actifs dans leur paroisse (messe, catéchisme).

Rationalisation personnelle : Ils construisent une synthèse intellectuelle, voyant la maçonnerie comme un outil pour vivre leur foi de manière plus universelle. Un maçon catholique pourrait dire : « En loge, je cherche la vérité humaine ; à l’église, je trouve la vérité divine. »

Une personne peut pratiquer à la fois la Franc-maçonnerie et le catholicisme en adoptant une approche compartimentée, en réinterprétant les dogmes, en choisissant des obédiences compatibles, ou en privilégiant une foi intérieure sur l’autorité ecclésiastique. Ces catholiques maçons résolvent l’apparente incompatibilité entre foi et doute en voyant le doute comme un complément à la foi, non comme une menace. Ils s’appuient sur une synthèse personnelle, où la quête maçonnique enrichit leur spiritualité chrétienne, et sur des contextes (obédiences régulières, laïcité) qui facilitent cette coexistence.

Cependant, cette conciliation reste fragile, car elle heurte la position officielle de l’Église et peut susciter des tensions communautaires. Les catholiques maçons doivent naviguer entre leur conscience, leur foi, et les attentes de leurs deux univers, un exercice d’équilibre digne d’un funambule. Comme le résume Alain Bauer, ancien grand maître du GODF, dans Le Crépuscule des frères (2012) : « La maçonnerie n’est pas une religion, mais un miroir où chacun projette sa quête. Pour un catholique, ce miroir peut refléter le Christ ou l’acacia – à lui de choisir. »

La double contrainte : une tension réelle mais surmontable

La double contrainte, concept popularisé par le psychologue Gregory Bateson, désigne une situation où une personne reçoit des injonctions contradictoires (par exemple, « doute de tout » vs « crois sans questionner »), créant un conflit interne qui peut engendrer stress, confusion, ou dissociation. Appliquée à cette question, un catholique maçon pourrait sembler pris dans une telle tension :

Lundi, en loge, Il pratique le doute méthodique, questionne les vérités établies, et explore des symboles comme le memento mori ou la « pierre brute » dans une démarche introspective et pluraliste. Dimanche, à l’église, il adhère à la foi, accepte les dogmes (comme la résurrection du Christ), et s’abandonne à une vérité révélée, souvent dans un cadre communautaire.

Cette oscillation pourrait, en théorie, créer une forme de « schizophrénie spirituelle », entendue non pas comme une pathologie clinique, mais comme une fragmentation de l’identité spirituelle, où l’individu lutte pour maintenir une cohérence intérieure. Cependant, de nombreux catholiques maçons parviennent à éviter cette fracture en adoptant des stratégies psychologiques et spirituelles qui intègrent ces deux postures, transformant la tension en une dynamique constructive.

Mécanismes psychologiques pour éviter la schizophrénie spirituelle

Pour s’élever spirituellement sans se perdre dans la double contrainte, l’individu doit construire une synthèse intérieure, en s’appuyant sur des mécanismes psychologiques et des cadres philosophiques. Voici comment :

a) Intégration cognitive : une synthèse personnelle
Reformulation des contradictions : Plutôt que de voir foi et doute comme opposés, le catholique maçon peut les considérer comme complémentaires. Le doute maçonnique n’est pas un rejet de la foi, mais une exploration rationnelle qui enrichit la compréhension spirituelle. Par exemple, remettre en question les institutions humaines (comme l’autorité de l’Église) ne signifie pas douter de Dieu, mais chercher une vérité plus profonde. Comme le théologien Paul Tillich l’écrit dans The Courage to Be (1952), « le doute n’est pas l’opposé de la foi ; il en est un élément. La foi sans doute devient fanatisme. »

Exemple pratique : Un maçon catholique pourrait méditer sur la mort dans le cabinet de réflexion maçonnique (où l’on trouve memento mori) comme une préparation à la vie éternelle promise par le christianisme. Le doute sur les vanités terrestres renforce sa foi en un au-delà, créant une continuité entre les deux pratiques.

b) Cohérence narrative : construire un récit unifié
Identité spirituelle intégrée : Les psychologues comme Dan McAdams (théorie du « récit de vie ») montrent que les individus maintiennent leur cohérence en construisant une histoire personnelle qui donne sens à des expériences contradictoires. Un catholique maçon pourrait se raconter ainsi : « Ma foi me donne une ancre divine, et ma quête maçonnique m’aide à polir mon âme pour être un meilleur chrétien. » Ce récit unifie les deux démarches, évitant la fragmentation.

c) Gestion émotionnelle : accepter l’ambiguïté
Tolérance à l’ambiguïté : La psychologie montre que les individus capables d’accepter l’incertitude sont moins vulnérables aux conflits internes. Un catholique maçon peut embrasser la tension entre foi et doute comme une richesse, plutôt qu’une menace. Carl Jung, dans Psychologie et religion (1938), suggère que les contradictions spirituelles sont des « opposés nécessaires » pour atteindre l’individuation, un état d’harmonie intérieure.

Application : En loge, le maçon catholique peut ressentir un inconfort face à des discussions laïques, mais il apprend à l’accepter comme une épreuve spirituelle, semblable aux doutes des mystiques chrétiens (comme Thérèse d’Avila). À l’église, il peut prier pour que sa quête maçonnique soit guidée par Dieu, transformant l’ambiguïté en une offrande.

Approches spirituelles : foi et doute comme chemin d’élévation
L’élévation spirituelle, dans ce contexte, consiste à transcender la dualité foi/doute pour atteindre une compréhension plus profonde de soi et du divin. Voici comment un catholique maçon peut y parvenir :

a) Le doute comme outil de foi
Doute constructif : Contrairement à un doute destructeur (qui rejette la foi), le doute maçonnique est méthodique, visant à éliminer les préjugés et à affiner la pensée. Un catholique peut l’utiliser pour purifier sa foi des superstitions ou des dogmatismes humains. Par exemple, questionner l’infaillibilité papale ne remet pas en cause la croyance en Dieu, mais pousse à une foi plus personnelle. Saint Jean de la Croix, dans La Nuit obscure, décrit un processus similaire : le doute et l’aridité spirituelle sont des étapes vers une union plus profonde avec Dieu.

Exemple maçonnique : Lors du rituel du 3e degré (Maître Maçon), le candidat « meurt » symboliquement pour renaître. Un catholique pourrait y voir une métaphore de la résurrection, où le doute sur l’ego terrestre renforce la foi en l’éternité.

b) Foi comme ancre, doute comme voile
Métaphore nautique : La foi catholique agit comme une ancre, offrant stabilité et sens (la promesse du salut, la communauté ecclésiale). Le doute maçonnique est une voile, permettant d’explorer de nouveaux horizons spirituels sans perdre de vue le port. Ensemble, ils propulsent l’individu vers une élévation spirituelle, où la foi donne la direction et le doute élargit la perspective.

Illustration : Un maçon catholique pourrait méditer sur le compas maçonnique (symbole d’ouverture) comme un rappel de l’amour universel du Christ, et sur l’équerre (symbole de rectitude) comme une invitation à vivre selon les Évangiles. Cette synthèse l’élève en le rendant plus conscient de sa mission spirituelle.

c) Mystique et gnose : une convergence possible
Parallèles mystiques : La Franc-maçonnerie, avec sa quête gnostique (connaissance intérieure), partage des points communs avec la mystique chrétienne, où l’âme cherche une union directe avec Dieu. Des figures comme Maître Eckhart ou Thérèse d’Avila décrivent un cheminement intérieur fait de doutes, de purifications, et de révélations, proche de l’initiation maçonnique. Un catholique maçon peut voir la loge comme un espace mystique, où il approfondit sa relation avec le divin.

Exemple : En travaillant sur la « pierre brute » (symbole de l’âme imparfaite), il pourrait prier pour que Dieu l’aide à se transformer, unissant la gnose maçonnique à la grâce chrétienne.

Éviter la schizophrénie : une question d’équilibre

La « schizophrénie spirituelle » peut être évitée si l’individu maintient un équilibre entre foi et doute, en évitant les extrêmes (fanatisme religieux ou relativisme absolu). Voici des pratiques concrètes :
Rituel et prière : Les rituels maçonniques (méditation, chaîne d’union) et les pratiques catholiques (messe, confession) offrent des cadres structurés qui canalisent les tensions. Par exemple, un maçon catholique peut commencer une tenue maçonnique par une prière silencieuse, alignant son intention avec sa foi.

Dialogue intérieur : Il peut tenir un journal spirituel, où il note ses réflexions en loge et à l’église, cherchant des ponts entre les deux. Par exemple, il pourrait écrire : « Aujourd’hui, en loge, j’ai médité sur la fraternité ; cela m’a rappelé l’amour du prochain prêché par Jésus. »

Communauté choisie : Il privilégie des loges et des paroisses tolérantes, où ses engagements ne sont pas jugés. Une loge de la GLDF, avec sa spiritualité déiste, ou une paroisse progressiste, influencée par Vatican II, réduisent les conflits.

Mentors spirituels : Un directeur de conscience (prêtre) ou un parrain en maçonnerie peut l’aider à intégrer ses pratiques. Par exemple, un prêtre jésuite, formé à la réflexion critique, pourrait guider un maçon catholique sans le condamner.

Risque résiduel : Malgré ces stratégies, la double contrainte peut persister si l’individu est confronté à des jugements (par exemple, un curé qui lui refuse l’absolution) ou à des débats anticléricaux en loge. Dans ce cas, il doit renforcer sa résilience psychologique, en s’appuyant sur sa conviction que foi et doute sont des facettes d’une même quête.

Élévation spirituelle : transformer la tension en croissance

Loin d’être un obstacle, la tension entre foi et doute peut devenir un moteur d’élévation spirituelle, si elle est abordée comme une dialectique :

Dialectique hégélienne : Le philosophe Hegel décrit le progrès comme une synthèse issue de contradictions (thèse/antithèse). La foi (thèse) et le doute (antithèse) peuvent produire une synthèse : une spiritualité mature, où l’individu croit tout en restant ouvert à la complexité du monde. Cette synthèse est l’élévation spirituelle.

Pratique maçonnique : Les rituels maçonniques, comme la méditation sur le memento mori ou la chaîne d’union, encouragent l’humilité et la fraternité, des vertus qui renforcent la foi chrétienne. En loge, l’individu apprend à écouter des perspectives diverses, ce qui l’aide à vivre sa foi de manière moins dogmatique.

Pratique catholique : La prière, la contemplation, et les sacrements (comme l’Eucharistie) ancrent l’individu dans une relation intime avec Dieu, lui donnant la force de supporter les doutes maçonniques sans perdre son cap spirituel.

Témoignages et exemples historiques

Des figures historiques et contemporaines illustrent cette conciliation :

Oswald Wirth (1860-1943) : Maçon et chrétien ésotérique, il voyait la maçonnerie comme une voie pour explorer les mystères chrétiens hors des dogmes rigides. Dans Le Livre du Maître (1922), il écrit : « La maçonnerie n’oppose pas la raison à la foi, mais les unit dans une quête de lumière. »

Père François Roullet : Ce prêtre dominicain français, maçon dans les années 1970, estimait que la maçonnerie l’aidait à mieux comprendre la fraternité universelle prônée par le Christ. Bien que controversé, il incarnait une tentative de synthèse (cité dans Les Frères invisibles, Lecadre & Ottenheimer, 2001).

Risques et limites

Malgré ces mécanismes, l’élévation spirituelle peut être entravée si :

Conflit communautaire : La désapprobation d’une paroisse ou d’une loge peut isoler l’individu, renforçant la double contrainte.

Déséquilibre : Si le doute maçonnique devient relativisme (tout se vaut), ou si la foi devient dogmatisme (aucune question permise), l’individu perd sa cohérence.

Épuisement psychologique : La tension constante peut fatiguer, surtout si l’individu manque de soutien spirituel ou psychologique.

Pour éviter ces écueils, l’individu doit cultiver l’humilité, accepter ses limites, et chercher des espaces de dialogue (comme des loges œcuméniques ou des groupes interreligieux).

Une spiritualité enrichie par la tension

Chapiteau maçonnique avec équerre et compas
Chapiteau maçonnique avec équerre et compas

Un catholique maçon peut s’élever spirituellement en transformant la tension entre foi et doute en une dynamique de croissance, plutôt qu’en une source de schizophrénie. En intégrant ces deux postures – la foi comme ancre, le doute comme voile – il construit une spiritualité riche, où la quête maçonnique de vérité éclaire la foi chrétienne, et où la foi donne un sens ultime à la quête. Cette synthèse demande discipline, résilience, et une tolérance à l’ambiguïté, mais elle peut conduire à une compréhension plus profonde de soi, des autres, et du divin.

Comme le dit Carl Jung : « L’âme humaine est un champ de bataille où s’affrontent les opposés ; c’est dans ce combat qu’elle trouve son unité. » Pour le catholique maçon, ce combat est une initiation continue, où chaque doute est une pierre polie, et chaque acte de foi un pas vers la lumière. Loin d’être schizophrénique, cette dualité peut être une alchimie spirituelle, transformant la tension en or.

Références

  • Tillich, P., The Courage to Be, Yale University Press, 1952.
  • Jung, C., Psychologie et religion, Buchet/Chastel, 1938.
  • Mollier, P., La Franc-maçonnerie, PUF, 2019.
  • Lecadre, R., & Ottenheimer, G., Les Frères invisibles, Albin Michel, 2001.
  • Wirth, O., Le Livre du Maître, Dervy, 1922.
  • McAdams, D., The Stories We Live By, Guilford Press, 1993.

Le Grand Orient de Suisse s’engage pour l’humanité et le vivant

Le 13 mai 2025, à Genève, au cœur du Palais des Nations, le Grand Orient de Suisse, par l’intermédiaire de son Grand Maître Christophe Ravel, a signé la Déclaration Universelle des Droits de l’Humanité, à l’occasion de son 10e anniversaire. Un acte fort, posé dans un lieu symbolique, au nom d’une prise de position claire : refuser l’indifférence face à l’urgence écologique et affirmer une responsabilité collective.

Christophe Ravel Grand Maître du Grand Orient de Suisse

En apposant sa signature, le Grand Orient de Suisse devient la première obédience maçonnique au monde à s’engager officiellement en faveur de ce texte. Ce geste dépasse la simple symbolique : il constitue le point de départ d’un engagement éthique, citoyen et fraternel, que nous souhaitons ouvert et partagé.

Une déclaration fondatrice pour notre époque

Proposée en 2015 à l’initiative de la France, cette Déclaration complète la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, en l’adaptant aux enjeux du XXIe siècle. Elle s’articule autour de quatre principes fondateurs :

  • La responsabilité,
  • La dignité humaine,
  • L’équité intergénérationnelle,
  • La pérennité du vivant.

Elle reconnaît six droits fondamentaux – notamment le droit à un environnement sain, à la paix, à la sécurité alimentaire, à la justice climatique – et, fait notable, énonce également six devoirs universels. Ce double registre, rarement équilibré, rappelle que nos droits n’ont de sens que s’ils sont portés par des responsabilités partagées.

Pour notre obédience, cette signature n’est ni un geste d’apparat, ni une opération de communication. Elle marque une rupture volontaire avec l’inertie, et un appel à sortir des postures. Car les faits sont là : les écosystèmes s’effondrent, les équilibres climatiques sont rompus, la sécurité alimentaire mondiale est menacée.

François Gemenne à la librairie Mollat de Bordeaux en janvier 2023

Comme l’a exprimé François Gemenne, spécialiste reconnu du climat et des migrations environnementales, cette Déclaration est sans doute l’un des premiers textes à intégrer pleinement les enjeux de l’Anthropocène – cette ère où l’impact humain devient le principal facteur de transformation de la planète.

Historiquement, la franc-maçonnerie s’est engagée pour les droits, la justice, la liberté de conscience. Mais sur les questions environnementales, nous n’avons clairement pas encore assez fait. Le Grand Orient de Suisse reconnaît cette carence et souhaite aujourd’hui s’impliquer. Il s’agit non seulement de signer, mais surtout d’agir avec lucidité, cohérence et constance.

Nous voyons dans cette Déclaration un outil de transformation profonde, intérieure autant que collective. Il nous revient désormais de mobiliser nos loges, interpeller les institutions, favoriser la prise de conscience et soutenir des actions concrètes dans la société.

Bâtir une dynamique inter-obédientielle

L’enjeu dépasse nos seules frontières. Le Grand Orient de Suisse a engagé un dialogue avec les obédiences amies et les organisations maçonniques internationales afin de favoriser une signature collective. Car la voix maçonnique, lorsqu’elle est unie autour de ses valeurs fondamentales, peut faire entendre un message de raison, de solidarité et de responsabilité dans le débat public. Nous verrons si cette initiative trouvera un écho favorable.

La Déclaration Universelle des Droits de l’Humanité ne propose pas seulement un cadre environnemental : elle trace les lignes d’un nouveau contrat moral entre l’homme, le vivant et les générations futures.

Nous le savons : signer un texte ne suffit pas. Comme nous l’avons souligné sur le site du Grand Orient de Suisse, le véritable levier du changement est en chacun de nous. Il ne s’agit pas seulement de proclamer des principes, mais de transformer nos habitudes, repenser nos priorités, réduire notre empreinte.

Changer nos modes de consommation, privilégier la sobriété, faire des choix éclairés – voilà les premiers pas d’un engagement sincère. La transition écologique est aussi une conversion intérieure. Elle suppose un effort éthique, un courage moral, et pour nous, un devoir initiatique.

L’humanité traverse une crise profonde, multiple et structurelle. Les réponses à y apporter ne peuvent être fragmentées. Elles exigent vision, coopération et volonté.

La Déclaration Universelle des Droits de l’Humanité est un outil puissant. Mettons-le en œuvre. Donnons-lui une réalité concrète, qu’elle inspire nos actions locales, nos politiques publiques, nos engagements citoyens. Plus que jamais, l’avenir dépend de notre capacité à concilier conscience, courage et responsabilité.

Le Grand Orient de Suisse

www.g-o-s.org

Patrick Carré : poète, philosophe et Franc-maçon… nous offre des poèmes

Patrick Carré, né le 14 janvier 1953, est un poète, philosophe, artiste et Franc-maçon français, figure notable de la spiritualité maçonnique. Initié à 23 ans à la Grande Loge de France, diplômé en philosophie (Université de Rennes), en gestion (IGR, Enass), et en arts plastiques (Institut Van der Kelen-Logelain, Bruxelles), il est également potier-tourneur certifié.

Son œuvre, riche de poèmes et d’essais philosophiques, explore l’initiation traditionnelle et la quête spirituelle. Son livre Francs-Maçons Alchimistes (2015, LiberFaber) met en parallèle les rituels maçonniques du REAA et les traités alchimiques, proposant une lecture dynamique des symboles pour guider les maçons vers un accomplissement intérieur. Son site, Patrick Carré Poésie (www.patrick-carre-poesie.net) (www.patrick-carre-poesie.net), avec plus de 800 000 visiteurs, est une référence en langue française sur l’initiation maçonnique.

Carré contribue régulièrement à des conférences, comme celle sur « Alchimie et Langue des Oiseaux » (2016, GLFF), et partage sa vision de la maçonnerie comme un chemin de transformation, ancré dans la raison et l’humanisme. En 2025, il intervient dans 450.fm, abordant l’alchimie maçonnique. Son credo : « Être bien en soi-même, sans se déconnecter du chaos ambiant. »

Il sera conférencier pour la 17e croisière maçonnique

Poèmes d’un Franc-Maçon

La Voûte Étoilée

Avant de prendre à l’heure pour aller méditer
Un train de mots filant dans le ciel des idées
Attardons-nous séant sous cette immensité
Dardées d’étoiles de noires flammes glacées

Jouons à nous laisser prendre au filet doré
À reconnaître un sens même au vide insensé
À penser et comprendre le pourquoi adoré
Du comment en latence de points illuminés

Jouons à nous étendre dans cette infinité
Transparente et puissante déesse d’éternité
Vibrante résonnance d’un tout dans l’unité
Absorbant nos silences et nos cœurs inspirés

Toute cette transcendance
Nourrît l’humanité
Qui revit en conscience
Survit dans les nuées

Ses cris tendres et secrets
Emmaillotés de sens
Babillent sans défense
Les mots frais et sucrés

D’un enfant qui dérange
Sans tache et sans regret
Encore proche des anges
Loin de tous ses aînés

Qui s’encombrent de sens
Sombres de gravité
Pourvus d’intelligence
Mais pauvres en vérité

La rencontre d’un mot ou d’une idée est toujours essentielle dans un poème ou une planche. Ils sortent soudain de l’anonymat du langage « courant » pour embraser le vocabulaire et donnent à vivre au poète ou au Maçon l’expérience saisissante de « marcher à son pas » dans le temps subtil de l’inspiration, loin du temps linéaire des discours sans relief du quotidien. On entre ainsi en Poésie comme en Maçonnerie par des mots d’esprit qui jaillissent en nous de sources profondes, gonflent le flot d’autres mots et idées jusqu’aux grands deltas à l’orient des Loges. Je vis personnellement comme des rencontres ces inspirations, jusqu’à me souvenir souvent des moments où elles surgissent dans mon imaginaire, tel « Être Ici et Maintenant », dans l’état d’esprit de celles et ceux qui travaillent sur eux-mêmes pour sortir de la douce errance de la pensée, les sens et le mental grands ouverts à ce qu’ils perçoivent en s’ancrant (en s’encrant) dans le présent.

« Être ici et maintenant,
C’est nettoyer les abords
De l’Être, ses ornements,
Les parvis du Temple intérieur,
Distinguer l’envers de l’endroit,
Le sanctuaire de ses décors,
La lumière de la chaleur,
Ceux qui regardent de ceux qui voient.

Être ici et maintenant,
C’est le vouloir, et le sachant
Se voir voyant sans être sage,
Sans en rechercher la cause
Être avec l’autre en symbiose,
En harmonie, en partage,
Cœur et conscience à l’ouvrage
Pour élever l’homme à la rose.

Être ici et maintenant,
C’est renouveler l’espace
Immédiat indéfiniment,
Se dire je vois, je remplace,
Régulièrement, à toute heure,
Percer, voir l’environnement,
Le percevoir en couleurs
Quand il était noir et blanc.

Être ici et maintenant,
C’est être soi dans l’instant,
Se retrouver, se reprendre,
Intensément voir, entendre,
Renaître au monde sans connaître
L’après, l’avant du moment,
Et cependant sans méconnaître
Son âge et l’œuvre du temps.

Être ici et maintenant,
C’est sonner l’heure du réveil,
L’instant s’éclaire et résonne,
Le maillet cogne aux oreilles
De ceux qui dorment, inconsciemment
Filent le cocon des pensées
Et mollement s’abandonnent
À l’opacité des idées.

Avec ce poème, je découvrais la légèreté des vers octosyllabiques et les compositions par multiples de quatre vers, particulièrement adaptés aux poèmes-chansons et à l’écriture symbolique. Le nombre « quatre » symbolisant la stabilité matérielle, et le « huit » la totalité et la cohérence de la création en mouvement, les compositions artistiques qui portent leurs marques gagnent en équilibre et en régularité, et peuvent illustrer pour des êtres en quête de sens un projet de vie intérieure, concentrant en quelques verbes : être, rechercher, voir, savoir, une spiritualité en devenir et en action. « Se voir voyant sans être sage » s’inspire aussi des célèbres mots d’Anderson « Ni athée stupide, ni libertin irréligieux » extraits de la Constitution de 1723, charte de la Franc-Maçonnerie moderne, pratiquant la « double dénégation », ou l’art de conjuguer des formules contradictoires. Des travaux en sciences cognitives tendent à démontrer que les dénégations formulent un modèle de la pensée et de la cognition centré sur la fuite du déplaisir, renouvelant les racines émotionnelles premières de l’acte de connaissance, au fondement de l’initiation maçonnique.

« Le poème, cette hésitation prolongée entre le son et le sens » (Paul Valery) darde à fleuret moucheté toutes les attentions, tous les reflets du cœur et de l’âme qui se couvrent de mots pour mieux refléter l’Autre. Dédiés d’abord à nos muses, ils ne s’offrent qu’une fois et ne vivent que « ce que vivent les roses, l’espace d’un matin » (François de Malherbe), lorsqu’ils se découvrent et « se disent ». Ainsi mes acrostiches du prénom d’une Maçonne, « Françoise », peuvent-ils refléter une Sœur (premier acrostiche) tout en restant fidèle au secret qui les relie toutes (deuxième acrostiche).

Feu de Dieu ; À mon seul désir ;
Réjouis celle qui mêle en mon cœur
Amour toujours, éclats de rire ;
Nos jeux de mots doux d’âmes sœurs
Croquent au vol ce qui va sans dire :
Or, argent, rien n’a de valeur,
Inverse tout ! Goûte à loisir
Sur les braises des rêves en chaleur
En rouge et noir, l’art du plaisir. »

Femme rose, rouge et blanche,
Réchauffe à ton feu intérieur,
À ton cœur qui brûle, s’épanche,
Notre idéal et nos valeurs ;
Cendres des racines, des branches,
Ombres des ondes de chaleur,
Inspirent de noires avalanches
Sous les tabliers de nos Sœurs
Enserrant les robes, les hanches.

Mais alors ce lieu subtil où se croisent et se fécondent le mot et le sens, rappelant l’Équerre et le Compas croisés sur l’Autel des Serments et régulés par la Règle ou le Livre de la Loi sacrée, n’est-il pas un passage, un pont jeté par le poète au faîte de son inspiration entre la matière et l’esprit ? Chaque Maçon et Maçonne se balance entre l’espérance collective de ses Frères et Sœurs et ses propres aspirations. Entre Équerre et Compas, « Espérons ! » et « J’aspire ! » s’ouvre un espace-temps d’une autre dimension où s’écrivent les vers de ses poèmes, s’entendent les sons et les sens, les mots et les idées, et les mélopées silencieuses de leurs chants secrets. Cet autre temps s’ouvre à la grande ronde des poètes, à ceux et celles qui goûtent leur langue, savourent son esprit, ses accents. Quand d’autres disent « Je vous écoute », ils disent en souriant « Je t’entends », couvrent leurs muses de présents, de paroles aimantant le temps, et pour étirer le présent, partagent des agapes fraternelles.

Les Quatre Éléments

L’Orient et l’Occident lancent des ponts vers le ciel,
Au point où dans les nues convergent leurs rayons,
Roue cosmique et terrestre autour de l’essentiel :
L’amour de la Sagesse, mère des Traditions.

Fils tendus d’absolu des exigences ultimes
Au-delà d’horizons pétris d’humanité,
Nourriture d’êtres avides du sublime des cimes,
Leurs sens élèvent les Sœurs et Frères en vérité.

Zéphyr souffle au zénith sur leurs esprits à vif
Le chaud et le froid sec, Air glacial et brûlant
Suscitant des courants ascendants et actifs
De pensées dans l’esprit des quatre Éléments.

Les mots et leurs racines goûtent jusqu’au Nadir
Une langue universelle nourrie de ses terreaux,
La Terre et ses silences où vibrent les désirs
Les plus profonds des hommes en quête de héros.

Ses paroles coulent à flots, mêlent à contre-courant
Des appels qui dérangent sans mettre le chaos
Aux tourbillons des ondes aspirant au néant ;
L’Eau porte dans ses gouttes l’unité du zéro.

Un Feu pousse à la roue l’axe des destinées,
Distille des idées qui travaillent et s’affinent,
Parlent juste et s’entendent pour être devinées
Dès que l’âme s’enivre, chante sa vie divine.

Un Cinquième Élément en est l’émanation,
La mémoire liminaire délivrant les errants
Du socle imaginaire, vide en recréation,
Quintessence de l’Éther, immobile mouvement.

(Les Quatre Éléments, poème inédit, Patrick Carré)

L’amour fraternel sublime le lien établi dans les loges maçonniques entre le son et le sens des poèmes, symbolisés par la corde et la flèche de l’arc de Cupidon. Sa torche allumée, son feu d’amour, réchauffe le lien entre le son et le sens, qui en retour éclaire l’amour, chaleur et lumière touchant au cœur les Sœurs et les Frères du foyer qu’est la Loge. La chaleur et la lumière des poèmes se concentrent symboliquement dans la flamme de l’étoile allumée sur le plateau du Vénérable à l’ouverture de ses travaux. « Que la lumière nous éclaire ! » dit le Vénérable. « Et que l’amour nous réchauffe ! » rajouterait volontiers le poète, pour qu’à la fermeture des travaux, paix, amour, et joie se perpétuent, rayonnent et résonnent ensemble dans le cœur des Sœurs et des Frères et transforment chaque instant de leur vie en cadeau du ciel, en présent.

Les Francs-maçons dans les pays de Bohême et la Première République tchécoslovaque

De notre confrère deutsch.radio.cz – De Janzer et Jiří Zeman

Il y a aussi quelque chose de mystérieux autour de cela : nous parlons des francs-maçons et de leurs loges. Depuis les changements politiques de 1989, elles sont également à nouveau actives en République tchèque. Cependant, les premières associations de ce type existaient déjà dans les pays de Bohême au XVIIIe siècle. Néanmoins, les loges francs-maçonnes de ce pays ont connu leur plus grand essor au cours de la Première République tchécoslovaque.

Frantisek Krizik | Photo : Archives de la radio tchèque

Parmi les membres des loges maçonniques en Tchécoslovaquie entre les deux guerres mondiales, on trouve des noms d’artistes de haut rang et d’hommes politiques influents : le peintre Art nouveau Alfons Mucha en faisait partie, tout comme le président Edvard Beneš et l’inventeur František Křižík.

Jana Čechurová est historienne à l’Université Charles de Prague et se concentre sur l’histoire tchèque moderne et contemporaine. Son traité « Les francs-maçons tchèques au XXe siècle » est disponible en allemand. Dans les émissions nationales de la radio tchèque, elle a déclaré :

 

Edvard Benes | Photo : Bibliothèque du Congrès.

Les Francs-Maçons sont avant tout une association masculine née au XVIIIe siècle, expression de la foi des Lumières dans le progrès et la tolérance. Aujourd’hui, il existe également des associations féminines, ou des formes mixtes. Les Francs-Maçons s’impliquent également dans des œuvres caritatives et promeuvent l’éducation. Leur philosophie est qu’en travaillant sur soi-même, on contribue aussi au bien commun.

Cependant, on ne sait pas vraiment quand la franc-maçonnerie a réellement vu le jour. Selon certaines théories, ses racines remonteraient même à l’Égypte ancienne. Mais l’un des francs-maçons actuels de la République tchèque indique la seule date vérifiable de la forme actuelle de cette confrérie :

Jana Čechurová | Photo : Stanislav Vánek, Radio tchèque

On considère que sa création officielle remonte à 1717, lorsque quatre loges maçonniques se réunirent à Londres et fondèrent une Grande Loge. Cela montre clairement que de telles associations devaient exister auparavant. Mais c’est la première fois qu’une loge fut fondée, telle qu’historiquement documentée.

Il est de coutume chez les francs-maçons que les noms des membres vivants ne doivent pas être publiés. Ceci s’applique également à ce franc-maçon qui a donné quelques réponses à la radio tchèque et que nous avons cité ici.

Le mouvement a rapidement trouvé ses partisans également en Bohême, explique Čechurová.

Franz Anton, comte impérial von Sporck |

La légende raconte que Franz Anton Reichsgraf von Sporck aurait établi la franc-maçonnerie ici dès 1726. Mais la vérité est tout autre, et la date est postérieure. En 1741, des généraux de l’armée française introduisirent cette innovation à la mode en Bohême, et la première loge fut fondée à Prague. Cependant, ce n’était pas encore un mouvement majeur, bien que plusieurs autres communautés aient émergé. Par la suite, le silence s’installa pendant les 50 années suivantes, et les francs-maçons furent également persécutés. Ce n’est que dans les années 1790 que les loges en Bohême connurent leur premier apogée », explique l’historien.

En 1785, l’empereur Joseph II délivra un brevet de franc-maçonnerie, qui les reconnaissait comme tels par l’État. Cependant, les loges étaient surveillées et leur nombre était limité. Pendant les guerres napoléoniennes, les Habsbourg interdisent à nouveau la franc-maçonnerie et persécutent ses adeptes.

L’empereur Joseph II (1741-1790) avec la statue de Mars. Daté 1775, artiste : Anton von Maron. | Photo de : Kunsthistorisches Museum Vienne

À ce jour, les francs-maçons sont organisés en loges. Mais qu’est-ce que cela signifie ? Une question pour l’initié…

« Une loge est un groupe, petit ou grand, de francs-maçons qui se réunissent régulièrement. Au-dessus de ces loges se trouve généralement une Grande Loge ou une Obédience, selon le terme utilisé. Elle est généralement définie géographiquement. Dans le cas de petits États comme la République tchèque, il existe une seule Grande Loge qui a le patronage de toutes les loges », a expliqué le membre de la loge Porta Bohemica, basée à Ústí nad Labem.

En 1867, la monarchie austro-hongroise est créée. Alors que la franc-maçonnerie était autorisée dans la partie hongroise, elle n’était pas bien accueillie dans la partie autrichienne – y compris les terres de Bohême – selon Jana Čechurová :

L’empereur François-Joseph émit un décret qui, sans interdire directement la franc-maçonnerie, rendait incompatible l’appartenance à une société secrète et l’emploi au service de l’État. Les loges maçonniques étaient alors considérées comme des sociétés secrètes. La plupart des francs-maçons choisirent alors de rester au service de l’État, et les activités des loges cessèrent.

Cependant, certains francs-maçons restèrent actifs et se regroupèrent pour former des cercles dits fraternels. En 1907, il existait en Bohême onze associations de ce type, comptant environ 350 membres. Presque tous étaient germanophones, seuls quelques-uns avaient le tchèque comme langue maternelle. En 1910, la loge frontalière germano-bohème « Hiram des Trois Étoiles » fut fondée, installée par la Grande Loge Symbolique de Hongrie.

Loges allemandes et tchèques

Ce n’est qu’avec la formation de l’État indépendant que la franc-maçonnerie a connu un nouvel apogée. Les années 1918 à 1938 constituent même l’âge d’or de ces associations en Tchécoslovaquie. Ce n’est qu’à partir de la Première République qu’il n’y eut plus aucune restriction à leur égard.

Alfons Mucha à Paris (1901) | Photo : Musée Mucha

La particularité de la franc-maçonnerie en Tchécoslovaquie était la division germano-tchèque. Le 26 octobre 1918, deux jours avant la fondation de l’État, onze francs-maçons tchèques de la loge « Hiram des Trois Étoiles » et trois autres membres de loges françaises, parmi lesquels le peintre Alfons Mucha, se sont rencontrés – et c’est ainsi que la première loge tchèque en République tchécoslovaque a été fondée, appelée « Jan Amos Komenský ». Et l’expert continue :

La plus grande association était cependant la loge Národ, liée aux activités conspiratrices du groupe de résistance Mafia pendant la Première Guerre mondiale. Ce groupe était dirigé par l’homme politique Přemysl Šámal et le journaliste František Sís. Initialement non francs-maçons, ils devinrent plus tard, à leur image, les gardiens du nouvel État tchécoslovaque, de l’ordre démocratique fondamental et d’autres valeurs.

De plus, des autorités supérieures furent créées sous la Première République : la Grande Loge nationale de Tchécoslovaquie (Národní Veliká Lóže Československá) et un Conseil suprême.

En 1938, 25 loges avaient commencé leurs activités et furent intégrées à la Grande Loge de Tchécoslovaquie. Les associations représentaient principalement l’élite de la société et émergeaient souvent des cercles universitaires des pays de Bohême, explique Čechurová.

Signe de la Charte du Conseil suprême d’Écosse pour la Tchécoslovaquie, par Alfons Mucha |

La loge de Brno « Cestou světla » est née explicitement de la fondation de l’université Masaryk. Parmi les francs-maçons, on comptait également des hommes politiques et des personnalités publiques. Parmi les premiers, on comptait par exemple le ministre des Finances Alois Rašín et le député Theodor Bartošek. Presque tout le spectre politique était représenté, à l’exception des catholiques. On y trouvait ainsi des socialistes, ainsi que des socialistes populaires et des agrariens. Les plus grands noms, cependant, provenaient des milieux artistiques, et ils étaient francs-maçons même avant la Première Guerre mondiale. Parmi eux, par exemple, le poète Jaroslav Kvapil, qui travailla également comme dramaturge au Théâtre national et écrivit le livret de l’opéra « Rusalka ». Le franc-maçon le plus haut placé de l’entre-deux-guerres était le peintre Alfons Mucha », explique l’historien.

En ce qui concerne les hommes politiques, il faut cependant dire que les communistes n’étaient pas acceptés – à l’exception de Theodor Bartošek, qui n’a rejoint le Parti communiste autrichien que plus tard. L’un des principes des francs-maçons à ce jour est qu’ils défendent la légalité et s’opposent à l’illégalité. Et les communistes étaient considérés comme plutôt hostiles à l’État. Un autre principe est qu’aucune discussion politique n’a lieu lors des réunions de loge.

Alois Rašín | Photo : e-Sbírky, Národní muzeum – Historické muzeum, CC BY-NC-ND 4.0 DEED

 En Tchécoslovaquie, la fin de la franc-maçonnerie est survenue étonnamment tôt – quelques jours seulement après les accords de Munich du 30 septembre 1938, par lesquels les Sudètes ont été cédées à l’Allemagne. La Grande-Bretagne et la France ont toutes deux permis à Hitler d’annexer les régions frontalières germanophones de la Tchécoslovaquie. Jana Čechurová :

Dix jours après les accords de Munich, les francs-maçons cessèrent leurs activités en Tchécoslovaquie. J’ignore pourquoi ils opérèrent une rupture aussi radicale. Quoi qu’il en soit, le 10 octobre, ils liquidèrent leurs biens. Ils conservèrent certains documents, mais ils cessèrent leurs activités. Peut-être étaient-ils arrivés à la conclusion que la franc-maçonnerie des autres pays d’Europe centrale subissait une pression excessive de la part des régimes autoritaires. D’autre part, l’ordre politique de la Seconde République tchécoslovaque n’était pas encore établi, et ils ne pouvaient donc pas avoir connu d’expériences similaires dans leur propre pays. Sous le « Protectorat de Bohême et de Moravie » qui suivit, aucune loge maçonnique ne se réunit ; elles furent dissoutes.

Jaroslav Kvapil | Source : domaine public

 Du côté tchèque notamment, de nombreux francs-maçons rejoignirent la résistance après l’occupation du reste de la Tchécoslovaquie par Hitler en mars 1939. Nombre d’entre eux furent traqués et assassinés par les autorités allemandes. Tout comme l’État tchécoslovaque ne pouvait se perpétuer qu’en exil à Londres, il en était de même pour la franc-maçonnerie.

Infiltration communiste

Après la Seconde Guerre mondiale, les premières tentatives de rétablissement de la franc-maçonnerie en Tchécoslovaquie ont eu lieu en 1945. Mais au début, les associations étaient encore réservées, explique l’historien :

La nomination d’un communiste au poste de ministre de l’Intérieur posa un problème majeur. Or, le ministre Václav Nosek n’était pas particulièrement ouvert aux francs-maçons. Il imposait de nombreuses exigences que les loges ne pouvaient remplir si elles respectaient leurs propres règles internes. Parmi celles-ci figurait, par exemple, l’admission de nouveaux membres sans que les membres existants ne votent en leur nom. Finalement, les activités ne reprirent qu’à l’automne 1947, et seulement dans la partie tchèque du pays, et non en Slovaquie.

Ladislav Machon (1951) | Photo : ČTK

 Jana Čechurová considère cette réactivation tardive comme une raison possible pour laquelle les loges maçonniques ont continué d’exister même après la prise du pouvoir par les communistes en février 1948.

« Ils croyaient même qu’une certaine coexistence avec le régime communiste était possible. Cela s’expliquait par le fait que des communistes avaient également rejoint les loges et contribué à leur renouveau. Par exemple, l’éminent architecte Ladislav Machon était l’un d’eux. En ce sens, la relation avec les communistes était réciproque », a déclaré l’expert.

En fait, les francs-maçons en Tchécoslovaquie étaient divisés quant à savoir s’ils devaient continuer à exercer leurs activités sous la nouvelle direction de l’État. Une partie tendait vers une fin démonstrative de l’activité, l’autre vers son maintien.

Photo : e-Sbírky, Národní muzeum, CC BY 4.0 DEED

 Selon Čechurová, il n’est cependant pas clair si le régime n’a pas initialement émis d’interdiction parce que de nombreux francs-maçons avaient de bons contacts à l’étranger et voulaient maintenir l’impression d’un État démocratique permanent à l’étranger. L’historien continue :

Parallèlement, les communistes tentèrent soit d’infiltrer les loges avec leurs propres agents, qui rendaient régulièrement compte de leurs activités, soit de recruter des membres existants comme employés du Service de sécurité de l’État (StB). Finalement, les loges restèrent actives jusqu’en 1951. Ce n’est qu’à cette époque que les francs-maçons décidèrent que la pression exercée sur eux et les conditions d’activité de leur association n’étaient plus acceptables, car un représentant de la police était présent à toutes les réunions. Ils cessèrent donc leurs activités et dissout les loges.

Cependant, en dehors des structures officielles, les francs-maçons continuèrent à se réunir régulièrement tandis que les loges et grandes loges n’ont pu être renouvelées qu’après la Révolution de Velours de 1989.