mar 22 avril 2025 - 17:04
Accueil Blog Page 27

Jean-Marc Giner : Un Frère dont « l’objectif » est d’aider deux enfants

Jean-Marc Giner, passionné par l’art de l’argentique, a su assembler une série de photographies qui évoquent la nostalgie et l’authenticité. En choisissant de dédier son travail à Aubin et Jules (Voir article des Widows Sons et affiche ci-dessous), il démontre comment l’art peut devenir un puissant vecteur de solidarité et de soutien. Ainsi, chaque achat du livre devient un acte de générosité, transformant l’appréciation de l’art en une aide concrète.

https://www.ulule.com/letempsdunumerique

Marc Ginet

Jean-Marc Giner, un photographe français dont le travail est reconnu dans le domaine de la photographie de rue et humaniste. IL a vécu 40 ans à Marseille, il est profondément influencé par ses origines méditerranéennes, ce qui se reflète dans sa sensibilité aux contrastes de lumière et à la vie quotidienne. Il se spécialise dans des clichés en noir et blanc, capturant des instants du réel avec une approche à la fois poétique et sociale.

Jean-Marc Giner est particulièrement apprécié pour sa capacité à transcender le banal – un geste, un regard, une scène ordinaire – en une image chargée d’émotion et de réflexion. Sa démarche artistique, qu’il décrit lui-même comme une exploration des “zones d’ombres” pour revelar des formes ou des histoires, s’inscrit dans la lignée des grands noms comme Henri Cartier-Bresson, dont il admire l’œuvre (il cite d’ailleurs une rencontre marquante avec lui à Arles comme un souvenir clé). Il ne cherche pas l’originalité pour elle-même, mais plutôt à poser des questions à travers ses photos, laissant le spectateur interpréter librement.

Il a débuté la photographie en 1974 avec un Canon FTB offert par ses parents, et utilise aujourd’hui des appareils comme le Nikon F301 ou le Leica Q3-43. Son éthique, notamment pour les portraits de rue, repose sur le consentement des sujets, privilégiant une connexion humaine. Actuellement basé à Montreuil, il prépare une exposition dans cette commune, où il vit depuis peu. Son travail a été mis en avant par des plateformes comme Street Photography France, qui soulignent son regard unique et sa fidélité à une photographie qui interroge plus qu’elle ne répond.

Le livre photo « Le temps de l’argentique » de Jean-Marc Giner est bien plus qu’une simple collection d’images. Ce projet artistique et humanitaire vise à capturer la beauté intemporelle de la photographie argentique tout en soutenant une noble cause. En effet, une grande partie des bénéfices de la vente (10 euros par livre) sera reversé au profit de Jules et Aubin, deux enfants confrontés à des handicaps lourds. Ces fonds contribueront à financer les aménagements couteux nécessaires dans leur domicile pour améliorer leur qualité de vie quotidienne.

Contact avec Jean-Marc

Orient et Occident, les destins des Nations

De notre confrère universalfreemasonry.org – Par Annie Besant

Les affaires du monde pourraient-elles être supervisées par un groupe « occulte » ou caché d’initiés adeptes ?

Dans cette conférence intitulée « L’Orient et l’Occident », et dans une autre conférence intitulée « Les destinées des nations », qui suit, je me propose d’aborder la formation de l’histoire d’une manière qui me paraît présenter un intérêt beaucoup plus profond que celui que l’on peut trouver dans les manuels d’histoire ordinaires. Nous adopterons ici une vue plus générale, tandis que dans la conférence suivante nous nous spécialiserons. Nous examinerons les prémisses qui sous-tendent le conflit actuel en Extrême-Orient et les grandes conséquences qui découlent des triomphes militaires du Japon. Car nous avons devant les yeux une grande leçon de choses et, comme nous l’a dit HP Blavatsky, en ce vingtième siècle, certains des comptes en suspens entre les nations de l’Est et de l’Ouest doivent être réglés.

Annie Besant

C’est pourquoi je souhaite amener certains esprits réfléchis à une vision plus profonde des actions des hommes qui jouent un grand rôle dans le drame mondial que nous appelons l’histoire, afin qu’au lieu de considérer les événements de la vie ordinaire des nations comme s’ils étaient réellement guidés par des dirigeants et des hommes d’État, nous puissions apprendre à comprendre que le drame des nations a un Auteur qui l’écrit, et que les acteurs jouent les rôles pour lesquels ils se sont préparés dans le passé ; les acteurs sont des acteurs et non des créateurs de l’histoire du monde.

Pour exposer cette conception de la vie et pour rendre intelligible une partie de l’argumentation que je désire présenter, je dois définir ce que j’entends ici par « idéaux ». Je veux dire les idées dominantes exprimées dans les civilisations, façonnées et modelées selon les idées ou idéaux dominants, les conceptions sur les valeurs de la vie qui règnent dans l’esprit de la nation concernée. Et je dis idéaux « orientaux » et « occidentaux », parce que les différences entre ces idéaux et leur utilité dans l’évolution de l’humanité dans son ensemble doivent être comprises si nous voulons suivre correctement les actes du drame mondial. Et nous devons comprendre que dans la situation actuelle, il s’agit d’un déséquilibre manifeste d’un équilibre devenu trop léger et menaçant de s’effondrer, de sorte que l’humanité était menacée d’une perte d’idéaux essentiels à son plein développement.

Je ne veux pas mettre en opposition les idéaux de l’Orient et de l’Occident. Je voudrais plutôt montrer que les deux sont nécessaires à la grande évolution de l’humanité et que le danger existait ces dernières années de voir périr les idéaux orientaux. Pour que l’humanité ne soit pas ainsi privée d’une partie de sa richesse idéale, il est devenu nécessaire de rétablir l’équilibre entre l’Est et l’Ouest, entre l’Europe et l’Asie. Ce rétablissement ne pouvait se faire qu’en freinant la marche conquérante de l’Europe et en rendant à l’Asie une partie de son ancienne indépendance. Aussi, en considérant la lutte actuelle, que nos sympathies aillent à l’une ou à l’autre nation, il est sage que nous comprenions les problèmes plus profonds en jeu et que nous lisions avec les yeux de la sagesse plutôt qu’avec les yeux de la passion les pages de l’histoire qui se déroulent maintenant devant nous.

Annie Besant

J’ai dit que je ne voulais pas mettre ces deux idéaux en conflit. Néanmoins, dans une certaine mesure, ce conflit a été inévitable ; et c’est, je pense, le rôle d’un étudiant de la Sagesse divine d’essayer de sentir la paix au milieu des combats, et de fixer fermement ses yeux sur le but à atteindre, afin de ne pas être emporté par le tumulte du moment. Si nous regardons en arrière sur le dix-neuvième siècle, nous remarquerons que l’Occident domine de plus en plus l’Orient – principalement par la conquête, mais dans une immense mesure par l’expansion de la pensée et de la civilisation occidentales dans le sillage de la conquête. Nous avons vu dans les pays orientaux que les anciens idéaux tendaient à disparaître. Qu’ils n’aient pas fait leur chemin en grande partie en Europe aurait été de peu d’importance ; Mais qu’ils soient menacés de mort sur le sol de leur naissance était un véritable péril pour l’humanité. Au fur et à mesure que les armes et le commerce occidentaux se répandaient, la pensée occidentale parmi les nations orientales commençait à revendiquer la prédominance, d’autant plus facilement et plus dangereusement qu’elle était associée à l’épée conquérante, à la croissance de la puissance militaire.

Quelques-unes des conquêtes de l’Orient étaient de nature très précise, comme celle de l’Inde par la Grande-Bretagne ; d’autres moins honnêtes, mais n’en sont pas moins efficaces. Et l’Europe en est venue à considérer de plus en plus l’Asie comme son héritage naturel, de sorte que la politique asiatique devait être dirigée, que les intérêts asiatiques devaient être contrôlés, non pas pour le bénéfice des peuples asiatiques, mais pour l’enrichissement de l’Europe. Cela s’est fait en grande partie sous le couvert d’intérêts commerciaux ; mais les intérêts commerciaux étaient les intérêts commerciaux de l’Occident, cherchant à découvrir par lui-même de nouveaux marchés et à poursuivre son expansion. Personne ne s’est demandé, lorsqu’il a été question du port ouvert, etc., si la nation orientale concernée bénéficierait dans son commerce de l’intrusion de la rivalité occidentale ; Personne ne demandait si les industries de l’Est pourraient faire face sans danger de destruction au choc brutal de la concurrence de l’Ouest ; personne n’a jamais songé à se demander, dans les nombreux débats qui ont eu lieu dans les parlements de l’Europe à propos des affaires asiatiques, si ces nations de l’Orient seraient meilleures, plus heureuses, plus riches, si on leur imposait des biens qu’elles ne demandaient pas. Tout ce qui était considéré était la question du marché pour l’Europe, et les pays européens se disputaient entre eux des avantages parmi les peuples orientaux.

La lutte commerciale n’était pas entre l’Europe et l’Asie, mais entre les nations européennes plantées sur le sol oriental sans le consentement des propriétaires naturels de la terre. Des guerres ont même été déclenchées afin d’imposer l’ouverture du marché aux nations asiatiques, guerres souvent déclenchées par des peuples qui fermaient leurs propres marchés aux marchandises de l’étranger. Toutes les considérations qui sont considérées ici comme contraignantes ont été entièrement négligées dans les relations avec les peuples orientaux, et la Chine, par exemple, devait être obligée d’admettre dans son pays des marchandises étrangères qu’elle n’exigeait pas, et même détestait, tandis que, d’autre part, la plupart des nations occidentales se prémunissaient par des droits protecteurs et une législation contre la concurrence des marchandises chinoises et de la main-d’œuvre chinoise. Tout le courant des affaires signifiait la subordination complète de l’Orient à l’Occident, ce qui entraînait la disparition de l’Est et la substitution à ceux-ci des idéaux occidentaux.

Cette substitution d’idéaux n’a pas fait de grands progrès à l’heure actuelle. Bien sûr, en Inde, on constate dans une certaine mesure une substitution des idéaux occidentaux au sein d’une certaine classe de la population. Un certain nombre de jeunes Indiens instruits à l’anglaise ont accepté avec enthousiasme les idéaux qui ont cours en Occident, mais les vastes masses du peuple indien n’en sont pas affectées. Non seulement la population agricole et artisanale, mais aussi la population riche de la culture de la pensée et de la littérature orientales restent indifférentes. Mais il faut se rappeler que les classes concernées sont les plus énergiques, celles qui ont le plus de pouvoir d’influence sur l’activité du pays, sinon sur sa pensée. Elles pèsent donc plus lourd qu’elles ne comptent. Leur nombre est relativement faible, mais derrière ces chiffres, le pouvoir de réflexion, l’intelligence vive, l’enthousiasme vif pèsent lourd dans la balance.

En Chine et au Japon, les choses ont été quelque peu différentes. Le Japon a l’avantage que possède aussi l’Angleterre, celui d’être un empire insulaire. Cela lui a permis de rester dans ses propres frontières, tout en pouvant y importer tout ce qu’elle voulait des pays occidentaux. L’occidentalisation du Japon a semblé à un moment donné presque complète, et c’est ce triomphe des idéaux occidentaux qui a rendu absolument nécessaire le rétablissement de l’équilibre. Car l’occidentalisation complète du Japon aurait provoqué une forte réaction sur les autres nations orientales, et le Japon, tirant comme il l’a fait – comme l’a bien souligné l’un de ses principaux écrivains – tous ses idéaux de vie de l’Inde, aurait été un puissant facteur d’occidentalisation de l’Asie s’il avait complètement abandonné ces idéaux.

La Chine, affectée sur ses côtes, ne l’était pas du tout dans ses terres intérieures. Elle y conservait ses anciens enseignements et sa vieille morale, mais la question se posait, avec l’installation d’un empire armé sur ses côtes, de savoir s’il lui serait possible de conserver cet isolement alors que l’Europe bordait pratiquement son pays de colonies sous domination européenne. L’heure était critique. Ceux qui guident les destinées humaines voyaient que les idéaux orientaux risquaient d’être piétinés et que l’Occident n’écouterait que les leçons imposées par la main de fer. Il fallait changer l’équilibre, et il est en train de changer sous nos yeux.

Quels sont donc ces idéaux orientaux considérés comme si importants par les grandes Intelligences qui guident les destinées des nations ? L’un des principaux idéaux orientaux est que le monde est sous un gouvernement divin, que les destinées des nations sont guidées par le monde invisible. Dans les pays orientaux, les mondes invisibles jouent toujours un rôle immense dans le drame de la vie humaine, que ce soit sous la forme du culte des ancêtres, si répandu au Japon, ou sous cette même forme, l’une des grandes croyances dominantes de la Chine ; que ce soit sous une forme modifiée de cette même idée dans les sacrifices quotidiens aux Pitrs en Inde, ou sous la forme de la reconnaissance d’Intelligences non humaines, telles que celles qu’on appelle en Occident les Anges ou les Archanges. On reconnaît ainsi qu’il existe une action très puissante, constante et directrice exercée sur le monde des hommes par des Intelligences surhumaines qui n’appartiennent pas à l’évolution humaine.

Cette croyance est universelle en Occident. Ce n’est pas une simple croyance de façade, c’est une croyance active et concrète reconnue dans la vie ordinaire. Si en Occident, des hommes politiques, discutant d’une question de politique publique, parlaient de l’influence des anges comme d’un des éléments avec lesquels les politiciens doivent compter, vous pouvez imaginer le genre de commentaires qui seraient publiés dans les journaux le lendemain matin ; mais en Orient, c’est naturel ; le travail des Devas, comme les Indiens appellent les anges, fait partie du travail reconnu du monde, et chaque nation a son dirigeant dans le monde invisible, qui guide les dirigeants sur le plan physique. Combien différente est l’attitude envers la vie chez les peuples qui considèrent ainsi les intelligences surhumaines comme intervenant constamment dans les affaires humaines. Nous retrouvons bien sûr cette croyance chez les Juifs d’autrefois, où ils parlent des anges des nations. Nous trouvons des allusions à ces anges dans les Ecritures canoniques, parfois voilées sous le nom de Jéhovah ou Elohim, traduit au singulier Dieu, bien que pluriel en hébreu, l’hébreu n’entendant pas par là le Dieu suprême de l’univers, mais la divinité nationale tribale, telle que nous devrions appeler un archange à notre époque. Et cela est évident quand nous voyons que dans la bataille livrée par Israël contre des forces ennemies, il a pu chasser les habitants des collines mais non ceux des plaines, parce qu’ils avaient des chars de fer, et celui qui a pu vaincre les hommes des collines mais non ceux des plaines était le “Seigneur” ; pourtant, ce n’était certainement pas la divinité universelle qui a été contrecarrée dans ses tentatives par la simple possession par ses adversaires de chars de fer. Ainsi, parmi les premiers Pères chrétiens, en particulier chez Origène, vous trouverez de nombreuses allusions aux anges nationaux qui appartiennent à des peuples particuliers et non à l’univers en général. Il est vrai que de nos jours, dans le monde occidental, le nom de Dieu est très souvent invoqué dans les conflits nationaux, et chaque nation revendique cette aide comme lui appartenant en propre. Mais j’ai entendu l’autre jour un petit garçon faire une remarque qui me semble montrer une compréhension plus juste de la relation de Dieu à l’homme que bien des déclarations faites par des dirigeants et des hommes d’État, lorsqu’ils prétendent que le succès de leurs armes est la preuve de la faveur divine du Seigneur de tous. En effet, entendant ses aînés discuter de la guerre en cours, et entendant une divergence d’opinions sur la question de savoir si Dieu était du côté des Japonais ou des Russes, il intervint de sa jeune voix et dit : « Je ne pense pas que Dieu combatte pour les Japonais ou les Russes ; je ne pense pas non plus qu’il combattrait pour nous si nous allions en guerre, bien que nous le lui demandions bien sûr ; car Dieu n’est contre aucune nation, mais il est pour tous. » Que le gouvernement divin soit exercé par ces diverses agences subordonnées, qui luttent souvent entre elles comme les hommes sur le plan physique luttent aussi, est une opinion profondément ancrée dans la fibre même de la pensée orientale.bien qu’il ait disparu de l’Occident. .Et cet idéal des mondes invisibles se mêlant aux affaires des hommes était un idéal qui devait être sauvé.

Cette conception d’un gouvernement divin façonne l’idée orientale du gouvernement humain ; on pense toujours qu’il émane d’en haut et non d’en bas. L’idée selon laquelle un roi gouverne par la voix du peuple plutôt que par l’autorité divine ne fait que commencer à faire son chemin dans la pensée orientale parmi les nations influencées par les idées occidentales. Le résultat de l’idée selon laquelle celui qui siège sur le trône gouverne par nomination divine et non par suffrage humain est que dans tout l’Orient, la responsabilité du supérieur pour le bien-être du inférieur est une pensée bien établie et définie. On la retrouve dans toute la littérature, bien qu’elle soit en voie de disparition aujourd’hui. Confucius, à qui un roi demandait pourquoi les voleurs étaient si nombreux dans son pays, répondit : « Si vous, ô roi, viviez honnêtement et justement, il n’y aurait pas de voleurs dans votre royaume ». De même, dans toutes les anciennes lois de l’Inde, on trouve le roi, le gouverneur, le dirigeant, jusqu’au plus petit fonctionnaire de village, tenu pour responsable du bonheur, de la santé et de la prospérité du peuple qu’il gouverne. D’où la difficulté, dans les temps anciens, de trouver quelqu’un qui veuille bien prendre la direction d’un district, d’une ville ou d’un village. La hiérarchie dirigeante, jusqu’au roi lui-même, tenait pour responsable du bonheur des gouvernés un lieu qui n’était pas un lit de roses et où l’on trouvait moins de satisfactions pour l’orgueil que de demandes de temps et d’efforts. Car, si grand que fût le pouvoir du roi dans les pays de l’Est, il y avait toujours une chose qui se tenait derrière son trône, administrée par des dirigeants invisibles. Cette chose est désignée par le mot Danda, et Max Müller le traduit par « punition » dans sa traduction des Institutions de Manu. Mais je crois que la traduction correcte serait le mot « Justice » ou « Loi », plutôt que « punition » – la Justice étant considérée comme un Deva gouvernant les rois plus sévèrement que les peuples, de sorte que lorsque le roi allait à l’encontre de la Justice, la Justice le coupait. Ainsi, vous avez le fameux avertissement que vous pouvez lire, sorti de la bouche d’un homme d’État hindou à un jeune monarque, où il lui est recommandé de redouter par-dessus tout les cris des faibles. « La faiblesse », dit l’homme d’État mourant, « est le pire ennemi des rois. La malédiction des faibles, les larmes des faibles détruisent le trône de l’oppresseur. » Et cette pensée traverse toutes les vieilles théories du gouvernement en Orient ; de sorte que même aujourd’hui, en Inde, s’il y a une famine, une peste, une épidémie, c’est le gouvernement qui en est tenu pour responsable par les masses populaires. La vieille idée est que tout malheur national est la faute des dirigeants qui ont négligé leur devoir, et non la faute des gouvernés. Une telle idée est tout à fait hors de portée de la pensée d’un penseur ou d’un homme d’État occidental ; et pourtant, pour la sécurité de l’Empire indien, il est nécessaire de comprendre la pensée du peuple indien, et pas seulement celle de l’Occident.et de faire face à cette pensée à mesure qu’elle se répand dans les esprits des vastes masses de la population ignorante, ignorante des coutumes occidentales, mais non ignorante de leurs propres traditions.

Passons de ce point de vue au grand idéal suivant que nous trouvons en Orient, qui découle naturellement de cet idéal de la responsabilité des dirigeants envers les gouvernés : l’idée du devoir. Le mot « devoir » n’a pas la même force que le mot sanskrit « dharma » qui signifie bien plus que cela. Il signifie la loi de tout son passé, par laquelle l’homme s’incarne dans le lieu pour lequel son évolution le rend apte ; la loi qui, l’y plaçant, l’entoure de tous les devoirs nécessaires, par l’accomplissement desquels se fera sa prochaine étape d’évolution. Tout cela est contenu dans le mot indien « dharma ». En venant au monde, avec le passé derrière nous, nous sommes guidés vers des environnements inadéquats. Dans les devoirs imposés à l’homme par cet environnement se trouve son meilleur chemin d’évolution. S’il les accomplit bien pour le progrès de l’âme, s’il les néglige, le progrès lui devient impossible. C’est pourquoi l’idéal social et politique des nations orientales est construit sur le devoir, pour prendre un terme plus restreint. L’idéal ici, bien sûr, est celui des « droits ». L’homme a certains droits dès sa naissance ; cette idée a fait la révolution américaine, puis la révolution française, et est devenue plus tard encore la pensée fondamentale des écrivains politiques et économiques du début du XIXe siècle ; mais cette idée de droits n’existe pas en Orient. Elle a sa place dans l’évolution, mais c’est un idéal de combat, de compétition, absolument nécessaire, avec tous ses accompagnements indésirables, comme étape du progrès de l’humanité ; mais c’est l’antithèse même de l’idéal oriental, qui voit l’homme entouré de devoirs et est pratiquement aveugle à ses droits. Aucun homme qui suit un idéal oriental ne dit : « J’ai le droit d’avoir ceci ou cela ». Le devoir, oui, le devoir envers tous ceux qui l’entourent, envers ses inférieurs, ses égaux et ses supérieurs, mais toujours le devoir, et il n’y a pas d’excuse pour manquer à son devoir parce qu’un autre a manqué à son devoir envers soi-même. De là naît une attitude entièrement différente envers la vie ; de là la facilité avec laquelle il est possible de gouverner les peuples orientaux. Je ne défends pas l’un ou l’autre idéal, mais j’essaie simplement de nous faire prendre conscience de la différence profonde entre les deux et de la valeur que cet idéal du devoir peut apporter au monde, afin qu’il ne disparaisse pas complètement de l’esprit des hommes. Ce qu’il peut faire, incarné dans une nation, nous l’avons vu dans les triomphes du Japon.

De cet idéal naît une autre idée : le caractère relatif de toute moralité. Un homme né dans un certain milieu de devoirs trouve sa propre moralité dans l’accomplissement des devoirs que lui impose son milieu. Sa moralité variera donc selon sa position, selon son stade d’évolution. Aucun sage ou penseur oriental ne rêve d’établir un idéal moral commun à tous ; c’est une fantaisie purement occidentale, qui ne fonctionne pas très bien dans l’ensemble. En Orient, la caste des combattants aura son propre ensemble de devoirs et sa propre moralité ; la caste des enseignants aura ses propres devoirs et sa propre moralité, très différents de l’humilité du combattant ; la caste des marchands aura ses propres devoirs et sa propre moralité ; et le paysan et l’artisan auront leur propre code moral et leurs propres devoirs. Le serviteur a son code spécial, qui comporte relativement peu de devoirs – obéissance, honnêteté et bon service – mais ceux qu’il doit remplir avec soin. En dehors de cela, ce qui serait mal voulu n’est pas considéré comme mal pour lui. Les autres parties des codes moraux trouveront leur accomplissement dans les vies qui restent à vivre. Rien ne presse. Nous n’avons pas besoin d’essayer d’atteindre la perfection universelle en une seule vie – la plus impossible de toutes les tâches impossibles. Si nous apprenons les devoirs propres à notre stade et les accomplissons bien, notre progrès est assuré. Le code moral variera donc à chaque stade. Je vais prendre un exemple courant. Un homme en Inde abandonne tout, est devenu ce qu’on appellerait en Occident un moine du type le plus extrême de pauvreté. Il ne possède rien ; il a donné sa vie au service du monde, et ceux qui guident le monde dirigeront cette vie. Il n’a qu’à donner. Il n’a plus à se soucier de sa propre vie. Cette vision d’abandon absolu va de pair avec le devoir d’innocuité absolue. Il ne doit pas toucher une vie qui partage le monde avec lui. Le serpent venimeux ne doit pas être tué, le tigre ne doit pas être blessé. Il ne doit utiliser aucun pouvoir de la vie abandonnée pour la défendre contre l’attaque d’une autre créature ; car si le serpent ou le tigre viennent à lui et le tuent, il vient comme un messager de derrière le voile pour lui dire que son service dans ce corps est terminé. Mais la même règle ne s’applique pas au chef de famille, à l’homme qui a des enfants à garder, des serviteurs à protéger, des animaux qui font partie de sa maison. En tant que gardien des vies plus jeunes et plus faibles, il doit se tenir entre elles et le péril, et il est tout autant de son devoir de tuer le serpent intrus, s’il les menace, que du devoir du Sannyasin de le laisser passer sans lui faire de mal. De là naît une grande confusion dans l’esprit occidental lorsqu’il lit des livres orientaux, car ils lisent, comme obligatoires pour tous, des idéaux qui, en Orient, sont liés à leur propre stade d’évolution – une doctrine qui trouve peu d’acceptation en Occident. Et naturellement, il en est de même chez les chrétiens modernes, car le Sermon sur la Montagne est présenté comme l’idéal moral,Mais cet idéal de non-résistance appliqué à l’homme ordinaire est impossible et donc négligé. Quand un homme comme Tolstoï l’applique à tout le monde, on dit de lui qu’il est un « excentrique ». Il est certainement très imprudent. Aucun État ne pourrait vivre sur un tel fondement, faux aussi bien pour le citoyen que pour le voleur, vrai seulement pour le saint. L’ancien archevêque de Peterborough a dit qu’une nation fondée sur le Sermon sur la montagne s’effondrerait très vite. Mais alors n’est-il pas dommage de faire du Sermon sur la montagne un principe obligatoire pour tous les chrétiens ? Car le résultat est que, dans la mesure où ils savent que c’est impossible pour eux, cela les conduit à professer du bout des lèvres une croyance qui ne guide pas la vie. La vision de la relativité de la morale est un autre des précieux idéaux orientaux qui peuvent alors avoir quelque chose à faire et à dire en Occident.

Le dernier grand idéal de grande portée que je puisse aborder ici est celui de ce qu’on appelle aujourd’hui la « vie simple » et la pauvreté volontaire. Il faut qu’une nation ait un certain niveau de position sociale. Dans la plupart des nations occidentales, depuis l’époque féodale, le niveau de position sociale est le niveau de naissance. Ces dernières années, ce niveau s’est largement mêlé au niveau de l’argent, en partie parce que les grandes richesses recevaient souvent un titre qui plaçait leur propriétaire parmi ceux dont les titres leur étaient parvenus par une longue lignée, et en partie parce que, avec le luxe croissant de l’époque, la richesse pesait de plus en plus lourd sur la distinction sociale. Le résultat de cette situation se manifeste largement dans la vulgarisation de la société, dans la perte des manières nobles, majestueuses et dignes. Un homme qui fait une immense fortune n’a en règle générale ni le temps, ni les loisirs, ni le goût pour la culture des facultés mentales les plus délicates, ni pour les grâces qui vont de pair avec une culture qui a traversé les siècles. Et ainsi, peu à peu, dans le monde occidental, un nouvel étalon s’impose face à l’étalon de la naissance : l’étalon de la grande richesse. La société s’adapte à ces nouvelles conditions.

Les manières de la grande dame d’autrefois sont bel et bien révolues, et la voix forte, le rire bruyant, les gestes familiers ont remplacé le ton doux, le rire bas et musical, l’attitude courtoise mais majestueuse des chefs de la société, quand une clé d’or n’ouvrait pas toutes les portes. Et ce changement signifie beaucoup, car

Les manières ne sont pas vaines, mais le fruitd’une nature loyale et d’un esprit noble.

L’aristocratie doit être la gardienne de manières majestueuses, d’une tenue digne, d’une culture artistique, d’une vie simple ou fastueuse, selon la convenance de l’occasion, l’exemple permanent du « bon goût ». L’automobile ne le symbolise que trop bien, fonçant à toute allure, insouciante de sa vie et de ses membres, criant sa priorité de façon discordante, cliquetant bruyamment et haletant furieusement, sans se soucier de tout autre confort que le sien, répandant poussière et odeur nauséabonde sur tout ce qui se trouve derrière elle.

En Orient, la richesse n’a jamais été considérée comme la norme de la considération sociale ; au contraire, l’accumulation des richesses était l’œuvre de la troisième caste, et non de la deuxième ni de la plus élevée. Les castes guerrière et enseignante n’avaient pas pour devoir d’amasser et de conserver des richesses. Le guerrier devait être généreux et splendide. Vous pouvez encore trouver en Inde un immense étalage de richesses chez les dirigeants et les princes lors des occasions officielles ; mais entrez dans leurs maisons quand il n’y a pas de grande cérémonie, mêlez-vous à eux dans leur vie domestique et vous y trouverez une vie simple – la splendeur pour les cérémonies du rang, la simplicité pour le service au foyer. Et lorsque de la caste guerrière et de sa splendeur publique vous passez à la classe des érudits, alors la richesse est considérée comme une honte, non comme un motif d’orgueil. « La richesse d’un enseignant, c’est son savoir », est-il écrit. Et la considération sociale, vous devez vous en souvenir, est allée à l’enseignant, non au millionnaire, de sorte que le millionnaire et le prince se prosternent tous deux aux pieds de l’homme à moitié nu mais érudit. Cela donne un niveau de vie sociale entièrement différent, et cela fonctionne encore aujourd’hui, malgré tous les changements qui ont eu lieu dans la vie indienne. Le mode de vie ordinaire, si semblable dans les différentes classes, rassemble ces différentes classes d’une manière dont on n’aurait jamais rêvé en Occident. Vous envoyez chercher un homme en Inde pour vous vendre un châle. Il entre dans votre chambre et s’assoit sur un tapis près de vous. Il joue avec vos enfants, il parle avec vous comme un ami avec un ami, jusqu’à ce que le coolie vienne avec les châles parmi lesquels vous pouvez choisir. Il n’aurait jamais songé à prendre ce qu’on appelle ici une liberté ; il est trop bien élevé. Vous rencontrer de cette façon, ce n’est pas prendre une liberté, mais reconnaître une vie humaine commune. Et ainsi de suite ; et dans la mesure où les vêtements et la nourriture sont très semblables dans les différentes classes, sauf là où l’influence occidentale s’est répandue, on n’y trouve pas la même amertume et la même jalousie qu’en Occident, où la vie des pauvres est obligatoirement simple, et celle des riches luxueuse et compliquée. Les deux hommes, chez eux, ne porteront qu’un seul vêtement, plus fin dans un cas que dans l’autre, mais toujours le simple vêtement commun porté de la même façon ; tous deux s’assoient à leurs repas de la même manière, et la différence des repas n’est pas aussi grande qu’on pourrait le penser. Ce sont ces forces qui font que le raffinement général des gens se remarque en Inde. Vous pouvez rencontrer un homme qui n’est qu’un ouvrier, mais ses manières seront celles d’un gentleman. Un gentleman donne une pièce de théâtre dans sa maison, et n’importe qui peut entrer de la rue et partager l’amusement ; une partie de la salle est réservée aux invités ; la foule non invitée à l’extérieur est parfaitement bien élevée et satisfaite. Vous y trouvez du raffinement, car le standard pour tous est tellement semblable dans ces choses extérieures. Vivre luxueusement signifie vivre à la manière occidentale,et parmi la masse des gens, c’est plutôt un reproche qu’un éloge, bien qu’il y ait un désir croissant d’imiter, ce qui menace largement de corrompre la vieille simplicité de la vie indienne.

Cette simplicité de la vie matérielle qui met l’accent sur la connaissance, le caractère, le service plutôt que sur la richesse, combien il serait bon que les nations occidentales la connaissent aussi dans une certaine mesure ! La concurrence effroyable, la multiplication sans fin des articles de luxe, l’encombrement des maisons par des meubles inutiles et l’accumulation sur ces meubles de bibelots encore plus inutiles, de sorte que lorsque vous entrez dans une pièce, celle-ci ressemble plus à un bazar qu’à une pièce – toutes ces choses que vous voyez de tous côtés ne tendent pas à la beauté mais seulement à l’ostentation. C’est la vulgarisation de l’ensemble des peuples et leur abaissement à un niveau de vie inférieur. Cela signifie une concurrence accrue, une lutte accrue. Cela signifie que les pauvres deviennent plus pauvres tandis que les riches deviennent plus riches ; car cela signifie que le travail est transformé en des moyens inutiles, que de nouveaux besoins se multiplient et que de nouveaux objets sont conçus pour y répondre, jusqu’à ce que toute la vie devienne complexe et surchargée. Et bien que je ne demande pas que chaque vie soit aussi simple que la meilleure vie indienne, je dis qu’il serait bon pour l’Angleterre, et pour toutes les nations occidentales, que ceux qui seuls peuvent le faire – les riches et les haut placés, surtout les haut placés, encore plus que les riches – adoptent une noble simplicité et une beauté de vie digne, qui encourageraient le véritable art mais décourageraient l’ostentation oisive et remplaceraient l’ostentation par la beauté, et le luxe excessif par la simplicité.

Revenons maintenant à mon point de départ. Ces idéaux de l’Orient étaient en danger de disparition. L’humanité ne peut se permettre de les laisser mourir. L’énergie, l’initiative et la volonté de l’Occident d’assumer ses responsabilités sont toutes bonnes pour la vie orientale ; mais l’Occident a aussi beaucoup à apprendre de l’Orient et beaucoup à lui enseigner. Le danger était que la puissance croissante de l’Occident en Orient ne tue ces grands idéaux qui changent l’attitude des hommes envers le monde et envers la vie en général. Et si l’équilibre est rétabli aujourd’hui, si sur terre et sur mer une nation orientale conquiert une nation occidentale, c’est parce que l’Occident n’apprend à respecter que là où la force armée peut lui tenir tête, et les idéaux orientaux n’ont aucune chance d’être méprisés et méprisés tant qu’ils ne sont pas élevés au sommet d’une main qui sait manier l’épée et se montre aussi forte sur le champ de bataille qu’elle l’est dans le royaume de l’esprit.

LES DESTINÉES DES NATIONS

Dans la dernière conférence, j’ai souligné que certaines grandes idées, nécessaires à l’évolution de la race, peuvent être considérées comme appartenant spécialement aux civilisations de l’Orient, et que ces idées risquaient d’être piétinées par les civilisations occidentales en progrès. Nous avons vu que cela constituait un danger pour l’humanité tout entière, les idéaux des civilisations orientales et occidentales étant nécessaires à l’avenir du monde ; et qu’il devenait nécessaire qu’une intervention précise ait lieu pour rétablir l’équilibre de la pensée. Je désire maintenant attirer l’attention sur la nature de cette intervention, montrer ce qui se cache derrière les destinées des nations et quelles forces guident le cours des affaires, afin que nous puissions voir à travers le voile des événements les forces qui les guident. Le grand drame mondial n’est pas écrit par la plume du hasard, mais par la pensée du Logos, guidant son monde sur la route de l’évolution. Au cours de cette évolution, de nombreux êtres sont concernés. Nous devons considérer ce monde comme une partie d’une chaîne de mondes étroitement liés entre eux, tous les habitants de ces différents mondes ayant quelque chose à dire dans les parties du drame qui se jouent dans chacun d’eux. Nous vivons tous dans trois mondes différents, et pas seulement dans un seul ; et que ce soit dans le monde physique, dans le monde suivant, l’astral, ou dans le troisième, le monde céleste, les habitants sont occupés à la conduite générale des affaires qui affectent les trois. La vie devient énormément plus intéressante lorsque nous reconnaissons qu’elle se façonne non seulement dans le monde physique mais aussi dans d’autres mondes, et que lorsque nous suivons les destinées des nations, nous découvrons que ces destinées remontent à l’arrière-plan, et que le déroulement dans le présent est largement conditionné par les énergies du passé.

Examinons un instant le plan général de l’ensemble. Je le présenterai comme s’il s’agissait d’un grand drame écrit par une plume divine. L’histoire du monde et les différents rôles des acteurs sur la scène y sont tous écrits. Ce qui n’est pas déterminé, c’est qui seront les acteurs, et à cet égard, une grande part de ce que l’on appelle le choix intervient. Ce drame est la manifestation de certaines grandes idées de l’Esprit divin, idées inscrites, pour ainsi dire, dans les cieux ; car il est suggéré dans la pensée très ancienne que ce que nous appelons les signes du zodiaque ont un lien précis avec le cours des affaires humaines. Sur ce point, dans les grandes lignes, il n’y a aucun doute dans l’esprit de quiconque a pénétré un peu derrière le voile. L’importance de ces influences stellaires ne peut être surestimée ; En effet, dans la mesure où les êtres humains sont liés, par la composition de leur corps physique et de leurs autres corps plus subtils, aux mondes parmi lesquels ils se meuvent dans l’espace, il doit exister des relations magnétiques entre eux et le système dont ils font partie, et à certaines époques de l’histoire de l’évolution, il y aura telle ou telle influence dominante présente dans l’atmosphère dans laquelle les hommes pensent et agissent, et ils ne peuvent pas plus échapper à cette influence que leur corps ne peut échapper à l’influence du soleil lointain. Le grand drame, donc, est le grand plan de l’évolution humaine. Il est plein de rôles qui doivent être joués par les nations, mais pas nécessairement par telle ou telle nation ; car la nation se qualifie pour jouer un certain rôle qui peut être offert à plus d’une nation, et l’une ou l’autre peut se hisser à la hauteur de sa grande opportunité.

Laissons cela de côté pour un moment et posons-nous la question des forces qui contribuent à adapter les acteurs aux rôles. Peut-on trouver, dans ce qui semble être le grand chaos des volontés humaines, une force directrice qui réunisse l’acteur et le rôle ? On ne peut pas avoir un drame aussi vaste que le processus mondial, comme l’évolution, et un grand fossé entre l’Auteur d’un plan aussi vaste et les acteurs individuels qui composent les nations et choisissent les rôles.

Comment faire pour que le bon acteur soit mis en contact avec sa part dans l’histoire de la nation, dans l’histoire des naissances et des décès successifs des individus ? C’est le point suivant à saisir.

Or, le vaste mécanisme qui permet de réunir les parties et les acteurs se trouve dans les hiérarchies d’intelligences suprahumaines reconnues dans toutes les religions du monde et dans l’enseignement occulte sur lequel elles sont fondées. Aucune grande religion du passé ou du présent ne voit entourer le monde et se mêler à ses affaires par de vastes hiérarchies d’intelligences spirituelles entre les mains desquelles est confiée la tâche de réunir les acteurs et les parties. Vous verrez, si vous vous tournez vers les religions des nations du passé, comment elles ont reconnu que ces mécanismes jouaient un grand rôle dans la formation pratique des destinées des nations. Pas un seul grand peuple de l’Antiquité n’a eu ses propres « dieux » nationaux.

Le mot « Dieux » est cependant très confus dans la langue anglaise, car il s’applique non seulement à ces grandes armées d’Intelligences, mais aussi au Suprême, au Logos, l’Auteur du drame. Or, dans les nations qui ont d’autres religions que la religion chrétienne, cette confusion ne se produit pas. C’est lorsque le chrétien considère ceux qu’il appelle les « païens » que la plus grande confusion surgit, car dans toute leur vaste théologie il utilise le nom unique de « Dieu ». Et pourtant il pourrait facilement échapper à cette confusion en se rappelant que sa propre cosmogonie n’est qu’une reproduction des pensées plus anciennes de ces peuples plus anciens. En Orient, il existe un nom qui est utilisé pour ces Intelligences – le nom de « Devas », de la racine « div », qui signifie « briller » ou « jouer » ; « ceux qui brillent » ou « ceux qui jouent » serait la traduction anglaise. Lorsque Bunyan emploie si souvent le terme « êtres brillants », il emploie une expression tout à fait orientale, car c’est sous ce nom que l’Orient connaît cette grande hiérarchie de l’intelligence. Parmi les chrétiens et les musulmans, dont la religion s’inspire largement de la religion juive, on emploie le nom « Ange », les termes « Ange », « Archange », « Chérubins », « Séraphins », etc., étant représentés dans les religions plus anciennes soit par le mot « Deva » soit par un mot qui en dérive. « Dieu », au sens chrétien, est connu sous d’autres noms, et il n’y a pas de confusion.

Dans toutes les religions anciennes, ces Dévas jouaient un rôle énorme, et chaque nation avait son propre groupe de Dévas. Les Égyptiens considéraient certaines Intelligences surhumaines comme leurs premiers législateurs, et le lien entre le législateur humain, le Roi divin, et le Dévas est toujours clairement marqué. Chaque civilisation prend naissance dans un petit groupe, en partie humain, en partie surhumain, vers lequel elle se tourne et duquel elle tire ses lois. Les Grecs avaient leurs Demi-dieux ou Héros, et leurs Dieux ou Dévas. Ainsi, chez les Chinois, les Perses, les Indiens, on retrouve la même idée selon laquelle la nation est fondée par le groupe qui contient le législateur humain et le Dévas qui a travaillé avec lui à la construction de la nation. Celse laisse entendre que les êtres « à qui était assignée la charge de surveiller le pays pour lequel on légiférait, ont promulgué les lois de chaque pays en coopération avec ses législateurs. Il semble alors indiquer que le pays des Juifs et la nation qui l’habite sont surveillés par un ou plusieurs êtres qui ont coopéré avec Moïse et ont promulgué les lois des Juifs » (Origène, Con. Cel. V, xxv).

Les Rois Divins, les Héros, ont disparu, mais le Déva demeure toujours à la tête de chaque nation, une existence réelle dans les mondes astral et céleste, avec une foule d’intelligences moins développées sous sa main directrice. Et quand vous en arrivez aux Juifs, vous trouvez cette idée très clairement exprimée dans leurs écritures. Je m’arrête un instant sur ce point, car la phrase que je vais prendre de l’Ancien Testament, du Deutéronome, donne exactement l’idée que je veux prendre en considérant le déroulement des destinées d’une nation : « Quand le Très-Haut divisa les nations, quand il dispersa les fils d’Adam, il fixa les limites des peuples selon le nombre des anges de Dieu ; et la part du Seigneur fut son peuple Jacob » (Deut., xxxii, 8, 9, Septante). Pour beaucoup de lecteurs modernes, la dernière partie de cette phrase, « le Seigneur », peut paraître surprenante, car ils ont l’habitude de rattacher ce mot au Dieu suprême ; mais nous pouvons voir d’après l’ensemble de la phrase que c’est le nom « Très-Haut » qui indique le Logos, le Dieu manifesté, et il « divise toutes les nations du monde selon le nombre des anges, et à un grand ange, « le Seigneur », il donne Jacob, Israël, comme sa part particulière. » Origène, en traitant de cela, fait allusion aux « raisons relatives à la nature de la nation » (Deut., XXXII, 8, 9, Septante). Il souligne que dans l’histoire grecque, « certains de ceux qui sont considérés comme des dieux sont présentés comme ayant lutté entre eux pour la possession de l’Attique ; tandis que dans les écrits des poètes grecs, certains de ceux qu’on appelle des dieux sont représentés comme reconnaissant que certains endroits ici sont préférés par eux à d’autres » (Cau. Cel. V, xxix). Il souligne ainsi qu’après ce qu’il considère comme la dispersion symbolique, lors de la construction de la tour de Babel, les différentes nations furent données à ces groupes d’êtres célestes (Ibid., xxxiv). Cette idée du « ministère des anges » est très générale chez les premiers chrétiens ; ainsi nous avons chez Hermas la vision de la construction d’une tour :

« Et je lui répondis : Ces choses sont très admirables ; mais, madame, qui sont ces six jeunes gens qui construisent ?

« Ce sont, dit-elle, les anges de Dieu, qui ont été institués les premiers, et à qui le Seigneur a confié toutes ses créatures pour les former, les édifier et les gouverner. Car c’est par eux que sera achevée la construction de la tour.

” Et qui sont les autres qui leur apportent des pierres

« Ce sont aussi les saints anges du Seigneur ; mais les autres sont plus excellents que ceux-ci. C’est pourquoi, lorsque toute la construction de la tour sera achevée, ils festoieront tous ensemble à côté de la tour, et glorifieront Dieu, parce que la construction de la tour est achevée » (1er Livre d’Hermas, Vision iii, 43-46).

Clément (1ère épître, xiii, 7) cite le texte cité plus haut. On notera aussi la remarque suivante faite par Satan au prince de l’enfer au sujet de Jésus : « Quant à moi, je l’ai tenté, et j’ai excité contre lui mon vieux peuple, les Juifs, avec zèle et colère » (Evangile de Nicodème, xv, 9). Les Juifs étaient sous Saturne, ou Jéhovah, selon Origène. La même idée est enseignée chez les musulmans. Ils considèrent que les anges prennent une part très active aux affaires des hommes. Et il est à peine nécessaire de vous rappeler que dans les grands poèmes épiques de l’Inde, le Mahâbhârata et le Ramâyâna, vous trouvez les Devas se mêlant aux affaires des hommes, de sorte que, lorsque de grandes querelles doivent être décidées, ils prennent manifestement part à la lutte, chacun luttant pour la tribu ou la nation particulière placée entre ses mains pour son évolution. Un correspondant de Bristol, M. Tudor Pole, m’a dit qu’il existe une vieille légende teutonique selon laquelle, à la veille du Nouvel An, tous les « dirigeants intérieurs », les anges des nations, se réunissent devant le Conseil des dieux pour recevoir leurs ordres pour l’année à venir ; chacun doit formuler sa requête quant au destin de sa nation au cours de l’année à venir ; le Conseil décide du rôle que chaque nation jouera au cours de l’année suivante, et les grands seigneurs sont consultés. Finalement, les dirigeants se dispersent, certains avec de la musique et de la joie, d’autres en pleurs, d’autres encore dans une grande agonie.

En Grèce, les « dieux » et les hommes se mélangent souvent, et les Grecs, malgré leur philosophie, considéraient la chose comme réelle et non comme un conte de fées, bien que les philosophes grecs, comme les hindous et les bouddhistes, n’adoraient pas ces « dieux ». Dans le septième livre de l’Odyssée, nous lisons comment « Minerve rencontre Ulysse, sous la forme d’une jeune fille portant une cruche », et elle le guide jusqu’au lieu d’Alcinoos, un lieu gardé, à la manière atlante, par des chiens immortels d’or et d’argent, créés par l’esprit de Vulcain. Et il en est de même dans bien d’autres contes, écrits à une époque où l’esprit des hommes était moins aveuglé qu’il ne l’est aujourd’hui.

Bien entendu, cette idée a disparu dans les temps modernes, et elle doit paraître un conte de fées aux lecteurs modernes lorsqu’ils mettent ces pensées en contact avec des choses qui peuvent leur sembler bien plus réelles : les luttes des rois et la politique du monde moderne. Et pourtant, derrière tout cela, les forces de coordination sont toujours continuellement à l’œuvre ; et lorsque vient le temps pour une nation de jouer un rôle triomphant dans l’histoire courante du monde, alors, bien des années avant le moment du triomphe, des âmes dévas qui sont aptes à la construire et à la guider dans la lutte à venir sont guidées vers cette nation par les âmes qui sont aptes à l’édifier et à la guider dans la lutte à venir. Et lorsque vient le temps pour une nation de sombrer dans l’histoire courante du monde, des âmes faibles, sous-développées, cruelles, tyranniques, qui se sont préparées à jouer de tels rôles dans le grand drame national, sont guidées vers l’incarnation. Gardons donc cette théorie à l’esprit : le drame d’un côté, cette grande agence de coordination de l’autre, qui guide les acteurs choisis par eux-mêmes vers les rôles qui leur sont assignés.

Et maintenant, examinons quelques-unes des nations elles-mêmes et voyons dans quelle mesure les destinées qu’elles accomplissent s’accordent avec cette idée d’une main directrice derrière le voile. Prenons pour exemple la construction d’un puissant empire occidental, afin que la grande Cinquième Race, avec son évolution de l’esprit concret, puisse jouer son rôle dans le drame pour le bien de l’humanité tout entière. Et voyons, si nous le pouvons, si certains courants précis ne peuvent pas être suivis qui montrent un plan définitivement élaboré, et non pas le simple mélange des volontés chaotiques, des ambitions et des égoïsmes des nations.

Peu à peu, cette partie de la nation se prépara à se placer au-dessus des autres nations du monde. La première nation à qui cette place fut offerte fut l’Espagne, qui s’y était préparée par une évolution très marquée et extraordinaire. Elle fut le théâtre d’un grand flot de connaissances qui se rattachaient à la philosophie grecque mourante et qui tiraient leurs riches réserves des écoles néoplatoniciennes. Dans le sud de l’Espagne, arriva la grande incursion venue d’Arabie, riche de toutes les connaissances apportées par les puissantes écoles de Bagdad, qui s’étendirent dans le sud de l’Espagne et de là dans toute l’Europe. Colomb fut envoyé vers elle, qui lui permit de déployer ses troupes conquérantes au-delà de l’Atlantique et de soumettre le Nouveau Monde à son sceptre impérial. Comment l’Espagne saisit-elle cette merveilleuse occasion ? Dans son sillage, l’armée de Colomb soumit le Mexique et le Pérou à sa domination et détruisit leurs anciennes civilisations, dépassées et prêtes à être détruites. Elle avait mis sur ses épaules la tâche de construire dans ce nouveau monde une civilisation fondée sur les bases solides laissées là par l’Atlantide, capable de soutenir l’édifice de la pensée et du savoir nouveaux. Chacun sait comment elle a laissé passer cette occasion ; comment elle a chassé de son propre pays les Maures et les Juifs, les héritiers du savoir, de la philosophie et de la science ; et comment, dans le nouveau monde, avec son avidité pour l’or, elle n’a pas fait attention aux peuples placés entre ses mains, mais les a piétinés jusqu’à les réduire en poussière. Ainsi, sa part dans le drame lui a été retirée et offerte à un autre peuple.

Une autre nation se présenta à la course, une nation qui, malgré ses nombreux défauts, avait aussi de grandes vertus. L’Angleterre, étendant sa race au loin, soumit de plus en plus à son empire pays après pays. Elle obtint l’offre d’un empire mondial par un acte de droiture nationale : la libération des esclaves, accompagnée d’un grand acte de justice nationale qui ne sacrifia aucune classe, mais imposa le fardeau de la libération à la nation entière. En échange, ceux qui guidaient ses destinées se virent offrir la possibilité de dominer le monde. Toutes les nations qui tentèrent de s’établir dans cette grande terre de l’Orient, l’Inde, échouèrent l’une après l’autre, jusqu’à ce que la race anglaise y pose les pieds. L’histoire de cette installation n’est pas agréable à lire, et de nombreux crimes furent commis ; pourtant, dans l’ensemble, la nation essaya de faire de son mieux pour corriger les oppressions exercées en Inde – alors si inaccessibles – comme en témoigne son action envers son grand proconsul, Warren Hastings, lorsqu’elle le fit comparaître devant le monde pour ses mauvaises actions. Malgré ses nombreux défauts, elle a pu s’élever de plus en plus haut dans le monde oriental, en partie aussi parce qu’elle offrait, avec ses colonies et sa langue en expansion, l’instrument mondial le plus efficace pour diffuser la pensée de l’Orient sur les civilisations de l’Occident. Chacun sait jusqu’où cela est allé, comment dans toute l’Amérique du Nord, dans la lointaine Australasie, ainsi que dans son propre pays, la pensée et la philosophie orientales ont pénétré partout, de sorte que les trésors de la science sanskrite, si jalousement conservés jusqu’au moment où le moment était venu de les diffuser, se répandent sur toute la surface du globe.

Les Êtres supérieurs qui guident la nation s’efforcent sans cesse, par des leçons sans cesse répétées, de faire comprendre à l’Angleterre que seule la droiture peut à long terme permettre à une nation de s’élever. Et à un moment critique, alors que le luxe devenait trop énervant, trop égoïste, la terrible leçon de l’Afrique du Sud a gravé dans la conscience anglaise la leçon selon laquelle le devoir et la justice doivent primer sur le luxe. Les feux du désastre ont enseigné à l’Angleterre une leçon qui, Dieu veuille, lui sera utile pour son avenir.

Et puis se posa la question de savoir quelle nation devait être choisie pour élever les idéaux de l’Orient. L’Inde, à ce stade de l’histoire du monde, ne pouvait pas faire le travail nécessaire ; elle apprenait ses leçons sous un conquérant ; mais il y avait une nation en Extrême-Orient qui avait en elle la possibilité d’apprendre la leçon, et les Dévas de la nation commencèrent à s’efforcer de former dans cette île lointaine un peuple apte à la grande tâche d’élever la pensée orientale, de montrer que la conquête peut aller de pair avec la douceur et la maîtrise de soi, et qu’une nation peut devenir une grande puissance sans perdre le sens du devoir. Le travail commença par un changement dans l’éducation du peuple, qui pourrait rendre la nation consciente d’elle-même, et alors dans le sol ainsi préparé naquit un groupe d’âmes héroïques. Le Mikado du Japon, une âme puissante, capable d’incarner pour cette nation sa propre grandeur, capable d’utiliser un tel pouvoir qu’en un bref espace d’années il puisse transformer la nation, lui donner une nouvelle forme, développer en elle des forces inconnues, et en même temps faire apparaître une personnalité si merveilleuse que toute cette nation le regarde comme un dirigeant de droit divin, de la personne sacrée duquel découlent les pouvoirs qui se manifestent dans la nation, chaque triomphe reflétant une gloire nouvelle sur sa personnalité. Et autour de lui se rassemblent les grands, les uns après les autres, pour le travail d’élever la nation, jusqu’à ce qu’à chaque point important vous voyiez un homme d’État, un général, un amiral, apte à conduire le peuple de triomphe en triomphe. Un groupe d’âmes fortes est guidé pour s’incarner là, afin que la nation puisse accomplir sa destinée ; car aucune nation ne peut être grande si au centre il n’y a pas un idéal, une loyauté et un dévouement parfaits. Ce n’est pas une simple phrase du bout des lèvres, mais l’expression d’un sentiment profond dans le cœur du soldat et du général, lorsqu’ils remercient leur souverain pour la victoire sur le terrain et, avec la dévotion orientale, disent qu’il est le représentant de Dieu parmi eux.

Jetez un coup d’œil à l’autre nation dans le grand duel qui se livre en Asie orientale et voyez avec quelle étrangeté la Russie, nation promise à un grand avenir, est guidée à travers la terrible vallée de l’humiliation. La préparation à cette partie calamiteuse du drame réside dans ce qui s’est passé avant, même dans les limites de notre propre vie. Il y a un moment, il y a vingt-cinq ou trente ans, où une merveilleuse occasion s’est présentée à la Russie. Bien que maladroite, la libération des serfs était motivée par une noble impulsion et il y avait une possibilité que cet acte puisse être utilisé à bon escient pour la nation et l’élever au lieu de la conduire au bord de la destruction comme cela a été le cas. Et alors, de nombreuses âmes nées à cette époque parmi les nobles de Russie firent une des plus merveilleuses choses que le monde ait jamais vues : ils se jetèrent hors de leur rang parmi les pauvres, les ignorants et les opprimés, les jeunes gens et les jeunes filles de la noblesse se donnèrent à l’élévation du peuple, non par une charité lointaine, mais par un merveilleux élan de sacrifice de soi. Et comment cela fut-il satisfait ? La divine compassion de ces jeunes gens et de ces jeunes filles fut satisfaite par la forteresse de Pierre et Paul, par les mines, les déserts et les neiges de Sibérie. Rien de plus terrible n’a été accompli par un gouvernement d’aucun peuple dans les temps modernes. Et terrible la Némésis. Poussés par le désespoir, leurs tentatives de s’élever en toute douceur se heurtèrent au knout et au cachot souterrain, à la famine pour les hommes, au déshonneur pour les femmes. Comment s’étonner que certains d’entre eux soient devenus fous ? Il n’est pas étonnant que certains d’entre eux, après des années de patience et de souffrances les plus cruelles, aient finalement répondu par la bombe au knout. Cet état de choses a été créé en premier lieu par la bureaucratie et non par les victimes. Des milliers et des milliers de ceux qui auraient sauvé la Russie sont morts sur les échafauds, ont été massacrés dans ces mines effroyables, jusqu’à ce que la patience des dieux soit enfin épuisée et que le moment soit venu pour le gouvernement d’apprendre que les gouvernements existent pour aider et non pour écraser leurs peuples.

La Russie a donc choisi, par son passé, le rôle terrible qu’elle joue aujourd’hui sur la scène du monde. Contre elle se dressent toutes les forces qui font avancer le monde ; contre elle, du monde astral, les myriades qu’elle y a envoyées avant l’heure, tous ses martyrs, toutes ses victimes, luttent contre elle. D’où le bilan d’une défaite sans précédent. Et chez elle, la révolution, l’anarchie, les assassinats et les mutineries menacent de toutes parts son système gouvernemental, jusqu’à ce que la Russie ne puisse plus aujourd’hui fouler d’un bout à l’autre cette vallée de l’ombre de la mort ; et, le cœur douloureux, mais d’une main ferme, ses gardiens angéliques la guident à travers la défaite et le désastre, désireux que leur charge apprenne ses leçons quel qu’en soit le prix. Car, à ses yeux clairs, l’agonie de la nation pour le moment importe peu, à côté des leçons que l’on apprend au cours de cette agonie ; et jusqu’à ce que la tyrannie elle-même soit écrasée et que les dirigeants de la Russie apprennent leurs devoirs envers le peuple, elle doit encore fouler le pressoir du vin de la colère divine.

Et voyez comme la Russie a été préparée à cela. Parmi tous ses dirigeants, pas un seul homme fort ; partout la faiblesse et l’incertitude, changeaient de politique à chaque instant. Remarquez le gouvernement de celui qui devrait être le père, mais qui est le tyran de son peuple – peut-être pas un homme mauvais en soi, mais totalement indigne de son poste. Il fait partie du destin d’une nation que, lorsque l’heure de sa fin sonne, rien d’autre que la faiblesse ne naisse dans ses classes dirigeantes, de sorte que ceux qui ne veulent pas gouverner correctement perdent le pouvoir de gouverner. Et sur ces terribles champs de bataille dont nous avons lu les comptes rendus dans la presse quotidienne, y a-t-il quelque chose de plus pathétique que le courage intrépide des soldats et l’incompétence désespérée des officiers ? Ce n’est pas que les soldats ne se battent pas, mais qu’ils sont dirigés par des hommes qui ne savent pas diriger.

C’est ainsi que les nations sont dirigées d’en haut, et que dans la nation qui doit sombrer sont dirigés ceux qui, inévitablement, l’entraînent vers le bas. Il en fut de même en Espagne, où il y avait un roi enfant et aucun ministre capable de la guider dans la lutte contre Cuba et l’Amérique.

Et comment sont choisis ces dirigeants ? Ils sont choisis par leur propre vie passée. Un homme est désintéressé, courageux et noble, et un tel homme, dans les innombrables choix de sa vie quotidienne, fait le choix du rôle splendide qu’il jouera plus tard dans l’humanité. Il en va de même pour ceux qui sont grands à l’extérieur, mais qui doivent jouer un rôle sordide. Par d’innombrables égoïsmes et en se préférant à eux-mêmes, en empruntant toujours le chemin le plus bas au lieu du plus élevé, ces hommes choisissent aussi leur rôle dans l’histoire.

C’est ainsi que l’occultiste regarde l’histoire humaine et voit se préparer autour de lui, de tous côtés, les hommes et les femmes qui seront les acteurs de l’avenir dans les parties les plus importantes du drame mondial. Car personne ne nous impose un rôle quelconque, ni ne nous impose une place spéciale dans le drame mondial. Nous choisissons pour nous-mêmes. Nous nous construisons pour la gloire ou pour la honte, et comme nous le construisons, nous le serons inévitablement par la suite. Il s’ensuit que pour qu’une nation soit grande, ses citoyens doivent lentement édifier leur grandeur en eux-mêmes. C’est pourquoi la grandeur que vous voyez maintenant au Japon est une grandeur que vous pouvez reconnaître chez les hommes et les femmes ordinaires de ce pays, qui sont prêts à sacrifier tout ce qui leur est le plus cher pour le bien de leur pays et la gloire de leur chef.

Il en est de même pour l’Angleterre, si elle veut remplir le rôle important qui lui est confié dans un avenir proche. Elle doit édifier ses fils et ses filles sur des modèles héroïques, en plaçant la droiture au-dessus du luxe, la pensée au-dessus du plaisir, en choisissant l’effort, l’héroïsme, le sacrifice de soi dans la vie quotidienne, et non les plaisirs mesquins, les petits luxes et les misérables satisfactions sensuelles, aucun grand édifice ne peut être construit avec des briques pourries, et aucune nation puissante ne peut être façonnée avec des matériaux de mauvaise qualité. Les destinées des nations reposent sur les foyers qui les composent, et les hommes, les femmes et les enfants nobles portent en eux la promesse de la grandeur nationale future. Et à mesure que nous améliorerons nos conditions de vie, des âmes plus élevées et plus évoluées naîtront parmi nous. Alors que nous avons des taudis et des endroits misérables, nous construisons des habitations pour des âmes peu évoluées, que nous attirons dans la nation. Sous la terre pousse la racine, d’où sortiront la fleur et le fruit, et pauvre science horticole qui place une racine pourrie dans le sol et attend d’elle une fleur parfaite et un fruit splendide. Si nous voulons que l’Angleterre soit grande parmi les nations et que sa destinée soit une destinée impériale au service de l’humanité tout entière, nous devons cultiver le sol du caractère, planter les racines saines d’une vie noble, juste et simple, et alors la destinée est inévitable, et la nation sera destinée à jouer un rôle impérial dans le drame du monde.

Les Francs-maçons font un don de 5 000 dollars à des œuvres caritatives

De notre confrère royalgazette.com – Par Stefano Ausenda

Deux organisations ont reçu jeudi 2 500 $ chacune de l’aile caritative des francs-maçons. Keith Battersbee, président du Fonds des Francs-Maçons des Bermudes, a remis les chèques au Family Centre et à l’Association Scout des Bermudes. Chaque loge maçonnique de l’île a collecté des fonds grâce à des événements et à des dons individuels.

Cliquez ci-dessus pour acceder à la vidéo

M. Battersbee a déclaré :

« Nous espérons que [l’argent] contribuera à vous aider à poursuivre les services spéciaux et compatissants que vous offrez à vos associations caritatives individuelles. »

Le Centre familial, qui soutient les enfants et les familles, célèbre ses 35 ans d’activité.

Sandy De Silva, directrice exécutive du centre, a déclaré que les fonds bénéficieront aux services de conseil et de sensibilisation de l’association, aux initiatives de plaidoyer, à la Youth Leadership Academy et aux programmes Beyond Rugby et Beyond Yoga.

« Cela contribue grandement à garantir que tout cela soit offert gratuitement à toute personne sur cette île »

a expliqué le Dr De Silva.

Nick Rowse, représentant de l’Association des Scouts des Bermudes, a déclaré : « Cet argent va directement aux Scouts. Il n’y a pas de frais généraux, donc tout ce que vous nous donnez nous aidera à mettre en place un programme en lien avec les Scouts ou les Louveteaux. »

Le Grand Architecte de l’Univers au cœur de la démarche maçonnique

L’expression « Grand Architecte de l’Univers » suggère l’existence d’un principe unique, à l’origine de toute chose, donc créateur, et qui demeure aussi régulateur de toute chose, car tout élément de la création ou de la manifestation ne peut qu’obéir aux lois émanant de ce principe. En fait, le concept de Grand Architecte de l’Univers permet d’exprimer l’unité fondamentale de notre univers, sa cohérence, par-delà sa diversité.

L’invocation au Grand Architecte de l’Univers, présente dès le Premier Degré, est hautement signifiante. Elle place cet épisode dans une dimension qui est celle de la spiritualité. Elle rattache cet épisode à la quête de l’initié en ce qu’elle a d’immatériel, de transcendant.

Progressivement, il s’agit de passer de la matérialité à la spiritualité, du monde fini à l’infini, du limité à l’absolu. C’est en tous cas le commencement de cette progression.

Le concept de Grand Architecte de l’Univers a-t-il été inventé par la Franc-maçonnerie ?

La réponse est sans ambiguïté : non.

L’idée d’une religion naturelle, qui revient à envisager qu’une entité, un Être Suprême, a organisé l’Univers est fort ancienne. Platon évoque dans le Timée un suprême ordonnateur, et écrit « Il est une autre question qu’il faut examiner à propos de l’univers, à savoir d’après lequel des deux modèles son architecte l’a construit ». Plus loin il évoque un divin ouvrier qui « organisa l’univers de manière qu’il fût, par sa constitution même, l’ouvrage le plus beau et le plus parfait. »

Cicéron, un siècle avant notre ère, reprend la même idée : « quoi de plus manifeste et de plus clair, quand nous avons porté nos regards vers le ciel et contemplé les corps célestes, que l’existence d’une divinité d’intelligence absolument supérieure qui règle leur mouvement ?… Non seulement la demeure céleste et divine a un habitant, mais celui qui l’habite exerce sur le monde une action directrice, il est en quelque sorte l’architecte d’un si grand ouvrage et veille à son entretien. »

La tradition juive reconnaît en Dieu le créateur de l’Univers et le loue dans une bénédiction qui énonce que « Créateur parfait d’ouvrages parfaits, il leur fait remplir ses volontés avec joie et avec allégresse ».

Cette idée d’une construction parfaite est reprise par le Coran, qui fait de Dieu un bâtisseur lorsqu’il est dit dans la sourate 50 (Qaf) « N’ont-ils donc pas observé le ciel au-dessus d’eux, comment Nous l’avons bâti et embelli; et comment il est sans fissures? »

Et cette idée n’a depuis cessé de venir à l’esprit d’hommes éclairés. Ainsi, Calvin, vers 1550, avait choisi de qualifier Dieu de « Grand Architecte » ou d’« Architecte de l’Univers ».

C’est au philosophe allemand Leibniz que l’on doit, dans les dernières années du 17ème siècle, d’avoir porté de la manière la plus aboutie l’idée que partageaient ses contemporains philosophes des Lumières selon laquelle Dieu, du fait de sa perfection suprême, a choisi pour créer l’univers le meilleur plan possible.

Et il va de soi que « plan » renvoie à « architecte ».

Descartes dans les Méditations métaphysiques parle d’un Grand Horloger, et Voltaire a repris la même image dans ses célèbres vers : « L’univers m’embarrasse, et je ne puis songer Que cette horloge existe et n’ait point d’horloger. »

Nous avons vu que le concept de Grand Architecte de l’Univers avait été suggéré dès l’Antiquité, et que des fidèles des religions du Livre l’avaient repris à leur compte, jusqu’aux philosophes des Lumières.

Au 17ème siècle et au début du 18ème siècle, les premiers francs-maçons étaient tous soit catholiques, soit protestants.

Si l’expression précise « Grand Architecte de l’Univers » n’est jamais employée, le manuscrit Dumfries rédigé vers 1710 fait référence à « ye great architector of heaven & earth » (le grand architecte des cieux et de la terre), en même temps qu’à « Dieu », ou à « notre Seigneur Jésus-Christ ». Bien entendu, dans le contexte de l’époque, il est précisé que l’apprenti franc-maçon «doit être fidèle à Dieu et à la Sainte Église catholique».

Quelques années plus tard, en 1723, le pasteur James Anderson mentionne explicitement le Grand Architecte, au tout début des Constitutions qu’il fût chargé de rédiger pour la première Grande Loge, celle de Londres et de Westminster : “Adam, notre premier Parent, créé à l’Image de Dieu, le Grand Architecte de l’Univers, a dû avoir les Sciences Libérales, en particulier la Géométrie, écrites sur son Cœur“.

En 1751, Laurence Dermott écrit dans son ouvrage majeur l’Ahiman Rezon, qui est considéré comme le fondement de la maçonnerie des Anciens dont nous nous réclamons : «Le Grand Architecte de lUnivers est notre Maître Suprême».

Dans la divulgation Three Distinct Knocks (Trois Coups Distincts) publiée à Dublin et à Londres en avril 1760, on trouve une prière qui commence par : « Ô Seigneur Dieu, Grand et Universel Maçon du monde, et Premier Constructeur de l’homme comme s’il était un temple […] »

C’est à cette époque, et jusqu’à la fin du 19ème siècle que la franc-maçonnerie s’ouvre à d’autres religions révélées et même, dans certains pays, à d’autres conceptions du divin.

L’ambition de ce mouvement est à tout le moins de rassembler déistes et théistes. Pour tenir compte de cette ouverture et concrétiser sa vocation à rassembler ce qui est épars et à être le Centre de l’Union, on voit l’expression « Grand Architecte de l’Univers » remplacer peu à peu le mot « Dieu ».

Il faut savoir que cette vision, qui vaut pour la France et les pays où la Maçonnerie française a été ou est encore influente, n’a pas cours aux États-Unis, où les mots « Great Architect of the Universe » désignent clairement le Dieu des religions monothéistes, s’alignant de fait sur la Grande Loge Unie d’Angleterre. Elle s’en tient à la résolution qu’elle a adoptée en 1878, selon laquelle « la croyance dans le Grand Architecte de L’Univers et en Sa volonté révélée soit une condition essentielle de l’admission des membres. »

« House of the Temple », « Home of The Supreme Council, 33e » est la Maison du Temple de la Juridiction Sud du REAA, Washington D.C., États-Unis.

Revenons au Rite Écossais Ancien et Accepté. Ce Rite en 33 degrés a été formellement constitué avec la fondation du premier Suprême Conseil, qui s’est réuni à Charleston, en Caroline du Sud, en mai 1801, et c’est avec des patentes de ce premier Suprême Conseil que furent progressivement constitués tous les autres Suprêmes Conseils du monde. Quelques mois plus tard, en décembre 1802, le Suprême Conseil du Rite a adressé aux obédiences maçonniques du monde entier un texte essentiel, la « Circulaire aux Deux Hémisphères », qui créé la structure du R.E.A.A. Ce document s’ouvre par une formule latine que l’on traduit par « A la Gloire du Grand Architecte de l’Univers ».

Nul doute que pour ces fondateurs, le Grand Architecte de l’Univers et Dieu ne sont que deux appellations pour une seule et même entité créatrice. Ils avaient voulu et ils avaient su dépasser leurs différences pour construire ensemble.

Donc le concept de Grand Architecte de l’Univers est ancien et n’est pas exclusivement un concept maçonnique. Mais pourquoi, s’ils ne l’ont pas inventé, les Francs-maçons ont-ils choisi de perpétuer et de se référer à ce concept ?

Certains se demandent donc si l’expression « Grand Architecte de l’Univers » ne serait pas en fait une façon « œcuménique » de nommer Dieu.

Précisons pour ceux qui craindraient que nous nous égarions dans la confusion des genres que d’envisager notre parcours en termes d’éveil spirituel et de quête de transcendance n’implique aucune croyance, aucune adhésion religieuse particulière. Il va de soi que cela ne l’exclut pas davantage.

La spiritualité n’est pas l’apanage des religions.

Des siècles durant, il a semblé que la seule spiritualité possible était celle qu’offraient les religions. C’est-à-dire les systèmes organisés autour d’une croyance en Dieu, en un Dieu révélé, donc un théisme. Ceci est particulièrement vrai dans notre pays, où cohabitent plusieurs religions.

De multiples cultes s’y sont implantés au fil de son histoire complexe et mouvementée, héritiers de la même tradition du Livre. La foi catholique ou protestante y côtoie depuis longtemps le judaïsme, auquel l’Islam s’est ajouté depuis près d’un siècle.

Quoi qu’il en soit, il semblait acquis que religion et spiritualité, ou plutôt aspiration religieuse et quête spirituelle étaient synonymes.

On ne faisait guère référence aux enseignements des philosophes grecs, de Spinoza, des néo-platoniciens, des spiritualités orientales, comme le bouddhisme ou le taoïsme, qui sont d’immenses spiritualités sans croyance en un Dieu, ni en une transcendance.
Pourtant, ces « spiritualités de l’immanence » font une large place au sacré, considérant que chaque élément de la Nature porte une part de sacralité, sans faire aucune référence à quelque Divinité, à quelque Dieu que ce soit.

Nous pouvons donc reconnaître qu’il existe donc une, ou plutôt des spiritualités sans Dieu, comme il en existe avec Dieu.

Mais finalement, sont-elles si différentes ? N’ont-elles pas au contraire en commun de constituer des voies d’élévation de l’homme vers ce qu’il porte de meilleur en lui, vers sa complète réalisation, et sa pleine humanité ?

Avec ou sans Dieu, la spiritualité n’est-elle pas d’abord une recherche en soi-même, une quête de paix intérieure, de sagesse et de sérénité ?

En fait, quand bien même en effet il serait vérifié que chacun de nous a le même entendement du principe qu’est le G\A\D\L\U\, il y a parmi les Franc-Maçonnes et les Francs-Maçons à n’en pas douter, des religieux comme des non-religieux, des pratiquants comme des non-pratiquants.

Mais au-delà de cette diversité dans la foi au sens religieux du terme, ils se rejoignent, dans leur commune recherche de la vérité, dans leur perception impérieuse du Devoir, dans notre persévérance dans l’effort. Surtout, nous nous unissons derrière l’étendard de la tolérance, du respect de la croyance d’autrui.

C’est même en cela que Franc-Maçonnes et Francs-Maçons sont non pas, comme certains, engagés dans une démarche militante de laïcisme voire de laïcardisme, mais bien authentiquement laïcs, c’est-à-dire libres.

Pour l’initié, la spiritualité ne sera en fait pas seulement un champ de recherche ou d’expériences intérieures, mais au-delà la source vivante de valeurs éthiques, le fondement d’un humanisme authentique, profond, engagé, vécu et non seulement proclamé.

C’est ce que la conception du principe créateur qu’est le Grand Architecte de l’Univers, a posé comme fondement de la Franc-Maçonnerie traditionnelle, et plus particulièrement du Rite Écossais Ancien et Accepté.

Ayant dit cela, une question nous vient naturellement à l’esprit :

Ce Grand Architecte de l’Univers est-il le Dieu des théistes, qui croient en Dieu et adhèrent à l’une ou l’autre des religions révélées ; ou est-il le Dieu des déistes, croyant en Dieu mais n’adhérant à aucune religion telle que des hommes les ont organisées et les administrent ?

Certaines obédiences se définissent comme théiste, c’est-à-dire partageant toute croyance en un Dieu révélé et révélant, servi et agissant. Il s’agit de “l’Autre en Soi” autant que de l’Architecte de l’Univers. Ces obédiences se retrouvent ainsi dans toutes les religions qui reconnaissent l’action d’une force suprême sur l’univers (Dieu pour certains).

A dire vrai, libre à chacun d’avoir sur le sujet la réponse qu’il souhaite ! L’essentiel est en effet ici dans la liberté reconnue à chaque individu de penser comme il le souhaite, de croire ou de ne pas croire, de pratiquer ou de ne pas pratiquer.

Si les Francs-Maçons se rassemblent ; au-delà de leurs différences, et si différents qu’ils puissent être, c’est qu’ils ont tous fait, librement et en pleine conscience, le choix de travailler à la Gloire du Grand Architecte de l’Univers.

En fait, à n’en pas douter, le concept de Grand Architecte de l’Univers est au cœur même de la démarche maçonnique traditionnelle, et notamment au cœur du Rite Écossais Ancien et Accepté.

Une question se pose alors : un athée, qui ne croit pas à l’existence de Dieu au singulier ou de dieux au pluriel, et dont la pensée se revendique comme fondée sur le principe du rationnel, pourrait-il dans ces conditions adhérer à un tel concept ? Comment pourrait-il travailler à la Gloire d’une entité à laquelle il ne croit pas ?

Autre question, bien sûr : comment un agnostique, habité par le doute, pourrait-il sérieusement déroger à sa posture de cherchant sur un point aussi essentiel que celui de l’origine de notre monde et le sens de notre vie?  

Laissons athées et agnostiques à leurs questions et à leurs doutes, d’autant que l’on ne peut être certain qu’il n’y en ait pas au sein de nos Loges et surtout la pensée de chacun peut varier au cours de la vie de chacune et de chacun…

La volonté de rassembler ce qui était épars, d’être le Centre d’Union qui permet à des hommes et à des femmes d’origines, d’ethnies et de croyances différentes de se rassembler en fraternité perdure, et même s’étend, se renforce. Et le concept de Grand Architecte apparaît comme l’expression de cette conscience spirituelle partagée, au cœur de la démarche du REAA.

Car dans les loges de REAA, c’est sous l’invocation du Grand Architecte de l’Univers qu’est prêtée la première obligation, et c’est « A la Gloire du Grand Architecte de l’Univers » que le Vénérable Maître créé, constitue et reçoit chaque  Apprenti Franc-maçon.

S’agit-il donc d’un élément dogmatique, c’est-à-dire d’un point de doctrine qui ne peut être ni discuté ni questionné ?

Tout au contraire. Il est essentiel de laisser à chacun la liberté d’interpréter le concept de Grand Architecte de l’Univers librement, et donc de ne pas lui donner une vision restrictive, contrainte et fermée, alors que la démarche maçonnique vise à nous préserver d’un tel enfermement de la conscience et de l’esprit.

Certaines obédiences se définissent comme initiatiques, spiritualistes, laïques et mixtes tandis que d’autres se veulent davantage sociétales.  Le paysage maçonnique français offre une grande variété de postures quant à la spiritualité.

Il existe des obédiences qui mettent la croyance en Dieu et sa volonté révélée en tête de leurs fondamentaux, tandis que d’autres militent contre la restriction à la liberté de conscience que constitue selon eux l’adhésion à un système religieux dogmatique par nature.

Sans  doute les plus avisées ne s’alignent ni sur l’une ni sur l’autre de ces positions. Respectueuse de l’absolue liberté de conscience et de croyance des Frères et Sœurs des Loges qu’elle fédère, ces Grandes Loges considèrent que le fait d’envisager notre parcours en termes d’éveil spirituel et de quête de transcendance n’implique aucune croyance, aucune adhésion religieuse particulière, mais il importe de souligner que cela ne l’exclut en aucune façon.

C’est ainsi qu’elles entendent promouvoir et pratiquer une véritable spiritualité « laïque ».

Rappelons que le mot «Laïque » désigne initialement une personne commune par opposition au possesseur d’un “état religieux”. Et par extension la nécessaire séparation de l’Église et de l’État. L’initiation maçonnique est donc laïque au sens où elle est adogmatique ; vécue sans immixtion de croyances ou de convictions philosophiques, avec le respect de l’autre dans sa différence.

Certains pourraient se demander si l’invocation “à la Gloire du Grand Architecte de l’Univers” utilisée dans les loges de Rite Écossais Ancien & Accepté ne constitue pas un dogme.

La réponse à cette objection est très simple et sans ambiguïté : en aucune façon.

Affirmer que l’univers est organisé, ordonné selon des règles que l’on peut décrire par les outils des sciences, ne suppose ni n’interdit aucune croyance, ne requiert ni ne fait obstacle à aucune foi particulière ni aucune pratique religieuse quelle qu’elle soit.

Bijou des Souverains Grands Inspecteurs Généraux du 33e et dernier degré du Suprême Conseil Grand Collège du Rite écossais ancien et accepté du Grand Orient de France.

Au contraire, la Franc-Maçonnerie de Rite Écossais Ancien et Accepté, en travaillant à la Gloire du Grand Architecte de l’Univers, respecte et encourage la liberté de chacun de ses membres à donner à ce principe la dimension qui correspond à ses propres convictions métaphysiques ou spirituelles, à ses propres convictions religieuses.

Au demeurant, dans cette conception du principe que nous nommons Grand Architecte, il est fait référence à un ordre, à des lois, celles de la Nature, des lois mathématiques, physiques, chimiques, des lois biologiques, génétiques, qui régissent l’évolution et le fonctionnement de l’univers en chacune de ses composantes et de ses structures depuis l’origine et sans que l’on puisse leur envisager un terme ni dans le temps ni dans l’espace.

La spécificité de la démarche maçonnique est celle du questionnement permanent, du refus des certitudes immuables et pré-établies, des jugements définitifs et préconçus.

Les textes fondamentaux indiquent clairement qu’il convient de laisser chaque Frère ou Sœur  libre de ses convictions et de sa pratique religieuse, pour n’exiger que la reconnaissance du Principe Créateur nommé  G∴A∴D∴L∴U∴.

Chacun de nous peut ainsi avoir de ce Principe la perception qu’il veut, celle d’un Dieu qui s’est révélé à sa Création et que l’on peut louer, prier ou invoquer, ou celle d’un ensemble de lois mathématiques, physiques, qui organisent l’Univers, sans que l’on ait une vision anthropomorphe et donc réductrice du Dieu créateur…

A ce stade, il semble intéressant de se poser la question : Qu’en est-il aujourd’hui pour les Francs-maçons et Franc-maçonnes ?

Les rituels ont été conçus pour abstraire notre esprit des questions qui l’agitent dans le monde profane, pour l’ouvrir à d’autres dimensions, en favorisant l’écoute de soi-même et l’écoute de l’autre, dont le regard sur le monde aide à construire le sien propre, soit en le confortant soit en le contredisant, peu importe, mais toujours en l’enrichissant.

Le rituel est ainsi source de liberté de pensée, d’autant qu’il ne véhicule aucune vérité dogmatique à laquelle chacun devrait se soumettre.

Le Franc-Maçon est un Cherchant, inlassablement en quête de Connaissance. A ce titre, il travaille à découvrir- en fait plus humblement à approcher -, au travers d’une démarche intérieure de questionnement sur lui-même, non pas des certitudes descriptives mais une approche intuitive qui lui permette de percevoir, d’apercevoir quelque chose de l’ordre du sens.

Du sens du monde pour donner un sens à sa vie, un sens qui se fonde harmonieusement dans celui de l’Univers, qui concoure à sa beauté et à son développement harmonieux.

Ainsi, notre démarche de cherchants a vocation à structurer le champ de notre conscience – à en organiser le sens. Cette idée d’organisation, d’orientation, d’ordre harmonieux des choses se retrouve dans la devise Ordo ab chao, faire naître l’ordre du désordre.

Chaque Franc-maçon est libre de croire en un Dieu révélé et révélant, et reconnait dans le Grand Architecte le Principe créateur de l’Univers, qui organise et régit l’Univers dans tous ses composants et dans leurs rapports entre eux.

Au-delà, l’Ordre maçonnique n’impose la croyance en aucune révélation particulière et n’exclut ni ne fait référence à aucun au-delà qui s’imposerait à tous comme à chacun.

C’est donc bien le contraire d’un enfermement dogmatique, une démarche de liberté de conscience, de liberté de croyance et de pensée, une voie spirituelle, un chemin de vie qui forme, en fait qui transforme, l’homme par la spiritualité.

La quête d’un Franc-Maçon, qui permet de s’approcher graduellement de la Vérité, degré après degré, a pour caractéristique d’être individuelle – un travail sur soi-même, en soi-même et pour soi-même -, en même temps que collective – impossible à conduire hors du collectif que forme, à chaque degré, la Loge, hors notamment de ce qu’apportent les Frères et les Sœurs déjà plus avancés -.

Sans être convenablement instruit, sans être initié aux outils qui, à chaque degré, permettent de mieux appréhender l’univers et soi-même, sans travail personnel pour véritablement intégrer ces outils, il n’est guère possible de progresser sur les voies de la Vérité et de la Connaissance.

Aller vers la Vérité et la Connaissance signifie s’efforcer de percevoir, en nous-mêmes et dans l’univers qui nous entoure, la marque du Principe créateur que nous nommons Grand Architecte de l’Univers.

Les rituels et leur contenu symbolique non seulement sacralisent le temps et l’espace de nos tenues, mais surtout sont le vecteur nécessaire de la transmission de la Connaissance, ou plutôt des moyens qui permettront d’y accéder.

Les Francs-Maçons et Franc-Maçonnes entendent défendre une véritable ouverture à l’autre, qui procède de la conscience au plus profond de soi d’une même filiation, d’une commune appartenance à la création du Grand Architecte de l’Univers, dans son unicité et dans sa diversité.  Telle est la spiritualité dont ils se réclament.

Concluons en portant la réflexion sur la notion de foi.

L’expression « foi maçonnique » figure dans certains rituels, par exemple lorsque le Vénérable Maître nouvellement élu jure, sur son honneur et sa foi maçonnique, de respecter et de faire respecter la Constitution et les Règlements Généraux de son obédience.

Mais le mot « foi » est plus communément employé dans un contexte religieux. La foi religieuse est l’adhésion à un corpus révélé. Elle suppose une adhésion sans faille à une doctrine. C’est un sentiment qui ne procède pas de la raison. La foi est une croyance qui ne se fonde pas sur un rationnel.

Qu’en est-il de la Foi telle que la conçoit le Franc-Maçon ? Toute notre tradition nous amène à considérer que la foi en ce principe créateur qu’est le G∴A∴D∴L∴U∴ est pour le Franc-Maçon du R∴E∴A∴A∴ d’un autre degré, voire d’une autre nature.

En quoi cette foi est-elle différente ? Qu’on veuille nommer le concepteur et le régulateur du monde « Dieu » ou « Grand Architecte », ce n’est ni un catalogue d’articles de foi, ni un texte – fût-il sacré -, ni une personnalité historique ou mythique.

La foi qui anime les Francs-Maçons et les Franc-Maçonnes  est bien davantage de l’ordre d’une conscience, d’une connaissance ou plutôt d’une re-connaissance de l’absolu qui est en eux, et qui les conduit à une appréhension de l’Absolu et de l’Universel

En plaçant leurs travaux sous l’invocation “À la Gloire du Grand Architecte de l’Univers”, ils ne s’obligent pas à honorer une entité divine personnalisée.

N’ayant aucun parti pris religieux ou philosophique, le Rite reste étranger à toute controverse sur ces sujets ; et sa neutralité et son universalité font qu’il les transcende toutes. Le Rite laisse à ses membres la libre détermination et la pratique privée de leurs convictions dont il n’a pas à se préoccuper.

En ayant choisi de travailler à la Gloire du Grand Architecte de l’Univers, le Rite Écossais Ancien et Accepté reconnaît l’existence d’un Principe d’Ordre à l’œuvre dans l’Univers, on pourrait aussi parler d’un Principe d’Unité. Par cette reconnaissance fondamentale, fondatrice, le Rite engage à œuvrer dans le sens de l’ordre, de la construction, de la paix, de l’harmonie, en même temps qu’à combattre le désordre, la violence destructrice, le chaos.

En fait, le Rite nous engage à ressentir l’unité de la Vie, quelle que soient la diversité et de la multiplicité des formes, ce qui conduit naturellement à devenir solidaires de toute existence. Le Rite invite dès le 1er Degré à reconnaître l’Unité, au-delà des dualités apparentes que sont par exemple le noir et le blanc du pavé mosaïque, ou encore l’Équerre et le Compas, le Soleil et la Lune, etc.

Point n’est besoin à qui n’en ressent pas la présence ni la nécessité d’envisager rien qui soit de l’ordre du surnaturel, du surhumain. Mais dans le même temps, la spiritualité du Rite Écossais Ancien et Accepté est ouverte à ceux qu’une religion révélée aide à s’accomplir comme êtres moraux et vertueux.

Ainsi, le Grand Architecte de l’Univers est le symbole de l’absolue liberté de conscience.

Parce qu’il serait vain de penser si ce n’était pour agir, la voie sur laquelle Maçonnes et Maçons sont résolument engagés dans une loge de Rite Ecossais Ancien et Accepté travaillant à la Gloire du Grand Architecte de l’Univers, est d’abord une voie de réalisation personnelle. C’est aussi une voie de réalisation collective. La finalité de la voie spirituelle et humaniste que propose le Rite est de parvenir à son propre accomplissement, mais aussi celle de l‘engagement et de l’action au service de l’Homme et de l’Humanité.

Dans un monde matérialiste, dangereusement instable, profondément inique, réduisant des peuples entiers à la misère ou les précipitant dans des guerres fratricides, exacerbant les extrémismes de tous bords, le Rite Écossais Ancien et Accepté engage à tourner son regard vers la Lumière et à agir concrètement dans le monde. L’éveil spirituel qu’induit le Rite n’a de sens que s’il se concrétise dans l’ici et maintenant du vécu quotidien, comme dans l’engagement personnel et responsable dans la Cité.

Il s’agit donc pour chacune et chacun qui s’y engage de se mettre au service d’une cause, de LA cause, la cause première, qui n’a besoin d’aucun dogme ni d’aucun culte pour être reconnue, la cause que figurée sous l’appellation de Grand Architecte de l’Univers et qui s’exprime dans ces deux ternaires symétriques à l’ouverture et à la fermeture des travaux dont le sens doit nous pénétrer pleinement à chaque tenue : 

Sagesse, Force, Beauté, Paix, Charité et Joie.

Ne confondons pas vendangeurs et vidangeurs !

1

 (Les « éditos » de Christian Roblin paraissent le 1er et le 15 de chaque mois.)

Selon les religions, la date du Nouvel An varie (v. l’illustration ci-dessous). La Franc-maçonnerie qui fête symboliquement les 6025 ans de la création du monde, en s’inspirant du calendrier biblique où mille ans font figure d’une éternité, la Franc-maçonnerie ne pouvait donc être en reste. Elle a choisi le 1er mars pour marquer le recommencement du tour complet du cercle étiré de la Terre autour du Soleil. On appelle cela une révolution… une révolution qui, apparemment, absorbe toutes celles qui ébranlent l’histoire de l’Homme.

Par la grâce de cette ellipse, je demeurerai moi-même elliptique : tout comme je me suis abstenu de vous infliger un catalogue de célébrations, je vous épargnerai la litanie des fléaux et des calamités qui continuent de s’abattre sur le monde et qui ont, pour la plupart, une cause humaine… Toutefois, quelque chose de planétaire continuera de graviter dans l’orbite de cette chronique.

Ce qu’il y a de planétaire, c’est principalement ce qui ressortit aux puissances de l’esprit – puissances parfois troubles si on les laisse livrées à elles-mêmes mais qui se corrigent et s’administrent sous l’empire de la raison. On comprend mieux pourquoi la raison est d’un tel poids dans les exercices que préconise la Franc-maçonnerie, au renfort de sentiments pacifiques et bienveillants, car il s’agit de faire provende d’humanité, en invitant chacun à prendre place dans un concert universel, sachant que, plus hautement encore que l’universalisme des droits que proclament les chartes, se trouve souverainement visée l’universalité des équilibres tendanciels du vivant, ceux-là mêmes sans lesquels, au-delà de pseudo bénéfices égoïstes immédiats, se creusent, désormais, de tous bords, des précipices annonciateurs de désastres.

Pour ce faire, quelque inaccessible que soit la Vérité dans l’absolu, l’effort d’y tendre réclame déjà de débusquer inlassablement le mensonge voire de pourfendre l’imposture, en toutes circonstances, car l’initié comme être humain accompli n’a de cesse d’ouvrir les yeux sur la réalité, avec le souci de s’ancrer dans la pluralité des faits établis et d’y concilier les contraires. Comment se laisserait-il persuader par des bonimenteurs endiablés qui, en n’ayant que deux cibles : celle qu’ils veulent gagner et celle qu’ils veulent perdre, attisent à tout propos des oppositions exacerbées, sachant qu’ils nourrissent inversement peu de respect pour le public qu’ils flattent et une haine démesurée pour les prétendus ennemis qu’ils vomissent ? Veillons à n’obéir qu’à des consignes intérieures se déployant harmonieusement dans le grand mouvement des choses, ce par quoi tout se fait et se renouvelle pour le bien commun !

BREF, si j’ai un premier vœu à formuler pour nous tous, Mes Sœurs et mes Frères, en ce Nouvel An maçonnique, il pourrait se résumer ainsi : ne confondons pas vendangeurs et vidangeurs !

Sagesse – Force – Beauté

Des qualités à cultiver en soi ! Par son travail et sa réflexion, l’initié doit en faire le fondement de son parcours. Tel est le but ultime de ses efforts, de son savoir et de son élévation spirituelle.

Approfondissons cette idée.

Les mathématiciens s’accordent à reconnaître en Euclide la maîtrise de l’Essentiel. Mais qu’était cet Essentiel ? Il s’agissait, et il s’agit toujours, de la science des mathématiques et de la géométrie, intimement liées à la Sagesse. Bernard de Clairvaux, abbé de Cîteaux, en fit une discipline d’étude pour les moines bâtisseurs, qui la nommèrent le « Trait » et l’adaptèrent à l’architecture sacrée. Les artisans du bâtiment en tirèrent un enseignement, transformé en art de concevoir et d’édifier, donnant naissance au Compagnonnage, avec ses règles strictes de savoir et de secret. De là, nous pouvons dire que la Franc-Maçonnerie a émergé, vénérant, peut-être plus qu’ailleurs, la Sagesse comme vertu, prudence, don de l’esprit et science du discernement.

C’est sur la colonne du Nord, où il prend place après son initiation, que l’apprenti rencontre la Sagesse, imposée par l’obligation du silence. Ce silence lui permet d’écouter – non pas seulement d’entendre – puis de méditer sur ce qu’il a vu et perçu durant la Tenue, pour en extraire, avec sagesse, les leçons nécessaires à son cheminement. Car la Sagesse est une quête intérieure : elle diffère de la science, l’une étant profane, l’autre sacrée. Elle réside en chacun, jeune ou vieux, sans limite d’âge. Les anciens n’en détiennent pas davantage que les autres, malgré la croyance populaire.

3 Piliers
3 Piliers – Sagesse Force et Beauté

La Sagesse inspire des sentiments qui nous rendent capables d’apprécier le monde avec discernement, sans préjugés liés à la condition sociale, économique ou matérielle, pour offrir amitié, respect, aide ou amour. Elle régule nos instincts, nous guide vers une juste perception des situations et nous pousse à agir avec équité envers tous, en évitant les impulsions nuisibles à notre raison. Si nous dévions, elle nous révèle nos erreurs et nous ramène sur la voie droite. Pour cela, comme les compagnons calculant leurs constructions, il faut faire appel à la Force – celle des matériaux pour eux, celle de notre caractère pour nous. Une Force maîtrisée par la Sagesse, car sans elle, nul ne peut se dominer ni reconnaître ses fautes.

Lors de son initiation, le néophyte reçoit un mot lié à la colonne qui lui est assignée, signifiant « La force est en lui » ou, plus simplement, « En Force ». Ce principe lui est donné pour qu’il l’emploie avec toute la Sagesse dont il dispose, en contrôlant ses élans et en prenant conscience du travail à accomplir pour polir son ego, tailler sa pierre – comme le dit le rituel – et en faire un élément digne du Temple intérieur qu’il commence à bâtir en s’engageant dans cette voie.

La Sagesse ne s’enseigne pas, elle s’acquiert. Marcel Proust écrit : « On ne reçoit pas la sagesse, il faut la découvrir soi-même, après un trajet que personne ne peut faire pour nous. » Les Chinois disent : « Le sage s’interroge lui-même, le sot interroge les autres. » Elle est un pilier de la connaissance, visant non le pouvoir, mais elle-même comme finalité.

Peinture de James Tissot représentant Bezalel (circa 1896).

Dans Exode (31, 2-3), il est dit : « Vois, j’ai nommé Betsaléel, fils d’Uri, fils de Hur, de la tribu de Juda. Je l’ai rempli de l’esprit de Dieu, lui donnant la Sagesse (hokhmah), l’intelligence et le savoir pour toutes sortes d’ouvrages. » Cette Sagesse, attribut divin, est celle que Dieu déploie pour créer l’Univers. Dans Proverbes, elle se tient dès l’origine auprès du Créateur : « Quand il disposa les cieux, j’étais là ; quand il affermit les fondations de la terre, j’étais à ses côtés comme un frère de lait. »

Attribut divin, la Sagesse forme avec la Force et la Beauté la triade qui soutient la Loge, reflet de l’Univers. Associée à la lumière émanant du Vénérable Maître, elle s’harmonise avec la Force, elle aussi issue de lui. Anderson nous rappelle : « Cette géométrie selon laquelle le Grand Architecte a ordonné le monde, Il l’a inscrite dans le cœur d’Adam, créé à Son image. » Il ajoute : « Nous ne faisons que tenter de L’imiter, sans atteindre Sa perfection. » Nous, Maçons, savons que le sacré réside en nous, tout comme la Sagesse, qu’il nous faut cultiver, bien que sa pleine révélation reste hors de ce monde.

C’est pourquoi la Force – de travail et de caractère – est essentielle. Comme le deuxième pilier soutient l’édifice, elle porte nos efforts pour tailler notre pierre avec passion, la rendant belle et admirable, capable d’inspirer autrui à nous rejoindre dans cette quête de vertu. Les bâtisseurs, nos possibles ancêtres, dressaient leurs plans avec Sagesse, choisissaient les pierres pour leur Force et les assemblaient pour créer la Beauté, en harmonie avec leurs calculs. De même, nous devons évaluer nos engagements, mesurer nos capacités et viser un accomplissement qui, bien que discret, rayonnera par notre exemple.

Si notre travail améliore notre être, alors il pourra être admiré pour sa Force et sa Beauté. Car une œuvre réalisée avec cœur, même imparfaite, est toujours belle. Ainsi, nous portons au-dehors ce que nous avons reçu dans le Temple, éclairant le monde profane de notre lumière, comme les compagnons ornaient leurs édifices de sculptures attirant les regards et invitant à entrer. Que notre rayonnement suscite chez autrui le désir de partager notre quête de Beauté et de connaissance !

À la fermeture des travaux, le Vénérable Maître, éteignant la colonne Sagesse, proclame : « Que la paix règne sur la terre. » Le sage, en paix avec lui-même et le monde, ne sait pas : il comprend. Son silence n’est ni faiblesse ni ignorance, mais quête de paix pour lui et pour l’Univers, dans une méditation sans fin.

Mes Frères, je n’ai pas défini ces trois piliers – Sagesse, Force, Beauté – comme on le fait souvent. J’ai voulu partager ce qu’ils m’inspirent, à moi, Franc-maçon, contemplant leur présence à chaque Tenue, cherchant un sens à ma vie sur ce chemin de lumière.

01/03/25 : Rencontres Initiatiques – Spiritualité en Franc-maçonnerie, à Ronchin

La 1ʳᵉ édition des Rencontres Initiatiques & Spiritualité en Franc-Maçonnerie se tiendra le samedi 1ᵉʳ mars 2025, à la Maison des Associations de Ronchin.
Organisée sous l’égide du Grand Prieuré des Gaules (GPDG), des Loges Nationales Françaises Unies (LNFU) et de la Province d’Auvergne Opéra (GLTSO), cette rencontre a pour vocation d’explorer les liens profonds entre la franc-maçonnerie et la spiritualité chrétienne.

Un programme riche et accessible à tous, francs-maçons et profanes.
Cet événement, gratuit, s’articulera autour de conférences, tables rondes et séances de dédicaces, permettant aux participants de s’immerger dans les réflexions sur la compatibilité entre la franc-maçonnerie et le christianisme.
Programme de la demi-journée

Maison des Associations, Ronchin.
Maison des Associations, Ronchin.
  • 14h00 – Ouverture de la rencontre par Yonnel Ghernaouti
  • 14h15 – 15h30 – Conférence de Patrick Rodner : « Peut-on être Franc-Maçon et chrétien ? »
    Patrick Rodner est professeur agrégé de philosophie à Limoges, où il enseigne également l’éthique médicale et l’anthropologie dans l’enseignement supérieur. Dans son ouvrage Peut-on être franc-maçon et chrétien ?, Patrick Rodner explore la compatibilité entre l’appartenance à la franc-maçonnerie et la foi chrétienne.
  • 15h45 – 17h00 – Table ronde : « Franc-Maçonnerie et Christianisme : dialogue autour de la foi et de la fraternité »

Animée par Yonnel Ghernaouti, avec la participation de Faustin Assouan, Roger Dachez, Patrick Rodner et Dominique Vergnolle

  • 17h00 – 18h00 – Rencontres exclusives avec les auteurs – Dédicaces au stand DETRAD
Site de la Grande Loge de France, Ronchin (Nord)
Site de la Grande Loge de France, Ronchin (Nord)

Un rendez-vous qui permettra de s’interroger en profondeur sur une question souvent vue sous un angle historique et conflictuel avec le catholicisme mais revu ici à l’aune de principes et de valeurs à la croisée des chemins.

En effet, que l’on soit initié ou profane, croyant ou en quête spirituelle, cette rencontre se veut un espace d’échange et de réflexion autour de l’ésotérisme chrétien et de la voie initiatique maçonnique.

Infos pratiques :

Maison des Associations, 3 rond-point des Acacias, 59790 Ronchin
Date : Samedi 1ᵉʳ mars 2025, de 14h à 18h

Entrée libre et gratuite : Inscription en ligne (cliquez ici)

Suivi de l’événement sur Facebook

Enquête sur la presse et la Franc-maçonnerie à Guadalajara

De notre confrère espagnol nuevaalcarria.com

Le livre « Réflexions de sociétés. Nouvelles perspectives à travers l’histoire de la communication », aux éditions Tirant, vient de paraître. Il s’agit d’un travail collectif auquel ont participé divers chercheurs d’Espagne, d’Europe et du reste du monde, analysant divers thèmes du passé. Dans ce contexte, une nouvelle étude a été publiée sur l’avenir maçonnique de la province d’Arriaca. Il s’agit de « Franc-maçonnerie et journalisme ». « Le cas de  Flores y Abejas , à Guadalajara », écrit par le journaliste et historien Julio Martínez. Il s’agit d’un ouvrage d’une vingtaine de pages, qui constitue le huitième chapitre du recueil, qui peut être consulté au lien suivant .

« Les loges sont devenues un sujet de confrontation dans les journaux, générant un débat important sur les francs-maçons et leur intervention dans la sphère publique. Un exemple en est Guadalajara (Espagne) », explique l’auteur de l’ouvrage. Cet ouvrage « examine ce sujet pendant la Seconde République, une étape clé de l’histoire espagnole, au cours de laquelle le système politique du pays a été transformé ». Dans ce contexte, « il est intéressant de savoir comment les médias locaux d’Arriaca ont abordé l’entité, en choisissant  Flores y Abejas , la principale publication générale de l’époque », décrit Julio Martínez. Cet en-tête a été sélectionné pour analyser la manière dont la presse a abordé un sujet tel que la franc-maçonnerie.

En fin de compte, « la presse est une source très importante de connaissance du passé », affirme Martínez García. Sans oublier que le journalisme – aussi bien à Guadalajara qu’en Espagne et dans le reste du monde – est devenu l’un des registres les plus pertinents de la vie sociale. Il a donc été décidé d’analyser la publication susmentionnée – Flores y Abejas – durant la période comprise entre l’avènement de la Seconde République et sa fin.

C’est une période suffisamment longue pour observer le traitement des réalités maçonniques dans le journal choisi. À son tour, cette phase a coïncidé avec les dernières années de la vie de la loge « Arriaco N° 8 », qui – fondée en 1925 dans la capitale Guadalajara – est restée en activité – au moins – jusqu’en 1933. « Certains des noms les plus éminents de la sphère politique, sociale et culturelle de la province y ont été intégrés », explique l’auteur. De cette manière, on prétend démontrer que les médias généralistes – comme  Flores y Abejas – étaient plus aseptisés à l’égard des loges.

L’auteur

Julio Martínez García est titulaire d’une licence en journalisme de l’Université Complutense de Madrid et d’une licence en histoire de l’Université de Salamanque, où il a également obtenu un master en études latino-américaines, en collaboration avec l’Université Paris 3-Sorbonne-Nouvelle. Il a également étudié les masters en « Histoire de la Franc-Maçonnerie en Espagne », « Journalisme Transmedia » et « Communication Scientifique » à l’UNED.

Il a travaillé comme reporter pour les médias locaux et régionaux de Guadalajara, Castille-La Manche et Saragosse, tels que Henares Al Día et Nueva Alcarria. Il a également travaillé à l’Agence EFE (dans sa filiale CDMX), à Wall Street International, à El Confidencial, à El Obrero et dans des entreprises de presse mexicaines, où il a été reporter sur la politique, la science, la culture et l’environnement. Actuellement, il collabore avec le magazine Quercus, avec le titre La Plazuela de Sigüenza, avec El Decano de Guadalajara et avec El Asombrario, une publication numérique spécialisée dans la culture et la nature associée au journal Público.

Il a également enseigné l’espagnol à l’Université d’Evry-Val d’Essonne (près de Paris) et l’histoire au Colegio Williams, situé au Mexique. En France, il a également été éditeur de contes pour enfants, tandis qu’en 2016, il a été conseiller de l’Athénée espagnol du Mexique, institution fondée en 1949 par des exilés espagnols dans ce pays américain.

Martínez a participé à plusieurs conférences académiques à Puebla (Mexique), Paris, Lisbonne, Madrid, Gijón, Gibraltar, Ceuta, Mexico et Guadalajara (Espagne), axées sur la communication, le journalisme et l’histoire, entre autres sujets. Il a à son actif une douzaine d’articles scientifiques dans des publications internationales. Il a écrit plusieurs livres, tant collectifs que solo. Parmi eux, « La franc-maçonnerie à Guadalajara », « La liberté d’expression et de presse dans les Constitutions du Mexique de 1917 et d’Espagne de 1931 », « La franc-maçonnerie dans la presse mexicaine à la fin du XIXe siècle », « Guadalajara, terre de légendes » et « Guadalajara : histoire d’une fraternité entre l’Espagne et le Mexique », en collaboration avec l’historien Jesús Peguero Rastrollo.

Plus précisément, Martínez a été le commissaire de l’exposition qui commémore le jumelage des deux Guadalajaras, l’espagnol et le mexicain, qui a été inaugurée en 2023. Entre 2015 et 2020, il a été membre de l’équipe éditoriale de la revue universitaire « Mundo Histórico : Revista de Investigación ». De même, en 2015, il a fait partie du corps enseignant de l’Université de Salamanque en tant que représentant de la Faculté de géographie et d’histoire, et a donné des conférences et des cours de courte durée en Espagne, au Mexique et en France. Il est directeur de la maison d’édition hispano-mexicaine Océano Atlántico Editores.

Non à la « diplomatie des otages »

La Fédération Française de l’Ordre Maçonnique Mixte International LE DROIT HUMAIN condamne fermement toute prise d’otages, qu’elle soit le fait d’organisations terroristes ou d’Etats. Dans un monde qui aspire à la protection des droits humains et au respect du droit international, cette pratique apparaît comme un reliquat barbare et une menace pour la stabilité des relations internationales.

Aujourd’hui, ces enlèvements et séquestrations, parfois suivis d’exécutions, se développent, et l’essor des médias et des technologies de l’information accentuent l’impact symbolique de ce qui constitue une forme de « diplomatie des otages ». Ces actions, qui portent atteinte à la dignité humaine en réduisant une vie à un simple objet de négociation, exposent des hommes, des femmes et même des enfants à des traitements inhumains.

Jean-Jacques-François Le Barbier (dit l’Aîné, attribué à, 1738-1826). “Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. La Monarchie, tenant les chaînes brisées de la Tyrannie, et le génie de la Nation, tenant le sceptre du Pouvoir, entourent le préambule de la déclaration”. Huile sur bois. Paris, musée Carnavalet.

Cette pratique viole les principes énoncés dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme ainsi que dans diverses conventions internationales qui garantissent la protection des personnes en situation de conflit, y compris les conventions de Genève mondialement ratifiées.

En plus de bafouer les droits humains essentiels, ces exactions fragilisent la stabilité des relations internationales : chaque prise d’otage tend à polariser les camps, exacerbe les tensions, complique la résolution pacifique des conflits et met à mal notre sécurité collective en incitant à des ripostes qui peuvent dégénérer en conflits de grande ampleur.

Selon l’ONG Hostage Aid Worldwide, la France compte actuellement 9 otages détenus dans les pays suivants : Algérie, Azerbaïdjan, Émirats arabes unis, Iran, Russie.

Selon la même organisation, il y aurait un peu plus de 170 otages dans le monde, la France figurant au second rang des pays victimes derrière les États-Unis.

En ce jour où Shiri Bibas et ses deux petits garçons Ariel et Kfir, otages du Hamas, sont enterrés, toutes nos pensées vont à leur famille.

Nous réaffirmons notre soutien aux otages dans le monde et à leur famille.

Nous poursuivrons notre action auprès des autorités diplomatiques de notre pays pour que les otages français soient libérés sans condition.

Sylvain Zeghni Grand Maître National du Droit Humain

Le 26 février 2025

Sylvain Zeghni Grand Maître National de la Fédération Française de l’Ordre Maçonnique Mixte International LE DROIT HUMAIN

« Je vous crée, constitue et reçois apprenti Franc-maçon »

Lors de la cérémonie d’initiation et d’intégration au Premier degré du Rite Écossais Ancien et Accepté arrive un moment essentiel : le néophyte devient membre de la Loge au sens plein du terme. Le Vénérable Maître l’invite à gravir les marches de l’Orient et le reçoit « Apprenti Franc-maçon de REAA » et membre de sa Respectable Loge en plaçant sur sa tête puis ses épaules son épée flamboyante qu’il frappe de trois légers coups de maillet.

De nombreux maçons se souviennent de ce moment très intense, genou GAUCHE à terre face au Vénérable Maître car sa dimension symbolique est émouvante et puissante.

Cette symbolique fait le lien avec l’histoire. Il s’agit là d’une référence initiatique qui donne sa densité à l’engagement pris quelques instants auparavant. C’est un moment de tension dynamique qui a pour équivalent la prestation de serment dont je parlerai à une autre occasion.

Ce passage renvoie à l’adoubement du jeune chevalier médiéval pour lequel il était la conclusion d’un rite de passage : il devenait chevalier à part entière, au service de ses pairs, comme eux-mêmes se mettaient à son service, dans une stricte symétrie et réciprocité. Il fallait à tous du courage, de la générosité et de la fidélité.

Des milliers de jeunes hommes sont morts pour cet idéal auquel ils avaient juré de se consacrer. On n’en demande heureusement pas autant au jeune Maçon. Mais il est bon de rappeler l’histoire que nous avons reçue en héritage, ne serait-ce que pour nous inspirer des vertus et des mérites de ceux qui nous ont précédés.

Un langage performatif

On peut toutefois souligner un autre point aussi important.

C’est le caractère performatif du langage employé par le Vénérable Maître dont j’ai déjà parlé plus haut. Nous utilisons quotidiennement le langage courant qui a une fonction essentiellement expressive, permettant d’informer à un premier niveau et de communiquer à un second. Mais cet usage reste descriptif. Il dit ce qui est ou ce qui se voit. Il n’a pas pour fonction de créer ou de générer et ne relève pas de l’action.

Or, le moment initiatique dont nous parlons, en revanche, se réfère au langage de l’action : le Vénérable Maître crée véritablement un Franc-maçon.

Et il le dit. C’est une parole de création. Elle est action. C’est un langage performatif.

« Je vous crée, constitue et reçois Apprenti Franc-maçon » dit le Vénérable Maître au moment de la réception. Il crée un nouveau Franc-maçon, tout comme à l’ouverture des travaux, il crée un monde nouveau lorsqu’il déclare « Mes Frères, nous ne sommes plus dans le monde profane, nous avons laissé les métaux à la porte de la Loge, élevons nos cœurs en Fraternité et que nos regards se tournent vers la Lumière. »

Cette affirmation de la capacité du langage à créer un monde est en rupture avec l’idée fréquemment alléguée qui disqualifie souvent la parole au profit de l’action, comme le fait J.W. von Goethe dans son texte fameux sur le Prologue de Jean « Im Anfang war das Wort » dans son célèbre « Faust ».

L’emploi du langage performatif est ainsi, de manière subliminale, une invitation adressée au jeune Maçon à s’engager lui aussi dans l’action dès qu’il sera en mesure de le faire au cours de sa démarche initiatique. Il sera invité à aller achever « au dehors l’œuvre commencée dans le Temple ». La démarche initiatique n’est pas une démarche solitaire de repli sur soi, mais au contraire d’ouverture vers nos Frères et Sœurs et sur l’aventure de l’humanité vers plus et mieux d’intelligence et de conscience.

Un processus complet : initiation et réception

Cérémonie d’initiation

Il y a donc bien au RITE ÉCOSSAIS ANCIEN et ACCEPTÉ une mort symbolique suivie d’une renaissance symbolique, un ensemble séquencé par les différentes épreuves de la Terre, de l’Air, du Feu et de l’Eau – renvoyant aux éléments du grec Empédocle – elles-mêmes suivies par la prestation de Serment. Mais cette initiation est une invitation et une incitation à la transformation de soi, elle n’est pas encore l’entrée dans un nouveau groupe.

Elle est une invitation à la « mutation ontologique du régime existentiel » selon la formule bien connue de Mircea Eliade dans Naissances mystiques.

Et la cérémonie d’initiation – qui prélude au processus initiatique qui se poursuivra durant toute la vie – se conclut par la réception « Je vous reçois Apprenti Franc-maçon » dit le Vénérable Maître, en conclusion de la cérémonie.

Le Serment (Dionysos Tsokos, 1849) illustre une cérémonie d’initiation : le pope semble être Grigórios Phléssas, le combattant Theódoros Kolokotrónis.

La cérémonie est donc complète : transmutation du profane en franc-maçon et réception au sein d’une communauté de fraternité élective qui crée un lien d’appartenance sans cause biologique.

La réception marque l’intégration du postulant dans le groupe de sa loge et plus largement dans la communauté maçonnique universelle.

La réception matérialise les rapports de fidélité et de solidarité qui deviendront un impératif catégorique au sens kantien, une obligation que l’on s’impose du fait de son appartenance.

« On choisit pas ses parents, on choisit pas sa famille » dit la chanson. Mais on peut choisir la communauté fraternelle dans laquelle ou veut apprendre et agir même si on ne la connaît en réalité que très peu avant la chaîne d’union où chacun découvre les membres de la loge lorsque le bandeau est retiré de ses yeux.

La réception est alors accomplie. Chaque membre trouve sa place dans un ensemble qui le transcende tout en lui laissant sa liberté de pensée et d’expression sous réserve par chacun du respect de l’intelligence et de la sensibilité de tous.

L’accolade fraternelle

Cabinet de réflexion maçonnique
Cabinet de réflexion maçonnique

Pour finir, un mot sur l’accolade fraternelle qui conclut cette séquence. Le Vénérable Maître la fait au nouvel Apprenti au nom de tous les membres de la Loge.

Cette accolade d’accueil, qui est une accolade joue contre joue, est parfois confondue par certains membres très affectueux avec de gros bisous mouillés sur les joues de celui qui les reçoit… et qui est obligé ensuite de les essuyer alors qu’il n’a pas toujours le petit mouchoir en papier qui lui permet de le faire… Il s’agit d’une accolade dont j’imagine que la période Covid 19 vécue en 2020 et 2021 a sans doute, pour des raisons sanitaires, modéré les ardeurs des pratiquants…